Prise en charge diagnostique et thérapeutique des allergies
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Prise en charge diagnostique et thérapeutique des allergies
Prise en charge diagnostique et thérapeutique des allergies alimentaires de l’enfant Fabienne Rancé Corresponding authors and reprint requests : Dr Fabienne Rancé, Hôpital des Enfants, Unité d’Allergologie et de Pneumologie Pédiatriques, 330 avenue de Grande Bretagne, TSA 70034, 31059Toulouse cedex e-mail [email protected] tel : 05 34 55 85 86 fax : 05 34 55 85 89 Résumé Les allergies alimentaires concernent 5% des enfants. Un diagnostic précis est indispensable pour un traitement adapté. Les tests allergologiques s’orientent vers la détermination de valeurs qui prédisent une probabilité de réaction clinique pour réduire les indications du test de provocation par voie orale. Mais, dans la majorité des cas, le test de provocation est indispensable pour un diagnostic correct. Le régime d’éviction, principe de base de la prise en charge d’une allergie alimentaire, s’accompagne de mesures de prévention et d’éducation. Abstract Food allergy concern 5% of the children. Diagnose food allergy accurately lead to a correct treatment. Allergic testing is moving towards established thresholds levels that predict a probability of a clinical reaction and reduce the need of oral food challenge. But, in most of cases, oral food challenge is needed to prove food allergy. Treatment of food allergy start with an elimination diets, associated with primary prevention and educational measures. Mot-clés: allergie alimentaire, prick tests, IgE spécifiques, atopy patch tests, tests de provocation, régime d’éviction, adrénaline Key-words: food allergy, skin prick tests, specific IgE assays, atopy patch tests, oral food challenge, elimination diet, epinephrine Les allergies alimentaires concernent 5% des enfants (1). Elles altèrent la qualité de vie de l’enfant et de l’entourage (2,3). Un diagnostic correct est le préalable indispensable pour une éviction adaptée et limitée. L’éducation tient une place essentielle dans la prise en charge d’une allergie alimentaire de l’enfant (4). Diagnostic d’une allergie alimentaire La conduite du diagnostic d’allergie alimentaire nécessite une interprétation correcte des tests allergologiques à notre disposition. Ils comportent les tests cutanés, le dosage de IgE spécifiques et les Atopy Patch Tests (5). Les tests sont effectués en fonction de l’histoire clinique. Il existe de nombreux faux tests positifs sans corrélation clinique (6). Les conséquences peuvent donc être délétères chez l’enfant, autant psychologiques que nutritionnelles. A l’opposé, les tests peuvent être négatifs chez un enfant authentiquement allergique à un aliment, justifiant une bonne interprétation et une conduite diagnostique spécifique (figure 1). A titre d’exemple, 13% des tests cutanés extrait commercial à l’arachide sont négatifs chez les allergiques à l’arachide prouvées par test de provocation par voie orale 1 (7). De même, 30% des IgE spécifiques sont non détectables chez les vrais allergiques à l’arachide (8). Le test de provocation par voie orale (TPO) représente le test de référence pour affirmer avec certitude l’allergie alimentaire (9). Valeurs seuils Les tests allergologiques actuels sont orientés vers la détermination de probabilité de développer une réaction d’allergie pour réduire les indications d’un test de provocation par voie orale. Des valeurs seuils des IgE spécifiques ont été déterminées avec une valeur prédictive d’allergie de 95% (c’est à dire de réaction clinique), pour le blanc d’œuf, l’arachide et le lait de vache (figure 1). En d’autres termes, au moins 95% des enfants ayant des IgE sériques spécifiques anti-aliment supérieures à ces valeurs seuils mesurées par la technique Cap System® sont allergiques à l’aliment. Le diagnostic d’allergie alimentaire pourrait donc être porté sans avoir recours à un test de provocation. En dessous des valeurs établies pour ces aliments, le diagnostic d’allergie fait appel au test de provocation. Pour les autres aliments dont les valeurs prédictives positives et négatives n’ont pas été précisées, des investigations complémentaires sont nécessaires pouvant comporter un test de provocation par voie orale. Le suivi des concentrations des IgE spécifiques dans le temps est un outil important pour guider la date de réalisation d’un test de provocation par voie orale. Le TPO sera considéré en cas de diminution d’environ 50% de la concentration des IgE spécifiques à l’âge habituel de guérison de l’allergie alimentaire (1 an pour le lait de vache, 3 ans pour l’œuf de poule et 6 ans pour l’arachide) (6). Les valeurs seuils des tests cutanés déterminées avec une valeur prédictive d’allergie de 95% sont disponibles pour le blanc d’œuf, l’arachide, et le lait de vache (10) (figure 1). L’interprétation des valeurs seuils est limitée par la population étudiée (fréquence de l’allergie alimentaire variable selon les études), les objectifs (diagnostic, évaluation de la tolérance), les symptômes variés de l’allergie alimentaire et par l’âge de l’enfant. Elles ne sont donc pas extrapolables à tous les enfants. Les valeurs d’IgE spécifiques ne sont pas corrélées à la gravité de l’allergie alimentaire. Les valeurs prédictives positives sont rarement de 100%, ce qui soulève le problème des diagnostics abusifs d’allergie alimentaire. En cas de dermatite atopique, 11% des authentiques allergies alimentaires prouvées par test de provocation par voie en double aveugle chez un enfant atteint de dermatite atopique ont des prick tests et des IgE négatives (11). La combinaison des tests cutanés et du dosage des IgE spécifiques a montré son utilité pour le diagnostic d’allergie alimentaire à l’arachide (8) et à l’œuf de poule (12). Atopy Patch Tests Les Atopy Patch Tests (APT) aux aliments pourraient être intéressants dans l’exploration d’un enfant atteint de dermatite atopique ayant des prick tests et des IgE spécifiques négatifs. Effectués en combinaison avec les tests cutanés et le dosage des IgE spécifiques, ils pourraient réduire les indications du test de provocation orale (13). Les APT aux aliments ont une excellente spécificité et une médiocre sensibilité (14). La technique et la lecture des Atopy Patch Tests sont standardisées (15). Les aliments naturels sont utilisés (lait liquide, œuf de poule battu ou graine d’arachide mixée et diluée dans du sérum physiologique…). La meilleure valeur prédictive pour une allergie alimentaire avec une spécificité de 100% est obtenue avec une combinaison d’une induration et d’au moins 7 papules (14). Néanmoins, 2 l’extrait utilisé, en particulier la quantité de protéines qu’il contient, doit être défini. Un seul extrait commercialisé pour le lait de vache a confirmé sa validité (16). En résumé, les APT aux aliments représentent un test additionnel dont la positivité concerne une minorité des enfants atteints de DA et d’allergie alimentaire (14). Le test de provocation par voie orale est le plus souvent nécessaire pour confirmer le diagnostic d’allergie alimentaire. Test de provocation par voie orale En dehors d’une histoire évidente d’allergie avec tests cutané et/ou sanguin positifs, le test de référence pour authentifier une allergie alimentaire est le test de provocation par voie orale (5). La réalisation d’un test de provocation par voie orale doit s’accompagner de mesures de sécurité, soit dans une structure hospitalière pédiatrique, apte à prendre en charge des réactions allergiques graves, géographiquement proche d’une unité de soins intensifs, avec un personnel médical et paramédical spécialisé (9). La positivité d’un test de provocation par voie orale détermine le régime d’éviction et guide le degré de l’éviction, à savoir exclusion totale de l’aliment identifié ou régime moins sélectif, autorisant la consommation de petites quantités d’aliments. Traitement de l’allergie alimentaire Le principe du traitement d’une allergie alimentaire repose sur l’éviction de l’aliment identifié par les tests allergologiques. Le régime d’éviction doit s’accompagner d’autres mesures de prévention, comme la mise en place d’une trousse d’urgence, la discussion d’un projet d’accueil individualisé en milieu scolaire et périscolaire et des mesures d’éducation. Régime d’éviction Le régime d’éviction est encore le seul traitement accessible à l’enfant allergique pour éviter les symptômes de la réaction allergique suivant l’ingestion, le contact cutané ou l’inhalation de l’allergène alimentaire identifié par les tests allergologiques stantardisés. La mise en place d’un régime d’éviction est aidée d’une diététicienne pour éviter des carences nutritionnelles ou proposer des alternatives. Les conseils d’éviction sont efficaces (17). En l’absence de preuve de l’intérêt d’un régime strict, il est plus confortable pour l’enfant et sa famille d’adapter le régime en fonction de l’âge de l’enfant, de l’aliment et de la dose réactogène (18). Traitement des réactions allergiques Les traitements d'urgence des symptômes de l'allergie alimentaire associent à des degrés divers, les antihistaminiques, les corticoïdes, les thérapeutiques broncho-dilatatrices et l'adrénaline (figure 3) (9). Les antihistaminiques H1 sont indiqués dans le traitement des manifestations allergiques bénignes tels que urticaire, angio-œdème, rhino-conjonctivite, douleurs abdominales (19). Ils sont insuffisants dans les réactions allergiques sévères (choc anaphylactique, œdème laryngé) et ne doivent pas retarder l’injection d’adrénaline. 3 Les corticoïdes ont peu ou pas d'effet immédiat, le délai d'action étant d'environ 4 à 6 heures. Ils sont donnés à la dose de 1 à 2 mg/ kg de prednisone ou prednisolone (maximum 60 mg) par voie orale ou 1 à 2 mg/kg de methylprednisolone par voie intraveineuse. Ils sont utiles chez le patient aux antécédents d'asthme. Les β2-mimétiques de courte durée d'action sont administrés par voie inhalée et indiqués en cas de crise d'asthme. Ils sont délivrés par l'intermédiaire d'une chambre d'inhalation ou par nébulisation, selon l’intensité des symptômes. Les posologies sont avec une chambre d’inhalation, 2 à 8 bouffées, ou 1 à 2 bouffée /kg (maximum : 20 bouffées), à renouveler si nécessaire toutes les 10 à 20 minutes (20). Les posologies pour la nébulisation sont une dose en équivalent salbutamol, indépendante de l'âge, à 2,5 mg lorsque le poids est inférieur à 16 kg et 5 mg lorsque le poids est supérieur à 16 kg, à renouveler selon l’évolution toutes les 20 minutes. L'adrénaline est le traitement de première intention de l'anaphylaxie (19). Il n'y pas de contre indication en pédiatrie. Le retard à l’injection est un facteur de mauvais pronostic. Elle doit être administrée par voie intra musculaire au niveau de la cuisse (vaste latéral) plutôt que par voie sous cutanée ou intraveineuse (risque de trouble du rythme ventriculaire). La posologie est de 0,01 mg/kg (maximum 0,5 mg par injection) (19). L’injection peut être répétée toutes les 5 à 10 minutes, voire moins, si les symptômes persistent ou s'aggravent. La voie intra veineuse est réservée à l'arrêt cardiaque et justifie une surveillance en unité de réanimation. Toute réaction sévère, a fortiori ayant justifié une injection d'adrénaline, doit être suivie d'une surveillance en milieu hospitalier, compte tenu de la description de réactions biphasiques pouvant survenir dans les 24 heures (19). Désensibilisation La désensibilisation par voie orale, ou accoutumance, ou induction de tolérance a été proposée dans le traitement des allergies persistantes IgE dépendantes (21-24). Des résultats favorables sont rapportés pour des aliments très divers (le lait, l’œuf et le poisson, l’arachide, l’orange, la pomme, les haricots, la pèche, le blé). Les protocoles variés utilisés ne comportent pas de comparaison en double aveugle. Il est donc difficile de porter de conclusion certaine. Les accidents rapportés sont à type d’urticaire, de douleurs abdominales, et parfois d’asthme. Une fois la tolérance pour l’aliment acquise, l’ingestion régulière de l’aliment est nécessaire pour maintenir cette tolérance (25). D’autres essais de désensibilisation par voie sublinguale ont été rapportés pour le kiwi (26) et la noisette (27). Ils permettent d’augmenter de façon significative la dose réactogène. Des réactions systémiques ont été observées pour 0,2% des doses administrées (27). Conclusion L’exploration des allergies alimentaires est désormais bien codifiée. Le diagnostic de certitude d’allergie alimentaire conduit à poser l’indication d’une éviction alimentaire, et à prescrire les traitements médicamenteux des réactions (antihistaminiques, corticoïdes, adrénaline). 4 Références 1. Rancé F, Grandmottet X, Grandjean H. Prevalence and main characteristics of schoolchildren diagnosed with food allergies in France. Clin Exp Allergy 2005; 35:167-72. 2. Primeau MN, Kagan R, Joseph L, Lim H, Dufresne C, Duffy C, Prhcal D, Clarke A. The psychological burden of peanut allergy as perceived by adults with peanut allergy and the parents of peanut-allergic children. Clin Exp Allergy 2000 ; 30 : 1135-43. 3. 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J Allergy Clin Immunol. 2005 ; 116 :1073-9. 6 Figure 1 : Démarche diagnostique devant une suspicion d’allergie IgE dépendante (lait de vache, œuf de poule, arachide) (9). Prick test (extrait commercial) + dosage des IgE spécifiques* Négatifs ou < aux seuils retenus Prick tests > valeurs seuils Lait** : 6 mois à 2 ans : ≥ 6 mm après 2 ans : ≥ 8 mm Prick tests extraits natifs Œuf : avant 2 ans : ≥ 5 mm après 2 ans : ≥ 7mm Négatifs Arachide : ≥ 8 mm après 2 ans > 4 mm avant 2 ans Positifs Et / ou IgE spécifiques > valeurs seuils Lait : pas de valeur retenue Blanc d’oeuf : ≥ 7 kUI/l Arachide : ≥ 14 kUI/l Avis d’experts d’expert TPO diagnostique Allergie retenue TPO non nécessaire*** * Technique Pharmacia, CapSystem ** Extrait commercial non disponible en France *** Possibilité de proposer un TPO avec un protocole de réalisation adapté (TPO à l’œuf cuit, au lieu de l’œuf cru par exemple). 7 Figure 2. Démarche diagnostique devant des manifestations retardées chez l’enfant (eczéma, signes digestifs) Eczéma sévère ou résistant au traitement et/ou signes digestifs Recherche d’une allergie alimentaire Prick tests + dosage des IgE spécifiques Mis en forme : Français (France) Négatifs APT Au moins 1 test positif Négatif Positif Consultation spécialisée Régime d’éviction orienté 4 semaines Efficace Inefficace Poursuivre l’éviction et considérer le TPO Allergie alimentaire non retenue APT : atopy patch test; TPO : test de provocation par voie orale 8 Figure 3. Traitement des réactions allergiques chez l’enfant (adapté de 9). Urticaire, eczéma Rhinite +/- conjonctivite Angio-oedème sans signe de gravité Signes digestifs Anti Histaminiques +/- corticoïdes voie orale Crise d’asthme Choc anaphylactique Angio-oedème avec signe de gravité Progression et association rapide de symptômes Bêta2-mimétiques inhalés +/- 02 et corticoides voie orale Amélioration Aggravation Surveillance Adrénaline IM +/- Aantihistaminiques +/- Corticoïdes +/- Bêta2-mimétiques +/- Oxygène +/- Remplissage Traitement A domicile Hospitalisation 9