Régulariser la situation des sans-papiers dans le canton de Berne Il

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Régulariser la situation des sans-papiers dans le canton de Berne Il
Kanton Bern
Canton de Berne
Parlamentarische Vorstösse
Interventions parlementaires
Numéro de l’intervention:
Type d’intervention:
136-2012
Interpellation
Déposée le:
05.06.2012
Déposée par:
Hügli (Biel/Bienne, PS)
Cosignataires:
25
(porte-parole)
Urgente:
Date de la réponse:
Numéro de l’ACE
Direction:
19.09.2012
1396/2012
POM
Régulariser la situation des sans-papiers dans le canton de Berne
Il y a une bonne dizaine d’années, la Suisse a connu son premier grand débat sur les
sans-papiers. Les clandestins sont sortis de l’ombre et ont commencé à lutter pour leurs
droits. Depuis lors, certaines améliorations ont certes été obtenues, mais la situation générale est restée la même : la Suisse et le canton de Berne ont certes besoin des sanspapiers, mais ceux-ci ne sont pas les bienvenus pour autant. En Suisse, cette situation
concerne au moins 10 000 personnes.
Vu le débat qui entoure la régularisation des sans-papiers dans différents cantons depuis
plus de dix ans, sans que les milieux politiques ne s’y intéressent suffisamment, le canton
de Berne doit lui aussi se poser des questions. Le Conseil-exécutif est donc prié de répondre aux questions suivantes :
1. Combien de sans-papiers vivent dans le canton de Berne ?
2. Combien de sans-papiers travaillent dans le canton de Berne ?
3. Dans quels secteurs travaillent-ils principalement ?
4. Combien de sans-papiers sont âgés de 16 ans ou moins ?
5. Le Conseil-exécutif n’est-il pas lui aussi d’avis qu’il faudrait pouvoir permettre aux
jeunes sans-papiers de faire un apprentissage ?
6. Le Conseil-exécutif peut-il exclure l’existence de situations de travail irrégulières dans
l’environnement des diplomates et du personnel des ambassades (personnel
d’entretien, domestiques, chauffeurs, nounous, etc.) ?
7. A combien le Conseil-exécutif estime-t-il le coût économique de la non-régularisation
des sans-papiers pour le canton de Berne ?
8. Le Conseil-exécutif ne pourrait-il pas envisager une régularisation collective pour remédier à la situation humanitaire insoutenable des sans-papiers du canton de Berne ?
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Réponse du Conseil-exécutif
Juridiquement, la notion de sans-papiers n'est pas définie. D'une façon générale, elle désigne des personnes de nationalité étrangère qui ne disposent pas (ou plus) d'une autorisation de séjour valable en Suisse. Les sans-papiers ne constituent pas un groupe homogène; on peut distinguer, grosso modo, les personnes qui
– ont été au bénéfice d'une autorisation de séjour (par exemple en tant que saisonnières
ou conjointes d'une personne de nationalité suisse) qui n'a pas été prolongée et qui
n'ont pas respecté leur obligation de quitter le pays,
– sont entrées légalement sur le territoire pour un séjour temporaire sans exercice d'une
activité professionnelle et qui ne sont ensuite pas reparties,
– sont entrées illégalement sans jamais demander d'autorisation de séjour,
– se sont vu refuser l'asile mais n'ont pas quitté le territoire et ne se sont pas tenues à
disposition des autorités (cf. réponse 1).
Il y a donc des sans-papiers qui sont connus des autorités (dans le cadre de procédures
relevant du droit des étrangers, de l'asile ou des assurances sociales), et d'autres dont
elles n'ont pas connaissance. On ne peut cependant pas présumer, à la vue d'un registre
plus ancien, que toutes les personnes qui y figurent ont encore le statut de sans-papiers.
1. Pour les raisons énoncées ci-dessus, il n'existe pas de statistiques fiables quant au
nombre de sans-papiers.
L'estimation selon laquelle il y aurait en Suisse 100 000 sans-papiers, citée dans
l'interpellation, provient d'une étude de l'institut gfs.bern remontant à 2005. Il
convient de préciser que cette étude avait estimé à 90 000 le nombre de sanspapiers, additionné d'une marge d'erreur d'environ 10 000. Il n'existe pas de chiffres plus récents. Il serait peu sérieux de répartir cette estimation au prorata de la
population bernoise, d'autant que l'étude en question a clairement montré que les
sans-papiers n'étaient pas présents de manière uniforme sur l'ensemble du territoire suisse.
Entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2011, environ 1200 requérants d'asile
affectés au canton de Berne ont fait l'objet d'une décision de renvoi entrée en force. Pendant ce laps de temps, les autorités ont perdu la trace des personnes
concernées et ne savent plus où elles résident. On peut en déduire qu'une grande
partie d'entre elles n'ont pas quitté la Suisse alors qu’elles en auraient l’obligation.
Sachant que la définition des sans-papiers concerne notamment les requérants
déboutés et dont on a perdu la trace, le chiffre ci-dessus peut donner une indication quant au nombre de sans-papiers séjournant dans le canton.
2. Ici encore, il n'existe pas de chiffres fiables pour répondre à la question de façon
précise.
Les sans-papiers intéressent les employeurs, qui voient là l'occasion d'engager du
personnel à des conditions précaires sans que celui-ci, du fait de l'illégalité de son
séjour, puisse réellement s'y opposer (pas de contrat de travail ni d'assurances sociales, salaire inférieur aux montants usuels). La régularisation des sans-papiers
les soumettrait certes aux conditions d'enregistrement et d'assurances sociales
usuelles, mais leur ferait perdre de leur attractivité aux yeux des personnes qui les
emploient.
3. Ici aussi, le Conseil-exécutif ne peut se baser que sur des études anciennes et des
données scientifiques incertaines émanant d'organisations d'aide aux sanspapiers, telles que www.sans-papiers.ch. Il est probable que les sans-papiers
soient actifs avant tout dans des secteurs où ils n'ont presque pas de contacts
avec des gens de l'extérieur et restent ainsi inaperçus. D'après les études, les
sans-papiers travaillent dans des secteurs tels que le nettoyage, l'aide privée aux
personnes âgées, la construction, la restauration et l'agriculture. Ces estimations
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correspondent aux expériences faites par la Commission cantonale du marché du
travail (CCMT), qui est notamment responsable de l'organisation de contrôles relatifs à la loi fédérale du 17 juin 2005 concernant des mesures en matière de lutte
contre le travail au noir (loi sur le travail au noir, LTN; RS 822.41).
4. La Constitution garantissant l'accès à l'école obligatoire, les écoles primaires ne
sont pas tenues de vérifier la régularité du séjour des élèves et de transmettre des
données aux autorités, le cas échéant. De ce fait, l'Office de la population et des
migrations (OPM) ne dispose pas de données statistiques fiables quant au nombre
de sans-papiers en âge de fréquenter l'école obligatoire dans le canton, pas plus
qu'au nombre d'enfants n'ayant pas encore atteint cet âge.
5. Suite à l'adoption de la motion Barthassat (08.3616), "Accès à l'apprentissage pour
les jeunes sans statut légal", le Département fédéral de justice et police (DFJP) a
mis en consultation une modification de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à
l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201).
Le Conseil-exécutif a approuvé le projet en question (ACE 0823 du 6 juin 2012),
considérant que les jeunes concernés auront de meilleures perspectives d'avenir
si, en plus d'une formation scolaire, ils ont la possibilité de faire un apprentissage.
Le Conseil-exécutif renvoie en outre à sa réponse au postulat Schärer 348/2009,
"Places d'apprentissage pour les sans-papiers" (ACE 0601 du 21 avril 2010).
6. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) est seul compétent en ce
qui concerne la réglementation relevant du droit des étrangers pour les personnes
au bénéfice du statut de diplomate. En revanche, les personnes employées dans
des ambassades (personnel de nettoyage, chauffeurs, gardes d'enfants, etc.) sont
soumises au droit des étrangers et donc à l'autorité de l'OPM.
Le Conseil-exécutif ne peut pas exclure des situations irrégulières pour cette catégorie de travailleurs. En effet, il n'est pas possible de procéder à des contrôles, les
ambassades, consulats et résidences ne se trouvant formellement pas sur le territoire suisse.
7. Juridiquement, le canton de Berne n'est pas compétent pour régler le statut de
l'ensemble des sans-papiers de manière autonome. En ce qui concerne la régularisation de cas personnels d'extrême gravité, l'accord de l'Office fédéral des migrations (ODM) est indispensable (cf. réponse 8). Il est donc faux d'affirmer que le
Conseil-exécutif a décidé de ne pas régulariser les sans-papiers. Il n'y a pas non
plus de lien de cause à effet entre une telle décision et les coûts en résultant pour
l'économie.
L'absence d'une définition précise de la notion de sans-papiers, soulignée en introduction, a des conséquences sur le nombre de personnes concernées, et donc sur
les coûts éventuels pour l'économie. Comme on ignore le nombre de personnes
étrangères qui séjournent dans le canton de Berne sans autorisation, mais aussi
combien d'entre elles travaillent, et combien ne reçoivent pas de prestations sociales de leur employeurs, il n'est pas possible d'établir une estimation pertinente.
8. La légalisation de l'ensemble des sans-papiers a été abordée par le Grand Conseil
à l'occasion de la motion Morgenthaler (024/2001). Ce dernier a suivi la recommandation du Conseil-exécutif (ACE 1923 du 13 juin 2001) et a rejeté ladite motion.
L'article 121 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst.; RS 101) prévoit que la législation sur l'entrée en Suisse, la sortie, le séjour et
l'établissement des étrangers et sur l'octroi de l'asile relève de la compétence de la
Confédération. Par conséquent, le canton de Berne n'a pas lapossibilité d'agir de
manière autonome pour régulariser tous les sans-papiers. Dans certains cas, l'au-
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torité cantonale pour les migrations peut demander l'aval de l'ODM pour l'octroi
d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
Il faut distinguer les demandes reposant sur de tels cas et émanant de sanspapiers déboutés de celles des sans-papiers "ordinaires". Ce qui est décisif pour
ces derniers, c'est l'entrée illégale, le séjour, également illégal et durable (plusieurs
années), ainsi que l'absence d'une procédure d'asile.
Au cours des dernières années, l'OPM a transmis à l'ODM en moyenne une douzaine de cas par année de requérants d'asile déboutés afin qu'ils soient admis
comme cas de rigueur (cf. art. 14, al. 2 de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile, LAsi;
RS 142.31). L'ODM les a presque tous admis. De plus, au cours des années passées, l'OPM a reçu annuellement une ou deux demandes de régularisation de
sans-papiers ordinaires (entrée et séjour illégaux, art. 30, al. 1, lit. b de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, LEtr, RS 142.20; art. 31 OASA). On
peut citer l'exemple d'une femme majeure entrée illégalement en Suisse, qui est
restée plus de dix ans en situation irrégulière, cachée dans sa famille, où elle s'occupait des tâches ménagères, jusqu'à ce qu'elle se décide à soumettre une demande pour cas de rigueur. Cette femme n'avait jamais fait l'objet d'une procédure
d'asile.
La jurisprudence du Tribunal administratif fédéral impose des conditions très strictes à la régularisation de sans-papiers pour cas de rigueur. C'est la raison pour laquelle de telles demandes aboutissent rarement.
Si la régularisation collective des sans-papiers correspondait à une volonté de la
majorité du Grand Conseil, ce dernier aurait la possibilité de déposer une initiative
cantonale.
Au Grand Conseil
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