PPL CRPC – DG - Jacques Mézard

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PPL CRPC – DG - Jacques Mézard
Séance du 23 janvier 2014 (compte rendu intégral des débats)
COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PREALABLE
DE CULPABILITE
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe du RDSE, la discussion
de la proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (proposition
n° 13, texte de la commission n° 121, rapport n° 120).
Dans la discussion générale, la parole à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous
remercier pour votre présence. Nous avons toujours plaisir à dialoguer avec le ministre
chargé des relations avec le Parlement. Néanmoins, une fois de plus, je constate que,
quel que soit notre plaisir de vous voir siéger au banc du Gouvernement, aucun ministre
directement en charge des dossiers n'est là pour discuter avec le groupe du RDSE.
Pour le débat qui aura lieu tout à l'heure, on nous a répondu que nous avions averti trop
tard. En ce qui concerne cette proposition de loi, en revanche, cela fait plusieurs mois
qu'elle est inscrite à l'ordre du jour de nos travaux.
Mais nous avons pris l'habitude de cette absence de considération envers notre groupe.
Plusieurs orateurs sont déjà intervenus ce matin sur la CRPC et nous constatons que
certains d'entre eux n'ont pas changé d'avis depuis dix ans.
Notre collègue Jean-Jacques Hyest vient d'illustrer cette position. Mes convictions,
opposées aux siennes, sont également restées inchangées depuis dix ans, car je
maintiens, à titre personnel, un certain nombre de réserves sur cette procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Je note d'ailleurs, monsieur le ministre, que sur le dossier de la CRPC, comme hier sur
celui du non-cumul, vous faites partie des nouveaux convertis…
Si cette procédure pose certaines difficultés, elle présente des avantages que nous ne
méconnaissons pas, en particulier la rapidité dans le traitement des dossiers. Les
données chiffrées que vous avez fournies, monsieur le ministre, sont intéressantes, car
elles montrent que cette procédure permet d'« évacuer » – le mot n'est peut-être pas
très beau, mais il correspond à la volonté du ministère – le maximum de dossiers, en
allant trois, quatre ou cinq fois plus vite.
Dès lors, pourquoi exprimons-nous depuis longtemps des réserves sur la CRPC ?
Je ferai tout d'abord observer que nous sommes un pays de droit romain. Or, depuis de
nombreuses années, on nous explique que le droit anglo-saxon a des vertus uniques en
matière de respect des droits de la défense, et dans bien d'autres domaines encore.
D'ailleurs, depuis l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne, nous
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constatons que le poids de la procédure anglo-saxonne à l'échelon européen est de plus
en plus lourd, ce qui constitue un réel problème. Non pas qu'il ne faille pas s'intéresser à
ce qui se fait ailleurs, mais notre tradition juridique et celle des pays anglo-saxons sont
très différentes.
Ce qui nous inquiète dans la CRPC, monsieur le ministre, c'est la distribution de la peine.
Mme Cécile Cukierman. C'est clair !
M. Jacques Mézard. Je caricature un peu – comme à mon habitude, direz-vous, donc je
vais au-devant de vos critiques –, mais les justiciables ont bien compris le problème. En
bref, on vous dit : « Monsieur, vous avez commis tel délit. Vous le reconnaissez. Si vous
acceptez la CRPC, cela se passera bien. Sinon, vous irez à l'audience et votre peine
risque d'être beaucoup plus lourde. » Telle est la réalité, je l'ai vécue comme
professionnel. Il faut donc prendre garde à cette dérive.
Certes, la plupart des professionnels, des syndicats et des auxiliaires de justice affirment
que, sur le terrain, cette procédure fonctionne plutôt bien, parce que ne sont dirigés vers
la CRPC que des dossiers posant peu de problèmes. C'est certainement vrai. Voilà qui
explique l'excellent travail réalisé par notre rapporteur pour rogner les ailes à ma
proposition de loi (Sourires.), à juste titre du reste, car l'efficacité est toujours une chose
appréciable.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le RDSE est pluraliste !
M. Jacques Mézard. Tout à fait, monsieur le président de la commission. C'est ce qui le
distingue d'autres groupes, que je ne nommerai pas ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non, nous ne les
nommerons pas !
M. Jacques Mézard. Cela étant, il suffit qu'apparaisse une volonté politique d'utiliser
différemment la CRPC pour que cette dernière constitue un véritable danger pour le
respect des droits de la défense. Ce n'est pas le cas aujourd'hui ; dont acte. Cela n'a pas
non plus été le cas hier ; dont acte également. Au reste, la plupart de nos magistrats
sont démocrates et respectueux des lois de la République et des droits de la défense.
Néanmoins, avec l'accumulation des dossiers, la volonté de les évacuer au plus vite est
de plus en plus forte. Ce type de procédure présente donc un risque, c'est une réalité. En
outre, Jean-Jacques Hyest et d'autres l'ont mentionné, se pose évidemment le problème
des droits de la défense, auquel on ne peut pas être sourd. Pour notre part, nous
considérons que l'évolution de ce type de procédure peut être dangereuse, et on ne peut
pas ne pas parler de la question de l'échelle des peines.
Cela pose un véritable problème aujourd'hui, car, eu égard aux faits commis, mais aussi
à l'évolution de la société, nos concitoyens ne peuvent pas comprendre la nature des
peines prononcées et les différences qui existent entre elles. Quand un avocat explique à
son client que, pour telle infraction, il risque sept ans ou dix ans de prison – c'est vrai,
c'est inscrit dans le Code pénal –, il nous répond que le système est complètement fou !
C'est ce que les avocats entendent tous.
En revanche, certaines infractions ont connu des évolutions dans le sens contraire.
Comme d'autres avant moi, monsieur le ministre, je constate que, depuis quelques
d'années, il existe une volonté d'écarter des audiences un certain nombre d'infractions
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économiques. Pour certaines d'entre elles, cela se comprend parfaitement, mais pour
d'autres, je ne pense pas que cette évolution ait constitué un progrès pour la démocratie.
Je tenais donc à dire que nous sommes nous tout à fait dans la continuité de nos
convictions profondes et que nous acceptons bien volontiers le travail accompli par la
commission et son rapporteur, parce qu'il constitue un progrès.
Je me doute que, avec les textes qui sont annoncés en matière de droit pénal, tous ces
sujets seront revus à l'aune des grands projets de Mme le garde des sceaux... Nous
aurons donc l'occasion d'en débattre de nouveau et de faire connaître à cette dernière, si
nous la voyons au Sénat, la position de notre groupe. (Applaudissements sur les travées
du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
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