maille (re)donne vie à son héritage stratégie de marque
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maille (re)donne vie à son héritage stratégie de marque
FOCUS 53 52 STRATÉGIE DE MARQUE Située en zone protégée, la façade de la boutique de Londres est dotée d’une enseigne discrète composée d’un bandeau noir surmonté d’une sérigraphie dorée. Les objets du passé révèlent les racines de la marque, tel l’Almanach des gourmands, premier journal gastronomique à avoir cité Maille dès le début du 19ème siècle. A priori peu de points communs entre les moutardes Maille et le chocolat Lindt… Pourtant, après des décennies de présence en linéaires, toutes deux décident d’avoir pignon sur rue. Visites… Il est des marques qui n’ont pas besoin d’enseignes à leur nom pour être très connues du grand public. Question de choix et de stratégie commerciale, elles sont principalement distribuées par d’autres canaux : grande distribution, magasins spécialisés… Certaines finissent néanmoins par s’incarner dans un ou plusieurs points de vente dédiés. Ouverture test avant un déploiement à grande échelle ? Illustration d’un nouveau positionnement ? Les motivations peuvent être très diverses… MAILLE (RE)DONNE VIE À SON HÉRITAGE En octobre 2013, la marque Maille a ouvert sa première boutique internationale, à Londres. Elle inaugure la « Cuisine de Grande Demeure », un concept tourné vers l’histoire de la marque qui est ici associé à un nouveau positionnement de « gastronomie créative ». C’est la culinarité et le partage symbolisés par le piano central qui fait la part belle à la dégustation. Pour ce projet, la marque avait mandaté l’agence de design global CBA qui l’accompagne depuis 10 ans dans sa stratégie retail, du concept des boutiques jusqu’à la théâtralisation en magasins. Avec pour l’heure seulement trois points de vente à son nom, quel est le sens de cette stratégie ? « La boutique parisienne a ouvert en 1996 pour célébrer les 250 ans de la maison. Celle de Dijon, dans notre fief historique, apparaît comme une vitrine pour Maille. Véritables ateliers de créativité, ces deux boutiques permettent aussi de sortir de l’univers moutarde traditionnel, en VISIBLE #9 09/2014 bousculant les habitudes au niveau des recettes. L’implantation Londonienne marque un changement de cap : la créativité prime toujours, mais avec une volonté de monter en gamme et de faire de nos boutiques des vecteurs de vente à part entière », explique Priscilla Chevalier chef de groupe Maille. Également décliné en corner et en petit mobilier pour les grands magasins (Selfridge’s à Londres, le Bon Marché et Monoprix à Paris), le concept de Londres s’affiche comme la nouvelle image de Maille partout dans le monde. Dans le cahier des charges confié à CBA, deux axes forts : trouver le juste équilibre entre l’héritage et la créativité culinaire, et décupler l’expérience client via la dégustation, dans un espace conçu pour une clientèle de gourmets exigeants. Dans le quartier de Picadilly, les contraintes d’urbanisme sont telles que la marque n’a pas pu modifier la façade à sa guise, mais le hasard a bien fait les choses puisque celle-ci, avec sa haute et large vitrine en arc de cercle, évoque d’emblée le pot de moutarde ou de cornichons Maille ! Au rez-de-chaussée, l’« orgue à moutardes » focalise l’attention au centre de la boutique. Un vendeur fait goûter les recettes exclusives de moutardes fraiches sur des mini-gressins, selon un rituel de dégustation qui va crescendo dans l’intensité de saveurs. Un peu plus loin, un linéaire dédié reprend l’ensemble des collections éphémères du moment. Côté déco, on retrouve principalement le bois et le laiton, traités de façon contemporaine, mais aussi des moulures qui font écho à l’héritage patrimonial. ... VISIBLE #9 54 FOCUS 55 UN POINT DE VENTE RIEN QU’À SOI… STRATÉGIE DE MARQUE ... En dehors du « brand manifesto » qui édicte la philosophie de la marque, la communication sur le point de vente passe par des éléments muraux en bois peints en noir qui reprennent la forme iconique des étiquettes des pots (étiquettes Fleur de Lys à liseré doré) et qui s’accompagnent de messages à l’attention des clients londoniens. « Want to excite your palate even further ? » 1, peut-on lire en montant l’escalier. Ainsi, l’étage a été conçu pour apporter un supplément d’expérience. « Qu’y propose-t-on que l’on ne trouve pas en bas ? Et comment inciter les gens en monter ? Pour tirer le meilleur parti de cet étage, nous avons choisi d’y mettre en place une proposition encore plus large de moutardes fraiches à la pompe. De plus, c’est le lieu idéal pour accueillir des opérations évènementielles, comme des happennings avec des chefs étoilés, » précise Marie Mallez, Directrice Conseil pour CBA. Ça et là quelques éléments rappellent discrètement l’héritage de la marque : des extraits de l’Almanach des gourmands encadrés et des pots anciens sous cloche en verre. « Mis à part la mention « depuis 1747 » sur nos pots, il y avait peu trace de l’histoire de la marque dans nos points de vente de Paris et de Dijon. Sans faire de la boutique de Londres un « musée », nous avions envie d’y dévoiler au grand public une partie de notre héritage », explique Priscilla Chevalier. De fait, elle voit dans le point de vente dédié bien plus qu’une opération d’image : « Tout ce qu’on raconte en boutique, c’est pour créer du buzz autour de la marque partout où elle est vendue. Il y a une émulation entre les différents réseaux de distribution, ils se complètent. Ainsi, le lancement d’une boutique positionnée haut de gamme renforce l’idée auprès nos clients que la moutarde Maille qu’ils trouvent en grande surface est un luxe à prix accessible ». « Dans un point de vente dédié à une marque, le client n’achète pas seulement un produit, mais une philosophie. On peut amplifier le lien via une expérience multisensorielle pour susciter la mémoire et la préférence, donc à terme une accélération des ventes partout où la marque est présente. » POUR FAIRE LA PROMOTION DES COLLECTIONS SAISONNIÈRES ET SÉRIES LIMITÉES, KAKÉMONOS ET VITROPHANIES INVESTISSENT LA VITRINE. LINDT S’OFFRE UN ÉCRIN À CROQUER ! Autre démarche caractéristique, celle de Lindt qui a ouvert son premier flagship store en septembre 2013, quartier de l’Opéra à Paris. La marque de chocolat possédait déjà 7 boutiques en France, toutes situées dans des villages de marques ou des galeries marchandes d’aéroports. La vocation de celle de Paris est bien différente. « Offrir à nos consommateurs la meilleure expérience chocolat de la Capitale, en mettant en valeur l’identité et le savoir-faire « Maitre chocolatier », baseline de notre logo, dans une atmosphère premium et raffinée » résume Alain Germiquet, PDG Lindt France. Pour la création de ce lieu, la marque a travaillé avec l’architecte italien Costa, spécialisé dans les concepts d’épicerie fine et de restauration premium. Mobilier rectiligne, tons crème et chocolat, ce lieu propose l’assortiment de chocolats Lindt le plus large de France, en tablettes ou au poids. Dégustation possible dans le Chocolat bar où 4 cascades de cacao fondant coulent en permanence. Ancrage dans la tradition mais aussi projection dans la modernité : ce magasin offre une large place au digital. Au fond, un mur de 9 écrans diffuse les gestes des Maîtres Chocolatier filmés en live en train de réaliser des tablettes de chocolat. Par ailleurs, du côté des linaires, des écrans tactiles permettent aux clients de scanner les produits pour obtenir des informations complémentaires (ingrédients, recettes) et bientôt des animations en réalité augmentée. Enfin, au niveau du bar à chocolat, un menu board propose une diffusion en continu de l’histoire de la marque. Pour Marie Mallez de CBA, cette tendance qui pousse certaines marques plutôt vendues en grandes surfaces à développer leur propres boutiques est loin d’être anecdotique. « En 2012, nous avons aussi accompagné les cafés Malongo dans cette démarche, et depuis nous avons été consultés par d’autres marques dont nous ne pouvons pas encore parler. On constate que les motivations sont diverses, même si on retrouve à chaque fois la volonté de développer une relation directe avec le consommateur. En revanche, il ne faut pas toujours y voir le démarrage d’un vrai réseau. Pour certaines, c’est un test avant d’aller plus loin. Pour d’autres, la boutique est plutôt conçue comme C.C. un étendard, un lieu ‘extra-ordinaire’ ». DERRIÈRES LES ÉCRANS (SAMSUNG ET NEC), LA TECHNOLOGIE CARLIPA ONLINE PERMET LA GESTION ET LA MAINTENANCE À DISTANCE. La dimension « connectée » de la boutique Lindt a été pensée bien en amont, avec l’agence CB’A, afin que le digital s’intègre harmonieusement au concept architectural. L’agence Carlipa, spécialisée en digital retail, a fourni et intégré tous les équipements digitaux, soit 12 dispositifs au total. Écrans plats, bords ultra-fins : « Le digital est utilisé comme levier pour moderniser le point de vente, mettre en avant l’histoire, le savoir-faire de la marque et valoriser les produits. La technologie renforce l’expérience client et séduit davantage les consommateurs », souligne Clémence Gourbat, Responsable Marketing & Communication pour Carlipa. Les contenus sont intégrés à la ligne éditoriale et diffusés sur les différents dispositifs digitaux, depuis la plateforme logicielle Carlipa Online. Carlipa assure également la maintenance. Et Clémence Gourbat de noter : « Cela facilitera le déploiement si demain Lindt souhaite ouvrir d’autres boutiques, y compris à l’étranger ». 1 Envie d’une expérience gustative encore plus excitante ? Marie Mallez, CBA VISIBLE #9 09/2014 VISIBLE #9