Éthique et performance

Transcription

Éthique et performance
Les Conférences de la Mission laïque française
Éthique
et performance
Les Conférences de la Mission laïque française
Éthique
et performance
Préface
La Mission laïque française questionne son propre fonctionnement dans
l’exercice constant des valeurs qui la fondent. Pour nourrir sa réflexion,
elle a organisé, à Paris, en mai 2008, un séminaire dédié aux personnels
d’encadrement de son réseau mondial, dont le thème était Éthique et
performance. Le dessein de la Mission laïque est d’agir toujours avec la
conscience de sa responsabilité, ainsi pose-t-elle les interrogations qui
traversent son action : que serait la performance sans éthique et comment
mesurer la performance en termes d’éthique ?
Pour traiter de cet enjeu majeur, Jean-Pierre Villain, alors directeur général
de la Mission laïque française a fait appel à deux experts éminents dont les
conférences font l’objet de ce recueil.
Bernard Toulemonde, professeur de droit public, s’interroge sur la façon
de concilier deux objectifs en apparence éloignés : performance/efficacité –
service public/égalité des chances. Jean-Marc Monteil, professeur et chargé
de mission auprès du Premier ministre, centre quant à lui son discours
sur la responsabilité de l’école et de son personnel face aux élèves ; il
insiste sur la nécessaire distinction entre performance et qualité.
La nécessité de se confronter à la réalité d’un monde en évolution, sans
pour autant perdre de vue les valeurs fondatrices de l’École républicaine ni
le respect de l’élève, conduit à aborder des questions difficiles auxquelles
les deux intervenants apportent leurs réponses.
Qu’ils soient remerciés de nous avoir autorisés à les publier.
Marcelle Barry
Chef du service communication
et développement de la MLF
Éthique et performance
3
Sommaire
>9
Éthique et performance :
questions préalables
Bernard Toulemonde
PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC
> 33
Fragments d’analyse
sur l’instruction scolaire
Jean-Marc Monteil
PROFESSEUR ET CHARGÉ DE MISSION
AUPRÈS DU PREMIER MINISTRE
Éthique et performance
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Éthique et performance :
questions préalables
Bernard Toulemonde
PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC
Professeur de droit public à la Faculté de droit de Lille,
Bernard Toulemonde a été appelé au cabinet du Premier
ministre, Pierre Mauroy, en 1981. Il a ensuite exercé une carrière
de haut fonctionnaire de l’Éducation nationale, au ministère
(directeur des affaires générales 1982-1987, directeur de
l’enseignement scolaire 1998-2000) et dans les rectorats
(Montpellier 1988-1991, Toulouse 1991-1992), ponctuée d’un
passage au cabinet de Jack Lang (1992-1993), avant de la
terminer à l’Inspection générale (1993-1998 ; 2000-2005).
Bernard Toulemonde milite au sein de l’Association française
des administrateurs de l’éducation (AFAE), dont il a été le
président de 2002 à 2005.
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Éthique et performance : questions préalables
Éthique et performance :
questions préalables*
Joëlle Dusseau
C’
est un vrai honneur pour moi de venir vous faire part d’un certain
nombre de réflexions, de vous aider dans votre travail si c’est possible.
Je dois dire que je connais la Mission laïque française depuis longtemps,
avec laquelle je travaille depuis de très nombreuses années.
Jean-Pierre Villain1 m’a demandé de réfléchir avec vous et d’être le fil
rouge de cette semaine sur Éthique et performance. Je crois que c’est un
sujet qui est de plus en plus au cœur de notre problématique. On parle
beaucoup de performance, de résultat, d’efficacité, on a même employé
le mot efficience. La pression est de plus en plus forte. Et au fond dans
ce mouvement très pressant, la question est : « Comment ne pas perdre
notre âme ? ». Comment concilier les valeurs auxquelles nous croyons,
que nous essayons de promouvoir, qui sont les valeurs du service public,
les valeurs d’égalité des chances de tous les enfants ? Le programme qui a
été bâti va nous permettre effectivement – à moi aussi – d’apprendre sur
ce sujet. Je dois dire que je suis particulièrement heureux qu’on ait réussi
* L’auteur a volontairement conservé le style familier d’une intervention orale qui correspond bien à l’esprit de la rencontre.
1 - Directeur général de la Mission laïque française de 2003 à 2009.
Éthique et performance : questions préalables
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à avoir parmi nous Alain Bouvier, qui va venir demain. Quand il était
recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, dans le cadre de l’Association
française des administrateurs de l’éducation (AFAE), nous avions fait avec
lui un colloque intitulé Piloter par les résultats ? Que signifie « piloter par
les résultats » ? ; et cela fait déjà quelques années. Alain Bouvier vient de
sortir un livre extrêmement intéressant sur la gouvernance du système
éducatif2. Anne Barrère, une femme absolument époustouflante dans ses
propos, est l’auteur de l’enquête Sociologie des chefs d’établissement, les
managers de la République3 – peut-être que certains d’entre vous l’ont lu,
en tout cas je vous en conseille sérieusement la lecture. Elle est sociologue,
et travaille à l’université de Lille III. Pour cette enquête, elle a vécu avec
les chefs d’établissement du Nord-Pas-de-Calais. Elle fait état des résultats de sa recherche et de la façon dont elle a vu le travail de ces chefs
d’établissement, et vous verrez que ce livre est aussi extrêmement intéressant ; je pense que son propos nous aidera beaucoup. Nous avons donc
beaucoup de perspectives au cours de ces conférences, à nous écouter les
uns et les autres. À propos de l’entreprise, qui est sans doute la pionnière
en matière de performance, posture posant des problèmes éthiques – du
moins le souhaitons-nous aux responsables des entreprises privées. Le
sport aussi pose des problèmes éthiques extrêmement graves ; en vingt
ou trente ans, il a été atteint à la fois par les performances et la réussite
à tout prix, y compris par le dopage. Les médias sont aussi confrontés à
ces problèmes d’éthique : être le premier à annoncer un événement ou
que telle personne vient de mourir avant même qu’elle ne soit morte, etc.
– comme l’a fait telle radio française récemment. Et cela nous gagne petit
à petit, pour un certain nombre de raisons.
2 - Bouvier (Alain), La gouvernance des systèmes éducatifs, PUF, 2007.
3 - Barrère (Anne), Sociologie des chefs d’établissement, les managers de la République, PUF, 2006.
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Éthique et performance : questions préalables
Je vais essayer de poser quelques jalons. Je ne prétends pas répondre à
toutes les questions, au contraire, mais attirer notre attention sur un certain
nombre de points, qui nous permettront peut-être d’éclairer ce qui va se
passer au cours de ces trois jours. Les premiers jalons que je voudrais poser,
c’est le pourquoi des choses. Pourquoi cette pression sur les performances ?
Pourquoi cette émergence de la performance dans nos sociétés et à l’intérieur des sociétés, dans les différentes institutions et en particulier, ce qui
nous intéresse aujourd’hui, dans les institutions scolaires et universitaires ?
Et dans un deuxième temps, peut-être réfléchir au sens, à la signification de
ces performances, leurs enjeux et justement à quelques points de relation
avec l’éthique et les valeurs que nous essayons de promouvoir.
Le premier point est une interrogation sur les raisons de cette percée
de la performance dans les systèmes éducatifs. On assiste depuis quelques
années à l’émergence d’une logique de performances, d’une logique de
résultats qui s’installe dans les systèmes éducatifs.
Première chose que l’on peut dire sur ce sujet : cette logique de performances n’a jamais été totalement absente du système, au contraire. Mais c’est
son objet qui évolue. La performance du système ne concernait autrefois que
les élèves. Aujourd’hui, on passe des élèves à un autre objet qui est l’établissement, l’académie, le système éducatif. C’est-à-dire qu’on a une évolution de
l’objet sur lequel porte l’évaluation, sur lequel portent les performances. La
situation est d’ailleurs un peu paradoxale. Parce que dans les établissements
scolaires, depuis de nombreuses années (depuis quasiment toujours), on
passe une bonne partie de notre temps à noter, à évaluer les élèves, c’est-àdire à regarder leurs performances, leurs résultats. Il y a bien des choses à dire
Éthique et performance : questions préalables
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sur ce sujet. La notation est-elle vraiment la performance d’un élève ? Que
mesure-t-on au travers de la notation ? Des auteurs ont soulevé ces problèmes
récemment, puis aussi la façon dont on mesure les choses. Vous savez bien
que la correction des copies n’est pas quelque chose de totalement objectif,
indépendant de tout et vous connaissez l’ouvrage d’un mathématicien qui
a sorti un livre sur la constante macabre dans les établissements scolaires4.
Il exagère un peu, mais il y a du vrai ; il explique que quand on donne des
copies à un correcteur, on a toujours trois paquets : un paquet de bonnes
copies, un paquet de moyennes et un paquet de médiocres, quel que soit
finalement le niveau réel des élèves. C’est quand même assez intéressant. Tout cela peut nous encourager, dans les établissements scolaires, à
faire des devoirs communs pour éviter les habitudes de tel ou tel type de
correcteur, distribuer les copies de façon aléatoire entre les correcteurs d’un
établissement scolaire, justement pour les habituer à réfléchir sur leurs
échelles de notation. Bref, nous passons beaucoup de temps à la notation
des élèves, mais on a résisté et on résiste encore largement à l’évaluation
des performances de l’établissement ou du système éducatif. Cette culture
de l’évaluation a beaucoup de mal à s’installer dans les établissements
scolaires, moins dans l’encadrement, car il est lui-même parfaitement
conscient des choses, que chez les enseignants ; beaucoup d’entre eux ont
du mal à admettre qu’on puisse évaluer les performances d’un établissement scolaire, d’un système éducatif. Et on a toujours de bonnes raisons
pour dire que cela n’est pas valable. Or, ce qui est en train de se produire,
c’est précisément ce glissement. De plus en plus, le système est lui-même
soumis à évaluation au milieu d’une résistance assez générale qui a
beaucoup de mal à se mettre à cette nouvelle culture. C’était la première
remarque que l’on pouvait faire sur ce premier point.
4 - Antibi (André), La constante macabre ou comment a-t-on découragé des générations d’élèves ?, Toulouse,
éditions Math’Adore, 2003.
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Éthique et performance : questions préalables
La deuxième remarque, ce sont les sources. Quelles sont les sources
de cette émergence de la performance, de l’obligation de résultat dans les
systèmes éducatifs, et en particulier dans le système éducatif français ?
À mon sens, il y a trois sources qui conduisent à cela. La première source
– dont je vais parler assez longuement – est ce que l’on pourrait appeler
rapidement la mondialisation. La seconde source, c’est la volonté de
réforme de l’État. Et la troisième source, c’est la raréfaction des moyens
publics.
Première source, qui me paraît fondamentale, une sorte de raz de marée
dans tous les pays occidentaux : c’est l’exigence liée à la mondialisation, à
la compétition internationale et en particulier à la construction de l’Europe.
La compétition économique internationale implique un haut niveau d’éducation, et donc que les établissements et les systèmes éducatifs soient plus
performants. Cela se traduit par toute une série de politiques menées par les
pays, et quelquefois même par l’Europe elle-même, bien que la compétence
éducative ne fasse pas partie des compétences de l’Union européenne. Sur ce
point, je peux vous conseiller une lecture extrêmement intéressante (je dois
dire que nous avons à faire à des chercheuses qui sont de très haut niveau
maintenant) de Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives, la France
fait-elle les bons choix ?5 Nathalie Mons compare 39 pays de l’OCDE et analyse
leurs politiques actuelles, pour voir comment se situent les différents pays –
en particulier la France – par rapport aux politiques nouvelles qui sont mises
en œuvre au niveau de l’OCDE. C’est un livre qui nous permet de nous situer
nous-mêmes par rapport à ces politiques, et en même temps peut-être prévoir
l’avenir. Car je crois profondément qu’on n’arrêtera pas la construction de
l’Europe, ni la mondialisation et que par conséquent, la France se mettra un
5 - Mons (Nathalie), Les nouvelles politiques éducatives, la France fait-elle les bons choix ?, PUF, 2007.
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jour ou l’autre à la norme internationale ; cela me paraît l’évidence même et
c’est une condition de survie. Nous avons d’ailleurs des atouts pour cela. Si
on regarde un peu dans ces nouvelles politiques fondées sur la performance,
prenons le blairisme. Tony Blair est tout à fait représentatif de ce type de
politique : il a parlé d’autonomie et même d’indépendance de l’établissement, de choix des parents, d’évaluation externe des établissements par un
organisme pas du tout comme chez nous, consanguin – l’OFSTED (Office for
standards in education). C’est autre chose.
L’Union européenne joue aussi un rôle dans tout cela, même si nous n’en
sommes qu’aux balbutiements. Vous avez entendu parler du processus
de Lisbonne, du processus de Bologne, du processus de Copenhague, et
des objectifs communs mis en place dans les pays de l’Union européenne.
D’ici 2010 ou 2012, nous devrons avoir accompli un certain nombre de
progrès sur la maîtrise des compétences de base, les sorties sans qualification, l’achèvement du cycle secondaire par tous les élèves, le nombre de
diplômés en mathématiques et technologies etc. Des objectifs communs
sont fixés dans le cadre de l’Union européenne et s’appliquent à tous les
pays membres. Parallèlement, et c’est là que cela pose problème parce
qu’il ne s’agit pas seulement de définir des politiques, il s’agit de mettre en
place des instruments d’évaluation de l’accomplissement de ces politiques.
Or, que se passe-t-il depuis plusieurs années ? Des instruments internationaux d’évaluation des systèmes éducatifs se mettent en place. Vous avez
entendu parler de Pisa : des élèves de quinze ans, quel que soit leur lieu
de scolarisation ou leur classe, sont évalués pour leurs compétences. En
France, les premiers résultats n’ont pas été très favorables, et nous avons
mis en cause l’instrument de mesure. Mais comme ces résultats persistent,
on commence désormais à s’inquiéter et à se dire que l’instrument n’est
peut-être pas si mauvais que cela. Il y a peut-être des conséquences à en
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Éthique et performance : questions préalables
tirer. En Allemagne par exemple, la précédente enquête Pisa a fait un coup
de tonnerre, parce que les résultats étaient mauvais. Les Allemands se sont
alors retroussé les manches, en se demandant ce qu’ils pouvaient faire
pour essayer de les améliorer. En France, nous changeons progressivement
d’attitude, puisque les résultats ne sont pas fameux – nous sommes autour
de la moyenne en dépensant plus que les autres. Cela commence à poser
problème et nous sommes même mauvais dans certains des items, notamment concernant l’apprentissage des langues étrangères.
Vous avez entendu parler d’une autre enquête portant cette fois sur le
primaire : l’enquête Pirls, qui vient de sortir récemment. Les enfants sont
évalués à la fin de la quatrième année de l’école obligatoire ; on leur fait
passer des batteries de tests pour savoir quelles sont leurs compétences.
La France se révèle là aussi être un pays qui n’a pas de bons résultats, en
particulier au regard des pays de l’Union européenne. Petit à petit, avec
lenteur, on commence en France à s’intéresser aux enquêtes internationales,
qui montrent que notre système éducatif n’est pas aussi performant qu’il
pourrait l’être. Je pense maintenant que nous sommes davantage dans
l’idée d’essayer d’en tirer des conclusions pour voir comment améliorer
la situation de nos élèves. D’ailleurs, je vous signale que même pour les
apprentissages, dans les programmes, s’introduisent à l’heure actuelle des
éléments qui ne sont plus seulement des programmes habituels avec la
liste des savoirs académiques que les élèves doivent posséder ; mais progressivement s’introduit aussi une logique d’acquisition de compétences
au travers des référentiels de compétences. D’ailleurs dans l’enseignement professionnel et technologique, on connaît depuis longtemps des
référentiels de compétences. Mais comme d’habitude, cela concerne
l’enseignement professionnel et technologique, et n’intéresse pas les
autres ; c’est bien dommage. En éducation physique et sportive aussi, on
Éthique et performance : questions préalables
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trouve des référentiels de compétences. Actuellement, c’est en train de
gagner l’enseignement général : le socle commun de connaissances et de
compétences par exemple, est une nouveauté dans le système français – il
s’agit de donner une sorte d’obligation de résultats aux établissements
scolaires. J’y reviendrai tout à l’heure, car cela pose des problèmes extrêmement importants.
Cette logique est aussi à l’œuvre avec le Cadre européen commun de référence pour les langues. Avez-vous entendu parler du CECRL ? On introduit
progressivement dans les langues vivantes le référentiel de compétences
élaboré par le Conseil de l’Europe. Maintenant les élèves ne sont plus
seulement évalués sur des savoirs académiques en langue anglaise ou
autre, mais sur des compétences.
Cette logique de résultats gagne également la gestion des personnels.
Elle a gagné depuis quelques années les personnels de direction gérés
par le ministère de l’Éducation nationale. Que signifie demander à un
chef d’établissement le diagnostic de son établissement ? : c’est lui donner une lettre de mission et évaluer quelques années plus tard sa capacité
à atteindre ou non les objectifs fixés ; nous sommes dans une logique de
résultats. Pour les enseignants, nous avons découvert qu’être enseignant,
c’était un métier. Cela veut dire que ces métiers s’apprennent. Et comme
vous le savez, il y a quelques années, nous avons sorti un nouveau cahier
des charges des IUFM (les instituts chargés de former les enseignants),
dans lequel nous avons listé les compétences attendues d’un enseignant.
Il ne s’agit pas seulement d’être le professeur qui connaît sa matière à
fond, mais aussi d’être un professeur qui sache communiquer et travailler
collectivement dans son établissement. C’est une très grande nouveauté
qui suscite évidemment chez les enseignants beaucoup de réserve, voire
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Éthique et performance : questions préalables
d’hostilité pour un certain nombre d’organisations syndicales. Je signale
simplement que cette logique du résultat gagne progressivement du terrain6.
Donc, la première source de ce mouvement vers la performance est la mondialisation, l’internationalisation qui se produit dans le monde d’aujourd’hui.
Deuxième source : la réforme de l’État. Au fond, ce n’est qu’une variante
du premier thème. Le premier thème lui-même comporte une réforme de
l’État. Dans tous les pays européens et même d’autres j’imagine, se sont
développées des politiques appelées new public management (le nouveau
management public), c’est-à-dire une nouvelle façon de travailler pour les
services publics et pour l’État. D’ailleurs en France, ce n’est pas complètement nouveau, puisqu’en 1989 le Premier ministre Michel Rocard avait
parlé de renouveau du service public, et avait été le premier à dire qu’il
existait peut-être une logique de résultats et d’efficacité du service public
et de l’administration. Cette logique continue à être en œuvre aujourd’hui,
avec la recherche de nouvelles méthodes – en particulier d’administration
ou de gestion – qui soient plus efficaces que les précédentes. Par exemple,
on assiste aujourd’hui en France à la mise en place de nouveaux modes
de relations et de fonctionnement au sein des administrations et entre les
administrations et les établissements scolaires :
Le pilotage par objectif, c’est-à-dire par projet : analyser la situation et
mobiliser l’ensemble de la collectivité éducative sur des objectifs.
La contractualisation se développe aujourd’hui en France, plus ou moins
vite selon les académies. Il s’agit de la signature de contrats d’objectifs
6 - Depuis cette conférence, la « masterisation » du recrutement nous conduit dans une direction inverse.
Éthique et performance : questions préalables
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entre les établissements scolaires et les autorités académiques : on se met
autour de la table, on discute des objectifs, les autorités académiques et
l’établissement s’engagent sur certains résultats.
Le pilotage par évaluation. Nous avons fait des progrès à ce sujet et
nous avons eu un grand directeur à la tête de la Direction d’évaluation
de la prospective, Claude Thélot, qui a fait faire des progrès au
ministère de l’Éducation nationale sur l’évaluation des établissements scolaires et du système. Je vais peut-être dire de temps en temps des choses
qui ne vont pas faire plaisir, mais je dis les choses telles que je les pense et
il me semble qu’elles doivent être dites, car honnêtement, faire 100 % de
résultats au baccalauréat en série S dans tel lycée, je sais le faire. Ce n’est
pas très éthique, mais je sais le faire : je n’inscris que de bons élèves, en
envoyant tout ce qui est médiocre vers STG (Sciences et technologies de
la gestion) pour ne conserver que les bons, et j’ai 100 % du résultat. Des
établissements se livrent à cela, c’est bien clair. Et justement, pour éviter
cet effet palmarès – dont les médias sont très friands – qui encourage
le consumérisme scolaire d’un certain nombre de parents et de familles,
notamment celles des milieux favorisés et des classes moyennes et parmi
elles, celles des cadres moyens de l’Éducation nationale, la Direction de
l’évaluation de la prospective a établi des indicateurs, les IPES (Indicateurs
pour le pilotage des établissements de second degré). Parmi eux, on trouve
le taux d’accès, qui mesure les enfants qui rentrent en seconde et obtiennent le baccalauréat dans l’établissement. Évidemment, tout cela est à
analyser avec beaucoup de précaution, parce qu’il faut interpréter ces chiffres. On trouve aussi des indicateurs permettant d’évaluer la plus-value des
établissements scolaires. Je lisais il y a trois ou quatre semaines dans Le
Monde, que le lycée de Châteaudun, lycée ordinaire, avait obtenu d’excellents résultats dans les évaluations de la Direction de l’évaluation de
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Éthique et performance : questions préalables
la prospective. Le chef d’établissement expliquait qu’avec l’ensemble de
ses équipes éducatives, il avait décidé d’orienter toutes les marges de
manœuvre sur les élèves de seconde pour les porter et les aider vers une
individualisation de l’enseignement, des travaux de petits groupes etc., de
façon à les aider à réussir. Voilà tout simplement comment un établissement, dans le cadre de son autonomie, peut essayer d’aider ses élèves.
De nouveaux modes de pilotage se mettent en place, mais nous avons aussi
dans cette réforme de l’État quelque chose de tout à fait fondamental : la LOLF,
loi organique sur les lois de finances. Là aussi, cela peut être la meilleure et
la pire des choses. Je crains assez souvent que cela ne prenne une tournure
purement bureaucratique, alors que cela pourrait être un excellent instrument.
Outre le fait que cela permette un contrôle du Parlement beaucoup plus sérieux
qu’il ne l’était précédemment, le ministre présente désormais des programmes
pour lesquels il indique des objectifs chiffrés, et le Parlement lui alloue les
moyens pour accomplir ces objectifs. Chaque année, les ministres doivent
rendre compte de l’accomplissement de leurs objectifs. Même chose au niveau
des académies : en France aujourd’hui, chaque recteur est à la tête de budgets
opérationnels de programmes (il y en a quatre) pour chacun desquels il détermine des objectifs, et doit rendre compte dans un rapport annuel de performances. Nous sommes donc dans une logique financière très articulée sur des
indicateurs de résultats. Au fond, cela renvoie non seulement à l’efficacité,
mais aussi à l’efficience ; la distinction entre efficacité et efficience est la suivante : l’efficience réintroduit le coût et désigne le meilleur résultat au moindre
coût. Cette loi est donc un outil extrêmement intéressant. Ce que je regrette,
c’est que les indicateurs ne soient pas toujours pertinents ; certains d’entre eux
le sont, d’autres non. Il faut aussi bien voir que ce qui se produit aujourd’hui
en France au milieu de hoquets et de criailleries, c’est le remodelage du paysage institutionnel : on introduit dans le système éducatif à la fois la décen-
Éthique et performance : questions préalables
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tralisation – à chaque fois qu’on introduit un peu de décentralisation, on
nous dit que c’est la fin du service public national… – et la déconcentration.
Cela signifie gérer la proximité, et on sait combien il est difficile de le faire en
matière de gestion du personnel, car dans notre pays il n’est bon bec que de
Paris. Par conséquent, si vous n’êtes pas gérés par les ordinateurs parisiens, ce
n’est pas bien. Or, excusez-moi, il suffit d’avoir été sur le terrain pour savoir
qu’on peut faire un peu de gestion des ressources humaines au niveau local,
ce qui est impossible au niveau national. Parce que lorsque vous avez à faire à
330 000 instituteurs et 400 000 professeurs du second degré, vous faites de la
confection industrielle et non des costumes sur mesure.
Petit à petit, ce paysage institutionnel évolue et cela ne s’arrêtera pas
quoi qu’il arrive, parce que progressivement notre pays s’aligne sur les
standards internationaux.
Troisième et dernière source de cette exigence de résultats : la raréfaction des moyens publics. La contrainte financière est devenue terrible.
Je pense qu’une partie de nos concitoyens n’a pas encore cela en tête,
mais c’est ainsi. Aujourd’hui, on insiste donc sur la performance et sur
l’efficience, c’est-à-dire qu’on réintroduit l’efficacité par rapport au coût,
pour essayer de déterminer la meilleure efficience possible. Cela implique
qu’aujourd’hui les coûts de personnel sont très comprimés. Il faut bien
voir une chose : vous avez peut-être dans vos budgets des dépenses de
personnel, contrairement à vos collègues français en France qui ne savent
pas quel est le coût des personnels. Le budget d’un EPLE (établissement
public local d’enseignement) tel qu’on le vote aujourd’hui, représente
uniquement la subvention de la collectivité territoriale, plus quelques
minces filets de crédit d’État. Excusez-moi, mais cela ne représente même
pas 20 % du budget, parce que les 80 % restant, c’est la partie immergée
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Éthique et performance : questions préalables
de l’iceberg, c’est-à-dire les dépenses de personnel. Justement, un effort
est fait dans le cadre de la LOLF pour notifier aux établissements scolaires
leurs dépenses de personnel, de façon à ce qu’une sorte de vérité des prix
apparaisse. On ne peut pas toujours dire : « Je voudrais des postes supplémentaires ». Je comprends très bien qu’on ait besoin de postes supplémentaires, mais il faut aussi qu’on sache combien cela coûte. Une sorte
de vérité des prix est donc en train de s’installer de ce point de vue.
Mais à cause de cette raréfaction des moyens publics, une exigence très
forte de compte rendu existe aujourd’hui. Moi qui ai aussi connu la période
précédente, je peux dire honnêtement qu’on ne rendait pas beaucoup de
comptes, et même pas de comptes du tout. Les chefs d’établissement
un peu, mais au niveau des enseignants, excusez-moi, mais la visite de
l’inspecteur n’est pas vraiment un compte rendu. Aujourd’hui, les choses
sont radicalement en train de changer, et je vous le disais tout à l’heure,
les chefs d’établissement eux-mêmes sont amenés, y compris dans leur
propre gestion, à rendre des comptes : on vous fixe des objectifs dans le
cadre de votre lettre de mission, et vous allez en rendre compte quelques
années plus tard (qu’ai-je fait par rapport aux objectifs que l’autorité
académique m’avait fixés après que j’ai moi-même proposé des objectifs
et un diagnostic de l’établissement ?). Concernant les inspections des enseignants, on fonctionne encore sur un système ancien dont la valeur est
tout à fait discutable. Mais on s’oriente de plus en plus sur un système non
pas seulement d’inspection, mais d’évaluation des enseignants par rapport
à un compte rendu d’activité. D’ailleurs, certains chefs d’établissement
demandent eux-mêmes un compte rendu d’activités à leurs enseignants.
Vous en avez parfaitement le droit, il suffit simplement de le faire avec tact
et mesure, de choisir le bon moment, d’être opportuniste.
Éthique et performance : questions préalables
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L’État demande aujourd’hui des comptes aux établissements scolaires,
puisque par le biais de la LOLF et des rapports annuels de performance,
les établissements scolaires doivent également rendre compte de leurs performances. Les collectivités territoriales qui financent de plus en plus ce
système, demandent aussi des résultats pour un certain nombre d’entre
elles. Je conseille moi-même un Président de Région (Haute-Normandie) :
la moitié du budget de cette région passe dans la formation continue et les
lycées ; les élus – qui ne sont pas très éloignés du système éducatif, une
bonne partie d’entre eux étant enseignants ou anciens enseignants – paient
aujourd’hui énormément et se demandent ce que fait le système éducatif
par rapport à cela. Je dois dire par exemple qu’en Haute-Normandie, une
région située à un carrefour international près de la Grande-Bretagne, les
élus commencent à s’énerver à propos de la question des langues vivantes
étrangères, parce que les élèves sortent du lycée sans pratiquer vraiment la
langue anglaise.
Cette logique de performances est aujourd’hui fortement à l’œuvre.
Encore faut-il se mettre d’accord sur ce qu’est une performance au sein
du système éducatif, et là commence une série de problèmes, parmi lesquels des problèmes éthiques très importants.
J’en viens à la deuxième partie de cette conférence : sens et enjeux
des performances. Qu’est-ce qu’une performance en éducation ? Je signale
que Jean-Pierre Villain a écrit performance au singulier et pas au pluriel.
Je me suis interrogé pour savoir s’il y avait un sens à cette singularité,
mais je n’en ai pas trouvé. En quoi cette culture de la performance peutelle s’écarter, voire éventuellement contredire des objectifs d’éducation,
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Éthique et performance : questions préalables
des objectifs éthiques, des objectifs moraux ? En tout cas, la méthodologie
de l’évaluation, les indicateurs de performances etc., peuvent être à mon
sens interrogés et doivent être discutés. Il faut que nous ayons nous-mêmes
quelques éléments sur les jugements à porter du point de vue éthique par
rapport à ces instruments. D’abord, il faut bien dire qu’il y a beaucoup
d’insuffisance et de méconnaissance ; nous sommes très loin de pouvoir
juger et évaluer toutes les performances du système éducatif. Nous n’en
sommes qu’aux balbutiements des instruments et des indicateurs. J’évoquais tout à l’heure la notation des élèves : la notation des élèves est-elle
vraiment une évaluation des élèves ? Je vous laisse y répondre. Là-dessus
justement, peut-être est-il possible de faire des progrès. Bref, il faut avoir
conscience des limites et des possibles dérives.
Première question qu’on peut se poser sur le sens et les enjeux des
performances : peut-on mettre l’éducation en chiffres ? Il existe une
tentation, une dérive possible, de nature technocratique : tout mettre en
chiffres et croire que c’est cela qui va nous donner des solutions et nous
permettre d’approcher la vérité, ou la performance réelle des élèves. Deux
écueils sont à éviter.
Premier écueil à éviter : se focaliser exclusivement sur les chiffres. Si on
se focalise exclusivement sur le mesurable, on va avoir tendance à gommer, à oublier les acquis non mesurables ou difficilement mesurables.
Au fond, la question que nous devons nous poser à cet égard concerne
l’éducation : le résultat en éducation est-il réductible à une batterie d’indicateurs ? Je prends comme exemple le socle commun de connaissances
et de compétences – j’ai repris les textes pour essayer de vous montrer la
complexité de cette question, combien les incertitudes sont aujourd’hui
nombreuses, et on ne peut pas dire que les chiffres peuvent tout résoudre.
Éthique et performance : questions préalables
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Comme vous le savez, le socle commun de connaissances et de compétences
est issu de la loi Fillon de 2005 sur l’éducation, concrétisée par un décret
du 11 juillet 2006 appliqué à compter de la rentrée 2006. Comme vous le
savez, on a déterminé dans ce socle commun sept compétences, parmi
lesquelles certaines ne sont pas habituellement évaluées dans le système
éducatif et pour lesquelles les outils de mesure sont tout à fait parcellaires,
voire inexistants. Ceux-ci sont très utiles pour mesurer les acquis en langue
française, éventuellement en langues vivantes, mais quand on en vient à
la compétence nommée culture humaniste, ils sont déjà moins adaptés.
Or, quand on en vient aux compétences sociales et civiques des élèves,
comment les mesurer ? C’est une vraie question car on n’a pas toujours les
instruments ; du moins faut-il faire preuve de créativité pour en trouver. Enfin, la dernière compétence parmi les sept, qui me paraît tout à fait capitale
dans le monde d’aujourd’hui, mais qu’on ne sait pas vraiment évaluer, est
l’autonomie et l’esprit d’initiative des élèves. Comment évaluer cela ? C’est
compliqué. Cela n’est pas mesurable selon nos habitudes et nos instruments traditionnaux ; il faut faire preuve d’imagination. En outre, dans ce
socle commun figure pour chacune des sept compétences, une déclinaison
de ce qui est attendu des élèves. Peut-être connaissez-vous cela par cœur
et j’enfonce des portes ouvertes n’est-ce-pas ? À chaque fois, il y a trois
éléments ; comment va-t-on les évaluer ? :
Premier élément : les connaissances exigées. On sait à peu près faire,
encore que cela demande à être regardé de près.
Deuxième élément : les capacités (l’élève est capable de faire ceci ou cela).
C’est déjà plus compliqué, et on a moins l’habitude d’évaluer cela.
Troisième élément : les attitudes, les comportements. Comment juger
et évaluer cela ?
24
Éthique et performance : questions préalables
On voit bien toutes les dérives auxquelles les choses pourraient donner lieu
si on n’était pas attentif et si on n’adoptait pas de règles morales et éthiques.
J’ai pris cet exemple du socle commun de connaissances et de compétences
pour vous montrer la complexité qu’il y a à éviter l’écueil de se focaliser
exclusivement sur le mesurable. Même chose pour les indicateurs de la
LOLF. Je ne vais pas vous lire la loi de finances maintenant, mais sachez
qu’un volume très épais est consacré à l’éducation et que pour chacun des
programmes, est déclinée toute une série d’actions auxquelles sont fixés des
objectifs de performance, avec souvent des indicateurs chiffrés. Par exemple :
augmenter la proportion d’élèves des milieux sociaux défavorisés atteignant
le niveau du baccalauréat. Là aussi, cela mérite réflexion : certains indicateurs risquent d’être imparfaits ou inadaptés. Je prends un exemple : un des
indicateurs figurant cette année dans la loi de finances pour le programme
« Vie de l’élève », est le taux de participation aux élections lycéennes. Estce un bon indicateur ? Je demande à le discuter, parce que là aussi, il est
aisé de faire du chiffre. Autre chose : pour la qualité des professeurs des
écoles, il existe cinq indicateurs dont l’un est la proportion de professeurs
des écoles inspectés chaque année. Y a-t-il une relation entre l’inspection
et la qualité de l’enseignement ? Je m’interroge. Il faut toujours s’interroger
sur les méthodes d’évaluation des performances, et nous poser une série de
questions. D’ailleurs, ces indicateurs posent la question de nos missions :
fondamentalement, quelle mission la Nation nous fixe-t-elle ? Est-ce simplement celle de délivrer des diplômes ? Est-ce de faire des têtes bien pleines ?
Ou est-ce de former des citoyens, des hommes et des femmes capables d’initiative, d’insertion professionnelle etc. ? Il faut éviter l’écueil du chiffrage pur
et simple par le mesurable pur et simple.
Deuxième écueil possible : faire du chiffre. Ce n’est pas complètement nouveau, et dépend de l’éthique et de la responsabilité des chefs d’établissement
Éthique et performance : questions préalables
25
et des enseignants. Je disais tout à l’heure qu’un chef d’établissement
moyennement habile peut parfaitement réussir à avoir 100 % de résultats
au baccalauréat S dans son établissement ; parce qu’il va utiliser certaines
méthodes. Cela est totalement contraire aux principes du service public,
et aux principes que nous partageons tous ici. Par exemple les redoublements : je crains beaucoup une dérive consistant à juger les chefs d’établissement par rapport au taux de redoublement et à les sommer de réduire
ce taux. C’est un excellent objectif car la France est un des rares pays au
monde avec tant de redoublements. Mais il y a deux manières d’atteindre
cet objectif : on peut faire du chiffre – il suffit que le chef d’établissement
décide de faire passer les élèves –, ou bien faire vraiment le travail, sans
abaisser les niveaux d’exigence, grâce à l’individualisation, au soutien etc.
pour prévenir les redoublements. Il y a donc différentes méthodes auxquelles il faut à chaque fois être attentifs : la méthode morale et éthique, et
une autre qui l’est tout de même moins. Les options au baccalauréat sont
aussi un bon exemple. Je sais que c’est un vaste sujet en ce moment et j’ai
aussi ma petite idée sur la question. Le choix de certaines options est guidé
exclusivement par une dérive du chiffre – avoir des points pour le bac – et
non dans un projet éducatif. On sait que cette pratique est malheureusement répandue dans le système.
Deuxième question : la pertinence de ces chiffres et la pertinence des
résultats. Quand j’inspectais et quand un principal de collège très souriant
m’accueillait, puis me présentait son établissement en me disant qu’il était
très content parce qu’il avait augmenté de 3% les résultats au brevet, je
restais de marbre. Il se demandait pourquoi. Là aussi, le brevet des collèges
est-il un résultat pertinent ? La réponse est non, et vous savez pourquoi :
il suffit de comparer les notes de contrôle continu par rapport aux notes
des épreuves terminales. Dans un département français que j’ai évalué,
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Éthique et performance : questions préalables
j’avais fait le petit calcul, ainsi que la courbe entre les résultats de contrôle
continu et ceux des épreuves. Je m’étais alors aperçu qu’avec une note
de 5/20 aux épreuves terminales, on pouvait dans certains établissements
avoir son brevet. On achetait la paix sociale… Donc attention, tout cela
est à prendre avec beaucoup de pincettes. Là aussi, comment maintenir et trouver les moyens d’instaurer une certaine éthique des résultats ?
Je parlais tout à l’heure de devoirs communs, de copies distribuées de
manière aléatoire entre les enseignants, pour éviter ce genre de dérive.
Enfin, la question de l’imputabilité des performances : de qui dépendent
finalement les résultats ? La tendance naturelle du système et de nos collègues
enseignants, est de dire que si un élève a des mauvais résultats, il ne peut
s’en prendre qu’à lui-même. C’est un peu simple. Mais, en même temps,
il est très difficile d’analyser les facteurs d’échec et de réussite des élèves.
Des sociologues comme Marie Duru-Bellat ont montré qu’il existait un
effet-établissement : on réussit mieux dans certains établissements que dans
d’autres. Mais on ne connaît pas assez bien les facteurs explicatifs de ce phénomène. On sait par ailleurs qu’il existe un effet-maître – c’est une chose que
je ne devrais pas dire mais qui se sait dans toute communauté éducative : les
élèves réussissent mieux avec Monsieur X, qu’avec tel autre. C’est-à-dire que
des enseignants arrivent mieux que d’autres à faire réussir leurs élèves. Tout
cela est évidemment à manier avec beaucoup de précautions ; il faut tout de
même essayer d’en tirer les leçons, pour la constitution des équipes de classe
par exemple.
Concernant les indicateurs, il me semble qu’il faut essayer dans les établissements scolaires, par une discussion collective ouverte, d’en construire
des batteries, en ayant toujours conscience des limites et du sens que l’on
veut leur donner. On peut parfaitement comprendre que tel établissement
Éthique et performance : questions préalables
27
se range à tel et tel type d’indicateur, parce que ce qui est pertinent dans
un établissement ne l’est pas nécessairement dans un autre. Il y a donc
tout un travail à réaliser en veillant à ne jamais oublier que l’éducation est
un effort de long terme – ce que nos ministres oublient malheureusement
quelquefois : une réforme n’a d’effet qu’au bout de plusieurs années, ce
n’est pas un résultat immédiat. Là aussi, laissons du temps, et travaillons
avec les équipes sur le long terme.
Je vais conclure parce qu’à défaut, nous pourrions continuer longtemps sur
ce vaste et beau sujet. C’est un sujet qui ouvre des tas de perspectives et
qui ne répondra peut-être pas à toutes les questions. Tant mieux d’ailleurs,
si nous nous posons beaucoup de questions, et que nous n’avons pas
nécessairement de réponses à y apporter. Certaines de ces questions sont très
personnelles, mais en tout état de cause, elles posent toujours le problème
des finalités de l’institution. Il faut toujours se référer aux principes qui
nous guident, aux valeurs qui sont les nôtres ; évidemment parmi celles-ci,
l’égalité des chances de tous les enfants est la première de toutes. Mais il
me semble qu’en tout état de cause, il ne faut pas non plus avoir peur de
cette logique de performance. Anne Barrère nous explique dans son livre
que les chefs d’établissement du Nord-Pas-de-Calais sont très attachés à la
modernisation du service public dans une logique d’amélioration des
résultats, mais qu’en même temps ils concilient cet attachement avec un
projet républicain. Il me semble que c’est cette voie qu’il faut essayer de
chercher et de trouver : être à la fois attaché à un projet républicain et nous
orienter vers une modernisation qui fera que notre système éducatif pourra
être tout à fait performant.
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Éthique et performance : questions préalables
BIBLIOGRAPHIE DE L’AUTEUR
Petite histoire d’un grand ministère, l’Éducation nationale, Albin Michel, 1988.
Bernard Toulemonde a dirigé :
Le système éducatif en France, coll. « Les notices », La documentation Française,
3e édition, septembre 2009.
POUR EN SAVOIR PLUS
« La performance, sa mesure. Enjeux éthiques », Administration et éducation,
revue de l’association française des administrateurs de l’éducation, n°2, 2009.
Lessard (Claude) et Meirieu (Philippe), L’obligation de résultats en éducation,
Les presses de l’Université de Laval, 2004.
Baillat (Gilles), De Quetele (Jean-Marie), Paquay (Léopold) et Thélot (Claude),
Évaluer pour former, De Boeck, 2008.
Éthique et performance : questions préalables
29
Fragments d’analyse
sur l’instruction scolaire
Jean-Marc Monteil
PROFESSEUR ET CHARGÉ DE MISSION
AUPRÈS DU PREMIER MINISTRE
Professeur des universités, Jean-Marc Monteil est docteur en
sciences psychologiques et sociales et docteur d’État ès lettres
et sciences humaines. Il commence sa carrière à l’université
Clermont - Blaise Pascal dont il sera le président de 1992 à 1997.
Ses travaux ont porté sur l’étude de l’influence des contextes,
et notamment de la comparaison entre individus, sur les
performances et processus cognitifs, jusqu’à des niveaux
élémentaires de mobilisation de l’attention. Il a créé et dirigé
dans ce cadre thématique le laboratoire de psychologie de la
cognition (UMR CNRS) de 1983 à 1998. Il a été membre du comité
national de la recherche scientifique section « activités mentales,
neurosciences intégratives et comportements ». Il est professeur
associé à l’université de Lausanne en 1988-89. En 1996-97, il est
président de la Conférence des présidents d’Universités. Il est
ensuite recteur de l’académie de Bordeaux, puis recteur de
l’académie d’Aix-Marseille. En juillet 2002, il est nommé
directeur de l’Enseignement supérieur puis directeur général.
En mai 2007, il est chargé de mission auprès du Premier
ministre François Fillon.
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Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
Fragments d’analyse
sur l’instruction scolaire*
Joëlle Dusseau
L
orsque Jean-Pierre Villain1 m’a demandé si je voulais bien venir
bavarder un moment avec vous, et lorsqu’il m’a donné le thème
Éthique et performance, j’ai trouvé que le niveau d’ambition était extrêmement élevé, parce qu’accoler éthique et performance, c’est un vrai
sujet. L’éthique de son côté, et la performance du sien, sont en soi des
problèmes qui méritent des traitements approfondis.
Je me suis posé la question de savoir par où il fallait commencer. La
fonction qui a occupé la plus grande partie de ma vie, c’est la fonction de
chercheur, ce pendant plus de vingt ans. Elle m’a conduit à traiter un certain
nombre de questions qui touchent moins à l’éthique qu’à la performance,
puisque j’ai beaucoup travaillé dans le domaine des sciences cognitives sur
les conditions de production intellectuelle, ce qui est finalement le fond
de votre activité. Vous gérez des ensembles qui génèrent de la production
intellectuelle et qui sont finalisés par elle.
* L’auteur a volontairement conservé le style familier d’une intervention orale qui correspond bien à l’esprit de la rencontre.
1 - Directeur général de la Mission laïque française de 2003 à 2009.
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
33
Je me suis donc posé la question de savoir s’il fallait que je me clive, c’està-dire que j’oublie le chercheur pour faire appel au recteur, éventuellement au président d’établissement que j’ai été. Je me suis dit que j’allais
essayer de faire l’intégrale de tout cela, et de voir ce que cela donne.
Ce dont je suis absolument convaincu, c’est qu’on ne peut pas – quelle que
soit la position qu’on occupe – ne pas être fondamentalement structuré par
ce qui nous a constitué. C’est la raison pour laquelle le métier de l’éducation
est un métier à très haute responsabilité. Il y a donc dans cette très haute
responsabilité, une composante éthique évidente. Si je vous dis ces quelques
mots d’introduction, tout compte fait triviaux, c’est pour introduire le fait
que je vais vous parler sur la base de ce qui m’a structuré, c’est-à-dire ma
formation et ma pratique de chercheur. Elles ont, en effet, guidé et orienté
la plupart de mes actions, moins d’ailleurs par les objets d’études auxquels
elles m’ont confronté que par les méthodes qui en fondent l’identité.
Il se trouve que j’appartiens à l’univers de ceux qui font de la recherche
de type expérimental et qui sont ainsi conduits à l’exigence de confronter
leurs idées à l’épreuve des faits. En science, dans un laboratoire, ces idées
s’expriment et se testent sous forme d’hypothèses. Dans la vie ordinaire,
c’est-à-dire celle de tous les jours, il va de soi qu’une telle position se
révèle moins simple. Le réel du laboratoire n’est pas moins réel que la
vie ordinaire mais cette réalité de la vie ordinaire prend des formes moins
facilement contrôlables. Néanmoins, les fondements éthiques qui consistent à se placer dans les conditions les plus défavorables pour vérifier si
ce que nous pensons résiste aux faits sont les mêmes : ne pas se satisfaire
de ce qui confirme ce que nous pensons.
Si la démarche qui consiste à confirmer ses propres hypothèses est
34
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
une démarche de paresse intellectuelle, il ne faut cependant pas la vivre
en coupable. C’est en effet une inclination humaine et comme telle, une
inclination partagée. Néanmoins, on ne doit jamais perdre de vue que cette
démarche de confirmation d’hypothèse est susceptible de générer, dans
l’acte d’éducation, des certitudes commodes, des jugements hâtifs ou encore
des comportements récurrents quelles que soient les situations rencontrées.
Certes, l’enseignement et plus largement l’éducation, ne sauraient se nourrir
du seul doute. Mais on peut légitimement penser que l’intrusion de quelques
incertitudes porte en soi une saine remise en question. Il s’agit d’une nécessité éthique pour qui fait profession d’éduquer.
Dans le cadre de cette éducation, pour instruire (au sens le plus large) les
jeunes qui vous sont confiés, vous disposez notamment des programmes
disciplinaires. Ces programmes, que les professeurs finissent à peu
près toujours et les élèves moins souvent, relèvent-ils, pour leur efficacité, d’un minimum d’intrusion d’incertitudes dans leur déploiement ?
À l’évidence, assez faiblement. En effet, si l’on veut bien considérer la
récurrence même de ces programmes, on est évidemment en droit de
penser que la façon dont leur contenu est intégré par l’ensemble des
élèves compte pour peu dans leur évolution. Dès lors, le redoublement
constitue la réponse apportée au décalage observé entre la performance
de certains élèves et le niveau supposé des programmes. On « redouble »
donc le programme et l’on s’étonne que dans la plupart des cas, les
mêmes causes produisent les mêmes effets. La qualité du programme est
en quelque sorte confirmée par l’échec de l’élève et la remise en cause
est évidemment celle de l’élève. Mais ne me faites pas dire, par extension,
ce que je ne dis pas, à savoir que tous les élèves devraient réussir à la
première « entame ». Certes non. Mais ne pourrait-on pas se demander
si des taux de redoublement de l’ordre de 15 % ne révèlent pas, sinon
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
35
une inadéquation des programmes aux élèves, du moins une insuffisante
richesse de présentation.
Il est évidemment confortable de confirmer, par une production
gaussienne des performances, l’idée (dont nous sommes tous porteurs)
que les performances scolaires dépendent exclusivement des qualités et
propriétés intrinsèques des élèves. Or, considérer que ces performances
dépendent peut être aussi du rapport que les élèves entretiennent avec les
propriétés intrinsèques des savoirs déployés dans les programmes aurait
probablement la vertu de rappeler qu’enseigner et apprendre devraient
plutôt conduire à une courbe de performances en forme de J. Tout cela
pour indiquer que rien ne doit nous dispenser d’émettre une hypothèse
alternative aux explications des résultats que nous observons si nous
voulons nous prémunir de « l’idéologie du don ».
Même au risque de la répétition, développons un peu. Nous sommes tous,
à des degrés divers, même quand on s’en défend, fondamentalement
habités par l’idée que la performance est le résultat de la transaction
des compétences intrinsèques d’un individu appliquées aux propriétés
intrinsèques d’un objet. Si les compétences intrinsèques d’un individu
sont élevées, alors il doit pouvoir traiter les propriétés les plus élevées
d’un objet. Ceux qui traitent les propriétés les plus élevées d’un objet
sont ceux qu’on appelle des élèves doués ou de très bons élèves. Et
ceux qui ne parviennent pas à traiter les propriétés de l’objet selon le
modèle de référence que nous avons intériorisé, sont considérés comme
« structurellement insuffisants ». Puisque la seule transaction que l’on
regarde dans la performance est celle opérant entre les propriétés du
sujet et les propriétés de l’objet de connaissance. Mais personne ne
regarde de manière systématique l’influence que peut avoir le rapport
36
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
que le sujet entretient avec l’objet. Or ce rapport existe et il est médiatisé
par de nombreux éléments. Le premier d’entre eux est lié à la qualité
et la nature (quasi historique) des bases de connaissances de l’élève.
Nous ne sommes en effet pas dans une situation équivalente quand nous
avons affaire à un enfant qui est en train de traiter un objet et qui, dans
une situation similaire, a connu dans le passé une situation d’échec ou
une situation de succès dans le cadre de ce traitement. En effet, lorsqu’il
est amené à traiter une situation qui présente des caractéristiques de similitude avec des situations connues, la nature de ces situations, d’échec
ou de succès, n’entraînent pas les mêmes conséquences. Quand la
situation évoquée est négative (échec), deux problèmes se conjuguent :
la situation d’échec antérieure, activée par la situation actuelle et négativement chargée, et le problème à traiter. Dès lors, l’attention mobilisée
est plus importante que dans le cas où la situation évoquée est celle du
succès. En effet, dans ce dernier cas, le caractère positif de l’évocation du
succès ne réclame pas d’attention. Le problème peut alors mobiliser toute
l’attention disponible de l’élève.
Le rappel d’une situation positive, non douloureuse, non problématique, ne
réclame absolument aucune attention particulière, alors qu’une situation
problématique demande d’être traitée : elle est donc consommatrice d’attention. Une performance scolaire n’informe donc, en soi, que partiellement sur les « capacités et caractéristiques de l’élève ». Néanmoins, le
plus souvent, le bulletin trimestriel porte jugement en termes de traits de
personnalité : manque de volonté, esprit lent ou, symétriquement, esprit vif,
bonne volonté ou encore manque de travail etc. Quelles unités de mesure
viennent soutenir de tels jugements ? Vous ne rencontrez jamais un bulletin
trimestriel d’élève avec 18 de moyenne qui porte l’appréciation « manque
de travail » ou « manque d’effort » et pourtant ! Cela signifie que la mesure
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
37
est confondue avec la qualité. À tel point, par exemple, que la mention
« ensemble moyen » permet au chef d’établissement dans son appréciation
globale de couvrir et la mesure et la qualité supposée de l’élève !
Le thème de votre rencontre est Éthique et performance. Mais qu’est-ce
qu’un comportement éthique à l’endroit de la performance ? À mon sens,
il devrait s’agir de se demander d’abord ce que la performance signifie
avant de la considérer comme susceptible de traduire la qualité d’un individu. En effet, la performance rend parfois plus compte des conditions de
sa réalisation que des propriétés générales de l’individu. N’est-il donc pas
dangereux de porter un jugement, éventuellement définitif, à partir d’elle
et sans autre forme d’examen ? Peut-on sérieusement parler de manque
de compréhension à partir de la mesure d’une performance ?
Quand on sait la puissance de la mémoire dans sa capacité de rappel,
quand on sait le caractère sédimentaire de jugements répétés des dizaines,
des centaines voire des milliers de fois dans une scolarité, on doit se
garder de confondre performance et qualité. Aussi ne faut-il jamais
inhiber chez un élève sa capacité à rompre avec sa propre histoire si l’on
veut préserver chez ceux qui échouent des perspectives de réussites ultérieures. L’éthique de responsabilité des acteurs du système et du système
lui-même devrait, dans le cadre d’une telle obligation, pouvoir donner
toute sa mesure.
Cependant, la performance demeure fondamentale et l’exigence à entretenir
à son endroit doit s’exprimer pleinement. Il convient simplement de ne
jamais perdre de vue qu’elle est relative à l’objectif poursuivi. Si sa définition entre dans ce périmètre, il est alors légitime qu’elle traduise l’atteinte
ou non d’un objectif donné plus que les qualités intrinsèques des élèves.
38
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
Ce n’est évidemment pas la même chose. Et il est déjà tellement difficile
de mesurer convenablement l’atteinte du premier que s’attacher à cerner
précisément les secondes relèvent de la fiction. Sans s’engager ici dans un
développement sur l’évaluation, les multiples biais scientifiquement observés dans les pratiques d’évaluation à visée docimologique devraient retenir
certains des jugements du professeur.
Mais qu’est-ce qu’un professeur ? C’est un ingénieur avec un supplément
d’âme. Les ingénieurs travaillent sur de la matière froide, les professeurs
travaillent sur de la matière vivante, ce sont donc des ingénieurs avec un
supplément d’âme. Chacun mettra sous ce dernier terme ce qu’il a envie
d’y mettre, mais ce n’est pas le même système de valeurs qui supporte les
deux pratiques, celle de l’ingénieur et celle du professeur. Par ailleurs, la
plus efficace des ingénieries, appliquée à l’acte d’enseignement, ne serait
qu’un « pauvre tour de main » si elle n’était pas adossée à une connaissance totalement maîtrisée des savoirs disciplinaires. En revanche, une
fois assurée la connaissance de la discipline, la capacité à organiser l’environnement des apprentissages porte en soi la plus value susceptible
d’optimiser les actes d’enseigner et d’apprendre.
Cette recherche permanente d’optimisation devrait faire l’objet d’un
partage entre professionnels de l’enseignement. Pour que ce partage
s’installe et constitue une base sans cesse renouvelée de connaissances
pratiques et d’expériences, il conviendrait que les professeurs consignent,
périodiquement, leurs réflexions sur leurs actions dans un rapport d’activités (démarche naturelle dans le domaine scientifique). Ce serait une
fantastique richesse pour solidariser, au sein de l’institution, les actions
pédagogiques des professeurs et pour favoriser la mise en place d’un véritable système de veille, à la fois sur l’évolution des programmes et sur la
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
39
façon dont ils sont intégrés par les élèves, ces derniers étant appréhendés
dans leur diversité sur la base d’une évaluation rigoureuse et scientifiquement informée. Un tel rapport d’activité dirait des choses sur la classe et
son organisation, sur les forces et faiblesses des programmes, sur la pertinence de l’emploi du temps etc. Ainsi y aurait-il matière à occuper, en
professionnel, la prérentrée dans les établissements scolaires. Il n’y aurait
là rien de bien révolutionnaire, sauf à considérer qu’échanger des points
de vue un peu formalisés entre professeurs relève d’un acte sans rapport
avec la vie « ordinaire » de l’école. Le chef d’établissement y puiserait des
ressources objectives susceptibles d’alimenter sa réflexion et son action
de manager et de premier responsable pédagogique de l’établissement.
Si l’École, dans son ensemble, veut associer éthique et performance, elle
doit commencer à faire en sorte que les acteurs, dans leur totalité et au
sein d’un espace institutionnel donné, discutent ensemble des éléments
qu’ils se sont attachés à produire le plus objectivement possible. C’est la
préparation, l’analyse et le bilan d’un système de production (il faut employer le terme) de compétences, de performances, et de comportements
qu’il s’agit de promouvoir et d’entretenir au bénéfice exclusif des élèves.
En effet, au bout du compte seuls leurs résultats nous jugent.
40
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
BIBLIOGRAPHIE DE L’AUTEUR
Seaton M., Marsh H.W., Dumas F., Huguet P., Monteil J.M., Régnier I., Blanton H., Buunk B.P.,
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Huguet P., Dumas F. and Monteil, J.M. “Competing for a Desired Reward in the Stroop Task:
When Attentional Control is Unconscious but Effective versus Conscious but Uneffective”.
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Michinov E. and Monteil J.M. “The Similarity-Attraction Relationship Revisited: Divergence
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Huguet P., Dumas F., Monteil J.M., and Genestoux N. “Choice Comparison and Comparative
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Monteil J.M. and Huguet P. Social Context and Cognitive Performance. Hove, East Sussex:
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Huguet P. Monteil J.M., Galvaing M.P. and Dumas F. “Mere Presence Effects in the Stroop
Task: Further Evidence for Attentional view of Social Facilitation”. Journal of Personality
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Monteil J.M., Brunot S. and Huguet P. “Cognitive Performance and Attention in Classroom.
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Psychology, Vol. 88, pp. 241-250, 1996.
Monteil J.M. and Michinov N. “Study of some determinants of social comparison strategies
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Martinot D. and Monteil J.M. “The academic self-schema: an experimental illustration”.
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Monteil (Jean-Marc), Soi et le Contexte. Paris, Armand Colin, 1993.
Monteil J.M. “Social regulations and individual cognitive function: effects of individuation on
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Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
41
POUR EN SAVOIR PLUS
Huguet P., and Régner I. “Stereotype Threat Among School Girls in Quasi ordinary
Classroom Circumstances”. Journal of Educational Psychology, Vol. 99, pp. 545-560, 2007.
Monteil (Jean-Marc) et Huguet (Pascal), Réussir ou échouer à l’école : une question de
contexte ?, Grenoble, PUG, 2002.
Monteil (Jean-Marc), Éduquer et former , Grenoble, PUG, 1989.
Régner (Isabelle), « Les stéréotypes de genre des enseignants ». Sous la direction de
Bourgeois (Etienne) et Chapelle (Gaëtane), Apprendre et faire apprendre, Paris, PUF, 2006.
42
Fragments d’analyse sur l’instruction scolaire
Les Conférences de la Mission laïque française
Dans la même collection…
L questions de l’identité, de l’histoire et de la
Les
mémoire ont, depuis quelques années, pris une place
m
ccentrale dans notre actualité sociale,
cculturelle ou politique.
IIl n’est pas d’identité sans mémoire.
M
Mais il n’est pas non plus d’identité vraie, c’est-à-dire
d
dynamique et vivante, qui ne cherche à éclairer et à
m
mieux comprendre ce que sa mémoire porte. Tel est le
rrôle premier de l’Histoire.
C
C’est à cette problématique que Philippe Joutard,
p
professeur des universités, ancien recteur, et Joëlle
Dusseau
Dusseau, inspectrice générale de l’Éducation nationale ont répondu par leurs deux
conférences présentées lors du séminaire des personnels d’encadrement de la Mission
laïque française en mai 2007.
La Mission laïque française a souhaité publier ces deux conférences d’une très
grande qualité afin de vous faire partager la richesse de ces réflexions.
Retrouvez les Conférences
de la Mission laïque française
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