La crise du crédit ne devrait entraîner ni récession

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La crise du crédit ne devrait entraîner ni récession
PERSPECTIVES ECONOMIQUES ET BOURSIERES
SEPTEMBRE 2007
La crise du crédit ne devrait entraîner ni récession économique, ni krach
boursier.
Crise de crédit et crise de liquidités : quelques explications.
De 1998 à 2006, les liquidités étaient pléthoriques. Pour faire face aux chocs successifs (crise de 1998,
éclatement de la bulle des actions de sociétés technologiques, attaque du 11 septembre 2001, scandales financiers
de 2002, guerre d’Irak) les Banques Centrales avaient baissé fortement et longuement les taux d’intérêt afin
d’éviter des récessions et ce avec succès. La croissance revenue depuis 2003, les liquidités disponibles ont été
encore augmentées par l’activité de crédit des établissements financiers et par l’enrichissement général (hausse
des matières premières, hausse du pétrole, excédents des réserves chinoises et des autres pays émergents) Afin
d’éviter la surchauffe (cf. l’envolée des matières premières ou la croissance en Chine) et d’étouffer tout risque
inflationniste, les Banques Centrales ont commencé à remonter leurs taux d’intérêt en 2003 en Angleterre, puis
aux USA en 2004 et enfin en 2005 en Europe et dans d’autres pays. Dans un premier temps, contre toute attente,
ces remontées de taux n’ont pas entraîné de réduction de liquidité et les taux des marchés obligataires sont restés
assez stables. Le stock de liquidité était si important, que l’action des Banques Centrales semblait inefficace: le
système financier mondial et l’activité généraient automatiquement de nouvelles liquidités.
Comme les rendements obligataires restaient bas, ils permettaient de financer sans cesse de nouvelles opérations:
crédit à la consommation et crédit immobilier des ménages, financement de rachat d’entreprises par des fonds
d’investissement, financement de fonds spéculatifs investissant dans les matières premières et les marchés
financiers, etc…De plus, de nombreux investisseurs recherchaient des rémunérations supérieures à celles des
emprunts d’état et acceptaient de financer des opérations de plus en plus risquées comme par exemple les « Sub
prime mortgage » c'est-à-dire les crédits immobiliers très risqués des ménages américains les plus fragiles.
Les excès les plus manifestes ont été sans doute réalisés dans le financement de l’immobilier américain et
espagnol, dans celui des opérations à effet de levier de Hedge Fund ou des fonds de Private Equity.
Les premières alertes sont arrivées par le maillon le plus faible : celui du Sub prime, où les défaillances de
remboursement ont dépassé les 15%, mais les pertes envisagées atteignent environ 100 milliards de dollars, ce
qui est peu par rapport aux 800 milliards de dollars de résultats annuels cumulés des grandes banques
américaines et européennes. Alors comment la contagion a-t-elle pu toucher l’ensemble de la sphère des
crédits et les marchés d’actions.
Toutes les opérations de crédits évoquées plus haut, réalisées initialement par les établissements financiers
étaient rarement conservées par ceux-ci : elles étaient recyclées par des opérations de titrisation. C'est-à-dire que
ces crédits étaient placés dans l’équivalent de sicav proposées à des investisseurs institutionnels (d’autres
banques, des compagnies d’assurance, des fonds de pensions, des fonds de placement, des hedge funds, etc.)
A la suite de la crise des Sub prime américains, il est apparu au grand jour, début août, que d’autres acteurs dans
le monde étaient touchés. Des sicav monétaires dynamiques européennes ont affiché des pertes. Toutes les
opérations de titrisation, bonnes ou mauvaises, américaines ou non, devenaient suspectes. Les opérateurs
refusaient de les négocier, paralysant le système, et les prix s’effondraient quelle que soit la qualité des crédits.
Cette crise de confiance a même atteint le marché interbancaire où les banques se refinancent entre elles. Ce
blocage a amené les Banques Centrales à injecter plusieurs dizaines de milliards d’euros et de dollars pour
faciliter le financement des opérations courantes (comme la FED l’avait fait en 1998) Des sauvetages
d’établissements financiers en difficulté ont dû être organisés notamment en Allemagne et aux Etats-Unis
(comme en 1998 également)
C’est en partie à cause des craintes de ralentissement économique que la crise du crédit s’est propagée aux
marchés d’actions. Les investisseurs ont peur que la raréfaction ou le renchérissement du crédit s’amplifient ou
que la consommation aux Etats-Unis diminue et que cela entraîne un ralentissement mondial.
Parmi les autres raisons invoquées pour expliquer la baisse figure la possible disparition des OPA par des Fonds
d’investissement, ce qui avait dopé les cours de certains secteurs. Certes, le renchérissement et la raréfaction du
crédit diminueront le nombre des opérations à court terme. Mais il ne faut pas oublier la très bonne santé des
entreprises industrielles et commerciales qui prendront le relais, probablement assez contentes de voir s’effriter
la concurrence des Fonds de Private Equity…
Une autre raison tient aux positions spéculatives des fonds de gestion alternative sur les devises, les crédits ou les
actions. Le renchérissement du crédit, les demandes de rachat, les appels de marges les ont forcé à déboucler,
avec des pertes, certaines de ces positions engendrant une volatilité importante sur les marchés. Les pertes
cumulées de ces fonds seront sans doute plus importantes que celles du crédit sub prime.
La crise actuelle est une crise du crédit, arrivant après une phase d’activité exubérante ayant engendré
des comportements excessifs et un sentiment d’impunité face aux risques, les crédits les plus risqués
n’étant pas assez chers. Cette phase est terminée. Le réajustement en cours va rétablir une juste
hiérarchie des risques et des rémunérations associées.
Quelles sont les solutions pour sortir de la crise ? Faut-il craindre une récession ?
Nous assistons à une crise financière. Pour rétablir la confiance et assurer le financement de l’économie, les
Banques Centrales ont eu une réponse appropriée en continuant d’injecter des liquidités et elles disposent d’une
arme encore plus forte, la baisse des taux d’intérêt. Elles l’utiliseront quand elles estimeront que la purge aura été
suffisante pour sanctionner les acteurs du crédit inconséquents et surtout pour éviter un ralentissement
économique. Les anticipations de hausse des taux de la FED, apparues fin juin, ont disparu depuis la baisse du
taux de réescompte, fin août, et les déclarations de Monsieur Bernanke. Celui-ci a affirmé plusieurs fois que la
crise du crédit augmentait les risques pour l’économie américaine et que le FED était prête à intervenir si
nécessaire. D’emblée, les marchés attendent plusieurs baisses du taux d’intervention pouvant atteindre 0,75%, et
ce, dès la prochaine réunion du 18 septembre. Nous considérons que la situation américaine n’exige pas encore
de baisse de taux et que les injections de liquidités sont suffisantes. Par contre, nous sommes certains que la FED
n’hésitera pas à baisser ses taux si l’économie réelle était impactée. Quant à la BCE, son gouverneur avait
clairement indiqué une prochaine hausse de 0,25% en septembre mais la situation financière l’a obligé à
tempérer son discours. Les marchés espèrent un statut quo à la réunion du 6 septembre.
Parallèlement, les autorités politiques de tous les pays sont rapidement intervenues dans les médias pour rassurer
les épargnants. Les pratiques des intervenants financiers les plus contestables (excès d’endettement ou prêts
immobiliers dangereux pour l’emprunteur) feront sans doute l’objet de nouvelles réglementations pour mieux les
encadrer. Enfin, aux Etats-Unis, des mesures seront prises pour éviter aux ménages endettés les plus fragiles la
saisie de leur habitation. Chaque crise financière voit généralement un épilogue similaire.
Le doute porté sur de nombreuses opérations de crédit, dont l’opacité est réelle, rendra probablement la
résorption de cette crise assez longue. La confiance reviendra lentement tant la compréhension de ces
phénomènes est complexe. La crise marquera aussi le passage du milieu du cycle de croissance entamé en 2003,
avec une transition vers une croissance mondiale un peu moins forte mais plus soutenable. En effet, des études
récentes ont montré que seule une récession américaine prononcée pouvait entraîner un fort ralentissement des
pays émergents, qui sont les principaux contributeurs de la croissance mondiale.
Or, aux Etats-Unis, la consommation se maintiendra tant que les créations d’emplois se poursuivront et que le
chômage restera bas. Les entreprises américaines ont été très vertueuses et sont très peu endettées. Leurs
investissements et les exportations soutiennent l’activité. La crise immobilière et les événements actuels
devraient logiquement affaiblir la croissance américaine dans les prochains mois mais de manière mesurée. Nous
attendons une croissance de l’ordre de 2,2 % en 2007 aux USA et excluons le risque de véritable récession.
De plus, il existe une dynamique propre en Europe avec des réformes structurelles introduites en Allemagne et
débutant en France. Nous y attendons une croissance d’environ 2,6%.
La crise financière a plutôt épargné les pays émergents dont la situation financière est satisfaisante. L’activité
dans les pays émergents devrait donc rester soutenue, à l’image de la Chine, ce qu’anticipent déjà les Bourses
domestiques chinoises qui sont au plus haut. L’économie japonaise semble par contre retomber en léthargie : les
exportations et l’investissement ralentissent. La consommation reste faible alors que le marché du travail est
dynamique et que le chômage baisse.
La crise a eu relativement peu d’effet sur les cours du pétrole, qui restent élevés, et sur l’or mais l’indice CRB
des matières premières a perdu quand même près de 10% Si les risques de ralentissement mondial étaient plus
élevés, l’ensemble des matières premières aurait baissé beaucoup plus.
Les principaux bénéficiaires de la crise ont été les emprunts d’état, qui ont servi de valeurs refuges : les taux
longs ont rebaissé de 0,50 à 0,75% selon les pays. Le dollar s’est apprécié de 5% face à l’euro, le yen s’est
apprécié de 10% face à l’euro et de 8% face au dollar: les débouclages d’opérations spéculatives (carry trade) sur
les devises ont été très importants mais de nouvelles opérations reprendront sans doute dès le retour au calme.
En résumé, la vigueur de la croissance mondiale et l’intervention des banques centrales devraient
permettre aux économies et aux marchés d’absorber cette crise.
Situation des entreprises et valorisations des marchés :
La bonne santé des entreprises est confirmée et les perspectives de croissance bénéficiaire ne sont pas affectées.
Globalement, depuis le mois de juin, les analystes ont même revu en hausse les estimations de croissance des
résultats. Aux Etats-Unis, les résultats publiés au 2ème trimestre ont encore été supérieurs aux attentes Les
estimations de croissance des résultats annuels remontent mécaniquement de +9% à +9,8% pour les sociétés du
S&P500. Même phénomène en Europe, les derniers résultats publiés en Europe s’avèrent très bons et la
croissance bénéficiaire est relevée de +8% à +9,4% en 2007 pour les sociétés du STOXX600. Pour le Topix500
japonais, elle reste à un niveau élevé de +17,2%.
A terme, le secteur financier pourrait être impacté à la fois par des pertes sur les opérations de crédit existantes et
par la diminution en volume des nouvelles opérations. Les sociétés très cycliques pourraient subir le léger
contrecoup d’une croissance mondiale plus modérée. Si les incertitudes revenaient à l’automne, les analystes
seraient sans doute tentés d’abaisser un peu leurs prévisions. Mais nous n’avons aucune raison d’attendre un
retournement global du cycle avec des baisses de résultats.
Au pire moment de la crise, les marchés actions ont perdu plus de 12% et ont affiché des pertes depuis le début
de l’année. Autant dire que le marché n’intégrait précisément plus aucune croissance des résultats, ce qui nous
semblait excessif. La valorisation des actions était redevenue attractive grâce à la baisse des cours et la baisse des
taux des emprunts d’Etat. La forte baisse des marchés actions ressemblait fort aux phases de « capitulation » de
fin de crise. Le sentiment baissier et le pessimisme étaient devenus excessifs.
Depuis le 20 août, une reprise technique s’est développée et les indices ont presque regagné la moitié de la
baisse. Cependant, compte tenu de l’incertitude sur la durée de la crise du crédit, nous n’excluons pas que la
volatilité des marchés actions reste élevée pendant plusieurs mois.
Perspectives des marchés et stratégie d’investissement : tendance haussière à moyen terme.
Les marchés redoutent une rechute en cas d’annonce de nouvelles faillites de banques ou de hedge funds. Des
statistiques économiques américaines décevantes pourraient également constituer un catalyseur de baisse, de
même que des déceptions si les taux de la FED restent inchangés en septembre. Les prétextes à une nouvelle
correction sont nombreux mais nous considérons que la situation économique, la santé des entreprises,
l’évolution des taux d’intérêt constitueront un frein à la baisse. La crise du crédit ne devrait pas remettre en
cause la tendance haussière du marché des actions à moyen terme. Les indices devraient retrouver leurs
meilleurs niveaux à la fin de l’année mais à court terme, nous sommes naturellement plus prudents, un
retour des indices vers les points bas du mois d’août étant possible à l’automne.
Nous maintenons notre préférence pour les actions pour le moyen terme. Nous envisageons des arbitrages
pendant les prochains mois en profitant des fluctuations attendues pour prendre en compte la fin de la période de
« l’argent peu cher ». L’impact sur les marchés devrait être durable en terme de performances des différentes
classes d’actifs.
Tous les actifs qui ont bénéficié de l’abondance des liquidités seront moins recherchés (valeurs petites et
moyennes, secteur immobilier, secteur financier, hedge funds, sociétés de capital investissement) et leur
sélection sera plus difficile. Nous profiterons des rebonds pour alléger les valeurs liées à ces thèmes. La
croissance mondiale a sans doute connu son plus fort taux de croissance, ce qui a dopé depuis plusieurs années
les valeurs cycliques (métaux, matières premières, industrie, construction) Face à une modération de la
croissance, nous adoptons également une attitude plus prudente et sélective sur ces secteurs.
Les sociétés liées à la consommation les plus cycliques (transport aérien, hôtellerie/loisirs, médias, automobiles,
distribution spécialisée) seront plus vulnérables à court terme en cas de craintes pour la croissance économique
mais, pour le moyen terme, elles restent attractives. Les moins cycliques (agroalimentaire, boissons, distribution
alimentaire) seront plus défensives à court terme et intéressantes pour le moyen terme.
Les valeurs de croissance (technologie, télécommunications, santé, luxe) sont presque unanimement
recommandées, ce qui marque un grand changement par rapport à ces trois dernières années où elles ont sous
performé les indices -à l’exception du luxe. Les secteurs Energie et Services Publics sont également recherchés.
Notre stratégie d’investissement continue d’accorder une part plus importante aux actions américaines que
précédemment au dépens des actions européennes (le dollar et les actions américaines ont retrouvé d’ailleurs leur
rôle de valeurs refuges pendant la crise) Le poids des pays émergents est inchangé. Nous devenons sceptiques
sur les actions japonaises.
Nous gardons nos liquidités en sicav monétaires. Les produits de gestion alternative seront allégés sur rebond.
Nous sommes neutres sur les produits obligataires et négatifs sur les produits de taux à haut rendement ou plus