La passion est une valeur presque comme les autres
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La passion est une valeur presque comme les autres
Personnel argent La passion est une valeur presque comme les autres A l’image d’un Pinault dans l’art, d’un Dassault dans le vin ou d’un Aulas dans le foot, il est possible d’investir dans ces produits qui stimulent autant l’imagination que le portefeuille. F aire de sa passion un placement, c’est possible. De l’art au vin, en passant par le sport, il existe des investissements qui combinent une rentabilité parfois alléchante avec le plaisir de l’amateur éclairé. Nombre de capitaines d’industrie ou de stars du showbusiness n’hésitent pas à placer ainsi une partie de leur fortune. Qu’il s’agisse pour eux d’acheter un vignoble prestigieux, de reprendre un club sportif ou de se constituer une collection d’art unique. Pourquoi ne pas suivre ces people, même si c’est à moindre échelle ? Grâce à un fonds « vin », vous pouvez par exemple profiter de la flambée des premiers grands crus classés de bordeaux 2005 et, grâce à votre position d’actionnaire, déguster quelques bonnes bouteilles. Passionnés d’art, vous avez la possibilité, via ces fonds, de découvrir les nouveaux artistes contemporains, un peu à l’image de François Pinault, propriétaire de PPR. Enfin, si vous êtes fan de ballon rond, comme Jean-Mi- chel Aulas, informaticien devenu propriétaire de l’Olympique lyonnais, rien ne vous empêche d’acquérir quelques actions de votre club de foot préféré ! Mais attention, si l’achat de quelques actions d’un fonds commun de placement consacré au sport est à la portée de toutes les bourses, les fonds « art » ou « vin » s’adressent, eux, exclusivement à des investisseurs aisés et avertis. Le ticket d’entrée minimal dans ces fonds très VIP affiche en effet au moins quatre zéros. Jean-Pierre de La Rocque Le vin Un secteur pour amateurs avertis… et fortunés les fonds d’investissement dédiés au vin font florès. Et pour cause : tous veulent surfer sur l’explosion des prix des grandes bouteilles. « Si mes prévisions sont correctes, dans dix ans un premier cru de bordeaux 2003 devrait valoir autour de 10 000 dollars la caisse en primeurs, contre 4 000 dollars lors de sa mise sur le marché, pronostiquait, fin 2006, Robert Parker dans sa revue The Wine Advocate. La quantité de ces grands vins est limitée, et la demande va devenir au moins dix fois supérieure. » Sur trois ans, l’indice Liv-ex qui synthétise l’évolution des cours de 100 vins français (voir graphique) depuis janvier 2004 affiche déjà une progression de 240 %, contre 58 % pour le CAC sur la même période. Quelque 185 % de progression pour le Vintage Wine Fund depuis sa création en février 2003 ; + 143 % B. Delessard pour Challenges ine Investment Fund, VinW tage Wine Fund, Nobles Crus… Depuis quelques années, Réunion Elite Advisers, à Paris, le 13 février. La maison de gestion luxembourgeoise vient de créer le fonds Nobles Crus. depuis août 2003 pour la première « tranche » du Wine Investment Fund, et une augmentation de 40 % sur six mois pour le Fine Wine Fund, lancé en août 2007 : les meilleurs fonds « vin » réalisent eux aussi des performances sym- 78 쎲 CHALLENGES N°114 - 6 MARS 2008 pathiques. Même si ces chiffres ne prennent pas en compte les frais de gestion, qui atteignent parfois 2 %, et les commissions sur la performance, qui peuvent représenter jusqu’à 20 % des plus-values réalisées. A l’image de Steve Spurrier pour le Fine Wine Fund ou de Christian Roger pour Nobles Crus, certains fonds se targuent d’avoir comme conseil un gourou du vin dans leur équipe. En matière d’investissement, la majorité de ces fonds privilégient les valeurs sûres : premiers grands crus bordelais et bourguignons, stars du vignoble italien et espagnol, dans des millésimes considérés comme les meilleurs. Ces bouteilles devraient représenter à terme plus de 75 % des actifs du fonds luxembourgeois Nobles Crus, créé début 2008 par la société de gestion Elite Advisers. Certains gérants privilégient les achats en primeur sur la place de Bordeaux. Tandis que d’autres s’approvisionnent plutôt dans les ventes aux enchères ou auprès de restaurateurs étoilés qui souhaitent se défaire des bouteilles devenues trop chères pour être affichées à leur carte. Les vins sont stockés pendant cinq à dix ans dans des entrepôts spéciaux (res- pectant les conditions de température et d’humidité idoines). Une fois la cave constituée, le gérant fait tourner son portefeuille en procédant à de multiples arbitrages sur un même vin ou entre différents millésimes. L’amateur de vin appréciera, en outre, la possibilité de récupérer sa mise et ses plusvalues en cash ou en… cave (paiement en bouteilles). Hélas, l’investisseur français doit aujourd’hui se déplacer pour participer aux dégustations organisées par certains de ces fonds ! Car depuis la dissolu- QUATRE FOIS MIEUX QUE LE CAC 40 260 des paradis fiscaux comme les îles Caïmans. A moins qu’ils ne préfèrent jouer la sécurité luxembourgeoise en achetant des parts de Nobles Crus, fonds géré par Miriam Mascherin et Michel Tamisier, deux anciens de Carmignac Gestion Luxembourg. Mais attention, ces fonds qui affichent des tickets d’entrée de 50 000 euros au minimum et une liquidité faible (le remboursement des parts peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois) s’adressent à des investisseurs avertis et fortunés. 쐍 Indice Liv-ex 100 (base 100 en janvier 2004) Sur trois ans, l’indice qui synthétise l’évolution des cours de 100 vins français affiche une progression de 240 %, contre 58 % pour le CAC 40 sur la même période. 240 220 200 180 160 140 120 100 80 2004 2005 2006 tion en décembre dernier de Sgam Premier Cru (Société générale), il n’existe plus de fonds « vin » en France. Du coup, les 2007 SOURCE : LIV-EX.COM investisseurs français doivent se tourner vers des produits anglo-saxons pilotés depuis Londres et immatriculés dans L’art Un marché très peu liquide chambre d’hôtel à Séoul, Philip Hoffman, fondateur du Fine Art Fund, ne savait plus où donner de la tête. Ex-directeur financier de la maison de vente aux enchères Christie’s Europe, il a levé depuis 130 millions de dollars répartis sur six fonds thématiques différents. Aujourd’hui considéré comme la référence sur le marché ultrasélect des fonds « art », le Fine Art Fund compte ses compétiteurs sur les doigts d’une seule main. D’un côté, les « gros poissons », comme le China Fund, piloté par Julian Thompson et spécialisé dans l’art oriental, le Aurora, spécialisé dans l’art russe, piloté par l’expert Vladimir Voronchenko, et le fonds Meridian Art Partners de l’Américain Andrew Littlejohn. De l’autre, les « minifonds », comme l’Art Vest, piloté par la marchande d’art Daniella Luxembourg, et l’Art Trading Fund, chaperonné par le spécialiste anglais Chris Carlson. Sans oublier le lancement, en novembre 2007, d’un fonds « art » par Société Générale Asset Management (Sgam). Ce fonds alternatif espère récolter 150 millions de dollars d’ici deux ans et vise une rentabilité annuelle de 15 %. Sur son premier fonds, Philip Hoffman se targue, lui, d’avoir atteint un taux de rentabilité interne de 23 %. Pour ce trader dans l’âme, pas question de garder une œuvre plus de dixhuit mois en portefeuille. Parmi ses deals les plus juteux, Hoff- man cite l’exemple d’une œuvre de l’artiste californienne contemporaine Tauba Auerbach achetée 1 million de dollars en juin 2006 et revendue 2,6 millions un an plus tard. Mais attention, encore plus que pour le vin, les fonds « art » sont réservés aux investisseurs ultra-expérimentés. Le marché de l’art est très peu liquide, nombre de fonds ont péri pour l’avoir ignoré. Aujourd’hui, plus question pour les gérants d’être à la merci d’une sortie massive des souscripteurs en cas de retournement brutal du marché. Du coup, les modalités de fonctionnement de certains fonds s’apparentent à celles du Private Equity. L’investisseur souscrit pour une période donnée – cinq ans en général – et ne peut récupérer ses billes qu’à l’échéance. Parmi les produits aujourd’hui sur le marché, le fonds Sgam apparaît Maritime A-Z, de Tauba Auerbach. comme le plus sûr, dans la meUne des artistes retenues par le sure où il est le seul à être Fine Art Fund, de Philip Hoffman. adossé à une banque. 쐍 Tauba Auerbach orsqu’il a créé, en 2004, son premier fonds d’invesL tissement dans l’art, depuis une Le sport Le placement passion le plus démocratique as de doute, de même qu’il est moins coûteux de se P payer une paire de baskets qu’une bouteille de Pétrus ou une toile de maître, le sport reste le placement « passion » le moins onéreux et le plus démocratique de tous ! Bien sûr, les fans de Tony Parker ne peuvent pas acheter les actions de son club, les San Antonio Spurs. Et pour cause, les clubs de NBA, la ligue « pro » du basket améri- cain, sont interdits de cotation en Bourse. En revanche, les accros du ballon rond ont l’embarras du choix, même si quelques grosses machines de la Premier League britannique comme Manchester City, Manchester United, Liverpool, Newcastle ou Chelsea ne font plus partie de la cote depuis leur rachat par des tycoons anglo-saxons ou russes. Leur balise ? L’indice Dow Jones Stoxx Football, qui regroupe 27 des 32 clubs. Avec 10,5 % de progression l’an dernier, il affiche une meilleure performance que le CAC. Pourtant, il n’existe aucun produit financier qui lui soit indexé. En France, seuls les supporteurs de l’Olympique lyonnais ont la possibilité d’acquérir des actions de leur club. D’ailleurs, ceux qui ont misé à l’introduction en Bourse, début 2007, ne doivent pas sauter de joie : ils ont déjà perdu 15 %… Les seules sicav qui permettent de jouer le secteur sont Sports et Loisirs, de Conseil Plus Gestion, ou Olympe, de Tocqueville Finance. Mais ils misent plutôt sur les équipementiers sportifs (Nike, Puma, Adidas) ou sur les distributeurs spécialisés (Go Sport ou Foot Locker). Les plus accros peuvent acheter des actions Opap, l’équivalent grec de la Française des jeux, spécialisée dans les paris… sportifs. 쐍 6 MARS 2008 - CHALLENGES N°114 쎲 79