CRITÈRES adaptation série

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CRITÈRES adaptation série
INITIATIVE FILM Octobre 2014
CRITÈRES D’ADAPTATION
D’UNE OEUVRE
LITTÉRAIRE EN SÉRIE
POUR LA SCELF
OCTOBRE 2014
REFLEXION AUTOUR DE
L’ADAPTATION D’UN POLAR EN SÉRIE
Ce petit fascicule a pour but de vous guider dans le repérage et la
sélection des ouvrages susceptibles de pouvoir générer une série
télévisée. Sachant que l'adaptation en série ne nécessite pas forcément qu’un livre
soit déjà lui-même déployé dans une logique épisodique, en plusieurs
tomes, ni avec des personnages récurrents, même si cela reste possible.
Peuvent convenir un roman à la trame riche, un roman avec personnage(s)
complexe(s) car le travail d'adaptation pour une série doit permettre
d'élargir le cadre du roman comme c'est le cas avec Hannibal ou Dexter…
La démarche ici consiste à donner les éléments permettant de
transcender le format épisodique des séries et laisser libre court à vos
intuitions, selon des critères que nous avons essayé de lister ici. Ce document vise donc à lister les critères d’adaptabilité d’un livre pour
la télévision, plus spécifiquement pour Quai du Polar.
Pour les mini-séries, les critères se rapprochent plus de ceux auxquels on
peut penser lorsqu'on s'interroge à l'adaptabilité cinéma, notamment par
la notion d’histoire bouclée. A toutes fins utiles, nous avons lié nos réflexions à des séries déjà
existantes, et avons signalé en gras celles issues de l’adaptation. Ceci
pour alimenter la réflexion, nous ne nous sommes pas arrêtés aux thrillers,
polars, romans noirs, ou d’espionnage, comme il s'agira de le faire pour
vous, mais, à la fin de ce document nous vous présentons un panorama
non exhaustif des adaptations pour séries TV existantes, plus
spécifiquement liées à cela. LES CRITÈRES
1/ PERSONNAGE(S) ET BACKSTORY
Qu’il y ait des personnages à la backstory fouillée
C’est à dire ayant une histoire personnelle qui dépasse les limites narratives du roman. Autant
d’éléments intimes sur lesquels l'adaptateur va pouvoir broder (un secret, une blessure, un
changement radical dans sa vie, un tournant, une rencontre) apportant une courbe
d'évolution importante: on doit pouvoir sentir à la lecture que le personnage peut/va évoluer
de façon complexe ( Don Draper, Tony Soprano, Walter White) Cette backstory peut être un terreau déjà présent dans le livre qu'il s'agira de fertiliser,
d'étoffer (par exemple une blessure psychique que l'on pourrait dévoiler au fur et à mesure,
que l'on pourrait étendre à d'autres personnages), ou à créer entièrement mais qui peut
permettre de nettement étendre la durée de l'histoire, par exemple en se servant du passé
pour nourrir en parallèle le présent du personnage, comme pour Lost qui clairement intensifie
sa trame narrative - finalement ténue - d'épisode en épisode en doublant l'intrigue entre une
action passée et une action présente qui se font écho pour un personnage précis... de quoi
aussi adapter un roman sur le format série en complexifiant l'intrigue principale. Penser la backstory, donc, soit comme une arborescence possible autour de l'intrigue
principale, soit comme un dédoublement de l'action présente avec un jeu passé/présent.
Ce qui suppose de jouer des temporalités, des vraies prises de libertés, d'étoffement et une
façon de découper autrement l'intrigue, qu'on délivrera de façon linéaire ou pas. Par ailleurs, travailler les personnages peut apporter aussi une vraie patte à la série, dont
l’attraction principale peut être justement ce personnage : par exemple, on peut s'appuyer
sur un personnage "hors du commun" pour raconter de nombreuses histoires en dehors du
cadre du roman comme c’est le cas dans des séries mettants en scène Hannibal Lecter,
Dexter, Sherlock Holmes qui ont permis de nombreux spin off... jusqu’à pouvoir devenir
une franchise.
2/ DES INTERACTIONS ET UNE RADIOGRAPHIE D’UN MICROCOSME
Que l’on puisse creuser la logique des interactions entre les différents
personnages et le milieu dans lequel ils évoluent.
Ces interactions / microcosmes peuvent prendre racine dans une famille (The Sopranos, Six
feet under), un lieu de travail (The office, Six feet Under), une communauté (Orange is the
new black, The walking dead), une fraternité (Prison Break), une ville (Haven), un réseau
de trafiquants (White Collar).
Cela permet en même temps de jouer sur les paradoxes et les ambivalences de ces
personnages ou comment leurs origines peuvent devenir des obstacles : Dans Breaking
Bad, Walter deale en ayant son beau-frère à la DEA, et le personnage de Dexter, est à la fois
criminel ET justicier.
3/ UNE INTRIGUE
Qu’une intrigue, même linéaire, puisse donner lieu à une narration à
épisodes et saisons multiples.
Bien au contraire, un roman à l'intrigue linéaire, pas forcément alambiquée ou multiple, peut
aussi se révéler idéal pour une adaptation en série TV si tant est qu'il puisse donner lieu à
une transformation de son intrigue ou en tout cas de sa narration.
The Slap, par exemple, adapté d'un livre, creuse bel et bien les dommages collatéraux de
cette gifle au sein d'une communauté d'amis, comme dans le roman, mais si la série parvient
à tenir en 8x52 min c'est parce que les scénaristes ont cherché à construire (ou plutôt
déconstruire) la linéarité avec ce concept de donner un point de vue de chacun des
personnages par épisode, ce qui n'était pas le cas à l'origine.
Revient ici bien sûr la question des personnages secondaires, des backstories à fouiller, et du
découpage de la narration originale possible. 4/ AVOIR UN / DES POINTS DE VUES
Qu’un titre puisse offrir un point de vue fort ou une multiplicité des points de
vue.
On peut raconter le même évènement plusieurs fois mais vu par différents personnages (avec
pour chacun leur parcours avant l'évènement, puis les conséquences de cet évènement sur
leur vie). La plupart des séries exploitent la multiplicité des points de vue sur un épisode de la
saison, mais peu de créateurs en font le concept même de leur série...
5/ GESTION DU TEMPS / DE LA TEMPORALITÉ
Que l’on puisse dilater ou raccourcir, rendre elliptique aussi...
On remarque que dans la majorité des séries, au sein de leurs saisons, il y a toujours un ou
deux épisodes qui sont une vraie pause dans l'action générale de l'histoire, juste après un
épisode à grand cliffhanger d’ailleurs, où les scénaristes s'amusent de la frustration du
spectateur en changeant de ton et de focus, souvent davantage resserré sur un ou deux
personnages.
Breaking Bad en est un bon joueur, avec l'épisode de Walter chassant une mouche, ou celui
de la batterie du camping-car que Jesse et lui tentent de faire redémarrer tout le long d'un
épisode. Derrière ce jeu de frustration temporelle c'est bien sûr l'occasion pour la série de
rapprocher des personnages, de creuser davantage une interaction.
Un roman adaptable en série doit donc offrir cette possibilité de remanier la temporalité, ou
en tout cas de donner des points précis dans son action dans lesquels ces petits interstices
temporels peuvent être explorés. 6/ UNE SITUATION FORTE
Qui puisse devenir le socle sur lequel l'écriture de la série va pouvoir
compter
Cette situation forte peut venir par exemple du métier du personnage (House, Grey’s
Anatomy, Six Feet Under), de l'époque à laquelle il vit (Mad men, Masters of
sex, Boardwalk Empire), du lieu où il vit (Treme, The Wire), ou d'un évènement particulier,
qu'il soit surnaturel (the Leftovers, les Revenants), personnel (Please like me, Transparent)
ou historique (par exemple repenser la lecture d'un épisode historique en démultipliant cette
lecture selon le nombre de personnages qui s'y confrontent. Que ce soit pour une série aux
accents documentaires ou aux accents totalement fictifs : Homeland, Boardwalk empire,
The Americans)
Les séries élaborées selon ce parti pris ne sont pas nombreuses et pourtant bon nombres de
livres proposent une relecture d'un évènement historique à l'échelle de personnages bien
construits et fictifs... une voie à creuser? Dans tous les cas, ces situations fortes permettent de travailler sur le lien (vie) publique /
(vie) intime.
Mais au-delà d’une situation, on peut aussi s’appuyer un point narratif fort, même abstrait :
la présence d'une inconnue / un mystère comme un personnage inconnu (qui est "A" dans
Pretty Little Liars ? Et qui est Gossip Girl ?), un lieu mystérieux (Lost : quelle est la nature de
l'île ?), un évènement flou (la saison "Qui a tué JR ?" dans Dallas).
Mais aussi un univers particulier fort qui se doit d’être cohérent et suffisamment riche afin
de tenir sur la longueur mais qui peut se permettre des règles différentes de notre monde
actuel, offrant alors une base intéressante et stimulante pour construire une série.
On pense à un monde envahit, transformé (The Walking Dead), un monde complètement
parallèle (l’héroïc fantasy avec Game of Thrones), un lieu délimité mais riches de faits
étranges (l’île de Lost) ou univers-passerelle entre plusieurs mondes (Haven, Fringe)...
7/ UN TON AFFIRMÉ
Qui va intuitivement générer un format.
En général, pour un polar, le format est de 56 minutes, ce qui n’empêche bien évidemment
pas les nouveaux formats et les hybridations, à l’image de P’tit Quinquin sorte de "comédie
policière" dont les épisodes sont plus longs que 26 min. Il s’agit donc d’une mini série,
format «à part», mais on peut se demander pourquoi Bruno Dumont, qui vient du cinéma, n'a
pas voulu davantage découper ces épisodes pour en faire plus mais au contraire a voulu
garder cette durée.... Globalement, on pourrait considérer qu'un roman à adapter en série peut créer des
passerelles entre différents tons, mais cela oblige de devoir toujours s’interroger sur le
format de la série que l’on veut faire. 8/ CHERCHER LE PROPOS SOUS JACENT, LES DOUBLES LECTURES
POSSIBLES
Qui puissent transcender le récit...
Par exemple, la métaphore surnaturelle pour les séries sur l'adolescence et le passage à
la vie d'adulte (Buffy contre les vampires, Heroes), la notion de "chute" quasi biblique pour
les personnages (Sopranos, Mad Men), la notion de résilience pour les héros (The
Leftovers), la filiation (qu'on recherche ou rejette) qui peut s'étendre à différents
personnages (par exemple entre le père de Dexter, Dexter et le fils de ce dernier), un héritage
lourd à porter (physique, social, mental : toujours Dexter, Once upon a time avec un
chaperon rouge loup-garou de par sa mère, Skins et Downton Abbey pour le poids du milieu
social, Game of thrones...), une relecture de nos sociétés (relecture politique, sociologique,
culturelle...) dans un microcosme en construction (à la manière de Lost ou toujours Game of
thrones), une "malédiction"/"un mal" qui s'imbibe dans un microcosme et lie des
personnages de manière quasi fatale (Top of the lake, les Revenants, The Walking Dead ou
Heroes -où les pouvoirs surnaturels arrivent un peu comme une épidémie). POUR CONCLURE
Les séries rassemblent généralement plusieurs des éléments cités
précédemment. On peut donc se dire que tout roman rassemblant
plusieurs de ces critères pourraient devenir des séries.
Un exemple : Orange is the New Black part d'une situation forte : un personnage de femme un
peu bourgeoise se retrouve en prison pour une bêtise commise il y a plus de 10
ans ; elle se déroule donc au sein d'une communauté particulière : les femmes en
prison ; le personnage est pris entre deux thématiques toujours présentes : va-telle se laisser entraîner dans les histoires de la prison et provoquer sa propre
chute, ou va-t-elle marcher sur le chemin de la rédemption ?
Ces polars qui ont donné des séries
(liste non exhaustive)
POLARS FRANÇAIS
- Les enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, de Jean-François
Parot est une série de romans policiers qui sont devenus la série Nicolas Le Floch
en France
- Le personnage de Rouletabille des romans de Gaston Leroux a donné une série
dans les années 60 en France
- La collection de livres Le Sang de la vigne, de Jean-Pierre Alaux et Noël Balen a
donné la série française du même nom : Le Sang de la vigne
- Les Orpailleurs, roman de Thierry Jonquet, a donné la série Boulevard du Palais
POLARS BRITANNIQUES
- Les Sherlock Holmes, d’Arthur Conan Doyle, ont été adapté de nombreuses fois,
dont récemment avec Sherlock et Elementary
- Agatha Christie a beaucoup inspiré le cinéma et la télévision, notamment avec ses
personnages Miss Marple et Hercule Poirot qui ont donné des séries britanniques :
Miss Marple et Agatha Christie’s Poirot, mais aussi une série animée japonaise :
Agatha Christie’s Great Detectives Poirot and Marple. En France, une série
librement inspirée des oeuvres de l’auteur a vu le jour en 2009 : Les Petits Meurtres
d’Agatha Christie
- Le personnage de l’Inspecteur Morse, créé par Colin Dexter, aura aussi droit à sa
propre série britannique
- Maigret, le personnage célèbre de Georges Simenon, a inspiré de nombreuses
séries en France, en Grande-Bretagne, en Italie (Le inchieste del commissario
Maigret), aux Pays-Bas, mais aussi au Japon (Tôkyô Megure Keishi) !
- Tom Thorne, le personnage phare des romans de Mark Billingham, est devenu le
héros de la série Thorne
- Le Dr Tony Hill, le personnage le plus célèbre de la romancière écossaise Val
McDermid, est devenu le personnage principal de la série Wire in the Blood
POLARS AMERICAINS
- La série de livres Darkly Dreaming Dexter, de Jeff Lindsay a inspiré la série Dexter
- The Colorado Kid, de Stephen King, a été adapté aux Etats-Unis en une série
appelée Haven, son roman Under the Dome a également été adapté en série
- Red Dragon, de Thomas Harris, a introduit le personnage d’Hannibal Lecter,
souvent interprété au cinéma par Anthony Hopkins, et a donné lieu à la série
Hannibal
- La série de livres de Tess Gerritsen mettant en scène les personnages Jane Rizzoli
et Maura Isles a donné la série américain Rizzoli & Isles
- Les romans Pronto et Riding the Rap, ainsi que la nouvelle Fire in the Hole d’Elmore
Leonard, ont inspirés la série Justified
- La série de livres Spencer, de Robert B. Parker, est devenue la série télévisée
Spencer: For Hire
- Les enquêtes du commissaire Brunetti, de Donna Leon, ont inspiré une série
allemande : Donna Leon (Commissaire Brunetti, en France)
POLARS NORDIQUES
- Le personnage Kurt Wallander, de Henning Mankell, a été adapté en Suède et en
Grande-Bretagne sous le nom Wallander
- Le commissaire Winter, héros des livres d’Ake Edwardson, deviendra le héros de la
série suédoise Kommissarie Winter (Les enquêtes du commissaire Winter, en
France)
- L’un des personnages récurrents des romans de Camilla Läckberg, Erika Falck, est
l’héroïne de la série suédoise Fjällbackamorden (Les enquêtes d’Erika, en France)
- Millénium, de Stieg Larsson, qui a été adapté au cinéma et à la télévision
AUTRES
Canada :
- Le héros des livres de Peter Robinson, Alan Banks, a été adapté en GrandeBretagne sous le nom DCI Banks
- Crimes Against My Brother, de David Adams Richards, est en cours d’adaptation
pour la télévision, la série entrera en production en 2015
Italie :
- Le personnage du Commissaire Montalbano des romans d’Andrea Camilleri est le
héros d’une série italienne : Il Commissario Montalbano
- Romanzo Criminale, de Giancarlo De Cataldo, a donné une série et un long-métrage
du même nom
- Gomorrah, de Roberto Saviano, est devenu un film et une série du même nom