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Séminaire « L’Intégration Economique du Maghreb : Le rôle du secteur privé » Synthèse et conclusions Carrefour des Affaires et de Technologies, CAT’2014 16 Octobre 2014, Parc du Kram – Tunis Programme définitif Ouverture 14.30 – 15.00 M. Habib Ben Yahia, Secrétaire général, Union du Maghreb Arabe (UMA) Mme Irène Mingasson, Chef d'unité, Programmes régionaux voisinage sud, Commission européenne La coopération sectorielle accélératrice d’intégration : les propositions du secteur privé 15.00 – 18.15 Cadrage M. Jean-Pierre Chauffour, Economiste principal, Banque Mondiale Table ronde M. Abderrahmane Bayade, Confédération Générale des Entreprises Algériennes (CGEA) M. Slim Ben Amar, Vice-Président, Centre des Jeunes Dirigeants International (CJD) Samir Bechouel, Premier conseiller Directeur des études et de la formation, Accord D’Agadir M. Tarek Cherif, Président, Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) M. Samir Majoul, Vice-Président, responsable des pays de l'UMA M. Slim Othmani, Fondateur, Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE) M. Hicham Zoubairi, Président, Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise Maroc (CJD) M. Aziz Zouhir, Président, Groupes SOTUPA et SANCELLA Maghreb Discussion ouverte avec l’audience Perspectives et propositions pour l’intégration économique au Maghreb Présentation des recommandations opérationnelles M. Claudio Cortese, Secrétaire Général Adjoint, Union pour la Méditerranée (UpM) Cadrage Contexte Le Maghreb est une des régions économiquement les moins intégrées au monde. Le volume des échanges commerciaux intermaghrébins qui ne dépasserait pas 3% du total des échanges commerciaux avec l’extérieur, alors que pour les autres groupements économiques il est de 60% environ pour les pays de l’Union Européenne, 56% pour l’ALENA, 23% pour l’ASEAN, 13% pour le COMESA et 19% pour le CEN-SAD. Le volume des investissements inter pays du Maghreb plafonnerait lui aussi autour de 5%. Depuis 2011 et les évènements politiques qu’ont connu les pays arabes, la question de l’intégration maghrébine a pourtant semblé subalterne en comparaison des nécessaires efforts qu’il fallait concentrer aux processus de transition au niveau des pays. En 2012, le Centre pour l’intégration en Méditerranée (CMI) qui fédère les principaux bailleurs et experts qui interviennent en Méditerranée, publiait néanmoins un rapport de diagnostic et des recommandations très complet sur les voies de l’intégration économique entre les pays du partenariat de Deauville, dont font partie la Libye, le Maroc et la Tunisie. Les 16 « méta-préconisations » produites par le rapport adressent notamment les enjeux sectoriels et concernent l’accès au marché, la compétitivité, la facilitation du commerce et l’inclusion. Elles portent autant sur les mesures à mettre en place au niveau national que sur des actions de coordination entre pays. En février 2014, les représentant du secteur privé maghrébin (Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc, Tunisie) réunis à Marrakech à l’initiative des marocains pour le 3ème forum des entrepreneurs maghrébins, lançaient une initiative maghrébine pour le commerce et l’investissement. Dans les conclusions des travaux, les participants faisaient état d’une impressionnante liste de 24 mesures qui portent principalement sur l’homogénéisation et la fluidification des pratiques et règlements entre les pays du Maghreb, en vue de relancer la dynamique d’intégration économique au Maghreb. Ainsi la question de l’intégration économique maghrébine, dont les bénéfices sont connus et rappelés régulièrement, revient au cœur des préoccupations. Il faut noter que cette question est également centrale dans le préambule de la nouvelle constitution marocaine adoptée en juillet 2011. Focus sur les investissements et partenariats étrangers au Maghréb L’Observatoire MIPO (Mediterranean Investment Project Observatory) enregistre toutes les annonces de projets d’investissements étrangers (IDE) et de partenariats d’entreprise (JV, franchises, coopérations technologiques ou commerciales, bureaux de représentation, enseignes etc.) qui associent les pays du sud de la Méditerranée. Il recense plus de 6500 annonces d’IDE et 2000 partenariats depuis le 1er janvier 2003. Les données présentées ici font état des données de l’observatoire MIPO concernant les pays du Maghreb. Investissement Directs Etrangers (IDE) Origine des IDE intra-maghrébins : Très peu de projets algériens car la législation algérienne interdit aux entrepreneurs algériens d’investir à l’étranger (exceptions : Sonatrach et 1 projet d’une PME pharmaceutique, El Kendi) La Libye était un investisseur important via ses fonds en Tunisie et au Maroc, mais net ralentissement depuis renversement du régime Khaddafi. Surtout dans le secteur du tourisme. Page 2 Le Maroc pourrait jouer un plus grand rôle, mais les différents politiques avec son voisin algérien freinent les investisseurs en Algérie. Plusieurs projets en Tunisie, notamment bancaires. La Tunisie est le premier investisseur intra-maghrébin avec plus de la moitié des annonces (33 sur 62) ; les secteurs d’investissement sont diversifiés avec prédominance pour agroalimentaire et automobile. Deux tiers des annonces concernent les secteurs Tourisme (investisseurs libyens surtout), Agro-alimentaire (Tunisie), Banque (Maroc), Distribution, Ingénierie & services aux entreprises et Constructeurs automobiles & équipementiers. Fig 1. IDE en montants annoncés dans les pays du Maghreb, 2008-2013 (€m) 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 8 000 2011 2012 2013 7 577 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 519 1 300 1 000 637 0 Algérie Libye Maroc Tunisie Fig 2. IDE en nombre de projets annoncés dans les pays du Maghreb, 2008-2013 120 100 91 80 60 43 40 40 20 5 0 Algeria Libya 2008 2009 Morocco 2010 2011 2012 Tunisia 2013 Page 3 Fig 3. IDE intra-maghrébins en nombre de projets annoncés, 2008-2013 8 7 6 5 4 3 3 2 2 2 1 0 Algeria Libya 2008 2009 Morocco 2010 2011 2012 Tunisia 2013 Algérie : 13 projets tunisiens et seulement 2 projets marocains (contexte politique oblige… Tout porte à croire que les Marocains seraient au moins aussi nombreux que les Tunisiens si les problèmes entre Maroc et Algérie étaient résolus). Secteurs très variés (15 projets dans 11 secteurs différents), projets le plus souvent portés par des grandes entreprises et PME. Libye : 7 projets tunisiens et 1 projet marocain, dans des secteurs très variés également, portés par des PME et des grandes entreprises. Malheureusement peu de projets depuis 2010 (contexte…). Maroc : 20 projets, 2012 et 2013 ont été de bons crus (avec respectivement 5 et 3 annonces). Fonds d’investissement libyen était un investisseur important en 2009 (6 projets dans énergie et tourisme notamment). Depuis, 13 projets tunisiens et 1 projet algérien (les Algériens ne sont pas autorisés à investir à l’étranger…). 3 secteurs de prédilection des investisseurs tunisiens : Agribusiness (Poulina notamment) ; Car manufacturers or suppliers (notamment le constructeurs de filtres automobiles Misfat qui s’est implanté à Casablanca en 2010 puis à Rabat en 2013) et Distribution (Monoprix – groupe Mabrouk). Tunisie : premier investisseur intra Maghrébin et quasi ex aequo avec le Maroc avec 19 annonces d’IDE entre 2008 et 2013. Comme au Maroc, plusieurs annonces de fonds libyens, notamment Lafico, avec une prédilection pour le tourisme, mais en fort recul depuis 2011. 1 seule annonce algérienne, et 8 projets marocains dont la moitié dans le secteur bancaire (expansion marocaine dans la sous-région dans ce secteur). Voir listes des annonces d’IDE en annexe Projets de partenariats 35 annonces de partenariats intra Maghreb : Annonces bien distribuées par pays, avec un essor marqué pour la Libye post Khaddafi (2012, 2013) – surtout des ouvertures de lignes aériennes. Origine : la domination tunisienne est encore plus marquée pour les partenariats que pour les IDE (21 projets = deux tiers des annonces). Maroc : 8 annonces, Libye : 5, Algérie : 1. Secteurs : 16 partenariats dans le secteur du transport (ouvertures de lignes aériennes vers la Libye essentiellement), 7 dans Consulting and services to companies. Page 4 Fig 4. Partenariats en nombre de projets annoncés au Maghreb (2008-2013) 120 100 83 80 60 34 40 25 19 20 0 Algeria Libya 2008 2009 Morocco 2010 2011 Tunisia 2012 2013 Fig 5. Partenariats intra Maghreb (2008-2013) 7 6 5 5 4 3 2 2 2 1 1 0 Algeria Libya 2008 2009 Morocco 2010 2011 2012 Tunisia 2013 Voir listes des annonces de partenariats en annexe Problématique du séminaire Dans ce contexte où les experts, les principaux bailleurs et les premiers concernés que sont les entreprises interpellent sur la relance d’une dynamique d’intégration au Maghreb et proposent des feuilles de route très développées, les partenaires de l’Union européenne qui mettent en œuvre le projet Euromed Invest ont souhaité participer, à leur niveau, au soutien de cette démarche. L’ampleur de la tâche est illustrée par le volume des recommandations proposées, qui interpellent en premier lieu les dirigeants des pays concernés, mais aussi leurs administrations, les banques nationales et les opérateurs privés ainsi que leur organisations représentatives, au niveau national et maghrébin. A la lecture des propositions, l’ordonnancement et la séquence de mise en œuvre des mesures préconisées semble devoir être adressée en priorité, au risque de décourager les parties prenantes interpellées. Page 5 Un certain nombre de questions doivent donc devoir être débattues, afin d’offrir des perspectives à court et moyen terme et de permettre de visualiser des points d’étape atteignables dans ce processus d’intégration économique au Maghreb. Dans la mesure où l’on ne maîtrise pas le processus politique d’intégration, ni les agendas nationaux de réforme, quels domaines et secteurs d’activité cibler en priorité pour faire avancer l’intégration aujourd’hui ? Quels objectifs atteignables se fixer pour une première étape ? Quelles sont les expériences qui ont montré des résultats et peuvent constituer des exemples à suivre ? Quels rôles peuvent jouer les différents acteurs non gouvernementaux : secteur privé, secteur bancaire, administrations, bailleurs de fonds internationaux, Union européenne ? Objectifs Pour débattre de ces questions, la conférence de Tunis réunira des représentants du secteur privé, parmi lesquels certaines fédérations d’employeurs ayant participé à la conférence de Marrakech et des représentants des jeunes dirigeants d’entreprise, ainsi des organisations internationales qui œuvrent au processus d’intégration économique au Maghreb ou en Méditerranée. Les objectifs de la conférence sont : Rappeler les opportunités et les gains de l’intégration économique du Maghreb ; Tirer les enseignements d’expériences d’intégration maghrébines vécues par des entrepreneurs ; Identifier les secteurs et chaînes de valeur qui présentent le plus de potentiel dans le contexte actuel pour favoriser l’intégration entre les pays du Maghreb ; S’accorder sur un certain nombre d’actions concrètes permettant de lancer la dynamique d’intégration, et qui pourront être initiées par les acteurs non gouvernementaux. Page 6 Conclusions Discussion Lors des allocutions d’introduction, la représentante de la Commission européenne appelle les hommes d’affaires à faire des propositions précises et concrètes, en promettant de s’en faire le relais auprès de son institution pur que l’appui à la mise en œuvre de ces propositions soit étudié. Le Secrétaire Général de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) souligne que la situation économique actuelle crée une urgence d’intégration. Il rappelle en effet que l’intégration économique pourrait créer de 40000 à 50000 emplois et 2% de croissance des économies. Il rappelle l’utilité de la réunion de Marrakech et précise qu’elle a été suivie de visites d’entreprises entre les pays. Un sentiment de frustration chez les chefs d’entreprise Les industriels invités à s’exprimer dans le panel ont fait part de leur sentiment de frustration face à cette intégration économique du Maghreb qui a selon eux plutôt tendance à reculer qu’à avancer. De nombreuses barrières sont rappelées qui semblent indiquer que les autorités nationales des pays maghrébins font état d’un protectionnisme accru quand il s’agit de leurs voisins : permis de séjour pour le personnel expatrié plus contraignant que pour les expatriés européens, mesures fiscales protectionnistes malgré les accords de libre échange en vigueur, complexité douanières et variabilité des certificats requis, limitation des investissements à l’étrangers de la part des autorités nationales qui limite la capacité d’expansion. Au final, c’est un manque de confiance envers les voisins qui est noté, qui émane autant des autorités que des organisations représentatives des entreprises. Ces dernières se voient en effet reprocher leur manque d’indépendance par rapport aux postures politiques des Etats, et par conséquence le peu d’écoute dont bénéficient les chefs d’entreprises vis-à-vis des autorités sur cette question de l’intégration maghrébine. Un militantisme qui ne veut pas désarmer Pour autant, les chefs d’entreprises et leurs représentants insistent sur la nécessité de poursuivre et de renforcer leurs actions de lobbying pour faire bouger les autorités, y compris en en revisitant la forme. Il est notamment proposé que les entreprises qui pèsent dans la région et qui ont un intérêt à cette intégration économique maghrébine s’organisent entre elles pour solliciter directement les autorités à haut niveau sur ces questions, afin d’outrepasser l’immobilisme des fédérations d’employeurs. Il est également proposé que les efforts soient tournés en priorité vers l’organisation de manifestations en Algérie et au Maroc, qui sont les deux pays qui peuvent dénouer les blocages auxquels cette intégration est confrontée. Un certain nombre de gestes symboliques sont réclamés, qui dépassent le champ des affaires et pourraient participer à faire avancer l’intégration : compatibilité des permis de conduire, manifestations sportives maghrébine (coupe maghrébine de football, jeux universitaires), etc. La rencontre de volley ball au dessus de la frontière algéro-marocaine organisée par les jeunes dirigeants des deux pays le 31 octobre 2014 va dans ce sens. Les participants regrettent également l’absence de dialogue entre les administrations des pays du Maghreb, estimant qu’une coordination entre elles améliorerait déjà la situation. Il est souligné que le monde Arabe est probablement la zone qui dispose du plus d’accords commerciaux au monde, mais que ceux-ci ne sont pas appliqués. Page 7 Globalement, l’ensemble des participants estime en effet que l’intégration économique ne pourra venir que d’une impulsion politique forte et commune, une vision stratégique partagée, y compris au niveau économique. Le secteur privé doit néanmoins contribuer à faire émerger cette vision. Une offre maghrébine à améliorer Parmi les secteurs cités comme prioritaires pour engager une intégration, l’énergie, l’agroalimentaire, la logistique semblent les plus porteurs de synergie et répondent à des problématiques de dépendance et d’interdépendance mutuelles. Le secteur des services qui est le parent pauvre des accords de libre échange semble également porteur de potentiel à court terme, dans la mesure où il s’affranchit des contraintes logistiques et douanières. Les participants insistent aussi sur la nécessaire intégration des services financiers, pour permettre des financements croisés, voire des cotations mutuelles sur les bourses des différents pays. Ils plaident pour le déploiement de banques maghrébines qui puissent accompagner le développement des entreprises dans la région. Il est souligné que la relative faible offre exportable en provenance du Maghreb peut expliquer en partie l’intégration économique limitée entre les pays. Elle est liée au niveau de l’industrie maghrébine qui doit nécessairement continuer à progresser, mais aussi à son manque d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Dans le processus de globalisation qui n’épargne pas les pays maghrébins, les entreprises doivent s’adapter aux nouvelles formes du commerce mondial et s’inscrire dans des chaînes de compétences. Cela nécessite une montée en gamme tant au niveau des processus industriels, notamment en sachant intégrer les technologies produites ailleurs, que des ressources humaines. Propositions Une fois les constats et enjeux dressés, les participants se sont attachés à formuler un certain nombre de propositions pour faire avancer l’intégration économique au Maghreb. 1) Développer des chaînes de valeur maghrébine. Face au manque de connaissance des marchés voisins par les entreprises maghrébines, les participants ont convenu qu’il serait utile de mener un travail d’identification des complémentarités industrielles entre les pays du Maghreb et d’intégration des chaînes de valeur maghrébines. Ce travail pourrait comprendre les étapes suivantes : Inventaire des compétences industrielles dans les pays pour identifier les « métiers » des différents pays et les débouchés de l’offre industrielle de chaque pays ; Identification des chaines de valeur intra-maghrébine et des marchés extérieurs pouvant être adressés par une offre intégrant de la valeur maghrébine. Ce travail d’identification pourrait être dynamique, et piloté par des groupes de travail sectoriels associant des entreprises de chaque pays, qui pourraient présider à la création de fédérations sectorielles d’employeurs maghrébines si nécessaire ; Création d’une bourse maghrébine de la sous-traitance sur ces chaines de valeur identifiées, qui pourrait être animée par les agences de promotion des exportations des pays ou les fédérations d’employeurs, via une plateforme en ligne. 2) Poursuivre la montée en gamme de l’industrie maghrébine L’enjeu est de doter le Maghreb d’une offre exportable, dont l’insuffisance aujourd’hui peut expliquer en partie la faible intégration sous régionale. Cela implique une meilleure capacité à intégrer les technologies développées ailleurs et un processus de mise à niveau et d’aide à l’investissement. Page 8 Des programmes allant dans ce sens pourraient comporter : La mise à niveau individuelle des entreprises, comme actuellement menée par les programmes d’appui européen ou par la BERD ; Le développement de partenariats et de sous-traitance avec des industries technologiques basées à l’étranger pour capitaliser du transfert de savoir faire ; L’appui au développement de réels pôles technologiques et clusters, qui impliquent la mise en place de projets collaboratifs d’innovation entre grandes entreprises, PME, laboratoires de recherche au sein des pôles. 3) Développer un véritable lobbying de la part du secteur privé maghrébin pour obtenir des déblocages Parmi les sujets qui pourraient être plaidés par le secteur privé, semblent prioritaire : S’accorder sur une philosophie économique commune pour que les pays s’accordent sur un modèle de développement compatible avec l’objectif d’intégration économique ; Peser dans la négociation, la promotion et le suivi des accords commerciaux ; Ouvrir des corridors logistiques intra-maghrébins, routiers ou maritimes ; Créer un certificat unique pour les produits maghrébins ; Favoriser la mobilité des compétences en supprimant notamment les titres de séjour, ou en mettant les expatriés maghrébins sur le même pied que les européens par exemple ; Créer des guichets douaniers uniques capables d’accélérer les formalités qui retardent les affaires intra-maghrébines.. Pour palier au manque d’indépendance des fédérations d’employeurs vis-à-vis des postures politiques de leur pays qui est parfois remarqué, il est proposé que les entreprises qui pèsent dans la région et qui ont un intérêt à cette intégration économique maghrébine s’organisent entre elles pour solliciter directement les autorités à haut niveau sur ces questions. De nouveaux forums, instances ou comités associant les chefs d’entreprise, et préoccupés uniquement de questions économiques pourraient émerger de ce processus. Il est également recommandé de poursuivre les rencontres entre hommes d’affaires pour réfléchir et plaider pour l’intégration économique du Maghreb, et de les organiser en particulier en Algérie ou au Maroc qui sont les deux pays qui disposent des clés pour déverrouiller cette intégration. Le Secrétaire Général de l’UMA prend acte de cette proposition et propose l’organisation d’une réunion à Alger associant largement le secteur privé, avant la fin de l’année 2014. 4) Elargir les échanges au-delà du champ économique Il est souligné l’importance de multiplier les dialogues entre hommes d’affaires des pays du Maghreb, non seulement sur ces questions de lobbying, ou de partenariat d’affaires, mais aussi pour lever les freins interculturels qui subsistent entre les pays. De ce dialogue qui pourrait s’élargir à d’autres communautés de la société civile en dehors du monde des affaires, devrait se dégager une vision maghrébine qui intègre au-delà de la dimension économique, les dimensions sociales et culturelles. Il est également recommandé l’organisation de manifestations fédératrices qui renforceraient la création d’une communauté maghrébine des peuples et favoriserait un mouvement de fonds en faveur de l’intégration de la région. Par exemple : la relance des jeux olympiques universitaires maghrébins, la création d’une coupe des clubs de football du Maghreb (type champion’s league). Page 9 Annexe 1 : projets d’IDE intra-maghrébins (source ANIMA-MIPO) Annonces d’IDE intra-maghrébins en Algérie (2008-2013) Year Host country Investor Origin Type of company Poulina / Carthago Major 2008 Algeria Tunisia Ceramic Co. 2008 Algeria AfricInvestTunInvest 2008 Algeria Pireco Tunisia Fund Tunisia Major Co. CGF - Compagnie 2008 Algeria Gestion et Tunisia SME Finances Major 2009 Algeria Loukil Tunisia Co. 2009 Algeria AfricInvestTunInvest Tunisia Fund 2009 Algeria AfricInvestTunInvest Tunisia Fund 2009 Algeria IB Maroc Morocco SME 2010 Algeria Assad Tunisia SME Sector Description FDI (€m) A new plant in Sétif-Hammam Skhouna, built by Carthago Glass, cement, minerals, Ceramic, a subsidiary of Poulina, in partnership (60 / 40) with 15,1 wood, paper local Boulanwar The Pan-African investment fund to purchase a minority stake in Agribusiness the Algerian Agribusiness SME SNAX Consulting and services The consulting company to enter the Algerian market and set up to companies a dedicated affiliate in Alger The financial services company to set up Compagnie Financière Bank, insurance, other d'Algérie (CFA), a subsidiary recently authorised to offer financial services brokerage services Metallurgy & recycling of Tunisian Loukil to acquire a brownfield site in Annaba, to 8 metals manufacture metallic carpentry The Pan-African investment fund to purchase a minority stake in Drugs the Algerian SME Inpha Médis specialised in antibiotic production The investment fund to purchase a minority stake in the Glass, cement, minerals, Algerian SMB Général Emballage specialised in corrugated wood, paper cardboard production The company to acquire a 44% stake in local SERITELEC, a Data processing & provider of solutions for information system creation and 0,07 software management Tunisia's first company in the field of lead to enter Algeria and Car manufacturers or expand its distribution network a opening a first branch in suppliers Annaba Year Host country Investor Origin Type of company 2010 Algeria Tarak Khelifi / TÜV Tunisia SME Maghreb 2010 Algeria TLG / Tunisie Leasing Tunisia SME Major Co. 2010 Algeria STPA Tunisia 2011 Algeria Maille Club Tunisia SME 2013 Algeria Jet ALU Morocco Major Co. Sector Description FDI (€m) The Tunisian businessman to open an office TÜV Algeria Consulting and services through a franchise agreement with the German group, after to companies setting up TUV Maghreb in Tunisia Maghreb Leasing Algeria, the subsidiary of the leasing Bank, insurance, other specialist, to open 5 branches in Algeria to reach a ten branch financial services network in the Maghreb region SMPCA, a 40-60 JV between the group and two Algerian public Chemistry, plasturgy, companies and private Cosme company, to start production in 1,7 fertilizers its new plant in Oran The clothing retailer to open three shops in the Bab Ezzouar Distribution mall in Alger Metallurgy & recycling of The specialist of light facades and transparent works to open a metals subsidiary in Algeria in joint venture with local Cevital Annonces d’IDE intra-maghrébins en Libye (2008-2013) Year Host country Investor Origin Type of company 2008 Libya Poulina Tunisia Major Co. 2008 Libya ETEP / ETEP Libye Tunisia Major Co. 2008 Libya Slama Tunisia Major Co. 2008 Libya Comete Engineering Tunisia SME Sector Description FDI (€m) Public works, real estate, The group to acquire the remaining 60% stake in Lybian public infrastructure works company 'Ettatouir', and to hire 1000 Chinese workers for its local staff Public works, real estate, Entreprise des travaux et d'études de projets to establish ETEP infrastructure Libya, a 65/35 JV, to compete for many construction contracts of Libyan marinas Agribusiness Etablissement Slama Frères to create Nejma Edible Oil, a 60-40 3,4 JV with a local partner, which will package and manufacture vegetal edible oil products Consulting and services Thetechnical, economics and financial engineering group to set to companies up a local subsidiary Page 11 Year Host country Investor 2009 Libya OCP 2009 Libya Servicom 2010 Libya Amen Bank 2012 Libya Origin Type of company Morocco Major Co. Tunisia SME Tunisia Major Co. Mabrouk / SNMVT Tunisia Major Co. Sector Chemistry, plasturgy, fertilizers Electronic ware Bank, insurance, other financial services Distribution Description FDI (€m) The group to partner with Libya Africa Investment Portfolio's 183,5 Libya Oil Holding to build a 800,000 t/y ammonia factory in Libya The networks and telecom systems specialist to set up a subsidiary in Libya named Al Chourouk, dedicated to air conditioning and heating systems Tunisia's second private bank to set up a leasing subsidiary in Libya The owner of the Monoprix franchise in Tunisia to open the first 6 Monoprix stores in Libya by the end of 2013 with a new local partner, HB Group Annonces d’IDE intra-maghrébins au Maroc (2008-2013) Year Host country Investor Origin Type of company Sector 2008 Morocco LAP - Libya Africa Libya Portfolio for Investments / Libya Oil Holding 2008 Morocco Libyan Petroleum / Libya Naft Libya 2008 Morocco Lafico Libya Major Co. Energy 2009 Morocco Lafico Libya Fund Tourism, catering 2009 Morocco Lafico Libya Fund Tourism, catering Transnational Energy Co. Fund Tourism, catering Description FDI (€m) The group to acquire Mobil Oil Maroc from Exxon Mobil (180 service stations in Morocco and a lubricants factory), to be rebranded as Oilibya The Libyan oil corporation to buy the 360-gas stations network of Exxon Mobil Morocco The investment company to buy the 4-star hotel Solazur in 50 Tanger from its Moroccan and Saudi owners, and launch renovation works Libyan Arab Foreign Investment Co to build in Marrakech 44,5 (Agdal) a luxury hotel called Kenzi Menara Palace, to be managed by local Kenzi chain Libyan Arab Foreign Investment Co to build in Casablanca (Twin 78,3 Center) a luxury hotel called Kenzi Tower Hotel, to be managed by local Kenzi Page 12 Year Host country Investor Origin Type of company 2009 Morocco LAP - Libya Africa Libya Major Co. Portfolio for Investments / Libya Oil Holding 2010 Morocco Misfat Tunisia Major Co. 2010 Morocco Poulina Tunisia Major Co. 2010 Morocco El Kendi Algeria SME Splendid Tour / 2010 Morocco Traveltodo Tunisia SME 2011 Morocco Servicom Tunisia SME 2011 Morocco Slama Tunisia Major Co. 2012 Morocco Bitaka Tunisia SME 2012 Morocco Poulina Tunisia Major Co. 2012 Morocco One Tech Tunisia Major Co. Sector Description Chemistry, plasturgy, The group's oil subsidiary to partner with local OCP to build a fertilizers phosphoric acid factory with a 1 million ton/year production capacity in Jorf Lasfar FDI (€m) 128 Car manufacturers or The automobile filter manufacturer to establish Misfat Maroc and 2,45 suppliers to set up a plant in the Sapino industrial zone, near Casablanca Agribusiness The Tunisian conglomerate opérating in Morocco since the 1,6 1980s to open an ice cream manufacture near Casablanca The group, a member of Saudi-Jordanian consortium MS Pharma, to set up a marketing and toll-manufacturing affiliate in Drugs Casablanca The tour operator specialised in online booking to establish a subsidiary in Morocco, Traveltodo Maroc, in order adress the Tourism, catering South-South tourism market 0,8 The network and telecom systems specialist to set up a subsidiary in Morocco, named Servirama, dedicated to heating Electronic ware and air conditioning systems 0,45 The holding group to create, via its agri-food subsidiary GIAS Distribution, a Moroccan affiliate labeled Méditerranéenne des Agribusiness Echanges et Distribution The leader of plastic and smart cards in Tunisia to acquire a 20% stake in Moroccan Marsa Telecom, Meditel's authorised Distribution dealer 1,3 Glass, cement, The holding company to move its corrugated board plant project, minerals, wood, paper initially set to open in Libya, towards Morocco The private industrial group to open an export-oriented plant of Car manufacturers or electronic components for the automotive industry in Kenitra by suppliers late 2013 Page 13 Year Host country Investor Origin 2012 Morocco Mabrouk / SNMVT Tunisia PEC - Plastic Electromechanic 2012 Morocco Company Tunisia 2013 Morocco Misfat Tunisia 2013 Morocco Poulina AfDB - Banque Africaine de 2013 Morocco Développement Tunisia Tunisia Type of company Sector Description FDI (€m) The major retailer to open 15 new outlets in Morocco in 2013 throught its Tunisian franchisee SNMVT Monoprix Tunisie Major Co. Distribution (Mabrouk holding) The automotive maker to set up an export-oriented automotive Car manufacturers or part manufacture in Kenitra's 'Atlantic Free Zone', set to create SME suppliers 500 positions 6,18 The automobile filter manufacturer to acquire 68% of RabatCar manufacturers or based mechanical SME ISTC, its 2nd local affiliate after Misfat Major Co. suppliers Maroc, established in 2010 0,67 The group to increase the capital of its local subsidiary Carven, one of the major poultry companies in Morocco, established near Major Co. Agribusiness Casablanca 0,89 Several institutions including AfDB to buy 20% of Mass Céréales Transnational Al Maghreb (Holmarcom holding), a grain terminal operator, Co. Agribusiness through the Arif Fund Annonces d’IDE intra-maghrébins en Tunisie (2008-2013) Year Host country Investor Origin 2008 Tunisia Libyan Petroleum / Libya Naft Libya Type of company Sector Transnational Energy Co. 2008 Tunisia Attijariwafa Bank Morocco Major Co. 2008 Tunisia Lafico / Laaico Libya Fund Bank, insurance, other financial services Tourism, catering Description FDI (€m) The group is to buy the assets of Exxon Mobil Tunisia, i.e. a network of 380 gas stations plus 2 asphalt factories in Tunis and Sfax The former Banque du Sud, now dominated by the tandem 3,75 formed by Santander and Attijariwafa Bank, to spend TND 25 mln in new headquarters The Libyan Arab African Investment Company to acquire a 100% of COMMERT, the holding owning the 4-stars hotel Karthago Djerba Page 14 Year Host country Investor Origin Type of company Sector 2008 Tunisia Lafico / Laaico Libya Fund Tourism, catering 2008 Tunisia Lafico / Laaico Libya Fund Tourism, catering 2008 Tunisia Lafico / Laaico Libya Fund Tourism, catering 2008 Tunisia Rekrute.com Morocco SME 2010 Tunisia INVOLYS Morocco SME 2010 Tunisia Al Naseem Libya 2010 Tunisia Attijariwafa Bank Morocco Major Co. 2010 Tunisia Sonatrach Algeria Major Co. Bank, insurance, other financial services Energy 2011 Tunisia Lafico / Laaico Libya Tourism, catering 2011 Tunisia Dimelco Morocco Major Co. Distribution 2011 Tunisia Arrawafed Oil Services Libya Consulting and services to companies Major Co. Fund SME Consulting and services to companies Data processing & software Agribusiness Description The Libyan Arab African Investment Company to acquire a 100% of SERT, the holding owning the 5-stars hotel Karthago Hammamet The Libyan sovereign fund to acquire 100% of Karthago Hammamet and Karthago Djerba hotels The investment arm of the Libyan government to create with the Tunisian Travel Services Group (TTS), the 51/49 JV Laico Hotels Management Company The company specialised in the e-recruitment of executives to set up a branch in Elgazala technopark, in Ariana in order to launch in Tunisia The software publisher to set up an affiliate in Tunisia with a capital of EUR 52,000 The company to partner with Tunisian Gias to establish a JV also named Al Naseem to manufacture and distribute Nestle ice creams in Tunisia The group to launch a new business bank, Attijari Finance Tunisie, through its local subsidiary in which it holds 53% stake with Spanish Santander The oil giant to partner with Tunisian ETAP to explore the Kaboudia block in the Gulf of Hammamet through their joint company Numhyd The sovereign fund to further invest in Tunisia in spite of the political context in Libya by acquiring the 'Hôtel du Lac' in Tunis The distributor of electronic measuring devices to open a subsidiary in Tunisia, in Monastir The oil engineering and services company to inaugurate a subsidiary under the same name in Sfax FDI (€m) 0,05 0,1 0,14 14 4 Page 15 Year Host country Investor Origin 2012 Tunisia Salim Nouri Smida Libya Type of company SME Sector Agribusiness 2012 Tunisia Genpharma Morocco SME Drugs 2012 Tunisia Attijariwafa Bank Morocco Major Co. 2013 Tunisia Lafico Libya Bank, insurance, other financial services Tourism, catering Fund 2013 Tunisia Banque Marocaine Morocco Major Co. du Commerce Exterieur (BMCE) Bank, insurance, other financial services Description FDI (€m) The owner of a Tunisian-Libyan import-export business to buy 5 33% of Société Tunisie Sucre, which develops a manufacture in Bizerte The pharmaceutical company, with a presence in 20 markets in Africa and the Middle East, to set up an affiliate in Tunisia The financial group to launch its insurance company in Tunisia, 12,5 Attijari Insurance, specialised in life insurance, which employs 60 people The sovereign fund to build a 5-star resort in Tunis on the site 68 currently occupied by the Hotel du Lac (acquired in 2011), set to open in 2016 The bank group to strengthen its presence by establishing its second local subsidiary, Capital Invest, aiming at supporting Tunisian SMEs Page 16 Annexe 2 : Intervention de cadrage Comment réussir l’intégration régionale ? Benchmark et échange d’expériences Jean-Pierre Chauffour (Banque mondiale) Madame l’Ambassadeur, Monsieur le Secrétaire General, Mesdames et Messieurs, Tout d’abord, permettez-moi de remercier ANIMA Investment Network pour l’invitation et l’opportunité de participer à ce séminaire de réflexion avec le secteur privé maghrébin pour échanger sur ce grand enjeu mais aussi ce long serpent de mer qu’est l’intégration régionale Maghrébine. Cette réunion fait suite à un certain nombre d’initiatives récentes des secteurs privé de la région MENA. J’en mentionnerai deux à titre d’illustration. En février de cette année, l’Union Maghrébine des Employeurs (UME) et la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) ont organisé à Marrakech la 3ème édition du Forum des Entrepreneurs Maghrébins. Cette réunion a donné lieu à des échanges fructueux qui ont abouti dans une Déclaration commune avec un certain nombre de recommandations venant du secteur privé pour promouvoir l’intégration régionale. Nous pourrons y revenir. En juin dernier, le Levant Business Union a organisé une réunion similaire à Beirut, cette fois pour réunir les secteurs prives du Mashreq et discuter de l’intégration des pays du Levant. Là aussi malgré les difficultés géopolitiques du moment, les secteurs prives ne renoncent pas et se mobilisent pour essayer de créer leur propre réalité, celle du monde des affaires et du commerce. Ce sont effectivement les entreprises qui commercent et non les gouvernements. Les entrepreneurs maghrébins ont donc raison de prendre leur avenir en main puisqu’ils sont ou seront les acteurs de l’intégration économique et la promotion des échanges commerciaux intra-maghrébins. La question qui nous est posée aujourd’hui comme hier est comment réussir cette intégration, quel rôle accorder au secteur privé et aux gouvernements, comment assurer la pérennité et l’efficacité d’initiatives venant du secteur privé sachant que les paramètres politiques et économiques ne sont pas de leur contrôle. Bien évidemment, il n’y a pas de réponses simples à ces questions. Ce que je vous propose, dans les quelques minutes qui me sont imparties, c’est de faire un tour d’horizon de la situation de la région en matière d’intégration à la lumière des expériences étrangères et de poser quelques questions, qui je l’espère pourront motive les discussions de cet après-midi. Tout d’abord un constat général. Dans la plupart des pays arabes, il est devenu manifeste que le paradigme de développement des dernières décennies ne peut générer le type de croissance qualitative et solidaire souhaitée par les populations. Un défi particulier au monde arabe et au Maghreb en particulier est qu’il n’a pas réussi à développer un large secteur privé dynamique, connecté aux marchés mondiaux, capable de survivre sans le soutien de l’État et de générer des emplois productifs pour les jeunes. Il est désormais largement admis qu’il ne peut y avoir de croissance économique durable et de création d’emplois si on ne laisse libre cours aux initiatives privées, à l’innovation et aux investissements, étrangers et nationaux, pour optimiser les avantages d’un monde de plus en plus intégré. Ce que nous montre l’histoire des pays émergents qui ont réussi leur mutation au cours des 60 dernières années, c’est que leur réussite économique a fait intervenir cinq éléments essentiels : Ils se sont dotés de gouvernements déterminés, crédibles et compétents ; Ils ont maintenu la stabilité macroéconomique ; Ils ont participé pleinement à l’économie mondiale en exploitant toutes les possibilités; Ils ont laissé les marchés allouer les ressources ; et Ils ont mobilisé des taux élevés d’épargne et d’investissement Dans ces pays, les responsables politiques ont compris qu’une stratégie de développement fructueuse suppose un engagement de plusieurs décennies et un arbitrage fondamental entre le présent et l’avenir. Même si un pays affiche un taux de croissance très élevé de 7 % à 10 %, il lui faut des dizaines d’années pour passer du statut de pays à revenu intermediaire à celui de pays à revenu relativement élevé. Durant cette longue période de transition, les citoyens doivent renoncer à la consommation immédiate pour s’assurer de meilleures conditions de vie par la suite. C’est fondamentalement le choix opéré par les dirigeants chinois. Cet arbitrage ne peut être accepté par les populations, notamment dans un contexte démocratique, que si les responsables nationaux communiquent une vision crédible de l’avenir et une stratégie pour la concrétiser. L’intégration économique a donc été un facteur décisif de succès. Les pays très performants, à savoir les pays qui ont affiché un taux de croissance annuel moyen minimum de 7 % pendant 25 ans au moins depuis 1950, se sont servis de l’économie mondiale pour augmenter leur productivité grâce aux échanges, aux IDE, aux transferts de technologie et aux migrations. Tous ont participé à l’économie mondiale et se sont efforcés d’en tirer le meilleur parti, non pas pour repousser les frontières technologiques mais – tâche nettement plus réalisable – pour combler leur retard technique et assimiler les connaissances existantes. Ils ont tiré profit de l’intégration par deux moyens. D’abord, ils ont importé des idées, des technologies, et du savoir-faire du reste du monde. Ensuite, ils ont exploité la demande mondiale, qui offre un marché quasi infini. Pour ces pays, l’intégration économique par le biais du commerce et des IDE n’a pas été une fin en soi, mais un moyen de favoriser la croissance économique à long terme et la création d’emplois—l’une des sources de préoccupation majeures des pays du Maghreb, mais aussi de tous les pays de la région méditerranéenne. Sur un plan plus général, la liberté des échanges n’est pas simplement un moyen de stimuler la croissance économique, de créer des emplois et de lutter contre la pauvreté ; elle permet également de faire progresser les libertés humaines, de réunir les peuples dans le cadre d’échanges pacifiques et mutuellement bénéfiques, et de promouvoir la coopération, la paix et la stabilité. Les évolutions économiques passées des cinq pays du Maghreb présentent elles aussi des similitudes intéressantes. A compter du début des années 90, les 5 pays ont vu leur croissance s’accélérer suite à l’ouverture de leurs économies. Une poussée du commerce et de l’investissement direct étranger a été observée, mais peu de diversification économique. Surtout, l’amélioration des résultats économiques n’a guère réduit des taux de chômage élevés, notamment chez les jeunes, les diplômés et les femmes. Dans le même temps, les nombreuses tentatives d’intégration régionale ont en grande partie échoué. Ni les accords d’intégration panarabes, ni l’Union du Maghreb Arabe, ni les accords de libre-échange avec l’Europe, les États-Unis, ou la Turquie n’ont réussi à faire décoller les exportations ou à créer des emplois. Le sentiment règne que ces accords ont été le plus souvent associés à des déplacements d’activité, et que les avantages qu’ils ont produits n’ont bénéficié qu’a une petite minorité d’individus connectés. Et cette situation n’est pas la norme au niveau international. Dans plusieurs pays qui ont réussi à s’intégrer aux marchés mondiaux, la croissance induite par les exportations a permis de ramasser des dividendes importants en termes d’emplois. Dans de nombreux cas, tout particulièrement en Europe centrale et orientale, en Turquie, en Chine, et dans d’autres pays asiatiques, les promesses de la mondialisation sur le plan de l’emploi se sont concrétisées. Ainsi, la Turquie a été en mesure d’accélérer sa croissance économique et de créer plus de trois millions d’emplois depuis qu’elle a commencé à libéraliser son économie Page 18 et qu’elle a engagé un processus de convergence réglementaire avec l’Union européenne au milieu des années 2000. Même si évidemment de gros défis, l’évolution économie de la Turquie offre un exemple concret d’intégration économique qui pourrait présenter un intérêt particulier pour les pays Maghrébins compte tenu de leur proximité géographique avec l’Europe. Cependant, comme il est bien, à l’exception du secteur pétrolier, la région MENA et le Maghreb en particulier est restée l’une des régions les moins intégrées, tant sur le plan de l’intégration intra régionale que de l’intégration à l’économie mondiale. La région est handicapée par des barrières relativement élevées au commerce et à l’investissement, l’insuffisance de la facilitation du commerce et de la logistique, l’absence de services d’intégration au commerce, et du non-respect des règles et disciplines en matière de commerce et d’investissement, y compris dans le cadre d’accords commerciaux régionaux comme l’UMA, qui date dois-je-t-il le rappeler de 1989, c’est à dire d’un quart de siècle. Bien que les pays arabes aient amorcé une coopération économique avant bien d’autres régions en développement (l’accord de l’Unité économique arabe remonte à 1957), et qu’ils aient signé le plus grand nombre d’accords d’intégration régionaux (plus de 20), quasiment aucun de ces accords n’a été effectivement appliqué. Certaines frontières terrestres restent même fermées entre les pays arabes. Cette situation particulière de la région ouvre cependant des opportunités dans la mesure où, compte tenu du point de départ, des réformes pourraient produire des résultats très bénéfiques en un temps relativement court. L’intégration économique par l’intensification des échanges de l’investissement constitue pour l’avenir une stratégie de développement global qui peut faire pour le Maghreb ce qu’elle a fait pour l’Europe centrale et orientale, l’Asie de l’Est, et d’autres partenaires commerciaux émergents devenus aujourd’hui des pôles de croissance durable. Le renforcement de l’intégration économique serait un outil particulièrement efficace pour remédier aux mauvais résultats des pays du Maghreb en matière de commerce et d’investissement intra-sectoriels. Alors comment ? Les pays du Maghreb auraient évidemment besoin d’une impulsion politique commune pour donner une orientation stratégique crédible à long terme et expliquer les avantages mutuels de l’intégration économique. Une stratégie efficace pourrait consister à mettre en œuvre un réel partenariat entre les pays concernés visant à favoriser l’instauration progressive de quatre libertés fondamentales dans la région: la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Rien de très nouveau en fait. Comme merveilleusement documenté par Fernand Braudel, cela fait des millénaires que les échanges commerciaux et les migrations se pratiquent dans l’espace économique qui englobe l’Union européenne (UE), la Turquie, les Balkans, le Maghreb et le Machrek. Le moment est venu de capitaliser sur cette histoire partagée et d’opérer un rapprochement afin de forger une nouvelle destinée méditerranéenne, et notamment maghrébine, commune. Les gouvernements de la région pourraient considérer la formation d’un espace économique maghrébin commun afin de fournir de cadre pour mettre en œuvre des réformes difficiles dans les différents pays du Maghreb. Dans le contexte de morosité économique mondial actuel, l’aptitude des dirigeants à lutter contre les tentations protectionnistes et à proposer un idéal d’ouverture vers l’extérieur déterminera dans une large mesure le potentiel de croissance et de prospérité de la région. Mais il est aussi de la responsabilité du secteur privé de se mobiliser pour promouvoir l’intégration maghrébine et l’intégration du Maghreb dans le monde. Des évènements comme celui d’aujourd’hui doivent donc être encouragés et se multiplier pour donner la voix à ceux qui croient en l’intégration régionale et globale. Il faut faire savoir à vos partenaires, aux consommateurs, aux gouvernements que vos projets d’intégration ont de multiples Page 19 retombées positives que ce soit en matière de productivité, de diversités des produits, d’emplois et de de niveau de vie. Il faut communiquer, encore et encore. Cette intégration doit bien sûr se faire dans les domaines qui présentent des complémentarités entre les pays, suivant les avantages comparatifs de chaque pays dans les différents secteurs. L’intégration doit aussi se concevoir de manière graduelle afin que les entreprises puissent se préparer, que les filets de sécurité sociaux soient opérationnels pour venir soutenir non pas les emplois mais les travailleurs, et que les politiques de formation professionnelle se développent. Cette préparation n’est pas de l’unique ressort des gouvernements mais aussi du secteur privé. C’est ce que montre aussi l’expérience des pays d’Europe centrale et orientale, d’Asie du sud-est, et d’autres régions pour qui l’intégration régionale a été un facteur substantiel de progrès économique. Certes, chaque région a ses propres caractéristiques. L’approche de l’intégration régionale par le monde arabe doit s’ancrer dans les réalités et la situation en pleine évolution de la région, notamment le désir des populations pour plus d’ouverture et plus d’opportunités. Plusieurs éléments d’importance doivent être pris en considération pour promouvoir l’intégration régionale. J’en citerai trois : Premièrement, une vision stratégique de l’intégration permettrait au Maghreb de tirer meilleur profit d’une identité et d’un patrimoine communs. Il existe en fait plusieurs « mondes » méditerranéens et arabes, ou sous-régions, chacun avec ses propres caractéristiques et ses propres perspectives. À l’intérieur de chaque sous-région également, les progrès accomplis dans l’instauration de démocraties libérales et d’économies de marché ouvertes varient selon les pays. Les peuples arabes ont pourtant plus en commun, en termes de culture, d’identité, de langue, et de sentiment d’appartenance, que les populations de bien d’autres blocs commerciaux régionaux. Mais ils doivent urgemment développer une vision économique commune, regarder dans la même direction et s’entendre sur les mêmes objectifs et la manière de les réaliser. Le secteur prive et la société civile plus généralement ont un rôle important à jouer pour aider à forger cette vision commune. Deuxièmement, le Maghreb a besoin de moteurs nationaux plus puissants pour stimuler la coopération régionale. Historiquement, la mise en place d’institutions de coopération régionale efficaces et efficientes ont été essentiellement motivée par l’initiative et les intérêts des grandes puissances régionales. La France et l’Allemagne ont été les moteurs essentiels de l’Union européenne à ses débuts; le Japon a cultivé le modèle de développement en Asie de l’Est et a pris la tête des efforts déployés pour favoriser la coopération régionale. Les États-Unis ont été la cheville ouvrière de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ; les intérêts de la Russie et de la Chine dynamiseront peut-être l’intégration régionale en Asie centrale. Il est de la responsabilité des grands pays de la région, disons le franchement de l’Algérie et du Maroc, de prendre les devants et mener la région vers l’intégration. La Tunisie pourrait jouer un rôle critique de facilitateur. Le troisième facteur est que l’émergence d’une nouvelle économie mondiale multipolaire en rapide évolution pourrait contribuer à instaurer les conditions exceptionnelles souvent nécessaires à l’intégration régionale. Les exemples de l’Asie de l’Est et de l’Europe centrale et orientale montrent quelles sortes d’événements historiques sont susceptibles de déclencher des processus d’intégration : l’effondrement du Japon après la Deuxième guerre mondiale dans le premier cas, et le discrédit d’un régime politique en Europe de l’Est dans le second. En l’absence de telles conditions, l’intégration régionale est généralement un processus politique extrêmement long. La mutation politique actuelle de la région MENA, qui coïncide avec le rééquilibrage de l’économie mondiale, offre des opportunités uniques au Maghreb. Elle pourrait atténuer les tensions politiques entre les pays et ouvrir la voie à un cercle vertueux de coopération politique et d’intégration économique. L’évolution de nombreux pays vers des régimes plus Page 20 démocratiques pourrait favoriser l’intégration régionale, laquelle réduirait à son tour les tensions politiques. Les peuples doivent être consultés, impliqués et associés aux décisions stratégiques qui les concernent au premier plan. L’intégration ne peut se réaliser durablement sans leur consentement des populations. Les changements historiques qui sont à l’œuvre dans le monde arabe ont la possibilité d’ouvrir la voie à une transformation économique du type de celle qui s’est produite au cours des décennies écoulées, en Europe du Nord, en Europe centrale et orientale, en Asie du Sud, en Amérique latine et dans d’autres régions du monde. Et là aussi certaines leçons utiles aux pays du Maghreb peuvent être tirées de ces expériences variées. Permettez-moi de les mentionner brièvement : Tout d’abord, que ce soit jadis l’Espagne ou le Portugal, ou plus récemment la Pologne ou la Croatie, le processus d’intégration n’a pas été homogène : les pays ont pris des chemins différents et ont rencontré des niveaux variables de succès. Plus l’ambition et la stratégie étaient claires et plus le succès était rapidement au rendez-vous. Deuxièmement, les transitions n’ont pas été des processus linéaires ; il y a eu des phases de progrès et des phases de recul. Tous les pays de la rive nord de la Méditerranée sont passés par au moins une phase de crise économique majeure, d’où l’importance d’une approche de long-terme. Troisièmement, l’ordre des réformes a été important. Souvent, le succès a résidé dans la définition d’une feuille de route claire, basée sur le consensus et veillant à la cohérence entre objectifs et mise en œuvre. Quatrièmement, la transparence et la reddition des comptes ont constitué les principes directeurs des réformes tant pour le gouvernement que pour le secteur privé. Cinquièmement, l’existence d’un ancrage institutionnel extérieur (l’Union Européenne dans ce cas) a joué un rôle essentiel dans le succès des transitions. Finalement, dans ces pays, les transitions ont conduit à repenser le rôle de l’Etat. Une culture de subvention et de rente a remplacé une culture plus favorable au marché. Si ce changement a pris des formes diverses, en fonction de l’économie politique locale, le succès de la transition a toujours impliqué la promotion d’un Etat qui encourage plutôt qu’un Etat qui contrôle. Cela m’amène à conclure avec quelques questions qui peuvent peut être aider à nourrir notre débat aujourd’hui : Est-il possible de continuer dans la voie actuelle sachant que le cout du nonMaghreb est estimé sur la base de scenarios très conservateurs aux alentours de 3 à 9 milliards de dollar U.S. chaque année pour la région, soit environ de 2 à 3 % des PIB selon les pays ? Les effets dynamiques à moyen et long terme de l’intégration régionale seraient en fait bien plus importants que les effets statiques immédiats liés à la réorganisation des processus de production. Est-ce que les obstacles se situent au niveau des gouvernements ou au niveau des secteurs privés ? Apres tout l’offre exportable des pays du Maghreb est limitée, et donc le manque d’intégration régionale serait peut-être tout autant la cause que la conséquence du manque d’offre exportable, de compétitivité, et de développement des secteurs privés dans la région. Les produits chinois se retrouvent sur tous les marches du monde sans pour autant que la Chine n’est signe d’accord de libreéchange avec aucun des principaux blocs économiques. Est-ce que la réalité du commerce Nord-Sud créer entres les 2 rives de la Méditerranée n’est pas désormais un obstacle supplémentaire à surmonter ? En quoi les ALECAs peuvent–ils faciliter les réformes internes et donc la convergence des systèmes économiques, des politiques économiques et des Page 21 réglementations entre les pays ? Est-ce réaliste ? Est-ce que l’Europe doit revoir son approche et dans quel sens ? Le Maghreb n’a-t-il pas déjà ratée la fenêtre d’opportunité de l’industrialisation ? Nous observons dans beaucoup de pays à revenu intermédiaire le phénomène de désindustrialisation prématurée, voire de non-industrialisation. En particulier, comment établir des chaînes de valeur ou de production régionales, et quels seraient les secteurs porteurs ? En amont ou en aval de la production, avec quelle valeur ajoutée ? Quoi de plus mobilisateur pour les populations de la région que l’ambition et la volonté d’inventer le Made in Maghreb ? L'usine arabe, comme il existe depuis de nombreuses années l'usine Asie. Mais quelles sont les préalables au niveau des réformes internes des pays ? Le Maghreb peut-il sauter l’étape de l’industrialisation traditionnelle et utiliser les nouveaux secteurs liés aux énergies renouvelables et autres secteurs de l’économie verte comme moteur de l’intégration ? Si le train de l’industrialisation est déjà passé, ce que je ne pense pas être le cas, quel rôle complémentaire peut jouer le secteur des services ? Là encore, les pays du Maghreb sont-ils prêts à ouvrir davantage l’accès aux divers marchés de service, reconnaitre les diplômes, faciliter les migrations. Parmi la longue liste de recommandations faites à l’occasion du forum des entrepreneurs maghrébin à Marrakech en février dernier, quelles sont les recommandations que vous souhaiteriez mettre en avant suite à vos discussions d’aujourd’hui ? Celles relatives à la logistique, aux infrastructures régionales et à la facilitation du commerce ? Celles liées a la finance et aux facilites de règlements ? Celles liées a la stabilité, transparence des cadres juridiques, notamment pour protéger les investisseurs et faciliter la résolution des différends ? Celles liées a l’harmonisation des règles d’origine ? Je ne vais pas faire la liste complète. Voilà quelques questions qui je l’espère seront utiles pour la suite de nos débats et discussions. Je vous remercie de votre attention. Page 22