Le point… Le texte libre

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Le point… Le texte libre
Gerald SCHLEMMINGER
In : Tracer, revue d'innovation et de recherches en enseignement des langues, mars 1993, n° 1, pp.
3 - 5.
Le point… Le texte libre
Le texte libre est, en 1924, la première technique nouvelle que Célestin Freinet introduit dans sa
classe. Depuis, il est devenu un outil de base dans les classes de type pédagogie Freinet. Par la
suite, toutes sortes d'acceptions du texte libre ont vu le jour dans les classes de français, de langue,
etc... Il n'est donc pas inutile de rappeler ce qu 'est un "texte libre".
Afin de motiver davantage ses élèves, de s'assurer d'une meilleure assimilation des structures
linguistiques acquises, tout enseignant "éclairé" propose de temps à autre la rédaction de "texte à
sujet libre", il y a aussi des "discussion libres" à bâton rompu sur un sujet d'actualité; les
instructions officielles de langues incitent le professeur à encourager "l'expression libre"…Face à
tant d'effervescence "libre", il est souhaitable de rappeler les concepts autour desquels s'organise
cet outil de communication qu'est le texte libre, au risque de répéter des évidences pour certains…
Nous n'avons pas l'intention de reformuler ce qui a été déjà dit maintes fois à propos du texte libre.
L'expérience est si riche dans le mouvement Freinet que nous avons préféré donner la parole à des
praticiens affirmés, en premier lieu à C. Freinet. Mais nous croyons utile aussi de présenter ce ce
que des stagiaires ayant participé à des sessions de formation de l'I.C.E.M. ont entendu et écrit à ce
sujet.
Célestin Freinet :
"Un texte libre, c'est, comme son nom l'indique, un texte que l'enfant écrit librement, quand il a
envie de l'écrire et selon le thème qui l'inspire. Il ne saurait donc être question d'imposer un sujet ni
même de prévoir un plan destiné à ce qui ne serait en définitive qu'une rédaction à sujet libre.
[…] Il ne suffit […] pas de laisser l'enfant libre d'écrire, il faut lui donner l'envie le besoin de
s'exprimer. Et c'est pourquoi le vrai texte libre ne peut naître et éclore que dans le nouveau climat
de libre activité de l'Ecole." (C. FREINET 1964 : Les techniques Freinet de l'Ecole moderne. Paris,
Armand Collin, Coll. Bourrelier CPP n° 326, 1975, 7e édition, p. 51.)
Et Fernand Oury d'ajouter :
"Dans une classe Freinet, le texte libre est autre chose qu'une fantaisie à la mode : les enfant
écrivent parce qu'ils ont à dire à un absent. Parce qu'il a été choisi ou accepté par tous, il devient
objet de travail pour tous. Le travail de mise au point est accepté et voulu par tous parce qu'il
correspond à une nécessité actuelle : [...]. Ici <<embrayés sur la vie>>, on n'apprend pas aussi bien
qu'ailleurs, on apprend mieux et les élèves le savent." (F. OURY (s.d.) A partir des textes libres :
apprendre à écrire correctement. Manuscript ronétypé, Paris.)
Le texte libre nécessite un cadre rationnel qui permet le travail de l'individu et du groupe.
Organisation et phases de production du texte libre :
"Textes libres :
1° Conditions d'élaboration :
- temps de travail individuel permettant l'écriture
- liberté du contenu
- pouvoir être aidé
- pouvoir être reçu et entendu (on ne se moque pas)
- être lu.
2° Choix de textes :
- moment institué de lecture, par l'enfant
- échange possible sur le texte
- choix d'un texte pour le journal (véto possible du maître pour protéger le groupe, l'instituteur, ou
l'auteur lui-même)
- mise au point collective en vue du tirage (toilettage du texte, amélioration du texte pour
publication, le dernier mot restant à l'auteur)
3° Textes non choisis … jamais abandonnés
- mise au point individuelle
- recopiés proprement et utilisés pour le cahier personnel, les correspondants, l'album, les fichers."
(Journal de l'atelier A 1, équipe 6. Stage national "Genèse de la coopérative" juillet 1985.)
[Les journaux de stages ont été aimablement mis à disposition de la rédaction par Patrick Geffarfd,
directeur de stage pour l'association "Genèse de la coopérative".] (J.C.E.M.)
La fonction communicative du texte libre, ses buts :
"Réponses d'élèves : On écrit pour que le journal soit intéressant, et que les lecteurs se
<<régalent>> de le lire. Certains parlent aussi des correspondants, nos semblables lointains, qui,
comme nous, écrivent : nous lisons leurs écrits, ils lisent les nôtres. Par eux, l'écriture et la lecture,
indissociable sont orientées, elles ont un <<sens>>. A l'école normalement on lit la lecture (sur le
manuel) et on écrit l'écriture (pendant la séance d'écriture). Nous, au contraire, nous lisons l'écriture
(des autres) et nous écrivons la lecture (pour les autres).
Mais cet intérêt pour l'écrit communicatif ne s'est pas installé tout seul. J'avoue l'avoir favorisé en
trouvant imprimerie et correspondants, en expliquant (peu), en rappelant à chacun <<c'est
intéressant ce que tu viens de dire, tu devrais en faire un texte>>…, en évitant soigneusement de
bloquer l'expression, sous prétexte que la forme est incorrecte. Il ne s'agit, pour le moment, ni de
correction ni de morale.
D'autres enfants écrivent parce qu'il est agréable d'être choisi <<célébré>> par le groupe […].
Certains écrivent, semble-t-il, pour le plaisir d'écrire ou par <<besoin>> […]." (R. LAFITTE 1985 :
Une journée dans un classe coopérative. Le désir retrouvé. Paris, Syros, pp. 136 - 137.)
Et pour préciser davantage le cadre :
"Pour qu'il y ait expression véritable, il faut mettre en place des sécurités :
- quant au lieu : la communication des textes libres doit toujours se passer au même endroit. La
classe doit être un lieu fermé;
- quant aux limites dans le temps et garanties par des lois;
- quant aux lois : on ne redit pas à l'extérieur ce qui se dit ici, on écoute celui qui parle, on ne se
moque pas."
(Journal de l'atelier A 1. Stage national "Genèse de la coopérative" juillet 1987.)
"L'enfant n'est incité à écrire que quand il peut puiser dans les richesses de la vie de la classe :
échanges oraux (<<Quoi de neuf?>>, Conseil), sorties-enquêtes, correspondance, journal… Des
lieux et des moments pour écrire : l'enfant peut quitter certaines activités pour cela." (Journal de
l'atelier A 1. Stage national "Genèse de la coopérative" juillet 1984.)
Nous concluons avec les propos du Secteur français de l'I.C.E.M. :
"C'est dans la mesure où le texte libre conjugue l'acquisition des connaissances, l'apprentissage des
techniques et des pratiques et la maturation personnelle (au double plan de l'affectivité profonde et
de la fonction critique) qu'il permet un apprentissage efficace et progressiste de l'expression écrite."
Le nouvel Educateur Documents n° 185, suppl. au nouvel Educateur n° 2 oct. 1988 : "Texte libre."
(Dossier réalisé par D. ROYCOURT et R. CROUZET)
Comme les articles qui suivent vont le montrer, le texte libre se pratique de la même manière dans
une classe de langue. Il reste donc à intégrer cette technique, et à élaborer un concept élargi
d'apprentissage guidé de la seconde langue. Concept qui irait au-delà du modèle cognitiviste
actuellement en vigueur, qui prendrait en compte la méthode naturelle d'apprentissage, le
tâtonnement expérimental, la gestion mentale…
Bibliographie:
Texte libre :
CLANCHE, P. (1988) : L'enfant écrivain. Génétique et symbolique du texte libre, Le Centurion,
Paris.
[Il s'agit d'une recherche sur la production de textes libres à l'école primaire.]
FREINET, C. (1960) : Le texte libre. C.E.L., Coll. Bibliothèque de l'Ecole moderne n° 3, Cannes.
(Première édiction : 1947, Coll. Brochures d'Education Nouvelle Populaire n° 25, Cannes.)
[Le texte de base…]
FREINET, C. (1975) : Les techniques Freinet de l'école moderne. A. Colin, coll. Bourrelier, Paris,
pp. 51 - 59.
LAFITTE, R. (1985) : Une journée dans une classe coopérative. Le désir retrouvé, Syros, Paris,
pp. 135 - 147.
[L'auteur présente sur les pages indiquées une séance de choix de textes.]
Le nouvel Educateur Documents n° 185, suppl. au nouvel Educateur n° 2 oct. 1988 : "Texte libre."
(Dossier réalisé par D. ROYCOURT et R. CROUZET)
[Il s'agit du travail le plus récent du mouvement Freinet sur le texte libre. Le dossier est très complet avec de nombreux
témoinages, suivi d'une bibliographie touchant les domaines concernés par cette techniques : psycholinguistique,
apprentissage de la grammaire, de la lecture, etc. Le dossier a été réalisé par une équipe du Secteur français de
l'I.C.E.M.]
OURY, F. (s.d.) : A partir des textes libres : Apprendre à écrire correctement. Manuscrit ronétypé.
[L'auteur traite le problème de la mise au point d'un texte libre.]
OURY, F. / VASQUEZ, A. (1982) : Vers une pédagogie instititionnelle ? Ed. Maspéro, Paris, pp.
45 sq.
VASQUEZ, A. / OURY, F. (1971) : De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle.
Maspéro, Paris, (vol. 1), p. 264 sq.
Texte libre et l'enseignement des langues étrangères :
BAILLET, Dietlinde (1986) : "Sur les traces de Freinet - L'utilisation de l'écrit en classe
d'allemand" in : Langues Modernes 1986 n° 6, pp. 35 - 46.
BERRAND, Michel (1969) : Une méthode naturelle d'apprentissage de l'anglais en classe de 6e :
Live English - Dossiers pédagogiques n° 44 (Supplement de l'Educateur) [N'est plus en vente au
P.E.M.F., disponible auprès de la rédaction de TRACER au prix de la photocopie]
BERRAND, Michel (1975) : "Live English" Dossiers pédagogiques n° 102 - 104 (Supplement de
l'Educateur) [N'est plus en vente au P.E.M.F., disponible auprès de la rédaction de TRACER au prix
de la photocopie]
SCHLEMMINGER, Gerald (1985) : "Der Freie Text. Konzeption eines lehrbuchunabhängigen
Fremdsprachenunterichts" in : MÜLLER, B.-D. / NEUNER G. (1985, s.l.dir.) Praxisprobleme im
Sprachunterricht, Iudicium Verlag, , Bamberg, pp. 105 - 147.

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