Année 2013 - IRTS Réunion

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Année 2013 - IRTS Réunion
SELECTIONS D’ENTREE EN FORMATION
D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL
D’EDUCATEUR SPECIALISE
D’EDUCATEUR DE JEUNES ENFANTS
DU JEUDI 24 JANVIER 2013
EPREUVE ECRITE
QUESTIONNAIRE
Durée : 3h30
Notation : /20 Coef. 1
Vous devez traiter l’ensemble de ces questions.
Question n°1 :
Une étude britannique montre que les jeunes passent plus de temps face à des écrans
que sur les bancs de l'école. Conséquence : plus d'obésité, de diabète mais aussi de
troubles de l'attention.
A votre avis quelles sont les conséquences des écrans sur la santé et le comportement
des enfants ?
Question n°2 :
Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe suscite
de nombreuses réactions qui font la une des actualités.
Le premier ministre le présente comme « une évolution majeure de notre code civil ».
Que vous inspirent ces manifestations, déclarations, mobilisations ?
Question n°3 :
Les seniors vivent plus souvent seuls aujourd’hui à la Réunion. Quelles en sont selon
vous les raisons et les conséquences ?
SELECTIONS D’ENTREE EN FORMATION
D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL
D’EDUCATEUR SPECIALISE
D’EDUCATEUR DE JEUNES ENFANTS
DU JEUDI 24 JANVIER 2013
EPREUVE ECRITE
NOTE DE SYNTHESE
Durée : 2 heures
CONSIGNE
A partir des textes et témoignages ci-joints, vous réalisez une synthèse
sur le sujet suivant : La face cachée du viol.
Votre synthèse très condensée doit se situer dans une fourchette de 350
à 400 mots.
Tous les mots comptent, qu’ils soient des mots « pleins » (noms, verbes,
adjectifs…) ou des mots outils (articles, auxiliaires du verbe,
prépositions, conjonctions de coordination ou de subordination,
négations…). Les mots composés comme « parce que » ne valent qu’un.
Vous devez préciser à la fin de votre synthèse le nombre de mots que
vous avez utilisés.
(noté sur 20, coef. 1)
VIOL - ELLES SE MANIFESTENT
Plus de 75 000 femmes en sont victimes chaque année, mais une minorité seulement
saisit la justice. Enquête sur la face cachée du viol.
Quatre lettres, un seul petit mot : viol. C'est presque un voile, qui recouvre en fait une réalité
qu'on n'ose regarder en face. On soulève les coins, on s'indigne de ces histoires « qui
n'arrivent qu'aux autres », sordides, spectaculaires, racontées en gros dans les colonnes de
nos faits divers. Mais derrière ces drames marginaux, il y a la masse, des viols qui nous
touchent toutes et tous. Ceux dont sont victimes chaque année, en France, plus de 75000
femmes, et presque autant d'enfants. Soit un viol toutes les huit minutes. Des drames
banals, noyés dans la honte, que subit ou subira pourtant 1 femme sur 10 au cours de sa
vie. Il faut se rendre à l'évidence : loin du fait divers, c'est un fait de société sourd, qui frappe
tous les milieux sociaux. Et recèle son lot de vérités inavouables. Sait-on que 80% des viols
restent aujourd'hui commis par un proche, conjoint, amant, père, grand-père, ami de la
famille ou patron ? Nous voilà loin du cliché où le violeur est un psychopathe armé et violent,
qui traîne sa victime en minijupe dans une rue sombre.
Comme il le fit en avril 1971 en faveur de l'avortement, « le Nouvel Observateur » publie
aujourd'hui un manifeste pour que notre société ouvre enfin les yeux sur la vérité du viol en
France, un scandale massif qui appelle une mobilisation urgente. Pour la première fois, des
centaines de femmes déclarent ensemble avoir été violées. Elles signent aujourd'hui le
« manifeste des 313 ». De la joueuse de tennis Isabelle Demongeot à l'ancienne épouse de
l'ex-Premier ministre Marie-Laure de Villepin en passant par l'auteur et scénariste Frédérique
Hébrard, elles ont entre 18 et 87 ans. Dans les semaines qui viennent, elles seront des
centaines, mues par le courage, à s'engager pour que la honte change de camp. A l'origine
du texte et première signataire, Clémentine Autain s'affiche. « Après l'affaire DSK, des
femmes ont osé parler, le voile s'est un peu levé, je ne voulais pas qu'il retombe,
explique-t-elle. Il faut en finir avec l'hypocrisie des images d'Epinal, le viol est un fait social
qu'il faut maintenant prendre à bras-le-corps. » Et il y a du travail.
Certes, depuis la loi votée en 1980, c'est « le crime qui appelle la plus forte réprobation
judiciaire », explique Véronique Le Goaziou, sociologue et auteur de « le Viol, aspects
sociologiques d'un crime » (La Documentation française). En théorie, les Français peuvent
se vanter d'avoir une des meilleures lois au monde. « Tout le monde pense que le viol, c'est
grave, dit Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et
Victimologie. Mais, en pratique, c'est le déni. Les victimes n'entrent jamais dans la bonne
case, à moins qu'elles n'aient été violées dans un parking par un inconnu. » Surtout, la
justice n'est saisie que d'environ 10% des faits de viol. Dont une grande partie, requalifiés en
délits, finissent devant les tribunaux correctionnels. Un mécanisme de minimisation des faits
inédit, puisqu'il « n'a cours que dans les affaires de viol », relève Alice Debauche,
enseignante en sciences sociales à l'université de Strasbourg et auteur d'une thèse sur le
sujet. Comme si le viol, en tant que crime ordinaire, ne pouvait exister. Au bout du compte,
triste constat : seul 1% à 2% des auteurs poursuivis sont condamnés aux assises.
Morale de l'histoire : mieux vaut se taire que porter plainte. Car le parcours judiciaire
ressemble bien à celui d'un combattant. « Les victimes en sortent parfois plus salies qu'elles
y sont entrées, et évoquent une souffrance pendant la procédure qui peut excéder celle du
viol », note Véronique Le Goaziou. Comment prouver la pénétration, dix, quinze ans après
les faits ? « Nous avons calculé les délais qui séparent le drame de sa déclaration devant les
autorités, poursuit la sociologue. Quand le violeur est un inconnu, les faits sont dénoncés
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dans les jours voire les heures qui suivent. Mais plus l'auteur est proche de sa victime et plus
le silence dure, jusqu'à des dizaines d'années, parce que les enjeux affectifs, familiaux et
sociaux peuvent être énormes. »
Et comment prouver l'absence de consentement, lorsque victime et auteur sont très liés ?
« J'ai récemment reçu un enfant de 10 ans sodomisé par son grand frère de 17 ans, raconte
Muriel Salmona. Le juge a rendu une ordonnance de non-lieu considérant, entre autres, qu'il
était consentant ! » Une aberration parmi d'autres. Comme le cas de cette adolescente de 14
ans, violée par un camarade. « Le garçon a avoué qu'il a tenu sa copine par les deux mains,
qu’elle disait non, mais il a bénéficié d'un non-lieu, parce qu'ils se connaissaient. Et elle a fini
en garde à vue, accusée de dénonciation mensongère pour crime imaginaire. » Effet
boomerang, retour à la honte, à la culpabilité. La référence au « consentement » est dans
toutes les têtes, mais pas dans la loi. « Même pour les bizutages, il est aujourd'hui considéré
qu'on ne peut être consentant. Pourquoi n'est-ce pas le cas pour le viol ? » demande la
psychiatre.
Peut-être parce qu'il fait partie d'une zone où chacun se pense libre de ses goûts et
préférences, celle de la sexualité et des fantasmes. « Comme si les femmes devaient être
conscientes qu'elles risquent d'être violées, que c’est de leur responsabilité d'y échapper,
déplore Muriel Salmona. Dans notre société, la sexualité violente est un droit pour les
hommes. » Mais pas le viol. Le chemin est long jusqu'au jour imaginé par Alice Debauche en
conclusion de sa thèse. Ce jour où « le désir ne sera plus conjugué au masculin, et la
disponibilité au féminin ».
ELSA VIGOUREUX
TEMOIGNAGES
: « J'avais honte, j'avais peur »
Plus de 300 femmes ont signé le manifeste. Elles témoignent d'agressions, subies
parfois dans l'enfance, qui ont changé à jamais le cours de leur existence
"J'avais confiance"
« Un soir de février 2006, M. vient à la maison. Il vit seul depuis qu'il est séparé de sa
femme, il a quatre fils. Il connaît à peine mes enfants. Il arrive juste au moment où ils se
couchent. Et demande s'il peut aller dire bonsoir à Marie dans sa chambre. Il était si proche
de ses fils, j'ai dit oui. J'étais en train de débarrasser la table du dîner et de ranger le lavevaisselle. J'avais confiance [...]. Il a caressé ma fille, il lui a fait des massages, dit des
paroles obscènes et fait une pénétration vaginale avec un doigt. Elle avait 11 ans. J'ai porté
plainte en mai 2011. L'affaire a été requalifiée en "agression sexuelle sur mineur de moins
de 15 ans". Le tribunal a puni M. à 3000 euros de dommages et intérêts, sept mois de prison
avec sursis et une inscription au fichier des personnes coupables d'agression sexuelle. Mais
M. a une très haute situation sociale, il est numéro trois d'un très grand groupe
d'aéronautique français. Il est connu, il a de l'argent. Il a fait appel. Il ne paie pas les
dommages-intérêts qu'il doit, c'est la Civi [Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction, NDLR] qui s'en charge. En attendant la date du procès, M. est libre. Tout lui
réussit. »
MAGALI MEAULNE
"Le silence, une couverture"
« J'étais une enfant, j'avais 12 ans, je revenais de l'école sur mon vélo vert. J'étais seule ce
midi-là dans la maison, les uns étaient à l'école, les autres travaillaient. Seule avant,
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pendant, après. J'ai parlé d'un cambriolage, il avait volé des bijoux. Aux flics aussi, en 1978.
Assise à droite de mon père sur une chaise en tubes chromés recouverte de Skaï vert kaki,
le flic en face était gros, avec une petite moustache, il tapait avec deux doigts à la machine.
A la fin, il m'a demandé si le bonhomme m'avait touchée. J'ai dit non. Trois ans plus tard, je
l'ai dit à mon amoureux. Quatre ans après, à une amie. Vingt-cinq ans plus tard, au frère, à
la sœur, à la mère. Jamais au père. Ni à mes trois enfants. Ne pas le dire pour ne pas
blesser ceux qu'on aime, pas par tabou ! Ne pas le dire pour garder les autres intacts autour
de soi...Le silence comme une couverture »
CATHERINE COCHARD, 45 ANS
"Mon ‘meilleur ami’"
« J'ai été victime d'attouchements à l'âge de 5 ans. Et d'un viol collectif à l'âge de 20 ans, en
juillet 1989, à Seignosse-lePenon (Landes). Ont participé à ce viol des pompiers, sauveteurs
des mers et le personnel d'une discothèque. En fin de nuit, mon "meilleur ami", soûl, a fini le
travail. Ces viols ont fait voler en éclats ma personnalité, TS [tentatives de suicide, NDLR] et
dépressions ont suivi pendant plus de dix ans. Le viol, outre le traumatisme de l'acte, nie
votre être, détruit l'intime. Votre sexe devient monstrueux. Les souffrances morales
s'ajoutent aux souffrances physiques, et tout l'air du monde ne suffit jamais à vous
réoxygéner, à vous redonner un souffle vital. »
CAROLINE KISS, 43 ANS
LE TEMOIGNAGE DE CLEMENTINE AUTAIN
Vaillante
Elle attend au coin d'une rue, oiseau frêle dans un manteau trop grand. Ce soir, Clémentine
Autain semble un peu lasse. L'égérie de la gauche radicale sort d'un cours qu'elle donne à
Sciences-Po Paris sur l'histoire des féminismes et tient sous le bras « Tigre, tigre ! », le gros
roman de Margaux Fragoso sur le viol. « Magnifique », dit-elle. Elle a aussi dévoré les livres
de Christine Angot, de Lola Lafon, et d'autres récits sur ce thème. Elle s'est sentie
« maltraitée » par l'affaire DSK, où la victime était trop oubliée, et se félicite que la parole sur
cette « incarnation de la domination masculine dans la société » se libère. A 39 ans, elle
lance le manifeste dans « l'Obs ». « Je me sens un peu seule, avoue-t-elle. Aucune
personnalité ne me suit. » Elle n'est pourtant pas la seule personnalité à avoir vécu cela.
Pour elle, le drame a eu lieu en 1992. Sur le chemin de la fac d'histoire, à Stains, en SeineSaint-Denis, Elle a mis quatorze ans à évoquer publiquement ce viol. Elle craignait de
« s'exposer ». « Pendant des années, j'ai eu peur dans la rue, confie-t-elle. La vue d'un
Laguiole me terrorisait. » Sur les faits, elle n'ajoute rien. Mais elle répète que ce viol est la
cause de son engagement politique. On pense aussi à la poursuite d'un roman familial. Son
oncle, François Autain, fut secrétaire d'Etat du président François Mitterrand. Enfant, elle
croise à la maison Alain Krivine, de la LCR, ou Harlem Désir, de SOS Racisme. Elle vit
ballottée entre son père Yvan Dautin, un chanteur anarchiste, et sa mère, Dominique Laffin,
une comédienne fragile et alcoolique, héroïne de « la Femme qui pleure », qui meurt quand
elle a 12 ans.
Puis Clémentine construit son personnage. Jeune femme aux allures de page, à la parole à
la fois fraîche et tranchante, elle vampe l'autre gauche. Sans jamais effacer ce drame, cette
fêlure. Comme si, malgré le travail, le courage, tout l'y ramenait. Toujours guignée par les
partis de gauche, elle garde sa liberté, un pied dehors, un pied dedans, proche du PCF, mais
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jamais encartée. « Cela fait quinze ans que je milite », dit-elle. Et qu'elle se bat pour accéder
à une société égalitaire et solidaire, « déconstruire le masculin et le féminin ». Aujourd'hui,
elle a deux enfants. Avec eux, elle bricole. Quand son petit garçon lui dit que le rose, c'est
pour les filles, elle essaie de « le faire réfléchir ».
Avec sa mise de jeune fille sage, elle est devenue la féministe de service à la télé, où elle
donne la réplique à de vieux réacs qui découvrent qu'on peut être jeune, belle, blonde, et
parler avec force de révolution. Bertrand Delanoë, dont elle fut adjointe à la jeunesse,
l'appelle « ma petite gauchiste ». Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à la
dernière présidentielle, l'avait choisie comme lumineuse porte-parole. Une belle expérience.
Mais aujourd'hui, Clémentine Autain se recentre. Son prochain livre sera consacré... au
féminisme. Sa « matrice première ».
CAROLINE BRIZARD
« TU N’AVAIS QU’A PORTER UNE JUPE MOINS COURTE »
Cinq idées reçues
Le viol est un crime aussi répandu qu'il est mal connu. Inventaire des principaux
préjugés.
Le viol est commis dans une rue sombre par un inconnu violent
La scène du film « Irréversible », de Gaspar Noé, où une jeune femme incarnée par Monica
Bellucci se fait sauvagement violer dans un tunnel glauque avait glacé le sang des spectateurs. « Le prédateur prêt à bondir dans un parking sombre constitue l'image du viol la plus
inquiétante dans l'inconscient populaire, même si elle correspond à un tout petit pourcentage
des faits », dit Roland Coutanceau, psychiatre et criminologue. Dans 80% des cas,
l'agresseur est un proche : un frère, un voisin, un copain... « Un viol peut être "doux" et le fait
d'un père aimant, même si c'est difficile à entendre », insiste Véronique Le Goaziou,
sociologue au CNRS.
Les filles qui se font violer l'ont bien cherché
« Tu n'avais qu'à porter une jupe moins courte, rentrer plus tôt, ne pas danser soûle... » Les
reproches, souvent sexistes, ne manquent pas à l’encontre des filles agressées. « Les viols
sont commis tant la nuit que le jour, constate pourtant Emmanuelle Piet, présidente du
Collectif féministe contre le Viol (CFCV). De plus, toutes les victimes ne sont pas des
femmes jeunes ou des canons de beauté. » Pour Gilles Lazimi, coordinateur des campagnes
du CFCV, ces préjugés renvoient à « une vision de la femme responsable du péché originel.
Son corps, qu'il faut cacher, serait l'incarnation du "Sheitan", du diable. Cela arrange aussi
ceux qui certifient que pour ne pas aller au-devant du danger elles devraient rester
enfermées chez elles. »
Le viol résulte d'une misère sexuelle
« La frustration sexuelle est l'un des ingrédients du passage à l'acte, mais ce n'est pas le
plus important. C'est une explication simpliste », juge Roland Coutanceau. Bien souvent,
dans les cas de viol au sein d'une même famille, l'agresseur est marié ou en couple et a une
activité sexuelle régulière.
Le violeur est un marginal, issu des classes sociales défavorisées
Le stéréotype du pauvre incestueux, vivant dans la promiscuité avec ses enfants, perdure
depuis le XIXe siècle et ses représentations caricaturales de la classe ouvrière. Certes, sur
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les 425 affaires de viol jugées aux assises que recense Véronique Le Goaziou dans son
étude, plus de 90% des auteurs sont issus de milieux défavorisés. Mais la sociologue
relativise cette surreprésentation: « Les précaires sont les plus aidés par les travailleurs
sociaux, mais aussi les plus contrôlés et les plus dénoncés. Ils disposent de moins d'armes
face à la machine judiciaire que les personnes aisées, qui déploient toute une parade de
témoins et d'avocats. »
Le violeur est un psychopathe, qui agit sous l'emprise d'une pulsion
Qu'en est-il alors des viols commis des années durant par un père sur un enfant ou par un
vieil ami de la famille ? « Le violeur aime bien se justifier en disant : "J'ai été pris d'une
pulsion", par facilité. Pourtant, il sait très bien qu'il abuse de l'autre. Ses yeux percutent la
souffrance de la victime qui pleure et qui n'est pas d'accord ». soutient Roland Coutanceau.
BERENICE ROCFORT-GIOVANNI
LE VRAI TABOU
Les hommes aussi
C’est un petit chiffre sourd, tapi sous la masse des femmes victimes. Selon l’étude Contexte
de la Sexualité en France menée conjointement par l’Inserm et l’Ined en 2008, 5% des
hommes confient avoir été victimes de violences sexuelles. Où sont-ils ? Qui sont-ils ? En
dehors des courageuses déclarations publiques de l’acteur Jean-Hugues Anglade et du
patron de presse Franz-Olivier Giesbert, les hommes victimes de viol s’enterrent dans le
silence, en France.
Ailleurs, on commence à considérer le phénomène. La Metropolitan Police a ainsi révélé
qu’à Londres un homme est agressé sexuellement toutes les heures en moyenne. Entre
2009 et 2011, l’étude dénombrait 8500 hommes victimes en Grande-Bretagne. Pour être
« enfin reconnus », plusieurs dizaines d’hommes ont répondu à l’appel lancé par Clémentine
Autain dans « le Nouvel Observateur ». Thomas V., abusé à 12 ans pendant des mois par
un homme de 25 ans, écrit : « Nous ne sommes ni entendus ni représentés. » Terrés dans la
honte. Comme Sylvain, 37 ans. Un soir de 1996, il a composé le numéro d’une messagerie
gay. Le gars « voulait un plan cul un peu spécial : que je l’accueille nu » Sylvain s’est
déshabillé. Et il ne s’est pas défendu « lorsqu’il m’a poussé, lorsqu’il m’a giflé, lorsqu’il m’a
mis un couteau sous la gorge ». Après Sylvain s’est détesté. « Un gay se fait prendre, si
c’est de force, c’est parce qu’il le veut bien. […] C’est parce que ce n’est pas un homme. »
Comme si cette douleur était réservée au genre féminin.
ELSA VIGOUREUX
Le Nouvel Observateur
22 NOVEMBRE 2012 N°2507
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