Faire cabane, le journal
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Faire cabane, le journal
Didier POILBOIS: Psychologue Clinicien ITEP Saint Yves. Moissons Nouvelles Faire Cabane Journal d’un projet thérapeutique… Décembre 2014 Repères chronologiques 2010/2011 Les premières cabanes naissent. 2011/2012 5 cabanes sont aux quatre coins de 6 hectares de l’institution. 2012/2013 En fin d’année nous organisons un goûter dans les cabanes avec différents constructeurs. 2013/2014 L’idée de créer un Village entier se concrétise car certaines cabanes ne se situent pas loin les unes des autres. « Faire Cabane » Depuis l’année 2010/2011 il m’arrive de sortir du cadre de mon bureau pour répondre à la demande de certains enfants : Celle de fabriquer une cabane. Ce sont des enfants qui supportent très peu la relation clinique, dans une pièce où la dimension de la parole verbale est privilégiée. Ils veulent « sortir », mais je souhaite maintenir un cadre à visée thérapeutique. Pour faire se rencontrer ces deux attentes j’ai structuré petit à petit cet espace en dehors les murs autour d’un objet de médiation thérapeutique qu’est l’idée de « faire cabane ». WATZLAWICK pense que la réalité n’existe pas : « Quand nous percevons notre environnement, c’est nous même qui l’inventons » 1 Journal d’un projet thérapeutique Décembre 2014 Autour de la place du Village la vie s’anime L’histoire des cabanes se déroule toujours sur les mêmes modalités. Au début de la demande de l’enfant de faire une cabane nous cherchons un site approprié, puis la construction se fait et au détour de celle-ci la parole peut émerger. La fondation : Il s’agit de choisir un site, un endroit pour faire naître la cabane. On se promène dans la pinède, on cherche un lieu bien approprié, parfois discret, à l’écart, pratique. Nous échangeons sur les choix. Nous nous projetons sur la pertinence de tel ou tel lieu. L’enfant fait son choix. L’élaboration : Après avoir décider de l’origine, il s’agit alors de rechercher des matières premières. Ficelles (mises de côté dans la réserve au foin destiné aux chevaux), bois mort ramassé tout autour. Nous commençons à assembler ensemble pour réaliser la structure et nous tentons d’imaginer comment va être la cabane. La construction : Quand l’architecture est élaborée, nous allons petit à petit passer à la longue et fastidieuse tâche qui consiste à assembler avec patience les côtés, le toit, mettre du feuillage sur la charpente etc. C’est le moment où nous échangeons beaucoup. Non seulement nos propos s’orientent sur ce que nous vivons ici et maintenant mais aussi c’est l’occasion pour l’enfant de parler de lui. La cabane est de plus en plus habitée par ses pensées, ses souhaits, ses ressentis et l’émergence de souvenirs familiaux. Construire ensemble n’est pas un acte anodin, surtout pour des enfants qui sont plutôt dans la destruction. Il faut du temps, de la patience, il faut souvent différer et c’est souvent l’occasion de frustrations à dépasser. La parole donne alors sens à une histoire qui se construit. « Je suis nul ! j’y arrive pas » à cela je répond « on est ensemble pour De la fondation à la socialisation… réussir à construire quelque chose » La socialisation : Les cabanes font parler d’elles. De plus en plus d’enfants me demandent de faire une cabane. Ils parlent de la cabane des autres, et peuvent m’exprimer l’importance de les respecter, de ne pas les casser. Chacun comprend aisément que si l’on prend du bois de la cabane du voisin, en retour on prend le risque qu’un autre en prenne dans la sienne. Parfois il arrive que la cabane soit cassée par quelqu’un ou tout simplement endommagée par les intempéries. On prend notre courage à 4 mains pour faire les réparations ou parfois même tout refaire. L’enfant s’aperçoit régulièrement que le résultat est souvent meilleur car nous avons toutes les matières premières à disposition au moment de cette réparation. Sans le savoir, Toute cette histoire autour de la cabane devient une métaphore de l’existence. Un échange sur la diachronie est possible. D’ailleurs certains 2 Journal d’un projet thérapeutique Décembre 2014 L’imaginaire se développe… L’activité artistique est un objet de médiation qui favorise l’inter créativité. Au détour de l’espace inter-créatif, le patient peut découvrir posséder quelque chose dont il ignorait l’existence. Mai 2014 Le Village s’appelle : LE VILLAGE Il se développe ce mois-ci après toute une année d’essais de cabanes à droite et à gauche de la Place aux Statues. A l’entrée un panneau qui indique qu’on entre dans son agglomération et un autre qui rappelle la limitation de la vitesse à 50 km/h. 5 habitants, une caserne des pompiers, une mairie avec son maire qui a fait campagne. Le site a été trouvé assez naturellement car plusieurs enfants avaient choisi leur emplacement à proximité. Au centre il y a la place aux statues car nous avons utilisé des rondins de bois pour faire de belles sculptures. Le village se développe non pas en groupe mais pendant le temps individuel de chaque enfant. J’ai fais réaliser des panneaux par les enfants qui sont dans le projet informatique d’images manipulées conduit par un des enseignants, Dominique BENRACASSA. Nous parlons régulièrement des autres habitants : le Maire, le pompier qui a construit sa caserne etc. et chacun participe soit à l’élaboration se sa propre demeure ou au développement du mobilier urbain (pont de bois), au parc de jeux (balançoire, balancelle). Un jour Esteban me dit « je vais apporter du bois pour la caserne d’Hisham, ça lui fera plaisir »… « Tu lui diras que j’ai apporté du bois ». doit pas détruire et ne pas rentrer dans une habitation qui a une porte fermée. Ne pas développer une habitation sans l’accord de son « propriétaire ») En règle générale, le sentiment de faire partie d’un groupe apparait dans les paroles des enfants. - Respects des ressources communes et individuelles (on ne doit pas piller les voisins pour développer sa maison, ni piller les ressources communes sans penser au partage) J’invente alors, petit à petit, un concept de suivi : Des prises en charges individuelles centrées sur le projet commun d’un groupe. Participation (on doit aller régulièrement chercher des ressources que l’ont met à disposition vers le C’est l’occasion pour les uns et les autres de partager aussi leur vécu : « Tu sais mon frère il s’est barré de chez ma mère ». « Mon frère qui a 16 ans il vit chez mon père, il en avait marre car ma mère elle crie tout le temps ». « Mon père, il voulait pas que j’existe mon père… dès fois j’ai envie de le tuer » L’idée c’est de proposer un espace individuel (une cabane à soi) mais de travailler dans le village pour aider les autres à se développer. Par exemple on va régulièrement chercher des ressources (bois, ficelles) que l’on met à disposition de tout les habitants du village. Septembre 2014 Tout le monde est le bienvenu dans le village mais on doit respecter certaines règles : - Respect des constructions (on ne marchand de bois, à côté de la Mairie) L’ensemble du personnel et des enfants doit bien avoir en tête que le lieu a une valeur symbolique importante. On ne peut pas faire n’importe quoi à VILLAGE. Et surtout on doit régulièrement avoir l’idée de penser à soi même et aux autres et 3 Journal d’un projet thérapeutique Décembre 2014 Suite Lorsque je suis en séance individuelle il est important de respecter cette relation duale. Je demande aux passants d’aller plus loin. Il ne faut pas appeler l’enfant avec lequel je suis pour se joindre à un groupe. Je me suis permis de donner la responsabilité de poursuivre les travaux d’une cabane d’un enfant parti de Saint Yves à Samy dont je ne suis pas le référent. Il fera cela en accord avec ses éducateurs ou enseignants. En ce début d’année c’est lui offrir une activité qui l’intéresse car nous remarquons qu’il refuse tout. Il A suivre… A suivre… 4