Transaction et convention de reclassement

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Transaction et convention de reclassement
Le point sur...
DROIT SOCIAL
Transaction et convention de reclassement
personnalisé
Par Cyrille Franco, avocat associé, et Cécilia Arandel, avocat.
Fromont Briens
Extrait du magazine
Décideurs N°131
Octobre 2011
UNE PUBLICATION DU GROUPE
LEADERSHIP, MANAGEMENT & STRATÉGIE • PAROLES D'EXPERTS
DROIT SOCIAL
Transaction et convention de reclassement
personnalisé
En cas d’adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé, la rupture du contrat
de travail est différée au terme du délai de réflexion donné au salarié pour y adhérer. Par un arrêt du
31 mai 2011 n° 10-14.313 la Cour de cassation précise que la transaction peut être conclue dès l’envoi
du courrier communiquant au salarié les motifs de la rupture, et ce, même si la rupture du contrat de
travail n’est acquise qu’à l’expiration du délai de réflexion.
SUR LES AUTEURS
Cécilia Arandel et Cyrille Franco sont avocats au
sein du cabinet Fromont Briens dont l’activité
est exclusivement consacrée au droit du travail
et de la protection sociale. Comptant plus
de 120 avocats répartis entre Lyon et Paris,
le cabinet Fromont Briens s’est vu décerner,
à plusieurs reprises, le trophée droit social.
Fromont Briens est également membre du réseau
international Terralex et du réseau ELA.
Cécilia Arandel, avocat
Cyrille Franco, avocat associé
a Chambre sociale de la
Cour de cassation rappelle,
régulièrement, qu’une transaction ne peut être valablement
conclue qu’une fois la rupture du
contrat de travail « intervenue » et
« effective »1, c’est-à-dire, en cas de
rupture à l’initiative de l’employeur,
postérieurement à la notification du
licenciement.
La convention de reclassement personnalisé a pour particularité de comporter une incertitude sur la date de
rupture du contrat de travail, laquelle
dépend du choix exercé par le salarié : soit le salarié n’adhère pas à la
convention : dans ce cas, la rupture du
contrat de travail est acquise à la date
d’envoi de la lettre de licenciement2.
Soit le salarié adhère à la convention :
dans ce cas, la rupture du contrat de
travail n’est acquise qu’au terme du
délai de réflexion, même si le salarié
a manifesté son intention d’y adhérer avant l’expiration du délai de
réflexion3.
Lorsque la convention de reclassement personnalisé doit être proposée4, la chronologie est, en pratique,
la suivante : 1/proposition de la
convention au salarié, 2/notification
à titre conservatoire du licenciement
au cours du délai de réflexion, 3/
adhésion du salarié puis 4/rupture du
contrat de travail au terme du délai de
réflexion.
L’arrêt rendu par la Chambre sociale
de la Cour de cassation n°10-14.313
du 31 mai 2011 précise à partir de
quel moment une transaction peut
être conclue entre un employeur et un
salarié qui s’est vu proposer la convention de reclassement personnalisé.
Les faits étaient les suivants : une
secrétaire administrative et comptable se voyait proposer d’adhérer
à une convention de reclassement
personnalisé. Son licenciement à
titre conservatoire lui était notifié, le
21 septembre 2005, dans l’attente de
son éventuelle adhésion à la convention. La salariée adhérait finalement
à la convention le lendemain, soit le
22 septembre 2005. Le 26 septembre
2005, la salariée concluait, avec son
employeur, une transaction censée
mettre définitivement un terme à tout
litige. La salariée saisissait pourtant le
conseil de prud’hommes de Marseille
considérant que la transaction, intervenue avant la rupture de son contrat
de travail, était nulle et que la rupture
de son contrat de travail était abusive.
Le conseil de prud’hommes déboutait
L
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DÉCIDEURS : STRATÉGIE FINANCE DROIT - OCTOBRE 2011
la salariée de sa demande.
Par un arrêt du 14 janvier 2010,
la cour d’appel d’Aix-en-Provence
infirme le jugement qui avait considéré que la transaction était régulière,
et relève, notamment, que la transaction a été conclue « avant la rupture
effective du contrat de travail ».
La Chambre sociale de la Cour de
cassation, au visa des articles L 123316 et L 1233-67 du Code du travail, 2044 du Code civil et 5 de la
convention du 27 avril 2005 relative à la convention de reclassement
personnalisé, casse l’arrêt de la cour
d’appel d’Aix-en-Provence et précise
que « la transaction ayant pour objet de
mettre fin à toute contestation résultant
de la rupture du contrat de travail à
l’initiative de l’employeur, est valablement conclue par le salarié lorsqu’il a
eu connaissance effective des motifs de
cette rupture par la lettre recommandée
lui notifiant son licenciement, même
lorsque l’effet de la rupture est différé
du fait de la signature d’une convention
de reclassement personnalisé ».
Il ressort de cet arrêt que, peu importe
que la rupture effective du contrat soit
différée par l’adhésion à la convention
de reclassement personnalisé : une
transaction conclue après réception
Par Cyrille Franco, avocat associé, et Cécilia Arandel, avocat. Fromont
Briens
LES POINTS CLÉS
Une transaction peut être valablement conclue dès lors que le salarié a eu connaissance des motifs
de la rupture de son contrat.
Peu importe que la rupture effective du contrat soit différée au terme du délai de réflexion :
une transaction peut être valablement conclue après la réception de la lettre exposant au salarié
les motifs de la rupture.
La Cour de cassation entend ainsi faire prévaloir la condition de la « transparence » (information
préalable des motifs de la rupture) sur la condition de la « temporalité » (rupture du contrat préalable
à la transaction).
de la lettre informant le salarié des
motifs de la rupture de son contrat
de travail est valable.
La Cour de cassation revient ainsi sur
sa jurisprudence de 19975 qui exigeait
que « la transaction ne peut valablement être conclue qu’une fois la rupture
intervenue et définitive ».
En effet, en cas d’acceptation de la
convention de reclassement personnalisé par le salarié, tant que le délai
de réflexion sur l’adhésion n’est pas
arrivé à expiration, le contrat de travail n’est pas rompu, même si le salarié
a pu être destinataire d’une lettre de
licenciement à titre conservatoire.
Le principe, énoncé par l’arrêt de la
Cour de cassation du 31 mai 2011,
reste néanmoins en phase avec la
jurisprudence de la Cour de cassation
qui considère que, pour être valable,
la transaction doit être conclue après
réception, par le salarié, de la lettre
de licenciement6. La Cour de cassation entend, en effet, que le salarié ait
connaissance des motifs de la rupture
du contrat de travail avant de conclure
une transaction. Elle semble ainsi
faire prévaloir la condition attachée à
la transparence, à savoir l’information
du salarié des motifs de la rupture, sur
la condition de la temporalité, à savoir
la conclusion d’une transaction postérieurement à la rupture du contrat.
Cet arrêt est également cohérent
avec la logique de la convention de
reclassement personnalisé : lorsqu’un
salarié se voit proposer la convention
de reclassement personnalisé et que
son licenciement lui est notifié à titre
conservatoire, il est acquis que son
contrat de travail sera rompu, soit
dans le cadre d’un licenciement s’il
n’adhère pas à la convention, soit dans
Option 1 :
Notification à titre conservatoire du licenciement avant acceptation par le salarié de la CRP
Proposition
de la CRP
Réception de la lettre
de licenciement à
titre conservatoire
Acceptation
de la CRP
Terme du délai
de réflexion : rupture
du contrat de travail
Délai de réflexion
Transaction nulle
Transaction régulière
Option 2 :
Notification de la lettre exposant les motifs de la rupture postérieurement à l’acceptation
de la CRP par le salarié
Proposition
de la CRP
Acceptation de
la CRP
Réception de la lettre
exposant les motifs
de la rupture
Terme du délai
de réflexion : rupture
du contrat de travail
Délai de réflexion
Transaction nulle
le cadre d’une rupture d’un commun
accord, s’il adhère à la convention.
Il n’y a donc, lorsque l’employeur
notifie le licenciement à titre conservatoire en cours de délai de réflexion,
aucune incertitude sur le fait que le
contrat de travail est ou sera rompu
mais simplement sur la date de la
rupture.
L’employeur devra pour autant, avant
de conclure une transaction, informer
le salarié des motifs de la rupture7, et
ce, peu importe que le salarié ait, ou
non, déjà manifesté son intention
d’adhérer à la convention de reclassement personnalisé.
Ce débat peut paraître dépassé dès
lors que l’on sait que la loi n° 2011893 du 28 juillet 2011 pour le
développement de l’alternance et la
sécurisation des parcours professionnels a acté du remplacement de la
convention de reclassement personnalisé par le contrat de sécurisation
professionnelle.
L’arrêt du 31 mai 2011 peut néanmoins conserver tout son intérêt
si, comme cela peut être anticipé,
le contrat de sécurisation professionnelle reprend le principe, en cas
d’adhésion, d’une rupture différée du
contrat de travail.
La loi étant, à ce stade, silencieuse sur
ce sujet, un accord relatif à l’assurance
chômage devra préciser, notamment,
les formalités et les conséquences sur
le contrat de travail de l’adhésion du
salarié au contrat de sécurisation professionnelle8.
Cass. soc. 15 janvier 1997 n° 94-42.283.
Cass. soc. 7 novembre 2006, n°05-42.323.
3
Convention Unédic-CRP du 19 février 2009.
4
Art. L 1233-65 du Code du travail.
5
Cass. soc. 16 juillet 1997 n°94-42.283.
6
Cass. soc. 10 février 2003 n°00-42.948 ;
n°00-42.947 ; 00-42.993.
7
Cass. soc. 27 mai 2009 n°08-43.137.
8
Art. L 1233-68 du Code du travail.
1
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Transaction régulière
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