Le dossier du spectacle - CDN Orléans Loiret Centre
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Le dossier du spectacle - CDN Orléans Loiret Centre
ELDORADO DIT LE POLICIER Conception Denis Lachaud, Laurent Larivière, Vincent Rafis Interprétation Pascale Calvet, Emmanuel Matte, Lucie Muratet Collaboration à la dramaturgie Sophie Wahnich Travail corporel Nathalie Ageorges Scénographie Franck Jamin Lumière Jérémie Alexandre Son Florent Dalmas PRODUCTION DÉLÉGUÉE CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL ORLEANS/LOIRET/CENTRE Direction Arthur Nauzyciel Théâtre d’Orléans, Bd Pierre Ségelle, 45000 Orléans Tel : + 33 (0) 2 38 62 15 55 Sophie Mercier, administratrice [email protected] Anne Cuisset, secrétaire générale [email protected] Presse: Nathalie Gasser : +33 (0)6 07 78 06 10 [email protected] CRÉATION CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL ORLÉANS/LOIRET/CENTRE JEU 10 MAR 2011 20H30 VEN 11 MAR 2011 19H30 SAM 12 MAR 2011 19H MAR 15 MAR 2011 20H30 MER 16 MAR 2011 19H30 JEU 17 MAR 2011 2030 DURÉE 3H ENTRACTE COMPRIS REPRÉSENTATIONS PARISIENNES GRANDE HALLE DE LA VILLETTE DU 22 MARS AU 2 AVRIL 2011 COPRODUCTION Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre; Parc de la Villette dans le cadre des Résidences d’artistes, Paris Ce projet est lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs 2010 (Résidence Culturesfrance à Malte) Denis Lachaud est soutenu par le Conseil général de la Seine-Saint-Denis dans le cadre du dispositif In Situ — artistes en résidence dans les collèges ELDORADO DIT LE POLICIER s’attache à suivre le parcours d’individus dits « sans-papiers », à examiner les difficultés auxquelles ils s’affrontent, leurs interactions avec les autorités, et à envisager pourquoi et comment, du bon côté de la loi, d’autres individus entreprennent, ou non, de les aider. Ce projet est né de la rencontre de trois artistes, l’écrivain Denis Lachaud, le cinéaste Laurent Larivière, et le metteur en scène Vincent Rafis. Ils ont voulu éclairer les présupposés idéologiques qui sous-tendent les décisions prises par les gouvernements français et européens depuis trois décennies à l’encontre des sans-papiers, et décrypter l’inertie citoyenne face au traitement particulièrement brutal qui leur est aujourd’hui réservé. Écrit collectivement au fil des répétitions et nourri d’un travail d’enquêtes et d’entretiens, ELDORADO DIT LE POLICIER explore les thèmes de l’altérité, de la citoyenneté et du pouvoir. LE PROJET Nous faisons du théâtre pour parler du monde tel qu’il est. Jamais cette nécessité ne nous a paru aussi urgente. Notre projet traite de la situation des sanspapiers en France aujourd’hui. Nous souhaitons témoigner de ce que vivent ces hommes, ces femmes et ces enfants, et interroger ce qui, dans la mise en œuvre de sa politique, permet au gouvernement français d’agir sans susciter d’opposition massive. Comme toute politique, la politique migratoire française produit ses effets dans le réel. Ce qui nous intéresse, c’est la façon dont ces effets sont difficilement observables, tant les dirigeants politiques semblent soucieux de les dissimuler, d’en brouiller la perception – ceci de trois manières : — les lois et les règlements manquent de clarté et obligent les agents chargés de les exécuter à une interprétation subjective ; — aucun citoyen n’est autorisé à pénétrer dans les centres de rétention, hormis les membres d’associations et les députés (qui n’usent pour la plupart jamais de ce droit) ; —le discours politique déréalise l’existence des sans-papiers et les violences qui leur sont faites, par exemple via le lexique des « flux », des « chiffres » et des « quotas ». Ces dispositifs ne sont pas ignorés : on peut, par le moyen d’Internet, de la presse, des rapports d’associations, y avoir accès. Pourquoi n’en mesure-t-on alors, en tant que citoyens, ni l’impact ni la gravité ? Nous répondons que ce réel fabrique de la fiction – c’est-à-dire que cet ensemble de moyens politiques, légaux, rhétoriques, crée de fausses représentations en maintenant hors de notre conscience les humiliations infligées aux sans-papiers. A son tour, cette fiction accentue la mise à distance de la réalité vécue par les sanspapiers : elle les éloigne de nous. Notre projet est précisément de retourner cet enchaînement de causes et de conséquences : il s’agira pour nous, en passant par la fiction, de rendre réel pour le spectateur ce qui, dans le réel, lui apparaît comme une fiction. Si l’histoire d’ELDORADO DIT LE POLICIER est inventée, c’est qu’elle obéit à une construction dramaturgique. Mais elle s’appuie également sur des éléments documentaires : elle s’inspire d’un certain nombre de « faits divers » qui ne renvoient nullement à un traitement journalistique de notre sujet, mais à la nécessité d’apporter, pour chaque événement relaté, la preuve incontestable de son existence. En juillet 2004, plusieurs demandeurs d’asile sont arrêtés au guichet de la préfecture de Paris alors qu’ils y avaient été convoqués pour un réexamen de leur situation administrative. En 2005, la Police aux frontières tente de faire embarquer de force une jeune femme d’origine congolaise demandant l’asile politique, sans lui laisser le temps de faire valoir sa demande. La jeune femme, enceinte, est injuriée, tirée par les vêtements, les bras et les cheveux. Le 30 janvier 2007, sur ordre du procureur de la République, la police organise une rafle place de la République à Paris, au moment où les Restos du Cœur y distribuent leurs repas. Vingt-et-une personnes sont interpellées. Le 20 mars 2007, la police arrête devant la maternelle Rampal à Paris un homme d’origine chinoise venu chercher ses petits-enfants à l’école. Des parents présents avec leurs enfants tentent de s’interposer, la police asperge la rue de gaz lacrymogène et les brutalise. Trois jours plus tard, la directrice de l’école est placée en garde à vue pour « outrage et dégradation de biens publics en réunion ». Le 9 août 2007, à Amiens, un jeune garçon de douze ans tombe d’un balcon du quatrième étage en tentant d’échapper à des policiers venus appréhender sa famille. En septembre 2008, la police reconduit un homme en Algérie alors qu’il s’apprête à épouser une femme de nationalité française avec laquelle il vit depuis trois ans. L’expulsion a lieu quelques jours avant la publication des bans. Il ne s’agit là que d’exemples auxquels notre choix ne se limite pas, mais qui inscrivent notre projet dans une logique de témoignage. LES INTERPRÈTES Un projet comme le nôtre présente un danger majeur : en s’emparant d’une « question d’actualité », susceptible de faire moins, en vérité, débat que consensus, on prend le risque de conforter une opinion déjà pensée et assumée par un spectateur qui, aujourd’hui par trop éclairé, ne choisit plus innocemment les œuvres qu’il vient regarder. S’il y a en d’autres termes, sur la question des sans-papiers, deux partis antagonistes – celui qui prônerait un principe général d’hospitalité ; celui qui s’y opposerait –, il faut, dans la mesure où le cadre étroit de la manifestation « culturelle » nous condamne (les statistiques le prouvent…) à nous adresser moins au second qu’au premier, poser à nouveaux frais la question de l’altérité. Car en portant sur le plateau la vie d’hommes, de femmes et d’enfants dits « sans-papiers », on peut être enclin à investir fantasmatiquement cette situation de radicale étrangeté, croyant ainsi mieux s’en approcher ; mais alors on peut, malgré soi, reconduire le processus de désubjectivation et d’assujettissement que le pouvoir politique inflige quotidiennement à ces réfugiés, ces déportés, ces enfermés. Un spectacle dont l’un des enjeux est la représentation des sans-papiers est donc susceptible d’échouer sur un double écueil : celui qui, d’une part, répliquant des stéréotypes existants, viendrait essentialiser une « condition du sans-papiers » ; celui qui, de l’autre, le priverait de sa parole, ne le considérant plus comme sujet ni de son discours ni de son action. Il faut prendre, par conséquent, le théâtre comme ce qu’on n’admet qu’avec peine qu’il est : un art de la connivence, de l’entre-soi sociologique et intellectuel. D’où le choix de ne pas jouer la carte trompeuse de la « mixité », presque inexistante sur et face aux scènes, mais de faire au contraire appel à trois interprètes blancs. Mais s’employer ensuite à tordre ou à suspendre cette donnée en rendant à cet art sa part interactive, c’est-à-dire en se questionnant ensemble, acteurs et spectateurs, dans le confort du théâtre et la chaleur de cette proximité. L’« incarnation », alors, ne sera guère plus que ponctuelle, fragmentée ; car les acteurs, tout autant, parleront d’eux, depuis eux. Dans leur conscience intime et citoyenne, face à ceux qui, avec eux, auront fait le choix d’être là, ils (s’)interrogeront : — comment agir, comment ré-agir, face aux violences politiques ? — comment mettre fin – avec quels moyens ? –, à l’exercice sans médiation, sur les existences d’autres corps humains, d’une force de punition, d’enfermement, de relégation ? DÉLOCALISATION SUR PLACE, LIBRE CIRCULATION ET DROITS DES MIGRANTS Entretien avec Emmanuel Terray Si nous regardons dans quels secteurs d’activités on rencontre des sans-papiers, on s’aperçoit qu’ils se retrouvent principalement dans cinq secteurs : le BTP, l’hôtellerie et la restauration, la confection, les services à la personne et l’agriculture. C’est intéressant de regarder ces cinq secteurs parce qu’ils ont une caractéristique commune. […] Tout le monde sait ce qu’est une délocalisation : une entreprise où les frais de main-d’œuvre comptent beaucoup dans les dépenses, dans le chiffre d’affaire et qui, afin de faire des économies sur ses frais de main-d’œuvre, stoppe sa production dans son pays d’origine et exporte sa production dans un pays, en général un pays du sud, où les salaires sont nettement plus bas et où la main-d’œuvre dispose de beaucoup moins de droits et est plus docile. Ce qui caractérise les cinq secteurs dont j’ai parlé tout à l’heure réside dans le fait que physiquement, matériellement, ils ne peuvent pas être délocalisés. Pour des raisons tout à fait évidentes : un chantier du bâtiment doit être là où l’immeuble sera utilisé par les usagers, un restaurant doit être là où se trouvent les clients. Cela n’est pas tout à fait vrai de la confection mais, au moins en France, on y travaille à flux extrêmement tendu : il y a donc là aussi un avantage à procéder à une délocalisation sur place. Les services à la personne ont lieu là où se trouvent les personnes et l’agriculture saisonnière là où sont les champs. L’idée de la délocalisation sur place consistait à dire que précisément le recours au travail des étrangers en situation irrégulière permet de reconstituer dans nos propres villes, dans nos propres pays les conditions qui sont celles de la main-d’œuvre dans les pays du Tiers-Monde. C’est-à-dire des salaires extrêmement bas, des protections réduites au minimum : pas de droits syndicaux, des conditions de travail effroyables, un temps de travail illimité, des contrats en matière de salaire pas respectés parce que les paiements se font toujours de la main à la main, etc. Par conséquent, les entreprises qui ne peuvent pas délocaliser recourent au travail illégal comme un substitut aux délocalisations : c’est cela qui m’a amené à parler de délocalisations sur place. D’une certaine façon la délocalisation sur place est encore plus avantageuse que la délocalisation à l’étranger parce que lorsque vous délocalisez à l’étranger, d’une part vous avez le problème des délais (les frais de transport pour rapatrier votre production) et d’autre part, en général, vous êtes obligé d’exporter quelques cadres ou quelques techniciens qui coûtent très cher. Lorsque vous délocalisez sur place, il n’y a pas de frais de transport, pas de délais et pas de cadres expatriés. […] Si vous prenez la société européenne telle qu’elle se dessine au travers des législations, qui sont très convergentes d’un pays à l’autre, nous avons : — Le cercle des citoyens de pleins droits. — Le cercle des ressortissants de l’Union européenne qui circulent librement à l’intérieur de l’UE et qui n’ont le droit de vote qu’aux élections municipales et aux élections européennes. — Les étrangers en situation régulière, qui possèdent donc un permis de résidence selon les pays (de 10 ans pour la France) et qui peuvent effectivement circuler sur le territoire de l’UE, sans réserve mais qui n’ont pas de droit de vote du tout. — Les étrangers qui sont en situation légale mais qui n’ont que des cartes de séjour temporaires (d’un an par exemple) et qui n’ont pas le droit de vote. Ils ne peuvent pas circuler librement sur le territoire de l’Union européenne parce qu’ils sont astreints au système des visas Schengen, c’est-à-dire qu’ils peuvent se déplacer 3 mois seulement dans un territoire autre que celui dans lequel ils ont été enregistrés. Leurs conditions d’intégration sont déjà mauvaises parce qu’avec une carte de séjour d’un an, ils ne peuvent pas obtenir un CDI, ils ne peuvent pas signer un bail d’appartement de 3 ans, ils ne peuvent pas contracter un prêt dans une banque, etc. — Les demandeurs d’asile qui, en France, ne sont pas autorisés à travailler. Ils sont en bonne voie d’être assignés à résidence, ils ne sont pas encore enfermés, mais au moins assignés à résidence. Ce qui signifie que dès que leur demande d’asile est refusée, la police peut facilement leur mettre la main dessus pour les reconduire à la frontière. — Les travailleurs étrangers illégaux. Donc en réalité nous avons une société en six strates. C’est une espèce de reconstitution en plus hiérarchisée de la société d’apartheid. […] Il faut d’ailleurs distinguer entre deux apartheids. Le premier apartheid en Afrique du Sud, institué par le Docteur Malan, qui était exclusivement fondé sur l’inégalité raciale et qui considérait les Africains comme des gens de race inférieure, raison pour laquelle leur statut était très défavorable. Puis, à partir des années 1960, en raison des protestations dans le monde et des sanctions prises par différents pays, il y a eu un deuxième apartheid, celui de Monsieur Botha. On a effacé les références à l’inégalité raciale parce que du point de vue « cosmétique » ce n’était plus possible. On a créé les Bantoustans, États formellement indépendants, dans les zones pauvres et arides de l’Afrique du Sud où vivait la majorité de la population africaine. A partir du moment où les Africains sont venus travailler dans les grandes villes d’Afrique du Sud, comme à Pretoria, au Cap ou à Johannesburg, à ce moment-là, ils étaient des étrangers et par conséquent ils bénéficiaient de droits au titre d’étrangers, réduits à vrai dire à très peu de chose. On effaçait la référence à l’inégalité raciale mais, puisque c’était des « étrangers », ils ne pouvaient donc pas avoir les mêmes statuts légaux que les « nationaux ». On veillait à ce qu’ils se tiennent à leur place, et par conséquent on pouvait les renvoyer dans les réserves, qui étaient formellement indépendantes. C’est ce système qui est en cours d’application. En Europe, nous sommes en train d’avoir une société à trois anneaux : l’anneau central constitué par les pays européens et quelques autres ; l’anneau de la périphérie immédiate avec des États qui sont vivement invités à coopérer au contrôle et à la répression de l’immigration illégale et qui sont payés pour cela (l’Ukraine, le Maroc et la Libye notamment) ; et nous avons enfin les autres pays qui eux représentent les « bantoustans » dont l’Europe souhaite s’entourer. De sorte que la hiérarchie, nous la trouvons à la fois à l’intérieur de la société et aussi entre les pays de l’espace géopolitique européen. — Entretien avec Emmanuel Terray, Revue-site À L’ENCONTRE, février 1999. AU-DELÀ DES DROITS DE L’HOMME, in MOYENS SANS FINS, NOTES SUR LE POLITIQUE de Giorgio Agamben Vu le déclin désormais inéluctable de l’Étatnation et la décomposition des catégories juridico-politiques traditionnelles, le réfugié est peut être la seule figure pensable du peuple de notre temps, la seule catégorie dans laquelle nous est donné d’entrevoir les formes et les limites d’une communauté à venir, du moins tant que le processus de dissolution de l’État-nation et de sa souveraineté ne sera pas parvenu à son terme. Il est possible que, si l’on voulait être à la hauteur des tâches absolument nouvelles auxquelles nous sommes confrontés, il faudrait nous décider à abandonner sans réserves les concepts fondamentaux par lesquels ont été pensés jusqu’à présent les sujets du politique (l’homme et le citoyen avec leurs droits, mais aussi le peuple souverain, le travailleur etc.) et à reconstruire notre philosophie politique à partir de cette unique figure. […] Il est important de remarquer qu’à partir de la Première Guerre mondiale, nombre d’états européens commencèrent à introduire des lois qui permettaient la dénaturalisation et la dénationalisation de leurs propres citoyens. La France le fit la première, en 1915, avec les citoyens naturalisés d’origine « ennemie » ; en 1922, l’exemple fut suivi par la Belgique, qui révoqua la naturalisation des citoyens qui avaient commis des actes antinationaux pendant la guerre ; en 1926, le régime fasciste promulgua une loi analogue envers les citoyens qui s’étaient montrés indignes de la citoyenneté italienne ; en 1933, ce fut le tour de l’Autriche, et ainsi de suite jusqu’en 1935, lorsque les lois de Nuremberg séparèrent les Allemands en citoyens de plein droit et en citoyens sans droits politiques. Ces lois – et l’énorme masse d’apatrides qui allaient en résulter – ont marqué un changement décisif dans la vie de l’État-nation moderne, qui s’affranchit définitivement des notions naïves de peuple et de citoyen. […] Il faut résolument séparer le concept de réfugié de celui de Droits de l’homme et cesser de l’interpréter uniquement en termes de droit d’asile (lequel est d’ailleurs de plus en plus réduit dans une législation des états européens). […] Le réfugié doit être considéré pour ce qu’il est, c’est à dire rien de moins qu’un concept limite qui met radicalement en crise les fondements de l’Etat-nation et, en même temps, ouvre le champ à de nouvelles catégories conceptuelles. En fait, le phénomène de l’immigration dite illégale dans les pays de la Communauté européenne a pris (et prendra de plus en plus les prochaines années avec les 20 millions prévus d’immigrés de l’Europe centrale) des caractères et des proportions propres à justifier pleinement le renversement de cette perspective. […] Avant qu’en Europe on rouvre de nouveau les camps d’extermination (ce qui commence à se faire), il est nécessaire que les États-nations trouvent le courage de mettre en question le principe même d’inscription de la nativité et la trinité Étatnation-territoire qui se fonde sur lui. Il n’est pas facile d’indiquer dès maintenant les modalités par lesquelles cela pourra se passer concrètement. Il suffit d’indiquer une voie possible. On sait qu’une des options prises en compte pour la solution du problème de Jérusalem est qu’elle devienne, en même temps et sans partage territorial, la capitale de deux différents organismes étatiques. La condition paradoxale d’extraterritorialité réciproque (ou mieux d’a-territorialité) que cela implique pourrait être généralisée comme modèle de nouvelles relations internationales. Au lieu de deux États nationaux séparés par des frontières incertaines et menaçantes, il serait possible d’imaginer deux communautés politiques appuyées sur une même région et en exode l’une dans l’autre, articulées entre elles par une série d’extraterritorialités réciproques, dans lequel le concept conducteur ne serait plus le jus du citoyen mais le refugium du singulier. De manière analogue, on pourrait considérer l’Europe non pas comme une impossible « Europe des nations » dont on commence à entrevoir la catastrophe à court terme, mais comme un espace a-territorial ou extraterritorial, dans lequel tous les résidents des États européens (citoyens et non-citoyens) seraient en position d’exode et de refuge, le statut européen signifiant alors l’être en exode (même immobile, évidemment) du citoyen. L’espace européen marquerait ainsi un espace irréductible entre la naissance et la nation, dans lequel le vieux concept de peuple – et le peuple, on le sait, est toujours minorité – pourrait retrouver un sens politique, par opposition à celui de nation (qui l’a jusqu’à aujourd’hui usurpé de manière illégitime). En ce nouvel espace, les villes européennes entrant en relation de réciproque extraterritorialité, retrouveraient leur ancienne vocation de villes du monde. LA POLICE SOUVERAINE in MOYENS SANS FINS, NOTES SUR LE POLITIQUE de Giorgio Agamben La police, contrairement à l’opinion commune qui voit en elle une fonction purement administrative d’exécution du droit, est peut être le lieu où se manifeste le plus nettement la proximité sinon l’échange constitutif entre la violence et le droit qui caractérise l’image du souverain. Si le souverain, en effet, est celui qui, en proclamant l’état d’exception et en suspendant la validité de la loi, marque le point de confusion entre violence et droit, la police évolue toujours pour ainsi dire, dans un tel « état d’exception ». Les raisons d’« ordre public » et de « sécurité » dont elle doit décider pour chaque cas représentent une forme d’indistinction entre violence et droit, parfaitement symétrique à celle de la souveraineté. Cette contiguïté embarrassante entre souveraineté et fonction policière s’exprime dans le caractère sacral et intangible qui, dans les systèmes politiques des sociétés antiques, associe la figure du souverain à celle du bourreau. […] L’entrée de la souveraineté dans la figure de la police n’a donc rien de rassurant. Le fait, qui ne laisse de surprendre les historiens du IIIe Reich, que l’extermination des Juifs a été conçue exclusivement, du début à la fin, comme une opération de police en est la preuve. C’est uniquement parce qu’elle fut conçue et réalisée comme une opération de police que l’extermination des Juifs a pu être si méthodique et si meurtrière. […] Mais l’investiture du souverain comme agent de police a une autre conséquence : elle rend nécessaire la criminalisation de l’adversaire. Nous avons pu voir de nos yeux comment, suivant un processus commencé à la fin de la Première Guerre mondiale, l’ennemi est d’abord exclu de l’humanité civile et déclaré criminel ; c’est seulement ensuite qu’il devient légitime de l’anéantir par une « opération de police » qui n’est soumise à aucune règle juridique et peut dès lors confondre, en remontant aux conditions les plus archaïques de la guerre, la population civile et les soldats, le peuple et son souverain-criminel. Ce glissement progressif de la souveraineté vers les zones les plus obscures du droit de police a, toutefois, au moins un aspect positif, qu’il convient de signaler. Ce dont les chefs d’Etats, qui se sont lancés avec tant de zèle dans la criminalisation de l’ennemi, ne se rendent pas compte, c’est que cette même criminalisation peut se retourner à tout moment contre eux. Il n’est aucun chef d’Etat au monde, en ce sens, qui ne soit aujourd’hui virtuellement un criminel. Quiconque endosse aujourd’hui la triste redingote de la souveraineté sait qu’il peut un jour être traité à son tour de criminel par ses collègues. Et ce ne sera certes pas nous qui le plaindrons. — Giorgio Agamben, MOYENS SANS FINS, NOTES SUR LE POLITIQUE, Rivages Poche, coll. « Petite bibliothèque », 2002. ÉQUIPE ARTISTIQUE Nathalie Ageorges Travail corporel Elle travaille comme danseuse auprès de Georges Tugdual, Joseph Russillo, Peter Goss, Yvan Mérat, Dominique Petit, Sophie Lessard, Betty Jones, Fritz Lüdin, Josée Cazeneuve et pour le Groupe de Recherche Chorégraphique de la Sorbonne. Chorégraphe, elle collabore avec des plasticiens, compositeurs, musiciens et chanteurs. En France et à l’étranger, elle dispense des stages dans des écoles de danse, en milieu scolaire et à destination de personnes handicapées. Elle est titulaire du C.A. en danse contemporaine. À Orléans, elle enseigne au conservatoire et travaille en collaboration avec le CCN (dir. Josef Nadj) et la Scène Nationale. Jérémie Alexandre Lumière En tant que régisseur, il a accueilli différents spectacles dans des lieux tels que le Théâtre du Lierre, le Studio et la Comédie des Champs-Elysées, Gare au Théâtre. Il est régulièrement régisseur d’accueil au Studio-Théâtre de Vitry où il participe au processus de création sur LE CERCEAU de Laurent Gutmann ou LES VAGUES de Marie-Christine Soma. Il assiste Anne Vaglio durant la création de CHEZ LES NÔTRES du Moukden Théâtre et s’occupe de la régie lumière de la tournée. Il crée les lumières des spectacles de la compagnie de marionnette, LE CRI DE L’ESCARGOT. Pascale Calvet Interprétation Elle travaille comme comédienne auprès de Claude Bardouil, Francis Azéma et MarieJosé Malis : ENTER THE GHOST d’après Pasolini ; NOUS AUTRES ; C’EST ICI QUE NOUS VIVONS (d’après H. Müller, M. Zotchenko, A. Tchekhov) ; LES UTOPIES. En danse, elle travaille sous la direction de Caroline Marcadé, Cécile Loyer, Murobushi Ko, Yann Lheureux, Wes Howard. Elle travaille au sein du collectif QU’EST-CE À DIRE, axé sur les écritures contemporaines, où elle crée et interprète NOUS NOUS CONNAÎTRONS MIEUX, JE ME SOUVIENS, SOUTERRAINS. Formatrice diplômée du D.E. et du C.A., elle enseigne le théâtre depuis une dizaine d’années. Florent Dalmas Son Régisseur son, il partage son travail entre l’accueil de spectacles dans différents théâtres (Théâtre National de la Colline, la Maison de la Poésie de Paris, l’Opéra Comique) et le suivi en tournée de projets artistiques de compagnies. Il a ainsi collaboré avec Stéphane Braunschweig, Charles Tordjman, Guillaume Vincent, Claude Guerre, Arnaud Meunier, Arthur Nauzyciel… Il est également créateur sonore, pour le théâtre avec Patrick Zuzalla (PHILOCTETE & RAVACHOL) et sur des courts-métrages comme STRANGE LOVE de Xavier Bonnin ou MADEMOISELLE CHLOÉ de Rémi Durin, film pour lequel il obtient le prix de la meilleure bande son au Festival du Film de Namur. Franck Jamin Scénographie Architecte et scénographe, il travaille depuis 2004 avec Daniel Larrieu sur LUX, SAISONS-EXPERIENCE CHORÉGRAPHIQUE À PROPOS DU PAYSAGE, ACTE DE PRÉSENCE AVEC PETITES TROUVAILLES, NEVER MIND... Il a également collaboré à la création UNLIMITED WALKS au Grand Palais, à l’occasion de l’exposition Monumenta / Richard Serra. Il a aussi travaillé pour Osman Kassen Khelili : FESTIN FINAL ; Dominique Hervieu et José Montalvo : PORGY AND BESS ; Marie-Hélène Dupont : ON EST FOU QUAND ON PARLE AUX ÂNES, DOUBLE DIMANCHE et HOMMES DE MA VIE EN PAYSAGE. Il réalise la scénographie de plusieurs expositions, dont ICE DREAM, VERNISSAGE et LA FORÊT AUX HISTOIRES. Denis Lachaud Conception Auteur des romans J’APPRENDS L’ALLEMAND, LA FORME PROFONDE, COMME PERSONNE, LE VRAI EST AU COFFRE et PRENEZ L’AVION, il a écrit quatre pièces de théâtre dont HETERO et L’UNE, ainsi que deux pièces radiophoniques pour France Culture : SANS VOIR et MOI ET MA BOUCHE. Ses ouvrages sont publiés aux éditions Actes Sud. Il a écrit les journaux des répétitions de quatre mises en scène d’Arthur Nauzyciel. Il a mis en scène sa pièce MA FORÊT FANTÔME à l’occasion d’une résidence à la Fonderie (Le Mans). Il se produit sur scène avec Olivia Rosenthal dans le cadre de performances qu’il écrit et met en scène avec elle. Il est membre du collectif La Forge. Laurent Larivière Conception Il a écrit et réalisé cinq courts-métrages, L’UN DANS L’AUTRE, J’AI PRIS LA FOUDRE, AU BOUT DES BRANCHES (écrit avec Vincent Rafis et Denis Lachaud), LES LARMES (écrit avec Olivia Rosenthal), et LES ÉLUS DE LA TERRE. Sélectionnés et primés en festivals, ses films ont été diffusés sur France 2, France 3 et TV5Monde. Avec Olivia Rosenthal, il écrit et joue des performances sur le cinéma : LES LARMES (Actoral, Théâtre national de la Colline, Le Trident à Cherbourg), LA PEUR (Montévidéo à Marseille, Spirale à Poitiers). Il a également réalisé des images pour les chorégraphes José Montalvo et Dominique Hervieu, Kettly Noël et Camilla Saraceni. Emmanuel Matte Interprétation Formé au Conservatoire national de Région d’Amiens et à l’École internationale de Théâtre Jacques Lecoq, Emmanuel Matte travaille notamment sous la direction de Vincent Macaigne : IDIOT ! (d’après Dostoïevski), REQUIEM 3, INTRODUCTION A UNE JOURNÉE SANS HEROÏSME ; Julia Vidit : MON CADAVRE SERA PIÉGÉ (d’après P. Desproges), FANTASIO (Musset) ; Edward Bond : L’OBJET CACHÉ ; Jérôme Hankins : LE NUMERO D’ÉQUILIBRE (E. Bond) ; Marc Lainé : CAGE(S) ; Céline Nogueira : L’AMOUR DE PHÈDRE (S. Kane) ; Vincent Rafis : LE LION QUI RIT ET LA FEMME EN BOÎTE (D. Lachaud), EXÉCUTEUR 14 (A. Hakim). Il a mis en scène SAUVÉS (E. Bond). Par ailleurs, il écrit pour le cinéma. Lucie Muratet Interprétation Formée au Conservatoire national de Région de Toulouse, elle travaille au théâtre sous la direction de Simon Abkarian, Ron Burrus (Stella Adler Studio NYC), Florence Giorgetti, Vincent Rafis, Jacques Rosner, Jean-Pierre Tailhade… Metteur en scène et auteur, elle fonde la compagnie PROMISCUITA, au sein de laquelle elle crée et interprète LE MONDE OÙ NOUS VIVONS et CONCERTA, série de performances présentée de 2004 à 2007 dans des lieux hétéroclites : Palais de Tokyo, Atelier Picasso, Flèche d’Or, ParisParis, Scène Nationale de Poitiers… Pour Radio France et Radio Nova, elle écrit des feuilletons radiophoniques (LA CRÉATION DU MONDE, CRUCIRAMA…). Vincent Rafis Conception En tant que dramaturge et acteur, il a pris part à une quinzaine de créations théâtrales et chorégraphiques, notamment auprès de Christian Colin, Arthur Nauzyciel, Sébastien Ramirez, José Montalvo et Dominique Hervieu. Il a mis en scène MANQUE (S. Kane), TENTATIVE INTIME (S. Revillet), LE LION QUI RIT ET LA FEMME EN BOÎTE (D. Lachaud), EXÉCUTEUR 14 (A. Hakim). Chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et à l’OGC (Utrecht), il enseigne les études théâtrales. Ses essais sont publiés aux Presses du réel : MÉMOIRE ET VOIX DES MORTS DANS LE THÉÂTRE DE JON FOSSE (2009), et PS : SK. ESSAI SUR SARAH KANE (printemps 2011). Sophie Wahnich Collaboration à la dramaturgie Directrice de recherche au CNRS, elle travaille dans un rapport passé/présent sur les liens entre émotions et politique (LES ÉMOTIONS, LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LE PRÉSENT, Paris, Éditions du CNRS, 2009). Après avoir analysé la figure de l’étranger dans la période révolutionnaire (L’IMPOSSIBLE CITOYEN, L’ÉTRANGER DANS LE DISCOURS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, Paris, Albin Michel, 1997), elle a travaillé sur la violence, ses dynamiques et sa retenue. Elle a écrit avec Pierre Kuentz le livret de l’opéra ALLÉGORIE FOREVER et avec la réalisatrice Dominique Cabrera et le coscénariste Laurent Roth le scénario de BEAU DIMANCHE, moyen-métrage sur la fusillade du Champ-de-Mars.