Le marché des Huiles Alimentaires Usagées

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Le marché des Huiles Alimentaires Usagées
Article écrit par : L’équipe Greenea
Un marché européen de 470 millions d'euros dont la France
représente seulement 5% : la collecte des huiles alimentaires
usagées
Le marché des huiles alimentaires usagées (HAUs) est un marché relativement porteur, en non-concurrence avec le marché alimentaire et avec
un fort potentiel de croissance dans les années à venir. Utilisées dans la restauration (particuliers, entreprises ou administrations), les huiles de
friture sont collectées, nettoyées puis transformées en un carburant d’origine renouvelable, propre et performant : le biodiesel EMHU. Le
soutien de l’Union Européenne, illustré par la mise en place du système de double comptage, montre la volonté des gouvernements et un
intérêt grandissant pour les carburants alternatifs(le biodiesel) à base de déchets. Cependant, le métier de collecteur de HAU, principal acteur
de ce marché, n’est pas évident et comporte ses difficultés. Pour cerner ces dernières et comprendre son quotidien, nous avons décidé de suivre
un collecteur d’HAU pendant sa tournée de collecte à Paris.
Le quotidien d’un collecteur particulier
de HAU
6h30, 17e arrondissement de Paris ; rendezvous devant un restaurant, nous voilà partis
pour une tournée de collecte d’huiles
alimentaires usagées auprès de 18
restaurateurs. Avant notre arrivée, notre
collecteur est déjà passé par un autre
restaurant pour récupérer ses premiers 120
litres de la journée. Il commence à 5h30,
heure stratégique afin d’éviter les bouchons
et pour finir sa tournée avant le premier
service du midi. Restaurants étoilés ou
simples brasseries, tous ont des huiles
alimentaires usagées dont ils veulent et
doivent se débarrasser. Situés surtout dans
les caves ou les sous-sols pour ne pas gêner
la clientèle, les bidons de 60, 120 ou 150
litres sont très difficiles à manier, même
avec l’aide de monte-charges. Un travail tout
sauf évident, physique et surtout soumis aux
aléas du marché : baisse de la fréquentation
des restaurants et volatilité des prix des
huiles. Fin de la matinée : nous nous
retrouvons avec 1800 kg d’HAU collectées,
représentant 0.05% des besoins mensuels
d’une usine moyenne de biodiesel.
Les collecteurs et les difficultés
auxquelles ils font face
Retour à la réalité du marché français : nous
notons environ une quarantaine de
collecteurs, dont 8 faisant plus d’un million
d’euros de CA. Deux grands leaders,
atteignant eux plus de 6 millions chacun,
structurés et plus ou moins intégrés,
détiennent environ 85% de parts du marché.
Le reste de la filière se partage entre PME
familiales, ayant un CA entre 200.000 et
400.000 €/an, ou unipersonnelles (CA entre
70.000 et 150.000 €/an) ; un chiffre d’affaire
fortement soumis aux aléas du marché et,
plus particulièrement, au prix du pétrole / du
biodiesel et des taux de change. Les charges
variables sont quant à elle tributaires des
frais logistiques (carburants et péages). Les
charges salariales ne sont également pas à
négliger : assurances, charges sociales, plus
la mise en place d’une nouvelle procédure
de certification standard onéreuse (ISCC), ne
cessent d’appuyer sur les épaules des
collecteurs.
La
concurrence
pèse
considérablement engendrant la perte des
petits collecteurs et la fusion d’opérateurs.
En 2014, deux collecteurs ont déjà fait faillite
en France à cause de la concurrence
agressive et de la baisse des prix et des
volumes d’huile collectée. Cette situation
risque de se dégrader au fur et à mesure que
les normes de certification deviennent
obligatoires et de plus en plus restrictives,
augmentant significativement les charges,
notamment pour les petites entreprises.
Il y a encore 5 ans, les restaurateurs, dans
l’obligation de s’assurer du recyclage de
leurs propres déchets, entre autres des HAU,
payaient les collecteurs pour qu’ils se
chargent de la récupération des huiles.
Aujourd’hui, après quelques années de
gratuité mutuelle et de hausse constante de
la demande pour les biocarburants déchets,
les collecteurs assument eux-mêmes tous
ces frais de collecte et cela constitue une
énorme difficulté supplémentaire. De plus,
la demande grandissante en HAU pour la
production de biodiesel entraine des vols,
SEPTEMBRE 2014 | GREENEA
Article écrit par : L’équipe Greenea
conséquence inévitable du manque de lien
contractuel fort entre restaurateur et
collecteur.
A cela s’ajoute la complexité à accroitre les
volumes
collectés
empêchant
le
développement des collecteurs, due, par
ailleurs, à un usage plus efficace et
économique de l’huile par les restaurateurs
(friteuses plus performantes, consommant
moins d’huile, par exemple), à la
consommation moindre de viande et de
friture mais également aux effets de la crise,
incluant notamment le sacrifice des sorties
au restaurant à la fin du mois. Cette baisse
de fréquentation dans les restaurants, qui
s'inscrit dans un contexte européen morose,
fait suite à un recul de 2,2 % en 2012 et de
1,4% en 2013 en France. Même tendance,
par exemple en Italie -2.4% en 2012 et -2.1%
en 2013.
Ceci se ressent fortement depuis un an et
demi et soulève la question de la
sécurisation de l’approvisionnement de la
matière première et de l’ouverture au
marché l’international pour importer les
huiles alimentaires usagées par les
producteurs de biodiesel, la demande pour
l’HAU dépassant l’offre locale.
Soutien de la filière en UE et
discussions sur le développement des
importations
Un premier pas a déjà été accompli par
l’Union Européenne, mettant en place le
système du « double-comptage », qui
privilégie la collecte et le recyclage des
déchets et notamment des HAU, ces
dernières contribuant directement aux
objectifs de réduction d’émission des GES
(réduction 2 fois plus forte entre un
biocarburant fabriqué à partir d’huile de
friture et un biocarburant traditionnel
produit à partir d’huile végétale). Le double
comptage permet ainsi de compter deux fois
l’incorporation d’une unité de biocarburant
en provenance de déchets dans le gazole et
représente
un
intérêt
économique
important, diminuant ainsi les besoins
d’incorporation en biodiesel pour l’acheteur,
le biodiesel étant plus cher que le gazole.
Depuis 5 ans, le cours des huiles alimentaires
usagées a fortement évolué à la hausse
permettant
le
niveau
d’équilibre
économique qui se situe autour des 530€ la
tonne. Cependant, en 2014, la tendance des
prix est à la baisse (-18% au courant de
l’année, correspondant à une variation de
130€/tonne) se rapprochant ainsi gravement
du prix d’équilibre. Les collecteurs voient
leur marge fondre et leurs charges variables
devenir plus fortes.
Par ailleurs, la fluctuation des prix n’a pas
seulement une incidence sur le CA mais
également sur la trésorerie. Ainsi, si demain
l’ensemble de la profession confirme le
rachat des huiles auprès des restaurants, un
fort risque de liquidité planera sur la filière.
Certes, le nombre d’emplois créés par cette
filière n’est pas exubérant (environ 160
emplois directs), mais elle induit la création
d’emplois indirects tels que dans le
transport, ainsi qu’une réduction des coûts
de traitement aux collectivités : le nonrecyclage d’HAU engendre des coûts
d’assainissement extrêmement élevés.
Ainsi, pour que l’industrie du biodiesel
puisse tourner à pleine capacité et afin
d’échapper à la quasi-saturation de la
collecte sur le territoire européen, l’Union
Européenne aurait intérêt à soutenir
l’importation provenant des Etats-Unis, de
l’Amérique du Sud, mais également d’Asie et
de plus en plus des pays émergents,
notamment de la Chine. L’importation ne
devrait surtout pas être vue comme une
menace pour la filière (taxe de 2% et
contraintes logistiques assez fortes), mais au
contraire, comme une opportunité pour
l’industrie européenne du biodiesel d’utiliser
leurs usines à pleine capacité. Par ailleurs, le
marché européen de la collecte des huiles
alimentaires usagées pourrait également
bénéficier d’un nouvel axe de croissance qui
nécessiterait
toutefois
l’aide
et
l’encouragement
de
la
part
des
gouvernements surtout pour promouvoir la
collecte auprès des particuliers et ainsi
stimuler l’engagement éco-citoyen.
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