arrêts sur images - Frac Languedoc

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arrêts sur images - Frac Languedoc
ARRÊTS SUR IMAGES
au Frac L a n g u e d o c - R o u s s i l l o n
DU
17
NOVEMBRE AU
22
DÉCEMBRE
2006
Mathieu Kleyebe Abonnenc, Geert Goiris, Lisa Milroy, Florence
Paradeis, Patrick Tosani, Sam Samore, Isabelle Waternaux
Une image est toujours quelque chose de figé. Même le cinéma est une succession d'images fixes, produisant une illusion de
mouvement et de temporalité : mais il s'agit d'un temps "composé" à partir de son contraire, l'immobilité, un temps mort aurait dit
Bergson, le contraire même de la durée. Cette dernière n'est conférée à l'image que par la subjectivité propre de celui qui lui fait face :
le spectateur d'une image peut lui consacrer ou non du temps, son temps, ou se limiter à un décodage de l'information qu'elle contient.
On peut passer vite ou au contraire s'efforcer de saisir ce que l'image révèle de plus que son contenu "indiciel", à savoir la présence
d'une réalité placée dans la durée et, par conséquent, vivante. Il n'en va pas tellement différemment pour les images issues de
l'imagination, les peintures par exemple : elles peuvent aussi être "vite vues" (et dans ce cas, elles ne nous disent strictement rien,
puisque leur mode même de production est basé sur la lenteur de la transformation d'un sentiment intérieur en formes, figuratives ou
abstraites), ou donner à celui qui les regarde l'occasion d'une plongée dans la durée qu'elles contiennent. Comme nous sommes
aujourd'hui "bombardés" par les images, nous ne nous arrêtons plus devant elles, sinon pour en analyser les implications idéologiques
(comme le fait l'émission télévisuelle). Aussi, si nous voulons expérimenter la temporalité vraie des œuvres, il est indispensable de faire
plusieurs arrêts devant elles, il faut non seulement les voir, mais les revoir.
L'exposition Arrêts sur images propose ainsi de découvrir ou de redécouvrir des œuvres du Fonds régional d'art contemporain
Languedoc-Roussillon qui mettent en jeu des images impliquant la dimension temporelle. Peinture (Lisa Milroy), vidéo (Mathieu K.
Abonnenc) mais surtout photographies (Geert Goiris, Patrick Tosani, Florence Paradeis, Sam Samore, Isabelle Waternaux) sont autant
de médiums qui posent la question de la représentation du réel : comment les percevons-nous ? Comment les artistes les mettent-ils
en jeu pour inviter le spectateur à capter l'instant présent, la durée d'une présence saisie dans son apparence figée mais néanmoins
"mouvante" ?
Emmanuel Latreille
Directeur du Frac Languedoc-Roussillon
Frac LR - 4/6 rue Rambaud - 34000 Montpellier - 04 99 74 20 35 - www.fraclr.org
S e r v i c e d e s p u b l i c s : G a ë l l e D u p r é , C é l i n e M é l i s s e n t , M a r i e - H é l è n e N i q u e - D é p r e t s e @ f r a c l r. o r g
Geert Goiris, né en 1971 à Bornem (Belgique). Vit et travaille à Anvers
Geert Goiris privilégie les lieux insolites, trouve des " scènes " fortes,
étranges et belles à partir desquelles il compose ses photographies. Les
étendues désertiques marquées par le passage de l'homme paraissent
issues de lieux irréels. Le temps de pause très long crée un effet de
suspension de l'espace et du temps. "Tout ce que je photographie est
réel(…). Je ne manipule pas les images et me contente de prôner leurs
capacités naturelles en opérant le choix du moment, du cadrage et du point
de vue... Je découvre toutes les images par hasard. Elles comportent
souvent un motif central qui indique la présence humaine. La juxtaposition
des climats et des régions les plus disparates provoque l'émergence d'un
paysage mental. J'essaie d'installer un doute dans la notion du paysage
sublime en y apposant une anomalie."
Geert Goiris - Eclipse - 2000
Isabelle Waternaux, née en 1957
Vit et travaille à Paris
Série de 7 diptyque photographique
Isabelle Waternaux a réalisé les portraits de l’actrice Chim Naline sur
une semaine selon un protocole précis : 7 jours de pose, dans le même
lieu, avec une double prise de vue, de face et de profil. Les rapports du
temps et du corps sont donc l'enjeu de cette œuvre qui développe les
thématiques du corps et du portrait.
Autour de la question du portrait, les photographies d'Isabelle
Waternaux recherchent la "présence singulière de l'autre". Se dégage
une énergie où le corps livre un sentiment intérieur, concrétisant le
moment privilégié de la rencontre que partagent l'artiste et son modèle.
Emmanuel Latreille
Isabelle Waternaux - Chim Naline - 2000
Lisa Milroy, née en 1959, Vancouver (Canada)
Vit et travaille à Londres
Lisa Milroy s'intéresse aux choses du monde et revisite tous les sujets de la
peinture. Elle ne peint pas le spectacle pittoresque de paysage, mais convertit
en image des instants mémorisés, sans anecdote. L'architecture de Euston
Station occupe tout l'espace, le cadrage délibérément tranchant rappelle celui
de la photographie tout comme le rendu à la limite de l'hyperréalisme. Pourtant
au réalisme s'ajoute un caractère générique, une étrangeté qui laisse à penser
que l'objet de la peinture n'est pas simplement celui du paysage urbain. Il serait
davantage question de combinaison de couleurs et de formes, de planéité et de
surface esthétique. Cette peinture joue entre réel et illusion, entre logique et
fiction pour s'affranchir du sujet.
Céline Mélissent
Lisa Milroy - Euston Station - 1995
Mathieu Kleyebe Abonnenc, né en Guyanne en 1977
Vit et travaille à Marseille
Les oeuvres de Mathieu Kleyebe Abonnenc s'affirment comme des
tentatives artistiques de répondre à la question : qu'est-ce qui
entre et sort de nos mémoires? Sur quels systèmes de
représentations s'édifient notre civilisation vivante ? Grace à des
cuts et des assemblages de bandes vidéos usagées de films
hollywodiens, il recrée un temps et un espace qui serait de l'ordre
du paysage sensible et intime avec des matériaux appartenant à
ce que l'on peut qualifier de mémoire collective de grande
consommation. Il fait du particulier avec des lieux communs.
Luc Jeand'heur
Mathieu Kleyebe Abonnenc - D'ici - 2003-2006
Florence Paradeis, née en 1954 à Anthony (Haute-Seine)
Vit et travaille à Paris
Il s'agit de rendre compte d'un espace, d'un instant propre : "utiliser la photographie pour
le hors-champ qu'elle suppose. Un arrêt sur image factice ne prétend pas saisir la vérité
d'un sujet mais suggérer par le morcellement son tout insaisissable...*. Il y a aussi dans
cette photographie une volonté de réduire au minimum tout sentiment de confrontation
entre l'artiste/modèle et le spectateur, et d'instaurer une nouvelle relation, de façon à ce
que règne entre eux une congruence.
Elisabeth Klimoff
* Florence Paradeis, "Treize réponses à Michael Blum", in Florence Paradeis, Frac Limousin,
Limoges, 1993.
Florence Paradeis - La Pomme - octobre 1995
Patrick Tosani, né en 1954 à Boissy-l'Aillerie (Val-d'Oise)
Vit et travaille à Montrouge (Hauts-de-Seine)
Après avoir expérimenté le procédé photographique à travers les séries des
objets quotidiens et de la nourriture Patrick Tosani choisit de s'approprier et de
révéler l'espace familier et pourtant étrange du corps humain.
XX reproduit en gros plan le haut du crâne d'un homme. Chaque portrait est
celui d'un ami de l'artiste dont les initiales du nom titreraient les planches. Le
détail sature l'espace du tableau et la démesure souligne autant l'artificialité de
l'image que la bizarrerie du corps vu sous cet angle. Les surfaces pleines
recouvrent tout l'espace et montrent aussi bien la forme que l'informe.
Le raccourci photographique découpe donc dans le corps et le point de vue
désoriente, transformant ainsi notre perception.
Céline Mélissent
Patrick Tosani - XX - 1992
Sam Samore, né en 1963 aux USA. Vit et travaille à New - York
Chaque photographie de Sam Samore est le produit d'une
savante interaction entre des références et des moyens
techniques spécifiques. Il s'agit pour lui de produire des images
qui soient capables de traduire une intensité et une gravité
fictionnelle. Pour obtenir ce résultat, Sam Samore s'inspire de la
technique cinématographique. En effet, il rédige d'abord un
scénario dans lequel il développe des scènes épiques de façon
à ce que la prise de vue puisse être tel un arrêt sur image.
Céline Mélissent
Sam Samore - Fictions - 1997
L’exposition Arrêts sur images nous propose d’entrer dans des espaces et des temps fragmentés. Les propositions et démarches utilisées par les artistes nous invitent à reconstruire le contexte dans lequel s’incrit l’origine de leurs oeuvres et à nous interroger sur la
durée du regard porté par le spectateur.
De la confrontation de ces oeuvres se dégage une atmosphère étrange et mystérieuse dans laquelle la présence
humaine est plus souvent suggérée que montrée. Au delà de l’apparence figée c’est la vie et la mobilité “hors champ” qui sont convoquées.
“La photographie se réfère au vivant, repoduit quelque chose qui existe mais qui appartient déjà au passé. Elle capte un moment de
vie qui ne se reproduira plus jamais.” (Une rentrée photographique, F.Letz et F.Jolly)
REFLEXIONS A PROPOS DES DÉMARCHES ARTISTIQUES
Un arrêt sur image dans une succession d’images animées (Sam Samore)
Contenu de l’image choisie et pertinence du choix, place et nature du hors champ, traitement plastique spécifique.
A partir de quel moment et dans quelles conditions de réception le réel représenté dans une photo peut-il devenir une abstraction?
Une vidéo composée d’une succession de séquences animées préexistantes ( Mathieu K. Abonnenc)
L’image comme matériau de re-création.
Abandon d’une narration initiale au profit de la reconstruction d’un monde fictif en images.
Apports potentiels d’un accompagnement musical.
Une série de poses dans une série d’instantanés (Isabelle Waternaux)
Mise en parallèle des durées de réalisation et de réception.
Les ellipses du temps entre deux clichés d’un diptyque, entre deux diptyques de la série.
Contraintes de mises en scène que s’impose l’auteur, incidences dans les productions.
Rapports entre modèle et photographe, indices de l’évolution psychologique du personnage représenté.
Autoportrait (Florence Paradeis)
Se montrer, se cacher, se dévoiler dans la banalité du quotidien : l’intentionalité de la mise en scène.
Fonctions et codes habituels des genres “portrait” et “autoportrait”.
Mobilité/ immobilité : l’action figée dans le temps
Gros plan sur un détail (Patrick Tosani)
Représentation du corps et indices d’identification
Variations sur le genre du portrait par une transposition métonymique (une partie pour le tout).
Décontextualisation d’une partie du corps vers une abstraction du réel.
Cadrage, point de vue, échelle....
Scènes de paysages insolites (Geert Goiris)
...De la “belle photo” de paysage à la photo de paysage artistique.
Evocation de sensations et d’émotions face à un environnement naturel représenté : fugacité de l’instant et subjectivité des choix.
Importance de la composition de l’image: succession des plans, profondeur de champ, rapports d’échelle, rôle de la lumière naturelle.
Place et fonction de l’introduction d’un élément insolite. Présence/ absence humaine dans une production d’images de paysage.
Hyperréalisme (Lisa Milroy)
Tendance picturale qui apparait aux Etats Unis à la fin des années 1960, utilisant la photographie comme élément de base pour reproduire la réalité avec une précision et une objectivité proche de celle de la photograhie (ex: Jean-Olivier Hucleux)
Dictionnaire de la Peinture Larousse
Hyperréalisme: mise à distance du réel? Illusion de véracité?
Ecarts entre réalité, image originale, reproduction et interprétations.
Effets de reflets et illusion du réel.
AUTRES PROPOSITIONS DE PISTES DE TRAVAIL
- Typologie photographique (photos mémoire, photos souvenirs, photos documentaires, photos reportages...)
- Paramètres constants d’une photographie.
- Paramètres variables d’une photo en fonction d’une intention.
- Rapports entre des images fixes et images animées produites en vidéo, en photo et dans une séquence filmique.
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