Très répandue en HauteSavoie, la multipropriété vatelle - Apaf-VTP

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Très répandue en HauteSavoie, la multipropriété vatelle - Apaf-VTP
Le Dauphiné Libéré
Lundi 29 avril 2013 page 3
VOTRE RÉGION
Grandes Médiévales d’Andilly :
en piste pour l’édition 2013
SPECTACLES
n L’édition 2013 des Grandes
Médiévales d’Andilly approche
à grands pas… Amateurs de
combats chevaleresques, de
joutes équestres, et de belles
histoires de princesses,
retenez bien les dates : les
week­ends du 18, 19 et 20 mai,
et du 25 et 26 mai, vous serez
conviés à un voyage au Moyen­
Âge, au cœur de la belle forêt
des Moulins à Andilly.
Comme chaque année, plus de
500 artistes accompagnés
d’un millier de figurants vont
faire vivre ces Grandes
Médiévales orchestrées par
l’association Andilly Loisirs,
avec plus de 20 heures de
spectacle en tous genres :
joutes équestres, voltige,
rapaces, combats, contes,
magie, musique… Avec en plus
des spectacles, des animations
tous azimuts. La billetterie est
ouverte depuis le 1er mars et
les places s’envolent très vite,
avec des tarifs attractifs
proposés mais seulement
jusqu’au 5mai. Encore
quelques jours pour en
profiter. Renseignements au
04 506828 17.
TOURISME Très en vogue dans les années 70-80, le système montre aujourd’hui ses limites
Très répandue en Haute­Savoie,
la multipropriété va­t­elle disparaître ?
REPÈRES
TROIS QUESTIONS À…
UNE PISTE POUR
ASSITEMP ?
Lise Nicolle
n L’association Assitemp a
contacté la ministre de la
Justice, Christiane Taubira,
pour attirer son attention sur la
multipropriété mégevanne.
La ministre a rappelé dans sa
réponse, qu’“il convient
d’appeler les associés des
sociétés d’attribution
d’immeubles en jouissance à
temps partagé à la plus grande
vigilance dans la cession de
leurs parts”.
En ce qui concerne les
associés résiduels, elle écrit :
“ils disposent d’une action en
contestation de la décision de
cession de l’actif social pour
abus de majorité et peuvent
ainsi demander l’annulation de
la décision de dissolution de la
société”.
OÙ TROUVE-T-ON DES
MULTIPROPRIÉTÉS EN
HAUTE-SAVOIE ?
n Elles ont privilégié les
stations les plus prisées
comme Chamonix, Megève,
Avoriaz, La Clusaz…
La multipropriété SC Megève Rochebrune va bientôt disparaître. Photo DL/P.M.
MEGÈVE
est l’emplacement
idéal pour une semai­
ne de ski. Vue sur le mont
Blanc, le centre­ville acces­
sible à pied, dix mètres à
faire pour accéder au do­
maine skiable Évasion
Mont­Blanc. Oui, la rési­
dence SC Megève Roche­
brune fait rêver. Les vacan­
ciers qui la fréquentent ont
bien conscience de leur
chance. Sauf qu’ils risquent
de ne plus en profiter très
longtemps.
Cette SC Megève Roche­
brune est une multiproprié­
té. Ce concept, très en vo­
gue dans les années 70­80,
donnait la possibilité à des
classes moyennes de partir
en vacances dans la même
C’
résidence chaque année à
la même période, moyen­
nant l’achat de parts dans la
société civile propriétaire
du bâtiment.
À Rochebrune, lorsque la
multipropriété a été créée
en 1975, environ 2 000 per­
sonnes ont acheté les 60 000
parts de la société.
Un épuisement
du système
Le temps a passé, et les
vacanciers d’hier ont vieilli.
Pour nombre d’entre eux, la
multipropriété est devenue
un poids : ils se retrouvent à
payer les charges d’une ré­
sidence où ils ne mettent
plus les pieds, et où leurs
enfants ne viendront pas en
vacances, préférant payer
le même prix pour acheter
des séjours dégriffés sur in­
ternet.
Un épuisement du systè­
me dont ont su tirer profit
certaines sociétés immobi­
lières, qui rachètent depuis
quelques années les parts
des multipropriétaires qui
souhaitaient s’en débar­
rasser. À Megève, la socié­
té Sofilot est engagée dans
ce processus, avec un but
qu’elle n’a jamais caché
aux associés : devenir pro­
priétaire des deux tiers des
parts de la SC Rochebrune,
pour ensuite dissoudre cet­
te société et revendre les
appartements en pleine
propriété.
Et ce, en toute conformi­
té avec la loi du 6 janvier
1986 relative aux sociétés
La disparition de cette forme de propriétés,
quelles conséquences pour Megève ?
est la bête noire des sta­
tions de montagne : les
lits froids, c’est­à­dire inoccu­
pés une partie de l’année. Si
les mois de juillet­août et de
janvier, février et mars font le
plein, les touristes ne considè­
rent toujours pas la montagne
comme un lieu de vacances
pour la mi­saison.
La multipropriété, avant
que n’apparaissent les soucis
liés à l’âge des sociétaires et à
la vétusté de certains bâti­
ments, avait cet avantage de
remplir une résidence quasi­
ment à l’année. « À Rochebru­
ne par exemple, la saison dé­
marre aux vacances de Noël et
finit le 31 mars. La résidence
est fermée en avril­mai pour
entretien, et rouvre en juin jus­
que fin septembre, soit huit
mois d’occupation », détaille
le président de l’association
Assitemp.
C’
d’attribution d’immeubles
en jouissances à temps
partagé.
La résistance
s’est organisée
Mais un noyau dur de
propriétaires, réunis dans
l’association Assitemp, re­
fusent de vendre. Tous sont
profondément attachés à
Megève, à l’image d’Alain
Quéré : « Ma mère avait
acheté des parts à Roche­
brune lors de la création de
la multipropriété.
Cette résidence, c’est le lieu
où j’ai tous mes souvenirs
de vacances, le seul lien qui
me reste avec mon enfance.
Et c’est ce que je voudrais
laisser à mes enfants. »
Un combat perdu d’avan­
ce ; la loi de la majorité
s’appliquera le 30 juin pro­
chain, date de la future as­
semblée générale de la
SC Rochebrune, où sera ac­
tée la mise en liquidation
aimable de la société, la
vente des appartements, et
la désignation du liquida­
teur à l’amiable.
Les sociétaires résistants
toucheront l’argent de la
vente au prorata de leur
nombre de parts.« Il est
peut­être trop tard pour
nous sauver, mais il faut es­
pérer que notre exemple
servira aux générations fu­
tures », soupire Alain
Caillot, le président du con­
seil de surveillance de la
SC Megève Rochebrune.
Pauline MOISY
}Cette résidence, c’est le lieu où j’ai tous mes
souvenirs de vacances, le seul lien qui me reste
avec mon enfance.~
Alain Quéré
Présidente de l’association
des propriétaires adhérents
francophones de vacances
à temps partagé (APAF­VTP)
« Les gens qui veulent sauver la
multipropriété sont une minorité »
Le système de la multipropriété est-il aussi parfait
qu’il en a l’air ?
n
« Je pense que l’idée de base est bonne, mais il y a eu trop
d’escroqueries, de charges exorbitantes. Notre association
a été fondée il y a 15 ans suite à de nombreux problèmes
rencontrés par des multipropriétaires, notamment à
l’étranger (Costa del Sol, etc). Certains promoteurs ont
construit à tout va et ont exploité la faille du temps
partagé. Depuis, tout cela a été réglementé, et les gens
sont informés, ils ne se font plus avoir en signant des
achats de parts au bout de 6 heures d’une réunion
dithyrambique. Mais il reste un dernier gros dossier pour
notre association : le problème français. »
n Quel est-il ?
« On a voulu consolider le système de la multipropriété,
avec la loi de 1986, en créant des SCI (société civile
immobilière) ou des SCA (société civile d’attribution). Les
gens ont alors signé pour acheter des parts correspondant
à des périodes d’occupation d’un appartement, et dans le
même temps devenaient actionnaires de sociétés dont il
est très difficile de sortir. Aujourd’hui, les résidences sont
vieillissantes, les sociétaires sont âgés, et avec le low­cost
et internet, on ne veut plus partir au même endroit et à la
même période chaque année. On a des gens qui se
retrouvent étranglés financièrement parce qu’ils n’arrivent
pas à vendre leurs parts, et qu’ils continuent à payer les
charges d’un appartement où ils ne viennent plus. Le forum
de notre site internet regorge de témoignages de ce genre,
certains sont même prêts à donner leurs parts, mais
personne n’en veut, surtout pas leurs héritiers ! »
Pourtant, certaines personnes continuent à
défendre la multipropriété…
n
« Les gens qui veulent à tout prix sauver ce système sont
une minorité, en général ceux qui ont les meilleures
périodes. La multipropriété a eu ses avantages à une
certaine époque ; effectivement il y a 20 ans, cela
permettait à des gens qui n’avaient pas les moyens de
s’offrir une résidence secondaire, de partir en vacances
dans des lieux prisés. Aujourd’hui, le mode de vacances a
changé. La seule solution, c’est de réinventer la
multipropriété, pourquoi pas avec des systèmes de bail sur
trois ans, ce genre de choses. Plutôt que de vouloir
renforcer le système avec une loi comme celle des trois­
quarts (lire ci­dessous) qui satisferait 20 % des sociétaires,
il faut l’assouplir. C’est ce sur quoi nous travaillons avec des
parlementaires. »
Propos recueillis par P.M.
Association Assitemp
Les parlementaires s’intéressent au problème
ace à la multiplication
des cas comme celui la
SC Rochebrune, des dépu­
tés se sont mobilisés.
Ainsi, plusieurs d’entre
eux ont déposé le 13 février
2013, un projet de loi visant
à modifier la loi du 6 janvier
1986 sur les multiproprié­
tés.
Ce projet était porté par
Arnaud Robinet, député de
la Marne : « J’ai été forte­
ment sollicité par des conci­
toyens engagés dans une
multipropriété, et qui subis­
sent les assauts de groupes
F
La politique de la commune est d’inciter les résidents secondaires à venir
le plus souvent possible. Photo DL/P.M.
« La disparition d’une mul­
tipropriété à Megève n’est pas
une bonne nouvelle, confie le
maire, Sylviane Grosset­Ja­
nin. Notre politique vise à inci­
ter les résidents secondaires à
occuper au maximum leurs
appartements. Il faut savoir
que sur l’ensemble des lits tou­
ristiques à Megève, 80 % sont
des lits non marchands !
Avec la disparition de la SC
Rochebrune, qui était très bien
tenue et assurait la présence
de vacanciers quasiment à
l’année, il va falloir refaire tout
ce travail de promotion de la
station auprès des futurs occu­
pants. Il y a la crainte aussi de
perdre de la clientèle pour les
remontées mécaniques si­
tuées juste en face. »
o
immobiliers qui exploitent
les failles législatives du
système. » En cause : « La
dévalorisation du patrimoi­
ne, due aux prix pratiqués
par ces sociétés immobiliè­
res. »
À Megève par exemple,
l’association Assitemp as­
sure que Sofilot a acheté
des parts à des prix infé­
rieurs à leur valeur, ce qui
lui permettrait d’acquérir
l’immeuble de Rochebrune
pour un prix bien moindre
que sa valeur réelle, « esti­
mée à 25 millions d’euros
par un expert indépendant
engagé par l’association. »
La société Sofilot n’a pas
souhaité commenter.
Le projet n’a
pas été retenu
« L’idée n’est pas d’em­
pêcher les gens de vendre
leurs parts », poursuit le dé­
puté. Son projet de loi vise à
exiger les trois quarts des
voix des associés pour pou­
voir dissoudre une société
civile de multipropriété, et
non plus les deux tiers.
Alain Caillot, le président
du conseil de surveillance
de la SC Megève Roche­
brune, en est certain : « Si
cela avait été adopté plus
tôt, nous aurions pu sauver
la SC Rochebrune. »
Si le projet de loi n’a pas
été retenu pour discussion à
l’Assemblée, des réunions
sont actuellement menées
par les services du ministè­
re de la Justice et du minis­
tère de l’Économie et des
Finances, afin d’évaluer la
nécessité d’une évolution
de la réglementation.
o