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Les Éditions du patrimoine présentent
Religieuses dans la ville
L’architecture des Visitandines. XVIIIe et XVIIIe siècles
Collection « Patrimoines en perspective »
134 couvents construits à travers la France en deux siècles.
Des femmes maîtres d’ouvrage au cœur du XVIIe siècle.
Un sujet entièrement inédit.
Contacts presse :
Anne Samson communications : Catherine Dufayet / Andréa Longrais - 01 40 36 84 32 – [email protected]
Centre des monuments nationaux : Emmanuel Egretier - 01 44 61 22 31 – [email protected]
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Communiqué de presse
Fondé par François de Sales et Jeanne de Chantal en 1610 à Annecy, l'ordre de la Visitation
Sainte-Marie a connu une expansion fulgurante à travers toute la France : on comptait 134
couvents et églises à la veille de la Révolution.
Reflet de l'attractivité de la spiritualité salésienne, ce mouvement s'accompagne d'un prodigieux
élan constructif dont l'ampleur et l'originalité résultent principalement de la spécificité du
monachisme féminin après le concile de Trente. Assujetties à la règle de la clôture la plus stricte,
les visitandines doivent rester recluses et "invisibles" à l'intérieur de l'enceinte de leur couvent.
Contrairement à l'usage médiéval, elles sont tenues de s'installer en ville et de s'ouvrir
partiellement au monde extérieur en donnant aux laïcs accès à leur église et en accueillant
femmes retraitantes et jeunes filles pensionnaires. Enfin, elles doivent s'en tenir, avant de bâtir, au
plan type dessiné à l'instigation des fondateurs dans le but de maintenir l'unité architecturale de
l'ordre, reflet de son unité spirituelle. Véritables maîtres d’ouvrage – et parfois architectes- elles
font aussi travailler les plus grands architectes locaux. Immanquablement, les constructions
visitandines résultent de ces tensions entre les valeurs traditionnelles de l'idéal monastique
(pauvreté, renoncement, isolement) et les contingences topographiques, économiques et sociales
de la réalité urbaine.
Comme le souligne Claude Mignot dans sa préface, Laurent Lecomte apporte ici « une pierre
essentielle à la connaissance d’un épisode majeur de la spiritualité catholique des XVIIe et XVIIIe
siècles ».
Quelques exemples aujourd’hui en France :
À Paris, temple de la Visitation Sainte-Marie (rue Saint-Antoine), Avignon (propriété privée),
Beaune (siège historique des vins Patriarche), Blois (Conseil général du Loir-et-Cher),
Grenoble (musée Dauphinois), Limoges (Conseil général de la Haute-Vienne), Lyon (Centre
d’art Les Subsistances), Montpellier (université de Montpellier), Moulins (musée de l’Ordre
de la Visitation), Nantes (projet hôtelier), Romans (musée international de la Chaussure),
Rouen (musée départemental des Antiquités), Salins (HLM), Sisteron (musée municipal
Terre et Temps), Tours (préfecture), Troyes (monastère de Visitandines)…
Religieuses dans la ville
L’architecture des Visitandines XVIIIe et XVIIIe siècles
Par Laurent Lecomte
Parution : 22 août 2013 – Prix : 59 euros
24 x 28 cm – broché grands rabats – 304 pages – 320 illustrations
EAN 978-2-7577-0145-4
En vente en librairie
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Le sommaire
Claude Mignot. Un patrimoine méconnu
Bernard Dompnier. Les monastères, miroir de l’ordre
Introduction
I. Réforme catholique et renouveau architectural :
les couvents de la Visitation en France
- Vie régulière et société. De la fondation de l’ordre à la Révolution
- À la recherche d’un idéal architectural. Le plan type de la Visitation
- Un idéal pragmatique. Le programme architectural de la Visitation
- Bâtir un monastère. Les conditions matérielles
- Des visitandines et des hommes. Le chantier des monastères
II. Formes et espaces de l’architecture visitandine
- Le plan d’ensemble : force et souplesse du plan type
- Au cœur de la clôture : le cloître
- Les « dedans »
- les « dehors »
- L’église
III. Cas particuliers, documents et inventaire monumental
- Le monastère de Châlons-sur-Saône : la conquête d’un territoire
- Ad majorem Genitricis Dei Gloriam : Notre-Dame-des-Anges et l’architecture des
rotondes
- « Advis de nre très Digne et BH Mère… »
- « Observations sur le plan du Coutumier… »
- L’expansion de l’ordre de la Visitation au XVIIe siècle
- Répertoire des couvents de la Visitation en France. Cartes
- Bibliographie, index.
L’auteur
Docteur en histoire de l'art (Paris IV – Sorbonne), Laurent Lecomte est spécialiste de
l'architecture religieuse de la période moderne (XVe – XVIIIe). Enseignant-chercheur depuis
2001, il est l’auteur de nombreux articles scientifiques ou de vulgarisation sur la question et
co-auteur de La place du chœur. Architecture et liturgie du Moyen âge aux Temps modernes
(Picard / Campisano editore 2012).
Claude Mignot est professeur émérite d’histoire de l’art et de l’architecture à l’université
de Paris-Sorbonne. Bernard Dompnier est professeur émérite d’histoire moderne à
l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand.
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La collection « Patrimoines en perspective »
Beaux livres de référence, ces ouvrages proposent une approche transversale et
pluridisciplinaire de sujets patrimoniaux variés. Ils font le point sur les recherches et
découvertes les plus récentes à l’aide d’une iconographie de grande qualité. Nécessaire aux
professionnels, aux étudiants et aux amateurs d’architecture, de sociologie urbaine ou
d’histoire contemporaine, elle est à découvrir par ceux qui s’intéressent aux patrimoines.
Collection éditée avec le soutien de la direction générale des Patrimoines du ministère de la
Culture et de la Communication.
À paraître
Phares
Le patrimoine protégé des côtes françaises
Dirigé par Vincent Guigueno et François Goven.
Octobre 2013 : 232 pages, environ 45 €.
Déjà paru
Villégiature des bords de mer
Architecture et urbanisme XVIIIe-XXe siècle
Par Bernard Toulier.
400 pages, 61 €.
Les Éditions du patrimoine
Les Éditions du patrimoine sont la direction éditoriale du Centre des monuments nationaux
et l’éditeur délégué des services patrimoniaux du ministère de la Culture et de la
Communication. Assurant à ce titre une mission de service public, elles ont vocation, d’une
part, à rendre compte des derniers acquis de la recherche dans des domaines aussi variés
que le patrimoine immobilier et mobilier, l’architecture, l’histoire de l’art et l’archéologie et,
d’autre part, à diffuser la connaissance du patrimoine auprès d’un large public. Grâce à une
quinzaine de collections – guides, beaux livres, textes théoriques, publications scientifiques –,
les Éditions du patrimoine s’adressent aux amateurs et aux professionnels, aux étudiants et
aux chercheurs mais aussi aux enfants et aux publics en situation de handicap.
Avec plus de trente nouveautés par an éditées en propre ou coéditées avec le secteur privé,
le catalogue offre plus de 500 références, régulièrement réimprimées et mises à jour.
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Quelques pages
R É F O R M E C AT H O L I Q U E E T R E N O U V E A U A R C H I T E C T U R A L : L E S C O U V E N T S D E L A V I S I TAT I O N E N F R A N C E ( 1 6 1 0 - 1 7 9 2 )
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Vie régulière
Les
châteauxetdusociété
bord de mer
De la fondation de l’ordre
à la Révolution
Double page précédente
15
Nicolas Mignard (1606-1668),
La Visitation, 1640-1645. Avignon, église
de Notre-Dame-de-Bon-Repos.
Commandé par Mario Filonardi, vice-légat
d’Avignon, le tableau ornait le retable
du maître-autel de la chapelle du premier
monastère de la Visitation d’Avignon
(aujourd’hui rue Philonarde). Mignard est
l’auteur de trois autres toiles sur le même
thème (Luc I, 39-56), emblématique de
l’ordre, dont l’une peinte pour le second
couvent d’Avignon. Son frère Pierre Mignard
(1612-1695), installé à Rome, est lui-même
l’auteur d’une Visitation, célèbre en son
temps, toujours en place dans la chapelle
des Visitandines de Caen (voir p. 224).
Étienne Martellange (1569-1641), François
de Sales, huile sur bois, vers 1599-1603.
Annecy, coll. part.
Un papier collé au dos de la toile, signé
du R. P. Ménestrier, nous apprend que
ce portrait de François de Sales a été peint
sur le vif par le frère jésuite Étienne
Martellange, « qui fut son secrétaire ».
Divers recoupements permettent de situer
la date d’exécution entre 1599 et 1603,
année où Martellange entre dans
la Compagnie de Jésus qu’il va servir
comme architecte jusqu’à sa mort (1641).
De l’aveu même de Ménestrier, jésuite
très proche de la Visitation, le portrait est
fidèle à « la vraie ressemblance » du saint
fondateur de l’ordre.
Philippe de Champaigne, Jeanne de Chantal,
siècle. Chambéry, musée des Beaux-Arts.
Issue d’une famille de la noblesse de robe
dijonnaise au catholicisme fervent,
Jeanne-Françoise Frémyot (ou Frémiot)
[1572-1641] manifeste très tôt des
dispositions mystiques. Le 28 décembre
1592, elle épouse Christophe de Rabutin,
baron de Chantal, et s’installe au château
de Bourbilly, près de Semur-en-Auxois.
De leur union naissent six enfants, dont
Celse Bénigne, père de la marquise
de Sévigné (1626-1696). Veuve en 1601,
la baronne de Chantal se réfugie dans la foi.
En 1604, elle entend François de Sales
prêcher le carême à Dijon. Point de départ
d’une profonde complicité spirituelle, cette
première rencontre aboutit en 1610 à
la création de la Visitation à Annecy.
Dès lors, celle qui se fait désormais appeler
« mère de Chantal » se voue corps et âme
à la consolidation et au développement
de l’ordre, à travers d’incessants voyages
et une intense activité épistolaire. Après
une dernière visite à Paris, elle décède
le 13 décembre 1641 au monastère
de Moulins. Jeanne de Chantal est béatifiée
le 21 août 1751 et canonisée en 1767.
XVIIe
La Visitation : origines et originalités
L’ordre de la Visitation est né de la rencontre, en mars 1604
à Dijon, de deux figures majeures de l’Église catholique
post-tridentine, François de Sales et Jeanne de Chantal. Six
ans plus tard, le 6 juin 1610, un petit groupe de femmes
pieuses, réunies autour de cette dernière, s’installe dans
une modeste maison d’Annecy, appelée « la Galerie », où le
fondateur prend l’habitude de venir s’entretenir avec ses
protégées. Le petit groupe adopte alors le nom de l’épisode
évangélique de la Visitation (Luc I, 39-56), afin de mettre
en relief l’une des leçons fondamentales de ce mystère
joyeux, l’humilité et la charité de Marie envers sa cousine
Élisabeth que chaque visitandine est invitée à imiter. Rien
ne laisse présager, à ce moment-là, la longue lignée qui
sortira de cette première fondation. Pour François de Sales,
il s’agit d’expérimenter un nouveau mode de vie religieuse
pour les femmes, alliant contemplation – chercher l’amour
de Dieu à travers l’oraison et la prière – et action – porter
soin et assistance aux malades. La fondation, en 1615,
d’un premier monastère à Lyon, hors de Savoie ducale, a
bouleversé ce projet initial. L’évêque de Genève doit se
résoudre à transformer le petit « institut » annécien en
Noël Hallé (1711-1781), François de Sales
remettant les Constitutions de l’ordre aux
Visitandines. Paris, église Saint-Louis-en-l’Île.
On sait que Hallé a exécuté plusieurs
tableaux pour les visitandines de la rue
du Bac à Paris, d’où provient sans doute
la toile de l’église Saint-Louis-en-l’Île.
François de Sales évêque remet à la mère
de Chantal, suivie de deux sœurs, les
constitutions définitives de la Visitation.
Rédigées entre 1616 et 1618, celles-ci
sanctionnent la transformation du « petit
institut » de 1610 en ordre religieux formel
de moniales sous la règle de saint Augustin.
VIE RÉGULIÈRE ET SOCIÉTÉ
F O R M E S E T E S PA C E S D E L’A R C H I T E C T U R E V I S I TA N D I N E
116
Le plan
d’ensemble
Force et souplesse
du plan type
Loin d’imposer une norme rigide, le programme architectural de la
Visitation propose un modèle souple et modulable à volonté. Le Devis
de 1628 recommande ainsi de « prendre garde que ce dessein doit
plus servir pour observer les commodités et distributions des membres du monastère que pour y pouvoir prendre exactement les
mesures de toutes les parties d’iceluy, quoique les principales y soyent
assez observées ». Un programme plutôt qu’un patron, ainsi pourrait-on définir la fonction du plan du Coutumier. Le message est bien
passé, si l’on en juge par la fortune de ce modèle au sein de l’ordre,
des origines à la Révolution, et même au-delà. À l’instar de la
Visitation du faubourg Saint-Jacques à Paris, les plans des couvents
de Blois, Bourg-en-Bresse, Montpellier, Tours, Orléans et Billom accusent clairement cette filiation. À quelques nuances près, on retrouve
à chaque fois le carré traditionnel du cloître avec l’église, isolée à
gauche et précédée d’une avant-cour, ainsi que la basse-cour sur la
face antérieure du bâtiment. Invariablement, le grand escalier
débouche sur le chœur des religieuses, lequel se greffe à angle droit
sur le sanctuaire de l’église, tandis que le réfectoire, la cuisine et la
dépense occupent toute l’aile opposée.
Cependant, une approche pragmatique prévaut en toutes circonstances : « or, poursuit l’auteur du Devis, comme l’on doit autant
qu’il se pourra bonnement suivre le plan et le devis, aussi ne s’y fautil pas attacher, que l’on ne puisse librement s’accommoder selon les
lieux, places, usages du pays, et moyens de ceux qui bastiront ». Cette
recommandation pleine de bon sens a permis aux Visitandines d’avoir
Premier monastère de la Visitation d’Avignon,
actuellement propriété privée.
Cette vue illustre parfaitement le rapport
dialectique entre le couvent et la ville aux
XVIIe et XVIIIe siècles. Fondé en 1624 dans
un secteur encore peu urbanisé de la cité
pontificale, le monastère est bâti d’un seul
jet (1631-1638) à l’instigation du vice-légat
Mario Filonardi et sous la conduite
de l’architecte La Valfenière, dont c’est
la première commande d’envergure
(voir p. 198, 209). Au premier plan s’élèvent
les deux ailes du cloître (la troisième n’a
pas été construite) avec des galeries
aménagées dans l’œuvre, conformément
aux recommandations de la mère de Chantal
(voir p. 130). Accessible aux seuls fidèles,
l’église tourne le dos aux bâtiments
conventuels ; le dôme à la romaine qui
la couronne se détache ostensiblement sur
le panorama de la ville, où l’on reconnaît,
au fond, le palais des Papes et le clocher
de Notre-Dames-des-Doms.
le sentiment de suivre la ligne fondatrice sans subir les contraintes
d’une réglementation trop rigide. Ainsi, afin de l’adapter au site, la
distribution canonique a été simplement retournée, comme en négatif, à Bourges, Avallon, Besançon et Toulouse. L’absence de bassecour et la disposition curieuse des latrines, petit corps hors œuvre en
biais sur l’angle du bâtiment principal, singularisent le projet de la
mère Jeanne-Françoise Marcher pour le monastère de Bourg-en-Bresse.
Ces quelques exemples attestent que les Visitandines ne sont pas restées au stade des (bonnes) intentions, mais qu’elles se sont appliquées à suivre, d’aussi près que possible, le plan type et le devis du
Coutumier. Si quelques monastères s’en écartent, cela ne résulte
jamais d’un choix délibéré, mais de l’inachèvement du programme,
faute d’argent (Albi, Chartres, Mamers, Romans) ou de place (Arles,
Bayonne, Castellane, Grasse). Le plan massé du monastère de SaintCéré, édifié d’un seul jet au début du XVIIIe siècle d’après les directives
d’une supérieure anticonformiste, est l’exception qui confirme la
règle. L’inventaire monumental de la Visitation souligne la flexibilité
du plan type.
On n’en finirait pas de dénombrer les variations sur le thème
mais, au-delà d’une fidélité constante au schéma d’ensemble, quelques
traits majeurs ressortent sur la durée: la forte disparité de surface des
enclos, le choix décisif de l’emplacement de l’église, et le « régionalisme » de techniques de construction. Enfin, à quelques exceptions
près, règne partout la sobriété capucine citée en exemple par Jeanne
de Chantal et validée par l’article XXXV du Coutumier.
5
142
En 1700, la mère d’Honoraty
engage la reconstruction complète
du troisième monastère lyonnais,
selon le projet de l’architecte Pierre
Langrené. Il s’agit ni plus ni moins
d’édifier d’un seul jet un nouveau
bâtiment, le « grand claustral »,
en arrière de l’ancien, afin de mettre
la communauté à l’abri des crues
dévastatrices de la Saône, mais aussi,
but non avoué, de relever la majesté
de l’établissement dans un contexte
de forte concurrence entre les ordres
féminins de la ville. Faute de moyens,
une seule aile a été bâtie, les deux
autres n’ont pas dépassé le niveau
des fondations, comme on le voit sur
un relevé de la Révolution. Ce plan,
ainsi que le départ des arcs des ailes
fantômes visible in situ, indiquent
Rhône
Monastère Notre-Dame-des-Chaînes
à Lyon,
actuellement centre de création
artistique Les Subsistances
8, quai Saint-Vincent
Architecte : Pierre Langrené
Construction : 1701-1703
que le « grand claustral » devait
former un U ouvert vers le fleuve,
à la manière du projet de Langrené
pour les génovéfains de Lyon
(voir la gravure ci-contre).
Le chantier ne s’est jamais relevé
de l’effondrement d’une partie
de la voûte du réfectoire (mars 1702).
Lourdement endettées, les visitandines
ont dû se contenter de bâtir deux
étages de cellules sur la terrasse
de la galerie du rez-de-chaussée.
Si l’absence de pilastres et de décor
respecte l’esthétique austère de
l’ordre, les proportions grandioses
des arcades et la beauté de la pierre
bleue de Saint-Civi confèrent
au rez-de-chaussée un air
de majesté inhabituel dans
un couvent de femmes.
F O R M E S E T E S PA C E S D E L’A R C H I T E C T U R E V I S I TA N D I N E
Lyon : un grand dessein inachevé
188
Projet pour le pensionnat
de la Visitation de Nancy
1760
Architecte : Joseph Demange
Non réalisé
Nancy, arch. dép. de Meurtheet-Moselle
Plan d’ensemble du rez-de-chaussée.
Plan d’ensemble de l’étage.
Élévations sur la basse-cour et le jardin.
Coupe longitudinale et élévation
du bâtiment des pensionnaires.
L’évolution du pensionnat au cours
du XVIIIe siècle culmine, en quelque
sorte, dans un projet pour la Visitation
de Nancy resté en l’état. Quatre
feuilles autographes conservées
aux archives départementales
de Meurthe-et-Moselle en donnent
un aperçu complet. Elles sont signées
et datées 1760 par Joseph Demange,
architecte lorrain assez obscur, auteur
d’un projet tout aussi spectaculaire
pour l’église du monastère (voir p. 97).
La superbe facture des dessins est à
la mesure de l’ambition de l’artiste :
le bâtiment devait occuper tout
le terrain disponible au sud de l’îlot
de la Visitation, lui-même situé à
la lisière de la ville neuve créée par
le duc Charles III en 1590 ; s’il avait été
exécuté, il en aurait doublé la surface
habitable. Les deux plans du fonds
nous donnent une idée précise du
parti d’ensemble et de la distribution.
Trois ailes en U encadrent une cour
ornée de deux parterres de broderie
symétriques dont le dessin raffiné
fait écho aux jardins du château
de Lunéville. L’aile principale, vers
la rue des Minimes à l’ouest, accueille
deux salles de classe et le réfectoire,
au rez-de-chaussée, un grand dortoir
collectif d’une capacité de quarantecinq lits, à l’étage. Dans l’aile opposée
(à l’est) se trouvent les infirmeries,
agrémentées d’un balcon dominant
le jardin, et, au-dessus, une série de
« chambres pour les pensionnaires ».
Ces deux corps sont reliés par
une aile plus basse, à bâtir à
l’emplacement d’un « magasin
de ville », qui n’est pas encore
la propriété des visitandines.
L’élévation du grand corps occidental
est marquée par un avant-corps
à sept travées, où s’inscrivent,
à l’étage du dortoir, une série
de portes-fenêtres ouvrant sur un
balcon continu orné d’un garde-corps
en fer forgé. Les bossages d’angle,
la forme légèrement cintrée des
chambranles et le haut comble droit
ajouré de petites lucarnes renvoient
à la « grande manière », déjà passée
de mode, d’un Boffrand ou d’un
Héré, les deux architectes du défunt
roi Stanislas, dont Demange est
le continuateur tardif à Nancy.
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F O R M E S E T E S PA C E S D E L’A R C H I T E C T U R E V I S I TA N D I N E
Nancy : un projet grandiose pour la Visitation
LES « DEHORS »
6
232
a : Planche du plan type de 1670, détail.
Arch. nat., N III Seine 309.
233
b : Façade de l’église de la Visitation
de Forcalquier.
c : Façade de la chapelle de la Visitation
d’Auxerre.
a
b
c
F O R M E S E T E S PA C E S D E L’A R C H I T E C T U R E V I S I TA N D I N E
La façade « à l’italienne »
La façade à deux ordres superposés avec des ailerons à volutes encadrant le
second ordre que surmonte un fronton est le type emblématique de la façade
d’église de la Réforme catholique. Si les Jésuites ont largement contribué au
succès extraordinaire de la formule, notamment à travers le modèle du Gesù,
leur église mère à Rome (façade élevée en 1575 sur un dessin de Giacomo della
Porta), il n’est plus question aujourd’hui de ramener à ce seul prototype toute
la production de la période, ni de l’affubler de la notion incorrecte de « style
jésuite », sous prétexte d’une certaine parenté formelle. En réalité, chaque
édifice propose une variation sur le thème, et le seul critère d’appréciation
valable est la capacité de l’architecte à épouser le schéma de base sans tomber
dans la répétition. À cet égard, le corpus français de la Visitation comporte un
monument d’exception : l’église du premier monastère d’Avignon (1631), œuvre
de l’architecte François Royers de La Valfenière (1575-1667). Sa façade (voir
p. 198) s’inspire nettement de la composition de Santa Maria ai Monti à Rome
(G. della Porta ; 1580), avec quelques variantes : les volutes sont plus épanouies
et le décor sculpté plus opulent à Avignon, mais surtout les ordres sont inversés,
corinthien sur composite, selon la formule – rare en France – que l’architecte
vicentin Vincenzo Scamozzi expose dans son traité L’Idea dell’architettura
universale (Venise, 1615). La « romanité » assumée du dessin de La Valfenière
éclate face aux réalisations parisiennes du moment : la maison professe des
Jésuites de François Derand (1629), le noviciat des Jésuites d’Étienne
Martellange (1630) et surtout la chapelle de la Sorbonne de Lemercier (1635).
Objet d’une nouvelle querelle des « anciens » et des « modernes », les deux
premières cristallisent alors l’opposition entre une conception « libertine » de
l’architecture, qui revendique, dans le sillage de Michel-Ange, de Philibert
Delorme et des « Flamands », l’invention et l’abondance décorative, et une
conception « puritaine », qui entend limiter le corpus des bons modèles
(Palladio, Vignole, Scamozzi) et éliminer tous les « vilains ornements ».
Défendue par le cercle des Intelligents, cette dernière approche l’emporte à Paris
au milieu du XVIIe siècle, puis dans le reste du royaume, comme l’illustre
de manière éclatante la confrontation des façades des Visitations de Nevers
et de Moulins, toutes deux œuvres du même artiste (voir p. 236).
Les élévations parisiennes de Lemercier, de Martellange et de François
Mansart fixent la nouvelle norme qui se diffuse en province dans la seconde moitié
du siècle. Comme les ordres religieux contemporains, la Visitation participe à ce
mouvement. Au premier monastère de la Visitation à Rennes (P. Corbineau, 16561658), la réception du modèle transalpin se mâtine de quelques traits particuliers
ancrés dans la tradition locale : l’évidement de la travée centrale, le goût pour la
colonne adossée (voir p. 235). Ce processus de réception et d’appropriation
caractérise également le dessin des façades d’Arles (1644) et de Forcalquier (16851688) dont la vigueur plastique trahit l’identité de la culture architecturale
d’Avignon et d’Aix-en-Provence. À Annecy, le frontispice de l’église Saint-François
(1652) perpétue la raideur orthogonale de la façade de l’église des Franciscains
d’Annecy, l’actuelle cathédrale (1535). Connues seulement à travers des
documents, les façades de Bourges (1653-1660), d’Orléans (1652-1655), de Tours
(1659-1665) et de Dijon (1675) marquent une adoption plus franche du modèle
romain, lequel persiste dans la première moitié du XVIIIe siècle, comme à Chambéry
(1723-1726). À Caen (G. Brodon, 1647-1661 ; détruit), l’absence de décrochement
entre les deux niveaux, les pots-à-feu en amortissement des pilastres et le dôme
à la croisée annoncent le parti du dôme des Invalides. Ce type de façade à deux
niveaux égaux est visible à la Visitation d’Auxerre, remaniée vers 1776 sur des
dessins de Soufflot (voir p. 110), et au Mans (fin XVIIIe siècle).
Le plan type de 1670 prend acte de cette multiplication de façades modernes
après 1650 : la présence de niches, statues et pots-à-feu – « superfluités »
expressément condamnées par Jeanne de Chantal – sur l’élévation de l’église
manifeste une évolution de la sensibilité religieuse, rompant avec l’austérité
de la première phase de la Contre-Réforme, au profit de la nouvelle rhétorique
de l’Église triomphante.
Façade de l’église d’Avignon.
L’É G L I S E
a : Peintures murales de l’ancienne église
des Visitandines d’Aurillac (1710).
204
205
b : Voûtes et stucs de la chapelle
Saint-Thomas à Grasse.
c : Décor de stucs peints par les Mazzetti (1753).
d : Peintures murales exécutées à la chapelle
en 1666 pour la canonisation de François
de Sales dans l’église de la Visitation
Sainte-Marie-d’en-Haut à Grenoble.
F O R M E S E T E S PA C E S D E L’A R C H I T E C T U R E V I S I TA N D I N E
Le couvrement : un ravissement de couleurs et de stucs
Pour couvrir la petite église-salle visitandine, le procédé le plus économique est
le plafond lambrissé. Il peut s’étendre sur la totalité de l’édifice, comme à Riom
et à Pont-Saint-Esprit, ou seulement sur la nef, suivant en cela la recommandation
du Devis de 1628 ; le chœur des prêtres étant couvert d’une voûte de pierre,
comme à Beaune (voir p. 217). Courante dans les églises des ordres mendiants
au Moyen Âge, cette mixité permet à la fois de magnifier l’autel et de renforcer
la hiérarchie des espaces: chœur des prêtres, d’un côté, nef des fidèles, de l’autre.
À Sainte-Marie de Nevers, la charpente du toit est dissimulée derrière un plafond
surhaussé par deux pans coupés, conformément au modèle de l’« élévation »
de 1622 (voir p. 67).
De nombreuses communautés ont voulu masquer la pauvreté de leur église
en appliquant un décor de boiseries, de stucs ou de peintures sur les murs et le
plafond. À Toulouse, « toute l’église est voûtée, les entablements du lambris
sont remplis par de magnifiques tableaux faits par la main de l’habile M. Despax
[Jean-Baptiste Despax] et qui attirent l’admiration des connaisseurs » (Douais
1905) ; l’édifice a disparu, mais le décor de la chapelle voisine des Carmélites,
exécuté en 1676 par Antoine Rivalz, le maître de Despax, en donne une assez
bonne idée. Ce genre d’interventions se multiplie au XVIIIe siècle, à la faveur de
l’évolution de la sensibilité artistique dont nous avons déjà relevé les effets sur
l’architecture des bâtiments conventuels. À Clermont, la longue pièce faisant
office de chapelle depuis l’origine de la maison est enrichie, vers 1735, d’un lambris « en quadres [sic] et en pilastres avec leurs chapiteaux en sculpture et une
corniche qui règne tout autour, le tout dans l’ordre corinthien ». Au Puy, la mère
Marie-Radegonde Roche (1756-1762) fait refaire la décoration « dans le goût
moderne par un ordre d’architecture en plâtre dont la voûte et le sanctuaire sont
ornés » (détruit). De bois, de stuc, ou peints à fresque, ces décors transfigurent
l’espace intérieur de la petite église visitandine. Le contraste est alors saisissant
entre la simplicité des élévations extérieures et la splendeur du volume intérieur:
qui s’attend, en franchissant le portail de la chapelle de Beaune, de Carpentras
ou de Sainte-Marie-d’en-Haut à Grenoble, à découvrir un tel déploiement d’or
et de couleurs ?
Les peintures murales, par nature plus fragiles, ne sont parvenues souvent
que par fragments, comme à Aurillac où, dans les années 1980, a été mis au jour
un important décor à base de rinceaux et de fausses niches à coquille abritant
de grandes figures en pied, dont un Saint François de Sales. Sainte-Marie-d’enHaut à Grenoble offre l’exemple le mieux conservé, le plus spectaculaire aussi,
d’un décor exécuté à l’occasion de la canonisation de François de Sales (1666).
Les sources textuelles décrivent aussi quelques ensembles disparus exécutés
b
c
dans le genre illusionniste de la quadratura: le maître-autel de la Visitation
de Saint-Amour est « terminé par une
architecture en perspective qui est faite
avec tant d’art qu’elle détache entièrement le retable du mur. Là, le peintre
a représenté sur des nuages, l’élévation de la Sainte Vierge dans le Ciel.
La voûte et les murs du sanctuaire sont
aussi embellis de peintures enrichies
en plusieurs endroits de traits d’or.
Ce mélange de peinture, de marbre,
de dorure, frappe agréablement et
contente l’œil quand on entre dans
l’église » (Perrod 1899). Le Bolonais
Domenico Borbonio, « peintre de perspectives et de l’architecture » (Félibien),
est l’auteur de la décoration de la chapelle des Visitandines de Villefranchea
sur-Saône, que la Grande Mademoiselle,
le 23 novembre 1657, juge « la plus
belle église de cet ordre qui soit en France ». À la Visitation de Nantes, un autre
Italien nommé Giardini exécute en 1710 un ensemble de peintures murales constitué de « quantité d’arcades qui semblent former des galeries voûtées qui trompent agréablement la vue, aussi bien que de grands pots de fleurs des couleurs
les plus vives et éclatantes […] et dans le milieu de l’église, une spacieuse ouverture doublement cintrée, entourée d’une balustrade dorée; on y voit le ciel ouvert
dans une grande clarté et élévation à perte de vue » (Catta 1954). Ce décor est
au cœur d’une polémique faisant écho à la « querelle » sur le luxe des églises
qui traverse tout le XVIIe siècle (Vanuxem 1974) : « Plusieurs personnes blâmèrent
sa magnificence, lit-on dans une lettre circulaire, surtout un des messieurs ses
neveux [de la mère supérieure de la maison], dans un sermon qu’il fit le jour de
la Présentation de la Sainte Vierge. Sa morale roula presque toute sur le sujet ».
L’association de l’architecture, de la sculpture et de la peinture illusionniste caractérise aussi le nouveau maître-autel « en stylobate » mis en place dans la chapelle
de la Visitation d’Amiens, juste avant la Révolution (voir p. 222).
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L’É G L I S E
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