Guetteurs d`avenir, peuples d`Amazonie

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Guetteurs d`avenir, peuples d`Amazonie
Guetteurs d'avenir,
peuples d'Amazonie
du 2 avril au 1er août 2010
Orangerie du Muséum de Grenoble
avec la collaboration des
Muséums de Lille et de Toulouse
Dossier de presse
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Introduction
Comment est née l'exposition ? A cette question, souvent, voire toujours
posée, la réponse renvoie elle aussi souvent à des circonstances
multiples.
"… Il y a quelques années, en Guyane, la pirogue de la Poste
s'est arrêtée sur la bordure surinamienne du Maroni. Assis sur un rocher
affleurant des eaux tumultueuses du fleuve, je regarde, subjugué, des
hommes noirs, engloutis jusqu'au cou, tirant sur les cordes amarrées à
l'avant des pirogues surchargées qu'ils essaient dans des efforts
surhumains de faire franchir à contre-courant le ressaut obstacle terrible
pour la navigation.(…) Je perçois un autre regard ! Derrière moi, appuyé
nonchalamment sur un tronc, un indien, vêtu d'un bermuda et d'un teeshirt délavés. Qu'observe-t-il réellement de ses yeux emplis d'une
mélancolie infinie qu'il m'est depuis impossible d'oublier ?
… Plus récemment, dans l'extraordinaire ambiance du
Muséum d'histoire naturelle de LILLE, le choc émotionnel provoqué par
l'univers flamboyant des parures plumaires des peuples amazoniens,
offert aux regards le temps d'une exposition."
Ces deux rencontres ont très certainement contribué, en continuité des
ouvertures sur la culture des peuples humains déjà offertes aux visiteurs
ces dernières années, à cette présentation de la richesse de l'Art des
peuples amazoniens appelés il y a encore peu, sauvages, indigènes,
autochtones, premiers !
Sur 300m², de l'indien nu, image coloniale d'un monde idyllique ou de
sauvagerie, à l'orateur exprimant l'attente des peuples indiens au
Sommet du développement durable à Johannesburg en 2002,
l'exposition, noyau d'un événement culturel plus large où s'imbriquent
étroitement conférences, débats, films, ateliers, offre alors un parcours
pénétrant dans la diversité de la forêt amazonienne où l'Indien hôte et
acteur, manifeste, par les peintures corporelles, les parures rituelles et les
chants, l'originalité de sa culture et la nécessaire reconnaissance de son
identité menacée par un monde dévorateur d'espace et de matières
premières.
Armand FAYARD
Conservateur en chef
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L'exposition
GUETTEURS D'AVENIR,
PEUPLES D'AMAZONIE"
La nouvelle création du Muséum de Grenoble, présentée dans son Orangerie sur
300m2, a pour ambition à travers une scénographie originale, de découvrir l'Art du
corps de quelques ethnies de l'Amazonie et d'en décrypter la signification éducative,
culturelle et sociale, dans le rapport intime qu'entretiennent ces peuples avec leur
environnement animal et végétal.
Les remarquables parures présentées sont la propriété du Muséum d'histoire
naturelle de LILLE.
Pour élargir la connaissance et mettre en débat l'avenir de la biodiversité et les
cultures des peuples amazoniens, un vaste programme d'activités, conférences,
ateliers, soutient cette exposition, au cours de "Mercredis de la connaissance", de
"Samedis à la carte !" et d'un cycle de films Claude Levi-Strauss : "L'un, l'autre", qui
se dérouleront durant toute la durée de la manifestation.
Cette exposition s'inscrit dans le cadre
des actions menées par la Ville de Grenoble
à l'occasion de l'année 2010 de la Biodiversité
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GUETTEURS D'AVENIR,
PEUPLES D'AMAZONIE"
La nature
L'Amazonie
Le bassin amazonien, zone de 7 millions de kilomètres carrés dont les limites exactes
sont difficiles à tracer, est une vaste région d'Amérique du Sud que traversent le
fleuve Amazone, l'Orénoque et l'ensemble de leurs affluents.
Le bassin amazonien ne constitue pas un milieu homogène mais est, en réalité, une
mosaïque d'écosystèmes différents : la forêt ombrophile dense, des forêts
ombrophiles ouvertes, forêts sèches, forêts décidues ou semi-décidues, forêts
marécageuses (igapos), savanes, prairies inondables, refuges montagneux,
formations pionnières, et autres, coexistent.
Contrairement à une idée reçue, l'Amazonie n'est pas le "poumon vert de la planète".
Tous les écosystèmes qui la composent, lorsqu'ils n'ont pas été dégradés par l'activité
humaine, sont écologiquement au climax, c'est-à-dire qu'ils ont atteint un stade de
développement optimal particulièrement stable au cours duquel ils produisent autant
d'oxygène qu'ils en consomment. La déforestation rompt cet équilibre.
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La Biodiversité
Il existe dans l'ensemble du tissu vivant de la Planète, sans doute plusieurs millions
d'espèces animales (dont la majorité serait des insectes) et probablement plusieurs
centaines de milliers de plantes. Actuellement ne sont connues que 1, 7 millions
d'espèces.
L'Amazonie possède une biodiversité dont on ne connaît encore qu'une faible part.
Dans la grande mosaïque de paysages de la forêt amazonienne, on dénombre
actuellement plus de 300 espèces d'arbres sur une surface de seulement 2 hectares.
Des 250 000 espèces de plantes qu'abrite la planète, près de 90 000 sont rencontrées
exclusivement
sous
les
tropiques
sud-américains.
La forêt amazonienne abriterait plusieurs millions d'insectes, quelques 3000
poissons, 1300 oiseaux, 430 mammifères, 400 amphibiens, 400 reptiles.
Une biodiversité en danger
La forêt amazonienne perd chaque année en moyenne, environ 20.000 km² dont la
plus grande partie est transformée en pâturages ou en cultures. Entre 1970 et 2005,
la forêt tropicale humide a perdu 17% de sa surface. Au rythme actuel de
déforestation, elle pourrait d'ici vingt ans en avoir perdu 40% par rapport à sa surface
de 1970.
La déforestation, avec les lessivages et
l'érosion des sols qu'elle entraîne,
provoque
des
modifications
irréversibles du milieu.
Dès lors que leur milieu est détruit, les
espèces qui lui sont inféodées ne
peuvent plus subsister.
La plupart des espèces animales et
végétales qui disparaissent au cours de
ce processus resteront à jamais
inconnues, ainsi que les éventuels
usages (médicaux, alimentaires et autres) dont l'être humain aurait pu bénéficier.
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Les hommes
La population amérindienne d'Amazonie brésilienne comprenait entre 3 et 5 millions
de personnes au XVe siècle, au moment de l'arrivée des Européens sur ce territoire.
Aujourd'hui considérablement réduite, elle compte près de 460 000 personnes
réparties en 225 ethnies. Ces populations ont été décimées, déplacées, ont subi des
phénomènes d'acculturation ou ont succombé aux maladies infectieuses apportées
par les Européens…
Longtemps considérés comme des "sauvages" par la civilisation occidentale, on
assiste depuis la fin des années 1960, à une prise de conscience et à la reconnaissance
des droits des Amérindiens qui essayent, parfois avec l'aide des Etats, de survivre en
défendant leurs cultures face aux pionniers ou aux exploitants miniers et forestiers.
Le terme de "sauvage" est dérivé du latin silva et signifie "habitant de la forêt". Chez
les Grecs, le "barbare" était réputé ne pas disposer du langage humain. Comme l'écrit
Lévi-Strauss, "Dans les deux cas, on refuse d'admettre le fait même de la diversité
culturelle ; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se
conforme pas à la norme sous laquelle on vit."
De l'Antiquité au premier tiers du XXe siècle, les peuples successivement dits
"sauvages", "indigènes", "autochtones", "premiers" furent considérés par l'Occidental
comme des curiosités de la Nature : hommes proches de l'animal, particulièrement
bestiaux, nus, peinturlurés et pratiquant l'anthropophagie, qui firent l'objet
d'exhibitions dans les cirques, les foires et… les zoos humains !
Les KARAJA
La majeure partie de la population Karajá est localisée le long du Rio Araguaia.
Les premiers contacts avec les colons européens datent du XVIIe siècle. La
population estimée en 1845, à 200.000 personnes chute à 1510 personnes en 1939.
Aujourd'hui en augmentation constante, elle lutte avec de graves problèmes
d'alcoolisme, de drogue et de prostitution.
Ces tribus fluviales ont pour signes distinctifs deux cercles d'un noir bleuâtre tatoués
sur les pommettes. Ces scarifications, autrefois effectuées avec une dent de poissonchien (Hydrolicus scomberoides), sont aujourd'hui pratiquées parfois avec des
tessons de bouteille et plus fréquemment peints.
Il y a encore quelques décennies, les Karajá séparaient de façon rigide le monde des
hommes de celui des femmes, à tel point que chaque sexe utilise, encore aujourd'hui,
une langue différente.
Vers l'âge de six ans, le garçon a la lèvre inférieure perforée puis ornée d'un labret
temporaire en os. Il est présenté aux membres de la communauté et des villages
voisins. Ceint d'une coiffe latinira, il s'assoit sur un banc posé sur une natte en paille.
Ces nattes font l'objet d'un troc rituel de haute valeur.
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Vers l'âge de onze ans, les garçons sont isolés pendant trois mois dans une maison où
ils apprennent les secrets des hommes, l' éthique, le droit coutumier et les techniques
de chasse et de pêche. On leur enseigne à se ligaturer le prépuce.
Entre 14 et 18 ans, le garçon est considéré comme "prêt à se marier". Il accède alors
au droit de porter les grands diadèmes raheto et a dès lors, la responsabilité d'un
travail régulier.
L'initiation féminine est réduite quant à elle à l'adoption du cache-sexe et du tatouage
des deux cercles sur les pommettes et de lignes parallèles sur le menton.
Les KAYAPO
L'histoire des Kayapo est marquée par une longue suite de conflits contre les
étrangers, indiens ou européens, mais aussi par des querelles intestines qui ont
abouti à l'éclatement des villages. Répartis sur un vaste territoire morcelé s'étendant
du nord du Mato Grosso au sud-est du Pará, ils appartiennent aux quinze groupes les
plus importants de l'Amazonie brésilienne.
Les Kayapo se nomment eux-mêmes Mebêngôkre " les hommes du point d'eau".
La structure sociale est particulièrement complexe. Elle s'organise en classes d'âge,
sociétés d'hommes, sociétés de femmes, avec des chefs nombreux et une vie
cérémonielle riche et variée.
A sa naissance, l'enfant reçoit un certain nombre de "noms communs" et de "noms
beaux". Ces derniers sont confirmés lors d'une cérémonie, lorsque l'enfant sait
marcher et maîtrise la parole. Les Kayapo possèdent douze rituels distincts de
nomination, consistant en une série de longues danses, chants et pratiques rituelles
spécifiques. C'est au cours de ces rites d'imposition des noms que les grands
diadèmes sont portés par les femmes et les enfants fêtés.
L'usage de la plumasserie est déterminé par le sexe, la classe d'âge et la position
qu'occupe l'usager lors des rituels. Les combinaisons de couleurs et de formes
correspondent à l'appartenance à un groupe donné et aux privilèges personnels. Ces
contraintes ont favorisé une grande diversification des parures portées.
Les rites kayapo sont nombreux. Ils se divisent en trois grandes catégories : les
cérémonies de confirmation des noms, les rites liés aux activités quotidiennes et enfin
les rites de passage (d'une classe d'âge à une autre).
Les ZO'E
Les ZO'E, petite ethnie de 247 habitants,
vivent sur un territoire de la forêt
amazonienne
aussi
grand
qu'un
département français, en harmonie avec
leur environnement. Chasseurs, pêcheurs
et cueilleurs ils utilisent pour l'habitat, la
nourriture, la parure, la médecine, toutes
les ressources minérales, végétales,
animales offertes par la forêt.
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Les ZO'E, polygynes et polyandres, qui se distinguent des autres ethnies, notamment
par un labret, long tube en bois de poturu très particulier porté par la lèvre inférieure,
semi-nomades, déplacent à l'intérieur de leur territoire leur campement emmenant
avec eux les animaux domestiques qui occupent une place importante dans leur
culture.
Les femmes portent une coiffe appelée tiara constituée par le duvet d'oiseaux,
particulièrement celui de rapaces et de poules domestiques, fixé sur une armature
avec de la cire d'abeille alors que les hommes portent le sonana, une fibre de palmier
fixé au prépuce.
L'habitat
L'habitat indien est multiple. Cela va du simple auvent aux habitations sur pilotis, en
passant par de grandes cases pouvant héberger plusieurs centaines de personnes. La
nature fournit tous les matériaux ( arbres, palmes, bambou, argile,…) nécessaires à la
construction.
Les Kayapo considèrent la place centrale de leur village construit en cercle comme le
centre de l'univers, où se déroulent les cérémonies. A l'extérieur, la forêt
environnante est considérée comme un lieu où les hommes peuvent se transformer
en diverses formes animales ou en esprits.
L'art du corps
Les peuples du bassin amazonien utilisent leur corps pour établir un système de
communication hautement structuré : par le corps, il s'agit d'affirmer son humanité,
de revendiquer son appartenance au groupe et d'afficher un statut social.
Les peintures corporelles
Elles sont appliquées lors des évènements de la vie (naissance, cérémonies
d'initiation, changement de statut…) ou sont au contraire interdites dans certaines
circonstances (deuil…).
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La couleur rouge, symbole de joie, de santé et de vitalité, est obtenue avec des graines
de rocou (Bixa orellana). Un mélange de charbon de bois et de jus de Genipa donne
une couleur noire signifiant le changement de statut ou assurant une protection. La
couleur blanche, plus rarement employée, provient de l'argile. Passés sur le corps, le
rocou et l'argile partent au premier bain alors que le Genipa résiste une dizaine de
jours.
De nombreux dessins se rapportent à la faune. Il
s'agit de s'approprier les vertus de l'animal
représenté ou d'attirer la chance pendant la
chasse. On trouve ainsi les anneaux de serpents,
la carapace de la tortue ou encore les taches du
jaguar. Les arêtes du poisson Pacu (Myleus
asterias) sont dessinées dans le dos ou sur les
cuisses des pêcheurs.
La coupe de cheveux
Elle joue un rôle important dans l'identité des amérindiens. Les Xinguanos
pratiquent la "coupe au bol" tandis que les Enawenê-Nawê portent les cheveux longs.
Elle peut également indiquer un état passager : à la mort d'un parent, un Xavante va
se tondre ; chez les Tikuna, la jeune fille pubère, à la sortie de sa réclusion, aura les
cheveux arrachés.
La plupart des groupes amérindiens pratiquent une épilation totale.
Le tatouage
Il est peu répandu et a tendance à être abandonné.
Les perforations
Presque tous les groupes amérindiens perforent une partie du visage (cloison nasale,
lobes des oreilles, lèvres) pour y fixer un ornement permanent ou temporaire.
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L'art plumaire
Outre des représentations de peintures corporelles, l'exposition s'attachera à
présenter l'art de la plume pratiqué par des ethnies contemporaines en montrant leur
vitalité à maintenir cette tradition.
C'est dans l'art plumaire que s'exprime le raffinement de l'esthétique des peuples
amazoniens qui travaillent la plume comme une joaillerie en autant de styles qui les
identifient.
A partir d'une technique simple, collage et ligature, et un matériau disponible à
portée de flèche, la plume, les parements, des grands masques Cara Grande aux
minuscules labrets d'oiseau-mouche, traduisent l'appartenance de chaque peuple à la
nature divinisée.
L'attrait de ces splendides parures pour les collectionneurs faillit être fatale aux
espèces d'oiseaux. Le commerce des objets de plumes est strictement interdit par la
convention de Washington. La FUNAI (qui désigne au Brésil la Fondation Nationale
de l'Indien) a longtemps toléré le commerce en dépit de la CITES (Convention sur le
commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d'extinction) et ne l'a fait respecter qu'à partir de 2004.
Les nations amérindiennes ont réservé une place particulière à la plume comme
matière première pour l’élaboration d’un artisanat simple ou sophistiqué. Cette
expression artistique est une marque identitaire, sociale, culturelle. En Amérique du
Sud , et plus particulièrement dans les basses-terres, la plume est omniprésente lors
des grands évènements de la vie de l’individu et du groupe.
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Au Brésil, les populations tribales du bassin amazonien ont su profiter de la diversité
de l’avifaune pour faire de la plumasserie un véritable art. Malgré les problèmes
d’ordre économique, social et territorial entraînant de profondes transformations, le
travail de la plume reste encore une activité régie par des codes et des contraintes
socioculturelles. La morphologie, la technique et la chromatique d’un objet sont le
résultat d’un style provenant d’un univers culturel propre au groupe ethnique auquel
appartient l’artisan, chaque style permettant, sans trop de difficultés, de différencier
les tribus les unes des autres.
Activité essentiellement masculine, l’apprentissage du travail de la plume se déroule
souvent durant ou après les rituels d’initiation. Très tôt, un jeune garçon doit être
capable de plumer un oiseau et de classifier
les plumes selon leurs formes et leurs
couleurs.
Les plumes sont classées en trois catégories :
- les pennes provenant de la queue ou des
ailes avec un aspect fusiforme et de superficie
continue,
- les plumes qui recouvrent les côtes et
l’abdomen, larges et arrondies,
les plumules du jabot de structure
duveteuse.
La matière-plume peut être combinée à
d’autres éléments éclectiques comme griffes,
cuir, peau de mammifères, graines, cheveux
humains, nacres, fibres végétales, fil de coton,
plastiques synthétiques et aluminium, pour
amplifier le potentiel esthétique de l’objet.
Les amérindiens ont développé plusieurs
techniques d’assemblage des matières
premières qui englobent une multitude de
procédés consistant à fixer une série de
plumes petites et grandes. Ils peuvent aussi,
grâce à la technique de collage avec des
résines, de la cire ou de la suie, disposer les plumes sur des supports comme le tissu
et le bois. La plume peut, dans certains cas, subir des transformations en étant taillée
en formes diverses (épointage, en dent-de-scie, triangulaire, etc.).
Certaines nations amérindiennes savent modifier la couleur naturelle des plumes,
maîtrisant des techniques de coloration artificielle des plumes.
La vision du monde des sociétés tribales d’Amazonie, et leur manière particulière de
l’interpréter sur le plan moral et émotionnel s’exprime dans les manifestations des
rituels magico-religieux, dans l’élaboration des mythes, dans les relations sociales,
dans la technologie et dans l’art. Les objets et le corps humain se transforment en
vecteur de communication en symbolisant, par des artifices (coiffes, brassards,
colliers, etc.), les privilèges, les droits, les devoirs, le statut et la position sociale d’un
individu. C’est aussi le reflet de la complexité des relations entre l’homme et la
nature, l’homme et le surnaturel ainsi que des relations intertribales.
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Le rituel est un type de langage, « un moyen de dire les choses », où la plume joue
parfois un rôle symbolique.
Les objets en plume sont présents dans certaines étapes fondamentales de la vie de
l’indien comme la naissance, la puberté, le mariage et la mort. Les rituels dramatisent
les épisodes mythiques révélant la constante relation entre les domaines cosmiques et
sociaux et entre les mondes naturels et surnaturels. Ils représentent des moments de
rencontres privilégiés entre, d’une part, les hommes et les ancêtres et, d’autre part,
les êtres symboliques vivants ou morts.
De nos jours, la production plumassière des nations amérindiennes du bassin
amazonien est influencée par les contacts inévitables avec la société moderne.
Le couvre nuque RIKBAKTSA
Le travail de la plume des Indiens Rikbaktsa
est certainement l'un des plus raffinés du
Brésil. Plus de quarante espèces entrent dans la
composition de leur plumasserie, à commencer
par les longues rectrices des Aras. Les oiseaux
fournisseurs de plumes sont élevés au sein des
villages. Le couvre-nuque était porté autrefois
lors des expéditions guerrières et est
aujourd'hui utilisé lors de toutes les
cérémonies. Il représente un être dangereux, le
Myhara. Sa couronne est composée de plus de
1400 plumules disposées en pétales. Sa
réalisation incombe aux hommes mariés qui
confectionnent généralement les ornements en
plumes à l'intérieur de la makyry, la maison des
hommes. Ils composent les couronnes en
fonction de leur appartenance à un clan.
Le tapirage
Certaines ethnies amérindiennes, essentiellement celles appartenant aux groupes
linguistiques Tupi et Arawak, maîtrisent diverses techniques visant à changer la
couleur des plumes dont elles se servent.
Le procédé le plus répandu consiste à tremper des plumes blanches dans une
décoction de Bois du Brésil pour les teindre en rouge. Les Karajá gavent leurs
perroquets d'œufs de tortue pour obtenir une décoloration du plumage.
Mais la technique la plus étonnante, celle du tapirage, se pratique sur des oiseaux
vivants.
Après avoir plumé l'animal, une mixture de différents produits naturels est frottée sur
l'épiderme mis à nu ou est introduite dans le fourreau des plumes arrachées. A la
repousse, les plumes vertes ou bleues se colorent en jaune ou en rose.
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Les Enawenê-Nawê pratiquent le tapirage sur des perroquets Amazones dont les
plumes vont servir à la confection de leurs coiffes. Ils capturent aux bords des rivières
une grenouille (Dendrobates tinctorius) qu'ils crucifient à une armature en bois. Le
dos du batracien est frotté à l'aide d'un bâton. La sécrétion qui en est retirée est
mélangée à des graines de rocou écrasées. La mixture est introduite à plusieurs
reprises dans le fourreau des plumes rectrices préalablement arrachées. Les plumes
de la queue, à l'origine vertes, repoussent jaunes avec des nuances vermillon.
Rituel funéraire
Le Kuarup
Dans la partie méridionale de l'Amazonie brésilienne, le parc du Xingu correspond à
une grande zone qui a été colonisée par une multitude de peuples amérindiens
d'origines et de traditions différentes. Durant des siècles, les échanges et les
emprunts ont fini par créer une culture commune appelée culture xinguano.
Le rite du Kuarup est célébré chaque fois qu'un Indien, appartenant à la lignée d'un
chef, meurt. La famille du défunt porte alors le deuil durant une année.
Une semaine avant la dernière phase du rituel, les hommes partent pêcher et ne
retournent au village qu'après avoir capturé suffisamment de poissons pour nourrir
les tribus invitées.
Des troncs abattus dans la forêt, symbolisant l'âme du défunt, sont dressés sur la
place centrale du village, à l'endroit où les morts ont été enterrés. Les troncs – kuarup
– sont décorés avec les effets du défunt. Durant toute cette opération, les femmes
restent enfermées dans leur maison. Puis, libérées, elles pleureront un jour et une
nuit aux pieds des troncs.
A la fin du rituel, les troncs seront déterrés et jetés à la rivière. Les âmes des morts
sont ainsi libérées et la vie peut se perpétuer.
Le rituel comporte un tournoi de luttes qui met en scène le mythique combat entre les
poissons et les animaux à peaux. Les lutteurs du village affrontent au corps à corps les
hommes des tribus invitées. C'est ensuite au tour des adolescents de combattre des
lutteurs adultes. Ces jeunes sont restés reclus dans leurs cases plusieurs mois. Avant
de lutter contre des adversaires plus forts, ils se scarifient le corps avec des dents de
poissons-chiens pour se donner du courage.
La cérémonie s'achève par la présentation des filles pubères à l'ensemble des
communautés. Elles ont dû respecter une année de réclusion dans leur maison. Après
le rituel, elles sont autorisées à se marier. Elles n'auront aucune obligation de fidélité
à leur mari et pourront continuer à fréquenter leurs amants.
Le rituel funéraire représente donc aussi pour les jeunes des deux sexes un rite de
passage vers l'âge adulte, considéré comme une nouvelle naissance.
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La chasse
La quête de nourriture représente l'activité principale des amérindiens, celle à
laquelle ils consacrent la majeure partie de leur temps.
Le gibier est traqué pour être mangé, bien entendu, mais permet également de
s'approvisionner en matériaux divers : plumes, peaux, dents, griffes, etc.
La chasse est essentiellement réservée aux hommes. Les jeunes garçons doivent être
capables dès leur plus jeune âge de confectionner un arc, des flèches et des paniers
pour le transport des animaux tués. Ils doivent rapidement atteindre une pleine
autonomie.
Chaque ethnie blasonne ses flèches par des techniques spécifiques d'assemblage ou
encore par le choix des plumes, les rémiges de hoccos ou d'aigles harpies étant
souvent utilisées.
La pointe de la flèche est adaptée à l'animal chassé. Les petites pointes en os ou en
bambou sont réservées au petit gibier, les pointes plus larges au animaux plus
imposants. Les flèches assommoirs, dont la pointe est remplacée par une coquille ou
une boule de cire, servent à capturer vivants les oiseaux.
La chasse est entourée de nombreux rituels. Le Zo'é ne touche jamais sa proie avant
d'être sûr qu'elle est bien morte. Les Wayampi pointent le soleil de leur arc bandé
pour le remercier de leur avoir offert les premières flèches.
Chez les Maku, le chaman demande la permission au Wai Masa, le seigneur des
animaux, de tuer du gibier : à défaut de cette consultation ou si les chasseurs abattent
trop d'animaux, il faut craindre la vengeance du Wai Masa. Le rituel a ici pour
fonction de maintenir l'équilibre entre les hommes, les animaux et la nature.
Anthropophagie
La pratique du "cannibalisme" a concerné un grand nombre de sociétés humaines,
sur tous les continents.
Les premiers colonisateurs européens qui débarquèrent au Brésil furent confrontés
aux pratiques de cannibalisme de certains groupes amérindiens, notamment ceux
appartenant à la famille linguistique Tupi-Guarani.
Les Araweté utilisaient les tibias des ennemis tués au combat pour fabriquer des
flûtes. L'ennemi est appelé "ce qui sera de la musique" : il envoie en rêve des chants
qui seront entonnés lors des fêtes de la bière de maïs. C'est une façon de l'inviter à
partager le banquet. Dévorer son ennemi peut être une façon de s'approprier ses
qualités, mais aussi d'éviter sa résurrection.
Ce sont les chamans qui chantent le Maï marakã, la Musique des Dieux, chant tantôt
solennel, tantôt exalté, tantôt mélancolique, qui leur est dicté par les esprits.
Rites d'initiation en Guyane
Les Wayana Aparai occupent un territoire à cheval sur le Brésil, le Surinam et la
Guyane française. Leur population se répartit dans de petits villages autonomes
formés de plusieurs familles nucléaires qui se dispersent lors du décès du fondateur
de la communauté pour aller se refonder ailleurs.
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Seul le rituel du Maraké, qui marque l'entrée des adolescents dans l'âge adulte, réunit
plusieurs villages.
Le maître de la danse débute la cérémonie par un chant rappelant à la communauté
l'origine des épreuves d'initiation, leur importance et leur déroulement.
Les jeunes initiés confectionnent une coiffe-masque, l'orok, qui sera porté durant une
journée et une nuit de danses ininterrompues.
Les jeunes garçons observent ensuite une période de purification mentale et
corporelle. Ils réduisent leurs rations alimentaires et ingurgitent de grandes quantités
d'une boisson à base de manioc fermenté, destinée à être vomie à plusieurs reprises.
L'affaiblissement qui en résulte a pour but de chasser de la mémoire des novices le
souvenir de leur vie passée.
Dans cet état de fatigue et d'ivresse, les initiés offrent leur corps au supplice des
nattes Kunana*. Ils doivent supporter les piqûres de fourmis ou de guêpes sans
broncher.
Les garçons sont alors placés en réclusion. Ils ont les cheveux coupés et doivent
jeûner. Ils ne sont autorisés à boire que quelques gouttes d'eau. Conduits dans la
maison de réunion, ils montrent à tous leur résistance à la tentation en refusant la
nourriture qu'on leur présente.
* Les nattes Kunana sont des vanneries zoomorphes représentant un oiseau, un
mammifère ou un poisson, exclusivement confectionnées par les hommes. La
structure est couverte de duvet, à l'exception d'une lucarne située en son centre, dans
laquelle sont introduites les fourmis tocandeiras (Paraponera clavata) aux morsures
extrêmement douloureuses. Les piqûres sérieuses peuvent s'accompagner de
tremblements incontrôlables, de suées, de nausées et de paralysie.
Chaque initié est accompagné de son parrain qui le soutient pendant l'application du
kunana sur le front, la poitrine, le dos et les membres.
Depuis le début des années 1980, cette coutume a tendance à disparaître.
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CREDITS PHOTOGRAPHIQUES
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Les photos se lisent dans l'ordre de 1 à 17.
Tous les crédits photos : S. Guiraud, Association Jabiru Prod
1 Photo de couverture : Indienne Zo’é - Pará Brésil. Chaque ethnie possède ses propres artifices pour
embellir le corps et marquer sa différence.
2 Bororo – Mato Grosso Brésil. La célébration de rituels sont des périodes où la décoration corporelle
atteint le maximum de son expression.
3 Fleuve Xingu – Mato Grosso Brésil. Le Xingu, affluent de l’Amazone, serpente à travers une région
fortement dégradée par les grands exploitants agricoles.
4 Tronc -Pará Brésil. Adaptés à des sols pauvres, les arbres de la forêt amazonienne étalent leurs
racines pour capter en surface la matière nutritive nécessaire à leur croissance.
5 Marché de Belém - Pará Brésil. Longtemps les fruits des palmiers açai ont été vendus exclusivement
dans les villes du bassin amazonien. Aujourd’hui, ces baies, grâce à leurs vertus nutritives, ont conquis
une réputation internationale.
6 Déforestation - Pará Brésil. En 2009, le taux de déforestation a diminué en Amazonie brésilienne.
Toutefois, la contrebande de bois est toujours active notamment dans l’état du Pará.
7 Cuisinières Zo’é - Pará Brésil. Les corvées quotidienne sont divisées de façon rigide entre les hommes
et les femmes. Seules les femmes Zo’é ont le droit de préparer les repas.
8 Famille Zo’é - Pará Brésil. Invention amérindienne, le hamac est l’objet emblématique de
l’adaptation à la forêt. Par son confort et sa facilité de transport, il symbolise un mode de vie basé sur
la mobilité.
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9 Enfants Metuktire – Mato Grosso Brésil. Dessins réalisés avec le jus de genipa mélangé à de la salive
et du charbon végétal. Lors de l’application, les lignes sont invisibles et n’apparaissent que le
lendemain.
10 Collecte de rocou – Indienne Zo’é - Pará Brésil. Les rocouyers sont plantés à proximité des villages.
Ils en existent plusieurs espèces dont les graines donnent une couleur rouge plus ou moins vive.
11 Préparation du rocou – Parc du Xingu – Mato Grosso Brésil. Les pigments de rocou peuvent être
utilisés sans transformation ou bien comme chez les tribus du haut Xingu subir un traitement :
passage au tamis et longue cuisson.
12 Séance maquillage - Indiennes Zo’é – Pará Brésil. Le rocou a plusieurs fonctions : il habille et
décore le corps et le protège des piqûres d’insectes en dégageant une odeur forte. Les pigments
disparaissent au premier bain.
13 Rikbaktsa – Mato Grosso Brésil. Les Rikbaktsa étaient de redoutables guerriers qui pratiquaient le
cannibalisme, coutume abandonnée depuis 50 ans.
14 Karajá - Tocantins Brésil. Les techniques d’assemblage des plumes et la combinaison des couleurs
sont propres à chaque ethnie amérindienne.
15 Fête de l’imposition du nom – Metuktire – Mato Grosso Brésil. Dans le village de Kapoto, ces
jeunes filles, parées des ornements traditionnels, attendent patiemment le début du rituel d’imposition
du nom.
16 Bororo – Mato Grosso Brésil. L’usage du grand diadème Pariko est autorisé lors de la célébration
des rituels funéraires. La combinaison des couleurs signale l’appartenance à un clan.
17 Karajá - Tocantins Brésil. Jeune fille parée du bonnet Lori lori que seuls les enfants Karajá sont
autorisés à porter lors de tous évènements.
Situation des terres indiennes au Brésil dans le bassin amazonien
225 ethnies dont 173 en Amazonie légale
460.000 Amérindiens (recensement de la FUNAÏ) ; 0,25 % de la population brésilienne
Taux démographique 3,5 %, moyenne nationale 1,3 %
35 % des peuples comptent moins de 200 personnes
Les Juma étaient 15000 au XVIIIème siècle, 5 aujourd’hui
109.450.853 ha soit 13 % du territoire national
3,6 km² par Indien soit 436 terrains de football
180 langues – 1300 langues estimées à l’arrivée des colonisateurs Portugais
63 aires pourraient abriter des Indiens non contactés
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Générique
Conception – scénario : Armand FAYARD
Muséographie - mise en scène : Armand FAYARD
Assistant : Philippe CANDEGABE
Documentariste : Serge GUIRAUD
Recherches sur les populations amazoniennes : Serge GUIRAUD
Textes : Philippe CANDEGABE, Armand FAYARD, Serge GUIRAUD
Iconographie : photographies Serge GUIRAUD, Association Jabiru Prod
Collections
ethnographiques : Muséum de LILLE
botaniques : Muséum de TOULOUSE
zoologiques : Muséum de GRENOBLE
Réalisation
Technique :
- Menuiserie, électricité : Raymond MOLINIE, Jo MARTORANA, Béchir
KHOUALDIA,
- Taxidermie : Daniel GUYARD,
- Infographie : Claude HAUDEBOURG,
Conservation : Philippe CANDEGABE, Julie DELAVIE, Jean Marc COQUELET,
Jérôme PETITPRETRE,
Communication : Martine AMRAM, Jean Lou BALAT,
Culturel : chargée de mission Tassadite CHEMIN,
Pascal DECORPS,
Documentation : Geneviève CALVET,
Administration : Martine CHABERT, Carine GUYOT, Dominique CABALLERO,
Anne MAHEU.
Financement
Conseil Général de l'Isère
Ville de Grenoble
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Contacts et renseignements pratiques
Contacts
Martine AMRAM
Chargée de communication
Tél : 04 76 44 95 47
Port : 06 37 60 62 04
Fax : 04 76 44 65 99
Mèl : [email protected]
Horaires d'ouverture
Exposition "Guetteurs d'avenir, peuples d'Amazonie"
A l'Orangerie du Muséum du 2 avril au 1er août 2010
Du lundi au vendredi de 9h30 à 12h00 et de 13h30 à 17h30,
Samedi et dimanche de 14h00 à 18h00
Fermé le 1er mai 2010
Visites guidées
Tous les mercredis et samedis à 16h30 (sauf le 1er mai)
et le dimanche 16 mai.
Tarifs
Plein tarif : 2.20€ - Tarif réduit : 1.50€ - Jeunes de 18 à 25 ans : 1.10€
Gratuit pour les moins de 18 ans
Forfaits d'entrées expositions permanentes + exposition temporaire
Plein tarif : 3.80€ - Tarif réduit : 2.20€ - Jeunes de 18 à 25 ans : 1.90€
Gratuit pour les moins de 18 ans
Pour en savoir plus, au Muséum
Tél : 04 76 44 05 35
Fax : 04 76 44 65 99
Mèl : [email protected]
Adresse Internet : www.museum-grenoble.fr
Adresse postale : 1 rue Dolomieu – BP 3022 – 38816 Grenoble cedex 1
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