pizo-le-roi-du

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« Ce soir dans votre ville le cirque Nosferatam vous offre un spectacle pour petits et
grands, du divertissant à l’époustouflant venez retrouver les animaux exotiques, les
trapézistes, le dompteur de tigre et bien sûr le célèbre Pizo le clown » et le crieur reprenait sa
respiration ! Voilà cinq heures qu’il parcourait la ville sur son petit véhicule orné d’un grand
lion.
Addison n’avait jamais rien vu de tel. Même les mordus de la mode du rétro n’auraient pas été
jusque-là ! Ce véhicule semblait sortir tout droit du milieu du XXème siècle. Qu’il était lent
parmi les transports ultra-rapides des années 2030, et puis Addison était certain que même en
1980 il existait des moyens d’amplifier sa voix autres que de s’époumoner ainsi !
« - Addison ! Addison, tu as vu ? Tu as vu ? Un cirque ! Comme ceux où grand-mère
emmenait Papa dans son enfance !
-Précisément Daisy, ce genre de spectacle ambulant n’est pas de notre génération.»
C’est ainsi qu’à 19h Addison emmena sa petite sœur folle d’excitation sur la place de l’hôtel
de ville où était installé le cirque Nosferatam. Ce cirque paraissait tellement incongru, le
chapiteau et les installations avaient un air préhistorique sûrement loin des normes de sécurité
(pas de fondations anti-sismiques, de dispositifs en cas d’incendies ou encore de détecteurs à
terroristes), et le comble, c’est qu’il fallait payer son entrée en liquide ! L’intérieur du
chapiteau était lui aussi archaïque, les gradins n’étaient rien de plus que des bancs en bois,
aucun écran ou technologie permettant des effets spéciaux. Cela semblait à Addison
extrêmement loin des « cirques » modernes, sorte de grandiose spectacle de sons et lumières,
dans de confortables salles fixes, et sans aucun animal. Daisy était folle de joie, Addison
plutôt réservé voire mal-à-l’aise, ajouté à cela que bien que le chapiteau soit rempli il ne
reconnu personne de sa petite ville.
Le spectacle commença fort avec le dompteur et ses tigres, se poursuivit avec une
contorsionniste, des singes et un éléphant qui ravirent Daisy, de très impressionnants
trapézites, une cavalière qui réalisa un numéro de danse sur son cheval et enfin le clou du
spectacle. Il s’agissait de l’incontournable clown, la foule se mit à crier « On veut Pizo, Pizo,
le roi du chapiteau ». Addison trouva qu’il sut être très drôles malgré des gags très classiques,
par contre il effraya beaucoup Daisy sans qu’Addison comprenne pourquoi, en effet les autres
enfants étaient plus qu’enthousiasmés. Enfin tous les artistes firent un tour de salut, et trois
enfants purent monter sur le dos de l’éléphant.
Alors que les gens quittaient le chapiteau Daisy fit un caprice pour rester regarder la piste être
vidée et nettoyée. Elle avait tellement aimé qu’elle voulait regarder le rangement au cas où un
singe y participerait. Une fois que la piste fut totalement vidée, Addison s’impatienta et tira sa
sœur vers la sortie, cependant toutes les issues du chapiteau avaient été fermées, il décida
donc d’emprunter la sortie des artistes. C’est à ce moment que la musique se mit en route, les
lumières se rallumèrent et le spectacle recommença depuis le début. Daisy poussa un cri de
joie, et Addison se résolut à attendre la fin du premier numéro, celui des tigres, pour traverser
la piste en direction de la sortie.
« Nous ne pouvons pas rester, nous n’avons pas payé pour un deuxième spectacle et on va
s’inquiéter, il est déjà bien tard pour rentrer à la maison. »
Il était vraiment perplexe de voir que le spectacle reprenait devant une salle vide. C’est alors
que les lumières s’atténuèrent et que le chapiteau devint de plus en plus sombre, puis sous les
yeux effrayés d’Addison et de Daisy les majestueux tigres semblèrent se décharner à vue
d’œil. Quand les tigres n’eurent plus que la peau sur les os, c’est le dompteur qui se mit à
vieillir, tous paraissaient rongés par le temps, maigres, la peau ridée et remplie de cicatrices.
Le charmant dompteur latino et les vigoureux tigres de la première représentation avaient
maintenant l’aspect d’horribles créatures. Une fois le numéro fini, Addison réussit à
rassembler ses esprits et son courage et traîna sa sœur vers la piste afin de la traverser pour
rejoindre enfin la sortie, mais il se ravisa en voyant débouler la contorsionniste. Elle semblait
avoir pris quarante ans, et était totalement déboitée, voire désossée. Addison ne sut dire qui de
lui ou de sa petite sœur cria le plus, mais ils furent tous deux incapables de bouger. La
représentation tourna à l’horreur quand les singes et l’éléphant entrèrent en scène à l’état de
squelette. Daisy ne pleurait même plus tellement elle était choquée, et Addison ne cessait de
se pincer en espérant en vain se réveiller d’un terrible cauchemar. Puis les trapézistes prirent
la forme de zombie en état de décomposition, et l’un d’entre eux laissa ses bras accrochés à
un trapèze, Addison cacha les yeux de Daisy et garda les siens fixés sur la piste, incapable de
rationnaliser ce spectacle, ou de trouver un moyen de fuir. La suite parut dans un premier
temps conforme à la première représentation, mais quand le cheval et la jeune fille qui dansait
dessus devinrent petit à petit translucides, Addison comprit alors que son cauchemar était loin
d’être fini. Pour finir Pizo arriva, il n’était plus du tout drôle, les yeux injectés de sang, il
fixait les enfants, ses seuls spectateurs. D’un coup sa perruque s’enflamma, en quelques
secondes il devint une boule de flammes qui courait dans tous les sens sur la piste, le feu prit
dans les charpentes du chapiteau qui commença à menacer de s’écrouler. En moins d’une
minute ils furent entourés de flammes, ils étaient complètement paniqués, si bien qu’ils ne se
rendirent pas compte que les flammes ne les touchaient pas, et qu’ils ne ressentaient pas la
chaleur, ni même l’odeur de l’incendie.
C’est alors qu’ils se retrouvèrent assis sur le sol de la place de l’hôtel de ville, qui était
complètement vide mis-à-part un petit tas de cendres. Quand ils rentrèrent chez eux, en état de
choc intense, personne ne se souvenait qu’un cirque soit venu dans la ville depuis une
vingtaine d’années au moins.
Le cirque fantôme Nosferatam ne cessera pas ses représentations tant que Pizo n’aura pas
retrouvé les enfants disparus en 1960. Il doit clamer l’innocence de sa troupe, et montrer ce
qu’endure le cirque depuis maintenant soixante-dix ans. Personne ne su jamais ce qui arriva à
l’époque à l’adolescent et sa petite sœur, mais le hasard de l’arrivée du cirque dans le village
en même temps que le tragique évènement suffit aux villageois apeurés et impuissants pour le
mettre en cause. Pizo se rebella contre ces injustes accusations, c’est très certainement pour
cela qu’il finit attaché à un des poteaux central du chapiteau pendant que celui-ci et tout le
campement de la troupe prenaient feu.
« Ce soir dans votre ville le cirque Nosferatam vous offre un spectacle pour petits et grands,
du divertissant à l’époustouflant venez retrouver les animaux exotiques, les trapézistes, le
dompteur de tigre et bien sûr le célèbre Pizo le clown » et le crieur reprenait sa respiration !
Voilà cinq heures qu’il parcourait la ville sur son petit véhicule orné d’un grand lion…