cour d`appel de douai

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cour d`appel de douai
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 16/06/2010
***
N° de MINUTE :
N° RG : 09/04254
Jugement (N° 2258/06)
rendu le 27 Avril 2009
par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES
REF : BM/AMD
APPELANT
POLE EMPLOI, institution nationale publique,
agissant en lieu et place de l'ASSEDIC des pays du NORD, pour le compte de l'UNEDIC
organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage en application du mandat résultant de
la loi n°2008-126 du 13 février 2008,
ayant son siège social 4 rue Galilée
93198 NOISY LE GRAND
représenté par son représentant légal
Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Maître RYGIELSKI, avocat substituant Maître Frédéric COVIN, avocat au barreau
de VALENCIENNES
INTIMÉE
Madame Josiane C.
née le 08 Mars 1946 à
demeurant ...
...
Représentée par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoué à la Cour
Assistée de Maître Christelle MATHIEU, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience publique du 24 Mars 2010 tenue par Fabienne BONNEMAISON
magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les
plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour
dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à
disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bernard MERICQ, Président de chambre
Fabienne BONNEMAISON, Conseiller
Véronique MULLER, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16
Juin 2010 après prorogation du délibéré en date du 26 Mai 2010 (date indiquée à l'issue des
débats) et signé par Bernard MERICQ, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la
minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 février 2010
***
LA COUR,
FAITS ET PROCÉDURE /
MOYENS ET PRÉTENTIONS ACTUELS DES PARTIES :
1. Par jugement du 27 avril 2009, le tribunal de grande instance de Valenciennes a condamné
l'Assédic des pays du Nord (l'Assédic) à verser à Madame Josiane J. épouse C. la somme en
principal de 14 774,00 € à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure de
2 000,00 € , déboutant les parties du surplus de leurs demandes.
2. Pôle Emploi agissant aux lieu et place de l'Assédic, pour le compte de l'Unédic, a relevé
appel de ce jugement dont il sollicite la réformation suivant conclusions tendant à voir au
principal constater que l'Assédic n'était tenue d'aucune obligation d'information et /ou de
conseil envers Mme C. et n'a commis aucun manquement à son égard, de la débouter de
toutes ses demandes, sinon rejeter sa demande de rappel d'allocations, celle ci relevant d'un
recours devant être dirigé à l'encontre de la décision de rejet rendue par la DDTE, ainsi que sa
demande de dommages et intérêts et à tout le moins la réduire dans de notables proportions,
réclamant reconventionnellement une indemnité de procédure de 1 500,00 € .
3. Par ses dernières conclusions à fins de confirmation du jugement entrepris, Mme C.
réclame en outre une somme de 3 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du
préjudice moral subi outre une somme de 2 000,00 € pour résistance abusive ainsi qu'une
indemnité de procédure de 2 000,00 € .
4. L'exposé et l'analyse plus amples des moyens et des prétentions des parties seront effectués
à l'occasion de la réponse qui sera apportée à leurs écritures opérantes.
***
DISCUSSION :
1. Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des
parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement qu'ayant perçu jusqu'au 4 mars
2003 une allocation de retour à l'emploi (ARE), Mme C. a sollicité ensuite auprès de l'Assédic
l'attribution d'une allocation de solidarité spécifique (ASS) qui lui a été refusée en 2003 puis
accordée en 2004 et versée jusqu'au 8 mars 2005, date à partir de laquelle elle a sollicité et
obtenu une allocation équivalent retraite (AER).
Au motif qu'elle avait appris (en 2005) qu'elle aurait pu percevoir cette AER dès le mois de
mars 2003 mais s'était vue débouter de sa demande de rappel de cette allocation, Mme C. a
assigné en responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil l'Assédic pour avoir
manqué à son obligation d'information et de conseil, réclamant in fine, au vu des conclusions
d'une expertise judiciaire ordonnée par le tribunal au terme d'un jugement avant dire droit du
2 août 2007 (expertise confiée à M. Benoît K. lequel a établi son rapport le 9 janvier 2008),
l'octroi à titre de dommages et intérêts d'une somme de 14 774,00 € correspondant au montant
de l'AER dont elle aurait pu bénéficier durant cette période.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui a fait droit à sa demande.
Au soutien de son appel, Pôle Emploi, qui rappelle qu'un formulaire d'ASS est
systématiquement adressé par la voie postale aux bénéficiaires de l'ARE arrivant en fin de
droits, fait successivement valoir que Mme C. ne justifie pas s'être entretenue comme elle le
prétend avec un représentant de l'Assédic fin 2002 et aurait ainsi sollicité informations et
conseils sur ses droits, que la convention Etat Unédic fait seulement obligation à l'Assédic de
mettre à la disposition des travailleurs privés d'emploi des formulaires de demandes,
d'instruire celles ci et de statuer sur leur admission en sorte qu'elle n'est assujettie à aucune
obligation de conseil et/ou d'information, que le formulaire de demande d'ASS remis à Mme
C. rappelait la possibilité éventuelle de percevoir l'AER dont l'intéressée ne s'est préoccupée
qu'en mars 2005, date à laquelle elle a sollicité de la CRAM son relevé de carrière permettant
de vérifier qu'elle remplissait les conditions d'obtention de cette allocation contribuant ainsi à
la réalisation du préjudice invoqué, qu'au surplus l'AER ne constitue pas un droit mais une
mesure complémentaire ou de remplacement appréciée au cas par cas, que seul le juge
administratif est compétent pour statuer sur sa demande de rappel de prestations rejetée par la
DDTE.
Mme C. objecte que l'Assédic , tenue d'une obligation générale de s'informer sur la situation
des travailleurs privés d'emploi et d'informer ceux ci sur leurs droits, a manifestement failli à
ses obligations en ne lui suggérant pas, lors de son entretien fin 2002 avec l'un de ses
représentants, de solliciter l'AER et en l'invitant seulement à réclamer l'ASS.
2. La cour relève tout d'abord qu'aucune preuve n'est rapportée de ce que Mme C. aurait
sollicité et obtenu fin 2002 un entretien avec un représentant de l'Assédic pour s'informer sur
les prestations auxquelles elle pourrait prétendre à l'expiration de la perception de ses
allocations de chômage en sorte que le manquement reproché au représentant de l Assédic
rencontré qui aurait omis de l'informer de l'existence de l'AER n'est pas démontré.
Il est par contre établi que Mme C. a été rendue destinataire (par la voie postale selon
l'Assédic qui rappelle être tenue selon son règlement intérieur de l'adresser au plus tard 60
jours avant la fin de l'indemnisation du travailleur privé d'emploi) d'un imprimé de demande
d'allocation de solidarité spécifique (ASS) rappelant que ses droits en cours expiraient le 4
mars 2003.
Certes, cet imprimé comporte en tête de la page 2, dans un cadre entouré en rouge, la mention
accompagnée du logo d'alerte (point d'exclamation au centre d'un triangle):
Attention!
Si vous totalisez 160 trimestres d'assurance vieillesse, tous régimes confondus, vous pouvez
prétendre, dans certains cas, à l'allocation équivalent retraite.
Demandez le formulaire à l'ASSEDIC
Pôle Emploi en déduit que l'attention du travailleur privé d'emploi est ainsi, indépendamment
de ses droits à l'ASS, attirée sur l'existence de cette autre allocation (l'AER) et sur sa condition
essentielle d'attribution qui lui impose de s'informer au préalable auprès de sa caisse
d'assurance vieillesse du nombre de trimestres cumulés, démarche que l'Assédic ne peut pas
faire à sa place (elle fournit quand même, sur demande, un imprimé d'attestation de carrière à
transmettre à l'organisme compétent) ... et qui a été effectuée en l'espèce par Mme C. auprès
de la CRAM mais seulement en 2005.
3. Cela posé, la cour constate que l'Assédic est susceptible de servir aux travailleurs privés
d'emploi arrivant en fin de période indemnisée deux allocations spécifiques :
* soit l'ASS, soumise à des conditions de ressources,
* soit l'AER, qui concerne le cas particuliers de travailleurs âgés de moins de 60 ans mais
ayant cotisé pendant au moins 160 trimestres et qui se substitue à l'ASS, avec cette précision
que la dite AER est ouverte selon des conditions de plafond de ressources plus favorables et
qu'elle assure à l'allocataire un revenu de remplacement plus important que la seule ASS.
Or l'information que l'Assédic, professionnel en matière d'allocation, décide de donner ne
concerne clairement que l'ASS puisqu'un formulaire de demande d'ASS est systématiquement
adressé à tout travailleur privé d'emploi arrivant en fin d'indemnisation, ce qui revient à dire
que l'information à propos de l'ASS est privilégiée ; la mention relative à l'AER qui figure sur
le formulaire de demande d'ASS et qui est décrite supra (par. 2)- ne peut apparaître que
comme subsidiaire ou annexe.
Autrement dit, alors que l'Assédic est susceptible de délivrer deux types d'allocations (l'ASS
et l'AER), elle n'informe véritablement qu'à propos de l'ASS.
L'information est défaillante à propos de l'AER ... ce qui a été particulièrement important dans
le cas de Mme C. car :
° elle n'a en définitive pas bénéficié de l'ASS, selon décision de rejet du 8 avril 2003 (sinon,
ce qui sera examiné infra, sur une certaine période de 2004),
° elle n'a bénéficié de l'AER qu'à compter du 8 mars 2005 (voir le rapport de l'expert
judiciaire M. K. ).
4. À ce stade du raisonnement, la cour, à l'instar du premier juge, constate que l'Assédic,
débitrice d'une obligation de conseil à l'égard des travailleurs privés d'emploi arrivant en fin
d'indemnisation, ce qu'elle admet et entreprend d'assumer en adressant systématiquement un
imprimé pré rempli de demande d'ASS, n'a pas suffisamment informé Mme C. de son droit à
l'AER et/ou ne l'a pas mise en mesure de connaître ses droits en rapport avec cette allocation
de substitution.
Il y a là les éléments d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil.
Cette faute a causé un préjudice direct et personnel à Mme C. en ce que celle ci, qui aurait pu
percevoir l'AER à compter de mars 2003, n'a rien perçu en 2003 (pas même l'ASS qui lui a été
refusée selon décision du 8 avril 2003) puis n'a perçu que l'ASS, d'un montant moindre que
l'AER, que courant 2004 ; elle n'a enfin perçu l'AER qu'à compter du 8 mars 2005.
La responsabilité de l'Assédic (aujourd'hui Pôle Emploi) est ainsi engagée.
5. En conséquence de ce qui vient d'être décidé supra, il convient de dire que : + Mme C.
réclame non pas un rappel d'allocations sur la période perdue (mars 2003 / mars 2005),
s'agissant d'un litige qui relèverait de la contestation d'une décision de la DDTE et qui serait
du ressort de la juridiction administrative, mais l'indemnisation d'un préjudice causé en lien
avec une faute commise par l'organisme de droit privé Assédic : un tel litige doit être tranché
par la juridiction judiciaire,
+ les éléments du dossier, analysés au rapport de M. K. , permettent de dire que Mme C.
remplissait en mars 2003 toutes les conditions nécessaires pour bénéficier de l'AER (alors
même qu'elle ne remplissait pas les conditions, plus rigoureuses, pour bénéficier de l'ASS) en
sorte qu'elle aurait de fait perçu cette AER,
+ le montant du préjudice, déterminé à partir des allocations AER que Mme C. aurait pu
percevoir sur la période mars 2003 / mars 2005 si elle avait été en mesure de faire valoir ses
droits, résulte d'un calcul élaboré de façon précise par M. K. et qui ne fait l'objet d'aucune
critique technique : le rapport est sur ce point convaincant,
+ Pôle Emploi soutient que le montant de ce préjudice, qui représente globalement le montant
cumulé des AER perdues, devrait être diminué du montant cumulé des ASS de fait perçues
par Mme C. courant 2004 et jusqu'en mars 2005 : sur ce point, force est de constater que Pôle
Emploi, qui a en mains tous les éléments de calcul nécessaires (il lui est facile de reconstituer
ce montant cumulé des ASS que l'Assédic a versées à Mme C. ), ne donne aucun chiffre et ne
produit aucun justificatif en sorte qu'il ne peut être fait droit à la contestation.
6. Il se déduit de l'ensemble des considérations ci dessus développées que le jugement
entrepris doit être intégralement confirmé.
Les éléments du dossier ne démontrent pas de résistance abusive de la part de Pôle Emploi,
dont l'appel n'a pas dégénéré en abus, et ne caractérisent pas de préjudice moral
complémentaire qu'aurait subi Mme C.
***
PAR CES MOTIFS :
- confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
ET, Y AJOUTANT :
- condamne Pôle Emploi à payer à Mme C. la somme complémentaire de 1 500,00 € (mille
cinq cent euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance
d'appel ;
- rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
- condamne Pôle Emploi aux dépens de l'instance d'appel, avec faculté de recouvrement direct
en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP
Levasseur Castille Levasseur, avoués.
Le Greffier, Le Président,
C. POPEK. B. MERICQ.