Pastel - Sophie Amauger
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Pastel - Sophie Amauger
SOPHIE AMAUGER Pastel Une ode à la lumière Portrait De 1980 à 1985, Sophie Amauger suit une formation initiale aux Beaux-Arts de Rennes, qui sera approfondie d’une formation complémentaire à l’école d’arts graphiques Brassart de Tours. De 1986 à 1992, elle travaille dans la publicité comme maquettiste. Après avoir élevée ses trois enfants en Dordogne, elle entreprend en 2000 une formation en technique d’enduits décoratifs au musée du Trompe-l’œil de Périgueux. Elle crée alors des fresques et des projets sur des espaces culturels. Depuis 2000, Sophie Amauger se consacre entièrement au pastel, guidée par la lumière et ses effets. 54 Pratique des Arts-Hors-série NATURE De gauche à droite : Carrefour des Essards. 20 x 30 cm. Les Noyers. 32 x 32 cm. Blé vert à Toulouse 2. 20 x 30 cm. SOPHIE AMAUGER SAIT MAGNIFIER LA NATURE. APRÈS LES PAYSAGES CHARENTAIS, SON REGARD ÉPOUSE DÉSORMAIS LES RELIEFS ET LES CHAMPS DE LA CAMPAGNE TOULOUSAINE… AVEC TOUJOURS LA MÊME MAESTRIA. Texte : Laurent Benoist. Photos : Bénédicte Favarel. La nature comme profession de foi ; c’est un peu ainsi que Sophie Amauger envisage son art. Dégagés de toute stricte ressemblance, de tout vérisme simplificateur, ses tableaux sont autant une ode aux forces élémentaires qu’une éclatante démonstration de la virtuosité technique de l’artiste. Sophie Amauger le dit elle-même : « Je ne cherche pas à reproduire quelque chose de beau, mais plutôt à reproduire une impression, retranscrire l’émotion que j’ai pu ressentir face à un paysage. » Ses armes de prédilection ? Le pastel sec, qu’elle utilise de manière quasi exclusive depuis un peu plus de dix ans. « J’aime bien surcharger en pigments mon papier, obtenir des effets de matière, précise-t-elle. Après avoir essayé tous les types de support, j’utilise désormais le Pastel Card, papier qui convient le mieux à ma technique. » De fait, ce qui frappe avant tout dans ses tableaux, c’est l’accumulation de matière dans les premiers plans, accumulation mieux à même de rendre compte du foisonnement des herbes folles ou du tumulte silencieux des fleuves qu’elle représente. Cet agglutinement de pigments est le résultat de nombreux passages au pastel, de biffures obtenues de la pointe ou d’aplats plus larges sur la tranche. « Oui, d’accord, cela fatigue parfois le papier, mais cela participe de l’œuvre finale. Pourquoi ne pourrait-on pas chercher Pratique des Arts-Hors-série NATURE 55 SOPHIE AMAUGER Pastel Les blés sont mûrs 2. 32 x 32 cm. L’Oranger. 35 x 70 cm. MON ÉVOLUTION PICTURALE SAVOIR COMPOSER Les blés sont mûrs 2 et 8 permettent de se rendre compte de mon cheminement et de la direction que prend ma peinture. À partir d’un même sujet, un champ de blé en Charente, on peut voir que je vais vers plus de liberté, vers une peinture moins descriptive, qui est la retranscription d’une idée ou d’une émotion ressentie face à la nature. Il en résulte que mes œuvres plus récentes sont moins détaillées, même si les couleurs n’ont pas changé : je travaille toujours avec la même palette de bruns, de verts et d’ocres que j’affectionne. Je privilégie les ambiances du matin, avant que la lumière ne soit trop forte. Je parcours régulièrement la campagne toulousaine à la recherche de lieux que j’immortaliserai ensuite sur une feuille de Pastel Card. Ces deux exemples de paysage ci-dessous permettent de mieux saisir ma peinture. Ce qui m’attire ici, c’est le contraste violent entre le vert presque fluo du champ de blé et les verts sombres des arbres et des ombres portées au sol. Plus que les couleurs, ce sont les contrastes de valeurs qui m’attirent. « Je ne cherche pas à reproduire quelque chose de beau, mais à reproduire une impression, retranscrire l’émotion que j’ai pu ressentir face à un paysage. » à obtenir avec le pastel les effets de textures qui font le charme de la peinture à l’huile ? » Sophie Amauger a fait du plein air son atelier de prédilection, séances de travail sur le motif qu’elle parachève parfois à l’atelier. « On peut dire que je peins vraiment à plein temps maintenant. C’est l’amour de la nature qui m’a poussée à la peindre. Et non l’inverse : ce n’est pas en la peignant que j’ai aimé la nature. » La perspective offerte par le chemin est ici intéressante, elle guide naturellement le regard du spectateur vers le fond de la scène. J’aime ce genre de paysage aussi pour sa simplicité et sa relative nudité. Un grand tableau de paysage ne demande pas nécessairement un grand sujet. DE L’AQUARELLE AU PASTEL La découverte du pastel eut lieu après une incursion dans la peinture à la caséine, une technique qui se rapproche de celle de la tempera et qui laisse une surface à la fois douce et grasse au toucher. « Je partais dans la nature avec des panneaux de bois apprêtés au stuc et mes couleurs. J’ai fait une exposition à SaintÉmilion par la suite avec dix-sept œuvres ainsi réalisées. » Un premier succès, et déjà des sujets bucoliques, empreints d’une quiétude, pourtant exprimée énergiquement en entrelacs et courbes témoignant des forces vives de la nature. Si c’est aujourd’hui le pastel qui a ses faveurs, elle ne dédaigne pas non plus l’aquarelle, technique qui est de toutes ses pérégrinations. « L’aquarelle m’a toujours suivie pour raconter une histoire, pour capturer un instantané, un fragment de chose vue ou ressentie. Et puis, il est quand même plus simple de partir en voyage avec une boîte d’aquarelle que de pastels! » Pourtant, Sophie Amauger ne se destinait pas à être artiste. « J’ai suivi des études aux Beaux-Arts de Rennes, mais j’ai trouvé que cela 56 Pratique des Arts-Hors-série NATURE J’essaye toujours dans mes œuvres d’aller à l’essentiel. Ici, sur ce petit pastel fait en plein air, j’ai isolé à l’aide d’une bande adhésive la partie qui m’intéresse le plus dans la composition : une zone fait de contrastes colorés qui tend vers le calme. Ce sera le point de départ d’une nouvelle œuvre plus grande, réalisée en atelier. Les blés sont mûrs 8. 20 x 20 cm. Pratique des Arts-Hors-série NATURE 57 SOPHIE AMAUGER Pastel LA LUMIÈRE À TRAVERS LES SAISONS Quelque soit la saison, je peins. Mais il faut bien savoir que c’est le sujet qui détermine les couleurs dans mon tableau et non la saison. Je joue aussi avec les températures des couleurs puisque – à l’inverse de l’idée reçue – on peut tout à fait trouver des couleurs froides l’été, dans les ombres notamment, et des tonalités chaudes l’hiver, en milieu de journée par exemple. Ma dernière série d’œuvres, inspirées d’un voyage à Amsterdam, prend pour point de départ l’émotion que j’ai ressentie face à l’eau gelée des canaux et la brume froide du matin qui fragmente la lumière. Car c’est bien la lumière qui est le fil conducteur à travers toutes mes œuvres, que je tente ensuite de retranscrire par l’accumulation de poudre de pastel sur la feuille. Je tente ainsi de toujours transcender le sujet : dépasser le point de vue pittoresque pour essayer d’atteindre une épure ou une idée du paysage, voilà mon credo. Peupliers sur la Dronne. 32 x 32 cm. Boutons d’or au printemps. 32 x 32 cm. « Pour bien peindre la nature, il est essentiel de la connaître, de la parcourir. Trouver le bon sujet implique de trouver également la bonne lumière. » À l’ombre du noyer. 20 x 20 cm. 58 Pratique des Arts-Hors-série NATURE Canal d’Amsterdam. 30 x 40 cm (détail). ne me préparait pas vraiment à une vie active. Puis, après une formation à l’école Brassart de Tours, j’ai exercé pendant sept ans dans le monde de la publicité. Cela n’était pas très épanouissant, même si je dessinais des roughs. À un moment, la question s’est posée : Qu’est-ce que je veux vraiment faire? Qui veuxje vraiment être ? Devenir artiste était un rêve… j’ai osé franchir le pas. Et aujourd’hui, je ne regrette aucune des étapes par lesquelles je suis passée. Et la nature était là. À la fois pour me guider, et aussi pour me fournir des sujets. Mon centre, en quelque sorte. » Là réside sans doute la clé pour comprendre l’œuvre de Sophie Amauger et la relation qui la lie au paysage : l’accep- L’Aubépine. 30 x 40 cm. CONTACT Rendez-vous page 83. tation de ses vertus presque salvatrices et l’humilité que ressent l’artiste face à sa grandeur. « Pour bien peindre la nature, il est essentiel de la connaître, de la parcourir. Trouver le bon sujet implique de trouver aussi la bonne lumière. À l’inverse de la campagne en Charente, c’est à moi désormais d’aller chercher le paysage, ce n’est plus lui qui vient à moi. Mais je dispose maintenant de mes rabatteurs dans la région ! », précise-t-elle en riant. LE FIL ROUGE DE LA LUMIÈRE Aujourd’hui, Sophie Amauger vit à Toulouse. Elle a pris le temps de se familiariser avec ces nouveaux paysages et ses subtilités. Le lien entre son ancienne et sa nouvelle région s’est fait tout naturellement par la lumière. « La lumière est particulière en Charente, elle donne un arrière-plan bleuté, un peu comme si un calque avait été posé dessus. Je retrouve cette même ambiance ici. » C’est sans doute à cela que l’on reconnaît les vrais artistes épris de nature : où qu’ils soient, c’est toujours avec la même ferveur et une admiration égale que leur regard et leur chevalet se posent devant les paysages qu’ils rencontrent… ■ Pratique des Arts-Hors-série NATURE 59