LES ACTS INCONSCIENTS ET LA `MOIRE
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LES ACTS INCONSCIENTS ET LA `MOIRE
LES ACTS INCONSCIENTS ET LA 'MOIRE PENDANT LE SOMNAMBULISME Les phenomenes psychologiques inconscients soupconnes depuis longtemps par les philosophes n'ont etc que depuis peu de temps l'objet d'êtudes experimentales et scientifiques. Les adeptes du spiritisme les avaient constatés chez leurs mediums, mais leurs theories systématiques les empech6rent de poursuivre regulierement l'etude de ces faits. Ce fut l'ouvrage de Chevreul 1 en 1854 qui en montra l'importance et ces recherches furent, comme on sait, continuees dans le travail que M. Ch. Richet ciediait recemment a l'illustre centenaire 2 . Nous avons essaye nous-mere dans deux articles publics par cette Revue d'aborder la mere question d'une autre maniere au moyen de rexperimentation hypnotique 3 . Depuis ces essais, plusieurs etudes importantes ont etc publiees sur cette curieuse question, qui commence evidemment a exciter l'interet 4 . Nous croyons cependant qu'il ne sera pas inutile d'etudier encore le mere problerne d'une maniere un peu plus génerale; certaines observations nouvelles pourront peut-ètre confirmer et expliquer celles que nous avons déjà presentees. Dans nos premiers travaux, nous avons etudiè les actes inconscients dans l'etat de veille qui suivait le somnambulisme, notre description passait du sornnambulisme provoque a l'etat de veille. Nous voudrions maintenant pour exposer des faits analogues suivre une marche inverse : etudier d'abord les actes inconscients pendant l'etat de veille 1. Chevreul, De la baguette divinatoire..., etc., 1854. 2. Ch. Richet, Des mouvements inconscients, dans l'Honimage a Chevreul, 1886. 3. Les actes inconscients et le ddcloublenzent de la personnalite (Rev. phil., décembre 1886). L'anesthesie systdmatisde et la dissociation des phdnomênes psychologiques (id., mai 1887). 4. F. Myers, Automatic writing (Proceedings of the Society for psychical research., 1887, p. 209) ; Gurney, Peculiarities of certain post-hypnotic states (id., 268). Gurney, Stages of hypnotic memory (id., 515); Binet et Ferê, Recherches expdri- mentales sur la physiologic des mouvements chez les hystdriques (Archiv. de physiologic, t er octobre 1887). P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 239 lui-meme, queue que soit d'ailleurs l'origine de ces actes, et n'aborder qu'ensuite la description du somnambulisme provoque. Nous chertherons ainsi dans le sommeil hypnotique non plus les origines, mais les consequences des actes inconscients. Ce sera, croyons-nous, un moyen nouveau de demontrer ce que nous avons déjà indique, le rapport intirne qui existe entre l'acte inconscient et le somnambulisme, et l'impossibilite de separer l'un de l'autre deux phenomenes qui s'expliquent mutuellernent. I Ii serait trop difficile de donner maintenant une definition claire et generale d'un acte inconscient, il suffit pour les observer et les decrire de s'en tenir a cette notion banale : on entend par acte inconscient une actiumayant tous les caracteres d'un fait psychologique, sauf un, c'est qu'elle est toujours ignoree par la personne merne qui l'exécute au moment merne ofl elle l'execute. Nous ne considerons done pas comrne acte inconscient l'action qu'une.personne oublie immediatement apres l'avoir faite, rnais qu'elle connaissait et decrivait pendant 'qu'elle l'accomplissait : cet acte manque de memoire et non de conscience. Ii est probable que ces deux alterations se rapprochent l'une de l'autre, mais nous croyons plus methodique de ne considerer maintenant que les degres extremes, les actes absolument inconscients, sans tenir compte des degres intermediaires entre ceux-ci et la conscience complete'. Les actes de cette sorte peuvent cependant se presenter de deux manieres ; ou ben l'individu au moment ou il execute l'acte semble n'avoir aucune espece de conscience ni de l'acte ni d'autre chose, il ne parle pas, n'exprime rien, et nous n'avons aucun moyen de savoir s'il a senti ou non ce qu'il faisait. Les choses se passent ainsi quelquefois apres une crise d'epilepsie. Tanteit au contraire l'individu conserve la conscience claire de tous les autres phenomenes psychologiques, sauf d'un certain acte qu'il execute sans le savoir. L'individu parle alors avec facilite, mais d'autre chose que de son action nous pouvons alors verifier et il le peut lui-meme qu'il ignore entierement cette action que ses mains accomplissent. Cette seconde forme d'inconscience est peut-ètre la plus rare, mais elle est la plus nette, c'est elle que nous êtudierons de preference et qui nous servira peut-ètre a mieux comprendre les autres. Les actes inconscients ainsi definis accomplis pendant la veille, sans interruption apparente de la conscience normale, peuvent se presenter dans plusieurs circonstances. Quoiqu'il y ait entre elles Bien des ana- 240 REVUE PHILOSOPHIQUE lodes, nous etudierons separement ces quatre especes d'actes inconscients : les actes inconscients par suggestion posthypnotique ; 2° les actes inconscients par anesthesie ; 3') les actes inconscients par distraction ; 4° les actes inconscients spontanes. 4 0 Les actes inconscients par suggestion posthypnotique. Lorsqu'on a etudie la psychologie de l'hypnotisme, on s'est d'abord apergu que le sujet executait infailliblement a retat de veille les commandements regus pendant le somnambulisme et on ne s'est guere preoccupe de la fagon dont it les executait, cela etait naturel. Plus tard les observateurs qui examinerent cette question capitale observerent un petit nombre de sujets, et par une generalisation nave pretendirent que toutes les suggestions s'executaient toujours de la méme maniere. Les uns pretendirent que le sujet une fois reveille est dans un etat absolument normal et qu'il execute l'acte impose avec pleine conscience et deliberation; on fit raffle a ce propos des remarques sur l'illusion du libre arbitre. II est vrai que certains sujets agissent ainsi : j'ai ettidie une jeune fine hysterique, G., facile a hypnotiser, qui une fois reveillee ne se souvient d'aucun detail de son somnambulisme, si ce commanie par exernple de faire n'est de la suggestion. Lui son reveil le tour de la chambre, elle se met a rire quand elle est reveillee et me dit : « Je sais Bien ce que vous venez de me dire... vous m'avez dit de faire le tour de la chambre. » II est a noter qu'elle a oublie tout ce que je lui ai dit pendant le somnambulisme, sauf cela; elle continue a plaisanter et dit : « Vous avez vraiment de drOles d'idees... c'est Bien ennuyeux... enfin puisque vous y tenez... Et la voilla qui se leve et fait le tour de la chambre, mais a chaque pas elle repete : « Vous savez, si je n'avais pas voulu faire le tour de la' chambre, je serais restee sur ma chaise... C'est parce que je le veux bien. » M. Beaunis a deja remarque que meme dans ce cas it y a presque toujours des troubles de la memoire considerables, j'ajou terais qu'il y a aussi des troubles dans la faculte du jugement et que la conscience n'est pas aussi normale qu'elle le parait. Mais cette maniere d'executer la suggestion n'est pas la seule et son etude ne rentre pas dans notre sujet. D'autres ubservateurs ont remarque que les sujets sont quelquefois dans on kat tout a fait anormal quand ils executent la suggestion : les yeux fixes, la figure change, le corps raide, sans parole, sans souvenir, les individus ont lair de veritables automates. Ces ecrivains, generalisant egaleMent a tort, a mon avis, ont dit que les sujets se rendormaient pour executer dans un nouveau somnambulisme les ordres qu'on leur a donnes dans le precedent. Cette remarque contient encore de la verite : it faut quelquefois reveiller B. apres l'execution d'une suggestion comme apres P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 241 une séance de somnambelisme'. Mais ce fait n'a rien de constant, merne avec elle. Il existe enfm une troisierne maniere d'executer la suggestion que nous avons dep signalee et sur laquelle nous vouions insister. Ainsi que nous l'avons montre dans un precedent Aimvail, le sujet norrime L. ne conserve au reveil aucun souvenir de la suggestion, ii sernble étre et rester dans un kat absolument normal , cependant son corps, ses bras executent a son insu et pendant qu'il parle l'acte qui a ete commando. Cet acte est execute avec intelligence, meme s'il requiert des operations mentales, des calculs assez cornpliques pour etre execute correctement. Non seulement L. ne se souvient pas de l'acte accompli, mais elle l'ignore et nie l'accomplir si on l'interroge au moment oil elle le fait. Ce qui est constant chez L. est frequent chez B. et chez N.', avec des differences individuelles, les somnambules ayant leur originalite même dans la facon d'executer une suggestion. B. se rapproche du type que j'ai decrit le second, elle a uneAendance a s'endormir 'completement dans l'execution d'une suggestion.. N. se rapprocherait plutot du premier type de G., elle execute quelquefois un ordre avec conscience complete, it est vrai avec perte de souvenir consecutive. Mais nous ne considerons chez ces deux sujets que les, actes executes de la troisierne maniere avec inconscience complete et persistance de la conscience normale au-dessus de l'acte ignore. 1. Je designe par B. cette personae (Mme B...), agee maintenant de guaranteeing ans, sur laquelle j'avais observe ces phenomenes si singuliers de sommeil a distance et de suggestion- mentale. Puisque je parle d'elle encore une fois, it faut profit& de cette occasion pour reparer une erreur explicable pent-etre, mais qui n'en a pas thoins son . importance. Quand j'ai examine ce sujet pour la premiere fois avec M. le D r Gibert, j'ai écrit que B.... knit une femme absolument saine, du moins sans autre phenomene maladif que le somnambulisme lui-meme. Cela est absolument inexact et nous ne commissions pas suffisamment l'histoire antèrieure de cette femme. B... appartient a une famine qui compte des epileptiques.et probablement des alienés. Des sa premiere enfance, elle fut atteinte de tons les accidents de Physterie la plus grave. Mais elle tomba entre les mains de medecins tout devoues a la cause, pourtant si compromise alors, du magnetisme animal. Ceux-ci firent sur elle une chose regardée alors comme absurde, aujourd'hui presque banale. Its modifierent tous les symptOmes de Physterie et les transformerent en un somnambulisme magnetique remarquable. Ce sorn nambulisme subsistait seul au moment of' nous avons connu le sujet. Mais dans ces derniers temps, au moment de la menopause, tons les accidents de son enfance réapparurent. J'ai observe sur elle, ce qui n'existait Pas autrefois, des crises violentes, des contractures, l'anesthesie du ate gauche et surtout l'asthme nerveux. Tons ces symptCmes ne laissent plus de doute sur la nature du sujet et nous obligent a cette rectification. D'ailleurs, tous les sujets dont je parlerai dans cet article, qui est surtout une ètude de psychologie pathologique, sorft des malades, presque toujours des femmes atteintes d'hysterie plus ou moins grave; it nous semble preferable dIndiquer les caracteres essentiels de ehacune a mesure que nous signalerons quelque observation prise sur elle. 4. N... est une 'femme de trent° ans. Crises assez espacees de petite hysterie, anesthesie presque complete du cote gauche. TOME xxv. -- 1888. 16 242 REVUE PHILOSOPHIQUE Pendant le somnarnbulisme, j'ai commande a B. d'Oter son tablier son rèveil et de le remettre. Une fois bien eveillee, B. me reconduit-a la porte et me demande a quelle heure je viendrai le lendemain. Pendant qu'elle parle ses mains Mont doucement le noeud de son tablier et renlevent entierement. Par un geste j'attire l'attention de B. sur son tablier : « Tiens, dit-elle, mon tablier qui tombe; D et brusquernent, avec conscience cette fois, elle le reprend et le renoue, puis parle d'autre chose ; mais voici que les mains recommencent leur operation, ci6nouent les cordons, enlevent cornpletement le tablier. Comme cette fois B. ne regarde pas, les mains apres avoir enlev6 le tablier le reprennent et le rernettent bien proprernent. La suggestion, semble-t-il, n'avait pas etè entierement exOcut6e la premiere fois, puisque B. avait remis le tablier ellemérne et les mains voulaient recommencer l'opération pour aller jusqu'au bout. Cette fois d'aiileurs racte kait terminè, it n'y eut plus rien le sujet n'avait pas eu la moindre conscience de tout cela. N. kant en somnambulisme, je lui ai dit qu'elle levera les deux bras quand la sornme des hombres que j'aurai prononc6s fera dix. J'attends pour parler qu'elle soft bien rèveill6e et occup6e d'autre chose et je commence : 3. 2. 1. 2. 2. Les deux bras se sont leves apres le dernier chiffre sans qu'elle s'en apergoive : it y a ici plus qu'un acte inconscient, it y a un veritable calcul qui s'est fait a son insu. déjà d6crit cette experience; si je la reproduis ici, c'est qu'elle me parait avoir une grande importance : it etait bon de montrer qu'elle a lieu de la m'eme maniere sur un sujet tout different. D'ailleurs j'ai obtenu egalement avec N. et en une seule séance rècriture automatique. « Si je vous parle, lui ai-je dit pendant qu'elle dormait, vous me repondrez par écrit. » Elle est bien reveillèe et cause avec plusieurs autres personnes : « Quel age avez-vous ? » lui dis-je tout bas derriere elle. Sa main prend un crayon et &tit : « 30 ans ». — « A vezvous des enfants? » Elle 6crit encore : « Oui, deux garcons et une fille. » — « Multipliez 749 par 42. » Sa main commengait ropèration, une personne avec qui elle parlait lui dit brusquement : « Mais qu'ècrivez-vous done? • « Mais je n'ecris rien », fait-elle tout 6tonn6e; elle regarde le papier, voit les chiffres et toute surprise : « Qui done a gritionnë cela`? » dit-elle. Inutile de multiplier les exemples j'ai pu reproduire sur .ce sujet a peu pros toutes les experiences que j'ai rap)3' portees dans mon etude sur L. Ces actes inconscients ainsi obtenus ont un caractêre general, evident et mème nècessaire : ils sont accompagnes, sinon constituès par une anestlidsie systematisee. J'ai dit a B. de me faire un pied de nez; au rèveil elle leve ses mains et les met au bout de son nez sans le P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 243 savoir &est un acteinconscient, soft, mais elle ne volt, pas ses mains qui sont pourtant devant ses yeux. J'ai dit a N. de lever le ,bras droit, elle le fait etant éveillee, mais elle ne sent pas son bras en Pair, cepen dant elle n'a pas ordinairement perdu le sens musculaire du bras droit. Je cornpte des nombres, je frappe des coups derriere elles et elles ne les entendent pas : cependant elles ne sont pas sourdes. C'est Line anesthesie speciale qui accompagne toujours l'acte inconscient ; it n'y a done rien de surprenant a ce que, etudiant Phallucination negative ou l'anesthesie systematique, j'aie trouve qu'elle etait constituee par une sensation inconsciente, une sorte d'acte inconscient. Ces deux chases étaient reellement inseparables. Quand l'un de ces deux ph& nomnes diminue ou meme disparait, l'autre disparait egalement. Quand L. tint a peu pres guerie de son kat bystèrique, les actes inconscients disparurent, mais l'anesthesie systématique diminua egalement. Je ne pouvais plus alors frappes dans mes mains ou prononcer des nombres sans que L. m'entenditelle.se retournait et demandai t ce que je faisais. Itn'y eut que ce nom d'Adrienne qui avait designe Fecriture autornatique qui resta inconscient jusqu'a la fin. Je pouvais le dire tout haut en face d'elle, elle voyait mes levres rernuer, mai s n'avait pas entendu ce que je disais. Quand L. finit par entendre ce nom d'Adrienne, tout avait disparu et on ne pouvait merne plus l'endormir._ "Outr e- ce caractere general, les actes inconscients se presentent avec des traits plus particuliers, mais egalement interessants. Le plus souvent cet acte est m.omentane, les bras se levent un instant, puis retombent d'eux-memes ; un geste est fait, un mot est ecrit, puis tout rentre dans Porare. Mais quelquefois l'acte inconscient donne aux membres une attitude durable et provoque ce que j'appellerai une contracture systdmatisee. La contracture d'un membr e en effet peut etre generale quand tous les muscles sont contractures au plus haut degre, le imembre prend alors une forme invariable dkerminOe par la position et la force relatives des differents muscles. Cette forme a ete souvent decrite a propos des attaques de tetanos ou de certaines crises d'épilepsie. La contracture peut etre speciale, quand in seul muscle est contracture ou quand un seul nerf est excite et determine la contracture des muscles auxquels it aboutit, mais de ceux-la seulement. C'est dans ce dernier cas qu'il faut ranger les griffes cubitales, medianes et radiales qui ont ete si souvent dècrites. Mais it y a des contractures que je propose d'appeler syst6matisèes qui ne rentrent dans aucune de ces deux categories. Un certain nombre de' muscles innerves par differents nerfs sont contractures, mais a , des degres differents, de maniere a dormer au membre une 244' REVUE PHILOSOPHIQUE forme egalement rigide mais expressive, rappelant un certain acte ou une certaine position. J'ai dit a N. pendant le somnambulisme de faire sa priere quand elle serait reveillele. Elle execute la suggestion dune singuliere maniere. Reveill6e, la physionomie norm ale, la parole libre, elle rapproche ses deux mains comme dans la priere, mais elle ne prie que par les mains, car son esprit ignore cet acte et elle parle d'autre chose. Mais trouvant que l'experience avait assez durê, une personne presente veut lui prendre les mains pour les d gaire de leur singuliere position. Elle ne put y parvenir, les muscles des bras et des mains etaient entierement contractures. Je ne peux pas non plus les detendre et changer la position des mains; comme le sujet maintenant s'apercevait de sa contracture et commengait a s'effrayer, it fallut la rendormir et la contracture se dissipa tres facilement. B. presenta aussi, mais une seule fois, un phenomen -e analogue. Je lui avail suggere de prendre a son rêveil une fleur. dans un bouquet; elle le , fit inconsciemment, mais au bout d'un instant elle jette ses yeux sur sa main et pousse un cri. La main etait toute contracturee, dans une position elegante, mais genante, le pouce et l'index rapproches et serrant une rose, les autres doigts legerement courbes, mais egalement rigides. Quel est le nerf dont l'excitation a pu produire cette contracture? Cette systematisation intelligente de la contracture ne peut s'expliquer que par une idêe, et c'est la la veritable contracture d'origine psychique dont nous surprenons peut-ètre le mecanisme. N'est- elle pas due ici la continuation d'un acte inconscient qui se prolonge outre mesure? Cela est si vrai que sur ce sujet, chez qui il est facile d'atteindre l'inconscient, soit par le somnambulisme, soit par un des procedes que nous indiquerons plus loin, il suffit de lui dêfendre de continuer cet acte pour guerir cet accident quand it arrive. Il serait intèressant de chercher si ce meme genre de contracture ne se produit pas naturellement avec les memes caractéres : il est difficile de le verifier; les cas de contractures systematisees naturelies sons rares et ne se prétent pas facilement a retude. Voici cependant quelques indications. Une femme de trente ans, evidemment hystèrique, a une querelle avec son mart et leve le poing pour le frapper : comme par une punition celeste le bras droit reste contracture dans la position du coup de poing. Elle vint au bout de trois jours demander assistance, car la contracture n'avait pas cede, M. le Dr Gibert eut l'obligeance de me la montrer. Elle ne voulut pas étre endormie et a cette seule pensee tremblait de tous ses membres; je profitai de son emotion pour lui faire une suggestion a l'etat de veille. ,A mon simple commandement plusieurs fois repete et sans que cette P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 245 malheureuse y comprit rien, la contracture passa du bras droit au bras gauche, puis revint au bras droit et disparut entierement. Autre exemple analogue : Un jeune marin de dix-neuf ans, Lem..., atteint d'hystero-épilepsie et anesthesique de presque tout le corps, reoit dernierement un choc assez violent au bas de la poitrine. Il n'eut en realitê aucun mal, mais it plia sous le choc et resta completernent courbe en avant dans la position la plus pénible: M. le Dr Pillet, inklecin-major de l'hOpital, me permit obligeamment de l'exarniner. Tous les muscles anterieurs de la poitrine et de l'abdomen etaient contractures, on ne pouvait le redresser et cette penible situation durait depuis un mois. Il fut hypnotise en un instant par une compression Legere des yeux et it me sutra alors de quelques mots pour le redresser entierement. Sans doute l'extension violente des muscles, le choc pourrait etre considers comme cause suffisante de la contracture, mais je me demande pourquoi la contracture n'envahit les muscles que jusqu'au degre stricternent suffisant pour conserver aux membres leur position expressive, comment tant de muscles et de nerfs peuvent combiner leur action d'une maniere permanente sans aucune unite, aucune direction, qui explique cette systematisation, pourquoi enfin ces contractures cedent si facilement a une action purement morale, s'il n'y a en elles rien de moral. Ne semblet-il pas naturel de rapprocher ces phenomenes des actes inconscients persistants que nous avons observes chez N... et chez B...? Reconnaissons cependant que nos observations ne sont pas suffisantes pour justifier cette explication qui reste une simple hypothese. L'acte inconscient par suggestion posthypnotique peut enfin se presenter sous une troisierne forme: Voulant repeter Tune des' experiences prec6dentes, je commands encore une fois a N... de faire }$a priere au reveil. Les mains se rapprochent inconsciemment, mais elles ne se raidissent pas comme tout a l'heure. N..., des qu'elle veut faire un mouvement volontaire, les epleve de leur position et les remue tres facilement. Rien ne parait plus subsister de la suggestion. A ce,moment on demande a N... de mettre ses mains en priere : elle refuse d'abord, trouvant la demande ridicule, enfin elle essaye en plaisantant, mais elle ferrne les poings au lieu d'etendre les mains. cc Tiens, dit-elle avec agacement, je ne sais plus mettre mes mains en priere. 'Ahl ,comme cela. » Et elle croise les doigts. « Non, lui dit-on, les mains jointes comme les statues dans les eglises. -Je sais bien ce que c'est, fait-elle en interrornpant, mais je ne sais plus comment P on s'y prend. » Ce langage rappelle naturellement celui de 1 aphasique qui a perdu la faculte d'ecrire, mais chez celuici la faculte est dêtruite, chez l'hystericiue elle ,n'est que dissociee. P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 247 maladie du sujet, racte inconscient ne doit‘il pas exister au.ssi? C'est ce qui arrive en effet chez un certain nombre de sujets. Considerons une personne dont un membre est anesthesique et sans hypnotisation ni suggestion prealable, en prenant simplement la precaution de fermer les yeux du sujet ou mieux encore de mettre un ecran devant les yeux 1 ; soulevons ce membre et abandonnons-le en l'air. Tres frëquemment le bras anesthesique reste immobile dans la position oil nous venous de le placer. Ce phenomene signale autrefois par Lasegue a eté l'objet d'une etude minutieuse de MM. Binet et Fere 4. Its out remarque une quantite de details qui se rattachent a ce fait et dont voici les principaux. Le bras anesthesique se maintient en rair a rinsu du sujet pendant un temps fort long, quelquefois plus d'une heure. Cela est du probablement a l'absence du sentiment de fatigue qui nous ferait baisser le bras bien avant le veritable epuisement musculaire. Si on communique un mouvement a ce bras, on le volt continuer le mouvement pendant un certain temps. Cette repetition prouve que le mouvement imprime par roperateur a Ote l'objet d'un enregistrement physiologique qui ressemble fort a une perception et a une memoire inconsciente ; on obtient par le meme procôde la repetition de certains mouvements nécessaires pour recriture ; dans certains cas meme la main anesthesique continue la phrase fiu'on, a commence a lui faire écrire. C'est un moyen nouveau et curieux d'obtenir encore recriture automatique. Les etudes de MM. Binet et Fere sur ces phenornenes sont trop completes pour que nous les decrivions davantage ; nous dêsirons seulement insister sur un point et ajouter une observation. La main qui execute ces mouvements sans que le sujet puisse la voir est anesthesique, c'est-a-dire que le sujet quand owrinterroge ne sait pas que sa main a ête piquee, qu'elle touche un objet ou qu'elle remue, et cependant cette main se conduit a rinsu du sujet comme si elle êtait parfaitement sensible. Si on met un poids sur le bras anesthesique pendant gull reste live en l'air, les muscles s'adaptent inconsciemment, F insi qu'on l'a remarque, a cette charge nouvelle et le bras supporte le poids sans fièchir. C'est ainsi que fait Lem..., mais B... fait mieux. Sa main saisit le poids et le retient pour qu'il ne tombe pas. Si l'on met un crayon dans la main anesthesique, les doigts se courbent et se placent d'eux-memes a rinsu du sujet 1. Nous prëférons ce second procedê on n'est jamais certain de l'état clans lequel se trouve une hystèrique quand on a touché a ses yeux. A... et Lem. s'endorment ainsi immêdiatement, ce que nous voulons maintenant éviter. 2. Arch. de physiol., t er octobre 1887. 248 REVUE PIIILOSOPHIQUE dans la position voulue pour ecrire. Mais j'ajouterai que les choses se passent de mème pour tons les objets. Je mets dans la main gauche de B. (le cote gauche est cornpletement anesthesique) une paire de ciseaux et je cache cette main par un ecran. B., que finterroge, ne peut absolu rnent pas me dire ce qu'elle a dans la main gauche et cependant les doigts de la main gauche sont entres d'euxmémes dans les anneaux des ciseaux qu'ils ouvrent et ferment alternativement. Je mets de mètne un lorgnon dans la main gauche; cette main ouvre le lorgnon et se souleve pour le porter jusqu'au nez, mais a mi-chemin it entre dans le champ visuel de B., qui le voit alors et reste stupefaite : « Tiens, c'est un lorgnon que j'avais dans la main gauche. » Ces faits ne confirrnent-ils pas ce que nous avions déjà dit dans un precedent travail a propos des experiences faites sur L. x Par curiosite j'ai mesure a l'esthèsiometre la sensibilite tactile d'Adrienne (l'inconscient) et, tandis que L. etait incapable de sentir mèrne une forte brillure faite subitement, Adrienne apprecie fort bien l'ecartement des deux pointes de l'esthésiometre comme pourrait faire une personne normale... L'anesthesie hyst6rique n'est pas une veritable anesthesie, c'est-a-dire la destruction de la sensation, c'est une simple dissociation des phènomenes psychologiques, telle que toute sensation ou toute idee enlev6e a la conscience normale subsiste encore et pent 'etre retrouvee comme faisant partie d'une autre conscience 1 . » Nous sommes heureux que MM. Binet et Fere aient verifie cette hypothese. Une aUtre rernarque que nous voulions faire a propos de ces actes inconscients obtenus grace a l'anesthèsie du sujet est la suivante. cataleptique du membre anesthesique pendant la veille n'est pas obtenue, on l'a dit souvent, sur tous les sujets, mèrne quand ils sont anesthèsiques. A mon avis, it faut ajouter un mot : elle n'est pas non plus obtenue par tons les operateurs. Je m'explique : si pendant que B. est bien eveillee je souleve son bras gauche sans qu'elle le voie, ce bras reste en Fair assez longternps. Mais un autre jour je prie une autre personne, M. X., de repeter cette experience en mon absence et dans les mOmes conditions. Eh bien, quand le bras gauche a ete souleve par X., it ne reste pas un instant, retombe lourdement. B. n'a pas senti davantage cependant, mais son bras obeissait quand je le mettais en l'air et it n'obeit pas quand X. le souleve. Autre exemple Je mets moi-mème le bras anesthesique en l'air, it reste immobile, mais it est fort leger et par le plus petit attouchernent je puis le deplacer dans tons les sens. M. X., avec qui 1. Rev. phil., mai 1887, p. 462. P. JANET. - ACTES. INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 219 l'expèrience a et6 convenue, a l'insu de B. naturellement, cherche maintenant a deplacer ce bras que j'ai mis en fair, mais, chose sin^uliere, it rèsiste de toutes ses forces, X. insiste-t-il trop violemment, le bras flèchit un peu, mais des qu'il est libre remonte comme par 61asticitè a la premiere position ; que je retouche le bras, il devient subitement leger et obeit a toutes les impulsions. J'ai fait recommencer cette experience par plusieurs personnes, elle a toujours eu le rnème resultat J . En un mot, it se manifeste de l' electivitd dans ces actes inconscients par anesthésie pendant l'ètat de veille, comme s'en manifeste pendant le somnambulisme. C'est un fait dont nous devrons nous souvenir quand nous comparerons ces faits avec ceux qui se passent pendant le sommeil hypnotique. III Actes inconscients par distraction. — L'anesthesie êtait la condition essentielle des phênomenes precedents, c'est-a-dire que le sujet devait ignorer le mouvement communiqué a son bras. Pour qu'une personne ne s'apercoive pas de quelque chose, ii n'est pas nécessaire qu'elle soit insensible, un simple moment de distraction suffit, et d'ailleurs cette anesthèsie hysterique n'est-elle pas comme une distraction perpetuelle du sujet vis-a-vis de certains phenomenes 9 Aussi ii est vraisemblable que l'on pourra obtenir les effets de l'anesthêsie,. si Pon reussit a distraire l'attention du sujet. B. etant bien réveill6e, je la laisse causer avec une autre personne et, pendant un instant ob. tout entiere a la conversation elle ne songeait plus a moi, je souleve doucement son bras droit qui n'est pas anesth6sique ; ce bras reste en fair, continue le mouvement commencè, etc., se comporte exacteinent comme faisait tout a l'heure le bras gauche. Il y a une difference entre les mouvements inconscients du bras droit et ceux du bras gauche : les mouvements de celui-ci ont lieu mème quand B. est prevenue et fait attention a moi, pourvu que le bras soit dissimulè par un ecran , car l'anesthesie du bras gauche rend inutile la distraction ou plutOt est elle-mème une distraction , tandis que les mouvements inconscients du bras droit n'existent que si l'attention de B. est completement distraite sur un autre objet. Cesse-t-elle de parler, elle s'apercoit de ce que fait son bras droit et l'arrete de suite. Sans doute, thèoriquernent,. le mouvement inconscient peut etre plus facilement simule par le I. II faut excepter certaines personnes qui ont un peu d'influence; je ne puis insister ici sur les details de ce phenomene d'electivite. 250 REVUE PHILOSOPHIQUE bras droit sensible que par le bras gauche insensible, mais ne nous arretons pas a cette objection trop generale et trop vague qui porterait sur toute espece d'experimentation psychologique. C'est a l'observateur a prendre ses precautions et a mettre a l'epreuve la bonne foi du sujet dans une foule d'experiences prealables. La meilleure preuve de la realite de ces faits nous semble etre dans leur complication, dans le lien que les experiences ont les unes avec les autres : le plus souvent le sujet ne comprend pas ce que l'on fait et il simulerait tout de travers. Si la distraction precedente a produit une anesthesie momentanee du sens tactile et musculaire dans le bras droit, elle pourra produire d'autres anesthésies pour les autres sens. Voici d'abord une anesthesie visuelle obtenue par ce moyen. Quand les yeux de B. sont ouverts et que je ne me sers pas d'ecran, it n'y a pas d'actes inconscients, le mouvement que je commence s'arrete de suite. Mais des qu on lui parle le bras gauche se releve de lui-rnerne et reprend meme devant les yeux la position que je voulais lui donner. II avait enregistró l'ordre sans pouvoir l'executer, a la premiere occasion, c'est-a-dire a la premiere distraction de B., il se hate de reprendre sa place. La meme distraction produira des anesthésies systematiques de ce qui va augmenter enormement le nombre et la . complexité des actes inconscients. B. ne presente pas comme d'autres sujets _tine veritable suggestibilite a l'etat de veille ; si je m'adresse directement a elle et lui commande un mouvement, elle s'etonne, discute et n'obeit pas. Mais quand elle parle a d'autres personnes, je puis reussir a parley bas derriere elle sans qu'elle se retourne. Elle ne m'entend plus et c'est alors qu'elle execute bien les commandements, mais qu'elle les execute sans le savoir. Je lui dis tout bas de tirer sa montre, et les mains le font tout doucement; je la fais marcher, je lui fais mettre ses gants et les retirer, je lui fais mettre les mains en priere, etc. Notons deux choses interessantes dans . la derniere experience : d'abord l'anesthesie visuelle qui accompagne l'anesthesie auditive, car elle ne voit pas ses mains jointes devant sa figure ; ensuite, ce qui est, je crois, fort rare, une expression d'extase religieuse qui envahit la physionomie pendant un moment, tandis que la bouche continue la conversation commencée. II est a peine utile de rappeler que ces experiences peuvent produire des contractures ou des paralysies systematisees comme nous l'avons indiqué precedemment. Les mêmes experiences réussissent de la meme maniere sur d'autres sujets : je n'indique que les particularit6s intêressantes. La sug- P. JANET. - ACTES INCONSCIENTF DANS LE SOMNAMBULISME 251 gestion par distraction avait un tres grand pouvoir sur L.; elle pouvait meme s'opposer a sa volonte consciente L. &ant hien eveinee, le D r Powilewicz lui demande de chanter quelque chose; elle refuse en ergiquement. Je murmure derriere elle : « Allons, vous chantez, vous chantez quelque chose. » Elle arrete sa conversation et chante un air de Mignon, puis reprend sa phrase, convaincue qu'elle n'a pas . chante et qu'elle ne veut pas chanter devant nous. Notons aussi que ce genre de suggestion n'existe chez L. que lorsqu'elle est malade. N. presente ce phenomene a un degrê remarquable ; mais elle est tits elective, meme dans ce genre de suggestion. Si un autre que moi lui pule par derriere quand elle est distraite, elle n'obeit point. M. 1 °Nit moins a la suggestion par distraction, elle n'exëeute ainsi que des mouvements des bras fort simples, mais elle presente dans ce cas une anesthesie .auditive tits grande. Pendant qu'elle parle mon frere, je puffs commander- a haute- voix, derriere elle et meme crier sans qu'elle entende son oule - est cependant norrnale pour f qui attire son attention. Mais it est plus intéressant de presenter ces lames faits sur un sujet d'un tout autre genre. Les sujets precedents sont des femmes hysteriques, eveill6es sans doute, mais qui ont etó fr6quemment hypnotisêes auparavant. Il s'agit cette fois d'un homme, P., age de quarante, ans,que nous n'avons aucune raison pour considerer comme hysterique et qui jamais ete hypnotise. P. est amene a l'hOpital dans le service du. D r Powilewicz, pour une attaque de delire alcoolique. Le docteur, remarquant chez lui une grande aptitude a ces suggestions que nous etudiions ensemble, eut l'obligeance de me prevenir. Quand je vins observer le rnalade, it etait dela en pleine convalescence, it se levait, parlait avec bon Sens et ne delirait gubre que` la nuit. Pendant que le medecin lui parlait et li i faisait expliqtter certainS: details de sa profession, je me mis derriere lui et lui cornmanddi de lever le bras. La premiere fois, it me fallut toucher le bras pour provoquer l'acte; l'obeissance inconsciente eut lieu ensuite sans difficultê. Je le fis marcher, s'asseoir, s'agenouiller, le tout sans qu?itle sut ; j lui dis meme de se coucher a plat ventre et it tomba imme,diatement, mais sa tete se levait encore pour repondre aux questions du docteur. Celui-ci lui dit : « Comment vous tenez-vous done pendant que je vous parle? — Mais, fit-il, je suis debout pres de mon lit, je ne bouge pas. — Vous ne voyez done pas comme 1. Une jeune femme hystêrique, que j'ai êtudiee a la Pitia avec mon frere, interne a l'hOpital. Elle ,a . presente, outre les crises et une anesthesie presque totale, un phénornëne d6 dysphagie hystarique fort curieux : elle ne pouvait manger qu'en somnambulisme. 252 REVUE PHILOSOPITIQUE vous etes devenu petit? — Oh, j'ai toujours et6 plus petit que vous, maisje ne suis pas plus petit qu'a l'ordinaire. » Je ne pouvais croire qu'un hoinme dans son bon sons, car it ne délirait pas, et bien &eine put croire etre debout, quand ii était couchè par terre sur le ventre. En realite it y avait une sorte d'hallucination qui venait se joindre l'anesthesie systernatique pour produire cet acte singulier. Je le fis relever, je lui commandai d'ëcrire son nom, lui suggerai meme de faire une multiplication par &fit. La main ecrivit les chiffres et cornmenca a son insu le travail, it est vrai avec une erreur. Mais P. s'ar-rota subitement, porta les mains a sa tete en disant « Oh, je ne sais ce que j'ai... j'ai un aifreux mal de tete. » Je cessai les experiences et la migraine se dissipa. Le lendemain, quand je voulus recOrnmencer l'etude, cette disposition du malade aux actes inconscients avait beaucoup diminue. Les illusions ne duraient qu'un moment; deux jours apres, tout avait disparu. Le Mire alcoolique avait cesse et avec lui la dissociation. N'est-il pas curieux que l'alcoolisme mette unchornmependant quelques jours dans une situation psychologique absolument identique a celle d'une hyst6rique, et qu'il y ait une pareille analogie morale entre ces deux degenerescences? Sans insister sur cette comparaison, considerons les experiences faites avec P. comme un bon exemple des actes inconscients par distraction, puisque ce malade n'a ete hypnotise ni avant ni apses les experiences, et que la suggestibilite résulte ici du seul fait de la dissociation.. IV Actes inconscients spontanes. — Les actes inconscients precedem- ment etudies avaient toujours ke le rêsultat d'une suggestion faite soit pendant l'etat de somnambulisme, soit pendant la veille ellememe. Je ne pensais pas que la personnalité inconsciente, si tant est qu'elle mórität ce nom, put accomplir des actions spontanees et reclamer comme nous la dignite du libre arbitre. Un incident de mes etudes somnambuliques vint me detromper. tout a fait ignorante quand j'ai commence a l'etudier, avait appris depuis a lire et a ecrire passablement; dans un de ses derniers séjours au Havre, j'avais profite de ses nouvelles connaissances pour lui faire &lire pendant la veille quelques mots ou quelques lignes inconsciernment, mais je l'avais renvoyee sans lui rien suggerer de plus. Elle avait quittè le Havre depuis plus de deux mois quand je recus d'elle la lettre- la plus singuliere. Sur la premiere page se trouvait une petite lettre d'un ton serieux et convenable. (c Elle était indisposee, disait-ellei P. JANET. ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 253 plus souffrante un jour que r autre, etc., D et signait de son nom veritable, femme B. Mais sur le verso comrnencait une autre lettre d'un tout autre style et que l'on me permettra de reproduire a titre de curiosite : « Mon cher bon monsieur, je viens vous dire que B.^ tout vrai tout vrai me fait souffrir beaucoup, elle ne peut pas dormir, elle a vomi du sang beaucoup, elle me fait bien du mal; je vain la dernolir, elle m'embete, je suis malade aussi et bien fatiguee, c'est de la part de votre Bien devouee Léontine. » Quand B. fut de retour au Havre je l'interrogeai naturellernent sur cette singuliere missive elle avait conserve un souvenir tres exact de la premiere lettre, elle pouvait m'en dire encore le contenu, elle se souvenait de l'avoir cachethe dans l'enveloppe et merne des details de l'adresse qu'elle avait ecrite avec peine; mais elle n'avait pas le moindre souvenir de la seconde lettre. Je m'attendais d'ailleurs a cet oubli : ni la familiarite de lalettre, ni la liberté du style, ni ' les expressions employees, ni surtout la signature n'appartenaient a B. dans son etat de veille. Tout cela appartenait au contraire au personnage inconscient qui s'etait deja manifesto a moi par bien d'autres actes. crus d'abord qu'il y avait eu une attaque de somnambulisme spontane entre le moment oti. elle terminait la premiere lettre et l'instant ou elle cachetait l'enveloppe. Le personnage inconscient qui savait rint6ret que je prenais a B. et la facon dont je la guerissais souvent de ses accidents nerveux, aurait apparu un instant pour m'appeler a son aide. Le fait knit deja fort etrange, mais depuis, ces lettres inconscientes et spontanees se sont multipliees et j'ai pu étudier mieux leur production. Fort heureusement, j'ai pu surprendre B. une fois, au moment ou elle accornplissait cette singuliere operation. Elle etait pres d'une table et tenait encore de la main gauche le tricot auquel elle venait de travailler. Le visage etait fort calme, les yeux regardaient en l'air avec un peu de fixite, mais elle n'etait pas cataleptique, Car elle chantait a demi-voix une ronde campagnarde; la main droite ecrivait vivernent et comme a la dèrobee. Je commerical par lui enlever son papier a son insu et je lui parlai; elle se retourna aussitht bien eveillee, mais un peu surprise, car, dans son etat de distraction, elle ne nfavait pas entendu approcher. « Elle avait, disaitelle, passe la journee it tricoter et elle chantait, car elle se croyait seule. Aucune connaissance du papier qu'elle ecrivait. Tout s'etait passé exactement comme nous ra yons vu pour les actes inconscients par distraction, avec cette difference importante que rien n'avait ete suggere. Cette forme de l'inconscience nest pas aussi facile a etudier que les autres, etant spontanee elle ne peut etre sournise a une expe- 254 REVUE PHILOSOPHIQUE rimentation règuliere. Voici quelques remarques seulement clue le hasard permis de faire. D'abord, l'inconscient qui ecrit ces lettres, appelons-le ainsi jusqu'a nouvel ordre, est intelligent, it montre dans ce qu'il écrit beaucoup de memoire : une lettre contenait le recit de l'enfance meme de B. ; it montre du bon sens dans des remarques ordinairement justes. Voici meme un exemple de perspicacite inconsciente , comme disait M. Richet. L'inconscient s'apergut un jour que le personnage conscient B. dechirait les papiers qu'il ecrivait, quand it les laissait a sa portee apres la fin de la distraction. Que faire pour les conserver? Profitant d'une distraction plus longue de B. it recommenca sa lettre, puis alla la porter dans un album de photographies. Cet album, en effet, contenait autrefois.une photographie de M. Gibert, qui par association d'idees avait la propriete de mettre B. en catalepsie. Je prenais la precaution de faire retirer ce portrait, quand B. etait dans la maison. Mais l'album n'en conservaitpas moms sur B. une sorte d'influence terrifiante. L'inconscient etait done sur que ses lettres mises dans album ne seraient pas dechirées par B. Tout ce raisonnement n'a pas ete fait en somnambulisme, je le repete, mais a l'êtat de veille et inconsciemment. B. distraite chantait ou revait a quelques pensees vagues pendant que ses membres, obeissant a une volonte en quelque sorte êtrangere, prenaient ainsi des precautions contre elle-meme. L'inconscient profite ainsi de toutes ses distractions. Elie se promene seule dans les rues et imprudemment s'abandonne a ses, reveries; elle est toute surprise quand elle fait attention a son chemin de se trouver dans un tout autre point de la ville. L'inconscient avait trouvê spirituel de l'amener a ma porte. La previent-on par lettre qu'elle peut revenir au Havre, elle s'y retrouve sans savoir comment elle est venue. L'inconscient, presse d'arriver, l'a fait partir sans bagages et le plus vite possible. Enfin ces actes inconscients spontanes me paraissent avoir les memes caracteres que les actes provoques, ils amenent dans la conscience normale un vide particulier, une anesthesie systématique. B. etant venue souvent chez moi, je croyais qu'elle connaissait bien mon adresse : je fus biers etonne en causant un jour avec elle pendant l'etat de veille de voir qu'elle l'ignorait completement, bien plus qu'elle ne connaissait pas du tout le quartier, quoiqu 'elle y passat fort souvent : l'inconscient ayant pris pour lui toutes ces notions, le conscient ne parvenait pas a les possèder. Il faut connaitre de tres pres la vie d'une personne pour surprendre ge pareils actes; je suis dispose a croire que dans la vie d'une hystórique, it y en a sans cesse en grand nombre. Leurs actions ne sont f P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 255 jamais accomplies avec pleine conscience, elles, vivent'comme dans un reve perpetuel oti la plupart des actes leur echappent. Mais on ne peut que difficilement distinguer ces elements distincts dont leur conduite est la resultante. Chez certaines personnes seulement, les actes inconscients spontanes se produisent assez regulierement pour se préter a l'etude, je veux parler des medium dans les, experiences spirites. Ii serait possible de faire sur eux une etude psychologique des plus interessantes, quoiqu'elle soit fort difficile. Une jeune fille anglaise, Mlle S., dont l'histoire tres interessante a ete publiee en Angleterre !, possede par une fortune shiguliere cinq ou six esprits familiers : Johnson, Eudora, Moster, etc. Je desirais vivement assister leurs exploits et Mlle S., qui etait alors au Havre, eut la complaisance de se preter a quelques observations. Malheureusement les esprits furent ce jour-la de fort mauvaise humeur et la fameuse planchette sur laquelle le medium appuyait la main n'ecrivit que des mots insignifiants : « Johnson must go..... Eudora is writing, » et surtout ces mots perpetuellement repetes : o most of things, ,most-of men... Mile S. attribua cet insucces a l'absence de son frere qui d'ordinaire interrogeait les esprits. Cette explication me parait fort vraisemblable je ne pouvais me faire entendre des esprits ni leur donner des ordres, de ineme qu'une personne etrangere ne pourrait faire de suggestions par distraction a B. ou a L. N'est-il pas curieux de remarquer ce caractere de l'électivite met-De chez les esprits d'un medium naturel? Or ce caractere de l'electivite est surtout propre au somnambulisme, nous ra yons retrouve dans tous les phenomenes inconscients : n'est-ce pas- une indication sur leur veritable nature? Nous avons le droit de clinger maintenant nos recherches dans ce sens, afin de verifier si l'on doit definitivement leur accorder le nom par lequel les dósignait M. Ch. Richet, des phénornenes d'hemi-somnambulisme. V Quelques auteurs ont hesite a poursuivre dans le somnambulisme provoque l'etude des actes inconscients, redoutant pendant le sommeil hypnotique le danger des suggestions involontaires et maladroites. Ce danger est tres reel et doit toujours etre present a l'esprit du psychologue, mais it n'a pas jusqu'ici, fort heureusement notre avis, empeche les etudes sur l'hypnotisme et celle-ci ne differe pas des autres. En outre, notre avis du moins, l'experimentateur 1. Proceedings of the S. P. R., 4887, p. 216. • 256 REVUE PRILOSOPRIQUE - ne doit pas specifier des moments ou la suggestion maladroite est dangereuse et des moments oil elle ne l'est pas; it doit touj ours la craindre egalement. Les hysteriques sont presque aussi suggestibles a l'etat de veille qu'en somnambulisme, et si les etudes sur l'inconscience ont ete poussees jusque-la, it n'y a pas de raison serieuse pour les laisser incompletes. La methode experimentale recommande de pousser jusqu'au bout les experiences, « producere experimentum. » Nous avons vu les effets de la distraction, ne faut-il pas voir les effets du sommeil, qui est la plus puissante des distractions? D'ailleurs lorsqu'on etudie les actes inconscients , le sommeil hypnotique ne peut pas toujours etre evite; ii s'impose quelquefois de lui-méme. J'avais deja remarque que deux sujets, L. et B., s'endormaient frequemment malgre rnoi au milieu d'experiences sur les actes inconscients a l'etat de veille, mais j'avais rapporte ce sommeil h. Ina seule presence et a leer habitude du somnambulisme. Le fait suivant me fit revenir de mon errreur. M. Binet avait eu l'obligeance de me montrer un des sujets' sur lesquels it étudiait les actes inconscients par anesthésie et je lui avais demande la permission de reproduire sur lui la suggestion par distraction. Les choses se passerent tout a fait selon mon attente : le sujet (flab.) bien eveille causait avec M. Binet; place derriere lui, je le faisais inconsciemment remuer la main, &vire quelques mots, repondre a mes questions par signes, etc. Tout d'un coup Hab. cessa de parler a M. Binet et, se retournant vers moi, continua correctement par la parole la conversation qu'elle avait commence avec moi par signes inconscients. D'autre part, elle ne parlait plus du tout a M. Binet et ne l'entendait plus : en un mot, elle etait tornbee en somnambulisme èlectif. I1 fallut reveiller le sujet, qui naturellement avait tout oublié a son reveil. Or Hab. ne me connaissait en aucune maniere, ce n'etait done pas ma presence qui l'avait endormie; le sommeil etait done Bien ici le resultat du developpement de phenomenes inconscients qui avaient envahi, puis efface la conscience normale. Le fait d'ailleurs se verifie aisernent. B. reste bien eveillee prês de moi tant que je ne provoque pas de phenomenes inconscients; quand ceux-ci sont trop nombreux et -trop compliques, elle s'endort. Ceci nous explique egalement un detail de l'exécution des suggestions posthypnotiques : tant qu'elles sont simples, le sujet les execute inconsciemment en parlant, d'autre chose, mais lorsqu'elles sont longues et compliquëes, le sujet parle de moins en moins en les executant, finit par s'endormir et les execute rapidement en plein somnambulisme. Ce sommeil hypnotique provoque par les actions inconscientes Se P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 25'1. retrouve encore dans .les experiences du spiritisme : medium s'endort souvent au milieu de la séance. Qu'il me soft permis de raconter a ce propos une aventure dont je ne puis garantir com-pie...7 tement l'exactitude, puisque je n'y ai pas assiste, mais qui m'a ête racontee par les temoins eux-memes et de telle maniere qu'elle me parait presenter de grandes chances de \Tel-AL Une assemblee de spirites, comme it y en a encore plus que l'on ne croit, etait dans. une grande joie, car l'esprit qui daignait leur repondre n'etait rien moms que fame méme de Napoleon. La main du medium qui servait d'interradiaire ecrivait en effet des messages plus ou moms inte. ressants signer du nom de « Bonaparte ». Tout d'un coup le medium, qui parlait librement pendant que sa main ecrivait, s'arreta brusquement : la figure pale, les yeux fixes, it se redresse, croise les mains sur sa poitrine, prend une expression hautaine et meditative et se promene ,au,trav,ers de, la salle, dans l'attitude traditionnelle que la lègende prete a rempereur. Nul ne put se faire entendre, mais le medium s',affaissa bientOt de lui-métne et tomba dans un sommeil profond, dont on ne sut pas davantage le reveilles. II ne sortit de ce sommeil qu'une heure apres, se plaignant d'un grand mal de tete et avant corn pletement oublie tout ce qui s'etait passé. Les spirites expliquent le fait a leur maniere quanta moi, voici l'opinion qui me semble le plus vraisemblable. Ce medium evidemment predispose eut d'abord, sous l'influence des suggestions faites involontairement tout autour de lui, des pensees inconscientes relatives a Napoleon. Cette pensee envahit et detruisit la conscience normale et, dans l'etat cataleptique ou somnambulique qui survint, fit naitre 1' hallucination du personnage de l'empereur. Les gestes eta la physionomie s'a,dapterent a ridee dominante ainsi qu'on peat le voir, c4ez, toutes les somnambules. Mais it ne faut pas insister sur ce fait, on ne doit , sur ces questions parler que des phènomenes que l'on a pu voir, et noun ne voyons dans ces anecdotes qu'une transition entre l'êtude des actes inconscients a l'etat de veille et celle du somnambulisme. Qu'est-ce done que le somnambulisme et quel est son caractere principal'? On a beaucoup insistê sur les signes physiques du soul.. nambulisme anterieurs a la suggestion. Sans aucun doute ces signes sont tres intéressants I etudier lorsqu'ils existent, mais ils sontrares. De toutes les somnambules que j'ai citees, B. est la seule qui les prê sente rêgulierement. Le, somnambulisme etant avant tout un phéno`mêne psychologique, on a voulu le caracteriser par le fait de la suggestion. Ce fait est tres important, mais it n'est pas propre au somnambulisme : on en trouve tons les degres dans l'etat de veille comme dans le somnambulisme. TOME XXV. - 1888. 17 258 REVUE PHILOSOPHIQUE Il faut en revenir au caractere principal donne par les anciens magnêtiseurs. a Lorsqu'on a eu l'occasion de les observer, on reste convaincu qu'il y a deux vies bien distinctes ou du moms deux manieres d'être dans la vie des somnambules » I . Le somnambulisme en effet n'est pas un sommeil oppose a la veille, c'est un autre êtat de veille qui s'oppose a l'etat de veille ordinaire. C'est un certain groupement, une certaine systematisation des phênomenes psychologiques qui est identique a celui qui forme le caractere et la personnalitè ordinaires de l'individu. Je serai tentè de dire avec Deleuze que l'oubli de tout ce qui s'est passé pendant le somnambulisme, lorsque l'individu est reveille, est bien le caractere psychologique principal du somnambulisme. « Lorsqu'il rentre dans l'etat naturel, it perd le souvenir de toutes les sensations, de toutes les idèes qu'il a eues dans l'etat de somnambulisme tellement que ces deux etats sont aussi etrangers l' un a l'autre que si le somnambule et rhomme eveille etaient deux titres diff6rents... Ce caractere seul est constant et distingue essentiellement le somAjoutons seulement qu'il y a des degr6s dans tous nambulisme 2 . les ph6nomênes psychologiques, qu'il y a des somnambulismes legers et des oublis partiels, comme it y a des demi-inconsciences ; mais en laissant maintenant de cote les Otats intermediaires, nous pouvons dire comme ces auteurs que le somnambulisme est une nouvelle existence psychologique. Cette nouvelle synthese de phênomenes conscients peut presenter tous les degrês et toutes les formes ; ii serait tres intéressant de montrer, si cette etude ne devait nous 6loigner trop de notre sujet, que dans la vie somnambulique de differentes personnes, on trouve dinrents caracteres et differentes intelligences comme pendant la vie normale de plusieurs personnes. Nous ne pouvons que faire rapidement quelques remarques gènerales, qui nous seront utiles pour expliquer les ph6nomenes inconscients de nos diffèrents sujets. En general, la vie somnambulique d'une personne est plus rudimentaire que sa vie normale, c'est ce qui explique que la suggestibilite soit ordinairement plus grande pendant le somnambulisme que pendant la veille. Cependant on peut trouver chez differentes personnes tous les degrés de dêveloppement de la vie somnambulique. R., un. gargon 6pileptique que j 'endormais facilement, presente une vie somnambulique insignifiante. Il a alors un peu d'ouie, mais c'est tout; it ne comprend pas, par consequent, it n'obêit pas aux suggestions et it 1: Pigeaire, Puissance de relectricite animale, 1839, p. 44. 2. Deleuze, Histoire critique, 1819, t. I, p. 187. P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS -DANS LE SOMNAMBULISME 259 ne parle pas : son education somnambulique serait plus difficile a faire que cello` de la fameuse Laura Bridgman. Il est inutile de rentreprendre, it n'y a qu'a le reveiller et a lui rendre sa premiere vie ,qui; sans etre bien remarquable, est encore supórieure a la seconde, A. 1 , une hysterique dont je n'ai pas parle, est un pea supérieure, elle entend, sait dire quelques mots, mais ne comprend guere. Lem. est atteint pendant la vie somnambulique d'une infirmite deplorable : n'a aucune memoire, oublie l'instant suivant ce que je viens de lui peut executer des suggestions au moment dire l'instant precedent mème elles sont faites, it ne peut les executer plus tard, car it les .a ? toujours oubliees. Son education serait fort difficile. N. au contraire est douee pendant le somnambulisme d'une mémoire Otonnante, elle se rappelle les plus petits details des somnambulisrnes precedents, méme a plusieurs mois de distance; aussi commence-t-elle a avoir une vraie personnalitê somnambulique,, qui se distingue de la personne èveill6e. Spontanement elle refuse d'être confondue avec elle. tc Oui aes-vous_ done alors? lui ai-je demande. Je ne sais pas... je crois que je suis la malade ». N'insistant pas sur cette reponse sin-, guliere et qui n'est peut-ètre pas absurde, je lui demandai de quel nom it fallait l'appeler, elle voulut prendre le nom de « Nichette ». Ce petit nom ne doit pas faire sourire, aucun detail n'est insignifiant .dans ces phènomenes delicats : c'etait la le petit nom par lequel on designait, cette personne dans sa premiere enfance et elle le reprenait en somnambulisme. Le fait n'est pas rare : M. le D r Gibert m'a raconte qu'une femme de trente ans, endormie pour la premiere fois, parlait d'elle-môme sous le nom de la petite Lili et c'etait encore son petit nom d'enfance. Ii y a,u.rait beaucoup a dire sur ce retour de la somnambule a retat d'enfance qui est, je crois, le grand facteur de la' suggestion. Remarquons seulement que N., qui est si enfant en somnambulisme, est alors extraordinairement suggestible et crédule, tandis qu'elle ne l'est pas du tout ayetat de veille. L. avait bien un caractere a elle en somnambulisme, c'etait rnômé un fort mauvais caractere. C'ètait une enfant, si l'on veut, mais une enfant dans raze ingrat, sournoise, menteuse, entêtOe et fort desobeissante. Aussi les suggestions n'etaient pas toujours faciles et etaient frequemment r4oussêes. B. doit étre placee en tote de cette serie, car sa - vie somnarnbulique est veritablement surprenante. Cette pauvre paysanne est-dap s Son etat normal une femme serieuse et un peu triste, calme et lente, tres douce avee tout le monde et extrômement timide. On 1. Elle etait atteinte de paraplegia hysterique, qui disparait peu a peu par suggestion; elle est presque anesthesique totale. •JwaApd ua,iu ap ?rid watuureisu! lso `sTIJosnuuw no satin!' `('-x afa) JRN.10d a([ I1P spieloa swam -noop sonblanb lrepassod anAoll anoo op sanaloai sap un prom! s ped !s •soneA -r10,111:11 onbsadd wos sll,nb 0.111.1'0111 0'132 op la `( ... x .,(!) samiCuopnasd sop snos 919 luod si! 0.103110 p `sancind pia luo nod poj luoulasnomogreTAT • xweA-0.11 soo odueutioo adm op ‘91!JaA 'el op la oa!ols!qd ap lad9lurd su g p `alstif uoiq 1a am nom 'Kudos II • S0?tIP S0.1a!unp sao strop anb si•oap 'c c u uod anb souawouatid sap lxednict vi asSp2uv impodd Ir `sautunbretuol stud soi xnvAv.IT so! atuulaj 01103 .111S 1!nJ 4 298T v m31 op 'S011111011 snid a! luarela oJuaB 03 op sopm.9 so! no anbodad v `u!oopaux op • aap p O P `,10 T-Llaci P 9JJIV au o t 11.101119.1QTIllnind 'I • JOAJ9S1100 at np suonv snow ‘nrannou wou un aouuop op uosIra no luareive sihnb 1UUSSIVUU000.1 `ia `ows!Enctureuwos of impuod -uo9I a9Eaddu luoIvArd , !ow ltrenv aumaj anao a!pm9 duo !nb sanas -p9u2utu saq °argued anb mean isstre inoi i!oao as ono 'ono iurnb 09uuop r !tit uo,nb opnwErg aun rt Ism stew !« !ran woi `IUJA srd lso,u `aainua lso,0 » am* allo `« alact doal Asa aua `9119-1113 owtual auuog °pop D Lt.! tu 'et 9.1[0.10 as sud aualnod au awsHngwvu -wos ua !ssny • orewaou muuuosaad 'et ounoj !nb !moo onbrmap! ow91sAs un `as941uAs aun siuoamp luawaiagua saluonnos op saaalovauo op `sapnipTeq,p ‘suorresuas op eigwasuo loo enb age]. -uow919 alOoto lgoAsd 'et op SOUJ9W stoj xnu awaojuoo sed ireaos au jI • ows!Enctureutuos uo,nb rues on atto,nb sosogo op ainoj aun !sure e A ET • ireixed !ni !nb moo lnoi np sud luessyeuuooaa au 'aiIejadms msg.' owtuaj canned ri • anoluoct oam !Ili mod anop luunop-nr rue jt `anA lyeAr ‘ t I! soottelsuooalo sonanb suup lumEctno !own 'et op stioqap ua ia9mon9 'Jam ualuoouoa el `(soauaaw9ad sas &JOIEe alla duo) spur sas op 1!vla !nb 1a ows!ingwuums uos lu p puod atuwaj anaD lualuwanbaaj nn prive !nb aanull np woop9w. un 1.U0W9,1Q1U.12(1 • llan9a ne Taidwoo 919 sanoCnol e Iignod duo `ouloA 'et Tuupuad sed ouuo5dnos au ana,nb &Iwo/mos op muunb aun lap sup smbor r ajja !souuosaod op oagwou puva2 saal un aud 91pn19 1a aul.wuxo 919 sinofnol a jt la sire awenb ap u owwaj 02100 anb s!ndap alstxa owslEngwruwos al • xnuaimou sawannos op OLLIJOU9 9rntrerlb aun nroAnou °ammo op aalnotu TUUJ jI • solla,p ounougo ans LIML10.1 un oluaAw 10 suoIssud samad sand E sainolpp smad sanat allpUTIOD pLI@WHI ‘saaa!uuw &mai abuts `i!ralaod anal lrej ow aria • o!waopuo ato p et luorea!sap !nb sauonnou souuosaad sonbionb op alIslA et nOaa e .Ito puunb ‘ootreas oun,p uu 'et 1 olla 00.Ae „last= op anb xna!ano snEd lso,u uom •oluup -aow opolcues!uld et 1 1a aluoam aompual. oaallnOu!s g un sInbou alla stew c ouuog oval alga totquiaoddnsu! sIojanbionb aaaltrew emu aluunwea `asna.0-edul 'aI g 2 Tsa °Ha • onA p i op °pad et osuod -woo suas scams sop 91!noud srew ‘S9W,10,1 luaisoa xnaA sal `ow9w PE snEd isa,u oanOu eI `o9sogdaourei9w most 'el ‘o!Tuaopuo aulad V *alp ua awaajuaa ello,nb a geuuosaad 01 TUUAOA eI ua sud auuo5dnos au aflOIMOSO rMid 09g P. JANET. ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 261 Leontine s'attribue toutes les sensations yet touter les actions, en un mot tous les phenomenes psychologiques qui ont ete conscients pendant le somnambulisme, et elle les,r6unit pour former en quelque sorte l'histoire de sa vie deja, fort longue; elle attribue au contrairea B., c'est-h-dire a la personne normale pendant la veille, tous les phenomenes qui ont 6t6 conscients pendant la veille.. J'avais ete d'abord frappe d'une exception importante a cette regle et j'êtais dispose a penser qu'il y avait un peu d'arbitraire dans cette repartition des souvenirs. B. a l'etat normal a un mari et des enfants, Leontine pendant le somnambulisme attribue le mari a l'autre, mais s'attribue a elle les enfants. Ce choix etait peut-ètre explicable, mais it ne semblait pas règulier. fini par apprendre que les magnétiseurs anciens, tout aussi audacieux que certains hypnotiseurs d'aujourd'hui, avaient provoque le somnambulisme au moment des accou chements Leontine n'avait pas tort de s'attribuer les enfants, car c'était bien elle qui les avait eus. La regle restait done intacte et le somnambulisme etait bien caracterise, eomme nous l'avons dit, par le dedoublement de l'existence. .11 est trop facile de remarquer que ce dedoublement des somnambules n'est pas un dedoublement parfait, theorique, tel que des philosophes pourraient l'inventer. Dans un dedoublement de ce genre t haque personnalite devrait oublier et ignorer compl6tement l'autre personne ; cela etait ainsi, parait-il, chez la malade de Mac-Nish. Mais le dedoublement du somnambulisme est un certain dedoublement avant ses lois qui lui sont propres et qu'il est necessaire de tornprendre. Le caractere principal est celui-ci : le rapport entre les deux personnalites n'est pas un rapport reciproque. La personnalite dêveillee n'a pas les mèmes relations avec la personnalite sornn.ambulique que celle-ci avec celle-la. B. rêveillêe apres un somnambulisme qui a duró plusieurs heures ne se souvient de rien, elle sait Naguement qu'elle a parlè parce qu'on le lui a dit, mais elle ne soupconne pas qu'il y ait eu une autre existence et n'a pas le moindre 'soupcon ni du nom ni de la vie de Leontine. Je puis donc dire que la personnalite eveillee B. avait totalement disparu, qu'elle n'existait .en aucune maniere pendant le somnambulisme. L., dont le reveil peut ètre tres brusque, continue quelquefois au reveil la phrase qui ete interrompue par le debut du sommetl ces deux moments de son existence reelle se rejoignent, se soudent comme s'il n'y avait rien en dans l'intervalle, elle est mème convaincue de n'avoir pas •dormi et de n'avoir rien 6prouvè d'anormal, elle n'etait dont pour rien dans les phenomenes psychologiques du somnambulisme. En est-il ainsi de Leontine par rapport a B.? quand je la ramêne après 262 REVUE PHILOS OPHI QUE un intervalle ,:de veille, sort-elle egalement du 'leant? n'existe-t-elleen aucune fagon pendant la veille de B.? Si cela Ctait, Leontine devrait se conduire comme B. et comme L., souder les differents moments de son existence et ne pas croire a leur interruption, ignorer les. actions accomplies pendant la veille et la vie de la personne reelle. On sait qu'il n' en est pas ainsi : Leontine sait tres bien que je ne l'ai pas amende pendant trois mois, elle connait B. qu'elle trouve assez bete et me raconte minutieusement la vie de B. pendant cet intervalle. Le personnage somnambulique devait donc exister en quelque fagon pendant la veille, it a ete mis au jour et non pas tree par le. sommeil hypnotique VI J'ai raconte; une suggestion qui avait Cte faite a B. pendant le somnambulisme et qui avait ete.executee inconsciemment pendant la veille. Le lendemain le sujet endormi, en kat. de Leontine par consequent, me dit spontanement « Eh Bien, j'ai Bien fait ce que vous m'aviez dit hier l'autre avait-elle l'air assez bete pendant que je lui Otais son tablier?... Pourquoi l'avez-vous prevenue que son tablier tombait... j'ai éte obligee de recommencer. » Dans ces paroles qui furent spontanees, comme je l'ai dit, nous devons remarquer plusieurs choses ',Confine se souvenait de l'execution de la suggestion qui avait eté completement inconsciente pour B . On pourrait dire que Leontine se souvenait du commandement fait pendant le som nambulisme precedent plutOt que de l'execution môme mais ici, et &est-pour cela que j'ai choisi le recit de cette suggestion entre mille autres, l'execution fat caracterisee par un detail qui n'avait pas Cte prevu dans le commandement. B. s'etait apergue de la chute de son tablier et l'inconscient avait recommence l'acte deux fois, et c'est de cet incident que ',Confine se souvenait fort bien. Il en est ainsi toujours; quand on donne une suggestion a un sujet pendant, le somnambulisme, c'est d'abord le personnagesomnambulique qui l'accepte. Cette acceptation est plus ou moins facile a obtenir selon que cette personnalite est plus ou moins rudimentaire.) C'est le merle personnage qui l'exCcute a l'insu de la personne Oveill6e et enfin c'est encore lui qui en garde le souvenir. Un jour je venais de commander a Leontine une série d'actions assez compliquCe pour le lendemain et je voulais la reveiller. Elle m'arréta en disant « Pas encore... tout a l'heure, » puis mettant ses mains au front comme pour refICchir elle recita a voix basse les suggestions que je venais de faire : P. JANET. ACTES INCONSCIENTS BANS LE SOMNAMBULISME 263 Ii m'a dit ceci... encore cela... c'est bien, je sais,maintenant », puis se tournant vers moi « Vous pouvez me réveiller», , dit-elle.le lendemain, les actes kaient tres bien accomplis, mais inconsciemment par B. comme par cette autre personne qui avait 'pris la précau., tion de les apprendre. Dans le somnambulisme suivant, Leontine use souvenait de tous les details. Tout ce que je viens de dire s'applique exactement aux actes inconscients spontanes de B.: Leontine en garde un souvenir parfait. Dans la lettre dont j'ai parle it y avait une partie ignor6e de B. et signee de Leontine : on voit maintenant ce que ce nom signifiait. Celle-ci en effet ramenée par le somnambulisme me raconta qu'elle avait voulu m'ecrire pour me prèvenir de la maladie de l'autre, et me rdcita les termes de la lettre. Souvent elle prend en somnambulisme des resolutions spontanêes ; comme je l'interrogeais sur un detail de sa vie : « 1e vous ecrirai cela un jour, » dit-elle. Le lendemain je surpris B. rèvassant et chantant pendant que sa main ecrivait a son insu 1'hi5toire que Leontine avait promise. Il est juste de remarquer que ces auto-suggestions s'executent beaucoup moins regulierement que les suggestions faites par moi, mais quand elles s'executent elles ont absolument les memes caracteres. Une excellente preuve d'ailleurs que ces actes inconscients spontanes sont des actes de Leontine, que comme nous l'avons dit le sujet peut s'endormir pendant leur accomplissement, les met-nes actes sont alors continues pendant le somnambulisme sans modifications. Je surpris une fois B. ecrivant inconsciemment une lettre a M. Gibert : je l'endormis rapidement, Leontine ` continua sa lettre avec bien plus d'activite. Il est inutile de decrire ce mème phenomëne de met-noire chez les autres sujets, it est absolument identique si l'on tient compte,, bien entendu, des differences d'intelligence des divers personnages som,' nambuliques tous ne racontent pas avec autant de precision ni autant de spontaneite que Leontine. J'insisterai seulement sur un fait : certains sujets comme N. ont en somnambulisme le souvenir de tous les actes inconscients, meme de ceux qui ont ête l obtenus par anesthesie ou par distraction, tandis qu'il n'en est pas ainsi . pour B. Les souvenirs de ces deux dernieres especes d'actes inconscients n'existent pas en somnambulisme, nous aurons a faire de nouvelles etudes pour voir ce qu'ils deviennent. Ce souvenir de l'acte inconscient pendant le sornmeil ne doit pas nous surprendre, si nous faisons un retour sur les caractêres mômes de ces actes. Nous verrons en effet que ces actes pr6sentent tous les caractêres psychologiqueg ' du personnage somnambulique et pon ceux du personnage reel. 1° L'ècriture inconsciente conserve le sou- 264 REVUE PHILOSOPIIIQUE venir des somnambulismes, ce que le personnage éveillè ne possede pas. N:f rêpond inconsciemment au nom de Nichette qu'elle tie cornprend pas Cveillee, elle Ccrit mais sans le savoir ce qui lui a etó dit pendant le somnambulisme precedent. Nous avons vu dans une lettre inconsciente de B. ce nom de ',Confine que B. ne connait pas et toutes les expressions qu'elle affectionne en somnambulisme, comme : « L'autre, tout vrai, tout vrai,.. je vais la dèmolir, etc . » -2° L'ecriture inconsciente revele la connaissance des actes du personnage eveillè, paème de ceux qui s'accomplissent pendant qu'elle a lieu I . 3° On constate de l'electivitè dans les actes inconscients comme pendant le somnambulisme et cette electivit6 est la mOrne pendant la veille et pendant le sommeil. Ainsi L. ne peut titre endormie que par le Dr Powilewicz et par moi, pendant l'hypnose elle n'obCit qu'a nous, c'est aussi a nous seuls qu'elle obCit inconsciemment pendant la veille. Une autre personne obtient bien une fois l'acte automatique pendant la veille, mais c'est en parlant en mon nom de maniere a tromper l'inconscient. Mais it est impossible de traiter incidemment la question si intéressante de l'èlectivite, it suffit de rernarquer qu'elle Ctablit un lien de plus entre le somnambulisme et l'acte inconscient. 3° La nature de l'intelligence du personnage somnambulique a la plus grande influence sur la nature de l'acte inconscient. Lem., comme je l'ai dit, n'a aucune mCmoire en somnambulisme, aussi ne peut-il pas executer de suggestions posthypnotiques a &Mance. Les actes inconscients de N. sont enfantins comrne le caractere méme de Nichette, mais comme Nichette a beaucoup de memoire, ses actes inconscients peuvent etre obtenus a n'importe quelle époque avec une grande precision. Void a ce propos une observation faite par hasard, mais qui n'en est pas moins curieuse. Dans les premieres etudes que j'avais faites sur N. j'avais constate une tres grande aptitude aux suggestions par distraction a l'état de veille, j'avais ensuite cessé ces experiences sur elle et perdu de vue cette personne pendant plusieurs mois. Quand je la revis de nouveau, je voulus essayer ces mômes suggestions sans somnambulisme préalable, mais elles n'eurent pas le môme résultat qu'autrefois. Le sujet ne se retournait pas quand je lui commandais, it n'entendait point, it y avait done bien Panesthésie systèmatique nêcessaire l'acte inconscient, mais cet acte n'était pas execute. Il me fallut alors endormir le sujet, mais meme dans le somnambulisme les allures de N. restaient si singulieres que je ne reconnaissais plus les carac1. Voir, pour l'étude de ce fait et des irregularites qu'il peut presenter, les -observations publiees par M. Gurney. P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 265 têres étudiès quelque temps auparavant. Le sujet m'entendait mat ou ne comprenait pas ce que je lui disais. « Qu'avez-vous done aujourd'hui? lui dis-je a la fin. — Je ne vous entends pas, je suis trop loin. — Et oil etes-vous done? — Je suis a Alger, sur une grande place, it faut me faire revenir. » Le retour ne fut pas difficile 1 on connalt ces voyages des somnambules par hallucination. Quand elle fut arriv6e, elle poussa un soupir de soulagement, se redressa et se mit a me parler comme autrefois. « M'expliquerez-vous maintenant, lui dis-je, ce que vous faisiez h Alger? — Ce n'est pas ma faute, c'est M. X. qui m'y a envoyee it y a un mois, it a oublie de me faire revenir, it m'y a laissCe Tout a l'heure vous vouliez me commander, me faire lever le bras (c'ètait la suggestion que j'avais essay6 de faire pendant la veille), j'ètais trop loin, je ne pouvais pas °Mir. » Verification faite, cette singuliere histoire etait rCelle : une autre personne avait endormi ce sujet dans l'intervalle de mes deux etudes, avait provoque differentes hallucinations et finalement cello d'un voyage a Alger ;n'attachant pas assez d'importance a ces phónoménes, elle avait reveille le sujet sans enlever l'hallucination. N., la personne èveillee, etait restee en apparence normale, mais le personnage inconscient, qui etait en elle, conservait plus ou moins latente l'hallucination d'être a A !ger. Et quand, sans somnambulisme prealable, je voulus faire des commandements a cet inconscient, it entendit, mais ne crut pas devoir obéir. L'hallucination une fois supprim6e, tout se passa comme autrefois. Une modification dans l'intelligence pendant le somnambulisme avait done amenC, memo deux mois aprës, une modification correspondante dans les actes inconscients. Est-ce beaucoup depasser les observations, n'est-ce pas plutOt resumer simplement les faits precedents que de dire : les actes inconscients ne sont pas quelque chose de distinct du somnambulisme; ils sont le somnambulisme lui-môme, non plus isolé, alternant avec la veille, mais se prolongeant sous la veille sans interruption? VII Les propositions preeèdentes qui semblent resumer clairement certains faits sont malheureusernent trop simples pour s'adapter a la complexite des phènomënes psychologiques. IL y - a en effet de nombreuses exceptions aux regles prècèdentes. Certains somnambules comae L. ne retrouvent presque jamais en somnambulisrne les souvenirs des actes inconscients, d'autres n'ont la mêmoire que de quelques-uns. ',Confine (B.) se souvient fort bien des actes incons- 266 REVUE PHILOSOPHIQUE cients spontanes ou par suggestion posthypnotique, mais elle ne se souvient jamais des actes inconscients par anesthèsie ou par distraction, qui ne sont pas les moins interessants. Que faut-il penser de ces actes inconscients dont le souvenir ne r6apparait pas pendant le somnambulisme sont-ils de la méme nature que les precedents ou sont-ils soumis a des lois nouvelles? Pour r6pondre a cette question, it faut remarquer deux choses importantes 1° chez ces sujets qui une fois endormis n'ont pas le souvenir de tous leurs actes inconscients, it existe encore des actes inconscients pendant le somnambulisme mème 2 0 ces actes inconscients qui existent encore sont precisement de la mOrne nature que ceux des actes inconscients de la veille, qui n'ont pas Me remèrnorès pendant le somnambulisme. II nous faut demontrer maintenant ces deux points. D'abord ii existe encore pendant le somnambulisme des actes inconscients par anesthèsie et. cela sirnplement parce que ces sujets ont conserve leur anesthèsie en somnambulisme. L'acte inconscient de la veille avait ète associe avec une sensation dissoci6e de la conscience tant que cette sensation reste dissoci6e, n'est pas rendue a la conscience totale, l'acte qui lui est associ6 restera inconscient. Ainsi Lèontine etant anesthèsique du bras gauche comme B. elle-mème, j'obtiendrai pendant le somnambulisme la catalepsie de ce bras, la continuation des mouvements, etc., comme je l'ai déjà decrit. Certains sujets peuvent egalement titre distraits pendant le somnambulisme comme pendant la veille. Sans doute cela n'est pas possible chez tous : A., dont la conscience pendant l'hypnose ne contient qu'un tries petit nombre de phenomenes et qui ne peut entendre que moi, ne pourra evidemment pas titre distraite. La conscience est trop petite pour se diviser, elle est forcement attentive quoique dune attention toute passive , comme vient de le montrer M. Ribot. Mais des sujets comme B. et L. qui sont intelligents pendant le somnambulisme et qui causent avec tout le monde, peuvent titre distraits. Its le sont mème tres facilement, car leurs idees nombreuses peut-titre n'ont pas de cohesion. B. passe en un instant d'un sujet a un autre et se donne tout entiere a chaque personne qui lui parle en oubliant toutes les autres. Chez des sujets de ce genre la suggestion par distracton est tres facile a obtenir pendant le somnambulisme. Toutes les experiences sur les calculs et les ecritures inconscientes de L. ont ete repetees avec facilit6 pendant le somnambulisme comme pendant la veille et it en est de meme avec Lèontine. Un jour Lêontine tout affairée causait avec des personnes prêsentes et m'avait completement oubli6 je lui corn- P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 267 mandai tout bas de faire des bouquets de fleurs pour les offrir aux personnes qui l'entouraient. Rien n'etait curieux comme de voir sa main droite ramasser une a une des fleurs imaginaires, les deposer dans la main gauche, les bien disposer en bouquet, les her avec une ficelle aussi réelle et les offrir gravement, le tout sans que Leontine s'en fitt doutee ou ait interrompu sa conversation. J'ai pu de mème faire une sorte de conversation avec cet inconscient comme pendant la veille. Ii suffisait de lui commander de me serrer la main pour repondre « oui et de me la secouer pour repondre « non », ou mien ." encore de commander l'ecriture automatique qui avait lieu pendant le somnambulisme de la méme maniere que pendant la veille. • Mais ces phènomenes ont :déjà ete decrits et ils ont maintenant les memes caracteres, j'aime mieux insister sur quelques details nouveaux. La liberte de l'inconscient est maintenant plus considerable, ii n'obeit plus toujours et quelquefois merne refuse energiquement et par ecrit de faire ce qu'on lui demande. L'inconscient pent me'me se father contre moi et refuser toute reconciliation, tandis que Leontine ignorant le drame qui se passe au-dessous d'elle cause amicalement avec moi. Les- actes spontanós de l'inconscient peuvent aussi revètir une forme -fres singuliere qui, si elle etait mieux connue, servirait peutetre mieux expliquer certaines folies. B. avait eu pendant le somnambulisme une sorte de crise d'hysterie, elle s'agitait et criait sans qu'il me fat possible de la calmer. Tout d'un coup elle s'arrète et me dit avec terreur; Oh! qui done me parle ainsi,... cola me fait peur. — Personne ne vous parle, je suis seul avec vous. — Mais si, la a gauche. D Et la voici qui se leve et veut ouvrir une armoire a sa gauche pour voir si quelqu'un y est cache. « Qu'est-ce que vous entendez done? lui dis-je. — J'entends a gauche une voix qui repete : assez, assez, tiens-toi done tranquille, tu nous ennuies. » Certes la voix qui parlait ainsi etait dans son droit, car Leontine était insupportable; mais je n'avais rien sugger6 de pareil et ne pensais guere a lui faire a ce moment une hallucination de l'ouIe. Un autre jour Leontine etait cette fois bien calme, mais elle refusait obstinement de repondre a ce que je lui demandais. Elle entendit encore avec terreur la même voix a gauche qui lui dit: Allons, sois done sage, il faut dire. » L'inconscient lui donnait ainsi quelquefois de bons conseils. Les actes inconscients obtenus de cette maniere pendant le somnambulisrne semblent ètre de meme nature que ceux qui ont et& obtenus pendant la veille et "être associès avec eux. us se prèsentent 268 REVUE PHILOSOPIIIQUE avec les memes caracteres et les memes lois que les precedents et en outre ils sont evidemment lies avec ceux-ci par les liens de la mómoire. Chez L. l'inconscient pendant la veille signait ses lettres du nom d'Adrienne, it les signa encore du meme nom pendant le soninambulisme et continua a montrer dans ces lettres les memes connaissances et les memes souvenirs. Ai-je commande a B. pendant la veille un acte inconscient, elle l'ignore encore pendant le somnambulisme; mais si je profite d'une distraction dans cet kat nouveau pour commander a le meme acte que tout a l'heure » sans specifier davantage, cet acte est tries exactement reproduit, mais a l'insu de Leontine, comme si le souvenir en avait ete conserve inconsciemm ent. Quand je fais parler cet inconscient, soit par signer, soit par ecriture automatique, it peut tres exactement raconter les actes inconscients qui ont ete executes pendant la veille et dont Leontine ne se souvient pas consciemment. Il semble, en un mot, que ces actes inconscients associes entre eux fassent au-dessous du somnambulisme une nouvelle synthese de phénomenes, une nouvelle existence psychique, de meme que la vie somnambulique elle-meme existait a l'etat de veille au-dessous de la conscience normale La premiere existence inconsciente, qui existait melee a celle-ci pendant la veille, a ete mise au jour par le somrneil hypnotique, c'est-a-dire, pour eviter les metaphores, que nous avons trouvê dans le somnambulisme un Otat ou le sujet avait le souvenir conscient de ces actes. Il est naturel de se demander s'il n'y a pas un kat analogue pour cette deuxieme serie d'actes qui, inconscients pendant la veille, sont restes tels pendant le somnambulisme. Parmi les actes inconscients .spontanês du somnambulisme de B. nous n'avons pas signale un des plus curieux : souvent la main qui tient le crayon, au lieu de repondre a la question posee, ecrit d'elle- meme ces mots : « Je veux venir. Quelquefois rneme, mais rarement, ces mots sont prononces par la bouche nieme de Leontine, mais tout a fait a son insu au milieu d'une autre conversation. Essayons maintenant de satisfaire au dèsir de , cet inconscient et de l'amener a son tour. VIII Nous avons isolè et mis en plein jour pour ainsi dire le premier 1. Ce fait a cleja ete plusieurs fois entrevu : ,( Si la reflexion qui est propre au somnambulisme actif dolt etre consideree comme inconsciente a cause de l'oubli complet au réveil, les sensations latentes qui ne sont pas percues en somnambulisme, mais qui entrent dans le cerveau, doivent etre considerees comme un second degré d'inconscience. (Ochorowicz, De la suggestion mentale, 1887, p. 227.) P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 269 inconscient en endormant le sujet, c'est-h-dire en supprimant cette couche superficielle de phènoménes conscients qui semblait s'etendre au-dessus des actions automatiques ; pourquoi ne pas user encore une fois de la meme mèthode? Pour faire disparaitre maintenant cette conscience somnambulique qui est cornme une seconde couche de phenomenes, essayons d'endormir encore le sujet comme s'il ne l'ètait pas déjà et ajoutons une seconde hypnotisation a celle qui a déjà ete faite. Tous les sujets sans doute ne se present pas a cette experience. Aprés avoir ete amene a la tenter sur L. 1 pour la premiere fois, j'ai essaye de la rèpêter sur bien des sujets sans grand succês. On sait ce qui arrive chez L. quand on depasse ainsi le premier somnambulisme : le sujet apres un sommeil profond qui dare peu pres vingt minutes s'eveille dans un nouvel kat que l'on pent appeler un second somnambulisme. La personne qui parle alors dans cet kat nouveau (j'ai indique ailleurs mes raisons pour le croire), n'est plus ni la personnalite de la veille, ni mèrne celle du somnambulisme precedent, c'est la personne qui kali jusqu'h present inconsciente et qui repondait au nom d'Adrienne. La sensibilitó tactile, le souvenir des crises, des somnambulismes naturels, des cauchemars, des actes inconscients, en un mot tout ce qui caractèrisait le personnage d'Adrienne se trouve maintenant dans cette personne. Mais l'etude de ce second somnambulisme ayant ete poussCe bea ucoup plus loin avec B, c'est sur la description de ce sujet que nous insisterons maintenant uniquement. La decouverte du second somnambulisme chez L. nous engagea naturellernent a chercher s'il n'y avait pas chez B. quelque chose d'analogue, puisque ce sujet presentait des actes inconscients avec les mèmes caract6res. 11 faut d'abord attendre que l'état de somnambu lisnoe pendant lequel Leontine a la vie consciente et la parole soit bien complet et bien developpe, ce qui n'a lieu qu'au bout de deux ou trois heures. Essayons alors d'endormir ',Confine comme si elle etait une personne réelle et employons pour cela les mèmes procedes, attouchement du pouce, passes, etc. Leontine peu a peu cesse de parley, s'endort profondement et finit par tomber en lethargie 2. Continuons les passes malgre la lethargie ; le sujet pousse un soupir et semble,se rêveiller peu a peu. Mais ce reveil singulier est tries lent. Les sens semblent se réveiller l'un apres l'autre : le sens musculaire d'abord, car le sujet garde maintenant les membres dans la 1. Anesthesie systernatisde... Revue philosphique, mai 1887, p. 467. 2. La description des diffèrentes p6riodes du sommeil chez ce sujet a déjà ete faite par nous dans la Revue scientifique, 8 mai 1886: Les phases interinediaires de l'hyprtotisme. .np suos • lafris np anbOatogoAsd ans siuowoub)!osuaa sap a!oAr suonnod snou `e gaurt ao oova0 smAT • ward rt ap oouoscred no aouosaad rt ard anb am p,' op ound &miffed) luanDunsrp as au Inb 1191,1111105 op la 91119A op somirmaiir sap `aoictuaJd aI surp OLUU100 ,‘ows!inciturutuos pu000s ao su pp r A .11 .1P0 `sanoCnol srd alsixa,u aloard alias • aouous op lurisut un saadr alto-puodal cc `amts-uotu -!no-snoA-zap-ual-uax — • of-sup In' snoA-zapuoluom » •al!nsua puodaa -1! SiPLU ‘anblidairiro anvil:nom surp aunuoo suonsonb sow aoiadaa and 90119W1I100 ji ‘aaa!inOuls aJa!urux oun,p ‘ .1rJA lso !!,‘atard • atipuodaa la alpuolua luruoluirui inad lofns oT anb isa , o : atm --Oro aouoamp oun r A H slat.] `TuatuaddoiaAap at onb lso,u tr luop a!sdoreTro 'et op JapoJcicted as amuos 2O •9119n2M1311 srd lso !if( au !nb assalslen op la aipanas op uo!ssoadxo oun 09AP `saaaaas saaAat sat la saouojuo xnaA sot `alvd iso oan4 rq mod onbtonb als!suIS !s 'slaw SOT of no uon!sod p t surp 9.100U9 luoisaa sract so n *satinl -orenuoo ap luenboAoad au atusllncrumunos aI surp amwoo nrod rt ap uopopj r-t Tu `a!2artnat 'et amp aullitoo suopuo sop uoIssaid ri Ig luotuapuojoad a!ifuop oicituos 1a xnoA sot allinj luomonop r Ii `9S.19A -1,19.1 nod 'c nod 2S9 ,S apdayero P1 lurpuad assail) irew !rib laCns • s1uop9oaad xnr uop uo aiquiossaa au !nb snuoAard S9TITLUOS snou Tonbnr rim aelpnimp snou-suoluoluoD laidwoo ouisungturuulos al 0OAt aipuojuoo op `snou-suoRmo luo sat-wine SUp32,190 onb a!sdoirro op SOUJJOJ S91119.19Fp SOT inoul -atianua Jownia suoAnod au snou sirN . atusungturumos aa!woad auuoj c iurddotanap as uo aIsdayero oun luannos r A H maims np inciap nr,nb suoArs snou aro c oapuoadans snou std l!op au !ooD • nroAnou ouisIincituruwos un ua oddotonap as aIsdameo UT 1a nad nod snore 9111.10,2SUP.12 as lafns np •011,9111 a!sdotrico UT lurp -uod owl 'et ans plows sassed sat aanunuoo inej Ii ‘ions 01 aouuop -trectr,p nag 11.V '.11119A0.1 inrj Thnb e!sdoirro 'et i lso,O ! nardsm mAr ounuon anb s!pum `a!sdoiriro pj iurpuod luos9Jd ouop i!ria luo!a -suoDuhri • a!sdairiro 'et iurpuad s!Idumoor al? luo !nb saior sal 2!ao9 ard J911100P.1 no auguon op nsum aoladaa uo!ct satn wad la luoIA -nos uo,s suomnsanod snou anb luatosuooum `asnapno asogo `sIrAl • soluapaoaad sapowd sat iurpuod assrd Ism !nb ao op a!uoAnos aapu!olu aj srd apar0 au 20 aa!ru!pao aaa20UJU0 THOS 09AP vsvarddrai ounuon `luapaoaad ows!ingturuwos at sum) saaap ard aquioloa `s!ojante sIUsiUJ of OLULI100 oulaulint i saoir auuopurcred uo is lurnap sirej luos inb siumaAnoui SOT awni 1a lIoA a!sdairro oulaId Ua laCns 91 puUnb 4 uuuo anA 'et '2U9WOAT1OLU un onboAoad SLITPLU SOT amp slut who un puUnb alInsuo lOUT aj 'slit' luos su no uon!sod an011mosolilla anAsu OLF, P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 271 tact existe des deux 'cotes 1 , un objet mis dans les mains et dissimulé par un êcran est reconnu facilement. Nous savons que ',Confine, au contraire, ne pouvait reconnaitre un objet que par la main droite et ne le sentait pas avec la main gauche. Le sens musculaire existe egalement des deux cotes, quoique tout a l'heure it n'existait qu'a droite. Les yeux et ant completement fermés, it n'y a pas lieu d'Ctudier le sens de la vue. Le sujet a le sens de l'oule, mais d'une facon toute particuliere; it n'entend que moi et encore seulement quand je le touche ; ii est completement isoló, separè du monde extèrieur et des autres personnes. Les mouvements des membres sont faciles, quoique lents, si je les commande, mais ii est Bien rare qu'il y ait des mouvements s pontanCs et cette immobilitè contraste avec l'agitation perpètuelle de LContine. Ajoutons enfin une remarque Onèrale que je signale sans chercher a l'interprèter, cet article Ctant surtout une enumeration de faits : le cote gauche du corps est plus sensible et surtout plus actif que le cote droit; c'est le bras gauche qui remue le plus volontiers, tandis que le bras droit reste ordinairement appuye sur moi et sert de moyen de communication. Or on sait que dans la vie normale du sujet c'est toujours le cote gauche qui a etè malade et affaibli de mille manieres. Des contractures, des anesthOsies, des sueurs maladives, des maladies de Fceil et meme la carie des dents qui a detruit toutes les molaires de ce cote et a laissO intact l'autre Mk, voila le lot du cote gauche pendant la veille , it semble prendre sa revanche pendant les quelques moments du second somnambulisme. Si l'on parvient a maintenir ce meme etat pendant quelque temps, une heure par exemple, ce qui est difficile, l'intelligence semble se développer ; le sujet rèpete moms les questions et y répond davantage. y Nous pouvons alors constater des faits psychologiques plus complexes. Je n'insisterai pas sur le caractere sCrieux et docile que le sujet prend alors et qui est si different de celui de ',Confine, mais rêtudierai ce qui me parait capital dans tout somnambulisme, l'ètat de la, memoire : 1° le sujet dans cet etat se souvient de tout ce qu'il a fait ou entendu dans les somnambulismes du meme genre; 2° le sujet se souvient facilement de ce qui a ete fait pendant l'etat de Vieille mais il se distingue encore de la personne eveillee : B., rautre, dit-il, a fait cela, je sais' qu'elle l'a fait, je l'ai vu » , 3° enfin le sujet dans cet etat , se souvient du somnambulisme ordinaire et des actions de ',Confine, mais, chose curieuse, s'en distingue encore : ((Vous voyez I. Pour parler exactement, it faut dire que le sujet percoit les sensations de toucher, mais ne parait pas sentir de douleur, it y a encore analgesie s'il n'y a plus anesthêsie. 272 REVUE PHILOSOPHIQUE- bien, dit-il, que je ne suis pas cette bavarde, cette folle..., nous ne nous ressemblons pas du tout. » En un mot le sujet se souvient de toute sa vie consciente, mais ii se distingue des deux existences precedentes. II me raconta qu'il avait ete autrefois, ii y a vingt ans, amene par le D r Perrier qui l'avait trouvee comme moi en essayant d'approfondir le sornmeil de Leontine. Cette resurrection d'un presonnage somnambulique disparu pendant vingt ans etait fort curieuse et je lui ai naturellement conserve le nom de Leonore qui lui avait ete donne par son premier maitre. Le caractëre le plus important de ce nouveau somnambulisme ne s'observe que lorsqu'il est terrnine. En effet, on fait cesser cet kat de differentes manieres : le sujet retombe en lkhargie, puis se reveille en somnambulisme ordinaire, kat de ',Confine. Celle-ci reprend la conversation au point ou elle a ete interrornpue avec elle dans le mënle état et n'a jarnais le moindre souvenir de ce qui s'est passe dans l'etat de Leonore. Cette perte de souvenir n'est pas causee par la léthargie intermédiaire, c'est un caractere dependant du second somnambulisme, car Leontine se souvient de toute sa vie a elle, quoiqu'elle ait ete toupee par de nornbreuses lethargies. En un mot Leontine ne se souvient pas plus de Leonore que B. tout eveillee ne se souvient du somnambulisme. L'état de Leonore est bien un nouveau somnambulisme par rapport h celui de ',Confine comme celuici en était un par rapport a la veille 1. 1. Cet etat nouveau, ou second somnambulisme, a ete jusqu'a present fort peu êtudiê. Mais it n'est que juste de remarquer qu'il a ete signalê. Voici le résumé d'une observation très curieuse publiée d'abord dans la bibliotheque du magnetisme, puis êtudiée de nouveau dans le Traite de somnambulisme de Bertrand, 1823, p. 318. Une jeune fille de treize ou quatorze ans tombait dans diffdrents etats nerveux distincts de la veille, des crises nerveuses, du somnambu lisme naturel, et du somnambulisme artificiel ou magnêtique. « Quoique la malade cut le libre exercice de son intelligence dans tous ces differents etats, elle ne se souvenait dans son kat ordinaire de rien de ce qu'elle avait fait ou dit dans chacun d'eux; mais ce qui paraitra konnant, c'est que dans le somnambulisme magnetique dominant pour ainsi dire sur touter les especes de vie dont elle jouissait, elle se souvenait de tout ce qui kait arrive, soit dans le noctambulisme, soit dans les crises nerveuses, soit a l'etat de veille. Dans le noctambulisme, elle perdait le souvenir du somnambulisme magnétique et sa memoire ne s'étendait que sur les trois etats inferieurs. Dans les crises nerveuses elle avait du moms le souvenir du noctambulisme; enfin, dans l'etat de veille comme au plus bas degrè, elle perdait le souvenir de tout ce qui s'était passé en elle dans les etats supérieurs. Cette observation est d'autant plus intèressante ici qu'elle pourrait s'appliquer presque textuellement a Phistoire de L. Voici maintenant un extrait d'un ouvrage tout recent, une note tr6s courte que j'ai eu le plus grand plaisir a lire, car elle confirmait entiërement des etudes que je faisais depuis longtemps : « Si on continue cette application (de l'aimant), on determine un nouvel 6tat qui ressemble a l'etat somnambulique, en ce que le sujet reprend possession de ses facultês intellectuelles I1 perd au reveil le souvenir de ce qui s'est passé dans cet êtat, mais it le retrouve, quand on l'y P. JANET. — ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 273 IX Avant d'examiner davantage le second somnambulisme et de poursuivre dans cet kat Pètude des actes inconscients, it faut essayer de resoudre une difficultó qui se presentera sans doute a l'esprit des lecteurs comme elle s'est presentee au nOtre. L Ctat de Léonore est-il bien un nouvel état psychologique, une nouvelle synthese des phènomenes conscients ? N'est-ce pas simplement une hallucination três complexe pendant le somnambulisme aboutissant a un de ces changements de personnalitè que M. Richet a Ctudiés sous le nom d'objectivation des types? Sans pouvoir rien affirmer de dèfinitif, nous nous contenterons d'exposer quelques raisons qui nous empéchent d'assimiler le personnage de Léonore a ces changements ordinaires de perso4palitê par hallucination. Il est assez facile d'obtenir sur ce sujet ces objectivations des types. Pendant le somnambulisme ordinaire, dans l'Ctat de ',Confine, suffit, par un des procedês de suggestion qui agissent sur ce sujet, de lui commander l'hallucination desirCe. Je l'ai mètamorphosee ainsi en grande princesse, en general d'armee, en petite fine de dix ans, en mariCe de village, en médecin de campagne, etc. Elle apporte quelquefois dans ces roles une force d'imagination et une intensitè de vie extraordinaires. Mais quel que soit le changement opère on zonstate toujours certains caracteres que j'emprunte encore a l'état de la mêmoire. Pendant un de ces changements de personnalitê, Leontine ne garde aucun souvenir des autres changements. Ainsi joue-telle le role d'une grande princesse? elle ne sait pas ce que je veux dire quand je lui parle du costume de general qu'elle avait l'instant precedent. Elle ne se souvient pas de l'Ctat de veille ; étant princesse elle ne sait pas ce qu'est B. et ne veut mOrne pas croire que c'est une paysanne habitant sur ses terres. Elle ne se souvient pas non ilus do rêtat de somnambulisme et du personnage de ',Confine; inutile 'dajouter qu'elle ne se souvient pas davantage du second somnambtilikne et du personnage de Lêonore. Elle a absolument oublie ce qu'elle savait dans ces Ctats ; par exemple, elle ne sait plus mon ramène.... le sujet n'est plus en communication qu'avec l'opèrateur.... Je suis porte a croire qu'avec un sujet suffisamment sensible, on pourra determiner ainsi de nouvelles phases presentant les divers caracteres attribu6s aux somnambules lucides jusques a l'etat extatique Gera par Charpignon. » (De Rochas, les Forces non clêfinies, 1887, a l'appendice.) Enfin, nous signalerons dans le Bernier article de M. Gurney, « Stages of hypnotic Memory de nombreux exemples 'de faits dvidemment analogues. TOME xxv. — 4888. 18 274 REVUE PHILOSOPHIQUE nom. Si elle me parle, elle m'incorpore a son réve et me donne un nom de fantaisie ; quand elle est princesse elle m'appelle c marquis de Lauzun » et me parle en minaudant et en jouant d'un &entail imaginaire ; quand elle est general elle me prend pour un colonel et in'offre... une absinthe. Elle ne garde dans un de ces etats que les souvenirs absolument generaux , parole , habitudes , notions du monde qui chez ce sujet d'ailleurs sont un fonds commun a tous les états. Elle garde en outre dans un de ces changements le souvenir du changement exactement pareil qui a eu lieu autrefois. Est-elle de nouveau princesse, elle me dit : Tiens, Monsieur le marquis de Lauzun, je vous ai déjà vu it y a quelque temps; nous avons pule d'une paysanne a laquelle vous vous interessez et que je ne connais pas du tout. » Elle se souvient meme des personnes qu'elle a vues ii y a vingt ans, quand M. Perrier, faisant deja cette experience, la changeait ausg en' princesse. Mais le fait important a noter c'est qu'elle ne se souvient que du meme reve ; tout le reste est absolument perdu Our elle. Quand l'hallucination est termin6e, quand elle cesse d'être princesse, elle revient au somnambulisme de Leontine sans passer par aucun intermediaire, ni lêthargie, ni catalepsie. Le plus souvent, quoique ce ne soit pas constant, Leontine de retour garde le souvenir du changement de personnalite : « Quel singulier réve j'ai fait... j'avais une robe de velours et je causais dans un beau salon avec un marquis... vous n'etiez pas la. » Si quelquefois ce souvenir manque pendant le somnambulisme de Leontine, nous sommes certain de le retrouver dans le second somnambulisme. Leonore, en effet, qui se souvient de tout le reste de la vie, se souvient aussi des hallucinations qu'a pu avoir Leontine. « Est-elle assez bete, cette pauvre Leontine, dit-elle, elle a cru etre une princesse : c'est vous qui lui faites croire cela. » Ii est facile de voir maintenant que l'etat de la memoire est tout different pendant le second somnambulisme. Au lieu d'être restreint a l'etat lui-meme, le souvenir porte sur toute la vie et sur tous les changements quels qu'ils soient. Au reveil, le souvenir de ce somnambulisme ne se retrouve dans aucun autre kat. Ce sont les caracteres precisement inverses, et l'etat de la mernoire a tant d'importance dans ces etudes que je crois pouvoir me servir de cette difference pour separer completement ces deux sortes de changements dans la personnalite. D'ailleurs une ètude plus complete qui est maintenant possible accentuera encore cette opposition. Lêonore, avons-nous dit, possede pendant ce nouveau somnarnbulisme la connaissance de la vie consciente tout entiere, mais nous 276 REVUE PHILOSOPHIQUE mouvements trés simples communiqués au bras gauche quand était anesthétique pendant la veille ou pendant le premier somnambulisme : le souvenir en est certainement moins constant. Le plus souvent Leonore se les rappelle et nous dit « Vous m'avez mis la main gauche comme cela, je l'ai gardee en fair pour vous °Mir je croyais que vous le vouliez. » Mais quelquefois, quand ces mouvements ont ete tres petits, ils semblent oublies et Leonore, comme precklemment Leontine, pretend qu'elle n'a rien fait avec le bras gauche. Cependant ne nous batons pas de conclure que cet acte kait reellement inconscient et restera completement oublió. Il survient en effet quelquefois, pendant le tours du second somnambulisme, un kat nouveau, une sorte de crise fort krange et dont je ne puis pas encore parler avec asset de competence. Tout d'un coup et sans raison apparente, le sujet cesse de m'entendre et de parler pálit de plus en plus et c'est a ce signe que je reconnais le debut de l'attaque. Lentement la figure change d'expression les sourcils se relévent comme si les yeux allaient s'ouvrir, mais ceux-ci restent fermós et semblent cependant se diriger vers le ciel; la bouche sourit et le visage prend une expression de beatitude. Puis les deux mains toutes droites se dressent en Fair enfin si l'attaque est bien complete, le corps tout entier se 'eve en se tournant vers la gauche, se penche en avant et reste comme suspendu sur un pied. Il m'est impossible d'entrer alors en communication avec le sujet, mais it me faut le surveiller de três pres, car cette attaque finit brusquement. Tous les muscles se relächent a la fois et le corps tombe si lourdement en arriêre qu'il serait blesse si on ne le soutenait pas. Leonore, car elle est restee la meme malgrè cette crise, revient peu a peu de son emotion et me dit alors qu'elle a Ote êblouie par une lumiere, qui s'est levee a gauche, a grandi, puis a disparu brusque... ment. Je ne parlerais pas maintenant de ce ph6noméne qui est evidemment l'attaque d'extase, s'il ne semblait avoir quelque rapport avec le souvenir des actes inconscients que nous Otudions. En effet, si quelque souvenir de ce genre a echappe jusqu'a present a Leofore, elle le retrouve constamment pendant l'extase et me le raconte apres l'attaque. Cet acte qui semblait rester decidément en dehors de la conscience est rememoró maintenant apres cette secousse violente. Il faut convenir cependant que certains phenomenes ne deviennent jamais conscients : ce sont les phènomênes qui se passent pendant la lethargie complete. On ne peut, it est vrai, obtenir que des .contractures, mais les contractures obtenues pendant le somnambulisme, meme si elles sont ignorées de Leontine, sont connues par Lêonore, tandis que les contractures produites pendant la lethargie, P. JANET. - ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 277 si on prend soin de les detruire avant la fin de la lóthargie, ne sant remêmorées dans aucun kat. Cela n'a rien de surprenant, dira-t-on, car it s'agit la de phenomenes uniquement physiques qui n'ont plus rien de conscient. Cela est peut-etre vrai, mais certaines observations me semblent prouver qu'un certain discernement intelligent persiste 'name pendant la lóthargie 1° Chez ce sujet l'electivite merne persiste pendant la lethargie moi seul je puis produire les contractures par oboe des tendons et seul aussi je puis les defaire. 2..° Pour defaire les contractures it n'est pas nècessaire, comme on l'a dója remarque, de frapper exactement les muscles antagonistes, it suffit de frapper les muscles au hasard pour que la contracture se resolve. 3° J'ai ineme remarqué que pour Madre une contracture du bras en flexion, ii me suffisait de tirer doucement le bout des doigts. I1 semble qu'il y ait encore quelque pensee capable de comprendre que je veux deplier le bras. Mais cette conscience lethargique, si elle existe, doit etre Bien faible, bien profondêment cachee et je n'ai pas encore pu la mettre au jour. Pour verifier le role de Leonore dans les autres actes inconscients dont nous avons parle, it reste une derniare experience a faire. Don. nons une suggestion a Leonore afin de voir de quelle maniere elle sera accomplie. Si je lui commande un acte qui doit etre fait de suite, elle °Mit tres docilement, mais accomplit tous les actes avec conscience. Il n'y a plus pendant le second somnambulisme d'actes executes inconsciemment. Cela d'ailleurs est assez naturel, puisque le sujet n'est plus anesthesique et qu'il ne peut plus etre distrait. Leonore ne pouvant entendre que moi m'ecoute toujours et n'est jamais distraite. Mais donnons une suggestion posthyptnotique, c'esta-dire qui doive etre executee apres le reveil de Leonore « Qaand vous serez eveillee vous prendrez un foulard sur la table et vous le mettrez. » Le sujet est alors ramené au premier somnambulisme et Lêontine reprend son bavardage accouturne. Mais le corps se lave et es bras executent l'ordre donne tout a l'heure a Leonore. Celle-ci en effet est maintenant au deuxieme plan; elle agit inconsciemment ou subconsciemment. Si l'on provoque l'ecriture automatique, la main ecrira : J'ai pris un foulard.., vous me l'aviez dit D, et signera « Leonore 7). N'est-ce pas la verification de ce qui avait eta etabli a propos des actes subeonscients pendant le premier somnambulisme? Nous n'essayerons en aucune maniare d'expliquer les phenomenes que nous venons de decrire aussi exactement que possible. Sans doute it est probable que beaucoup de ces faits trouveraient leur raison d'être dans les lois de la physiologie cerebrale. Mais cette 278 REVUE PHILOSOPHIQUE science n'est peut-titre pas encore assez avancee pour entrer dans ces details et d'ailleurs nous ne pourrions pas en parler avec corn;,; pretence; ce serait nous exposer, comme nous le voyons faire trop souvent, a substituer dans la psychologie, aux .anciennes croyances religieuses, des fantaisies physiologiques qui auraient moins de poesie sans avoir plus de certitude. Nous croyons que la psychologie ellemème doit ramener d'abord ces faits nouveaux a quelques lois simples de l'association ou de la mèrnoire et que, plus tard seulement, ces lois une fois dèterminees, la physiologie pourra les prendre et en chercher l'explication. Aussi serions-nous satisfaits si nous pouvions seulement resumer les faits que nous avons decrits par quelques for-, mules simples : cela meme est deja fort ambitieux. Empruntant aux sciences physiques leur formule modeste, nous dirons : Si Pon considere les actes executes inconsciemment a l'etat de veille par certaines personnes atteintes d'hystèrie, les choses semblent se passer comme s'il y avait en elles plusieurs couches simultanëes et superposees de phenomenes conscients groupés en syst6me, comme si certains phenomenes ne pouvaient appartenir simultanément deux couches ou a deux systemes et disparaissaient de l'un pour entrer dans l'autre; 2° si l'on considere la rn6moire et l'association des idees chez ces memes personnes, les chases semblent se passer comme si les phenomenes d'une couche ou d'un systeme donne s'associaient facilement avec les phenomenes d'une couche supérieure, de maniere a pouvoir les èvoquer par le souvenir, mais ne s'associaient pas de la rneme maniere avec ceux de la couche infèrieure, 3° si l'on considere chez ces mémes personnes certains etats anormaux, certains roves, quelques crises, les somnambulismes naturels et les somnambulismes artificiels, les choses semblent se passer comme si ces etats anormaux avaient simplement pour resultat de supprimer une ou plusieurs des couches superieures et d'amener par consequent au premier plan avec les caracteres qui leur kaient propres les phenomenes de la couche immediatement infórieure. Nous pourrons peut-titre par un tableau schematique exprimer d'une maniere plus claire ces trois formules. Admettons que les lignes horizontales representent les couches differentes des phenomenes conscients et que les lignes verticales représentent les instants successifs et les etats diff6rents par lesquels passe le sujet. Admettons enfin que les lettres repr6sentent les divers phenomenes psychologiques, simultanes quand les lettres sont dans une méme colonne verticale, successifs quand elles sont dans differentes colonnes. Pendant la veille nous voyons trois couches de phenomenes super-. posees : 1°, ABC D les phenomenes conscients qui forment la per- lo P. JANET.. -- ACTES INCONSCIENTS DANS LE SOMNAMBULISME 279 sonnalite normale de l'individu B par exemple 2° au-dessous, des actes inconscients comme a b, soit spontanês soit obtenus par suggestion posthypnotique ; 3° au-dessous, des actes plus ignores encore, si cela est possible, obtenus par la distraction ou grace a l'anesthesie. (J'ai constate souvent que ces deux formes d'inconscience peuvent etre obtenues sirnultanement.) Les phenomenes A B C D ne s'assoEtat de 1g' Son-azanz- bulism.e. CataZepsie. 2 ,Somnam, hzziisnze. Extase 15/' .5o_m 723771bulisrne 1/eille. EF ABC 13 c d'e e' Mr/7' 7%4 ,cient pas avec les autres et ne peuvent ni les évoquer ni les connaitre. Les phenomenes a b se relient facilement aux phenomenes A B C D, dont ils ont la connaissance; ils ne peuvent s'associer aux phéno., menes a'b'. Ceux-ci peuvent evoquer et connaitre tous les autres. Le sujet endormi entre dans le premier somnambulisme. La serie AB CD a completement disparu ; la vie normale est interrompue ; mais la série a b est maintenant la premiere ; elle dispose des moyens d'expression les plus habituels et elle ., garde le souvenir des faits A B C D avec lesquels elle s'etait liee precèdemment, mais elle ne peut saisir la sèrie a' b' qui continue en c' d' et acquiert des souvenirs nouveaux. Celle-ci emerge a son tour, plus ou moins completement, dans la catalepsie, le second somnambulisme et l'extase. Cette couche de phenomenes conserve le souvenir de toutes les autres. Le retour A la vie normale s'expliquerait de la mèrne maniere. Il est presque inutile de faire remarquer que ce tableau tout a fait schematique est incomplet a Bien- des points de vue. Tous les etats n'y sont pas representes ; le nombre des phenomenes inscrits dans , chaque ligne est arbitraire, la nature de ces phenomenes, leurs ressemblances ou leurs differences ne sont pas indiquees. Loin d'exprimer retat general de _la conscience chez les hysteriques, ce tableau n'exprime méme pas exactement les phenomenes observes sur un seul sujet. Mais it est si difficile d'exprimer ces phenomenes aussi &Heats qu'importants, pour lesquels la ps ychologie n'a meme pas de termes exacts, que nous croyons avoir le droit de recourir a ce moyen imparfait. Un résumé de ce genre mettra Bien en evidence les difficultès du probleme et tout ce qui reste encore a faire pour determiner le degre de vèrite et de gènèralite de ces observations. PIERRE JANET.