Entretien avec l`écrivain Jean-Claude Mourlevat - Institution Saint-Paul
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Entretien avec l`écrivain Jean-Claude Mourlevat - Institution Saint-Paul
Juin 2008 / 1 C.D.I. Entretien avec l’écrivain Jean-Claude Mourlevat Le 6 juin 2008, deux classes de 4ème et deux classes de 3ème ont eu la possibilité de converser librement avec le romancier Jean-Claude Mourlevat. Cet échange reposait sur l’étude approfondie de l’ouvrage intitulé « Le combat d’hiver » publié chez Gallimard Jeunesse en 2006. Les élèves avaient au préalable bénéficié d’une approche pluridisciplinaire de cette œuvre. En français, bien sûr, une étude thématique du roman avait été réalisée (par Mmes Crot et Dubois). En arts plastiques, pour certains, une séquence pédagogique (mise en place par Mme Arnoux) autour de l’illustration de la première de couverture avait permis la réalisation individuelle d’une scène marquante de l’histoire. Enfin en éducation musicale, pour d’autres, l’initiation à l’opéra (proposée par Mme Farjot) avait contribué à une meilleure connaissance du chant lyrique. Résumé de l’ouvrage : Dans un pays imaginaire, des orphelins résident dans un internat qui ressemble à une prison. Cet hiver-là, une lettre leur révèle qu'ils sont les enfants d'une génération d'hommes et de femmes éliminés une quinzaine d'années plus tôt par la faction totalitaire qui a pris le pouvoir. Quatre d'entre eux projettent de s'évader. Institution Saint-Paul - 9, rue de la Paix BP 286 42016 St-Étienne Cedex 1 Tél : 04 77 49 50 80 Juin 2008 / 2 D’après la quatrième de couverture : Le combat d'hiver est celui de quatre adolescents, évadés de leur orphelinat-prison, pour reprendre la lutte perdue par leurs parents, quinze ans plus tôt. Ont-ils la moindre chance d'échapper aux terribles «hommes-chiens» lancés à leur poursuite dans les montagnes glacées ? Pourront-ils compter sur l'aide généreuse du «peuple-cheval» ? Survivront-ils à la barbarie des jeux du cirque réinventés par la Phalange ? Leur combat, hymne grandiose au courage et à la liberté, est de ceux que l’on dit perdus d'avance. Et pourtant… Et voici le compte-rendu de cet échange que chaque participant s’est accordé à trouver convivial et enrichissant. Jean-Claude Mourlevat écrit depuis 10 ans. Il vit à Saint-Just sur Loire et travaille actuellement à son onzième roman. Il n’a pas toujours été écrivain. Il a enseigné l’allemand pendant 6 ans, a fait du théâtre, et ne songeait pas à devenir écrivain « ça s’est fait tout seul ». Mais peu à peu il a pris conscience qu’il pouvait vivre de son art. Lorsqu’il écrit, il tire le fil de l’histoire, il ne sait pas où il va. L’histoire se crée elle-même et parfois des modifications sont nécessaires pour rendre possible ce qu’il vient d’inventer. Florilège de questions/réponses : Votre livre va-t-il être adapté au cinéma ? Jean-Claude Mourlevat : Il en est question, des réalisateurs sont intéressés mais il faut trouver un producteur qui accepte de financer ce projet, ce qui n’est pas facile. Si cela se fait j’espère pouvoir participer à l’adaptation car passer du texte à l’image est un travail passionnant. Pourquoi avez-vous inventé une chanson révolutionnaire ? J.C.M. : Mon roman n’est pas situé dans l’espace et dans le temps, je ne voulais pas utiliser une chanson avec des références de notre pays, de notre époque, « Le temps des cerises » par exemple. C’est pourquoi j’ai créé « le petit panier ». A part l’internat, y a-t-il d’autres éléments autobiographiques dans ce roman ? J.C.M. : J’ai fait 8 ans d’internat en effet, c’est douloureux. Les « consoleuses » de ce roman sont inspirées de cette époque. Nous avions le droit les jeudis de sortir 2 heures en ville pour rejoindre nos correspondants (familles d’accueil). C’était 2 heures de liberté. Rien d’autre n’est tiré de mon expérience personnelle mais tout ce que j’invente provient d’évènements qui m’ont inspiré, que j’ai vécus… Par exemple le plongeon de Miléna et de Bartoloméo dans le lac gelé. J’ai fait la même chose au Québec lors de mon voyage de noces… J’ai envie de dire : « Dans ce livre, j’ai tout inventé mais je pourrais dire aussi que je n’ai rien inventé. La culture circule, on prend des bribes ici et là… ». J’avance dans l’histoire à la lanterne. Je chemine pas à pas et à la fin de l’histoire je me dis que finalement il n’y avait qu’un seul chemin possible. La musique ? Pour écrire j’ai besoin de m’imprégner de l’univers du roman. La musique accompagne l’écriture. Souvent pendant que j’écris, tout le cd défile, se termine mais je continue à écrire, je suis parti… Pour ce roman j’ai écouté « en boucle » Kathleen Ferrier, c’est une contralto (la voix la plus basse du registre féminin) dont le timbre m’émeut profondément. Institution Saint-Paul - 9, rue de la Paix BP 286 42016 St-Étienne Cedex 1 Tél : 04 77 49 50 80 Juin 2008 / 3 Pourquoi avez-vous fait mourir Milos ? J.C.M. : Sans la mort de Milos la fin du roman serait faible. Dès le début je savais que Milos ne «passerait pas l’hiver », qu’il serait le prix à payer pour parvenir à la liberté. Il était celui qu’il fallait sacrifier. Les autres personnages, eux, ont évolué peu à peu tels que les Hommes chiens et les Hommes chevaux. Qu’est-ce qui vous a inspiré ces personnages ? J.C.M. : Les Hommes chiens sont des animaux fantastiques, fruits de la science. Les Hommes chevaux, eux, sont des Hommes mais très massifs. Ils ont le sens du bien et du mal. Ils sont fidèles. Quelle est la véritable héroïne du roman ? Le personnage de Miléna est une figure héroïque. Elle est belle, elle a une voix admirable, de la grâce. Mais Helen, elle, se révèle profondément humaine. Elle n’est pas exceptionnelle, elle est comme nous, elle est proche de nous. Pourquoi avoir nommé ce pouvoir autoritaire « la phalange » ? J.C.M. : J’avais en tête l’image du poing, quelque chose de brutal, de viril. C’est pourquoi j’ai choisi la phalange, mais n’y voyez aucune allusion à la guerre d’Espagne. C’est un régime autoritaire qui réinvente les jeux du cirque, les combats de gladiateurs. Van Vlyck, son représentant dans le roman, est massif et brutal. Il est entré dans la Phalange par vengeance, après avoir été repoussé. L’amour qu’il a éprouvé autrefois pour la mère de Miléna témoigne cependant d’un reste d’humanité. Pourquoi ne situez-vous pas précisément les évènements dans le temps et l’espace ? J.C.M. : Je procède toujours comme cela. Je donne ainsi un caractère plus universel à l’histoire. Si on la délimite très précisément, il faut alors être très documenté sur la question. Cependant le lecteur peut très bien situer ce roman au milieu du 20e siècle, dans un pays d’Europe de l’Est. Prenez-vous du plaisir à écrire ? J.C.M. : Heureusement, je prends beaucoup de plaisir en écrivant même si parfois l’écriture confine à la torture. Lorsque le doute s’installe je suis dans tous mes états… Après ce fructueux échange de questions-réponses durant lequel les élèves ont prouvé qu’ils connaissaient en détails tous les ressorts de son récit, Jean-Claude Mourlevat s’est plié avec bonhomie à l’incontournable séance de dédicaces à laquelle tout auteur célèbre est soumis. Nos collégiens, encore stupéfaits d’avoir eu l’opportunité de dialoguer avec un écrivain « en chair et en os », sont donc repartis (pour une fois bien après la sonnerie), ravis de conserver une trace de son passage et impatients de découvrir bientôt son nouveau roman … Véronique Crot (professeur de français) et Isabelle Jamm (documentaliste) Institution Saint-Paul - 9, rue de la Paix BP 286 42016 St-Étienne Cedex 1 Tél : 04 77 49 50 80