pour en savoir plus sur jouineau bourduge

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pour en savoir plus sur jouineau bourduge
au dos du livre « Vipère au poing », en tout petits caractères « JouInEau
BourduGE ». S’agit-il d’un graphiste, d’un crédit illustrateur ?
Cette édition (de 1975) est sortie quelques années après le téléfilm tiré du roman (en
1971). C’est sans doute pour cette raison que l’éditeur fit appel au tandem d’affichistes
de cinéma, Guy Jouineau et Guy Bourduge.
« Les tontons flingueurs », « Fellini roma », « rocky », « Les sentiers de la gloire », «
Barry Lindon », « Vol au-dessus d’ un nid de coucou », « Blade runner », « La cage aux
folles » et « Voyage au bout de l’enfer ». Peu connus aujourd’hui, ils ont pourtant reçu
un César en 1990, pour l’affiche de « Cinema Paradiso ».
durant 50 ans (1960/2008), ils ont réalisé plus de 500 affiches de cinéma.
Leur affiche la plus connue, Barry Lindon (1975)
Stanley Kubrick adorait cette affiche qu’il préférait infiniment à l’affiche américaine.
Guy Jouineau et Guy Bourduge la créèrent dans des conditions particulières. Selon la
volonté du cinéaste, nulle information, nulle image ne devait paraître avant la sortie
du film : les deux affichistes ont donc visionné le film dans une salle de projection
surveillée.
La force de l’affiche est d’avoir su résumer en une image dépouillée la narration d’un
film de près de trois heures. Si les bottes représentent l’aristocratie et le pistolet les
duels du film, le destin brisé du héros se retrouve dans cette rose jetée à ses pieds
qu’il piétine, comme une vie et un amour gâchés. Le pétale qui s’en détache évoque
une goutte de sang. L’économie des couleurs – le noir (la tragédie) et le rouge (le
sang) – ajoute une force indiscutable à cette affiche devenue désormais un symbole
parfait du film.
Autre affiche « Jouineau Bourduge » pour Kubrick, Paths of Glory (Les Sentiers
de la gloire, 1957)
Le film ne fut exploité en France qu’à partir de mars 1975. La révélation au grand
public des procès et des exécutions sommaires de soldats français par leur propre
état-major durant la Première Guerre mondiale était jusque-là un sujet tabou. Le film
de Kubrick fut donc vu, en France, bien après les succès de dr Folamour (1964) et 2001,
l’odyssée de l’espace (1968), ce qui explique que l’affiche française mette en avant le
nom de Kubrick et non celui de la vedette Kirk douglas. L’affiche en noir et blanc de
Guy Jouineau et Guy Bourduge, va droit à l’essentiel : le même sentier qui mène à la
gloire (la médaille) mène aussi à la mort (la croix). Celle-ci représente toutes les croix
des cimetières militaires. Elle dispense aussi une (fausse) clarté comme un projecteur
éclairant la nuit noire, ou comme un projecteur en haut d’un mirador.
La première maquette du duo d’affichistes utilisait déjà le blanc et le noir, elle montrait une armée de poings brandissant des fusils. Bourduge s’était rendu à Londres
pour discuter du projet avec Kubrick. Finalement, l’affiche retenue fut celle que l’on
connait aujourd’hui.
Jouineau et Bourduge, après avoir conçu les affiches des Sentiers de la gloire et de
Barry Lyndon, furent sollicités par Warner Bros, en 1980, pour concevoir la maquette
de l’affiche de The Shining. Malheureusement cette maquette, qui se focalisait sur
l’enfant du film, ne fut pas imprimée.
La tentation du regard/
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Exposition en 2013, à l’Espace culturel de Châtillon-sur-Loire
Interview de Guy Jouineau et Guy Bourduge
Jouineau-Bourduge. Vos deux noms sont accolés sur les plus célèbres affiches
de cinéma de ces cinquante dernières années au point de ne faire qu’un. Depuis
quand êtes-vous inséparables ?
« Depuis une soixantaine d’années. Nous sommes allés à l’école des Arts graphiques
de Paris ensemble. Nous étions d’ailleurs les deux cancres de la classe. A tel point
qu’après l’école, nous avons eu du mal à trouver un travail intéressant. Alors nous
avons décidé de créer chacun une affiche pour Charles Aznavour et d’aller lui proposer.
Il a pris les deux! Mais à notre grande déception, il en a fait des pochettes de disque et
pas des affiches. C’est lui qui nous a introduit dans le milieu du show- business. Dès
le début, nous avons signé nos affiches Jouineau-Bourduge, comme un seul nom. »
Vous souvenez-vous de votre première affiche de cinéma ?
« La toute première affiche, nous l’avons faite pour Gaumont, pour le film « Nathalie »
avec Martine Carol. Combien d’affiches nous avons créé? Je n’en sais rien, peut-être
cinq cents... Nous avons travaillé pour Stanley Kubrick qui faisait peur à tout le monde
mais était très sympa avec nous. Pour «Barry Lindon», la maison de production avait
refusé l’affiche car elle était en noir et blanc alors que le film était en couleur. Mais
Kubrick l’a prise quand même. Et puis Bertolucci, Fellini, Pasolini, Claude Berry, qui
était adorable, Truffaut, un homme très distant et tant d’autres… »
Vos affiches allient photographie et dessin, est-ce votre « signature » ?
« Nos affiches datent d’une époque où il n’y avait pas d’ordinateur et cela se voit.
C’était du bricolage. Si , pour un film d’action, le producteur voulait une voiture en
flamme sur l’affiche et si nous n’avions pas la photo, alors on la dessinait. Quand
nous avons commencé, la photo en quadrichromie n’existait pas encore. En utilisant
la photo couleur et le dessin, nous avons apporté du nouveau dans l’affiche qui est
devenue plus créative. Mais les photos étaient à prendre telles quelles, il n’y avait
pas de retouches possibles. »
Quel est votre plus beau souvenir d’affiche ?
« L’affiche de « Fellini Roma ». Nous avons peint à la main couleur bronze, au coton,
la fille nue qui est sur l’affiche. L’affiche n’a pas été censurée et Fellini a rigolé quand
il l’a vue. Il l’a bien pris. Et puis l’affiche de « La cage aux folles » que nous avons
vendue sur le trottoir, sur un banc au producteur. Il était en retard et nous étions déjà
ressorti quand il nous a croisés ! »
Vous avez reçu un César en 1990 pour l’affiche de « Cinema Paradiso », est-ce une
affiche dont vous êtes particulièrement fiers ?
« Nous avons eu le César surtout parce que le film a bien marché. En fait, cette
affiche n’était pas celle que nous avions prévu au début. Ce devait être une photo de
Philippe Noiret avec l’enfant mais le photographe a complètement raté les photos.
Noiret paraissait vieux, l’enfant tournait la tête, c’était inutilisable. Alors, nous avons
demandé à un dessinateur de redessiner d’après les photos, c’est de l’hyper-réalisme,
cela se voit à peine. »
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