Hernie hiatale congénitale - Site internet Clinique vétérinaire
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EN CLINIQUE > CAS CLINIQUE Hernie hiatale congénitale chez un Shar-Peï J. BIETRIX Clinique Vétérinaire de l’Arche 192 av. de Romans 26000 Valence P. LECOINDRE Clinique Vétérinaire des Cerisioz 5 route de St Symphorien d’Ozon 69800 St-Priest La hernie hiatale consiste au passage d’organes abdominaux (estomac en particulier) dans le thorax à travers le hiatus œsophagien. C’est une affection congénitale rare chez les Carnivores domestiques, la race Shar-Peï est prédisposée. OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES Savoir suspecter et reconnaître une hernie hiatale congénitale chez le Chien. En connaître la conduite thérapeutique. Photo 1. Radiographie thoracique de profil : Noter le passage d’une partie de l’estomac vers le thorax ainsi que le déplacement et la dilatation œsophagienne. 5 : silhouette cardiaque 1 : œsophage (rouge) 6 : trachée 2 : fundus gastrique hernié (bleu) 7 : veine cave caudale 3 : corps gastrique en position abdominale (vert) 8 : aorte 4 : coupole diaphragmatique (jaune) l es symptômes (dysphagie, régurgitations) sont ceux d’une atteinte œsophagienne et restent peu spécifiques. Le pronostic est réservé, en particulier pour les Shar-Peï chez qui une correction chirurgicale est souvent nécessaire. 20 Cas clinique Anamnèse Une chienne Shar-Peï de 4 mois est présentée pour des régurgitations chroniques associées à un amaigrissement. Elle est correctement vaccinée et vermifugée et reçoit un aliment industriel en croquettes. PratiqueVet (2008) 43 : 396-399 (396) EN CLINIQUE > CAS CLINIQUE Les symptômes présents depuis l’acquisition s’aggravent depuis 15 jours. Un traitement symptomatique à base de métoclopramide (Primperid ®) à 0,5 mg/ kg 3 fois par jour associé à une antibiothérapie (Clamoxyl ®) à 10 mg/kg 2 fois par jour, n’a pas montré d’amélioration. L’appétit est conservé. Photo 2. Aspect endoscopique de l’œsophage distal : Noter l’aspect sinueux du segment œsophagien distal et le décalage visible entre le sphincter œsophagien distal (ligne blanche) et le hiatus œsophagien (ligne rouge). 1 : muqueuse œsophagienne. 2 : muqueuse gastrique herniée. 3 : muqueuse gastrique intraabdominale. 1 2 3 Examen clinique La chienne est vive, mais présente un état d’amaigrissement modéré ainsi qu’un retard de croissance. L’examen clinique montre des muqueuses roses et un temps de remplissage capillaire (TRC) inférieur à 2 secondes. La fréquence cardiaque est évaluée à 100 bpm ; et l’auscultation cardio-pulmonaire est normale Examens complémentaires > Endoscopie digestive haute > Radiographie thoracique L’examen endoscopique confirme le diagnostic (PHOTO 2) . L’observation de régurgitations fait d’emblée suspecter une affection œsophagienne (ENCADRÉ 1) . L’examen radiographique du thorax révèle la présence d’un mégaœsophage, un déplacement intrathoracique du fundus et d’une partie du corps gastriques. L’œsophage est déplacé crânio-ventralement, dévié vers la droite, replié sur luimême (PHOTO 1). L’œsophage est très dilaté, presque atone. L’examen direct montre un décalage de plusieurs centimètres entre le sphincter œsophagien distal et le hiatus œsophagien. Compte tenu de l’âge du chien, un mégaœsophage congénital, une sténose œsophagienne ou une hernie hiatale sont envisagés en priorité. L’intégrité de la coupole diaphragmatique associée à la position anormale d’une partie de l’estomac oriente le diagnostic vers une hernie hiatale congénitale. La densité urinaire est de 1,040 ; et aucune anomalie n’est décelée à la lecture de la bandelette. Hypothèses diagnostiques Une partie de l’estomac traverse le hiatus et apparaît en position intrathoracique. Des ulcérations sont observées sur la muqueuse œsophagienne et signent la présence d’une œsophagite modérée. Encadré 1 : Principales causes de régurgitations chroniques chez un jeune chien Causes œsophagiennes ■ mégaœsophage congénital (ou secondaire) ■ œsophagite chronique ■ sténose œsophagienne ■ hernie hiatale congénitale Causes intraluminales ■ corps étranger œsophagien ■ granulome ■ (néoplasie) Causes extra-œsophagiennes : ■ persistance de l’arc aortique droit ■ masse médiastinale (397) PratiqueVet (2008) 43 : 396-399 Photo 3. Vue per-opératoire de la plicature de la partie membraneuse du hiatus œsophagien après isolement des branches du nerf vague. 21 EN CLINIQUE > CAS CLINIQUE Photo 4. Aspect endoscopique du sphincter œsophagien distal à 3 mois après le traitement chirurgical (ligne rouge). au vu des cas publiés dans la littérature mais son caractère souvent asymptomatique en fait une affection probablement sous diagnostiquée. La hernie hiatale une affection congénitale rencontrée surtout chez des animaux jeunes (moins de 1 an dans 73 % des cas) [2]. Une prédisposition raciale a été mise en évidence chez le Shar-Peï [1-5]. Un caractère héréditaire est suspecté. La chienne de notre cas est d’ailleurs à l’origine d’une portée dans laquelle deux chiots ont exprimé la même anomalie. Des causes variées La vue en rétrovision de l’estomac montre un important signe du rouleau qui est pathognomonique de la hernie hiatale. Traitement L’animal reçoit une médication à base de ranitidine (Azantac ®) à 2 mg/kg 3 fois par jour, métoclopramide (Primperid ®) à 1 mg/kg/j et de sucralfate (Ulcar ®) 0,5 g per os trois fois par jour, afin de limiter l’œsophagite de reflux. Une antibiothérapie est entreprise en utilisant de l’amoxicilline (Clamoxyl ®) à 10 mg/kg 2 fois par jour et du métronidazole (Flagyl ®) à 15 mg/kg 2 fois par jour. Le traitement chirurgical est souvent nécessaire Compte tenu de la présence des signes cliniques et de la sévérité des lésions, il est décidé d’entreprendre un traitement chirurgical. Une laparotomie confirme le passage d’une grande partie de l’estomac dans le thorax. La hernie est réduite par traction de l’estomac et de la portion terminale de l’œsophage dans l’abdomen. Une plicature du hiatus œsophagien est réalisée à travers le muscle diaphragmatique afin de réduire son diamètre (PHOTO 3) . La suture est réalisée avec plusieurs points en X à l’aide d’un fil monobrin résorbable. 22 La partie distale de l’œsophage est ensuite suturée au diaphragme par une série de points simples placés entre les marges du hiatus œsophagien et la musculeuse de l’œsophage. Le fundus gastrique est fixé à la paroi abdominale gauche par une pexie musculomusculeuse. Suivi post-opératoire L’animal est réalimenté dès 24 heures postopératoire avec une alimentation humide appétente (Hill’s® A/D). Les repas sont fractionnés en 6 fois dans la journée puis ramenés progressivement à 3 repas par jour. Un suivi réalisé sur 3 mois ne révèle aucun nouveau trouble digestif. Des contrôles radiographiques et endoscopiques réguliers confirment la disparition des lésions : il persiste un mégaœsophage résiduel, mais la motricité gastro-œsophagienne est normale et l’estomac et le sphincter gastro-œsophagien sont en position physiologique, le signe du rouleau a disparu (PHOTO 4). Discussion Un contexte épidémiologique précis Si les hernies hiatales sont bien connues chez l’Homme, elles sont rares chez nos Carnivores domestiques [1]. La prévalence de cette maladie reste faible Plusieurs anomalies anatomiques ou neuromusculaires concernant le sphincter œsophagien distal, le hiatus œsophagien, le ligament phrénico-œsophagien ou l’angle de Hiss sont suspectées [1]. Lors de hernie hiatale, le sphincter gastroœsophagien se retrouve en position intrathoracique. Il en résulte une diminution de pression au niveau de ce sphincter qui devient incapable de contenir les pressions gastriques. Ceci induit un reflux gastro-œsophagien puis une œsophagite qui altère le péristaltisme œsophagien, diminue la pression au niveau du sphincter gastro-œsophagien et favorise encore le reflux [1,6]. Savoir reconnaître la hernie Des régurgitations chroniques sont le principal signe d’appel de la maladie [2,3,5]. Les aliments sont rejetés non digérés, sans aucun effort d’expulsion peu de temps après la prise de nourriture. Des vomissements et du ptyalisme sont rapportés. L’apparition de troubles respiratoires fait suite à une complication de broncho-pneumonie par fausse déglutition. La radiographie thoracique permet en général de visualiser la hernie lorsqu’elle est fixe [2,3,5]. La présence d’une partie de l’estomac dans le thorax à travers une coupole diaphragmatique intègre est fortement évocatrice de l’affection. Les hernies par glissement, même mobiles, sont également très facilement détectables à l’endoscopie. La présence d’une poche derrière la ligne de jonction des muqueuses œsophago- PratiqueVet (2008) 43 : 396-399 (398) EN CLINIQUE > CAS CLINIQUE gastriques et de mouvements d’invaginations de la muqueuse gastrique à travers le hiatus œsophagien sont pathognomoniques [7,8]. Cet examen permet également d’évaluer les lésions d’œsophagite et le reflux gastro-œsophagien [6,9]. Des options thérapeutiques variées Un traitement hygiénique et médical est préconisé en première intention [1,2]. Un fractionnement des repas avec une alimentation pauvre en graisse permet de faciliter la vidange gastrique, de limiter les sécrétions gastriques et de réduire la pression intragastrique. Un régime hyperprotéique stimule la sécrétion de gastrine qui renforce le tonus du sphincter œsophagien [7]. > Traitement médical Le traitement médicamenteux a pour but d’accroître le tonus du sphincter gastro-œsophagien, de limiter les secrétions gastriques et de faciliter la vidange de l’estomac [1,2,5,7,9] : ■ L’utilisation de Sucralfate (Ulcar ®) ou de phosphate d’aluminium (Phosphaluvet ®) permet de protéger la muqueuse œsophagienne. ■ Des anti-histaminiques H2 comme la ciméti- dine (Tagamet ®) ou la ranitidine (Azantac ®) sont utilisés pour réduire les sécrétions acides de l’estomac. ■ Plus récemment, les inhibiteurs de pompes à protons comme l’oméprazole (Mopral ®) se sont révélés très efficaces chez l’Homme pour contrôler l’acidité gastrique. ■ L’utilisation d’agents prokinétiques comme le métoclopramide (Primperid ®) permet de renforcer le tonus du sphincter gastro-œsophagien et de favoriser la vidange gastrique. > Traitement chirurgical MÉMO La technique chirurgicale doit répondre à un double objectif, elle doit permettre de réduire correctement la hernie et de rétablir la pression au niveau du sphincter gastro-œsophagien afin de stopper le reflux et l’œsophagite [1,2,7]. ■ Plusieurs techniques de plicatures fundiques visant à renforcer le sphincter gastro-œsophagien sont décrites chez l’Homme. La principale technique utilisée chez l’animal est la fundoplastie modifiée de Nissen [1,2,4,7]. ■ Dans notre cas, il n’a été réalisé aucun enroulement du fundus. Le rétrécissement du diamètre du hiatus œsophagien et la fixation de la partie terminale de l’œsophage au diaphragme ont permis de renforcer la pression exercée sur le sphincter gastro-œsophagien et de prévenir le reflux. Plusieurs publications ont montré de bons résultats en utilisant des traitements chirurgicaux sans fundoplicature, ce qui s’explique par le fait qu’une incompétence du sphincter œsophagien distal n’est pas en cause dans la majorité des cas [1,2,4,5]. Cette technique serait d’ailleurs à l’origine de complications postopératoires telles que des syndromes de dilatation gastrique (également décrits chez l’Homme et qui semblent en relation avec l’impossibilité d’éructer). Le pronostic dépend de l’importance de la hernie et de son caractère fixe ou mobile. Une gestion médicale est généralement préconisée en première intention bien que le recours à la chirurgie soit presque systématique chez le Shar-Peï [1,2]. 1 La hernie hiatale doit faire partie du diagnostic différentiel lors de régurgitations chroniques chez un jeune animal, en particulier chez un Shar-Peï. Le diagnostic peut être radiologique ou endoscopique. ■ La recherche et la prise en charge de lésions d’œsophagite constituent un volet essentiel de la thérapeutique. Un traitement hygiénique et médical doit être envisagé en première intention. ■ La correction chirurgicale est délicate mais offre généralement une bonne récupération. ■ >>À LIRE... 1. Sivacolundhu RK et coll (2002). Hiatal hernia controversies- a review of pathophysiology and treatment options. Aust Vet J 80 (1 et 2) : 48-53. 2. Callan MB et coll (1993). Congenital esophageal hiatal hernia in the chinese Shar-pei dog. J Vet Intern Med 7 (4) : 210-5. 3. Rahal SC et coll (2003). Type4 œsophageal hiatal hernia in a chinese Shar-pei dog. Vet Radiol Ultrasound 44 (6) : 646-7. 4. Lerat B, Bouvy B (1995). Traitement d’une hernie hiatale chez un chien par restauration et stabilisation anatomique. Action Vet 1323 : 23-7. 5. Hunt GB et coll (2002). Hiatal hernia in a puppy. Aust Vet J 80 (11) : 685-6. 6. Lecoindre P, Cadoré JL (1992). Reflux gastro-œsophagien et œsophagites par reflux. Prat Med Chir Anim Comp 27 : 583-95. 7. Bardet JF (1994). La hernie hiatale chez le Chien et le Chat. Prat Med Chir Anim Comp 29 : 631-6. 8. Lecoindre P, Cadoré JL (1994). Les affections de l’œsophage des carnivores domestiques. Prat Med Chir Anim Comp 29 : 25-44. 9. Han E (2003). Diagnosis and managment of reflux oesophagitis. Clin Tech Small Anim Pract 18 (4): 231-8. (399) PratiqueVet (2008) 43 : 396-399 23