maille (re)donne vie à son héritage stratégie de marque

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maille (re)donne vie à son héritage stratégie de marque
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STRATÉGIE DE
MARQUE
Située en zone protégée,
la façade de la boutique
de Londres est dotée d’une
enseigne discrète composée d’un
bandeau noir surmonté d’une
sérigraphie dorée.
Les objets du passé révèlent
les racines de la marque, tel
l’Almanach des gourmands,
premier journal gastronomique
à avoir cité Maille dès le
début du 19ème siècle.
A priori peu de points communs entre les moutardes Maille et
le chocolat Lindt… Pourtant, après des décennies de présence en linéaires,
toutes deux décident d’avoir pignon sur rue. Visites…
Il est des marques qui n’ont pas besoin d’enseignes
à leur nom pour être très connues du grand public.
Question de choix et de stratégie commerciale, elles
sont principalement distribuées par d’autres canaux :
grande distribution, magasins spécialisés… Certaines
finissent néanmoins par s’incarner dans un ou
plusieurs points de vente dédiés. Ouverture test avant
un déploiement à grande échelle ? Illustration d’un
nouveau positionnement ? Les motivations peuvent
être très diverses…
MAILLE (RE)DONNE
VIE À SON HÉRITAGE
En octobre 2013, la marque Maille a ouvert sa première
boutique internationale, à Londres. Elle inaugure la
« Cuisine de Grande Demeure », un concept tourné
vers l’histoire de la marque qui est ici associé à un
nouveau positionnement de « gastronomie créative ».
C’est la culinarité et le partage symbolisés par le piano
central qui fait la part belle à la dégustation. Pour ce
projet, la marque avait mandaté l’agence de design
global CBA qui l’accompagne depuis 10 ans dans sa
stratégie retail, du concept des boutiques jusqu’à la
théâtralisation en magasins.
Avec pour l’heure seulement trois points de vente à son
nom, quel est le sens de cette stratégie ? « La boutique
parisienne a ouvert en 1996 pour célébrer les 250 ans
de la maison. Celle de Dijon, dans notre fief historique,
apparaît comme une vitrine pour Maille. Véritables
ateliers de créativité, ces deux boutiques permettent
aussi de sortir de l’univers moutarde traditionnel, en
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bousculant les habitudes au niveau des recettes.
L’implantation Londonienne marque un changement
de cap : la créativité prime toujours, mais avec une
volonté de monter en gamme et de faire de nos
boutiques des vecteurs de vente à part entière »,
explique Priscilla Chevalier chef de groupe Maille.
Également décliné en corner et en petit mobilier pour
les grands magasins (Selfridge’s à Londres, le Bon
Marché et Monoprix à Paris), le concept de Londres
s’affiche comme la nouvelle image de Maille partout
dans le monde. Dans le cahier des charges confié à
CBA, deux axes forts : trouver le juste équilibre entre
l’héritage et la créativité culinaire, et décupler l’expérience client via la dégustation, dans un espace conçu
pour une clientèle de gourmets exigeants. Dans le
quartier de Picadilly, les contraintes d’urbanisme sont
telles que la marque n’a pas pu modifier la façade à
sa guise, mais le hasard a bien fait les choses puisque
celle-ci, avec sa haute et large vitrine en arc de cercle,
évoque d’emblée le pot de moutarde ou de cornichons
Maille !
Au rez-de-chaussée, l’« orgue à moutardes » focalise
l’attention au centre de la boutique. Un vendeur fait
goûter les recettes exclusives de moutardes fraiches
sur des mini-gressins, selon un rituel de dégustation
qui va crescendo dans l’intensité de saveurs. Un peu
plus loin, un linéaire dédié reprend l’ensemble des
collections éphémères du moment. Côté déco, on
retrouve principalement le bois et le laiton, traités de
façon contemporaine, mais aussi des moulures qui font
écho à l’héritage patrimonial. ...
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FOCUS
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UN POINT DE VENTE RIEN QU’À SOI…
STRATÉGIE
DE MARQUE
... En dehors du « brand manifesto » qui édicte la
philosophie de la marque, la communication sur
le point de vente passe par des éléments muraux
en bois peints en noir qui reprennent la forme
iconique des étiquettes des pots (étiquettes Fleur
de Lys à liseré doré) et qui s’accompagnent de
messages à l’attention des clients londoniens.
« Want to excite your palate even further ? » 1,
peut-on lire en montant l’escalier. Ainsi, l’étage a été
conçu pour apporter un supplément d’expérience.
« Qu’y propose-t-on que l’on ne trouve pas en bas ? Et
comment inciter les gens en monter ? Pour tirer le meilleur parti de cet étage, nous avons choisi d’y mettre en
place une proposition encore plus large de moutardes
fraiches à la pompe. De plus, c’est le lieu idéal pour
accueillir des opérations évènementielles, comme des
happennings avec des chefs étoilés, » précise Marie
Mallez, Directrice Conseil pour CBA.
Ça et là quelques éléments rappellent discrètement
l’héritage de la marque : des extraits de l’Almanach des
gourmands encadrés et des pots anciens sous cloche
en verre. « Mis à part la mention « depuis 1747 » sur
nos pots, il y avait peu trace de l’histoire de la marque
dans nos points de vente de Paris et de Dijon. Sans
faire de la boutique de Londres un « musée », nous
avions envie d’y dévoiler au grand public une partie de
notre héritage », explique Priscilla Chevalier.
De fait, elle voit dans le point de vente dédié bien plus
qu’une opération d’image : « Tout ce qu’on raconte en
boutique, c’est pour créer du buzz autour de la marque
partout où elle est vendue. Il y a une émulation entre
les différents réseaux de distribution, ils se complètent.
Ainsi, le lancement d’une boutique positionnée haut
de gamme renforce l’idée auprès nos clients que la
moutarde Maille qu’ils trouvent en grande surface est
un luxe à prix accessible ».
« Dans un point de vente
dédié à une marque,
le client n’achète pas
seulement un produit,
mais une philosophie.
On peut amplifier le lien
via une expérience
multisensorielle pour
susciter la mémoire
et la préférence, donc
à terme une accélération
des ventes partout où
la marque est présente. »
POUR FAIRE LA PROMOTION
DES COLLECTIONS SAISONNIÈRES
ET SÉRIES LIMITÉES, KAKÉMONOS
ET VITROPHANIES INVESTISSENT
LA VITRINE.
LINDT S’OFFRE
UN ÉCRIN À CROQUER !
Autre démarche caractéristique, celle de Lindt qui
a ouvert son premier flagship store en septembre
2013, quartier de l’Opéra à Paris. La marque de
chocolat possédait déjà 7 boutiques en France,
toutes situées dans des villages de marques ou des
galeries marchandes d’aéroports. La vocation de celle
de Paris est bien différente. « Offrir à nos consommateurs la meilleure expérience chocolat de la
Capitale, en mettant en valeur l’identité et le savoir-faire
« Maitre chocolatier », baseline de notre logo, dans
une atmosphère premium et raffinée » résume Alain
Germiquet, PDG Lindt France. Pour la création de
ce lieu, la marque a travaillé avec l’architecte italien
Costa, spécialisé dans les concepts d’épicerie fine et
de restauration premium.
Mobilier rectiligne, tons crème et chocolat, ce lieu
propose l’assortiment de chocolats Lindt le plus
large de France, en tablettes ou au poids. Dégustation possible dans le Chocolat bar où 4 cascades de
cacao fondant coulent en permanence. Ancrage dans
la tradition mais aussi projection dans la modernité : ce
magasin offre une large place au digital. Au fond, un
mur de 9 écrans diffuse les gestes des Maîtres Chocolatier filmés en live en train de réaliser des tablettes de
chocolat. Par ailleurs, du côté des linaires, des écrans
tactiles permettent aux clients de scanner les produits
pour obtenir des informations complémentaires (ingrédients, recettes) et bientôt des animations en réalité
augmentée. Enfin, au niveau du bar à chocolat, un
menu board propose une diffusion en continu de l’histoire de la marque.
Pour Marie Mallez de CBA, cette tendance qui pousse
certaines marques plutôt vendues en grandes surfaces
à développer leur propres boutiques est loin d’être
anecdotique. « En 2012, nous avons aussi accompagné les cafés Malongo dans cette démarche, et
depuis nous avons été consultés par d’autres marques
dont nous ne pouvons pas encore parler. On constate
que les motivations sont diverses, même si on retrouve
à chaque fois la volonté de développer une relation
directe avec le consommateur. En revanche, il ne faut
pas toujours y voir le démarrage d’un vrai réseau.
Pour certaines, c’est un test avant d’aller plus loin.
Pour d’autres, la boutique est plutôt conçue comme
C.C.
un étendard, un lieu ‘extra-ordinaire’ ».
DERRIÈRES LES ÉCRANS (SAMSUNG ET NEC), LA TECHNOLOGIE CARLIPA
ONLINE PERMET LA GESTION ET LA MAINTENANCE À DISTANCE.
La dimension « connectée » de la boutique Lindt a été pensée
bien en amont, avec l’agence CB’A, afin que le digital s’intègre
harmonieusement au concept architectural. L’agence Carlipa,
spécialisée en digital retail, a fourni et intégré tous les équipements
digitaux, soit 12 dispositifs au total. Écrans plats, bords ultra-fins :
« Le digital est utilisé comme levier pour moderniser le point de
vente, mettre en avant l’histoire, le savoir-faire de la marque et
valoriser les produits. La technologie renforce l’expérience client et
séduit davantage les consommateurs », souligne Clémence Gourbat,
Responsable Marketing & Communication pour Carlipa. Les
contenus sont intégrés à la ligne éditoriale et diffusés sur
les différents dispositifs digitaux, depuis la plateforme
logicielle Carlipa Online. Carlipa assure également
la maintenance. Et Clémence Gourbat de noter :
« Cela facilitera le déploiement si demain Lindt
souhaite ouvrir d’autres boutiques,
y compris à l’étranger ».
1 Envie d’une expérience gustative encore plus excitante ?
Marie Mallez, CBA
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