Programme et résumés des journées douleur Mayotte

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Programme et résumés des journées douleur Mayotte
 «Les Flamboyantes» Association des Sages-­‐Femmes Enseignantes de l’Ecole de Sages-­‐Femmes du CHU Félix Guyon 97405 SAINT-­‐DENIS CEDEX Programme et résumés des journées d’étude « Regards croisés sur la douleur » Mayotte, Amphithéâtre du Centre Universitaire de Dembeni, 30 janvier 2015 8h-­‐8h30 : Ouverture de la journée 8h30-­‐9h30 : PR David Le Breton Expériences de la douleur La douleur est marquée par l’appartenance sociale et culturelle de l’individu et ce qu’il en fait. Au-­‐delà, toute douleur transforme en profondeur pour le meilleur ou pour le pire l’homme qui en est frappé. Mais seules les circonstances qui l’enveloppent lui donnent sens en provoquant une somme plus ou moins grande de souffrance. Dans le contexte de la maladie, de l’accident ou d’une douleur rebelle, l’expérience est presque toujours celle d’une mutilation. L’individu est changé, mais surtout diminué, réduit à l’ombre de lui-­‐même. Il n’est plus le même et sa peine est intense. Pourtant, même dans ces circonstances où la souffrance déborde la douleur, la question du sens introduit une modulation due à la qualité de l’entourage, aux appartenances sociales, culturelles, aux singularités personnelles, à l’image de techniques du corps qui permettent d’exercer un contrôle du ressenti (relaxation, imagerie mentale, hypnose, autohypnose, …). Une douleur choisie et contrôlée par une discipline personnelle dans un but de révélation de soi (sport, body art, suspensions, réalisation d’un tatouage, pose d’un piercing, etc.) ne contient qu’une parcelle dérisoire de souffrance, même si elle fait mal. Il reste à assumer une pénibilité supportable. David Le Breton : Professeur de sociologie à l’université de Strasbourg. Membre de l’Institut Universitaire de France. Membre de l’Institut des Etudes Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS). Auteur notamment sur ce thème de Expériences de la douleur. Entre destruction et renaissance (Métailié), Anthropologie de la douleur (Métailié), En souffrance. Adolescence et entrée dans la vie (Métailié), Conduites à risque. Des jeux de mort au jeu de vivre (PUF, Quadrige), La peau et la trace. Sur les blessures de soi (Métailié)… 9h30-­‐9h45 : débat. 9h45-­‐10h : Pause-­‐café offerte par la MGEN de Mayotte 10h-­‐11h : Marie-­‐France Morel 2 La douleur au féminin : histoire et représentations « De la peste, de la famine, de la guerre, délivrez-­‐nous Seigneur ! » Cette prière a longtemps été répétée par les populations d’autrefois, pour lesquelles les occasions de souffrir sont innombrables. Outre la lancinante trilogie des grandes calamités (épidémies, famines et guerres), la douleur est une compagne quotidienne : douleur du froid, de la faim, de la maladie, du vieil âge, des blessures, des accidents. Pour ces humains, habitués depuis l’enfance à supporter des maux physiques divers, le seuil de perception de la douleur est élevé, bien plus que chez nos contemporains. Les secours apportés par la médecine de l’époque sont sommaires. Les drogues qui atténuent ou suppriment la douleur sont connues depuis l’antiquité (pavot, chanvre, mandragore préparés en décoction ou, pour les plus fortunés, opium dont on inhale la fumée), mais ces préparations sont rarement utilisées. Les thérapeutes consultés en cas de maladie sont plutôt dans une pratique expectante et, quand ils interviennent, c’est avec brutalité : purges, saignées, cautérisation des plaies au fer rouge, dents arrachées et opérations chirurgicales à vif. Un des ressorts de l’endurance des malades du passé est constitué par leur foi chrétienne : leurs souffrances les rendent plus proches de la Passion du Christ et les maux supportés ici-­‐bas dans notre « vallée de larmes » sont un gage sur la vie bienheureuse dans l’au-­‐delà. L’acceptation des douleurs est constamment valorisée par la pastorale de l’Eglise depuis le XVIIe jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les femmes sont au cœur de cette piété doloriste, depuis que la malédiction biblique "Tu enfanteras dans la douleur", a fait de chaque naissance l'expiation indéfiniment renouvelée de la faute de la première femme. Les parturientes d'autrefois ont totalement intégré le caractère inévitable et rédempteur des douleurs, comme le montre l’étude du vécu traditionnel de l'accouchement : la souffrance est attendue, elle s’exprime par des plaintes et des cris, elle est nommée, on la supporte. En outre, pour les sages-­‐femmes et accoucheurs, ces douleurs et ces cris sont nécessaires, car ils signalent l’état d’avancement du travail. La mise au point dans les années 1840, de l’anesthésie à l’éther, puis au chloroforme change les conditions d’exercice de la chirurgie. Son utilisation obstétricale dès 1857 par James Simpson, professeur d'obstétrique à l'université d'Edimbourg, permet d’échapper à la malédiction biblique. A la différence de la France où les médecins sont réticents à l’appliquer, dans les pays anglo-­‐saxons, l’anesthésie obstétricale est de plus en plus pratiquée sous la pression conjointe de deux demandes : celle des femmes qui, au tournant des XIXe et XXe siècles, combattent à la fois pour le droit de vote et le droit de ne plus souffrir en accouchant ; et celle de nombreux médecins qui ne veulent plus entendre les cris de douleur des parturientes. C’est en réaction à la généralisation dans son pays des accouchements sous anesthésie que l’accoucheur anglais Grantley Dick Read (1890-­‐1959) met au point dans les années 1930-­‐
1940 une méthode naturelle d'accouchement "sans crainte". En France, en 1952, c’est le docteur Fernand Lamaze (1890-­‐1957), accoucheur à Paris à la polyclinique des métallurgistes de la rue des Bluets, qui, au retour d’une mission médicale en URSS, initie une méthode originale, d’accouchement psychoprophylactique, dit Accouchement sans Douleur. L’ASD, qui habitue pour la première fois les femmes à comprendre ce qui se passe dans leur corps et à préparer leur accouchement, est pratiqué dans la plupart des maternités dans les années 1960-­‐70, conduisant à des indolorisations des parturientes plus ou moins réussies. A partir des années 1980, la péridurale, technique d'analgésie connue dès les années 1920, commence à être utilisée à grande échelle pour les accouchements, avec des résultats 3 presque toujours assurés. Ici encore, les réticences du corps médical, préoccupé par les dangers potentiels de la nouvelle technique, sont balayés assez vite par la demande des femmes et par celle des soignants, que la péridurale vient également soulager. Aujourd’hui, en réaction aux excès de la médicalisation, de plus en plus de parturientes qui veulent vivre leur accouchement en toute conscience, refusent la péridurale : on s’interrogera sur la manière dont ces femmes anticipent et vivent les douleurs du travail. Leur refus de l’analgésie est paradoxal en apparence, dans la mesure où la médecine actuelle se préoccupe de plus en plus de soulager les souffrances des patients, qu’il s’agisse de la période néonatale, des maladies chroniques ou de la fin de vie. Marie-­‐France Morel : agrégée d’histoire et géographie, ancienne maître de conférences d’histoire moderne à l’Ecole Normale Supérieure de Fontenay-­‐Saint-­‐Cloud, est spécialiste de l’histoire de la naissance et de la petite enfance, du XVIe au XIXe siècle. Elle a publié, en collaboration, Entrer dans la vie. Naissances et enfances dans la France traditionnelle (Gallimard, 1978), Le fœtus, le nourrisson et la mort (L’Harmattan, 1998), Enfances d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui (Armand Colin, 2000), Des bébés et des hommes. Traditions et modernité des soins aux tout-­‐petits (Albin Michel, 2000), Allaitements en marge (L’Harmattan, 2002), Une histoire de l'allaitement (La Martinière, 2006). Elle a dirigé l’ouvrage Accueillir le nouveau-­‐né d’hier à aujourd’hui (Erès, collection « 1001 BB », 2013). Elle est en outre l’auteur de plus de soixante-­‐dix articles scientifiques et de vulgarisation, portant sur l’histoire de l’enfance, de l’obstétrique et de la puériculture. Elle est présidente de la Société d’Histoire de la Naissance depuis 2005 (www.societe-­‐histoire-­‐naissance.fr). 11h-­‐11h15 : débat 11h15 – 11h45 : Laurence Pourchez Anthropologie de la douleur et pluridisciplinarité Comment envisager la collaboration pluridisciplinaire sur un sujet aussi sensible que celui de la douleur ? Le chercheur se construit en tant que scientifique mais parallèlement aussi en tant qu’humain. Aussi, si l’anthropologie, l’analyse des contextes culturels est susceptible de donner le sens, ou l’interprétation de la douleur, l’anthropologue peut aussi, passée la phase interprétative de son travail, opter pour une science appliquée, voire impliquée. Il ne s’agit pas pour autant d’une collaboration naïve. Elle irait plutôt dans le sens de ce que Gilles Bibeau, anthropologue canadien, nomme une éthique de la coopération conflictuelle. Il s’agira ici de montrer comment ma rencontre, il y a près de 20 ans, avec divers professionnels de la santé, notamment spécialistes de la douleur du nouveau-­‐né a influencé tant mon regard sur ma propre pratique d’anthropologue, que mon positionnement éthique et épistémologique. Laurence Pourchez : est anthropologue, maître de conférences habilitée à diriger des recherches, UFR santé, Université de La Réunion, membre de l’UMR 7206 du CNRS (Museum National d’histoire naturelle, Paris). Elle a notamment publié : Grossesse, naissance et petite enfance en société créole (Karthala, 2002), Du soin au rite dans l’enfance (avec Doris Bonnet, Erès/IRD, 2007), Les grossesses chez 4 les mineures à la Réunion (avec Sandrine Dupé, Océan Editions, 2010), Savoirs des femmes, médecine traditionnelle et nature -­‐Maurice, Réunion, Rodrigues (UNESCO publishing, 2011), Rites et constructions identitaires créoles (avec Isabelle Hidair, Editions des archives contemporaines, 2013), Créolité, créolisation : regards croisés (Editions des archives contemporaines, 2013). 11h45-­‐12h15 : débat 12h15-­‐14h : Pause déjeuner 14h-­‐14h30 : Jean-­‐François Humblot La douleur : au carrefour de la théorie, de la pratique médicale et de l’anthropologie La douleur est un sujet fréquemment choisi par les étudiants inscris dans les cursus paramédicaux. Souvent présentée, dans la littérature, comme située à l’intersection du cure, de l’acte technique et du care supposé être la part d’humanité de l’acte, l’analyse de sa prise en charge interroge tant la théorie que la pratique. Ne se situerait-­‐elle pas au-­‐delà de cette opposition ? Jean-­‐François Humblot : est IADE, cadre de santé formateur à l’IFSI de Mayotte et doctorant en anthropologie de la santé à l’université de La Réunion. Il s’intéresse particulièrement aux recours aux thérapies alternatives ainsi qu’aux itinéraires thérapeutiques des malades dans le cadre d’une anthropologie de l’expérience. 14h30-­‐14h45 : débat 14h45-­‐15h15 : Comité de Lutte contre la Douleur du Centre Hospitalier de Mayotte (CLUD) « le CLUD du Centre Hospitalier de Mayotte au cœur de la prise en charge de la douleur ». Le CLUD du Centre Hospitalier de Mayotte (Commission de lutte contre la douleur) propose une intervention ayant pour objet de rappeler le cadre législatif, organisationnel et fonctionnel de cette sous-­‐commission obligatoire de la CME. Son propos sera illustré par des exemples issus de l’activité effective du CLUD du CHM et des problématiques rencontrées sur le terrain. CLUD du Centre Hospitalier de Mayotte représentés par Dr Espere, médecin anesthésiste-­‐
réanimateur au CHM, président du CLUD du CHM, A.Rousselot-­‐Soulière, directrice adjointe CHM, affaires générales, N.Cogghe, cadre de pôle URSEC. 15h15-­‐ 15h30 : débat 15h30-­‐15h45 : Pause 15h45-­‐16h15 : Dr Edwige Cand Prise en charge non médicamenteuse de la douleur 5 L’approche médicale de la douleur chonique, avec ses différentes composantes et ses retentissements, impose la notion de globalité, la rencontre avec le patient et de le replacer, lui et non sa maladie, au centre de la prise en charge. Les avancées des neurosciences, notamment sur la neuroplasticité corticale, nous aident à aller plus loin dans la considération du lien corps-­‐esprit-­‐émotion. Les approches non médicamenteuses ont toute leur place pour impliquer le patient dans sa prise en charge, modifiant le paysage thérapeutique vers une intégration des pratiques psycho-­‐corporelles dans le soin. Edwige Cand : Praticienne Hospitalière algologue, consultation douleur chronique CHU Sud Réunion. Hypnopraticienne. Membre de la commission pédiatrique de la SFETD. 16h15-­‐16h30 : débat 16h30-­‐17h : Corine Doro L’accompagnement de la douleur par la sage-­‐femme Il s’agira ici de décentrer l’approche de la douleur en passant du questionnement « avoir mal ou ne pas avoir mal » à un questionnement sur une qualité d’être ( être ou ne pas être mal ). C’est le sens de mon travail de sage-­‐femme dans l’accompagnement de l’humain dans toute sa complexité d’être. Au-­‐delà de l’aspect purement physique de la sensation de douleur il y a chez la personne toute une histoire, un vécu psychologique et émotionnel, et un imaginaire autour de ce projet d’accouchement qui sont déterminants. Corine Doro : sage-­‐femme libérale, présidente du conseil de l’ordre des sages-­‐femmes de La Réunion. 17h-­‐17h30 : débat et clôture de la journée.