INTERVALLE 1 Une musique étrange emplit la scène. Les cinq

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INTERVALLE 1 Une musique étrange emplit la scène. Les cinq
INTERVALLE 1
Une musique étrange emplit la scène. Les cinq personnages
s’affairent chacun dans leur coin. La musique cesse progressivement.
VERT (déçu) : La gerbigne a encore mistouflé ! (Il s’approche de
BLANC et BLEU et leur fait sentir. L’odeur provoque un dégoût
général.)
NOIR : Fallait pas y toucher, la gerbigne mistoufle dans les tunnels
quand on y touche, tu devrais le savoir.
ROUGE : Et comment on pourrait le savoir ? Qui nous a enseigné
que la gerbigne mistoufle quand on y touche ?
NOIR : L’expérience !
VERT (inquiet) : Vous n’allez pas recommencer à vous disputer.
BLANC : Ah oui, vous allez faire crépiter le défracteur !
ROUGE s’en va, énervé. VERT en profite pour aller tripoter ses
plantations.
NOIR : La gerbigne mistoufle dans les tunnels, c’est pourtant pas
compliqué. (Il ricane.) On n’est plus à l’ère des « Écolos » où les
arbres poussaient en forêt et où les fleurs sentaient bon !
VERT : Les zécolo ?
NOIR : C'était une tribu d'avant, dans la tranche des humains, ils
voulaient protéger la nature. (Les autres ne comprennent pas.) Ils
voulaient arrêter tout ce qui détruisait leur planète, enfin, leur tunnel à
eux, mais c'était une tribu de faibles, ils se sont laissés faire, et depuis,
il n'y a plus rien de vivant sauf les post-historiques bien sûr...et puis
les zoneurs et les animascules.
BLEU : Les fleurs, c’est des animascules ?
VERT (fier) : Non c’est des bougnettes.
BLANC : Et ça sent bon, je veux dire, quand on respire par le nez, on
est collapsé !
NOIR (Il explique, il fait le savant.) : C’est ça ! Collapsé, verticulé,
embatouté…
LES AUTRES (avec émerveillement) : Embatouté !
ROUGE (Il revient avec un vieux grille-pain.) : Regardez ce que j’ai
trouvé !
BLEU : Un ouvre-champ !
VERT : Attention, ça pourrait crépiter !
NOIR : Ça fait longtemps que je n’ai pas vu d’ouvre-champ de près,
fais voir !
ROUGE (Il se détourne, il ne veut pas le prêter.) : Je l’ai trouvé dans
les poubelles des zoneurs du bord 72T.
NOIR (menaçant) : Un jour, tu te feras trancher les particules et tu ne
viendras pas me demander de te faire soigner ! Les zoneurs ne sont
pas des post-historiques, je te rappelle ! Ils ont la tranche-gorge
facile !
BLEU (à ROUGE ; il lui fait signe d’ôter la partie amovible du
grille-pain) : Fais voir, ouvre le zing.
VERT : Le zing doit rester fermé, normalement.
BLANC : Le zing est une paupière qui s’ouvre, VERT ! Je l’ai…
VERT (Il le coupe.) : …Révolé, oui, je sais !
ROUGE (Il tient le grille pain et le secoue, quelque chose en
tombe.) : Berte ! Le zing est tombé !
LES AUTRES : Ça crépite doucement…
ROUGE : Je sens quelque chose bouger.
NOIR (Il s’approche de l’ouvre-champ et le touche. Il rêve.) : Je…
Je révole…
BLEU (Il s’approche également et touche l’ouvre-champ.) : Fais
toucher ! Moi aussi, je révole…
BLANC (Il rêve sans toucher l’ouvre-champ.) : On est tous dans la
tranche 167, celle où les bougnettes servaient à faire du « pain ».
VERT (Il n’a pas encore touché, il ne sait pas ce que c’est.) : Du
pain ?
ROUGE (Il sait ce qu’est le pain, il en rêve.) : Quelque chose au
goût doucet, qui caresse la langue, qui descend dans ton ventre en
verticulant…
VERT (Il s’est approché et a touché l’ouvre-champ.) : Ah oui ! Je
sens le pain, maintenant, ça verticule, ça donne… faim ! Je mâche le
pain ! C’est bon !
BLEU : Le pain est dans l’ouvre-champ, ça chauffe, ça crépite, ça
verticule…
ROUGE (Il a laissé tomber l’ouvre-champ par terre.) : Berte ! La
révolation est terminée ! Je ne vois plus rien !
BLANC (Il rêve toujours.) : Moi si ! Je vous garde du « pain » si vous
voulez.
NOIR (Il sort du rêve.) : Bon, c’est pas le tout, mais ça m’a donné
faim cette histoire, je vais cueillir de la gerbigne.
LES AUTRES : De la gerbigne, beuh… !
NOIR sort pour cueillir la gerbigne.
Intermède musical : La danse de ROUGE.
Un tango langoureux s’élève doucement : ROUGE se met à danser
amoureusement avec son ouvre-champ, il se frotte tout le corps avec,
comme pour conserver le souvenir du pain. Les autres le regardent
avec bonheur, et accompagnent sa danse de claquements de mains
rythmés… mais muets. Lorsque NOIR revient, les bras chargés de
gerbigne (des fruits de liquidambar), ils cessent de danser et vont
s’installer sur leurs pneus en fond de scène. Ils s’endorment avec le
catalyseur dans l’oreille. La musique cesse progressivement.