La toilette de l`Empereur, par le baron Méneval, secrétaire de

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La toilette de l`Empereur, par le baron Méneval, secrétaire de
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La toilette de l’Empereur, par le baron Méneval, secrétaire de Napoléon.
« Assez habituellement, je portais à l’Empereur les journaux du matin ; et,
pendant qu’il achevait sa toilette, je lui lisais les articles qu’il m’indiquait ou ceux que je
croyais susceptibles d’attirer son attention. Ils donnaient presque toujours lieu à
quelques observations de sa part. Son Premier médecin Corvisart, ou son chirurgien
ordinaire Yvan, assistaient quelquefois à sa toilette. L’Empereur aimait à provoquer
Corvisart sur la médecine : c’était toujours par un assaut de saillies et de propos
piquants contre les médecins. Corvisart, en convenant de l’incertitude de la médecine,
en défendait l’utilité avec une force de raisonnement qui arrêtait souvent le sarcasme
sur les lèvres de son interlocuteur.
L’Empereur condamnait le raffinement du luxe et l’inutilité des minutieux attirails
de toilette ; mais il était recherché dans ses soins de propreté. Il se baignait souvent.
Chaque matin, il brossait lui-même ses bras et sa large poitrine, sur l’embonpoint de
laquelle il aimait à plaisanter. Son valet de chambre achevait de lui frotter très rudement
le dos et les épaules. Il se faisait autrefois raser, mais depuis très longtemps, vers 1803,
après qu’il eut changé de valet de chambre, il se rasait lui-même, à l’aide d’un miroir qui
était tenu devant lui, et en exposant alternativement au jour une joue, puis l’autre.
Ensuite, il se lavait à grande eau dans un bassin d’argent, qu’à voir ses dimensions, on
aurait pu prendre pour une petite cuve. Une éponge imbibée d’eau de Cologne était
passée dans ses cheveux, le reste du flacon était versé sur ses épaules. Ses gilets de
flanelle, ses vestes et ses culottes de casimir blanc, ses bas de soie, étaient renouvelés
tous les jours. Il ne cessait de porter ses habits d’uniforme verts ou bleus, les seuls qu’il
portât, que lorsqu’on l’avertissait que les traces de l’usage s’y laissaient apercevoir. Le
budget de la toilette avait d’abord été porté à soixante mille francs ; il l’avait réduit à
vingt mille francs, tout compris. Il disait qu’avec un revenu de douze cents francs et un
cheval, il n’aurait besoin de rien de plus. »
MÉNEVAL, Claude-François, Napoléon et Marie-Louise. Souvenirs historiques, Paris,
Amyot, 1844-1845, p. 222-223.
Méneval, Claude-François, baron de (Paris 1778-id. 1850). Secrétaire de la famille impériale, de
Joseph d’abord, puis de Napoléon de 1802 à 1813. Il écrit Napoléon et Marie-Louise. Souvenirs
historiques en 1845 ; son fils complète le livre et le publie en 1848 sous le titre Mémoires pour servir à
l’histoire de Napoléon Ier.

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