Charlotte de Turckheim : "Une lolita d`un certain âge","Que faire de
Transcription
Charlotte de Turckheim : "Une lolita d`un certain âge","Que faire de
Charlotte de Turckheim : "Une lolita d'un certain âge" Charlotte de Turckheim est revenue pour Arkult sur son rôle de Kathy, « lolita d’un certain âge », qu’elle incarne dans « Que faut-il faire de Mister Sloane » On vous voit peu au théâtre, c’est une volonté de votre part ? Depuis 20 ans, je joue mes one-woman-show sur scène, ajoutezça au cinéma, ça ne me laissait plus le temps pour le théâtre. Sachez qu’en général, je joue mes spectacles 1 an à Paris puis 3 ans en tournée, donc chaque spectacle me prend 4 ans, ajoutez-y la préparation et on arrive à 5. J’ai fais trois spectacle, ça fait 15 ans ! J’ai la chance d’avoir beaucoup de succès avec mes one-womanshow, j’ai adoré les jouer dans toute la France. Mais c’est vrai qu’on ne parle de vous que la première année parce que vous êtes à Paris. Une fois en province, ça n’intéresse plus les médias. Les gens ont l’impression que vous n’êtes pas là, alors que vous êtes « sur le terrain », si j’ose l’expression ! Vous avez arrêté les one-woman-show ? Oh non ! J’y reviendrai certainement un jour. Mais là, j’avais envie de jouer avec d’autres gens. Je me régale à me retrouver dans les loges avec les acteurs, on s’entend tous super bien. J’avais envie de partager les moments forts, les joies, les peines. Surtout sur un spectacle comme ça que certains adorent et d’autres détestent. On en rigole ensemble, on se soutient, c’est extra. Comment avez-vous rencontré Michel Fau qui vous met en scène ? Je l’ai Molière j’avais entendu dans ce endroit rencontré il y 20 ans. On jouait « Le Misanthrope » de à Nice. Je m’étais vachement bien entendue avec lui, adoré sa folie, sa liberté, son insolence… On s’est comme larron en foire. On était moyennement heureux spectacle car on était assez contrains, c’était pas un où on pouvait exprimer une folie. C’était difficile… C’est marrant, parce que je m’aperçois… Je viens de la grande époque du café-théâtre, et j’avais un peu minimisé l’influence que ça aurait tout au long de ma carrière. Quand j’ai démarré, je ne voulais pas jouer du boulevard, ni du classique. Dans ce milieu, on voulait faire exploser les codes. À l’époque, le Café de la Gare, c’était tout ce que j’aimais ! C’était génial ! Et Coluche, le Splendid… Ils faisaient un théâtre que je n’avais jamais vu. Après cette époque, je me suis retrouvée dans une grosse structure subventionné où il fallait aller faire des courbettes à la mairie, je rentrais dans un monde très pyramidal, conventionnel, ce n’était pas mon truc. J’avais décidé qu’après ce « Misanthrope », je ferais mes spectacles toute seule ! Pour en revenir à Michel Fau, comment vous êtes vous retrouvé aujourd’hui pour travailler sur la pièce de Joe Orton ? On a le même agent, Jean-François Gabard. Plusieurs fois je lui ai dit que si je retournais au théâtre, ce n’était pas pour faire le premier boulevard venu, et que je n’accepterais de jouer dans un boulevard que s’il est mis en scène par Michel Fau. C’était donc un désir de votre part de travailler avec lui. Exactement. Du coup, c’est Jean-François qui a dit à Michel Fau, « Tu sais, Charlotte a très envie de jouer avec toi », et Michel Fau m’a proposé cette pièce. Comment vous l’a-t-il présenté ? Vous connaissiez Joe Orton ? Je ne connaissais pas Joe Orton, et quand il me l’a donné à lire, il a dit à notre agent, « elle ne va pas accepter ». Il pensait que je ne voudrais pas le rôle, c’est vrai qu’il ne me met pas beaucoup en valeur… Vous pouvez nous présenter ce personnage de Kathy ? Je pense que c’est une nana qui a entre 40 et 50 ans… Ou plutôt sans âge puisqu’elle tombe enceinte. Mais comme tout est un peu irréel… Ne mettons pas d’âge, l’idée de l’âge me vient parce qu’elle tombe enceinte. Mais est-elle vraiment enceinte ? Elle est assez folle pour se faire croire qu’elle l’est. Disons, une femme plus toute jeune, ni toute vieille. C’est une lolita d’un certain âge qui séduit un espèce de jeune homme mi-ange mi-demon qu’elle met aussi sec dans son lit. Ce qui rend le frère abominablement jaloux. Kathy est à la fois la grande gagnante et la grande perdante de la pièce. On pourrait appliquer cette phrase au frère aussi… Oui, sauf que dans l’histoire il y a une seule certitude, celle que Sloane est mon amant. Il n’y a aucune certitude concernant l’autre côté. Et dans le fond le frère n’assume pas vraiment son homosexualité alors que moi j’assume totalement d’être une cougar. Je passe à l’acte ! La situation de Kathy est plutôt inconfortable, et comme vous le disiez le rôle ne vous met pas particulièrement en valeur. Pourquoi l’avoir accepté ? Je savais qu’avec Michel je pourrais aller très très loin dans le personnage, tout en étant protégée. Protégée ? Je savais que ça allait être bien, je savais que ça allait me plaire. Même si « bien » ça ne veut rien dire, car il y a des gens qui détestent la pièce. Vous ne pensez-pas que si des gens détestent cette pièce, c’est probablement en partie à cause du traitement que subi votre personnage ? Vous voulez le fond de ma pensée ? Je pense que les gens qui n’aiment pas cette pièce, sont des gens qui ont des zones d’ombre en eux. Je vois des gens qui sont tellement choqués et exaspérés en sortant ! Ça reste du théâtre tout de même, c’est pas si grave… Mais il y en a qui ne sont pas prêt à entendre des choses aussi dérangeantes sur la sexualité, sur la violence et sur la manipulation… Vous n’avez aucune difficulté à subir autant de violence chaque soir sur scène ? Honnêtement, si… Je fais des cauchemars toutes les nuits, d’enfants morts ou d’enfants qu’on me confie et que j’oublie dans des piscines, des gosses défenestrés… C’est dingue. Kathy a eu un enfant, il est mort ou il a été adopté, on ne sait pas. Vous habitez complètement votre rôle… Je m’aperçois que ça me remue beaucoup. Je suis très contente d’être sur scène, mais la folie de ces personnages remue terriblement. Je suis très fragile en ce moment, très fatiguée. Physiquement aussi, moi qui suis une lève tôt, je ne me lève pas un seul matin avant 11 heures. Ce n’est pas un rôle qu’on peut jouer avec de la technique, il faut être complètement dedans, on ne peut pas s’économiser, quand on a un peu trop confiance ça ne marche pas. Si je rentre en scène et que je ne suis pas au maximum de l’hystérie contenue, ce n’est pas bon. La première réplique, « voilà le salon », il faut que le public voit toutes les questions qui me passent par la tête « je vais me le faire ? Il va rester ? J’ai tellement envie »… Si je me contente de dire « voilà le salon » comme Jacqueline Maillan, ça ne marche pas. C’est incroyable. Vous arrêtez « Que faut-il faire de Mr Sloane » le 31 décembre. Avez d’autres projets au théâtre en 2013 ? Non je fais ça et c’est tout. Je me mets très à fond dans ce que je fais, et là, j’en ai pour six mois à me remettre d’un rôle pareil ! Voir notre critique de « Que faire de mister Sloane ? » "Que faire de Mister Sloane ?", une folie à la Comédie des Champs Elysées Que faire de mister Sloane ? Ce jeune éphèbe mystérieux qui débarque pour louer une chambre dans cette maison au milieu d’une décharge ? On parle de « faire », comme si Sloane n’était qu’objet de fantasme. Pour une femme (qu’il met enceinte) et pour le frère, c’est bien le cas. Sans oublier le père, témoin d’un meurtre de Sloane il y a quelques années et dont la cécité grandit chaque jour, qui vient compléter ce quatuor de folie. Chacun joue sa partition pour mener le spectateur au cœur de sa folie. Cette pièce est le premier succès de Joe Orton, un auteur anglais au destin terrible disparu au milieu du XXe siècle. La perversion, le sexe et la vulgarité s’y mélangent allègrement. Une pensée toute particulière pour Charlotte de Turckheim qui en est la principale cible et victime. D’ailleurs, elle doit profondément donner de sa personne durant tout le spectacle : parfois en nuisette, coiffée comme une anglaise des années Folles, elle se fait copieusement insulter par son frère. Rendu dingue par la jalousie, il ira jusqu’à hurler, « mais regardez-là ! On dirait une pute qui recherche l’extase ! ». Elle a juste peur d’avoir fait quelque chose de mal, comme une enfant injustement grondée. D’ailleurs, tous les personnages ont des réactions d’enfants pas sages. Voilà pour la teneur de la pièce. Le mauvais goût anglais y est poussé à son maximum (on y cuisine du jambon bouilli) et de l’exagération extrême jaillit un rire franc. Certes on a envie de prendre Charlotte de Turckheim en pitié. Elle, cougar de banlieue gênée, aime que son jeune amant (qui profite de sa générosité) l’appelle « Maman ». Les quiproquos et les scènes équivoques ajoutent beaucoup de force à ce cadre burlesque. Sans oublier les costumes (créés par David Belugou) qui donne l’air à chaque acteur de sortir de l’imagination de Lewis Carroll. Michel Fau dans le rôle d’un Eddy aux manière de grande folle christique, illuminée et miséricordieuse est totalement déjanté. « Que faire de mister Sloane » peut être une pièce douloureuse pour le spectateur embarrassé de pitié. Mais si l’on fait fi de toute morale et de toute considération, se contentant de jouir avec perversion de cette situation terrible, alors le rire ponctue notre souffle. Pratique : Jusqu’au 31 décembre à la Comédie des Champs Elysées, 15 avenue Montaigne (75008, Paris) – Réservations par téléphone au 01 53 23 99 19 ou sur www.comediedeschampselysees.com / Tarifs : entre 10 € et 39 € – Du mardi au samedi à 21 h. Matinée le samedi à 16 h. Durée : 2 h Mise en scène : Michel Fau Avec : Charlotte de Turckheim, Gaspard Ulliel, et Jean-Claude Jay. Michel Fau En route pour "Néoplanete" Avec « Néoplanète », le hongrois Árpád Schilling nous plonge littéralement au milieu d’un monde qui change, où l’expérience de l’exil est le point commun des habitants qui restent. Voulu comme un véritable voyage, le contenu déroute, forcément, mais il ne manque pas de trouver sa cible. Les spectateurs partent par rang entiers durant toute la pièce, à contrario, le public qui reste jusqu’au bout est aisément conquis. Árpád Schilling utilise la vidéo, beaucoup. De très belles images forment un film où les héros de la scène apparaissent parfois à l’écran pour continuer l’histoire. Il y a du cirque aussi, de la corde et de la barre verticale, mélangée à la danse. Une intrigue (n’ayant pas grand intêret) prend forme à un moment, puis s’arrête, c’est décousu. Le public réagit lui, beaucoup, car il est invité à le faire. Un Rom (authentique) vient sur scène, une traductrice hongroise permet à ceux qui le souhaitent d’avoir une discussion avec lui, sur ses conditions de vie et sur les raisons qui l’ont poussé à partir. Beaucoup plus tard dans la pièce, deux autres Roms, à peine adolescents, viennent se prêter au jeu des questions dans un français impeccable. Symboles du non-retour, de la nécessité de partir. On oscille, entre la curiosité, l’ennuie, le désir d’en savoir plus. On succombe à la beauté des images, on partage l’attente des personnages dans des situations qu’ils n’avaient pas prévues, ou souhaitées… Pour tenter d’en donner une idée concrète (bouh! Le vilain mot), « Néoplanète » est une sorte de work-in progress où les personnages réfléchissent à des solutions pour pouvoir partir, avec qui partir et quels sont les choix qui conduisent à préférer ce départ, ou cette personne comme accompagnatrice. Bel exemple de lâcher-prise, ce spectacle est loin d’être évident, mais (chose importante) le public scolaire le soir de la représentation à laquelle nous assistions était aux anges d’avoir vu un théâtre au langage simple, posant les problématiques de notre époque, mêlant les genres et les surprises. Excellent baromètre de la scène que celui de la génération en cours de construction… Pratique : Jusqu’au 26 octobre au théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadero (16e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 53 65 30 00 ou sur theatrechaillot.fr/ / Tarifs : entre 8 € et 33 € – Du mardi au vendredi à 20 h 30. Durée : 2 h 30 (sans entracte) Mise en scène : Arpad Schilling Avec : Cristiana Reali, Rasha Bukvic, Léopoldine Serre, Monique Chaumette et Grétel Delattre, Estelle Dore, Bérangère Gallot, Jean-Yves Gautier, Martin Loizillon, Sandrine Molaro, Sophie Nicollas, Nicolas Pujolle, Herrade Von Meier. Pauline Bureau "Modèles" montre ses Après sa création en 2011 au Nouveau Théâtre de Montreuil, « Modèles » s’installe jusqu’en novembre au Rond-Point. Cette pièce signée Pauline Bureau est le fruit d’un travail d’écriture collective effectué par la metteur en scène et les actrices elles-mêmes, mêlé de textes de Pierre Bourdieu, Marguerite Duras ou Virgine Despentes. Les femmes sont-elles vraiment l’égal des hommes ? Celles qui posent la question étaient gamines dans les années quatre-vingt. Officiellement, elles ont les mêmes droits que leurs homologues masculins, elles ont toujours eu la possibilité de voter et de travailler… Mais dans « Modèles », elles parlent également de tout ce qu’on ne leur avait pas dit : de la maîtresse de maison à celle qui s’est faite violer et à qui on dit qu’elle ne s’en remettrai jamais. Des hommes, ces héros, dès qu’il mettent les pieds dans un supermarché, pendant que leurs épouses jouent à Cendrillon chez elles, d’ailleurs, elles en sont ravies ! Pendant 1 h 45, on grandit avec elles, elles nous guident par leurs expériences, parodiant ce qu’on attend d’elles. Le féminisme actuel, pilier de cette création, est évoqué de façon poétique et ingénieuse, peu guerrière, jamais frontale. L’approche humoristique et sincère fonctionne. Leurs histoires, qu’elles soient tristes ou heureuses, nous passionnent. Naturellement, l’évidence des mots employés suffiraient à gommer la notion « d’avortement de confort » de la pensée des êtres obtus qui imaginent que cela peut exister. Il est difficile, d’autant plus pour un individu masculin, d’imaginer le foyer comme une prison. Encore plus difficile pour la société d’imaginer la Femme comme étant encore asservie par son mari en 2012. Et pourtant, les questions évoquées dans « Modèles » font mouche et posent de justes bases de réflexions. La mise en scène soutient finement le propos. Que les mots soient déclamés face au public sur un plateau nu, au milieu d’une cuisine ou bien à quelques mètres de hauteur, en studio. La force du spectacle réside dans le jeu des cinq actrices qui s’incarnent en donnant l’impression de jouer des rôles. Moment magique où on ne sait plus trop si c’est la femme ou la comédienne qui nous parle. On s’en fiche : c’est passionnant. Pratique : Jusqu’au 10 novembre au théâtre du Rond-Point, 2bis av. Franklin D. Roosevelt (8e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.theatredurondpoint.fr / Tarifs : entre 11 € et 30 € – Du mercredi au samedi à 21 h. Dimanche à 15 h 30. Durée : 1 h 45 Mise en scène : Pauline Bureau Avec : Sabrina Baldassarra, Laure Calamy, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann, Marie Nicolle (musicien live : Vincent Hulot) "J'habite une blessure sacrée", cure de réalité Nelson Mandela accède au pouvoir puis est obligé de céder aux règles du commerce international. Dans son propre pays, il ne peut pas reprendre leurs immenses terres aux Afrikaners pour nourrir un peuple qui a faim. Son programme politique ne peut être mis en place. L’OMC, déesse de l’ultra-libéralisme veillant au bon déroulement des transactions entre les pays, obéit a des règles écrites par l’Occident. L’Afrique doit pourtant s’y conformer. 125 000 paysans se sont donné la mort en Inde entre 2000 et 2007, incapables d’entretenir leurs champs devenus stériles à cause des pesticides utilisés pour faire pousser les OGM. En 1989, l’Exxon Valdez s’échoue en Alaska : la marée noire qui en découle est une catastrophe. Toujours en 1989, les 70 000 km² de côte du delta du Nigeria sont défoncés par le pétrole extrait dans le pays par des sociétés occidentales. Personne n’en parle. En Haïti, on mélange des herbes et de la boue pour faire des gâteaux. Les Haïtiens appellent cette nourriture : le biscuit dur. Evo Moralès, premier président d’origine amérindienne de Bolivie est élu en 2006. La première mesure de son mandat : renégocier les contrats de production gazière et pétrolière avec les multinationales afin d’en faire profiter le peuple Bolivien. Pendant ce temps en Occident, on se travestit en boite de nuit et on danse sur des rythmes effrénés après avoir passé une journée à boursicoter. Le videur à l’entrée raconte son expérience : « Je suis obligé en un très court laps de temps, de juger la maximisation du profit probable selon le look du client qui se présente à la porte ». C’est ce paradoxe, poussé aujourd’hui à son paroxysme (et plus encore) que tente de montrer « J’habite une blessure sacrée » de Mireille Perrier. Une histoire adaptée de « La Haine de l’Occident » de Jean Ziegler. Moment court mais intense. Du théâtre conscient au service du monde et de sa mémoire où l’action est montrée du point de vue de ceux qui la vivent. Ils sont quatre acteurs pour jouer des dizaines de personnages. Les costumes sont pendus aux quatre coins de la scène pendant que les intrigues se déroulent dans un cercle tracé au moyen de tuiles brisées. A l’intérieur se dessine un portrait du grand méchant Occident dans de courtes sceynettes. Le travail d’adaptation est impressionnant car le résultat est profondément théâtral. Les éclairages et la mise en scène sont chargées d’une belle esthétique. Baignant la scène en pleine lumière lors de discours, dans la pénombre de la fumée et des cadavres le 11 septembre 2001. Lorsqu’on participe à une expérience comme celle-ci (car c’est une expérience, on ne subit pas ce qu’il se passe sur scène, on y participe), on ne ressort pas indemne ou la tête vide. Les questions fusent, la plus importante reste : qui sommesnous, humains ? Un spectacle étonnant, essentiel. Espérons qu’il ne soit pas qu’un prêche pour convaincus : il faut montrer cette réalité au plus grand nombre, surtout quand c’est si bien fait. Pratique : Jusqu’au 31 octobre à la Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud (75011, Paris) – Réservations par téléphone au 01 47 00 25 20 ou sur www.maisondesmetallos.org / Tarifs : entre 10 € et 14 € – Du mardi au vendredi à 20 h. Samedi à 19 h, matinée le dimanche à 16 h. Durée : 1 h 20 Mise en scène : Mireille Perrier Avec : Benjamin Barou-Crossman, Stéphanie Farison, Joël Hounhouénou Lokossou, Mireille Perrier Leçon de corruption "Volpone ou le renard" par L’argent rend fou, ceux qui n’en n’ont pas comme ceux qui l’amassent, c’est ce que voulait montrer Benjamin Jonson dès 1606 dans sa plus célèbre pièce, « Volpone ou le renard ». Ce personnage, sorte d’Harpagon britannique, est doté d’un goût prononcé pour le jeu de dupe. Roland Bertin, retraité de la Comédie-Française, l’incarne avec beaucoup de justesse, de talent et de finesse. Les courtisans s’aglutinent au chevet de celui-ci, se faisant passer avec la complicité de son valet (Nicolas Briançon) pour mourant. On assiste à un grand bal des faux-culs, plein de fausseté et de stratagèmes, chacun y va de ses présents pour se faire coucher sur le testament. Empoisonnement, tentative de fiançailles, étranglement et prostitution s’installent à merveille dans ce beau décor de théâtre composé de coffres forts sur deux étages, offrant la possibilité d’une mise en scène dynamique et créative. Une mention particulière pour Grégoire Bonnet, incarnant un Corvino à la gestuelle d’agent immobilier maniaque. Texte noir, acide, sombre et profondément cynique, Volpone a été ré-adapté par Briançon lui même. Mordant, tordant, on entend chaque syllabe et l’humour qui s’en dégage est incisif et proprement irrésistible. Les propos dessinent une image de l’argent comme étant un tuteur, cultivateur de désir, idée décrite avec de belles allégories et autres métaphores. On y voit aussi clairement le pouvoir des gens de l’ombre (ici, le valet), dirigeant à la baguette le jeu voulu par son maître, et auquel ce dernier se fera prendre par excès de gourmandise. Tant il est vrai que la pièce dénonce ce que le genre humain peut faire pour l’argent, elle est aussi un tableau sans complaisance de ce que sont prêtes à faire les riches personnes pour s’amuser et se sentir exister. Volpone qui apparaît en Michou (le bleu en moins) en début d’acte 2 pour n’être pas reconnu des gens dans la rue, illustre la futilité à merveille. Il est aussi effroyablement crédible lorsqu’il joue les vieux pervers lubriques avec la femme d’un autre et presque bouleversant quand il se retrouve sans fortune face à la seule personne en qui il avait confiance. L’argent donne tous les droit aux riches, puisqu’avant son déclin, le vieil animal sera au cœur d’un procès qu’il gagnera avec toute l’aisance que permet une bourse bien pleine aux yeux d’une justice Grandiose ! aussi corrompue que l’âme humaine. Enfin, Nicolas Briançon a fait le choix d’un final légèrement différent de la pièce originale, une conclusion diabolique, bien emmenée après deux heure de jeu très prenantes. Pratique : Actuellement au théâtre de la Madeleine, 19 Rue de Surène (8e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 42 65 07 09 ou sur www.theatremadeleine.com / Tarifs : entre 17 € et 54 €. Durée : 2 h 05 Texte : Ben Jonson Mise en scène : Nicolas Briançon Avec : Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet , Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc Lee Jeffries, le photographe illusionniste Les mots de Bukowski sonnent juste pour expliquer la démarche artistique du photographe Lee Jeffries. Cet artiste originaire de Manchester a commencé par photographier des manifestations sportives avant de se tourner vers la photographie sociale. « Quand je sortirai, j’attendrai un moment et puis je reviendrai ici, je reviendrai et je regarderai de l’extérieur et je saurai exactement ce qui se passe de l’autre côté et là, devant ces murs, je vais me jurer de ne plus jamais me retrouver derrière. » La légende veut qu’il ait volé son premier portrait à une jeune SDF blottie dans son sac de couchage. Honteux d’avoir pris la fuite avant qu’elle ne s’indigne, il serait revenu sur ses pas pour lui parler et aurait changé par la même occasion sa perception de ceux qui devinrent ses modèles de prédilection : les sans-abris. Passer de l’autre côté et là, devant ces murs, jurer de ne plus jamais me retrouver derrière. Rendu célèbre par la chaîne de magasins Yellow Corner, qui vend des reproductions de ses photographies à des tarifs raisonnables, Lee Jeffries jure aujourd’hui qu’il n’oublie pas la dimension humaine de son travail: « J’ai fait un effort pour apprendre à connaître chacun des sujets avant de leur demander leur permission de faire leur portrait. » Finalement, ils sont des centaines à avoir été immortalisés par le maître. Il a fait des rides et de la crasse sa spécialité. Sur son compte Flickr, on peut les observer en série. Ils ont les ongles sales, le nez tordu, des barbes jaunies mais ils sont beaux. En grand illusionniste, Lee nous donne à voir les hommes des marges et en fait des princes. Avec son Canon EOS 5D, il parvient à mettre en lumière toute la noirceur des rues. Il laisse aux modèles leurs filets de bave, leurs sourires édentés et le droit de fumer et nous rappelle par la même occasion que le beau est partout où l’on veut bien le chercher. Devant son objectif, les vieilles femmes se changent en madones et les soûlards ressemblent à de beaux marins. Mais la véritable métamorphose, c’est en chacun de nous qu’elle s’effectue. Le tour de magie, c’est le message que l’œil envoie au cerveau, demandant de faire fi de tout préjugé pour ne plus voir que l’éclat des êtres vivants qui nous entourent. La perfection des marges, la splendeur là où personne ne l’attend. C’est là tout le génie du photographe qui bouscule notre perception du réel et nous fait passer de l’autre côté du mur. Guillermo Calderon met en scène le travail de mémoire chilien Villa + Discurso sont en fait deux pièces politiques du chilien Guillermo Calderon. L’une est une discussion entre descendantes de victimes de la Villa Grimaldi. Lieu de torture sous la dictature de Pinochet. Celles-ci ont pour mission de réfléchir à l’avenir du lieu. L’autre met en scène les mêmes actrices, où elles jouent toutes les trois le rôle de Michelle Bachelet, présidente du Chili entre 2006 et 2010. Le lien physique n’est pas étranger entre les deux textes : Michelle Bachelet a elle-même été détenue dans la Villa Grimaldi. Travail de mémoire Autour d’une table, elles viennent de se rencontrer. Et pourtant ces trois jeunes filles doivent trouver que faire de cet ancien palais de l’horreur qu’a incarné la « Villa ». Créer un lieu de mémoire ? Détruire ces murs qui ont vu les pires souffrances ? Le vote à bulletin secret n’a rien donné, l’une a voté blanc et les deux autres ont voté pour des options différentes. Elles essayent alors de trouver une solution par la discussion. Des paroles, il y en a malheureusement un peu trop dans cette pièce. Créée à l’origine pour être jouée dans les lieux de torture du Chili, la mise en abîme est écartée sur les planches d’un théâtre. Les échanges sont longs et très argumentés. Pas forcément passionnants, on a vite la sensation que ça tourne en rond. Les mêmes réflexions reviennent cesse. On assiste à une bataille de sophistes. L’une créer un musée d’art contemporain au grenier, l’autre équiper un sous-sol de Macs pour que des vidéos sur les des victimes défilent. sans veut veut vies Certes, par ces mots, elles interrogent le travail de mémoire difficile au Chili où la justice est loin d’avoir été rendue. Comment respecter celles de ceux qui ont disparu et comment préserver les prochaines générations de telles horreurs. Travail nécessaire outre-Atlantique, mais processus déjà bien connu en Europe, notamment à cause de la guerre de 39-45. Ici les héroïnes tâtonnent. L’approche choisie par Calderon est très naïve, celle d’enfants qui réfléchissent au passé de leurs parents. Il y a peu d’action, la mise en scène est statique, c’est une réunion autour d’une table, les verres d’eau qui s’empilent sont le temps qui passe. A tour de rôle, elles vont aux toilettes et les deux restantes tentent de savoir qui a voté blanc lors des premières minutes de la pièce. Elles tentent de se manipuler, chacune y met de sa vie personnelle pour convaincre les autres jusqu’à ce qu’elles se rendent compte qu’elles ont un terrible point commun… Les adieux d’une politique Une brève transition plus tard et nous voilà face à trois visages qui ne sont qu’un seul personnage, celui de Michelle Bachelet. Un carré de lumière sur scène délimite le pupitre. Un verre d’eau est posé au sol, comme un outil indissociable du bon fonctionnement du disours. Michelle sont là, face à nous, et là, l’exercice est sublime. Si on peut piquer du nez pendant la première partie, la seconde nous tient en haleine avec force. La présidente a décidé de ne pas suivre son discours écrit pour faire ses adieux au pays, elle veut se laisser aller. Exprimer librement les trois faces de sa personnalités, trois visages et une multitude d’expressions possibles. En pratique et sur scène, ça donne des croisements de phrases, parfois l’une commence, l’autre hésite et la dernière tranche. D’autre fois, c’est dit à l’unisson. C’est excellent et on voit là tout le talent de ces jeunes actrices. Elles sont une femme politique rêvée : sincère, cordiale, mais avec ses travers, en un mot, humaine (enfin!). On l’imagine aisément partageant notre vie. Un peu pessimiste, surtout réaliste, drôle bien sûr. Finalement, Villa + Discurso c’est une première partie éprouvante, une seconde captivante. Peut-être un peu longue, un peu trop de gauche aussi (les personnages se déclarent comme tels toutes les trois phrases), mais c’est un travail intéressant qui mérite, si ce n’est de l’intérêt, une belle curiosité. Pratique : Dans le cadre du Festival d’Automne, jusqu’au 19 octobre au théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses (18e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 53451717 ou sur www.festival-automne.com/ / Spectacle en espagnol surtitré en français. Durée : 2 h 15 Texte et mise en scène : Guillermo Calderon Avec : Francisca Lewin, Macarena Zamudio, Carla Romero Mailles à l'envers - Marlène Tissot La cruauté de la vie n’épargne pas la narratrice de cette histoire, une petite tête blonde. Sous la plume d’une enfant, d’une adolescente et d’une jeune adulte, les faits les plus cruels et révoltants sont parfois bien peu de choses. Naïveté de l’écriture, innocence de l’enfance, la vie et ses méandres apparaissent comme un concours de circonstances perdu d’avance. De l’ivresse alcoolique du père à la débauche amoureuse de la mère : la cellule familiale de la narratrice est en perpétuelle mitose, perpétuelle séparation reproduisant à l’infini le même cauchemar. La violence du quotidien la frappe de plein fouet. Toutes les violences y passent : verbales, physiques, psychologiques. C’est trop pour une seule et même personne, surtout quand cette jeune personne sort tout juste de l’enfance ou de l’adolescence. Extrait 1 : « C’était pas de la jalousie que j’avais au fond du ventre. Pour ça, il aurait fallu de l’amour. Et l’amour, j’y étais réfractaire. Mon coeur dormait dans un congélateur. Mais la fidélité avait un je-ne-sais-quoi d’essentiel à mes yeux. Le genre de truc un peu étrange, un peu magique, auquel j’avais besoin de croire. » Marlène Tissot nous emmène, vous l’aurez compris, dans un récit fort, dont on ne peut sortir indemne. Dans ce premier roman, elle jongle entre les âges de sa narratrice, entre ses souffrances, ses peurs, ses espoirs, aussi maigres soient-ils. L’écriture est à l’image de celle qui écrit son journal : crue, amère et directe. Parfois un peu trop directe d’ailleurs, où l’on regrette alors le choix de l’auteure de se fondre complètement dans la peau de son personnage, s’attacher à un langage se voulant enfantin / adolescent, et s’y retrouver comme coincée. Une traversée de la souffrance humaine (hélas) ordinaire. Poignant. Saisissant. Extrait 2 : « J’ai obtenu mon bac. Haut la main, avec un putain de mention. Val était recalée. Apparemment, elle s’en foutait. On s’est bu un jus au bistrot d’à côté. Puis elle m’a raccompagnée. Rocade. Cent quarante kilomètres à l’heure. Sa rage un peu plus appuyée sur l’accélérateur. Sirotant les feux rouges comme des grenadines. Bercée par le cri du moteur, je me suis remise à espérer un accident. Un truc violent, rapide, définitif. Histoire de clore le chapitre en beauté. Mais j’étais pas seule dans la carlingue. » Mailles à l’envers, de Marlène Tissot Editions Lunatique www.editions-lunatique.com 156 pages Date de parution : février 2012 Savages - Le mythe des bons sauvages ? Deux jeunes entrepreneurs babacools et beaux gosses, à la tête d’un business florissant de marijuana, sont confrontés à un cartel mexicain. Si belle que soit la gueule (cassée) de l’ancien marine Taylor Kitsch (Chon) et si intello botaniste que soit Aaron Johnson (Ben)… les rebondissements ne se feront pas trop attendre. En effet, qui dit narcotrafic dit… gros fusils qui font pampam, mallette pleine de biftons, rendez-vous au milieu du désert (avec des gros 4X4) et du sang qui gicle… en finalité. Alors, qui sont donc les sauvages ? Nos gentils entrepreneurs beach boy ou les vilains narco mexicains?! Savages, le dernier film d’Oliver Stone, est doté en substance des ingrédients habituels des films de ce réalisateur multioscarisé : une intrigue bien ficelée, de la testostérone et des bigs stars américaines. Mais contrairement à JFK ou World Trade Center ou encore son reportage sur la Palestine Persona non grata on ne retrouve pas dans ce film les sujets polémiques qui lui sont chers. Nous avons affaire à un film d’action un vrai, un sympa… mais pas plus que ça. Ce qui est chouette : Une esthétique californienne lumineuse avec une B.O punchy. Le héros de Kick Ass Aaron Johnson qui a bien grandi et pris du poil de la bête! Un trio amoureux pimenté, sulfureux et intriguant. 2 hommes pour une femme, la rayonnante Blake Lively. Benicio Del Toro en mécréant moustachu, sans scrupules est parfaitement répugnant dans le rôle de Lado. Il est aussi repoussant dans ce rôle qu’il pouvait être fascinant dans celui du Che, c’est dire. Ce qui est très bof : Elena la « daronne de la drogue » très haute couture et qui a une haute opinion d’elle-même, est interprétée par Salma Hayek qui nous laisse de marbre. Le flic véreux et bedonnant porte les traits de John Travolta. Rien de « greasant » John a pris un coup de vieux radical mais reste assez fun. Une fois le décor posé et l’intrigue lancée, ce film est comme un train (pas un TGV en plus) on sait pertinemment quelles gares il va desservir et ça n’est pas parce que le réalisateur propose deux fins que l’issue en est plus inattendue. Si Oliver Stone, du haut de ses 66ans, a déjà prouvé qu’il savait se lâcher et bien là il ne nous convainc pas… dommage ça aurait pu être vraiment (plus) drôle. Enfin, l’apologie totale de la drogue douce (et moins douce) à base de scènes très poétiques et de culture massive laisse de même planer quelques petites questions… Le film est une adaptation cinématographique du best-seller homonyme de Don Winslow, un bon divertissement en somme mais trop « mou du genou » pour passer dans la catégorie bijou. Savages n’est qu’un petit brillant sur le côté de la couronne de Monsieur Oliver Stone. Il y a tout de même de quoi éclairer un dimanche après-midi... Réalisé par : Oliver Stone Scénarisé par : Shane Salerno Avec : Blake Lively, Aaron Johnson,Taylor Kitsch, Salma Hayek, Benicio Del Toro, John Travolta. Savages Merlin enregistre la "Dernière bande" Copyright : Brigitte Enguerand Bon, quand on va voir Samuel Beckett, on sait que le metteur en scène devra nicher son travail au milieu des didascalies originales. Les ayants droits de l’auteur n’autorisant que l’on monte l’une de ses œuvres uniquement si elle est respectée à la virgule près. Cette « Dernière bande » a donc les traits communs (outre le texte) de toutes les autres. Krapp (Serge Merlin) va commencer par manger une banane, puis en mordra une seconde avant de la jeter. Il va aussi « fouiller dans la pile de bobines » ou encore « se lever brusquement pour partir derrière un rideau, duquel on va entendre un bruit de vaisselle qu’on cogne ». La possibilité de mise en scène et de différentiation par rapport aux autres versions est donc ailleurs, mais dans le travail d’Alain Françon elle ne saute pas aux yeux. Ici, Serge Merlin est excellent, il respecte parfaitement le souhait de l’auteur. Faire de Krapp un vieil homme qui enregistre sa dernière bande (audio). C’est le même rituel à chaque anniversaire. Ce soir là, après avoir écouté la bande de ses 39 ans, il en prend une nouvelle au fond du tiroir (comme indiqué dans les didascalies), et il s’énerve contre celui qu’il a été, se reproche la perte du bonheur affectif, hurle dans le micro sa noire solitude. Beckett a instauré un décalage volontaire dans le personnage, ce qui ne le rend ni touchant ni énervant, juste seul, c’est tout. Il est même plus drolatique que triste, difficile à cerner. Et Serge Merlin est cela. Plongé dans un beau décor (toujours très respectueux des didascalies : un bureau au centre, l’obscurité tout autour…), les lumières (de Joël Hourbeigt) sont très belles, rebondissant dans les orbites et les rides de l’acteur. C’est en elles que réside la beauté de la pièce. Françon, lui, en faisant cette mise en scène, a voulu donner à cette pièce l’essence que son auteur lui a originellement insufflée. Le résultat est donc fidèle et nul doute que Beckett en serait ravi. Sauf que l’écrivain a disparu en 1989… Espérons qu’un jour nous verrons le monde moderne s’accaparer cette pièce si elle n’était pas prisonnière de ses indications de texte. Vous l’aurez compris, cette « Dernière bande » est très réussie, mais la plume de Beckett continue de vieillir dans un monde qui (bien évidemment) a changé. Pratique : Actuellement au théâtre de l’Oeuvre, 55 rue de Clichy (75009, Paris) – Réservations par téléphone au 01 44 53 88 88 ou sur www.theatredeloeuvre.fr / Tarifs : entre 10 € (- de 26 ans) et 30 € (plein tarif) – Du mardi au dimanche. Durée : 1 h 05 Mise en scène : Alain Françon Avec : Serge Merlin Murat met en scène Arditi dans "Comme s'il en pleuvait" à l'Edouard VII Bruno (Pierre Arditi) et Laurence (Evelyne Buyle) habitent dans le 15e arrondissement de Paris. Leur vie est celle de petits bourgeois, simple et sans prétention. Un soir, Bruno rentre de l’hôpital où il est anesthésiste et trouve 100 euros sur la table. Le lendemain, 1400 euros apparaissent comme par magie au même endroit. Et leur chance ne compte pas s’arrêter en si bon chemin… Cette comédie contient tous les ressorts du théâtre de divertissement : un couple auquel le public s’identifie aisément, des personnages annexes qui sont des caricatures (de voisins et autre femmes de ménage espagnole), et enfin, il est montré que le rêve une fois réalisé n’est pas toujours si rose. Bruno devient fou de tout ce fric, sa femme panique à l’idée de se retrouver riche. Quand il revient d’une journée de shopping, des dizaines de sacs griffés des plus grandes marques jonchent le sol autour du canapé. Manifeste du droit au bonheur, qui montre que l’argent n’y contribue que modestement, « Comme s’il en pleuvait » porte un message semblant naïf mais il est bien conduit par le texte de Sébastien Thiéry. Comment renie-t-on nos idéaux pour un costume Dior ? On rit, la pièce est rythmée, le couple moderne Arditi – Buyle fonctionne très bien et nous mène à une chute complètement inattendue à la Ionesco après de multiples rebondissements qui nous tiennent en haleine pendant toute la pièce. Un bon moment en compagnie du malheur des autres, en somme. Pratique : Actuellement au théâtre Edouard VII, place Edouard 7 (9e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 47 42 59 92 ou sur www.theatreedouard7.com / Tarifs : entre 20 € et 53 €. Durée : 1 h 30 Texte : Sébastien Thiéry Mise en scène : Bernard Murat Avec : Pierre Arditi, Evelyne Buyle, Gilles Gaston-Dreyfus, Véronique Boulanger. May Day - La rencontre Maud Naïmi, la voix du duo May Day s’est prêtée au jeu et a répondu longuement à la petite question posée par Arkult. Parce qu’après avoir écouté en boucle leur premier album Somewhere to be Found, ça nous turlupine… [Arkult] May Day / Votre 1er album est-il un appel à l’aide ou un appel au rêve et au voyage ? [Maud] « Ni l’un ni l’autre, à vrai dire. D’abord « May Day » ne vient initialement pas du SOS international, c’est bien May Day en deux mots, comme le premier mai. Le projet était solo au départ, et on a conservé son nom initial. J’ai toujours eu une affection particulière pour le mois de mai durant lequel le hasard fait qu’il m’arrive souvent quelque chose de bien. Donc l’idée au fond était peut-être d’attirer les bonnes ondes. Ensuite, et surtout, au commencement, j’ai enregistré les premières démos guitare/voix des premières chansons (dont celles de « Meet My Love », notre premier EP) avec un MD (MiniDisc) et M et D sont les deux consonnes de mon prénom, donc je cherchais – bêtement – quelque chose qui tournerait autour de ces deux lettres. May Day s’est imposé pour les raisons pré-citées. Si c’était aujourd’hui, comme j’enregistre les démos que j’envoie à Julien sur mon iPhone, peut-être qu’on s’appellerait iayPay! Pour en revenir à « Somewhere to be Found », il a été écrit quasi intégralement en dehors de chez moi (dans un avion audessus de l’Atlantique, dans des trains, des métros, à la campagne, chez mes parents, …) mais je ne l’ai réalisé qu’a posteriori, et qu’en me rendant compte que toutes les chansons avaient un dénominateur commun: la notion d’appartenance. J’englobe là-dedans les liens humains, ceux qu’on crée, ceux qu’on souhaite, ceux qu’on fuit, ceux qui se brisent, ou bien la famille, le foyer, la maison, comme la quête personnelle de chacun, donc en résumé : ce de quoi on est fait, ce qui nous habite. Pour moi, la résultante est plus complexe qu’un appel au voyage ou au rêve, quoique les deux soient apparemment bénéfiques, dans mon cas, à la création. Malgré ça, « Somewhere to be Found » n’est pas un album concept, il ne raconte pas nos dernières vacances et n’a pas non plus volonté à inciter à une chose ou une autre. Les chansons sont toutes différentes, évoquent des histoires et des situations différentes, des personnes toutes différentes, et ont été réalisées comme telles, chacune avec leur individualité. Et comme nous sommes tous différents, j’aime à penser que chacun préfèrera une chanson de l’album parce que la musique et /ou le texte lui parleront plus que les autres, oui, peut-être en le faisant rêver ou en le faisant voyager. Dans sa globalité, ce disque ne sert pas un but unique, même si pour moi, oui, c’est un album mobile, écrit en mouvement. Il sera toujours reçu différemment selon où l’on est, où l’on va et le chemin qu’on prend. Mais s’il pouvait avoir un pouvoir, celui que j’aimerais qu’il ait c’est celui d’accompagner les gens, là où ils sont, là où ils vont, sur leur chemin à eux. » May Day que vous aviez découvert ici ou alors que vous allez découvrir bien vite car une interview comme celle-ci vous aura forcément intrigué, n’est-ce pas?! "Vous n'avez encore rien vu" - Cet étrange objet du cinéma Un O.C.N.I., Objet Cinématographique Non Identifié. C’était mon premier Alain Resnais. Ne vous attendez donc pas à des parallèles à répétition, des analogies avec ses précédents films, une analyse systématique de l’évolution de son style et de sa pensée dans le temps … Non, vraiment, rien de tout ça. Simplement cet étrange sentiment qui gagne le spectateur tout au long de la séance. L’ennui guette, il sent qu’il aurait une place attitrée dans un tel film, personne n’oserait la lui contester. Et pourtant il guette, mais ne trouve pas l’occasion de s’immiscer dans la tête du spectateur. Car ce que nous propose Alain Resnais dans son film est une véritable performance artistique, un coup magistral tant dans l’histoire du cinéma que du théâtre. Imaginez plutôt voir se représenter devant vous deux (voire trois) écoles du théâtre, autour d’une seule et même pièce, Eurydice de Jean Anouilh. Forcément, l’envie primaire est à la comparaison, « le théâtre classique est quand même plus fidèle », « les mises en scène modernes sont vraiment spéciales » … Vous savez ce même « spécial » utilisé par Xavier Dolan dans Laurence Anyways … Ce « spécial » passepartout et pourtant tellement signifiant, synonyme de rejet, de dégoût. Puis une fois la comparaison rapidement épuisée de son sens et de son intérêt, surgissent l’intérêt et la complémentarité. Il n’y a clairement pas une unique vision d’une même pièce, ni d’une même mise en scène. On touche alors à l’épineuse question de la liberté laissée à l’acteur par son metteur en scène. Et de ce que le metteur en scène recevra de la part de ses acteurs pour enrichir sa mise en scène, et la rendre unique. Car c’est bien là l’essence de la pièce. Prétexte pris du décès d’un metteur en scène les ayant réunis par le passé pour jouer Eurydice, 14 acteurs se retrouvent en huis clos dans une cérémonie orchestrée par le majordome du défunt pour donner leur point de vue sur une mise en scène moderne de cette même pièce. Formidable mise en abyme du jeu théâtral. Bouleversants hommages à ses acteurs, jouant leur propre rôle. Mais jusqu’où est-ce le rôle pensé par le metteur en scène, et où commence la personnalité de l’acteur ? Mention toute particulière et très personnelle pour quatre d’entre eux : Pierre Arditi, impressionnant, Michel Robin, touchant, Azéma, saisissante. Mathieu Amalric, inquiétant et Sabine Réalisation : Alain Resnais et Bruno Podalydès (pour la captation Eurydice par la Troupe de la Colombe) Scénario : Laurent Herbiet, Alex Reval1, d’après Eurydice (1942) et Cher Antoine ou l’Amour raté (1969) de Jean Anouilh Musique : Mark Snow Distribution: Sabine Azéma : Eurydice 1 Anne Consigny : Eurydice 2 Pierre Arditi : Orphée 1 Lambert Wilson : Orphée 2 Mathieu Amalric : monsieur Henri Michel Piccoli : le père Anny Duperey : la mère Denis Podalydès : Antoine d’Anthac Jean-Noël Brouté : Mathias Hippolyte Girardot : Dulac Michel Vuillermoz : Vincent Andrzej Seweryn : Marcellin Michel Robin : le garçon de café Gérard Lartigau : le petit régisseur Jean-Chrétien Sibertin-Blanc : le secrétaire du commissaire La troupe de la Colombe Vimala Pons : Eurydice Sylvain Dieuaide : Orphée Fulvia Collongues : la mère Vincent Chatraix : le père Jean-Christophe Folly : monsieur Henri Vladimir Consigny : Mathias Laurent Ménoret : Vincent Lyn Thibault : la jeune fille et le garçon de café Gabriel Dufay : le garçon d’hôtel "La Mouette" et "Oncle Vania" mettent le turbo Ces deux mises en scène de Christian Benedetti avaient eu tellement de succès au Théâtre Studio d’Alfortville que l’Athénée les reprend pour une quinzaine de jours en alternance avant le départ de la troupe en tournée. La Mouette et Oncle Vania méritent l’engouement qu’elles ont engendré ces dernières années. La Mouette dure 1 h 45, Oncle Vania 1 h 20. Cette brièveté n’est pas due à une découpe à la faux dans les phrases de Tchekhov, mais à un rythme vertigineux dans lequel nous plonge l’équipe. Pas le temps de s’ennuyer ! Dans les deux pièces, les personnages bondissent sur scène et parlent et piaillent jusqu’aux limites de l’inaudible (sans jamais s’y fourvoyer). Et afin de ne perdre personne en route, Benedetti a installé de longs moments de silence (parfois jusqu’à une minute) afin que chacun reprenne son souffle avant de repartir de plus belle. Chaque comédien se plie au jeu sans le faire au détriment de la construction du personnage. Ils sont tous excellents. La doyenne, Isabelle Sadoyan (Marina dans Oncle Vania) en est la preuve (très!) vivante. On reste bouche bée par tant de maîtrise et d’humanité dans l’interprétation de chaque rôle. Chacun y allant de sa petite pointe de folie contenue, ou non … puisque la limite est franchie avec talent par Florence Janas dans La Mouette et Pierre Banderet dans Oncle Vania. Pour autant, la ruralité, l’esprit provincial des pères, l’idéalisme face au pessimisme (La Mouette), l’ennuie et la dureté de la vie poussant à un cynisme extrême (Oncle Vania) sont très présents et visibles dans les deux mises en scène. Deux sujets différents et pourtant les deux pièces marchent avec force dans ces deux mises en scène très proches l’une de l’autre. Place est laissée à une scène presque vide. Quelques chaises, une petite estrade, quelques draps et la vodka font l’affaire. Un samovar indique le salon (Oncle Vania) et un tissu pendu sur un cadre indique la scène de théâtre (La Mouette). Ce théâtre qui est utilisé dans son ensemble. Le hors champ est partie intégrante de la création. Et par ce procédé, le spectateur se sent au cœur de l’intrigue collégiale tchekhovienne. Grandiose. Pratique : Jusqu’au 13 octobre (en alternance) au théâtre de l’Athénée, Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau (75009, Paris) – Réservations par téléphone au 01 53 05 19 19 ou sur http://www.athenee-theatre.com / Tarifs : entre 12 € et 32 €. Mise en scène : Christian Benedetti Avec : La Mouette : Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Christophe Caustier, Philippe Crubézy, Marie-Laudes Emond, Laurent Huon, Florence Janas, Xavier Legrand, Jean Lescot (ou Jean-Pierre Moulin) et Nina Renaux. Oncle Vania : Pierre Banderet, Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Philippe Crubézy, Laurent Huon, Florence Janas, Judith Morisseau, Isabelle Sadoyan. Tournée : La Mouette Du 12 novembre au 1er décembre 2012, Théâtre-Studio (en alternance avec Oncle Vania), Alfortville Du 11 au 13 décembre 2012 au NEST-Théâtre, centre dramatique national de Thionville Le 11 janvier 2013 au théâtre Jean-Marais, Saint Fons Les 14 et 15 janvier 2013 au théâtre Gérard-Philippe, Champigny-sur-Marne Du 23 au 25 janvier 2013 à la Scène Nationale de Cavaillon Le 26 janvier 2013 au Centre culturel La Ferme des Communes, Serris Le 1er février 2013 à Ermont-sur-Scènes, Ermont Le 2 février 2013 au Centre culturel des Portes de l’Essonne, Juvisy-sur-Orge Du 5 au 9 février 2013 au Théâtre des Deux-Rives, centre dramatique régional de Rouen Le 12 février 2013 au Tanit Théâtre / La Filature, Lisieux Le 15 février 2013 au théâtre de Fontainebleau Le 12 mars 2013 au théâtre de la Place, AndrézieuxBouthéon Le 2 avril 2013 au théâtre de Rungis Le 4 avril 2013 au théâtre du Cormier, Cormeilles-enParisis Le 19 avril 2013 au Centre culturel Aragon-Triolet, Orly Du 20 au 23 avril 2013 au théâtre de l’Ouest-Parisien, Boulogne Billancourt Oncle Vania Du 12 novembre au 1er décembre 2012 au Théâtre-Studio (en alternance avec La Mouette) Du 24 au 27 octobre 2012 au théâtre de Beauvaisis – Scène nationale de l’Oise, Beauvais