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Interview Al'Tarba
Voici l'histoire d'un jeune homme dont les principaux centres d'intérêt sont le rap,
l'ultra-violence et la confection de beats crados. Bienvenue dans le monde d'Al'Tarba
Abcdr du Son : Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter ?
Al'Tarba : Salut ! Moi c'est Al'Tarba, 21 ans, beatmaker de Toulouse, officiant
également dans le groupe Droogz Brigade. J'aime les beats sombres et crados, les
films gore des 70's et le hardcore/punk qui groove, à la Madball ! Je fais des beats
depuis environ 5 ans et j'ai sorti il y a quelques mois mon premier skeud, "Rap,
Ultraviolins & Beatmaking".
A : C'est qui/quoi précisément la Droogz Brigade ? Vous avez déjà sorti
quelque chose ?
Al : La Droogz est un groupe toulousain composé de 4 rappeurs aux styles de voix
et de textes bien différents (Sad Vicious, Herken, Rhama le Singe, Staff l'instable) et
d'un beatmaker/rappeur – moi-même, Al'Tarba. Le groupe existe depuis environ 3
ans. On est avant tout des potos, avant même de faire de la zik. Deux titres du
groupe sont dispos sur "Rap, Ultraviolins & Beatmaking". Là on taffe sur un album
qui devrait voir le jour d'ici quelques mois. Je m'occupe de la production. Ca va être
sale : des thèmes torturés, des concepts de morceaux bien spécifiques... Tout un
programme !
A : Tu rappes également, donc. Qu'est-ce qui a fait que tu t'es plus concentré
sur la prod, à un moment donné ?
Al : En fait j'ai rencontré il y a quelques années Sad Vicious, par l'intermédiaire d'un
pote. J'écoutais beaucoup de punk et de hardcore à l'époque ; j'avais plus ou moins
lâché le rap bien que ça ait été une des premières musiques m'ayant poussé à
acheter des disques. Sad écrivait des textes et écoutait des trucs comme Necro ou
Killarmy, qui m'ont tout de suite fait accrocher. Je commençais à m'intéresser à la
musique assistée par ordinateur pour enregistrer des maquettes pour le groupe de
punk dans lequel je jouais et je me suis mis à faire des beats hip-hop, des trucs
hyper-bourrins et crados sur lesquels il hurlait des textes revanchards[rires]. J'te jure,
on sentait vraiment l'influence punk dans nos sons de cette époque... A partir du
moment où je me suis mis à faire des beats, impossible de lâcher l'affaire, et
maintenant c'est une de mes activités principales ! Au début j'avais qu'un ordi et Acid
Pro 4 dessus. Au fil des années le matos et les beats ont évolué mais la démarche
est restée la même : faire des trucs sales
d'inspiration new-yorkaise.
A : Au fait, le nom "Droogz" ça vient du film
de Kubrick "Orange Mécanique", non ? Du
visuel de ton album jusqu'à certains
concepts de textes et d'instrus, on sent que
t'as été bien traumatisé par l'atmosphère du
film. Qu'est-ce qui t'as tellement marqué làdedans ?
Al : Déjà, comme beaucoup de gens, j'ai
toujours aimé le cinéma de Kubrick,
de "Shining" au "Docteur Folamour" ou"Full
Metal Jacket"... et évidemment "Orange
Mécanique" ! On a repris certains concepts du
film avec le groupe, c'est vrai, dans nos visuels
et dans le langage que l'on emploie dans nos
textes. Par exemple, pour "droug" c'est comme
ça que s'appellent les membres du gang d'Alex
dans le film. En vérité cela veut dire "pote" en
russe. L'univers, la musique, l'esthétique
bizarroïde du film, on s'en est pas remis. [rires]
Je pense que, dans ce film, Kubrick montre au spectateur la violence d'un façon très
stylisée et esthétique, d'une part pour correspondre à la mentalité de son
personnage principal, Alex, qui est à la fois super violent et raffiné, mais aussi pour
dénoncer plusieurs formes de violence. Je veux dire que dans ce film son but n'a
jamais été d'en faire l'apologie comme beaucoup de gens lui ont reproché à l'époque.
Eh bien quand t'écoutes les textes du groupe tu vas entendre plein de métaphores
violentes, des trucs ultra-sanglants parfois : on te décrit la violence qu'il y a autour de
nous en une forme de poésie qu'est le rap. Pareil pour les beats : certains sentent les
bas-fonds et la crasse à base de samples de films ultra-glauques et de batteries qui
tapent, mais c'est pas du tout dans l'optique de jouer les ultra-violents, crois-moi.
D'ailleurs on est plutôt coolos comme gadjos, alors que les Drougs du film, eux, sont
de vrais salopards ! Enfin voilà, sans nous comparer au génie de Kubrick, je pense
que c'est un truc qui peut aussi nous rapprocher d'"Orange Mécanique", dans la
démarche.
Et puis surtout on trouvait que "Droogz Brigade" ça sonnait bien, alors voilà on a pris
ce nom !
A : En tant que fan de ce film et de Necro, t'avais dû particulièrement aimer le
maxi 'Agent Orange' de Cage (produit par Necro) qui en samplait la BO, non ?
Al : Ah mais ouais carrément ! Je vais pas te mentir, Necro c'est le beatmaker qui
m'a le plus influencé, avec RZA et Stoupe. J'ai toujours aimé son taff, cette manière
de faire des trucs bien morbides sans sonner horrorcore guignol comme on en
entend beaucoup. Ce maxi c'est un classique, une bête de combinaison ! Necro, je
suis toujours la moindre de ses sorties. En revanche, Cage je préférais l'époque
de "Movies for the Blind", quand il prenait encore de la drogue [rires]. Maintenant
j'aime moins.
A : En plus avec Necro vous avez un parcours un peu commun, passés du rock
(punk pour toi, métal pour lui) au rap... Tu penses quoi de son retour vers des
sons très rock depuis quelques années ?
Al : Moi ça me déplaît pas. Tant qu'il lâche pas le hip-hop ! Le truc intéressant dans
sa démarche de faire des sons plus orientés "rock", c'est-à-dire metal ou HxC [ndlr :
hardcore, sous-genre de la musique punk], c'est que ça sonne tout de même "street".
Comment dire... ça sonne pas neo-metal d'ado boutonneux et dépressif qui mélange
flow et guitare comme on en entend beaucoup à droite à gauche. Son truc sonne
metal 80's ou punk hardcore. D'ailleurs tu retrouves des légendes en featuring avec
lui, comme Cro-Mags ou Voivoid.
Personnellement, je trouve le résultat plutôt bon, même si je ne suis pas fan de tous
les morceaux typés rock qu'il a fait mais seulement de certains, comme 'Belligerant
gangsters' ou 'Push it to the limit', avec le gars d'Hatebreed au refrain. Nous-mêmes
on va tenter le truc avec Droogz Brigade, mais encore une fois pas avec n'importe
qui. Un feat avec le groupe de hardcore Fat Society va se faire sous peu : ça va être
du lourd, pas du Pleymo ! [rires]
A : C'est pas forcément commun dans le rap français les gens qui se
rattachent au punk et au hardcore. Sur ta page myspace tu cites aussi de
"vieux" groupes punk parmi tes influences, comme The Clash, Sham 69 ou Sex
Pistols. Comment t'as été initié à cette musique ?
Al : La première musique que j'ai vraiment écoutée avec passion, c'était le rap, avec
des albums comme"Métèque et Mat" d'Akhenaton, "Authentique" de NTM ou
encore "Entre deux mondes" de Rocca. Je devais avoir neuf ou dix ans à l'époque.
Ensuite je me suis plus tourné vers le punk et le hardcore, dans lesquels on trouvait
toujours cet aspect engagé et énervé ; des disques qui traînaient sur les étagères de
mon père comme les Clash ou les Sex Pistols, puis des trucs plus HxC, comme
Gorilla Biscuits, Agnostic Front ou encore Kickback. Je pense que c'est avant tout
grâce au daron que je suis rentré dans le son punk. Il avait le premier album des
Clash et "Never Mind the Bollocks" des Sex Pistols que je m'écoutais en boucle
sur sa platine vinyle. J'aimais bien l'aspect provocateur des Sex Pistols et le côté
engagé des Clash.
A cette époque j'avais même plus ou moins lâché le rap, je jouais de la gratte dans
un groupe avec des potes, on s'amusait bien ! J'ai toujours aimé le rock, même si je
me retrouve pas trop dans sa scène actuelle. Ca ne sonne plus trop
rugueux maintenant, ça n'est plus très dangereux comme musique, même s'il faut
pas généraliser. Maintenant j'écoute du rap et du rock, même si les gens ont
tendance à opposer ces deux styles, autant dans un milieu que l'autre. Moi les deux
me bottent, y'a pas à chier ! Et puis la combinaison est toujours possible... Regarde
le groupe de hardcore parisien Kickback, qui à l'époque avait fait un morceau avec le
rappeur Profecy, ou encore plus récemment La Rumeur qui collabore avec le
guitariste de Noir Désir. Ca fait plaisir parce que ça donne de bons morceaux, pas
des fusions indigestes chelous.
A : Sinon, la question que tout le monde doit te poser... Comment t'as fait pour
te retrouver sur le disque "Black Metal" d'Ill Bill ? Bref, comment s'est faite la
connexion avec lui ?
Al : En fait j'ai vu sur Internet que Ill Bill organisait un concours de remix. Le
beatmaker gagnant verrait son remix figurer sur sa prochaine tape à l'époque, "Ill
Bill is the future vol 2". Moi quand je vois ça, hophop, je m'attelle direct à la tâche :
un de mes trois mc's préférés organise un concours de remix ! J'ai pondu deux
remixes du titre 'Enemy' qu'il avait fait avec Raekwon. Deux semaines après lui avoir
envoyé les sons, il m'envoie un mail me disant que je faisais partie des 5 finalistes.
Je suis devenu fou ! Finalement, c'est un autre beatmaker qui a gagné le concours...
En revanche, Ill Bill m'a demandé de lui envoyer plus de beats, parce qu'il aimait bien
mon style et pensait qu'il y avait moyen de faire quelque chose. Donc je lui ai envoyé
plus de beats et il y en a quelques-uns qui lui ont plu, ce qui a donné cette première
collaboration, 'I'm From Brooklyn', avec Brooklyn Academy en feat. Le kiff, cousin !
Tu peux donc retrouver le titre sur sa dernière sortie, "Black Metal", et sur mon
skeud, sur lequel il y a aussi le remix que je lui avais envoyé pour le concours.
A : C'était la première fois que t'entendais un ricain poser "vraiment" sur une
de tes prods ? Je veux dire, en dehors des remixes de Mobb Deep, Inspectah
Deck et tout...
Al : Au moment où le morceau avec Ill Bill s'est fait j'avais déjà la moitié de mon
street-album de prêt, avec des rappeurs américains comme Jise One des Arsonists,
Little Vic ou Nems. Donc non c'était pas la
première fois, mais c'est une de celles qui m'a
fait le plus plaisir. J'étais à mille lieues de
penser que ça pourrait arriver un jour, avec ce
gars dont je guettais chaque sortie dans les
bacs.
A : Puisqu'on en est au chapitre de tes
collaborations... Est-ce que tu peux nous
parler un peu de Mysa ? T'as posé pas mal
de prods sur son album "Les Poésies du
chaos"...
Al : Mysa, c'est un rappeur de Metz. A l'époque
où on a été mis en contact par Waam de
Harmoniak Production via internet, il avait déjà
sorti un premier album solo, "Lyricisme, Acte
et Propagande", et il était sur le point de partir
pour le second. Son parti pris pour "Les
Poésies du Chaos", c'était des ambiances
sombres, un album dur et noir collant au contexte politique actuel. On s'est donc bien
trouvés.
Au final on a construit l'album sur quelques mois, titre par titre. Je suis à la prod sur
onze titres en tout. Tu peux aussi retrouver d'autres beatmakers, comme Waam, CHI
ou encore Double T. C'était la première fois que mes beats se trouvaient sur une
sortie officielle dans les bacs. Ca fait plaisir, car l'album est terrible au final ! J'invite
les amateurs de bon rap avec de bons textes à l'écouter. Là, actuellement, on taffe
ensemble sur le troisième album.
A : Y'a des rappeurs, américains ou français, avec lesquels tu rêverais de
bosser ?
Al : Y'en a plein à vrai dire... Ghostface Killah, grave, Immortal Technique, Seth
Gueko, Ekoué ou Al K-Pote, Smiley the Ghetto Child... De France ou d'ailleurs, la
liste peut être longue. Mais je taffe déjà avec pas mal de bons rappeurs peut-être
moins connus mais qui déchirent les beats à chaque fois. Y'a des collabs qui arrivent
de partout en ce moment et ça fait plaisir...
A : Sinon, tu peux nous parler de la scène hip-hop de Toulouse ? Pour plein de
monde ça doit se résumer à Don Choa et KDD... En dehors de ces têtes ou extêtes d'affiche, ça bouge bien ?
Al : Niveau reconnaissance nationale c'est clair que ça se résume à Don Choa et
KDD... Mais si tu viens ici, tu verras qu'il y a une scène hip-hop vivante, plein de
rappeurs, beatmakers ou associations qui se bougent pour sortir de bons trucs,
organiser des soirées... Il existe une scène HH toulousaine et elle n'est pas morte.
Au niveau des radios aussi y'a de quoi se faire plaisir, plein d'émissions spécialisées,
de radios pas fermées comme des bunkers où tu peux facilement trouver des plans
freestyles et interviews... D'ailleurs pour les Toulousains et les autres, écoutez notre
émission avec tout le staff de la Droogz sur Radio Campus Toulouse 94FM : ça
s'appelle "HH Fury", c'est un mercredi sur deux. Que du son sale, français et cainri,
avec des invités chaque semaine...
A : Impossible de ne pas parler encore un peu de ciné vu ta présentation. Tu
me disais être fan de filmsgore des années 1970... Ton top 5 sur cette
décennie, en expliquant vite fait les raisons des choix ?
Al : Hum, disons 70's, 80's ! J'aime les films gore, mais aussi tous les films bizarres
qui sortaient ces années-là, qui regorgent de musique à sampler et d'idées
complètement chelous [rires].
1) "Maniac" de William Lustig. C'est l'histoire d'un psychopathe, joué par Joe Spinell,
qui assassine des femmes dans le New-York crade et inquiétant des année 80. C'est
un super bon film, porté par l'acteur principal qui joue bien son rôle de psycho torturé,
avec des synthétiseurs 80's chimiques qui me font toujours triper dans ce genre de
film !
2) "Cannibal Holocaust" de Deodato. Bon, celui-là on aime ou on déteste. Je dirais
pas que c'est un chef-d'oeuvre, mais y'a plein de choses intéressantes dedans : le
côté bande-dessinée, le regard sur le voyeurisme et la violence, l'espèce de légende
qui tournait autour de ce film à sa sortie... Le réalisateur avait dû prouver que ses
acteurs étaient encore vivants ! Puis le côté documentaire, qui fut repris plus tard
par "Le Projet Blair Witch", rend le film encore plus extrême.
3) "Blood Sucking Freaks" de Joel M. Reed. Celui-là j'aurais même dû le mettre en
premier je crois. C'est un film sadique plein d'humour noir et de délires bizarroïdes,
très tripant ! Pour ceux qui connaissent le taff de Necro, vous pourrez constater en
matant ce film que plusieurs de ses meilleurs titres ont samplé la BO.
4) "Jenifer" de Dario Argento. Alors celui-là date pas du tout des année 70 ni 80
d'ailleurs, mais est sorti y'a à peine un an dans la série des Masters of Horror. Mais
Argento est un réalisateur renommé des 70's, avec des films comme "Suspiria" qui
sont considérés comme des classiques du genre. Si j'ai mis "Jenifer", c'est que
d'une part je l'ai trouvé mortel et d'autre part sa musique m'a inspiré le beat de 'I'm
from Brooklyn'... Je l'ai pas samplé du tout mais en revanche, en entendant un
passage je me suis dit "ouais le truc clochettes tristes voix de petite fille qui chante
par-dessus ça sonne bien !" et hop hop, je me suis mis au synthé pour refaire un truc
du même style. Ensuite j'ai chanté dessus et j'ai pitché ma voix, pour reproduire
justement l'ambiance de la musique de "Jenifer" sans la sampler ni même rejouer
les mêmes notes.
5) "The warriors", de Walter Hill. Celui-là n'est pas un film gore mais un film des
années 80 ultra kiffant, genre bande-dessinée urbaine, avec plein de bandes de
lascars habillés pareil façon "Orange Mécanique"qui se bastonnent dans les rues et
le metro crade du NYC des 80's : un classique du genre, avec toujours ces synthés
eighties étranges qui sonnent à la fois kitch et puissant, et qui sont d'ailleurs pas mal
affectionnés par les beatmakers de tous bords, d'Alchemist à Havoc en passant par
Necro ou même Timbaland... En fait, en y réfléchissant celui-là mérite la place de
second dans mon top 5 !
A : Ton oreille de producteur te quitte jamais ! Que t'écoutes un disque ou que
tu mattes la télé ou un film, t'es toujours à l'affût pour trouver de nouvelles
idées ou des samples... T'arrives encore à être un simple auditeur/spectateur
ou alors c'est devenu impossible pour toi ?
Al : Quand c'est un film trop récent, je me dis pas que je vais sampler, parce que
j'aime pas trop l'idée de sampler un truc qui vient de sortir. Dans ce cas-là, j'écoute
les musiques car il y a souvent des idées, des concepts desquels s'inspirer sans
forcement sampler le truc. En revanche quand c'est des vieux films c'est vrai que j'ai
toujours les oreilles à l'affût... Pareil pour les vieux disques !
A : Pour finir, t'écoutes quoi (rap ou autre)
ces temps-ci ?
Al : Eh bien ces temps-ci j'écoute beaucoup le
futur album de Droogz Brigade, car je suis en
train de mixer les premiers morceaux qu'on a
enregistrés, donc ça veut dire que je les écoute
en boucle pendant des heures ! [rires] Sinon
récemment j'ai pas mal cramé "Patate de
forain" de Seth Gueko, le dernier Army of the
Pharaohs, la BO du film "This is England", du
vieux ska et du rocksteady de voyou des 60's
avec le son sale qui va avec... Et l'album de
Shabazz the Disciple, "The Book of Shabazz",
aussi. Je l'ai ressorti hier et ça tourne en boucle
dans la casa. Voila un mc avec qui je rêverai de
taffer aussi !
A: Bon, je te laisse le mot de la fin.
Al : Merci beaucoup Julien pour l'interview et
merci à l'abcdrduson, ça fait plaisir ! Big up à
tous mes potes de Toulouse et à mes droogies.
Allez visiter mon myspace et celui de mon groupe. Et à tous les amateurs de son
sombre et sale, chopez mon album et guettez celui de la Droogz qui arrive !
Soutenez le truc, vous serez pas déçus !
A : Par contre on ressent pas tellement cette influence rock dans tes instrus.
Comme tu le disais, t'es plus dans des trips à la Necro ou Stoupe, avec des
samples très sombres qui créent des atmosphères glauques, oppressantes,
étranges... Tu puises tes échantillons dans quels styles de musique ?
Beaucoup de BO de films, je suppose ?
Al : C'est vrai que quand je vais au magasin de vinyles, je squatte pas mal le bac
"musiques de films", surtout les BO de films italiens assez vieux. Là-dedans y'a plein
de synthés bizarres, de clavecins morbides et tout ce genre de trucs qui me font
kiffer ! Après, je me ferme pas non plus. J'aime aussi la soul, les trucs des 80's ou les
vieux disques de variet' oubliés, avec des pochettes tellement ignobles que tu te
demandes comment ils ont pu sortir un truc pareil à l'époque [rires].
Mais c'est vrai que c'est dans les musiques de films que je puise la plupart du temps.
Par contre, j'aime bien rendre les samples méconnaissables, les découper, les
accélérer ou les ralentir, mélanger parfois 4 ou 5 morceaux samplés différents dans
un même beat,... Je compose aussi, avec des expandeurs ou des VST ! Sur l'album,
tu as des titres comme 'I'm from Brooklyn', avec Ill Bill et Brooklyn Academy, ou
encore 'Enemy remix' qui sont plus composés que samplés, même s'ils mélangent
les deux.
En général, j'ai du mal à prendre une boucle et seulement rajouter un beat et une
basse dessus, même si ce schéma a donné quelques-uns des meilleurs beats hiphop jamais faits et qu'il m'arrive aussi de faire comme ça. Mais mon kiff, par exemple,
c'est de mélanger des styles de samples de provenances complètement différentes.
Sur le titre 'What it do', tu peux trouver de la musique traditionnelle japonaise, des
cuivres venant du jazz français des 60's et des synthés façon west coast, genre
sirènes et tout le bordel, avec une batterie matte et crade à la Necro ou Muggs.
A : D'ailleurs, tu travailles sur quelles machines actuellement ?
Al : J'utilise un sampleur Ensoniq ASR10, et un logiciel de séquençage/mixage sur le
PC ainsi qu'une guitare électrique, une guitare basse et un expandeur Roland D220
récupéré chez un pote. Après, bien sûr, j'ai aussi la platine et tous les vinyles qui
vont avec. Les trucs se sont amassés au cours du temps, mais maintenant rien
qu'avec un PC et des logiciels (craqués [rires]) on peut faire des beats qui tapent sec
!
A : Est-ce que t'as le sentiment que le fait d'avoir une "vraie" formation
musicale (guitare électrique, basse) a été un avantage au moment de te mettre
à la prod hip-hop ? En gros, est-ce que ça t'as permis d'avoir un regard
différent sur la façon de produire, de gérer les multiples éléments qui
composent l'instru ou autre ?
Al : Je pense que ça m'a facilité la tâche, ça c'est sûr, pour ce qui est d'accorder les
éléments du beat entre eux, les histoires de tonalité... Après, le beatmaking c'est
comme tout : même sans la moindre formation mais avec l'envie et les idées, y'a
moyen d'avoir un bon rendu ! Le truc principal, je pense, c'est que, avec ou sans
connaissances musicales (savoir jouer d'un instrument ou connaître le solfège...), le
plus important c'est d'écouter vraiment les ziks en profondeur, chercher a disséquer
les trucs que t'entends pour pouvoir ensuite les reproduire à ta sauce. Pourquoi tel
style de rythmique va plutôt sonner Queensbridge, pourquoi cette caisse claire
ressemble a ce que fait Necro, pourquoi le mix de ce morceau fait qu'il prend aux
tripes... Rien qu'à l'oreille et avec une bonne analyse des techniques utilisées à
droite à gauche - et pas seulement dans le rap bien sûr - y'a moyen de faire sonner
ça. Moi y'a rien qui me motive plus pour faire un beat qu'entendre un son qui me fout
un grosse gifle. Et ça m'arrive presque tous les jours, crois-moi !
A : Y'a des producteurs actuels qui te motivent particulièrement ?
Al : Je dirais plus des tueries que j'entends à droite à gauche, en rap français ou
cainri. Ces derniers temps par exemple j'ai bien kiffé le taff qu'ont fait les beatmakers
de Seth Gueko ou encore les prods de Muggs sur son dernier opus avec Sick
Jacken, "The Legend of the Mask and the Assassin". Après il y a des producteurs
qui m'ont mis des grosses baffes à l'époque : Necro, je vais me répéter, mais aussi
des gars comme 4th Disciple, Havoc, Blockhead ou encore El-P, qui chacun dans
leur style envoient des trucs hyper dangereux !
A : Tes influences américaines, c'est des mecs à l'ancienne, en gros [rires]. Tu
penses quoi des gros producteurs d'aujourd'hui, des mecs comme Timbaland,
Kanye West, les Neptunes, Just Blaze... ? Y'a des choses qui te parlent dans ce
qu'ils font, certains que t'aiment plus que d'autres ? Ou alors c'est pas ta came
?
Al : J'aime pas tout ce qu'ils font, mais y'a de super bons trucs chez ces gars-là
aussi, des trucs bien novateurs. La première fois que j'ai entendu le tube 'Drop it like
it's hot' [NDLR: de Snoop Dogg, produit par les Neptunes], j'ai trouvé ça mortel.
Pareil pour 'Ayo Technology' de 50 Cent, produit par Timbaland. Quelle tuerie ce
beat ! En vérité j'écoute pas mal de mainstream aussi, des trucs comme The Game
ou 50 Cent ; y'a des sons de déglingos là-dedans. Mais c'est vrai qu'à choisir entre le
dernier Kanye West ou le dernier Jedi Mind Tricks, pas de doute, j'achète l'album de
Vinnie Paz et Stoupe.
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