La croissance folliculaire dans l`ovaire humain
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La croissance folliculaire dans l`ovaire humain
Synthèse La croissance folliculaire dans l’ovaire humain Alain Gougeon Directeur de recherche INSERM INSERM U-1052 et ANIPATH, Faculté de Médecine Laënnec, 7, rue Guillaume Paradin, 69372 Lyon cedex 08, Tél. 04 78 77 10 51, E-mail : alain.gougeon@ inserm.fr Mots-clés : follicule ovarien, granulosa, thèque interne, facteurs de croissance, gonadotrophines, stéroïdogenèse. hez la femme, la folliculogenèse débute lorsque des follicules de la réserve entrent en croissance ; elle se termine avec l’ovulation d’un seul follicule par cycle. Ce processus peut être divisé en 4 étapes principales : – activation des follicules au repos, – début de la croissance folliculaire, – sélection du futur follicule ovulatoire parmi une population de follicules sélectionnables (≥ 2mm) et, – maturation du follicule préovulatoire. Tandis que les aspects morphologiques et dynamiques de la croissance folliculaire humaine n’ont pas changé de façon substantielle au cours des dernières années [1], des avancées significatives dans la connaissance des facteurs régulant la fonction ovarienne ont été réalisées grâce à différentes techniques telles que la culture in vitro, l’utilisation de souris trangéniques, la génomique et la protéomique ainsi que l’analyse phénotypique de patientes porteuses de mutations spontanées affectant la fertilité. L’une des avancées les plus spectaculaires réalisées ces dernières années concerne le rôle joué par l’ovocyte qui agit comme une « horloge de la folliculogenèse » [2] en agissant sur l’activation des follicules au repos, en accélérant la croissance du follicule et en favorisant la maturation terminale. Cette revue a pour objet de rappeler les changements morphologiques et fonctionnels affectant les follicules aux différents stades de leur développement ainsi que les régulations mises en œuvre. Initiation de la croissance folliculaire La réserve ovarienne Les follicules au repos (Figures 1A, B, C) constituent la réserve ovarienne. Leur effectif, 250 000 à 500 000 par ovaire à la naissance, 16 SynyhèseGougeon.indd 16 représente entre 91 et 98 % de la population folliculaire totale. Leur nombre diminue avec l’âge, à une vitesse, probablement variable d’un individu à l’autre, qui s’accélère progressivement, notamment après 38 ans [3]. Lorsque la ménopause survient, la réserve ovarienne ne contient plus que quelques centaines de follicules. Déplétion de la réserve par apoptose Chez la femme, l’apoptose, difficile à détecter en raison de la disparition extrêmement rapide de l’ovocyte (Figure 1E), est responsable de l’épuisement de la réserve ovarienne surtout avant l‘âge de 30 ans [3]. La survie ou l’apoptose d’un follicule résulte d’une balance entre l’action de facteurs de survie (anti-apoptotiques) et de facteurs pro-apoptotiques. Les modèles de souris déficientes ou surexprimant bcl-2 et bax [4] montrent que ces facteurs jouent, respectivement, un rôle clé dans la survie et l’atrésie des follicules ovariens. Toutefois en raison du grand nombre de protéines impliquées dans l’apoptose, ces facteurs ne sont sans doute pas les seuls responsables de l’appauvrissement de la réserve chez la jeune femelle dans des conditions physiologiques normales. De nouvelles investigations sont donc nécessaires. Epuisement de la réserve par activation des follicules au repos Chez la femme, les follicules entrent en croissance de façon continue depuis la vie fœtale jusqu’à la ménopause. La chronologie précise des évènements conduisant à l’activation des follicules au repos n’est pas établie, mais il a été montré que cette activation n’est pas dépendante des gonadotrophines. Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 11/07/11 17:56 En revanche, de nombreuses molécules sont impliquées dans l’activation des follicules ou leur maintien au repos. La liaison du ligand (Figure 2) à son récepteur à domaine tyrosine kinase active la voie PI3K et conduit à l’entrée en croissance des follicules au repos. Cette voie est régulée par des molécules inhibitrices (Figure 2) dont la délétion conduit à l’épuisement prématuré de la réserve ovarienne lors de la stimulation [5]. Certains facteurs locaux appartenant à la famille du TGF-ß stimulent l’activation des follicules au repos, tandis que l’AMH, issu des follicules en croissance, la bloque, indirectement, en inhibant des molécules activant la voie PI3K [6] (Figure 2). La production d’AMH, peut être stimulée par FOXO3 et FOXl2, ce dernier permet la transformation des CGs aplaties en CGs cuboïdales [7]. Chez la femme, une mutation de FoxL2 conduit à une insuffisance ovarienne prématurée chez les patientes souffrant d’un syndrome de BPES [8]. Avec l’AMH, la SST, qui est un puissant inhibiteur de la production d’AMPc dans la plupart des cellules épithéliales, inhibe partiellement l’activation des follicules de la réserve dans l’ovaire de souris in vitro [9]. La croissance folliculaire entre l’initiation et le petit follicule antral (2 mm) : la croissance folliculaire basale Aspects morphologiques Figure 1. Follicules présents dans l’ovaire humain. A à C : La réserve ovarienne (barre = 18 µm). A : follicule primordial, les CGs sont aplaties. B : follicule intermédiaire ou transitoire, mélange de CGs aplaties et cuboïdales. C: petit follicule primaire, une couche de CGs cuboïdales autour d’un petit ovocyte. D à M : follicules en croissance. D: grand follicule primaire, une couche de CGs cuboïdales autour d’un grand ovocyte (barre = 20 µm). E: follicule primaire atrétique (en haut à droite) dans lequel l’ovocyte a disparu; un follicule primordial normal (à gauche) est présent (barre : 30 µm). F: follicule secondaire présentant 2 couches de CGs (barre = 40 µm). G : follicule préantral (classe 1) (barre = 75 µm). H: cellule épithélioïde (flèche) dans la thèque interne d’un follicule préantral (barre =18 µm). I: follicule à antrum débutant (classe 2) (barre = 100 µm). J : petit follicule à antrum (classe 2) (barre = 90 µm). K : petit follicule à antrum (classe 3), des follicules de la réserve sont présents à droite (barre = 160 µm). L : follicule à antrum (classe 4) (barre = 300 µm). M : follicule sélectionnable (classe 5) (barre = 530 µm). Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 SynyhèseGougeon.indd 17 Chez la femme, le premier stade de la croissance est le grand follicule primaire (Figure 1D), dont les CGs possèdent des FSHR. Dans le follicule secondaire (Figure 1F), la thèque se vascularise et quand elle se différencie en 2 parties, la thèque externe et la thèque interne, qui contient des cellules stéroïdogènes (Figure 1H), le follicule est appelé préantral (Figure 1G). Le follicule préantral constitue la première classe de follicules en croissance dans une classification reposant sur l’aspect morphologique et le nombre de CGs. Dans le follicule à antrum, cavité remplie de liquide folliculaire dont la composition 17 11/07/11 17:56 Synthèse est proche de celle du plasma sanguin, les CGs entourant l’ovocyte constituent le cumulus oophorus (Figure 1, I à M). Par accumulation de liquide folliculaire et par prolifération des CGs et cellules de la TI, le follicule se développe à une vitesse de plus en plus grande. Lorsque son diamètre atteint 2 mm, le follicule est appelé follicule sélectionnable (Figure 1M). Chez la femme, le temps nécessaire à un follicule en début de croissance pour atteindre la taille de 2 mm est d’environ 5,5 mois (Figure 3). Cette chronologie a été validée récemment puisque un follicule préovulatoire a été observé 5 mois après auto transplantation de fragments de cortex ovarien congelés chez une patiente souffrant d’un arrêt prématuré de la fonction ovarienne suite à une chimiothérapie pour lymphome de Hodgkin [10]. La croissance de l’ovocyte C’est au début du développement folliculaire que l’ovocyte croît le plus vite. Son diamètre passe d’environ 40 µm dans le grand follicule primaire à environ 100 µm dans le follicule à antrum débutant. Après, sa croissance sera beaucoup plus lente puisqu’il atteindra environ 140 µm dans le follicule ovulatoire. La croissance normale de l’ovocyte nécessite un équilibre entre l’action stimulante du KL en provenance des CGs et celle, inhibitrice, du GDF9, produit par l’ovocyte [11]. Différenciation et prolifération des cellules de la thèque interne C’est lorsque des cellules stéroïdogènes apparaissent dans la thèque, que la distinction entre thèque externe, principalement constituée de cellules du stroma et de fibroblastes, et thèque interne, renfermant les cellules produisant les androgènes, peut être faite. La différenciation des cellules de la thèque interne est sous le contrôle de facteurs locaux et/ou circulants (Figure 3). Chez la femme, ces cellules possèdent des LHR et synthétisent de l’androstènedione qui est le principal stéroïde aromatisable, tandis que la testostérone est produite 18 SynyhèseGougeon.indd 18 Voie P13K via les RPTK (c-kit, TrkB, GFR1α, IGFR, NGFR) Molécules diverses Famille du TGFβ PTEN, Tsc1 &2 FOXO3 p27 – KL, FGF2, KGF PGGF, BDNF, NT4, GDNF, NGF, Insuline... + – BMP4, 7, BMP15 AMH GDF9 – + SDF1 E2, P4 Androgènes LIF SST – + Activation Follicule au repos Follicule en croissance Figure 2. Activation des follicules au repos. En se liant à leur récepteur à domaine tyrosine kinase (RPTK) (en bleu), des facteurs locaux (PDGF, FGF2, KGF) stimulent la production de KL, qui en se liant à c-kit, active la voie PI3K et conduit à l’entrée en croissance des follicules au repos. Des neurotrophines (NT4, GDNF, NGF) et l’insuline agissent directement sur le follicule au repos en se liant à leur récepteur (TrkB, GFR1a, IGFR, NGFR ) et activent la voie PI3K. Cette dernière est régulée négativement par des facteurs de transcription (p27, FOXO3), des protéines (Tsc1 & 2) ou une phosphatase (PTEN). Certains membres de la famille du TGF-ß (BMP4 et 7), en provenance de divers compartiments ovariens stimulent, in vivo, l’activation des follicules au repos, tandis que d’autres (BMP15, GDF9) la stimulent in vitro. L’AMH qui maintient des follicules au repos, agit en réprimant la production de molécules (KL, c-kit, FGF2, KGF) activant la voie PI3K. Tandis que le rôle stimulant des androgènes et du LIF pour provoquer l’activation des follicules de la réserve, et que celui de la SST et de SDF1 pour l’inhiber sont bien établis, l’effet inhibiteur de l’E2 et de la P4 doivent être confirmés. en bien moins grandes quantités. Cette production d’androgènes, en réponse à LH, résulte de l’activité d’enzymes telles que la P450scc et la P45017a/lyase ; elle est faible pendant la croissance folliculaire basale. Prolifération et différenciation des CGs La FSH est le stimulant primaire de la croissance folliculaire. Pourtant, en dépit de la présence des FSHR sur les CGs, les follicules d’un diamètre inférieur à 2 mm sont insensibles aux variations cycliques des taux de FSH. De plus, en absence (souris déficientes en FSH ou FSHR, mutations invalidantes de FSHß ou des FSHR chez la femme) ou quasi absence de FSH (hypogonadisme, hypophysectomie), la folliculogenèse peut se dérouler au moins jusqu’au stade sélectionnable (≥ 2mm) [1]. Toutefois, d’un point de vue quantitatif et qualitatif elle est de moins bonne qualité que lorsque FSH est présente. Chez le singe, les androgènes stimulent le début de la croissance folliculaire en se liant à leurs récepteurs présents dans les CGs. Leur effet pourrait passer par le KL, la BMP15, le GDF9 et l’HGF [12], qui, avec d’autres facteurs locaux (Figure 3) stimulent, in vitro, la prolifération des CGs en absence de FSH. Ainsi, bien qu’en absence de FSH, la folliculogenèse puisse débuter en raison de l’action de facteurs locaux, elle ne peut être complète et conduire à l’ovulation que lorsque ces facteurs locaux agissent en synergie avec FSH. L’AMH inhibe la prolifération des CGs induite par FSH, en synergie avec d’autres facteurs locaux (Figure 3) [13]. Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 11/07/11 17:56 Antrum-classe 3 0,5 - 0,9 mm 20 jours IGFBPs Stéroïdogenèse – 25 jours Thèque interne + Préantral - classe 1 0,15 - 0,2 mm Les follicules sélectionnables et la sélection du follicule ovulatoire 15 jours Antrum-classe 4 1-2 mm – Prolifération des CGs et TI + EGF KL GDF9 IGF-1 EGF, TGFα, FGF2, KGF, HGF, KL, GDF9, BMP15, TGF , Activine A, androgènes ~ 90 jours – 10 jours AMH Classe 5 Sélectionnable 2-5 ans Secondaire 0,06 - 0,15 mm GDF9 – + KL Croissance ovocytaire Figure 3. Facteurs impliqués dans la régulation de la croissance folliculaire basale. Les différents types de follicules constitutifs de la croissance folliculaire basale, ainsi que leurs limites de taille et leur classification sont mentionnés dans cette figure. Les temps de passage des follicules dans chaque classe montrent qu’environ 90 jours sont nécessaires pour qu’un grand follicule primaire atteigne le stade préantral et que 70 jours seront nécessaires à ce dernier pour qu’il atteigne une taille d’environ 2 mm. Au début de la croissance basale, l’ovocyte se développe rapidement sous le contrôle du KL, lui même régulé négativement par GDF9, puis la thèque interne se différencie en réponse à l’action de facteurs locaux (KL, EGF, GDF9) ou circulants (IGF-I). Pendant la croissance basale, la différenciation des CGs (et notamment la stéroïdogenèse) est inhibée par des facteurs locaux (en rouge), tandis que leur prolifération est stimulée par ces mêmes molécules et d’autres facteurs agissant de façon locale. L’AMH inhibe la prolifération des CGs en réprimant la synthèse de molécules stimulatrices (en italiques gras). En se liant à l’IGF-II, les IGFBPs régulent négativement la stéroïdogenèse et la prolifération des CGs. Produit en abondance par les petits follicules [14], elle est sans doute responsable de leur faible vitesse de croissance [1]. Lorsque la taille du follicule augmente, la production d’AMH diminue et entraîne l’augmentation de cette vitesse, un effet sans doute amplifié par l’augmentation de la production d’androgènes par la thèque interne pendant le développement du follicule [15]. Au début de la croissance follicu- laire, les CGs ne possèdent ni enzymes de la stéroïdogenèse, ni LHR , elles sont indifférenciées. Ce sont les facteurs, qui par ailleurs stimulent leur prolifération, qui répriment l’expression des protéines caractérisant l’état différencié des CGs (Figure 3) En outre, la concentration élevée d’IGFBPs dans les petits follicules [16] diminue la biodisponibilité des IGFs qui stimulent la prolifération et la différenciation des CGs. Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 SynyhèseGougeon.indd 19 Les follicules d’une taille supérieure à 2 mm, appelés follicules sélectionnables, sont présents à tous les stades du cycle [1]. En fin de phase lutéale, leur nombre est compris entre 3 et 11 par ovaire chez des femmes âgées de 24 à 33 ans. Ils sont très sensibles aux variations gonadotropes cycliques puisque leur qualité et leur vitesse de croissance augmentent en réponse au pic intercycle de FSH (fin de phase lutéale et début de phase folliculaire) se produisant lors de la régression fonctionnelle du CJ. La stimulation ovarienne illustre parfaitement leur réceptivité à FSH élevée puisque après injection d’hMG ou de FSH le nombre de follicules ponctionnés (en FIV) est proche du nombre de follicules sélectionnables observés en fin de phase lutéale. Chez toutes les espèces, ils se développent très vite, leurs besoins métaboliques sont donc élevés, ce qui conduit à l’accumulation de radicaux libres nécessitant l’action d’enzymes de détoxification [17]. Comme dans les follicules plus petits, l’aromatase est inhibée, et la concentration intrafolliculaire d’E2 est très faible, comparée à celle des androgènes (Tableau 1). Cette dernière résulte d’une balance entre l’action d’une concentration élevée d’activine qui diminue la production des androgènes thécaux, et l’élévation du nombre de LHR et de la pulsatilité de LH pendant le début de la phase folliculaire [1]. Ainsi, lorsque le follicule devient sélectionnable, ses GCs deviennent sensibles à FSH en termes de prolifération, mais pas en termes de production d’oestrogènes. C’est parmi ces follicules sélectionnables que le futur follicule ovulatoire sera sélectionné, en fin de phase lutéale chez les femmes les plus âgées, en début de cycle chez les plus jeunes [18]. C’est alors le plus grand follicule, il se développe plus rapidement que les autres, et contrairement aux follicules sélectionnables, il synthétise de l’E2 (Tableau 1). Le rôle du système IGF dans le processus de sélection apparaît de plus en plus clair [16]. L’IGFBP4, qui neutralise l’activité biologique de l’IGF-II, la princi19 11/07/11 17:56 Synthèse Tableau 1. Evolution des concentrations (ng/mL) (± SEM) de stéroïdes présents dans le liquide folliculaire depuis le stade follicule sélectionnable jusqu’au stade du follicule préovulatoire après la décharge ovulante. Follicule type E2 A + T +DHT 17a-OHP P4 Total Atrétique (1-5 mm) 20 ± 5 794 ± 90 – 73 ± 13 887 Sélectionnable 15 ± 5 638 ± 113 – 130 ± 45 783 658 ± 38 487 ± 128 713 ± 318 417 ± 120 2275 Préovulatoire 1 Sélectionné 1270 ± 161 542 ± 176 460 ± 112 440 ± 74 2712 Préovulatoire 2 2396 ± 348 203 ± 37 1002 ± 212 1228 ± 228 4829 Préovulatoire 3 2583 ± 228 287 ± 44 1812 ± 142 2464 ± 226 6146 Préovulatoire 4 1109 ± 142 79 ± 21 2034 ± 326 7773 ± 643 10995 Follicule préovulatoire, 1 : en mi-phase folliculaire quand les niveaux plasmatiques d’E2 s’élèvent ; 2 : au moment du pic d’E2 ; 3 : entre le pic d’E2 et la décharge de LH ; 4 : après la décharge de LH. Abréviations : E2 : oestradiol-17ß, A : androstènedione, T : testostérone, DHT : dihydro-testostérone, 17a-OHP : 17a-hydroxy progestérone, P4 : progestérone ; pale IGF produite par les GCs préovulatoires humaines, est dégradée par une protéase, la PAPP-A, stimulée par le pic de FSH intercycle. FSH stimule donc, indirectement, son propre effet sur la prolifération des CGs et leur stéroïdogenèse via l’action de l’ IGF-II. Ainsi, le follicule sélectionnable possédant le seuil de réponse à FSH le plus bas sera le premier à bénéficier de l’action de l’IGFII qu’il synthétise, sa vitesse de croissance s’accélérera et sa production d’E2 deviendra significative. Etant le premier à posséder des LHR sur ses GCs, il pourra continuer à grossir et entamer sa maturation préovulatoire en dépit de la chute de FSH, consécutive à l’augmentation de l’E2 et de l’inhibine A circulants. Le rôle majeur joué par l’IGF et la PAPP-A dans la sélection a été confirmé par une forte altération de la fertilité chez des souris déficientes en IGF-I [19] et en PAPP-A [20]. Maturation du follicule préovulatoire Pendant la phase folliculaire, le follicule préovulatoire se développe très rapidement puisqu’ il passe de 6,9 ± 0,5 mm à 18,8 ± 0,5 mm au moment de l’ovulation, ses CGs subissant d’importantes transformations morphologiques dues à des modifications de l’organisation du cytosquelette. Siège d’un métabolisme intense il doit être protégé contre les radicaux libres. Ainsi, les souris déficientes en superoxyde dismutase 1, 20 SynyhèseGougeon.indd 20 possèdent moins de grands follicules antraux que les souris sauvages [21]. L’activité stéroïdogène devient considérable. D’un coté, une production croissante d’inhibine A stimule fortement la synthèse des androgènes thécaux qui seront aromatisés en E2 par les CGs des follicules > 10 mm où l’expression de l’aromatase est stimulée par l’IGF-II et le NGF [22]. Avant la décharge ovulante, les CGs produisent de l’E2, tandis que la thèque interne produit des androgènes et des progestines, après, les CGs et la thèque synthétisent surtout des progestines (Tableau 1). Le passage des stéroïdes dans la circulation générale est favorisé par une vascularisation intense induite par le VEGF produit par les CGs en réponse à LH [23]. L’apparition des LHR sur les CGs permet à ces dernières de répondre à LH et compense la chute de FSH. Ainsi quand LH est administrée avec de la rFSH, la croissance folliculaire est accélérée, les doses de FSH requises sont moindres et le développement des petits follicules est bloqué [24]. Après la décharge ovulante, le follicule préovulatoire est l’objet de transformations morphologiques et métaboliques profondes. La lame basale se rompt, permettant aux capillaires sanguins d’envahir la granulosa et de fournir aux CGs le cholestérol nécessaire à la synthèse des progestines. Cette dernière est rendue possible par l’expression d’enzymes de la stéroïdogenèse (3ßHSD, P450scc , adrénodoxine et StAR). En outre, les CGs, comme celles du cumulus, se dissocient les unes des autres. Cette dissociation est induite par des molécules apparentées à l’EGF, produites en réponse à LH [25], mais aussi par la Prostaglandine E [26], le GDF9 et la BMP15 [27]. L’activation des récepteurs de la P4 apparus dans les CGs entraîne un arrêt de leur prolifération. Enfin, après la décharge ovulante, l’ovocyte reprend sa méiose et est ovulé au stade métaphase II. Conclusion Il n’y a aucun doute que notre connaissance de la folliculogenèse ovarienne a considérablement progressé au cours de ces dernières années. Tandis que le rôle de FSH et de LH comme stimulants primaires de ce processus reste incontestable, le rôle joué par les facteurs locaux est devenu de plus en plus documenté au cours de la dernière décade. Les CGs et la thèque interne, mais aussi, et de façon plus surprenante, l’ovocyte, produisent des molécules qui influencent, de façon positive ou négative, l’action des gonadotrophines. A cet égard, il est fascinant de constater que nombre de fonctions folliculaires sont contrôlées par une balance entre des facteurs inhibiteurs et stimulants, parfois redondants. Toutefois, en dépit d’une meilleure connaissance de la folliculogenèse chez les rongeurs, de nombreux processus restent mal connus chez la femme, principalement à cause de l’impossibilité d’expérimenter. Comprendre les causes de l’épuisement de la réserve ovarienne par apoptose ou par activation des follicules au repos, ou bien élucider les mécanismes moléculaires impliqués dans l’acquisition par les CGs de leur capacité maximale à répondre à FSH, constituent, parmi d’autres, des challenges passionnants pour améliorer la fertilité féminine dans les années à venir. Ainsi, en traitant in vitro des ovaires de souriceaux nouveau-nés par un inhibiteur de PTEN et un peptide stimulant la voie PI3K, l’équipe de Hsueh [28] a activé les follicules au repos présents dans ces ovaires. Transplantés sous la capsule rénale de souris castrées et traitées par Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 11/07/11 17:56 FSH, les follicules ont ovulé et fourni des ovocytes dont la fécondation a permis l’obtention de petits viables. Appliquée à des fragments de cortex ovarien humain, cette technique a permis après transplantation dans des souris immunodéficientes, l’obtention d’ovocytes mûrs. Ainsi, pour la première fois une équipe est parvenue à obtenir des ovocytes fécondables à partir de follicules primordiaux chez la femme, démontrant ainsi l’apport de la recherche fondamentale chez les rongeurs à la clinique humaine. Abréviations utilisées AMH : hormone anti-müllerienne AMPc : 3’-5’ adenosine monophosphate cyclique BMP : bone morphogenetic protein BPES : blepharophimosis-ptosis epicanthus inversus CJ : corps jaune E2 : œstradiol-17ß EGF : epidermal growth factor FGF2 : basic fibroblast growth factor FIV : Fécondation in vitro FOXL2 : Forkhead box L2 FOXO3 : Forkhead box O3 FSHR : récepteur de la FSH CG : cellules de la granulosa GDF : growth differentiation factor GDNF : glial-derived neurotrophic factor GFRa1 : glial cell line-derived neurotrophic factor receptor HGF : hepatocyte growth factor hMG : human menopausal gonadotrophin IGF : insulin-like growth factor IGFBPs : IGF binding proteins KGF : keratinocyte growth factor KL : kit ligand LHR : récepteur de la LH Références 1. Gougeon A, Endocr Rev 1996 ; 17:121. 2. Eppig JJ et al, Proc Natl Acad Sci U S A 2002 ; 99:2890. 3. Gougeon A et al, Biol Reprod 1994 ; 50:653. 4. Perez GI et al, Nature genetics 1999 ; 21:200. 5. 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LIF : leukemia inhibiting factor NGF : nerve growth factor NT4 : neurotrophin 4 P4 : progestérone P450scc : enzyme de clivage de la chaîne latérale du cholestérol P45017a/lyase : 17a-hydroxylase/lyase PAPP-A : pregnancy-associated plasma protein-A PDGF : platelet derived growth factor PI3K : phosphatidylinositol 3 kinase PTEN : Phosphatase and Tensin homolog 1 RPTK : récepteur à domaine tyrosine kinase SDF1: chemoattractive cytokine stromal derived factor-1 SST : somatostatine StAR : steroid acute regulatory protein TGF-ß : transforming growth factor-ß TE : thèque externe TI : thèque interne TrkB : tyrosine kinase récepteur B Tsc : Tumor suppressor tuberous sclerosis complex VEGF : vascular endothelium growth factor 24. Filicori M et al, J Clin Endocrinol Metab 2001 ; 86:337. 25. Freimann S et al, Biochem Biophys Res Commun 2004 ; 324:829. 26. Hizaki H et al, Proc Natl Acad Sci U S A 1999 ; 96:1050. 27. Gueripel X et al, Biol Reprod 2006 ; 75:836. 28. 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