Newsletter Chambre arbitrale internationale de Paris

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Newsletter Chambre arbitrale internationale de Paris
Octobre 2015
N° 8
Sommaire
Édito
ÉDITO
Le 1er septembre 2015 est entré en vigueur le
nouveau Règlement de la Chambre Arbitrale
Internationale de Paris. Une refonte qui en fait
désormais, comme le souligne le professeur
François-Xavier Train, un des règlements
d’arbitrage les plus modernes sur la place de
Paris.
Une chose est sûre : adapté à tous types de litiges internes et internationaux, l’arbitrage convient tout particulièrement au contentieux informatique et de l’IP/IT, auquel nous consacrons notre
dossier et qu’évoquent pour nous deux acteurs incontournables
de ce secteur, Eric Caprioli et Alain Bensoussan.
Pragmatique et efficace, comme le soulignent dans leur commentaire Marie Danis et Carine Dupeyron, le nouveau règlement de la CAIP fait d’ailleurs une large place, par capillarité, à sa nouvelle procédure dématérialisée abordée par
Romain Dupeyré à travers l’irruption d’internet et des nouvelles technologies dans la procédure arbitrale elle-même.
Bienvenue à la nouvelle procédure arbitrale électronique !
is
DOSSIER
L’ARBITRAGE ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
L’arbitrage dans les contentieux de l’informatique
Par Eric A. Caprioli et Ilène Choukri
La clause compromissoire électronique : l’imperium
renouvelé de la volonté des parties
Par Eric A. Caprioli et Ilène Choukri
La procédure arbitrale électronique
Par Romain Dupeyré
L’arbitrage, une procédure efficace dans le domaine IP/IT
Entretien avec Alain Bensoussan
JURISPRUDENCE
LE CONTENTIEUX DES BREVETS
Lever les incertitudes sur l’arbitrage
en matière de propriété industrielle
Par Irina Guérif et Cécile Dupas
Aperçu de la jurisprudence
ACTUALITÉS DE LA CAIP
Révision du réglement d’arbitrage de la CAIP : des
ajustements judicieux
Par Carine Dupeyron et Marie Danis
Entretien avec le Pr François-Xavier Train
Baudouin Delforge
Président de la Chambre Arbitrale Internationale de Paris
Arrêts confirmatifs des sentences CAIP
L’information de l’adhésion de JURIS-DEFI à la CAIP
CHAMBRE ARBITRALE INTERNATIONALE DE PARIS
La Chambre Arbitrale Internationale de Paris est une institution à but non lucratif et à compétence générale qui a pour mission de mettre à la
disposition des entreprises de toute taille les moyens nécessaires au règlement de leurs litiges par voie d’arbitrage ou par conciliation.
Créée en 1926, c’est aujourd’hui le plus ancien centre d’arbitrage en activité en France. Près de 30.000 litiges touchant aux activités du
monde du commerce et de l’industrie, ont été tranchés grâce à son intervention, ce qui en fait une organisation de notoriété internationale.
6 avenue Pierre 1er de Serbie - 75116 PARIS - Tél. : 01 42 36 99 65 - Fax : 01 42 36 99 58 - Email : [email protected] - Web : www.arbitrage.org
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
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DOSSIER : L’arbitrage et les nouvelles technologies
L’arbitrage dans les contentieux
de l’informatique
Par Eric A. Caprioli, Avocat à la Cour, Docteur en
droit, membre de la délégation française à la CNUDCI,
Caprioli & Associés, société d’avocats
et Ilène Choukri, Avocat associé, Docteur en droit,
Caprioli & Associés, société d’avocats
Quelle que soit leur taille, les entreprises ont recours à de nom-
de véritables actifs immatériels de l’entreprise. Cette préserva-
breux contrats informatiques : cloud computing et services à
tion du secret des affaires, à l’heure même où certaines législa-
distance (SaaS), développement de logiciels, intégration de
tions nationales, dont celle de la France, sont à la traîne sur la
progiciels, licences (avec la question des audits)1, mainte-
question, est particulièrement appréciable et déterminante du
nance, etc. L’externalisation en plusieurs points géographiques
choix de l’arbitrage dans le domaine de l’informatique.
et la complexification des prestations informatiques, y compris
les plus courantes, consacre l’arbitrage comme un mode alternatif mais privilégié du règlement des litiges informatiques.
S’agissant de la rapidité, les litiges relatifs à l’informatique sont
souvent complexes et la procédure est longue : expertise judiciaire, incidents de procédure, jugement de première instance,
Comment ignorer qu’au gré du temps judiciaire, les contentieux
appel et parfois cassation. Dans le cadre d’un recours à l’arbi-
de l’informatique, du commerce et des échanges électroniques
trage, le décret du 13 janvier 2011 a fixé à six mois, à compter
prennent souvent l’allure du « bateau ivre », livré aux vents du
de la saisine, le délai imparti au tribunal arbitral pour rendre sa
revirement ? Ils finissent par être, parfois et au corps défendant
sentence6. L’article 22 du règlement d’arbitrage de la Chambre
des magistrats, trop longs, finalement coûteux et lourdement
Arbitrale Internationale de Paris (CAIP) impose également au
procéduraux. En France, l’affaire IBM/MAIF2 en est une des
tribunal arbitral de rendre sa sentence dans un délai de six
illustrations les plus récentes et les plus symptomatiques. De
mois. Ce délai peut être prorogé. La possibilité d’obtenir des
même, dans le cadre des litiges internationaux, une dispersion
mesures conservatoires ou provisoires7 ainsi que le plein effet
orchestrée ou à l’inverse débridée et anarchique des critères
de l’autorité de la chose jugée viennent parachever ce dispositif8.
d’extranéité peuvent exposer aux risques de décisions judiciaires hasardeuses, suscitant une insécurité juridique dissuasive pour les opérateurs économiques et leur sens de l’innovation ou bien au contraire un phénomène de forum shopping
douteusement opportuniste notamment ?
De plus, l’arbitrage est une procédure de règlement des différends souple, en ce sens qu’elle permet de mieux appréhender
les éléments techniques du litige informatique, à la fois par la
liberté de choisir un (ou trois) arbitre(s) et par le choix des règles
applicables et du lieu de l’arbitrage. Eu égard au choix des ar-
La dextérité de l’arbitrage offre également l’alternative d’une
3
bitres, les parties peuvent ainsi prévoir dans la clause d’arbitrage
justice « dé-territorialisée » en remettant l’efficacité au centre
une nomination de ces derniers en prenant en compte leur com-
de gravité du règlement des litiges.
pétence en matière informatique ou de technologies de l’infor-
Par nature, l’arbitrage présente des avantages déterminants
mation. Si un arbitrage CAIP est prévu, le règlement d’arbitrage
pour les particularités des contentieux informatiques (I) au point
prévoit une liste indicative des arbitres par sections spécialisées
de voir émerger une justice à la stricte mesure du litige de l’es-
(article 11). Ces derniers doivent exercer ou avoir exercé une
pèce. Le développement de textes et de jurisprudences dédiés
fonction de responsabilité commerciale, technique, juridique,
conforte cette tendance favorable à l’adaptation, à la souplesse
professionnelle de sorte que l’arbitre soit apte à conduire l’ar-
et aux spécificités techniques (II).
bitrage9. Le Tribunal arbitral tranche le litige conformément aux
règles de droit ou, si les parties en ont ainsi décidé, en amiable
I. Des avantages procéduraux de
l’arbitrage en matière informatique
composition. Il doit tenir compte des dispositions du contrat mais
aussi des usages du commerce10. Les parties peuvent intégrer
Les procédures d’arbitrage possèdent trois caractéristiques es-
les règles de l’art du domaine ou encore les bonnes pratiques en
sentielles : confidentialité, rapidité et adaptation à la technicité,
matière informatique, en faisant référence à des normes spéci-
renforcées avec le décret du 13 janvier 20114.
fiques comme celles de l’Afnor11 ou de l’ISO12.
Du point de vue de la confidentialité, les décisions judiciaires,
sauf exception, sont rendues en audience publique alors que la
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procédure arbitrale est soumise au principe de confidentialité .
Dans les contentieux informatiques, cette confidentialité permet
notamment aux sociétés de ne pas divulguer d’informations relatives à leur savoir faire et à leurs innovations qui constituent
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Loin de l’académisme des procédures juridictionnelles classiques,
l’arbitrage présente donc l’avantage majeur d’offrir un cadre procédural et décisionnel strictement dédié à la mesure et aux aspérités du litige de l’espèce, avec un supplément de pertinence
économique et technique.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
II. L’arbitrage en matière informatique à l’épreuve
de la pratique : entre souplesse et adaptation
aux spécificités techniques
A. Loi applicable et Convention de Vienne en matière
de logiciel
Dans le cadre d’un litige impliquant la livraison et l’installation
d’un logiciel, le Tribunal arbitral après avoir constaté que le
contrat stipulait que « Le présent contrat est régi par le droit
Français en vigueur à la date de signature des présentes »,
en a conclu que « le renvoi fait par le Contrat à la loi française
est susceptible de désigner la CVIM (Convention de Vienne de
1980 sur la vente internationale de marchandises), cette dernière constituant le droit français de la vente internationale ».
Le Tribunal arbitral s’est ensuite interrogé sur l’application de
la CVIM aux logiciels que le vendeur devait livrer et installer.
Il a ainsi estimé que selon la CVIM, les logiciels devaient être
considérés comme des biens mobiliers (incorporels). Même si,
en l’espèce, les logiciels étaient spécifiques et devaient être
mis au point pour les besoins particuliers du fonctionnement
des installations, ceux-ci en constituaient en effet des accessoires, auxquelles ils devaient être intégrés. Il n’existe donc pas
de raison de leur appliquer un régime différent de celui qui régit
les autres obligations des parties. Au final, le Tribunal arbitral a
jugé d’une part, que le choix de la loi française emportait soumission du Contrat dans son entier à la CVIM, et d’autre part,
que pour les questions non régies par la Convention, il devait
être fait application de la loi française conformément à la volonté des parties13. Si l’on compare cette décision avec celles des
juridictions étatiques, on constate que ces dernières adoptent
parfois des solutions d’exclusion tacite de la CVIM lorsque les
parties ont désigné une loi, alors qu’il paraît plus conforme au
système de la Convention, comme c’est le cas dans la sentence
arbitrale ci-dessus, de rechercher in concreto, la volonté des
parties en fonction de toutes les circonstances de la cause14.
B. Appréciation d’un langage informatique
Dans le cadre d’un litige visant à délimiter la portée juridique
d’un langage codifié intervenant dans un milieu professionnel
(affacturage international), l’arbitre devait déterminer si un tel
langage était le seul à pouvoir être utilisé. Le Data Exchange
(DEX) constitue le langage informatique du Groupe d’affacturage. Il a été mis en place et accepté par toutes les sociétés du
groupe lors de leur admission dans le cadre du contrat qui régit
l’activité du groupe. Le but était d’assurer le bon fonctionnement
des rapports entre les membres en éliminant les incertitudes
sur les termes et conditions de leurs transactions réciproques.
Selon les termes du contrat « [DEX] is the [W] Group electronic
system handling its cross border transactions ».
L’arbitre a donc considéré qu’il s’agissait du langage « typique »
du Groupe, c’est-à-dire l’instrument qui régit normalement
toutes les opérations des factors. Or, le message litigieux était
un telex portant sur un paiement de 7 millions de francs. Par
conséquent, il estime qu’on ne peut déroger à cet instrument
que par d’autres messages qui doivent être référencés dans le
langage codifié, tel est le cas par exemple du Code K80 (trait
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
d’union entre le DEX et l’annulation par télex). En donnant effet
à ce langage, l’arbitre respecte les règles de fonctionnement
du groupe. L’arbitre indique que ce langage DEX n’est pas « un
langage exclusif ». « Lorsque le langage codifié ne prévoit
pas le message qu’un factor veut envoyer à un autre factor, il
n’est pas possible d’en tirer comme conclusion que le premier
est empêché d’envoyer ledit message par d’autres langages,
verbaux ou écrits ». Ainsi, dès lors qu’un mot est absent dans
le vocabulaire du DEX, la partie peut envoyer un message en
utilisant ce mot à condition que le message soit clair et précis15.
Enfin, selon l’arbitre, les parties « sont membres du même
Groupe, et que donc l’obligation fondamentale d’exécuter
les engagements respectifs avec bonne foi apparaît encore
plus important que dans les autres rapports contractuels. Par
conséquent, il était normal d’attendre, de X tout du moins, un
comportement en conformité aux indications du télex relatif à
la suspension. » La solution de la sentence était parfaitement
adaptée au cas d’espèce.
On comprend dès lors que les questions relatives au droit applicable et à la compétence technique de l’arbitre sont très importantes voire déterminantes concernant les litiges relatifs à l’informatique. En effet, les problématiques liées à la loi applicable
peuvent créer des situations entrainant une insécurité juridique.
En prévoyant dans la clause d’arbitrage, la loi applicable et
éventuellement des références à des normes et des usages de
la pratique, les parties s’assurent d’une certaine sécurité juridique. L’arbitrage semble être ainsi mieux adapté à ce type de
contentieux que les juridictions étatiques. En outre, l’arbitrage
commercial est également susceptible d’intervenir en matière
de Technologies de l’Information et de la Communication (TIC),
notamment à l’occasion de la validité, de la preuve, de la formation ou de l’exécution d’un contrat par voie électronique16.
Notes
1. E. A. Caprioli, L’audit de licences logicielles saisi par le juge, Journal
des sociétés, juillet 2015, Edito.
2. Cour d’appel de Bordeaux, 1ère chambre civile - section B, arrêt du 29
janvier 2015, n° 13/05939.
3. E. Gaillard, La jurisprudence de la Cour de Cassation en matière
d’arbitrage international, Rev. Arb.2007, p. 697, spéc. n°2.
4. D. n°2011-48, JO du 14 janvier 2011, p.777.
5. Art. 1464 al. 4 CPC.
6. Art. 1463 CPC ; v. égal. l’art. 22 du règlement CAIP. La durée est de
un mois en procédure P.A.R.A.D. (> ou = à 150.000 euros).
7. Soit par le tribunal arbitral lui-même (notamment règlement d’arbitrage CCI en vigueur depuis le 1° janvier 2012, art.28) ou subsidiairement par le biais du juge national qui supplée au tribunal arbitral lorsqu’il
n’est pas encore constitué. Voir en ce sens, l’article 1449 du NCPC.
8. Article 1477 et 1501 du NCPC
9. Règlement d’arbitrage CAIP, en vigueur depuis le 1er septembre 2015, art. 9.
10. Art. 18 du règlement CAIP.
11. Par exemple, pour l’archivage électronique, la norme NF Z 42 013
de mars 2009.
12. V.: la norme lS0 17788 qui décrit la typologie des acteurs du Cloud
(laaS, PaaS, SaaS), la norme lS0 17789 sur l’architecture cloud et 27108
sur les règles de sécurité pour le Cloud public ; ISO 27001 pour le management de la sécurité de l’information et ISO 15489 pour l’archivage.
13. Jarvin (S.), Sentence arbitrale dans l’affaire CCI n° 14241 en 2007,
JDI (Clunet) n°4, Octobre 2011, chron. 11.
14. V. Nadine Watté et Arnaud Nuyts, Le champ d’application de la
Convention de Vienne sur la vente internationale. La théorie à l’épreuve
de la pratique, JDI (Clunet) n°2, avril 2003.
15. Jarvin S. et Jolivet E., Sentence rendue dans l’affaire n° 6317 en
1989, JDI (Clunet) n° 4, Octobre 2003, 100036, p 22.
16. L’annexe III du règlement CAIP de septembre 2015 énonce les
règles de procédure dématérialisée. V. égal. sur l’arbitrage dans le
commerce électronique : Eric A. Caprioli, Droit international de l’économie numérique, LexisNexis, 2ème éd., 2007, v. n°114 à 238 et Arbitrage
international et commerce électronique, Rev. Lamy Dr. Immatériel, avril
2012, p.114-118.
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La clause compromissoire électronique :
l’imperium renouvelé de la volonté des parties
Par Eric A. Caprioli
Avocat à la Cour, Docteur en droit, membre de la délégation française à la CNUDCI, Caprioli &
Associés, société d’avocats
et Ilène Choukri
Avocat associé, Docteur en droit, Caprioli & Associés, société d’avocats
Le socle de l’architecture arbitrale moderne, repose évidemment sur le pilier de la convention d’arbitrage. Ainsi, la clause
compromissoire ou son pendant ad hoc, le compromis d’arbitrage, constituent l’expression de l’accord incompressible de la
volonté des parties, au sein même du différend. En permettant
aux parties de définir les règles et les procédures applicables
pour trancher leur litige, l’efficacité de cette justice alternative
est rehaussée, contrastant avec le caractère parfois laborieux
du processus juridictionnel classique.
en matière d’identification et d’intégrité.
En ce qui concerne le droit français de l’arbitrage international,
ce dernier s’est mis au diapason des fondements particulièrement libéraux du fameux arrêt Dalico5 faisant primer le consensualisme. Ainsi, l’article 1507 du CPC dispose que « la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune condition de forme ».
En ce sens, par un arrêt de 2005, la Cour d’Appel de Paris a
rappelé que « la convention d’arbitrage international n’obéit à
aucune règle de forme, mais à un principe de validité qui re-
Cependant, le développement de l’arbitrage en ligne vient bouleverser le sacro-saint principe du consentement des parties
qui préside à la validité ou à la recevabilité de la clause compromissoire. Comment s’assurer de l’accord consolidé des parties dans un environnement immatériel dans le cadre duquel
l’expression de la volonté et du consentement des uns et des
autres peut n’être qu’évanescente, sibylline, incidente voire
accidentelle ?
pose sur le seul accord de volonté des parties »6.
Il est néanmoins aisé de comprendre que l’écrit, s’il n’est pas
une exigence directe ad validitem pour l’arbitrage international,
reste difficilement contournable ad probationem pour établir la
réalité du consentement. Le fait est que l’exécution par exequatur de la sentence arbitrale passera bien souvent par la
capacité des parties à garantir l’authenticité de la convention
d’arbitrage7. Quoi de mieux qu’un écrit, a minima.
L’ouvrage méticuleux du droit positif autour de la validité des
clauses compromissoires - par nature autonomes1 - consenties en ligne se consolide au prorata du retour d’expérience
sur les contrats électroniques eux-mêmes2. Il n’en demeure
pas moins que la preuve du consentement expresse des parties à la clause compromissoire ou au compromis, en général,
doit être indiscutable. Dès lors, en matière d’arbitrage électronique, lorsque l’instrumentum change, comment s’assurer de la
réalité et de la fiabilité du consentement des parties à voir leur
litige être arbitré, dans un univers aussi abstrait que le numérique ? Le tryptique de l’écrit (1), de l’original et de la signature
(2) électroniques offre les éléments d’une réponse à la hauteur
de l’ « imperium » de la volonté des parties dans l’arbitrage.
C’est ainsi que les conventions internationales modernes ont
pris pleinement en considération la notion d’écrit électronique,
y compris pour ce qui concerne les conventions d’arbitrage
international8. Entre autres, l’article 7 §2 de la loi-type de la
CNUDCI du 21 juin 19859 dispose que la convention d’arbitrage doit se présenter sous une forme écrite, quelle qu’elle
soit. L’English Arbitration Act de 1996 a admis que la notion
d’écrit s’entend « par tout moyen »10.
Que ce soit ad probationem ou ad validitem, il est donc désormais de plus en plus acquis qu’en matière d’arbitrage, interne
ou international, la clause compromissoire pourra être consentie et élaborée par le biais d’un écrit électronique sans risque
majeur d’hypothèque.
1. Écrit électronique : ad validitem ou
ad probationem ?
Pour rappel, en matière d’arbitrage interne, l’article 1443 du
2. Original et signature électroniques : outils de la
fiabilité renforcée
CPC français dispose que « la clause compromissoire doit, à
Le droit français a consacré l’original électronique par l’article
peine de nullité, être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère ». Il s’agit
donc d’une exigence d’écrit ad validitem. En la matière, le droit
français a clarifié les choses par le biais de la loi du 13 mars
20003 ainsi que par la loi du 21 juin 20044 qui ont définitivement
entériné l’écrit électronique sous réserve du respect des exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, notamment
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1325 al. 5 du Code Civil11. Ainsi, convient-il de déduire que,
sous forme électronique, la clause d’arbitrage, comme pour
tout écrit original, devra émaner d’une personne identifiée et
être établie et conservée dans des conditions de nature à garantir son intégrité. De même, chaque partie devra pouvoir accéder à un exemplaire de l’acte.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
A cet égard, le critère d’accessibilité apparaît également dans
le droit positif étranger. Entre autres, peut-on relever que la
Cour de district de l’Illinois, juridiction fédérale américaine de
premier degré, a eu l’occasion d’apprécier le critère de l’accessibilité permanente de la clause compromissoire12 et de valider
le procédé du « copier-coller » renforcé par l’installation automatique sur le disque dur des conditions générales électroniques, nonobstant l’affichage préalable d’un lien13.
La signature électronique renforce la preuve de l’écrit électronique et a fortiori la clause compromissoire ou le compromis
électroniques en permettant de garantir l’identification et l’intégrité du document signé. Soulignons, en effet, que la signature électronique présente l’avantage notable par rapport à la
signature manuscrite de permettre la vérification de la signature (et l’identification du signataire). Par voie électronique, on
peut également assurer la confidentialité et l’accès sécurisé du
contenu, par l’effet des outils de chiffrement idoines (cryptologie symétrique ou asymétrique). Dans le cas des clauses d’arbitrage insérées dans le contrat, la Convention de New-York
de 1958 exige la signature des deux parties14. Les dispositifs
législatifs consacrant la signature électronique viendront donc
au renfort de cette exigence15. Cependant, la généralisation de
la signature électronique des contrats électroniques et a fortiori
des conventions d’arbitrage n’est pas encore assurée. En effet, le droit anglo-saxon n’exige aucunement la condition d’une
signature originale pour reconnaître la validité des contrats
conclus électroniquement16. L’essentiel déterminant reste l’expression et l’envoi du consentement des parties, sous forme
électronique17.Reste à voir si le libéralisme de cette position
saura primer sur la nécessaire sécurité juridique que doit la
clause compromissoire. La signature électronique a vocation à
offrir cette sécurité qui n’est pas un luxe dans le domaine des
échanges numériques.
La convention d’arbitrage électronique n’est donc ni une nouveauté désormais, ni un défi. La pratique l’a admise, le droit
positif national et international l’a consacré, à la réserve près de
la clause compromissoire par référence18. Malgré une relative
tendance à la consécration progressive de cette dernière19, rien
n’est encore véritablement scellé et il reste encore à trouver
des procédés technico-juridiques20 permettant de verrouiller le
consentement à la clause d’arbitrage par référence.
Notes
1. Cass. 1° civ., 7 mai 1963, Bull. civ., I, n°246, D. 1963, p.545, note J.
Robert ; JCP, 1963 II 13405, note B. Goldman. En matière d’arbitrage
international, Cass. 1° civ. 25 oct. 2005, n°02-13252, Bull. civ., I, n°378 :
« En application du principe de validité de la convention d’arbitrage
et de son autonomie en matière internationale, la nullité non plus que
l’inexistence du contrat qui contient ne l’affectent. »
2. E. A. Caprioli, Droit international de l’économie numérique,
LexisNexis, 2° éd., 2007.
3. Loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la
preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique : JO du 14 mars 2000 p.3968 et décret n°2001-272 du 30
mars 2001. V. E. A. Caprioli, Commentaire du décret n°2001-272 du
30 mars 2001 relatif à la signature électronique : RDBF, mai/juin 2001,
p.155 et s.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
4. Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique
(JO du 22 juin 2004).
5. Cass. com., 20 déc. 1993 : Rev. arb.1994, note H. Gaudemet-Tallon.
Cette solution prend en compte le fait que l’arbitrage est le mode de
règlement privilégié des contentieux du commerce international.
6. CA Paris, 24 février 2005, Rev. Arb. 2006, p. 210 ; JCP G 2005, I,
179, n°1 obs. Ch. Seraglini. Cet arrêt se situe dans le prolongement de
l’arrêt « ZANZI » (Cass. Civ. 1ere civ., 5 janvier 1999, RTD com. 1999,
p.380, obs. E. Loquin).
7. Article 1499 du NCPC « l’existence d’une sentence arbitrale est
établie par la production de l’original accompagné de la convention
d’arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions
requises pour leur authenticité. ». V. également, l’article 4-1 b) de la
Convention de New-York de 1958
8. Nous ne reviendrons pas sur le débat relatif à l’article 2§2 de la
Convention de New-York de 1958 pour la reconnaissance et l’exécution
des sentences arbitrales étrangères.
9. « la convention d’arbitrage doit se présenter sous forme écrite. Une
convention est sous forme écrite si elle est consignée dans un document
signé par les parties ou dans un échange de lettres de communications,
télex, de télégrammes ou tout autre moyen de télécommunications qui en
atteste l’existence ». Texte non contraignant sauf incorporation dans le droit
interne.
10. « recorded by any means », Section 5 (6) et 100 (2), 1996 English
Arbitration Act - www.hmso.gov.uk/acts/acts1996/96023-1.htm
11. « L’exigence d’une pluralité d’originaux est réputée satisfaite pour
les contrats sous forme électronique lorsque l’acte est établi et conservé conformément aux articles 1316-1 et 1316-4 et que le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire ou d’y avoir accès. »
12. Lieschke, Jackson & Simon c/Realnetworks Inc. (United States District Court, Northern District of Illinois, Eastern Division, 11 mai 2000),
Voir Olivier CACHARD, Chronique de jurisprudence étrangère, Revue
de l’arbitrage 2002, n°1, p.196 et s.
13. V. affaire Specht v.Netscape Communications Corp. (SDNY,5 juillet
2001, 150 F. Supp 2d 585). Dans le même sens, v. l’article 10 de la
directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, « commerce électronique ».
14. Article II (2) de la Convention de New-York.
15. V. notamment E. A. Caprioli La loi type de la CNUDCI sur les signatures électroniques, Comm. Com. Electr. 2001, n°12, p.9.
16. V. England & Wales High Court, 7 avril 2006, Comm. Com.Electr.
juin 2006, p. 43 et s, note E. A. Caprioli.
17. www.onlineresolution.com/om-standards.cfm
18. V. articles 1493 et 1494 du NCPC. Dans le même sens, les juridictions ont considéré que : « En matière d’arbitrage international, la
clause compromissoire par référence à un document qui la stipule est
valable lorsque la partie à laquelle on l’oppose a eu connaissance de
sa teneur au moment de la conclusion du contrat et qu’elle a, fût-ce par
son silence, accepté cette référence. » (Cass. civ. 1°, 26 juin 1990, Rev.
arb.1991.291, note C. Kessedjian).
19. En France, v. Cass. civ. 2°., 21 janvier 1999, (Bull. civ., II, n° 16, p.
11) qui indique que « si l’article 1443 du Nouveau Code de Procédure
Civile exige que la clause compromissoire figure dans un document
écrit, il ne régit ni la forme ni l’existence des stipulations qui, se référant à ce document, font la convention des parties ». Il semblerait
donc que le support importerait peu, laissant la voie ouverte à la clause
compromissoire par référence en mode électronique, sous réserve de
la garantie des conditions d’expression du consentement des parties.
20. En la matière, les solutions technico-juridiques visant à assurer
l’existence de procédures de traçabilité et d’archivage (horodatage,
authentification, etc.) sont tout aussi déterminantes pour consolider la
validité des conventions d’arbitrage par voie électronique. Citons, sur
le plan juridique, l’article 5 bis de la loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique qui considère que « l’information n’est pas privée
de ses effets juridiques, de sa validité ou de sa force exécutoire au seul
motif qu’elle est incorporée par référence dans un message de données »ou encore les ETERMS de la CCI publiés en 2004.
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La procédure arbitrale électronique
Par Romain Dupeyré
Avocat associé, Cabinet BOPS Paris
Les nouvelles technologies et Internet ont transformé la procédure arbitrale « classique ».
Cette dernière s’est adaptée, entre autres, à l’utilisation des outils électroniques pour créer et
gérer des documents. La procédure arbitrale électronique se caractérise par l’élimination totale
ou partielle des rencontres physiques et par le remplacement des documents papiers par des
documents électroniques.
Afin de tenir compte de ces évolutions, la Chambre Arbitrale Internationale de Paris (CAIP) a, depuis le 1er septembre 2015,
inséré dans son nouveau règlement une Annexe III sur les règles de procédures dématérialisées.
Une procédure d’arbitrage électronique, bien que particulière en raison de l’utilisation de la technologie, doit toutefois
respecter les principes directeurs du procès arbitral que sont, en particulier, le principe du contradictoire et de la confidentialité. La procédure électronique est innovante à trois égards : tout d’abord lors des échanges de documents (I), puis
sur les modes de preuves (II) et enfin au moment de la communication de la sentence (III).
I. Les échanges lors de la procédure
arbitrale électronique
en conséquence, consentir à réaliser une partie ou l’ensemble
A. La demande d’arbitrage
les plus importantes.
Conformément à l’article 3.4 du Règlement CAIP, le premier
acte de saisine vaut acte introductif d’instance et emporte interruption des délais de prescription et de forclusion. C’est à ce
moment que les parties peuvent adopter les règles de procédures dématérialisées définies à l’Annexe III.
L’article 2 de l’Annexe III du Règlement CAIP indique que la
demande d’arbitrage doit, dans ce cas, être adressée à la
Chambre par voie électronique. La CAIP communique alors
une adresse de messagerie ([email protected]) que
les parties doivent mettre en copie à chaque échange électronique. Les dispositions de l’Annexe III précisent que la date de
communication retenue sera celle de la réception du courrier
électronique par la CAIP et spécifie que la Chambre ne peut
être tenue responsable des éventuels dysfonctionnements
techniques imputables à l’expéditeur comme au destinataire.
réservant le privilège des rencontres physiques aux réunions
L’Annexe III du Règlement CAIP ne contient pas de dispositions
expresses encadrant les audiences à distance. Le Règlement
dispose, toutefois, qu’il n’est pas impératif que le tribunal tienne
de telles audiences. Les parties et le tribunal peuvent donc prévoir que les débats se feront sous la forme de visioconférences.
L’utilisation des nouvelles technologies dans la procédure arbitrale pose néanmoins un problème de taille : la sécurisation
des données. L’actualité de ces dernières années est riche en
affaires d’écoutes illégales, de piratage, etc. Afin de convaincre
les différentes parties prenantes d’opter pour une procédure
électronique sur des affaires sensibles, la mise en place d’une
plateforme et de systèmes d’archivage en ligne sécurisés sont
nécessaires et sont un défi que doivent relever les institutions
d’arbitrage.
II. La preuve électronique : e-Discovery
B. Les écritures
A. Les caractéristiques des documents électroniques
L’arbitrage électronique réduit ou élimine les échanges de
documents en format papier. L’article 2 de l’Annexe III du Règlement CAIP encadre la communication des documents, des
mémoires et des conclusions. En vertu de cet article, dès lors
que les parties ont recours à une procédure dématérialisée,
le tribunal arbitral peut écarter des débats des documents,
conclusions et pièces qui n’ont pas été communiquées en
version électronique.
Toute communication doit également toujours être adressée ou
comporter la mise en copie de la CAIP.
La preuve électronique soulève des difficultés quant au volume considérable de documents pouvant être stockés sous
cette forme, à la dispersion des documents mais également
quant à leur durabilité et fragilité1. En effet, rechercher un document électronique est parfois difficile et long pour les parties
qui doivent procéder à un tri préalable avant communication.
Les mêmes documents électroniques peuvent, de surcroît, être
stockés sur différents supports ou par différentes personnes, ce
qui augmente les risques quant à leur modification.
B. Les conditions de la communication
C. Les audiences
La procédure d’arbitrage électronique vise également à réduire
ou à éliminer les réunions physiques du tribunal arbitral, qui
constituent un important facteur de coût. Les parties peuvent,
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des audiences par l’intermédiaire de vidéo-conférences tout en
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Le Chartered Institute of Arbitrators a mis en place un protocole
sur la communication de pièces électroniques. L’article 3 du
protocole prévoit les modes d’identification des documents pertinents : par catégories de documents, par mots clés, par date
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
ou encore par l’utilisation de logiciels spécifiques2.
C. La notification de la sentence
3
En matière probatoire, les règles de l’IBA sur l’obtention de
preuve dans l’arbitrage international reflètent les pratiques
les plus communément usitées par les arbitres4. Ces règles
donnent une définition très large de « Document » qui inclut
les formes électroniques. Les articles 3 et 9 encadrent cette
communication afin d’éviter des demandes trop nombreuses
conduisant à une « fishing expedition » inspirée de la pratique
américaine de la Disclosure qui est incompatible avec les principes de l’arbitrage. Ainsi, les demandes de document doivent
être pertinentes, précises et proportionnelles (article 9§1, IBA
Rules).
Les arbitres peuvent bénéficier de cette dématérialisation
puisque les documents électroniques sont conservés et gérés
sur un cloud5. Ainsi, un grand volume de documents est accessible sans engendrer des difficultés de transports. Par ailleurs,
les documents électroniques offrent une faculté de recherche
simplifiée par mots clés, ce qui constitue un gain de temps non
négligeable.
En matière interne et en vertu de l’article 1484 du Code de
procédure civile, la sentence doit être notifiée par voie de signification à moins que les parties en conviennent autrement,
ce qui offre la possibilité de la notification électronique. Le point
de départ du délai de recours ne commence qu’à compter de
la notification.
En 2008, sous l’empire de l’ancien droit français de l’arbitrage,
la Cour d’appel de Paris a jugé, à cet égard, que les arbitres
pouvaient valablement communiquer la sentence aux parties
sous forme électronique8. En l’espèce, la partie ayant succombé estimait à tort que la sentence était nulle car le délai d’arbitrage expirait le 18 juin 2006, or la sentence avait été transmise
sous la forme électronique le 15 juin et n’avait été transmise
signée aux parties que le 27 juin 2006, soit après l’expiration
du délai. La Cour avait rejeté l’argument : l’envoi de la sentence
par voie électronique, même non signée, avant l’expiration du
délai d’arbitrage valait notification valable de celle-ci.
***
III. La communication de la sentence
sous forme électronique
L’utilisation de plateformes sophistiquées permettant un accès
L’exigence d’un écrit soulève des difficultés en ce qui concerne
nication toujours plus performants contribueront au dévelop-
la décision du tribunal arbitral. En effet, il est nécessaire de déterminer si la sentence doit être établie sous format papier, être
instantané aux différents documents, les moyens de commupement de procédures hybrides. Ces dernières permettront
d’utiliser les nouvelles technologies pour les phases adminis-
signée ou si elle doit contenir des mentions précises.
tratives de la procédure, en revanche, la technologie ne pourra
A. La forme de la sentence
ment privilégié pour entendre les témoins et les experts.
jamais remplacer les réunions physiques, qui resteront un mo-
Certains droits exigent expressément que la sentence soit
écrite. L’article 31 §1 de la loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international impose que la sentence
soit « rendue par écrit et signée par le ou les arbitres »6. La
Convention de New York n’exige pas expressément que la
sentence soit rendue sous forme écrite, cette dernière découle
indirectement d’autres dispositions de ce texte. Ainsi, l’article IV
dispose que pour obtenir la reconnaissance ou l’exécution de
la sentence, l’original de la sentence ou sa copie authentique
doit être produit.
B. La signature de la sentence
Outre l’exigence de l’écrit, certains droits imposent également
que la sentence soit signée par les arbitres. Le droit français de
l’arbitrage interne exige expressément que la sentence soit signée et énumère certaines mentions obligatoires7. A l’instar du
droit français de l’arbitrage en matière interne, l’article 31 de la
loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international
Notes
1. UNCTAD, Dispute Settlement – International Commercial Arbitration
– 5.9 Project on Electronic Arbitration, New York and Geneva 2003:
http://unctad.org/en/docs/edmmisc232add20_en.pdf
2. https://www.ciarb.org/docs/default-source/practice-guidelines-protocols-and-rules/e-discolusure-in-arbitration.pdf?sfvrsn=2
3. IBA Rules on the Taking of Evidence in International Arbitration,
adopté le 29 mai 2010.
4. P. Rees, The Revised IBA Rules of Evidence, Arbitration, vol. 76,
n°3, août 2010; Commentary on the Revised Text of the 2010 IBA
Rules, Dispute Resolution International, vol.5, n°1, mai 2011, p.45.
5. Le terme Cloud signifie nuage en anglais et recouvre l’ensemble des
solutions de stockage à distance. Les données ne sont pas stockées
sur un disque dur (au sein du tribunal arbitral par exemple) mais sur
des serveurs sécurisés, accessibles via Internet. Ces serveurs sont le
plus souvent détenus par des sociétés informatiques, rémunérées afin
de garantir un espace de stockage sécurisé.
6 . h t t p s : / / w w w. u n c i t r a l . o r g / p d f / f r e n c h / t e x t s / a r b i t r a t i o n / m l arb/07-86999_Ebook.pdf
7. Articles 1480 et 1481 Code de procédure civile
8. CA Paris, 19 juin 2008, n°06/19403
impose que la signature du ou des arbitres soit apposée sur
la sentence et sur les copies de celle-ci qui sont remises aux
parties. Ainsi, dans le cadre d’une procédure électronique, la
signature numérique sécurisée doit être adoptée pour remplir
cette exigence.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
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L’arbitrage, une procédure efficace dans le domaine IP/IT
Entretien avec Alain Bensoussan
Avocat à la Cour d’appel de Paris, spécialisé en droit des technologies avancées
Alain Bensoussan Avocats
Le recours à l’arbitrage est-il important dans le
domaine IP/IT ?
permet de choisir une loi et surtout d’appliquer une procédure
L’arbitrage dans le domaine IP/IT est la voie la plus utilisée pour
définir conventionnellement les règles de procédure qui leur
le règlement extrajudiciaire des situations internationales com-
conviennent sans avoir à suivre les règles de la procédure ju-
plexes. Il permet, par exemple, de résoudre un différend qui
diciaire habituelle.
relève de la propriété intellectuelle d’un logiciel au moment de
la cession d’une filiale étrangère, ou encore de dénouer des difficultés d’exécution de déploiement d’une solution informatique à
l’échelon international.
adaptée aux spécificités des litiges IP/IT. Les parties peuvent
Enfin, une autre particularité du secteur est sa technicité. Les
litiges nécessitent une analyse technico-juridique pour en appréhender réellement les contours. Or, en France, les tribunaux
ne comportent pas ou peu de chambres spécialisées en ma-
C’est l’efficacité de la procédure qui explique le succès de l’ar-
tière informatique, notamment du fait de la rareté des affaires.
bitrage. Son principal atout est la confidentialité, particulière-
Ajouté au phénomène de la très grande évolutivité des problé-
ment recherchée par les grandes entreprises de services du
matiques dans ce type de contentieux, les tribunaux peuvent
numérique (ESN) dont l’implantation est internationale. Elles
avoir des difficultés à appréhender les questions techniques
sont médiatiquement exposées et entendent naturellement
complexes.
éviter que leurs différends soient portés à la connaissance du
public à l’occasion d’un débat judiciaire.
Un tribunal arbitral est composé de spécialistes ; le choix
de ces derniers se faisant en grande partie en raison de la
L’arbitrage ne se déroule en effet pas en public. Ce sont les
connaissance qu’ils ont des problèmes soulevés par les tech-
arbitres privés qui sont en charge de les aider à trouver une so-
nologies (avocat ayant une longue pratique du droit de l’infor-
lution à leur différend, sans recourir aux tribunaux ; les débats
matique, expert en informatique, etc.). Ils peuvent donc appré-
et le prononcé des sentences demeurant secrets, cela permet,
hender avec plus de discernement les litiges (compréhension
par ailleurs, de préserver le maintien de relations d’affaires
du contexte technique, efficacité, autorité et confidentialité). En
entre les parties.
outre, les arbitres ont généralement une plus grande disponibi-
Les ESN recourent donc de plus en plus souvent à l’arbitrage,
lité que les juges étatiques qui doivent faire face à un conten-
surtout lorsque le litige revêt un caractère international.
tieux de masse.
Quelles sont les spécificités du secteur qui font que
l’arbitrage séduit de plus en plus les ESN ?
Quel est votre retour d’expérience ?
Les ESN interviennent au cœur des systèmes de production
tions informatiques à dimension multinationale. Il permet de ré-
de leurs clients. Une tempête médiatique visant un logiciel ou
soudre le problème du choix du tribunal compétent au moment
matériel sur lesquels porte un différend, risquerait d’alarmer les
de la rédaction du contrat par le biais d’une clause compromis-
autres clients ou prospects. C’est l’effet contaminant des procès.
soire ou d’une convention d’arbitrage.
Une autre particularité du secteur est que les contrats portent
C’est un mode privilégié de résolution des litiges d’envergure
sur des systèmes dématérialisés qui sont exécutés partout
internationale qui apporte des solutions, souvent bien équili-
dans le monde (phénomène de l’offshoring), avec des condi-
brées, aux conflits spécifiques aux nouvelles technologies.
tions de services souvent standardisées.
Le recours à l’arbitrage est particulièrement adapté aux opéra-
Dans un secteur très sensible aux questions de confidentiali-
Par ailleurs, en France, les acteurs du marché ont une culture
té, l’arbitrage est ainsi une voie efficace pour mettre fin à un
« légale » différente des acteurs anglo-saxons. Ils acceptent
différend difficile. Pour en tirer le meilleur parti, il convient de
difficilement de soumettre leur contentieux à une juridiction qui
bien l’avoir encadré au préalable dans la convention d’arbitrage
ne soit pas européenne en partie car les règles de preuve ne
en prévoyant notamment, les conditions de nomination des ar-
sont pas les mêmes.
bitres, la délimitation des missions imparties et des délais de
Or, le recours à l’arbitrage présente l’intérêt d’être autonome
par rapport à la règle territoriale applicable au différend puisqu’il
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réalisation, les modes de preuves admis, les procédures dématérialisées (téléconférences), la répartition des frais, etc.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
JURISPRUDENCE
Le contentieux des brevets
Lever les incertitudes sur l’arbitrage
en matière de propriété industrielle
Par Irina Guérif, Secrétaire Générale de la Chambre
Arbitrale Internationale de Paris
et Cécile Dupas, Avocat Associé, Lerins Jobard Chemla
Avocats, arbitre de la CAIP (Section « ACPI »)
Introduction
On est alors en présence d’un compromis d’arbitrage par le-
L’Association des Conseils en Propriété Industrielle (ACPI) est
arbitral un litige né de l’exécution de relations contractuelles, ou
une association très ancienne créée à la fin du XIXe siècle, bien
avant la règlementation de la profession, afin d’organiser l’activité des conseils en brevets et en marques de l’époque autour
de principes forts de déontologie et de qualité de travail.
Elle participe au développement de la propriété industrielle notamment en matière de solutions alternatives de résolution des
conflits.
Elle a délégué la mission de l’organisation matérielle des procédures arbitrales à un centre institutionnel d’arbitrage indépendant qui est la Chambre Arbitrale Internationale de Paris,
conformément à un règlement spécifique qui propose une liste
d’arbitres hautement spécialisés dans cette matière.
I. Aperçu de la typologie des litiges en
matière de propriété industrielle
En France, selon la loi, les actions civiles relatives aux brevets
d’invention sont exclusivement portées devant le Tribunal de
Grande Instance, aujourd’hui le Tribunal de Grande Instance
de Paris, seul compétent1.
Mais la loi poursuit en précisant que ces dispositions légales
ne font pas obstacle au recours à l’arbitrage, procédure pour
laquelle, si elles la choisissent, les parties en litige doivent expressément manifester leur accord.
Cet accord se manifeste généralement par une clause compromissoire présente dans un contrat signé par les parties
qu’il s’agisse d’un contrat de licence de droit de propriété industrielle, par exemple de brevet, d’un contrat de cession de
brevet, d’un contrat de transfert de savoir-faire, breveté ou non,
contrat de transfert de technologie etc.
Lorsque des difficultés d’exécution se présentent, le recours à
l’arbitrage pour rechercher une solution à ces difficultés d’exécution contractuelle n’a jamais réellement posé problème.
Mais le recours à l’arbitrage peut également intervenir lorsque,
une fois le litige né, les parties décident d’un commun accord
d’y recourir.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
quel les parties pourraient décider de porter devant un Tribunal
bien un problème de responsabilité non contractuelle et donc
pourquoi pas, un problème de contrefaçon de brevet.
Avant donc de comparer les avantages et inconvénients relatifs
des procédures judiciaires ou arbitrales en matière de contentieux de brevet, il apparaît ainsi nécessaire de déterminer si
tous les litiges sont arbitrables ou si seulement certains posent
difficultés (B) et, pour cela, de passer rapidement en revue les
types de problèmes qui peuvent être soulevés à l’occasion d’un
litige portant sur un brevet d’invention (A).
A. Les difficultés pouvant se présenter à l’occasion
d’un litige en brevet d’invention
Globalement, cinq types de contentieux peuvent se présenter :
- le contentieux de la validité d’un brevet ou de son annulation,
- le contentieux de la contrefaçon,
- le contentieux de la propriété du brevet,
- le contentieux des contrats d’exploitation des brevets,
- le contentieux de l’éviction, c’est-à-dire tout ce qui peut
concerner les mesures d’expropriation, de licence d’office ou
de licence obligatoire.
Pour déterminer ce qui est arbitrable et ce qui ne l’est pas, il
convient de s’appuyer d’abord sur les dispositions légales qui
nous indiquent que l’on ne peut compromettre sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et, plus généralement, dans toutes les matières
qui intéressent l’ordre public2.
Encore faut-il également que la question soumise à arbitrage
concerne des droits dont les parties ont la libre disposition3.
C’est à ce titre que l’on a considéré comme exclu de l’arbitrabilité le contentieux de l’éviction.
À l’origine, également, semblait exclu de l’arbitrabilité, pour
les mêmes raisons, le contentieux de la validité des brevets, puisque la nullité d’un brevet prononcée par un juge a
légalement un effet erga omnes4, ce à quoi s’opposerait bien
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évidemment une sentence arbitrale se prononçant sur une telle
question entre deux parties.
Mais les choses évoluent.
L’intérêt de l’arbitrage pour résoudre les conflits en matière de
B. Quels sont aujourd’hui les contentieux
arbitrables ?
propriété industrielle doit s’apprécier au cas par cas, en fonc-
- On trouve en premier lieu, considérés comme arbitrables
depuis les années 1960, les litiges portant sur des difficultés
d’exécution contractuelle.
tion de chaque situation.
En matière internationale, l’intérêt manifeste de l’arbitrage en
matière de propriété industrielle est le traitement par un seul tribunal arbitral des litiges qui sinon devraient être portés devant
- Les litiges en nullité/validité de brevets
Revenant sur la position admise de la non arbitrabilité de ces litiges, la Cour d’Appel de Paris5, puis la Cour de Cassation6, ont
décidé que les aspects de nullité/validité des brevets étaient
arbitrables dans la mesure où il n’est pas demandé au tribunal
arbitral de se prononcer à titre principal. La question de validité
du brevet débattue de façon incidente peut ainsi être soumise
à l’arbitre puisque l’invalidité éventuellement constatée n’aura
d’effet qu’entre les parties.
- Les litiges en contrefaçon, compte tenu de la position adoptée
par nos tribunaux, pourraient donc être soumis à l’arbitrage.
Si, à la demande de la partie défenderesse pour faire écarter
la contrefaçon, les arbitres concluaient à la nullité du brevet, la
sentence n’aurait d’effet qu’entre les parties.
les juridictions dans plusieurs pays. En effet, le risque est que
les tribunaux conduisent ces procédures se déroulant en parallèle selon la loi de chacun de ces Etats. Quant aux parties, l’enjeu est pourtant de taille, puisque, outre la difficulté de gestion
des actions menées en parallèle, aucune harmonie entre ces
décisions n’est assurée aux parties qui subissent par ailleurs
un coût liées à celles-ci. Ainsi, le recours à l’arbitrage constitue
une démarche rigoureuse et efficace de gestion des différends.
La confidentialité, si elle n’est pas écartée par les parties, présente un avantage indéniable. L’obligation de confidentialité
couvre l’ensemble de la procédure arbitrale, la sentence arbitrale mais aussi les informations concernant l’objet du litige
et les arguments des parties présentés lors d’un procès. Cette
obligation s’impose tant aux arbitres, aux parties qu’à l’institu-
- Les arbitres pourraient se prononcer sur les demandes d’allocation de dommages-intérêts puisqu’elles n’intéressent pas
l’ordre public (à l’exclusion de la saisie-contrefaçon).
tion d’arbitrage. Chacun connaît qu’au cœur des grands enjeux
qui concernent les entreprises, la protection des innovations
est une question d’une importance cruciale. Certes, les brevets
jouent un rôle déterminant dans cette protection. Mais souvent
- Quant aux litiges portant sur des questions de propriété des
brevets, leurs intérêts ressortent du privé et ils sont considérés
depuis une vingtaine d’années comme arbitrables. Les tribunaux ont ainsi admis qu’était arbitrable un litige concernant la
paternité d’une invention réalisée dans le cours d’un contrat
autre que de travail7.
le contrat d’exploitation de brevets est couplé d’un contrat de
transfert de technologie ou de savoir-faire, et dans un contexte
de concurrence de plus en plus forte, l’arbitrage convient parfaitement pour les entreprises qui tiennent à assurer la confidentialité pour ne pas se faire voler un concept innovant, pour
préserver le secret de fabrique ou un savoir-faire non breveté.
Alors que les actes d’une procédure judiciaire terminée sont
- Finalement, restera non arbitrable le contentieux de l’éviction
(expropriation, licence d’office, licences obligatoires) ainsi que
le contentieux des actions pénales comme mettant en cause
l’ordre public.
publics et donc accessibles à la concurrence.
Il faut tenir compte d’un autre avantage de l’arbitrage – l’absence de formalisme et la souplesse dans le déroulement de
l’instance. À la lecture du Règlement de l’ACPI, chacun peut
constater qu’il permet d’organiser une procédure souple et
C. Les contrats internationaux
En présence d’un contrat international, les parties ont tout intérêt à recourir à l’arbitrage. Les parties pourront ainsi choisir
le droit applicable approprié, sous réserve, bien entendu, des
règles de police impératives, et seront donc placées dans une
situation d’égalité quant aux normes nationales touchant à la
propriété industrielle. Ensuite, il est important d’avoir recours
à un tribunal neutre, sensible aux cultures, aux habitudes juridiques et à la langue des parties, siégeant, en outre, dans
un pays à l’abri de toutes formes de pression et sans avoir à
supporter le poids de la procédure judiciaire.
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II. Les avantages de l’arbitrage pour les
litiges relatifs à la propriété industrielle
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efficace avec des délais très courts, laissant une large liberté aux parties et aux arbitres quant au choix du déroulement
de l’instance. Lorsque l’arbitrage est interne, les arbitres sont
dispensés de suivre les règles établies par les tribunaux, sauf
volonté contraire des parties. S’agissant de l’arbitrage international, les arbitres ont une large liberté dans la conduite de la
procédure, tout en veillant au respect des principes garantissant le procès équitable. En plus, les sentences ne sont pas
susceptibles d’appel, seul le recours en annulation est alors
ouvert aux parties.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
Selon des statistiques établies par l’Office Mondial de la Pro8
De plus, une autre attribution de la Commission est l’élabora-
priété Intellectuelle , les litiges judiciaires nationaux durent en
tion d’un barème des frais d’arbitrage que les parties peuvent
moyenne trois ans et internationaux trois ans et demi, alors
consulter sur le site Internet de la CAIP. Cependant, compte
qu’une sentence arbitrale est rendue dans un délai de l’ordre
tenu des circonstances, les frais d’arbitrage peuvent être fixés,
de un an. Le coût d’une procédure judiciaire extranationale est
exceptionnellement, à un montant supérieur ou inférieur à ce-
en général supérieur à 850 000 $, alors qu’une procédure arbi-
lui résultant du barème. Dans ce cadre, la décision est prise
trale conduit à des coûts de l’ordre de 400 000 $.
conjointement par le Président de la CAIP et le Président de la
Commission d’arbitrage de l’ACPI.
Enfin, les parties trouvent dans l’arbitrage, en choisissant leurs
arbitres cette réponse à leur besoin de confier leurs litiges à
Enfin, la Commission statue sur les demandes d’accorder le
des personnes neutres, qui leur inspirent confiance, en raison
bénéfice d’une procédure d’urgence.
de leur maîtrise de la procédure d’arbitrage, mais aussi en raison d’une parfaite connaissance des questions touchant à la
En ce qui concerne la CAIP, sa mission est d’administrer les
propriété industrielle, nécessaire pour le traitement du litige,
procédures à l’aide du Secrétariat permanent composé de
et d’une sensibilité particulière aux enjeux nouveaux dans ce
juristes spécialisés en arbitrage parlant plusieurs langues.
domaine auxquels les entreprises doivent faire face.
III. L’intérêt de recourir à l’arbitrage
selon le règlement d’arbitrage propre à
la propriété industrielle – un arbitrage
placé sous l’égide de la CAIP
La CAIP a fait le choix de proposer aux parties un Règlement
spécifique – le Règlement de l’ACPI - qui traite les affaires relatives à la propriété industrielle et propose une liste d’arbitres
hautement spécialisés dans cette matière.
Le recours à l’arbitrage selon le Règlement de l’ACPI suppose un accord entre les parties à cet effet. La clause compromissoire devra donc viser expressément le Règlement de
l’Association des Conseils en Propriété Industrielle, lequel prévoit l’organisation de la procédure d’arbitrage sous l’égide de
la Chambre Arbitrale Internationale de Paris. Il n’y a pas de
clause d’arbitrage idéale mais il n’est jamais assez de rappeler qu’elle doit englober tous les litiges découlant des relations
entre les parties – sous réserve de ce qui a été précisé ci-avant
– et être claire et simple.
A. Le rôle de la Cour d’Arbitrage
Il est utile d’évoquer la répartition des compétences entre la
Cour Permanente d’Arbitrage de l’ACPI, sa Commission d’arbitrage, la CAIP et les Tribunaux arbitraux.
En réalité, la Cour Permanente d’Arbitrage est composée de
la CAIP et de la Commission d’arbitrage laquelle détermine les
stratégies du développement de l’arbitrage et autres modes de
résolutions de conflits au sein de l’ACPI et veille à l’application
et à l’évolution de son Règlement.
La Commission d’arbitrage a un autre rôle : elle établit la liste
des arbitres de l’ACPI composées de personnes compétentes
en matière de propriété industrielle qu’elle soumet ensuite à la
CAIP. A son tour, la Chambre Arbitrale met cette liste gratuitement à la disposition des parties sur son site Internet.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
La mission de constitution des tribunaux arbitraux est confiée à
la CAIP. Cependant, la Commission d’arbitrage de l’ACPI, saisie par la CAIP, se prononce souverainement sur les demandes
de récusation.
Rappelons que l’ACPI propose une liste d’arbitres composée
de conseils, ingénieurs ou consultant et de juristes (avocats),
spécialistes expérimentés, qui maîtrisent parfaitement les arcanes de la propriété industrielle et qui possèdent des compétences en adéquation avec le domaine technique ou scientifique concerné.
Outre les exigences tendant aux compétences nécessaires
dans la résolution des litiges, les arbitres faisant partie de la
liste d’arbitres de l’ACPI doivent exercer ou avoir exercé une
fonction de Conseil en Propriété Industrielle ou d’avocat (art. 7
al. 1er du Règlement). Enfin, dans l’exercice de leurs missions,
les arbitres devront s’astreindre à respecter un certain nombre
de devoirs, tels que le devoir d’indépendance et d’impartialité
et accepter expressément certaines obligations définies par la
loi et la jurisprudence, par exemple, assurer sa mission avec
compétence, diligence et pondération, se conformer aux dispositions du Règlement d’arbitrage de l’ACPI ou à toute dérogation dont les parties auraient convenues dans leur convention
d’arbitrage.
B. La résolution des litiges sous le Règlement
d’arbitrage de l’ACPI
Le Règlement de l’ACPI est adapté au règlement des litiges tant
internes qu’internationaux en matière de propriété industrielle.
L’ACPI propose plusieurs procédures d’arbitrage adaptées aux
différents litiges.
Tout d’abord, le Règlement de l’ACPI prévoit une procédure
à degré unique, applicable de droit. C’est une procédure très
complète qui permet d’analyser tous les aspects du différend
dans le cadre d’un débat contradictoire approfondi. Cette procédure s’adapte à la plupart des cas de figure. En principe, le
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Tribunal arbitral statue en droit, sauf si les parties lui ont confié
la mission de statuer en amiable composition. Une sentence
définitive est rendue dans un délai maximal de six mois, prorogeable en cas de circonstances exceptionnelles. L’appel n’est
pas ouvert aux parties.
Conclusion
L’ACPI, sous la présidence de Guillaume de La Bigne, présentait l’année 2014 comme une année marquée par une montée
en puissance des actions de l’ACPI. Un résultat qui illustre bien
En second lieu, les parties peuvent solliciter l’application de
la procédure d’urgence. Cette procédure est caractérisée par
des délais très courts, imposés par le Règlement, et par le fait
que la mission des arbitres ne dure que trois mois, prorogeable
en cas de circonstances exceptionnelles. Cependant, les frais
d’arbitrage sont plus élevés.
l’importance accordée aux questions liées à la propriété industrielle par les entreprises, qui font désormais partie de leur stratégie et de leur compétitivité.
Pour ces entreprises et dans un contexte de plus en plus favorable à l’arbitrage – même si le principe de l’arbitrabilité de
certaines zones de la propriété industrielle est très attendu-
La procédure d’urgence peut être sollicitée aux fins de voir
statuer seulement sur une mesure provisoire ou de garantie.
En effet, il est important de protéger la propriété industrielle
par le biais de ces mesures, pouvant notamment viser à faire
la CAIP apporte son savoir-faire en matière de résolution de
conflits issu de sa grande expérience de presque quatre-vingtdix ans et, en collaboration avec l’ACPI, le met à la disposition
des parties.
cesser la contrefaçon ou à la prévenir, tout en étant précisé
que les mesures ordonnées par les arbitres ne s’imposent pas
aux tiers.
Le Tribunal arbitral est collégial ou à arbitre unique, si les parties l’ont prévu expressément. Sauf accord des parties sur le
nom de l’arbitre unique, la Chambre Arbitrale le nommera d’office. Le choix de l’arbitre unique portera sur la liste de l’ACPI ou
en dehors de la liste à condition que l’arbitre nommé exerce ou
Notes
1. Article L 615-17 du Code de la Propriété Intellectuelle
2. Article 2060 du Code Civil
3. Article 2059 du Code Civil
4. Article L.613-27 du CPI
5. Paris, 1ère chambre, 28 février 2008
6. Chambre Civile 1, 12 juin 2013
7. CA Paris 1ère Ch. 31-10-2001
8. International Survey on Dispute resolution in technologies transactions – WIPO 2013
ait exercé une fonction du Conseil en propriété industrielle ou
avocat.
Afin de réduire les coûts et les délais de procédure, l’article 21
Pour en savoir plus
www.acpi.asso.fr
www.arbitrage.org
al.2 prévoit que le Tribunal arbitral peut statuer sur pièces si les
parties le demandent ou l’acceptent.
En outre, l’ACPI offre, au travers d’un règlement de médiation,
la faculté de recourir à tout moment à une procédure de médiation afin de tenter de terminer la contestation par un accord
amiable. Pour faciliter le recours à la médiation, le règlement
d’arbitrage comporte désormais un article 2 qui permet aux
parties à un litige de recourir à la médiation à tout stade de la
procédure arbitrale.
La représentation des parties est admise seulement par un
conseil en propriété industrielle ou un avocat. Un pouvoir spécial pour représenter une partie à l’arbitrage est nécessaire.
Il convient de préciser que la demande d’arbitrage doit être
adressée à la Chambre Arbitrale. La date de l’introduction de la
procédure d’arbitrage sera celle de la réception de la demande
au Secrétariat de la Chambre Arbitrale.
La rémunération des arbitres et du centre est effectuée selon
un barème des frais établi en fonction du montant du litige qui
est publié sur le site Internet de la CAIP.
• page 12 sur 20
www.arbitrage.org
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
Aperçu de la jurisprudence liée au contentieux de brevets
La loi du 17 mai 2011, dite « loi de simplification et d’améliora-
l’exécution d’un contrat et d’autre part la validité des brevets. Si
tion de la qualité du droit »1 est venue harmoniser les disposi-
la nullité des brevets est prononcée, il n’en restera pas moins
tions du Code de la propriété intellectuelle et a posé l’admissi-
qu’une situation contractuelle aura existé entre les parties et que
bilité de principe de l’arbitrage dans les conditions prévues aux
la juridiction ayant à apprécier l’exécution du contrat peut être
articles 2059 et 2060 du Code civil pour l’ensemble des droits
distincte de celle qui se prononce sur la validité des brevets. »
de propriété intellectuelle, soit la libre disponibilité des droits et
l’ordre public.
L’arrêt Liv Hidravlika du 28 février 2008, rendu par la Cour d’appel de Paris, est venu clarifier cette situation dans ces termes :
Désormais, il est prévu pour les brevets à l’article L.615-17
« Il est constant que les litiges portant sur des contrats relatifs
du Code de la propriété intellectuelle - et à l’identique pour la
à l’exploitation des brevets, qu’il s’agisse d’interprétation ou
plupart des autres droits de propriété intellectuelle - que « les
d’exécution du contrat, sont arbitrables. Au surplus la question
actions civiles et les demandes relatives, y compris qu’elles
de la validité du brevet débattue de manière incidente à l’oc-
portent également sur une question connexe de concurrence
casion d’un litige de nature contractuelle peut être soumise à
déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux de
l’arbitre, l’invalidité éventuellement constatée n’ayant, pas plus
grande instance, déterminés par voie réglementaire » mais que
que s’il s’agissait de la décision d’un juge, autorité de chose ju-
cependant « [ces] dispositions ne font pas obstacle au recours
gée car elle ne figure notamment pas au dispositif, et n’a d’effet
à l’arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et
qu’à l’égard des parties, de même d’ailleurs qu’une décision
2060 du Code civil ».
en faveur de la validité, les tiers pouvant toujours demander la
nullité du brevet pour les mêmes causes. »
À partir de là, diverses problématiques liées à l’arbitrage
peuvent être décelées pouvant être regroupées globalement
Ainsi, la Cour d’appel de Paris reconnaît l’arbitrabilité de la
mais non-exhaustivement en cinq grandes catégories2 :
question de validité d’un brevet lorsqu’elle est soulevée de ma-
- le contentieux de la validité ou de l’annulation ;
nière incidente, ce qui constitue en soi un revirement de juris-
- le contentieux contractuel ;
prudence notable. Rappelons toutefois que la sentence concer-
- le contentieux de la propriété et de la titularité ;
nant la validité du brevet n’a pas d’autorité de chose jugée, et le
- le contentieux de la contrefaçon ;
brevet demeurera donc opposable aux tiers.
- le contentieux de l’éviction (licence obligatoire, licence
d’office, expropriation, etc.).
Bien que la Cour de cassation ne se soit pas prononcée clairement sur cette question, elle reconnait dans l’arrêt Victocor
Concernant la validité du titre de brevet, comme a pu
3
Technologies rendu le 12 juin 2013, l’arbitrabilité de la validi-
l’exposer le professeur François Perret , la doctrine française
té du titre de propriété industrielle lorsque débattue de façon
est assez défavorable à l’arbitrabilité du contentieux du titre en
incidente :
général et en particulier lorsque le moyen de la nullité est sou-
« En constatant que le tribunal arbitral avait retenu que les
levé par voie d’action.
dépôts des demandes de brevets ne comportaient aucune information confidentielle, le savoir-faire incorporé dans ces de-
Cette situation fut une réalité pendant longtemps, néanmoins
mandes figurant déjà dans l’état de la technique, tel qu’il résul-
l’arrêt Société Deko du 24 mars 1994 et l’arrêt Liv Hidravli-
tait notamment d’un brevet russe précédemment publié, que
ka du 28 février 2008, qui concernaient des litiges relatifs à
la société demanderesse n’établissait pas de préjudice, que
des contrats de licence de brevet, ont commencé à « ouvrir
l’office allemand des brevets n’avait pas eu connaissance de
la voie » lorsque la Cour d’appel a accepté l’arbitrabilité de la
l’antériorité russe, laquelle avait une incidence substantielle sur
validité d’un brevet contestée par voie d’exception.
la valeur des brevets, la cour d’appel en a exactement déduit,
sans encourir les griefs du moyen, que le tribunal arbitral ne
Dans l’arrêt Deko, la Cour d’appel décide que « … le principe
s’était pas prononcé à titre principal sur la validité des brevets
de l’attribution générale de compétence aux juridictions éta-
et n’avait ni méconnu sa mission, ni le principe de la contradic-
tiques ne met pas obstacle au recours à l’arbitrage que pour
tion, ni l’ordre public international ».
les matières de la loi intéressant l’ordre public ; ainsi les litiges
portant sur les contrats relatifs à l’exploitation des brevets, qu’il
Cependant, la sentence arbitrale n’étant valable qu’entre les
s’agisse d’interprétation ou d’exécution du contrat sont arbi-
parties, et la nullité d’un titre ne pouvant être déclarée que par
trables /…/ En l’espèce, le tribunal arbitral a, à bon droit, refusé
décision du juge étatique, un problème d’applicabilité réelle de
de sursoir à statuer jusqu’à la décision du Tribunal de grande
cette nouvelle position se pose, car la sentence arbitrale n’est
instance saisi d’une demande d’annulation des brevets les ac-
limitée qu’à une constatation de la nullité et ainsi, n’offre pas la
tions soutenues devant le tribunal arbitral et devant le Tribu-
possibilité de faire annuler un brevet.
nal de grande instance ont des objets différents : d’une part
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
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Concernant le contentieux de l’exploitation du brevet
par cession, licence ou tout autre contrat, il ne fait plus
Concernant le contentieux de l’éviction, qui se retrouve
l’objet de discussion sur son arbitrabilité. En effet, le principal
des cas d’expropriation, il a suscité des débat depuis de nom-
«support» des brevets est le contrat, que ce soit un contrat de
breuses années : en principe, la doctrine exclue du champ de
vente4, de cession de brevet, de licence d’exploitation, de fran-
l’arbitrabilité les licences imposées ou obligatoires car elles re-
chise etc., et les litiges relatifs à ces contrats sont arbitrables.
lèvent de l’intervention des autorités judiciaires. De ce fait, « ce
C’est d’ailleurs la solution retenue quant au contentieux relatif à
domaine paraît donc relever intégralement de l’ordre public »12
l’exploitation du brevet (arrêt Deko) et entériné par la décision
et il faut donc en écarter l’arbitrage.
Liv Hidravlika.
dans le cas de licence obligatoire, de licence d’office ou dans
Ainsi, sont clairement exclus de l’arbitrage les litiges relatifs au
En ce qui concerne les litiges portant sur le paiement
volet pénal de la contrefaçon, la saisi-contrefaçon (comme des
des redevances, la solution retenue par la jurisprudence est
saisies conservatoires et sûretés judiciaires en général)13, les
identique. Dans un arrêt Velcro c/Aplix rendu par la Cour d’Ap-
injonctions aux offices de propriété industrielle, les injonctions
pel de Paris le 15 juin 1981, la Cour s’est prononcée sur les
provisoires de ne pas contrefaire14 ainsi que les litiges sur l’évic-
redevances : « Un litige portant essentiellement sur le point de
tion. Le droit du travail ainsi que la présence des personnes
savoir si les redevances réclamées par un breveté à son licen-
morales de droit public au contrat15 constituent une zone d’in-
cié sont ou non dues ne touche nullement à l’ordre public ».
certitude. Enfin, l’arbitrabilité est reconnu dans le contentieux
En l’espèce, le litige portait sur le paiement de redevances de
contractuel et ses questions connexes (contrefaçon, concur-
licence de brevet, et la validité du brevet n’était pas contestée.
rence déloyale, divulgation d’un secret de fabrication), de
Dans de nombreuses autres zones de la propriété industrielle,
en particulier liées à l’invention et à l’innovation, à un transfert
même que la question de la validité d’un titre lorsqu’elle est
soulevée par voie d’exception.
de technologie ou à un savoir-faire non breveté, relevant sou-
En matière d’arbitrage international, en ce qui concerne
vent de la matière contractuelle, la présence de la convention
l’arbitrabilité des litiges intéressant l’ordre public,
d’arbitrage ne pose aucune difficulté d’arbitrabilité.
rappelons la réponse de la Cour d’appel de Paris donnée dans
Mathieu de Boisséson5 a également pu préciser que l’exploitation du brevet pouvait faire l’objet d’arbitrage dans la mesure
où elle ne touchait pas à l’ordre public. En effet, bien que le
domaine soit très ouvert à l’arbitrage, il trouve ses limites dans
« les matières qui intéressent l’ordre public » selon l’article
2060 du Code civil.
l’arrêt Ganz du 29 mars 1991 et l’arrêt Labinal du 19 mai 1993.
La Cour déclare dans le premier arrêt que « en matière internationale, l’arbitre a compétence pour apprécier sa propre
compétence quant à l’arbitrabilité du litige au regard de l’ordre
public international, et dispose du pouvoir d’appliquer les principes et règles relevant de cet ordre public, ainsi que de sanctionner leur méconnaissance éventuelle… », et dans le second
Concernant le contentieux de la propriété du titre, la
doctrine s’accorde avec la jurisprudence pour admettre l’arbitrabilité de ces litiges (CA Paris 1ère, 31 octobre 2001 confirmé
par Cass. 1ère civ. 30 mars 2004).
que « l’arbitrabilité du litige n’est pas exclue du seul fait qu’une
réglementation d’ordre public est applicable au rapport de droit
litigieux ».
Enfin, mentionnons un arrêt récent qui admet le renvoi d’une
Cependant le contentieux de la propriété et de la ti-
tularité d’un brevet par un salarié dans le cadre de
son activité salariée reste, bien que vaste, peu adapté à
6
l’arbitrage . Cela car la clause compromissoire insérée dans
question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne : « La sentence arbitrale ayant fait application d’un
contrat de licence et considéré que durant la période de validité
de celui-ci, le licencié était tenu du paiement des redevances
le contrat de travail est nulle , ou inopposable au salarié , de
stipulées conventionnellement alors même que l’annulation
plus, la matière prud’homale écarte automatiquement le prin-
des brevets a un effet rétroactif, doit être posée à la Cour de
7
8
justice de l’Union européenne la question de savoir si un tel
9
cipe compétence-compétence du Tribunal arbitral .
En ce qui concerne les certificats d’obtention végétale,
celui-ci est régi désormais par la loi du 17 mai 2011 (L. 623-31
du Code de la propriété intellectuelle).
contrat contrevient aux dispositions de l’article 81 du Traité devenu l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne comme faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, en ce que soumettant le licencié
Concernant la contrefaçon, l’aspect civil de l’action en
contrefaçon entre dans le domaine de l’arbitrabilité10, tandis
que le volet pénal apparait comme « inarbitrable par nature ».11
Cependant la jurisprudence est rare, compte tenu de deux éléments : l’absence de convention d’arbitrage entre le titulaire du
droit et le contrefacteur et les contestations par le contrefacteur
à paiement de redevances dépourvues de cause par l’effet de
l’annulation des brevets attachés aux droits concédés, il inflige
à celui-ci un désavantage dans la concurrence »16.
Le détail des notes est visible sur le site de la CAIP :
www.arbitrage.org/newsletter/newsletter-CAIP-2015-10.html
de la validité du titre pour contester la compétence des arbitres.
• page 14 sur 20
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• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
ACTUALITÉS DE LA CAIP
Le nouveau Règlement de la CAIP
Révision du réglement d’arbitrage de la
CAIP : des ajustements judicieux
Par Carine Dupeyron et Marie Danis,
Avocats associés, August & Debouzy
Afin de s’adapter aux récentes évolutions de la pratique de l’arbi-
2. Une procédure plus rapide
trage international et de mieux répondre aux exigences, toujours
Le nouveau Règlement prévoit que la demande d’arbitrage doit dé-
croissantes, des utilisateurs de l’arbitrage, d’agir avec célérité et
sormais contenir les noms et adresses des conseils des parties, les
efficacité, la Chambre Arbitrale Internationale de Paris (ci-après la
mesures demandées, la convention d’arbitrage et dans la mesures
« CAIP ») propose, quatre ans après l’entrée en vigueur de son
du possible, l’estimation chiffrée des demandes. Cette modification
dernier règlement d’arbitrage, une version révisée de celui-ci (ci-
de l’article 5 renforce l’efficacité de la procédure puisqu’elle permet
après le « Règlement »).
non seulement d’introduire le plus tôt possible les conseils dans
Cette nouvelle révision du règlement d’arbitrage, la troisième en
la procédure arbitrale, mais aussi aux arbitres d’accéder aux élé-
cinq ans, est entrée en vigueur le 1er septembre 2015.
ments essentiels de la demande d’arbitrage dès la première étape
Si cette révision ne révolutionne pas l’approche générale de la pro-
de la procédure.
cédure arbitrale offerte par la CAIP et conserve la structure de l’an-
Une nouveauté intéressante met également en place des règles
cienne version, elle apporte par petites touches des changements
de procédure dématérialisée dans une nouvelle annexe 3. Ces
significatifs et bienvenus autour de trois thèmes. Tout d’abord, le
mesures favorisent la célérité de la procédure d’arbitrage en per-
nouveau règlement entend assurer l’efficacité du recours à la mé-
mettant la transmission par voie électronique des soumissions et
diation et, par la suite, la célérité de la procédure d’arbitrage (I). Les
communications de la procédure.
modifications apportées visent également à renforcer les garanties
A travers cette révision, la CAIP démontre le souci constant qui
encadrant la constitution du Tribunal (II), et, par une série d’ajuste-
l’anime d’assurer, pour le bénéfice des usagers, la rapidité et l’ef-
ments, clarifient et adaptent de manière très pragmatique les ar-
ficacité de sa procédure arbitrale. Cela permet aux parties utilisa-
ticles relatifs aux mesures provisoires et à l’arbitre d’urgence (III).
trices de bénéficier d’une économie de temps et de moyens.
I. L’efficacité et la célérité de la procédure II. Un renforcement des garanties
renforcées
encadrant la constitution du tribunal
Pour atteindre cet objectif, les mesures permettant l’accès à la mé-
Le nouveau Règlement contient désormais de nouvelles disposi-
diation et celles garantissant une procédure rapide et efficace ont
tions qui mettent en place des mécanismes garantissant le res-
été modifiées.
pect de l’exigence d’impartialité et d’indépendance qui pèse sur les
1. Le renforcement des mesures favorisant l’accès à la
médiation
La révision opérée en 2011 avait déjà intégré le recours à la mé-
arbitres. Il facilite ensuite la mise en œuvre de procédures n’impliquant qu’un seul arbitre, gage incontestable de réduction des
délais et des coûts.
pouvaient être à l’origine d’une procédure préalable de médiation
1. La mise en place de mécanismes garantissant le
respect de l’exigence d’impartialité et d’indépendance
bien naturellement s’il existait dans le contrat une clause de mé-
La révision apportée au Règlement rappelle deux obligations es-
diation préalable au litige ou à défaut de clause, une fois le diffé-
sentielles des arbitres, que sont l’indépendance et l’impartialité.
rend né.
S’il était déjà considéré dans la pratique de la CAIP que l’indépen-
Une clarification utile est apportée sur le fait que la médiation peut
dance et l’impartialité de l’arbitre sont de l’essence même de la
être désormais envisagée « à tout moment ».
fonction arbitrale, la révision, par son nouvel article 9, en fait un
L’initiative de proposer une médiation, qui était réservée au Pré-
engagement à part entière.
sident de la CAIP, est désormais celle d’une partie.
Le nouveau Règlement élargit en outre le panel d’arbitres à la dis-
Il s’agit donc ici de donner une impulsion pour qu’une médiation
position des parties. La liste établie par la CAIP n’est désormais
ait lieu puisque c’est le Président de l’institution qui suggérera la
plus « unique » mais « indicative », ce qui permet une plus grande
médiation.
latitude dans le choix des arbitres.
Il faut enfin préciser que l’instance arbitrale demeurera suspendue
La volonté de renforcer ces obligations se retrouve dans la mise en
pendant toute la durée de la médiation.
œuvre des conditions de récusation. Si l’ancien règlement permet-
diation à l’article 4 du règlement d’arbitrage de la CAIP. Les parties
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
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tait la récusation de l’arbitre lorsqu’il était directement intéressé à la
ranties procédurales relatives au procès équitable conférées dans
solution du litige, le nouvel article 13 élargit le champ de récusation
l’arbitrage interne et international. Ainsi, l’arbitre doit, en matière
en permettant celle-ci lorsque l’arbitre est intéressé « d’une quel-
internationale, veiller au respect des principes garantissant le pro-
conque manière » à la solution du litige. On voit ici la volonté d’être
cès équitable. Cette obligation, plus étendue que le respect des
en adéquation avec les évolutions de la jurisprudence française
principes directeurs anciennement visés, garantie aux entreprises
sur les devoirs des arbitres en matière de révélation, d’indépen-
confrontées à un arbitrage international une meilleure protection
dance et d’impartialité.
procédurale.
En outre, le Règlement prévoit une extension au délai de quinze
jours dans lequel les parties peuvent mettre en œuvre la récusa-
2. Une procédure d’urgence renforcée et ajustée
tion d’un arbitre : les parties peuvent ainsi demander à ce que ce
La procédure d’urgence permet le déroulement d’un arbitrage dans
délai soit étendu de quinze jours supplémentaires en cas de cir-
un délai plus bref, les parties bénéficiant d’un calendrier accéléré
constances particulières.
répondant à la situation d’urgence. En outre, cette procédure accé-
Enfin, le nouveau Règlement renforce l’autonomie des parties
lérée peut être un facteur important de réduction des coûts.
dans le remplacement de l’arbitre récusé. Alors que le remplace-
Le nouveau Règlement modifie la procédure d’urgence de la CAIP,
ment était effectué par le Président de la CAIP dans l’ancien texte,
notamment en plaçant les parties au centre de celle-ci.
le nouveau Règlement, par son article 14, précise que les modali-
De manière générale, le nombre d’arbitres dans la procédure d’ur-
tés qui ont présidé à la désignation des arbitres seront appliquées
gence a été diminué afin de garantir plus de célérité dans sa mise
pour désigner le nouvel arbitre.
en œuvre : ainsi, si l’accès à la procédure d’urgence est accordé par le Président du CAIP, le Tribunal sera composé de trois
2. Des mesures facilitant le recours à un arbitre unique
arbitres, et d’un seul si les parties le décident.
L’ancien Règlement permettait aux parties de recourir à un ar-
Concernant la période laissée au Tribunal pour effectuer sa mis-
bitre unique. La désignation était effectuée soit par les parties,
sion au fond, l’ancien article 51 prévoyait une période de six mois
soit par le Président de la CAIP. Aucune précision ne mentionnait
avec une prorogation de six mois en six mois. Le nouvel article 51
une quelconque préférence pour l’une ou l’autre des modalités de
prévoit désormais de diviser par deux l’ensemble de ces délais.
désignation. Désormais, aux termes du nouveau Règlement, l’ar-
La célérité de la procédure d’urgence est également renforcée par
bitre unique est désigné par les parties dans un délai d’un mois
les nouvelles dispositions de l’article 50 qui prévoient la possibilité
à compter de la demande d’arbitrage et c’est seulement à défaut
pour l’arbitre de statuer sur pièces seulement si les parties le de-
d’une telle désignation que le Président de la CAIP effectue la dé-
mandent ou l’acceptent.
signation. Le nouveau texte de l’article 16 renforce également ici
Par ailleurs, ce n’est plus le Président de la CAIP qui fixe l’adminis-
la prééminence de la volonté des parties dans la désignation de
tration de la procédure d’urgence mais le Tribunal arbitral qui aura
l’arbitre unique.
été constitué par les parties.
Enfin, l’article 53 du nouveau Règlement envisage l’hypothèse où
III. Des ajustements sur mesure
la procédure d’urgence est mise en œuvre « comme en matière de
référé judiciaire », c’est à dire pour statuer non sur le fond mais sur
1. Assurer l’efficacité des mesures provisoires
prononcées par les arbitres
des mesures provisoires ou de garanties. Cette possibilité existe
Se pose souvent la question de l’efficacité des mesures provisoires
et conservatoires prononcées par ordonnance par les arbitres. Le
nouveau Règlement a pris en compte cette difficulté et propose
donc à ses utilisateurs la possibilité de demander au Tribunal de
prononcer ces mesures par voie de sentence. Cette nouveauté intégrée à l’article 32 assure l’efficacité de ces mesures qui pourront
bénéficier de l’exécution forcée dès qu’une ordonnance d’exequatur sera obtenue.
Le nouvel article 18 du Règlement reprend de façon plus détaillée l’obligation qui est faite au Tribunal de respecter les usages du
dans le seul cas où le Tribunal arbitral désigné pour statuer au fond
n’est pas encore constitué. Dans cette situation particulière, le Tribunal d’urgence ne sera plus composé de trois arbitres mais d’un
arbitre unique, réduction du nombre d’arbitres permettant alors une
procédure plus adaptée à l’urgence.
A noter que, de manière classique, l’alinéa 4 de ce nouvel article
rappelle que l’arbitre unique ne pourra pas siéger ensuite dans la
procédure arbitrale.
Conclusion
commerce. Que l’arbitre tranche le litige conformément aux règles
Le nouveau Règlement a pour objet de renforcer l’efficacité de sa
de droit ou qu’il statut en amiable compositeur, il se doit de tenir
procédure ainsi que l’autonomie qu’il confère à ses utilisateurs. La
compte des usages du commerce. Cette importance donnée aux
CAIP propose ici aux parties un Règlement moderne et pragma-
usages du commerce est très intéressante et se révèle être propre
tique, adapté aux exigences exprimées par les utilisateurs de l’ar-
au Règlement de la CAIP qui se veut être un Règlement « créé par
bitrage portant sur la transparence, l’efficacité et la célérité, et per-
les entreprises pour les entreprises ».
mettant par la mise en œuvre de ces mesures d’obtenir également
Dans ce même article, le nouveau Règlement confirme la volon-
la maîtrise des coûts. Ne doutons pas qu’il aura le succès attendu.
té d’ouverture internationale de la CAIP. En effet, à la manière du
Code de procédure civile français, il distingue désormais les ga-
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• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
Le nouveau Règlement de la CAIP
Entretien avec François-Xavier Train
Professeur de droit privé
Vice-Président de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Rédacteur en chef de la Revue de l’arbitrage
Président du Conseil scientifique de la CAIP
La Chambre Arbitrale Internationale de Paris vient
d’adopter un nouveau Règlement qui est entré en vigueur le 1er septembre 2015, et ce alors même que
la précédente réécriture datait seulement de 2011 ?
L’environnement propre à l’arbitrage aurait-il si vite
évolué ?
La révision du règlement intervenue en 2011 avait pour objet de renouveler en profondeur l’arbitrage de la Chambre arbitrale internationale de Paris, à l’occasion de la réforme, elle-même de grande
ampleur, du droit français de l’arbitrage interne et international par
le décret du 13 janvier 2011. Le règlement de la CAIP, dont il faut
rappeler qu’il est depuis plusieurs décennies l’un des plus utilisés
en France, fait désormais partie des règlements les plus modernes
sur la place de Paris, adapté à tous types de litiges internes et
internationaux.
La révision de 2015 est sans doute moins profonde que celle de
2011. Elle confirme les grandes orientations retenues il y a quatre
ans et permet la simplification et la clarification de certaines dispositions du règlement, au bénéfice des évolutions jurisprudentielles
les plus récentes. Mais cette révision apporte également des améliorations importantes, à destination des utilisateurs de l’arbitrage
de la CAIP, modifications qui se sont avérées nécessaires dans
un environnement qui change, de fait, très vite : la pratique de l’arbitrage commercial interne et international évolue constamment,
et ses utilisateurs sont de plus en plus exigeants. Au demeurant,
ces dernières années, on constate que les centres d’arbitrage
modifient leurs règlements plus fréquemment que par le passé et
essaient de trouver l’équilibre idéal entre respect des garanties procédurales d’un côté, souplesse et moindre coût de la procédure,
de l’autre. Tel est bien l’objet de cette révision du règlement de la
CAIP de 2015, dont les maîtres-mots sont : modernité, souplesse
et efficacité.
La CAIP met principalement en avant, dans le cadre de
cette refonte, sa nouvelle procédure dématérialisée, le
nécessaire assouplissement des règles de désignation
des arbitres, ainsi que le besoin d’une procédure d’urgence repensée. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces
trois points ? Modernité. D’une part, l’introduction de la procédure dématérialisée parachève la modernisation du règlement et offre aux usagers
de l’arbitrage de la CAIP un outil souple de gestion de la procédure.
Si l’ensemble des garanties offertes par le règlement demeurent
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
applicables, la procédure se déroule entièrement par voie électronique, permettant ainsi à la fois une accélération de la procédure
et une réduction importante des coûts. D’autres dispositions du
même ordre peuvent être évoquées. Le règlement précise expressément, d’une part, que les audiences peuvent être organisées
par visioconférence, et, d’autre part, que l’audience préliminaire
d’organisation de la procédure, qui a été introduite par la révision
du règlement de 2011, peut être conduite par téléconférence afin
de réduire les coûts et les délais lorsque les circonstances de l’affaire ne rendent pas absolument nécessaire l’organisation d’une
réunion physique entre les acteurs, dès le début de la procédure.
Les moyens modernes de télécommunication peuvent apporter
beaucoup de souplesse dans la gestion d’une procédure arbitrale ;
il appartient aux acteurs - arbitres, avocats, entreprises, centres
d’arbitrage - de s’en saisir pour en tirer le meilleur avantage dans le
respect de la loyauté des débats.
Souplesse. Au titre de la souplesse, il convient d’évoquer au
premier chef une disposition introduite par le nouveau règlement
relativement à la médiation et à son articulation avec une éventuelle procédure d’arbitrage conduite sous l’égide de la CAIP. Si
les parties peuvent naturellement, et à tout moment, comme le
précise désormais le règlement, avoir recours à la médiation, il est
en outre prévu que, « A l’initiative d’une partie, le Président de la
Chambre Internationale de Paris peut suggérer qu’une médiation
soit envisagée ». Le dispositif n’est donc pas contraignant, mais
simplement incitatif et repose sur le rapport de confiance qui existe
entre les professionnels usagers de l’arbitrage de la chambre et la
chambre elle-même, en tant que centre d’arbitrage. On peut espérer que cette faculté offerte au président de la chambre à l’initiative
d’une partie favorisera le recours à la médiation lorsque cela est
profitable, c’est-à-dire lorsque le litige peut être résolu, par ce biais,
dans des délais beaucoup plus brefs et sans altérer la continuité
des relations commerciales entre les partenaires.
La constitution du tribunal arbitral et l’indépendance et l’impartialité
des arbitres sont des questions centrales dans le droit et la pratique
modernes de l’arbitrage. En premier lieu, le rôle central des parties
dans la définition des modalités de constitution du tribunal arbitral
est consacré et explicité. En second lieu, le nouveau règlement
marque une volonté d’ouverture de la chambre ; la liste d’arbitres
n’est plus qu’indicative, en sorte que le choix d’arbitres ne figurant
pas sur la liste est facilité et ne sera plus exceptionnel comme il
l’était auparavant. En troisième lieu, les délais de nomination, de
récusation et de remplacement d’un arbitre ont fait l’objet de mowww.arbitrage.org
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difications pertinentes de nature à améliorer à la fois l’efficacité du
processus de constitution du tribunal arbitral et le respect de l’indépendance et de l’impartialité des arbitres. Sur ce dernier point,
enfin, le règlement rappelle à juste titre les exigences de la loi et est
complété utilement par le Code d’éthique auquel tout arbitre intervenant dans un arbitrage administré par la chambre doit adhérer.
Le conseil scientifique de la CAIP que vous présidez a
également révisé il y a un an le Code d’éthique de la
Chambre, entré en vigueur le 1er juillet 2014. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce texte ?
Le Code d’éthique de la CAIP s’apparente à une charte des devoirs et des obligations de l’arbitre dans l’accomplissement de sa
Efficacité. Au titre de l’efficacité, les utilisateurs et les professionnels de l’arbitrage noteront avec grand intérêt les modifications
mission. Les arbitres pressentis par une partie ou par le président
de la Chambre pour participer à un arbitrage CAIP doivent s’imprégner et adhérer à ce code avant d’être formellement nommés.
apportées au régime des mesures provisoires et à la procédure
L’obligation d’indépendance et d’impartialité est bien entendu au
d’urgence. D’une part, en ce qui concerne les mesures provisoires,
cœur de ce code d’éthique, tant elle est essentielle à la mission de
le règlement prévoit que les arbitres ont la faculté de prononcer de
l’arbitre et tant elle a donné lieu, dans les dernières années, à une
telles mesures au travers d’une sentence arbitrale (ce qui est per-
jurisprudence sévère et parfois très subtile. C’est la raison pour
mis par la jurisprudence), et non pas par le biais d’une simple or-
laquelle le code d’éthique n’hésite pas à expliciter les différents cri-
donnance de procédure, ce qui est de nature, d’une part, à renforcer considérablement l’efficacité des mesures ordonnées par les
arbitres, dès lors que les parties pourront en demander l’exequatur
au juge compétent, et, d’autre part et de façon symétrique, à offrir
une voie de recours devant la cour d’appel à la partie à laquelle la
mesure ordonnée par les arbitres fait grief. Un équilibre entre efficacité des décisions arbitrales d’une part, et respect des garanties
procédurales d’autre part, qui semble satisfaisant.
tères de l’indépendance et de l’impartialité et à guider les arbitres
dans la rédaction de leur déclaration d’indépendance. Cela s’avère
très utile pour les arbitres occasionnels, qui ne sont pas nécessairement au fait des derniers développements jurisprudentiels.
Mais le code d’éthique ne se limite pas à rappeler l’exigence d’indépendance de l’arbitre. Il rappelle que celui-ci en ce qu’il exerce
une mission tout à fait comparable à celle du juge, doit bien évidemment respecter les garanties du procès équitable et les délais
de la procédure, mais qu’il se doit également, sur un plan plus personnel, de vérifier son aptitude, en d’autres termes sa compétence,
La révision de 2015 renforce enfin la procédure d’urgence. Les
pour agir en tant que juge, notamment sa maîtrise de la langue de
parties ont la maîtrise de cette procédure, la chambre n’interve-
l’arbitrage, sa disponibilité, une familiarité suffisante avec les règles
nant qu’à titre supplétif et pour garantir la célérité de la procédure.
de droit applicables tant au fond qu’à la procédure, sa discrétion - la
Les parties peuvent notamment opter pour un arbitre unique lequel
confidentialité est inhérente à toute procédure arbitrale, etc. Pour
sera nommé par le président de la chambre toujours dans un souci
finir, il faut ajouter que la Chambre arbitrale internationale de Paris
de rapidité.
À défaut de recours à un arbitre unique, trois arbitres seront désignés par la chambre. En outre, l’arbitre ou les arbitres d’urgence
pourront décider, si les parties ne s’y opposent pas, de se prononcer sur pièces et sur document, sans organiser d’audience.
ne se contente pas de diffuser sa charte éthique auprès des arbitres et des utilisateurs, elle contribue également à la formation et
au perfectionnement de ses arbitres en organisant des séminaires
pratiques de perfectionnement au cours desquels les arbitres de
la chambre, actuels et futurs, acquièrent les connaissances et les
réflexes nécessaires à la conduite d’une procédure arbitrale.
Arrêts confirmatifs des sentences CAIP
Cour d’appel de Paris (Pôle 1 – Ch. 1), 11 février 2014
Absence de référence à une loi étatique pour apprécier l’existence et la validité de la clause compromissoire
– Respect de la mission
Le juge du recours contrôle la décision du tribunal arbitral sur
ternational, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il
sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou
soit nécessaire de se référer à une loi étatique; qu’il n’y a donc
de fait permettant d’apprécier l’existence de la convention
pas lieu, pour apprécier la validité de la stipulation litigieuse, de
d’arbitrage.
prendre en considération la loi italienne.
En vertu d’une règle matérielle du droit de l’arbitrage internatio-
La référence à une loi étatique est indifférente pour trancher la
nal, applicable à un arbitrage dont le siège est fixé en France,
question de l’existence et de la validité de la convention d’ar-
la clause compromissoire est juridiquement indépendante du
bitrage ; qu’il en résulte qu’aucune violation ni de leur mission
contrat principal qui la contient; que, dès lors, son existence
ni du principe de la contradiction ne peut être reprochée aux
et son efficacité s’apprécient, sous réserve de l’ordre public in-
arbitres à cet égard.
• page 18 sur 20
www.arbitrage.org
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
Cour d’appel de Paris (Pôle 1 – Ch. 1), 4 novembre 2014
Respect par le tribunal arbitral de sa mission
Le tribunal arbitral ayant constaté qu’aucune des parties ne
une astreinte et d’ordonner une expertise, comme le demandait
sollicitait la résolution de la transaction, il ne pouvait que les
le demandeur, ainsi que de modifier les termes exprès de la
inviter à exécuter les obligations qui en résultaient ; le défaut
transaction prévoyant son obligation de remettre une lettre de
de remise par le demandeur de la lettre de crédit prévue par le
crédit à la partie adverse ne caractérise aucunement un man-
protocole était une faute qui justifiait sa condamnation à payer
quement des arbitres à leur mission, pas plus que le fait qu’ils
des dommages-intérêts au défendeur.
aient fait droit à la demande de dommages-intérêts présentée
Considérant que le fait que les arbitres aient refusé de prescrire
par le défendeur à raison de l’inexécution des obligations résultant du protocole transactionnel.
Cour d’appel de Paris (Pôle 1 – Ch. 1), 23 juin 2015
Respect du principe de la contradiction – Sursis à statuer – Erreur sur la personne (non) – Ordre public
Le fait pour les arbitres d’avoir écarté des écritures tardives,
signés; au demeurant, elle ne démontre pas, conformément à
loin de méconnaître le principe de la contradiction en assurait
l’article 1110 du code civil, que la considération de la personne
le respect.
de sa cocontractante soit la cause principale de la convention,
Le dépôt d’une plainte pénale concernant le contrat dont
un contrat pouvant être conclu par une coopérative avec un
l’inexécution était en cause devant les arbitres n’obligeait pas
tiers non associé. Le moyen tiré de l’erreur sur la personne
ceux-ci à surseoir à statuer, de sorte qu’il ne résulte de la sen-
n’est pas fondé.
tence qui passe outre la demande de sursis aucune violation
Les dispositions du code rural qui plafonnent le volume des
de l’ordre public.
opérations qu’une coopérative agricole peut conclure avec des
Mme S., qui ne soutient pas que ce n’est pas sa signature
non-adhérents sont sans influence sur la validité et l’exécution
qui figure au bas de ces contrats ne peut utilement prétendre
des conventions passées avec ceux-ci, et n’ont d’incidence que
qu’elle s’est trompée sur l’identité de l’acheteur et qu’elle a cru
sur le régime fiscal appliqué à la coopérative, de sorte que la
contracter avec la société C. et non avec la société X au ca-
sentence, qui condamne Mme S. à indemniser la société X du
pital de laquelle elle n’avait pas souscrit, alors que c’est bien
préjudice résultant de l’inexécution partielle de ventes de blé ne
le nom de X qui est coché sur les trois formulaires qu’elle a
heurte pas l’ordre public.
L’information de l’adhésion de JURIS-DEFI à la CAIP
« Fondé en 1992 sous la forme d’une association régie par la loi de 1901, Juris Défi est un réseau dynamique qui regroupe des professionnels du droit : Avocats, Notaires, Administrateurs et Mandataires
Judiciaires, répartis sur l’ensemble du territoire ».
L’objectif de Juris Défi est de réunir, parmi ses associés et avec ses partenaires, les compétences dans tous les
domaines du droit.
Juris Défi permet à ses membres :
- de garantir à leurs clients une prestation de qualité dans tous les domaines du droit
- de bénéficier de la force d’un réseau national
- d’être performants et réactifs grâce à une gamme de services et produits qui leur est entièrement dédiée
- la formation continue : Juris Défi est organisme de formation agréé
- des outils techniques et des méthodes de travail adaptés
- de conserver son indépendance et son autonomie.
• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8
www.arbitrage.org
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CHAMBRE ARBITRALE INTERNATIONALE DE PARIS
La Chambre Arbitrale Internationale de Paris est une institution à but non lucratif et à compétence générale qui a pour mission de mettre à la
disposition des entreprises de toute taille les moyens nécessaires au règlement de leurs litiges par voie d’arbitrage ou par conciliation.
Créée en 1926, c’est aujourd’hui le plus ancien centre d’arbitrage en activité en France. Près de 30.000 litiges touchant aux activités du
monde du commerce et de l’industrie, ont été tranchés grâce à son intervention, ce qui en fait une organisation de notoriété internationale.
6 avenue Pierre 1er de Serbie - 75116 PARIS - Tél. : 01 42 36 99 65 - Fax : 01 42 36 99 58 - Email : [email protected] - Web : www.arbitrage.org
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• La Lettre de la Chambre arbitrale internationale de Paris n° 8