De la sève… au sirop de bouleau!

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De la sève… au sirop de bouleau!
De la sève… au sirop de bouleau!
Par Guillaume Roy, agent d’information de la Forêt modèle du Lac-Saint-Jean
Au printemps 2009, le Couvert boréal a voulu connaître la vision de ses lecteurs par le bais d’un sondage d’appréciation. Le taux de réponse a été
très impressionnant et les suggestions que vous nous avez faites ont été appréciées et prises en considération. Parmi ces idées, plusieurs ont fait
mention de leur intérêt à découvrir ce qui se fait ailleurs, dans d’autres régions forestières du Québec. Voilà donc le tout premier texte dédié à la
découverte de ce qui se passe au Saguenay-Lac-St-Jean. Dans cette lignée, le Couvert boréal fera une percée dans cette région qui vit également
au rythme de la forêt boréale. Bonne lecture!
ubliez le bois de chauffage, un
autre marché très intéressant s’offre
maintenant aux producteurs qui
souhaitent développer un produit
de qualité supérieure : le sirop de
bouleau! Un produit qui vaut près
de 100 $/litre, et une offre qui ne suffit pas à la
demande. Une idée folle qui fait son chemin.
Tant et si bien que la Forêt modèle du Lac-SaintJean (FMLSJ) s’est mise au « bouleau » et évalue
le potentiel de récolte et de commercialisation
de la sève de bouleau.
« Les résultats de la récolte sont très positifs. Malgré
quelques problèmes logistiques, nous avons été en
mesure de produire un sirop haut de gamme qui
rivalise avec la production de l’Alaska », a déclaré
James W. Moar, chargé du projet sur le sirop de
bouleau à la FMLSJ.
En 2008, la FMLSJ a lancé une étude sur la faisabilité
technique et financière de la transformation de
la sève de bouleau en sirop au Québec. Lors de
la première étape du projet, la FMLSJ a colligé
les informations sur la production de sirop de
bouleau en Amérique du Nord. « Ensuite, nous
avons identifié 800 bouleaux de diamètre supérieur
à 20 cm et préparé nos sentiers pour la récolte. Au
printemps, nous avons entaillé nos arbres, placé
nos chaudières et transformé la sève à l’aide de
l’équipement haut de gamme acquis pour la
transformation de la sève », a décrit M. Moar.
Bétulaie expérimentale
L a b é t u l a i e ( p e u p l e m e nt d e b o u l e a u x )
expérimentale de la FMLSJ est située en forêt
devienne d’une couleur blanc laiteux en raison de
la dégradation des sucres.
La sève provenant de 800 bouleaux a été
récoltée du 21 avril au 6 mai
publique dans le secteur de la Branche Ouest à
La Doré. « La sève provenant de 800 bouleaux
a été récoltée du 21 avril au 6 mai afin d’évaluer
quels sont les coûts d’exploitation et le rendement
de cette ressource, afin de déterminer combien
d’arbres sont nécessaires pour soutenir une
entreprise rentable », a ajouté M. Moar. Ultimement,
ces tests aideront à diversifier l’industrie du milieu
forestier et à créer des emplois en forêt.
La récolte et la transformation de la sève de bouleau
en sirop sont similaires aux procédés utilisés pour
produire du sirop d’érable. Mais trois facteurs
majeurs les différencient. Premièrement, il faut
entre 80 et 110 litres de sève de bouleau pour
produire un litre de sirop (ratio érable, 40:1), car le
taux de sucre dans la sève de bouleau est de deux
à trois fois moins élevé que dans la sève d’érable.
De plus, contrairement à la sève d’érable, la sève
de bouleau contient beaucoup plus de fructose,
un sucre qui se dénature s’il est chauffé à plus de
105 °C. Généralement, la sève de bouleau se met
à couler immédiatement après celle de l’érable. La
coulée est de courte durée, de deux à trois semaines
par année en moyenne, et débute habituellement
en avril pour se terminer lorsque les bourgeons
des feuilles commencent à s’ouvrir. La collecte de
la sève peut se poursuivre jusqu’à ce que la sève
Haute gastronomie, boisson
énergétique et bière de bouleau
Mijoté d’orignal au sirop de bouleau, choux à la
crème au sirop de bouleau, ça fait chic dans un
grand restaurant! Compte tenu de l’offre limitée
du produit, les grands restaurateurs se l’arrachent.
Plusieurs producteurs vendent même la totalité
de leur production avant même que la sève ne
coule! La FMLSJ a même produit la première bière
de bouleau au Québec avec la microbrasserie La
Chouape de Saint-Félicien, et d’autres projets sont
à l’étude afin de commercialiser la sève de bouleau
sous forme de boisson énergétique.
D’où vient l’idée de faire du sirop de
bouleau?
Le sirop de bouleau provient principalement
de l’Alaska. Après la Seconde Guerre mondiale,
l’Alaska a subi une pénurie de sucre et, pour
pallier ce problème, les Alaskiens ont utilisé les
connaissances des autochtones qui, depuis des
millénaires, utilisaient la sève comme source de
sucre. Faute d’érables, ils se sont tournés vers le
bouleau. Même si le bouleau contient deux à trois
fois moins de sucre que l’érable, il est possible de
produire un sirop délectable. Depuis les années
1980, un sirop de bouleau haut de gamme a fait son
apparition dans les cuisines des grands restaurants
et, depuis, le marché se l’arrache. Tant et si bien que
ce nectar sucré peut atteindre une valeur de près de
100 $ le litre. Mais attention, les sucres du bouleau
contiennent du fructose, un sucre plus raffiné que
le sucrose, ce qui fait en sorte qu’une expertise et
des équipements spécialisés sont requis afin de
produire un produit haut de gamme.
Les résultats du projet d’expérimentation seront
publiés sous peu sur le site www.fmlsj.ca.
La première bière de bouleau!
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Patrick Masbourian
Un week-end de bûcherons
u début du mois de novembre, mon bon ami François
m’a invité à un week-end de bûcherons, organisé à sa
maison de campagne, située près d’Iron Hill, dans les
Cantons-de-l’Est. L’objectif : construire un abri à bois
en trois jours en utilisant les arbres de sa forêt. « Au
programme, écrit-il dans son courriel d’invitation envoyé à tous ses
amis, coupe de frênes pour poteaux et poutres, moulin à scie mobile,
installation des tarières et construction de l’abri. » Sans oublier, pour
le simple plaisir de la chose, la coupe d’un grand tremble mature et
son « débusquage », avec un petit winch et un gros Jeep. (En fait, il
s’agissait d’un authentique scout muni d’une carrosserie… en bois!
On se serait cru dans un épisode des Pierrafeu!) Inutile de vous dire
que le tremble est tombé, mais qu’il n’est jamais sorti du bois. En
l’absence de gel au sol, il n’a eu besoin que de quelques rounds
pour mettre le scout K.O.
J’avais répondu à l’invitation de François avec enthousiasme, même
si le programme me semblait ambitieux pour une gang de « gars
d’la ville ». Se faire livrer du bois de construction à domicile est une
chose, mais le sortir soi-même de la forêt en est une autre! Je nous
voyais déjà en train de manier la scie à chaîne comme une bande
de charlots, et pourtant… Nous avons réussi. Mis à part le tremble
qui nous a plantés, les frênes sont tombés et se sont laissé traîner
sans trop de résistance. Le moulin à scie mobile les a transformés
en poutres et en planches sans aucune difficulté (il faut dire qu’un
scieur, un vrai, était aux commandes) et, petit à petit, la structure de
l’abri à bois a pris forme.
Une fois le travail achevé, je me suis assis quelques minutes au
crépuscule, une bière à la main, pour admirer notre œuvre collective
et, surtout, pour réaliser ce que je venais de vivre. Malgré mon
malaise initial provoqué par l’idée d’abattre un arbre en bonne santé,
ma conscience était en paix et en sérénité. Plus encore, j’étais fier.
Fier du travail accompli et fier de la manière. En participant à ce
week-end de bûcherons, je n’avais pas seulement répondu à une
invitation, j’avais répondu à un appel. Celui de la nature. Jamais je n’ai
ressenti un contact aussi fort avec la nature que lors de ce week-end,
une scie à chaîne entre les mains. Plus que le camping, le trek ou
le canotage, le bûchage m’a permis de communier de manière
brute avec une nature sauvage, libre et primitive.
Et là, devant notre banale construction en frêne, j’ai
pensé à tous les bâtisseurs du Québec. J’ai pensé aux
colons, aux défricheurs, aux agriculteurs, aux bûcherons
et aux draveurs. À tous ces Québécois « de souche »
qui ont gossé leur pays à la sueur rouge de leur front
ensanglanté par tant de batailles environnementales. Et
j’étais encore plus fier. Fier d’avoir dompté, moi aussi,
le temps d’un week-end, un environnement et d’en
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LE COUVERT BORÉAL | hiver 2010 |
avoir extrait une matière vivante et nourricière. Aucun Rona, BMR et
autre Réno-Dépôt ne peut accoter ça. « Chez Réno-Dépôt, on l’a »,
nous dit la publicité. Je rajouterais : « Tout, sauf l’émotion! »
Cette expérience a changé mon regard de « gars d’la ville ». Chez
moi, dans le quartier Villeray à Montréal, c’est à peine si nous
avons une notion de ce qu’est l’industrie forestière. Eh bien, pour
moi, la valorisation des métiers forestiers passe maintenant par la
valorisation de la matière. Je ne vois plus le bois de la même façon
et, par conséquent, je ne vois plus les « gars d’bois » de la même
façon.
Le bois est unique parce qu’il est vivant et qu’il insuffle un
sentiment à quiconque s’y frotte et s’y pique. Celui de la peur et
du courage, de la force et du dépassement, de l’accomplissement
et de l’excellence.
Alors? À quand le cours Chainsaw 101, obligatoire pour tous les
Québécois?!
Montréal, le vendredi 4 décembre 2009

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