L`amour plus grand que tout - Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice

Transcription

L`amour plus grand que tout - Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice
Année LVI – Mensuel
no 7-8 Juillet-Août 2009
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
L’amour plus grand que tout
dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
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Éditorial : Celui qui aime
Revue des Filles de Marie Auxiliatrice
de Giuseppina Teruggi
Via Ateneo Salesiino, 81
00139 Ronii RM
(tél:06/87.274.1 – Fax 06/87.1.23.06
e-mail [email protected]
www.cgfmanet.org
5
-------------
Directrice Responsable
Mariagrazia Curti
Rédacteurs
Giuseppina Teruggi
Anna Rita Cristiano
Collaboratrices
Tonny Aldana * Julia Arciniegas – Mara Borsi Piera Cavaglià - Maria Antonia Chinello Emilia Di Massimo - Dora Eylenstein Laura Gaeta - Bruna Grassini Maria Pia Giudici –Palma Lionetti Anna Mariani–Maria Helena –
Concepcíon Muñoz Adriana Nepi Louise Passero -Maria Perentaler –
Loli Ruiz Perez –Rossella Raspanti Lucia M. Roces - Maria Rossi -
Traductrices
Cénacle ouvert :
L’amour plus grand que tout
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France : Anne-Marie Baud
Japon : ispettoria giapponese
Grande Bretagne : Louise Passero
Pologne : Janina Stankiewicz
Portugal : Maria Aparecida Nunes
Espagne :Amparo Contreras Alvarez
Allemagne:Provinces Autrichienne et Allemande
EDITION EXTRACOMMERCIALE
Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice –
00139 Roma,Via Ateneo Salesiano, 81 –
C.C.P.47272000
Reg. Trib. Di Roma n° 13125 del 16-1-1970
Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c, Legge
662/96 – Filiale di Roma
N° ¾ Mai-Juin 2009
Tipographia Istituto Salésiano Pio XI
Via Umbertide 11,00181 Roma
Maria Rossi -
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Les femmes et la parole :
L’étrangère des miettes
16
Vie consacrée :
Service d’autorité
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ANNEE LVI
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Oecuménisme: Témoins d’unité
MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
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Fil d’Ariane : L’écoute en premier
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Jeunes.com :
Twittermanie ?
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Sites :
28
Recension des sites web
Coopération et développement :
Solidarité à plein temps
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Pastorale :
La précarité… Jusqu’à quand ?
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40
Vidéo : Le millionnaire
42
Livre :
Les effets secondaires des rêves
Polis :
La disparition
des preuves
44
Camille :
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C’est le moment de communiquer
------------3
dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
éditorial
Celui qui aime
Giuseppina Teruggi
Le choix de vivre la spiritualité de communion,
priorité du XXI CG, trouve sa continuité dans le
thème de l’amour, duquel nous sommes
appelés à être signe et expression et qui rythme
les chemins personnels et communautaires de
ces années. «L’amour grandit par l’intermédiaire de l’amour », fait remarquer Benoît XVI.
Il est donc nécessaire de l’exprimer dans des
gestes quotidiens qui sont les signes vraiment
compris des gens. Un signe qui convainc c’est
l’être ensemble avec le style du «cénacle
ouvert», de la maison accueillante, espace pour
croître en humanité, lieu d’où s’active un
processus de conversion continuelle à l’amour.
Ce numéro de la Revue nous invite à confirmer
que plus grand que tout est l’amour.
Dans le dossier aux rubriques variées, décline
la réalité de l’amour qui comporte quelques
éléments certainement à compléter aujourd’hui
par cette Hymne à la charité à laquelle l’apôtre
Paul a offert les rythmes fondamentaux dans sa
lettre aux chrétiens de Corinthe.
Celui qui aime cultive l’espérance résiste aux
désillusions, aux difficultés, aux échecs. Avec
une capacité d’endurance qui n’est pas
seulement une capacité à résister à ce qui est
hostile, mais une attitude confiante dans les
confrontations de la vie et de l’histoire.
Celui qui aime cherche l’unité et ne tolère pas
les divisions. Ils sont nombreux à nous le
rappeler les petits comme Fatima, une fillette
de 11 ans lorsqu’elle écrit : «Dans la ville où je
vis il y a de nombreuses personnes qui
viennent de partout…Je voudrais un monde
où chacun puisse vivre avec ses principes,
respectant les autres, un monde dans lequel
les pauvres disparaîtraient».
Celui qui aime choisit la solidarité. Ainsi en
tant qu’Institut, on insiste beaucoup aujourd’hui sur le choix de l’économie solidaire où à
la base il n’y a pas la préoccupation de
l’inutile ou du profit, mais la personne, la vie
en abondance pour tous, la vie selon
l’évangile.
Celui qui aime vit la mission comme service.
Dans ce numéro du DMA on parle surtout par
rapport à qui a un mandat d’autorité, appelé
en premier lieu à promouvoir la dignité de la
personne dans l’estime, la confiance, la
charité.
Celui qui aime sait écouter. L’écoute est une
capacité précieuse : elle permet de se mettre
dans la peau de l’autre, s’établissant dans
une attitude d’écoute sans préjugés, privilégiant la disponibilité. L’écoute est une dimension du cœur.
Celui qui aime réalise une bonne communication, soit avec les anciennes comme avec
les nouvelles technologies, qui peuvent devenir
instrument de «nouvelles relations et promouvoir
une culture du respect, du dialogue, de
l’amitié». (Message GM communications
sociales 2009).
[email protected]
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Cénacle ouvert :
L’amour plus
grand que tout
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
Cénacle ouvert :
L’amour plus grand que tout
Julia Arciniegas et Maria Antonia Chinello
La Programmation du Sexennat 2009-2014
désormais consignée à tout l’Institut, présente
les lignes d’orientation proposées aux communautés éducatives locales et provinciales pour
les six prochaines années.
«Ensemble, avec Marie, Mère de l’Eglise
naissante, qui a accompagné les apôtres dans
l’attente de L’Esprit Saint et dans la mission
évangélisatrice, nous renouvelons la prise de
conscience de la nécessité et de la valeur de la
communauté éducative». Voilà l’introduction du
4ème Chemin de conversion à l’amour, qui
continue ainsi : «Nous reconnaissons que la
communauté éducative est un signe qui rend
visible l’amour de Dieu et que nous sommes
appelées à croire que l’amour prévenant est
plus efficace quand nous en témoignons
ensemble, comme communauté éducative.»
(Programmation du Sexennat, 16).
La Pentecôte et le don de la charité
La transformation expérimentée par la
communauté des apôtres, réunie avec Marie au
Cénacle, s’explique seulement ainsi : Jésus a
accompli la promesse qu’il leur avait faite, il
demeurera toujours avec eux. Il a envoyé son
Esprit dans le cœur de ceux qui, même s’ils
n’ont pas cru totalement en lui, ont écouté sa
parole et partagé le pain avec lui. La Pentecôte
a réalisé le miracle de faire tomber toutes les
résistances et a fait que toutes ces personnes
peureuses et découragées reçoivent une force
venue d’en haut. Cette force est la charité, le
feu de l’amour que l’Esprit Saint a répandu
dans leur coeur comme premier don du Christ
Ressuscité. Cette présence nouvelle du Seigneur
dans leur vie infuse aussi en eux le courage
d’aimer les autres de la manière la plus gratuite.
La charité est chemin de communion. Les fruits
de l’Esprit sont amour fraternel, joie, paix,
patience, bienveillance, bonté, fidélité, douceur,
maîtrise de soi (cf. Gal 5,18-22.25).
L’amour pour les autres se vit avant tout à
l’intérieur de la communauté éducative. “Aimezvous les uns, les autres, comme je vous ai
aimés… Ce qui montrera à tous les hommes
que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que
vous aurez les uns pour les autres” (Jn13, 34).
L’effusion de l’Esprit, accompagnée du vent et
du feu, remplit toute la maison et les apôtres
commencent à parler d’autres langues, annonçant la bonne nouvelle de la résurrection du
Christ. Pour la communauté des apôtres, il
s’agit vraiment d’un baptême de feu (cf. Mt
3,11), une sorte de nouvelle création (cf. Actes,
18). Ce feu a la mission de transformer ceux
qui doivent annoncer, à toutes les nations, le
même message, celui de l’amour de Dieu pour
chaque personne, rendu visible dans le visage,
la vie de Jésus de Nazareth.
L’image du feu, souvent utilisée par Saint Jean
de la Croix pour décrire les expériences de la
vie spirituelle, fait comprendre que c’est toujours le
même amour qui agit et illumine les personnes.
L’amour du Christ est ce “feu intérieur” qui donne
force et passion, soutient notre faiblesse,
augmente notre énergie et donne vivacité et
fantaisie d’expression à notre amour. La
communauté éducative qui se laisse transfigurer par ce feu devient signe de l’amour de
Dieu, à travers le partage, la collaboration et la
coresponsabilité dans la mission commune.
Se convertir et croire à l’Evangile
Le Chapitre nous a redit que nous sommes
appelées à nous convertir sans cesse et à
adhérer sans conditions à l’Evangile pour être
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ANNEE LVI
des personnes et des communautés transfigurées.
Ces deux verbes sont complémentaires : ils
expriment une unique orientation : changer de
direction dans notre vie et orienter notre existence
vers Dieu. Ces deux expressions se retrouvent au
début de la prédication de Jésus. Marc, décrivant
le commencement du ministère de Jésus, écrit :
«Les temps sont accomplis et le règne de Dieu est
proche, convertissez-vous et croyez à l’Evangile»
(Mc 1,14-15).
Dieu n’est pas loin, il s’est fait proche et sa
présence est désormais expérimentable et
perceptible dans notre vie. Si Dieu est présent,
inévitablement un changement de direction est
nécessaire, une conversion : abandonner les idoles
qui remplissent notre vie, notre orgueil, notre ego.
Croire en l’Evangile signifie croire à la bonne
nouvelle, à l’annonce de l’amour de Dieu proche
de nous en son fils jésus, organisant toute notre
vie dans une attitude de confiance et d’abandon.
Notre vie est remplie d’activités diverses,
d’engagements à assurer dans les plus brefs
délais, d’échéances à respecter, de responsabilités pour lesquelles nous avons à rendre
compte. Ce sont des engagements matériels et
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spirituels, des organisations, des rendez-vous,
des événements divers… Cependant il est
important que nous mettions beaucoup
d’amour dans tout ce que nous faisons.
Quand Jésus a envoyé prêcher ses disciples,
il leur a demandé de ne rien prendre avec
eux, sauf des sandales et un bâton. Rien
d’autre que cela (Mt 10,10). Tout ce qui
empêche d’annoncer et de vivre l’amour
devient une gêne parce que cela prend de
l’énergie et du temps. Tout ce qui est pénétré
d’amour ne meurt pas parce l’amour du Père
est de toujours à toujours.
Rendre visible l’amour prévenant
L’amour grandit à travers l’amour, écrivait le
Pape dans sa première Encyclique Deus
caritas est (n. 18). Le Cénacle n’est pas une
demeure stable, mais une base de lancement.
Et Marie, présente dans ce lieu, au milieu des
disciples, les aide à ouvrir les portes, à vivre
l’expérience de l’exode et à se mettre en
voyage.
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
“La première évangélisée est devenue la première évangélisatrice. En apportant Jésus aux
autres, elle offre son service, donne de la joie,
fait expérimenter l’amour. Sa sollicitude en
chemin vers Ain Karim et son intuition attentive
aux noces de Cana révèlent le style audacieux,
décidé et créatif de Marie qui pose des gestes
d’amour concrets et solidaires” (Actes 33).
La visibilité de l’amour demande une continuelle
recherche, un incessant aller et retour parce
que les signes parlent et les paroles sont vraies
et remplies de vie.
La communauté est un carrefour où les vies se
croisent, où on se sert les coudes pour
reprendre des forces : comme l’exprime un
dicton du Kenya : “Si tu veux aller vite, cours
seul. Si tu veux aller loin, marche avec d’autres.”
Il y a quelques années, la CII (Conférence Inter
provinciale Italienne) a réfléchi sur la communauté éducative comme icône de nombreuses
vocations. La Trinité a servi de trame aux
réflexions : à partir de la multitude de visages
apparaît le visage de Dieu qui aime, se donne
et sauve en se chargeant de tout le poids de
nos péchés.
Une lettre pastorale de Mgr. Giancarlo Bregantini,
ancien évêque de Locri, apporte des précisions
sur la parole communauté et donne les sens
profonds qu’elle porte en elle. La communauté
éducative est un “nous” qui naît de l’expérience
profonde d’être “réunis” autour d’une même
mission. La communauté est le fruit de relations
profondes, de “communications” intenses qui se
nouent à l’intérieur et autour d’elle. On se sent
communauté comme on se reconnaît dans la
communauté. “Réunion”, “communication”,
“communauté” ont la même racine. En grec
koinòs veut dire “commun”; de là koinonia,
communion. En latin commun veut dire cummunus (don vécu et partagé) et cum moenia
(défense).
Faire l’expérience de la vie communautaire est
simultanément un don, un pain rompu qui se
partage, qui nous rend missionnaires parmi les
gens ; en même temps elle a besoin d’être
préservée dans son identité propre, d’avoir
des limites et des règles précises. Ces deux
aspects, don et défense, sont tous les deux
nécessaires à la communauté, mais exigent
un équilibre dynamique pour être compris et
vécus.
En fait, une communauté, où les éléments de
défense sont excessivement marqués, est
incapable d’ouvrir ses portes au service des
autres, proches ou lointains, elle ne peut non
plus accueillir les stimulations, les sollicitations,
les apports des autres. D’une autre manière,
une communauté totalement ouverte sur
l’extérieur risque de se perdre dans son
environnement et dans son identité.
Voilà la difficulté quotidienne que la communauté expérimente : vivre le difficile équilibre
entre le don et la défense de son identité.
Seules les communautés animées d’un grand
amour pour les jeunes et leur salut savent
s’ouvrir et réfléchir à leur mission. Et seul
l’amour de la mission vécue communautairement
aide à redéfinir le cadre de la communauté, à
privilégier des espaces pour grandir ensemble.
La communauté est un lieu de vie pour
croître dans l’amour et vivre l’amour
La croissance personnelle et communautaire
implique l’adhésion au projet d’amour que
Dieu a pour chaque personne et sur la
mission que Lui-même confie à l’ensemble
des personnes de la communauté.
Selon cette perspective, A. Grün voit la
communauté comme le lieu dans lequel il est
possible de dialoguer pour activer le processus de conversion vers une qualité de relation
plus profonde, tendant à la plénitude de
l’amour. Dans la communauté, chaque membre
accueillIe la richesse des dons et talents des
autres membres, mais affronte aussi quotidiennement les conflits et les tensions, comme
la critique éventuelle des autres.
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dma damihianimas
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MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Pas seulement des paroles pour dire l’amour
Parle-moi de Dieu (Sergio Tommasi)
Passant par le pré, j’ai demandé à l’amandier :
“Frère amandier, parle-moi de Dieu !” ...et l’amandier se couvrit de fleurs.
Sortant du jardin, j’ai demandé au passereau :
“Frère passereau, parle-moi de Dieu !” ...et le passereau gazouilla joyeusement.
Entrant dans le bois, j’ai demandé aux arbres :
“Frères arbres, parlez-moi de Dieu !” ...et les arbres frémirent sous le vent.
Sautant dans les champs, j’ai demandé à la petite fleur :
“Petite soeur fleur, parle-moi de Dieu !” ...et la fleur me fit sentir son parfum.
Courant sur la plage, j’ai demandé à la mer toute bleue :
“Ma soeur, la mer, parle-moi de Dieu !” ...et la mer envoya une vague sur mes pieds.
Regardant le ciel, j’ai demandé aux nuages :
“Frères nuages, parlez-moi de Dieu !” ...les nuages me montrèrent le soleil.
Qui est Dieu ? Tu le connais ?
Pawel a huit ans et vit avec son père, depuis que celui-ci s’est séparé de sa femme. A son âge,
on cherche des réponses aux pourquoi de l’enfance : quel sens a la vie ? Est-ce que Dieu existe
et qui est-il ? Qu’est ce que l’âme ? Un premier dialogue avec son père autour de ces questions et
les réponses murmurées et imprécises ne l’ont pas satisfait. C’est alors qu’il s’est tourné vers sa
tante Irène :
Pawel – Papa m’a dit qu’on vit pour faciliter la vie à ceux qui viendront après nous. Il a dit aussi
qu’on ne le réussit pas toujours.
Tante Irène – Eh oui, pas toujours. Papa a raison. Ce qui donne de la joie à la vie c’est de pouvoir
faire quelque chose pour les autres. Pouvoir les aider à exister… Réfléchis bien, faire une petite
chose pour quelqu’un, te fait te sentir utile et tout peut devenir plus clair. Il y a de grandes choses
et de petites. Aujourd’hui tu as aimé les raviolis et moi j’ai été contente. Vivre est un cadeau ! Un
don.
Pawel – Dis-moi, tante. Papa est ton frère, n’est-ce pas?
Tante Irène – Bien sûr, tu le sais. Ce que tu veux me demander est : pourquoi sommes-nous si
différents ton père et moi ?
Pawel – (acquiesce)
Tante Irène – Nous avons été éduqués dans une famille catholique. Ton père était plus petit que
toi quand il a découvert que beaucoup de choses peuvent se calculer, se mesurer… et puis il a
commencé à le penser pour toute chose. E depuis lors il est resté sur cette idée. Certaines fois il
ne sera pas du tout convaincu, mais il ne veut pas l’admettre. Certes, sa manière de voir la vie
apparaît plus raisonnable… mais ceci ne signifie pas que Dieu n’existe pas, même pour ton père.
Tu comprends ?
Pawel – Pas beaucoup.
Tante Irène – Dieu existe. C’est très simple, si on le croit.
Pawel – Et tu crois que Dieu existe ?
Zia Irena – OUI.
Pawel – Qui est-il ? Tu le sais ?
Tante Irène – (l’embrasse) : Dis-moi, qu’est-ce que tu sens maintenant ?
Pawel – Je t’aime beaucoup.
Tante Irène – Exact ! Et lui est présent dans cet amour !
(du Premier Décalogue, de Kryzstof Kiewslowki)
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
Pour le partage
communautaire
Le 4ème Chemin de conversion à l’amour
proposé dans la Programmation du Sexennat
2009-2014 demande d’“accompagner les
processus relatifs à l’identité de fma, à la
communauté éducative ouverte aux nouveaux
défis, et à l’inter culturalité de l’Institut”.
En particulier, il demande de “promouvoir
l’identité de fma en aidant les communautés
à vivre dans la fidélité à l’Evangile et au
charisme pour répondre aux urgences d’une
éducation évangélisatrice à la lumière de la
Doctrine sociale de l’Eglise”. Dans une rencontre on pourrait réfléchir sur quelles
conditions sont nécessaires à la communauté pour vivre l’équilibre entre le don et la
défense de son identité.
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Comment préserver des moments pour
réfléchir, regarder de près les expériences communautaires et les revoir à la
lumière de l’Evangile ?
Comment écouter et dialoguer pour faire
naître plus de coresponsabilité ?
Comment être attentives aux demandes
éducatives pour ne pas renoncer et
éduquer l’espérance et à l’espérance ?
Comment vivre une communion plus
intense pour qu’il y ait des projets, la
continuité et la valorisation de l’apport de
tous ?
Comment la personne qui a le service
d’autorité peut définir avec clarté la
mission de chacune pour confier des
responsabilités, prendre soin de la vie,
réorganiser les ressources ?
Comment risquer ensemble la nouveauté
de la mission dans l’incertitude du temps
présent ?
Tout cela peut devenir un potentiel créatif pour
approfondir toujours plus sa connais-sance
personnelle et la gestion de sa propre vie. Nous
avons besoin de la médiation de l’autre, pour
nous aimer et nous accepter réciproquement,
pour apprendre à aimer. Donner et recevoir
gratuitement est le dynamisme de l’amour vrai.
Un amour libre, capable d’exister et de durer
sans être conditionné par la réponse ou par le
mérite de celui à qui il est offert. Donner
gratuitement à la manière de Dieu. Recevoir
gratuitement, en faisant confiance à qui donne,
avec un coeur ouvert et disponible à accueillir.
Ces attitudes, Marie nous les enseigne, elle qui
est maîtresse d’accompagnement réciproque.
Elle, qui est habitée par l’Esprit, prend soin des
amis de son Fils, attend avec eux l’heure
promise par Jésus et devient Mère de la première
communauté missionnaire (cf. Actes, 33-35).
L’amour qui engendre
La communauté est une instance qui se
construit dans le don et dans la réciprocité.
C’est un art de la communion, qui reconnaît
comme guide une autorité qui se fait service et
dans ses membres des frères et des soeurs qui
travaillent ensemble.
Dans la lettre de St Paul à Philémon, il est
possible de retrouver la dialectique du service
d’autorité et de l’obéissance : servir dans la
liberté pour accompagner et ensemble se
convertir à l’amour.
Dans cette lettre, simple billet écrit de la main
de l’apôtre, est concentrée la réflexion faite par
les quatre communautés dépendant de la
supérieure générale et donnée à Mère générale
au cours de la fête de la reconnaissance,
célébrée à Damas.
Le thème du chapitre y apparaît très clairement :
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ANNEE LVI
la conversion à l’amour, en adhérant avec
radicalité aux exigences de l’Evangile. Le fait
d’être consacré totalement au Christ rend Paul
capable d’aimer. Un amour tellement profond qui
lui permet de “négocier la liberté” d’un esclave au
Christ pascal. Il a eu confiance dans la transformation d’Onésime et maintenant il sert de
médiateur entre le patron et l’esclave : un rôle
d’accompagnement difficile et délicat, parce que
Philémon est lié à l’apôtre par une profonde
amitié. Paul est prêt à payer de sa personne, à
endosser les dettes de l’esclave, parce que
l’amour vrai est exigent et a un coût. Jésus est son
Maître : il a appris de Lui la mesure pascale de
l’amour.
Quels sont les signes qui montrent le chemin de
conversion à l’amour ?
-
La relation attentive à la personne : chaque
soeur et chaque jeune est un don de Dieu. Un
don qui invite au respect, au prendre soin, à la
responsabilité.
-
La construction de la communauté est confiée
à chacun/chacune à partir de chaque effort de
dialogue, par l’apport personnel pour créer des
liens, dans les tentatives d’ouverture face à la
diversité, par les actes de confiance dans les
capacités de l’autre, mais surtout dans l’amour
profond et personnel pour le Christ.
-
Le savoir rendre grâce à Dieu pour la charité
et la foi que chaque soeur a pour le Seigneur
Jésus et pour le bien qu’elle accomplit, qui naît
de la capacité d’émerveillement pour ce que
Dieu réalise en chacune.
-
Le faire confiance aux autres, comme Dieu
nous fait confiance : faire confiance aux soeurs
et aux jeunes même quand il nous faut
MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
dépasser des impressions négatives et des
préjugés.
- Le pardon comme acte d’amour évangélique
et le savoir prier pour les autres en les
supportant concrètement pour avoir une
meilleure collaboration dans l’action éducative
et pastorale et conduire à Jésus Christ un
plus grand nombre de frères et soeurs.
- L’exercice de l’autorité ne grandit pas la
personne en voulant imposer quoique ce soit,
mais il peut les aider en accompagnant leur
croissance pour une vie renouvelée, en
favorisant la communion avec la vie même de
Dieu.
Aujourd’hui, dans le déroulement de l’histoire,
les jeunes, les hommes et les femmes ont plus
besoin de gestes que de paroles, de notre
silence expressif, de notre sourire qui ne juge
pas, mais montre beaucoup d’amour : l’amour
du Père qui est mère, frère, soeur.
L’amour d’une Présence qui se laisse habiter,
prenant sur lui le bien et le mal de la personne
qui est en face de lui, pour le vivre ensemble et
chercher ensemble des signes d’espérance.
C’est seulement en donnant et recevant de
l’amour que l’on sent tout le poids de la
béatitude de la vie.
[email protected]
[email protected]
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REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
la
vignette
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ANNEE LVI
MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Approfondissements bibliques
éducatifs et formatifs
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
les femmes
dans la parole
L’étrangère des miettes
Elena Bosetti
Que n’est disposée à subir
une mère pour sa fille malade ?
Que de choses n’est –elle pas
disposée à subir ?
La femme Cananéenne ne se rend pas
face au silence de Jésus,
elle court derrière, le rejoint,
se jette à ses pieds et le supplie :
Seigneur, aides-moi ! » (Mt 15.25).
L'évangile de Marc et de Matthieu laissent
entrevoir un certain développempent dans
la mission de Jésus, lié pas simplement aux
facteurs de caractère historique ou politique,
mais plutôt au discernement progressif du
vouloir du Père. Jésus manifeste avant tout
la conscience d’avoir été envoyé «pour les
brebis perdues de la maison d’Israël» Mt
10,6) ; 15,24). Il a compssion des foules
«harassées et prostrées comme des brebis
sans pasteur» (Mt 9,36), il les nourrit avec
la parole et le pain de vie, prépare une rable
gratuite et festoie sur l’herbe verte, signe
lumineux de son être «venu pour qu’il aient
la vie et la vie en abondance» (cf Jean 10.10).
Jésus nourrit surtout Israël, mais ne reste
pas sur le rivage hébraïque. Il traverse le
lac de Galilée et multiplie aussi le pain sur
l’autre rive, celle des païens. Il est intéressant de noter concrètement que ce soit une
femme, et de plus une païenne, à provoquer
cette ouverture universelle de sa mission : une
«cananéenne» selon Matthieu, une «femme
grecque d’origine syro-phénicienne», précise
Marc (7,26.)
«Du Pain pour tous
La femme pensait probablement qu’un
homme comme Jésus, qui n’avait pas peur
d’entrer dans un territoire païen, était disposé
à aider qui a besoin. Pourtant elle entendit
cette réponse : «Il n’est pas bon de prendre le
pain des fils pour le jeter aux chiens.» Elle
aurait pu s’offenser.
Jésus utilise une phrase proverbiale que la
femme connaît bien, mais à laquelle, certe,
mais qu’elle ne s’attendait certainement pas à
ce qu’il la prononce Dans un langage métaphorique elle savait que l’on disait que les
hébreux sont «les fils» et que les gentils,
auxquels elle appartenait, sont les «petits
chiens».
Le diminutif atténue la dureté mais ne change
pas la substance. Les chiens étaient considérés par les hebreux comme des animaux
impurs et méprisables (cf 1 Sam 24.15 ; Pr
26.11). Mais cette femme ne fut pas offensée ; elle ne fit pas marche arrière. Elle
objecta, au contraire, avec une contre-métaphore : «justement les petits chiens mangent les
miettes qui tombent de la table…»
Avec une bonne dose de finesse et
d’obstination, la syro-phénicienne renversa la
perspective à partir de sa culture et de son
rapport différent avec les animaux en
question : les petits chiens. Elle contrairement, aux hébreux, ne considère pas les
chiens comme des animaux impurs et donc,
peut tranquillement entrer dans la maison et
être sous la table… qui a raison ?
Là n’est pas la question. Mais comment ne
pas convenir que c’est le pain pour tous, à la
table de Dieu ? Comment nier les miettes
surabondantes de la miséricorde divine ?
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dma damihianimas
ANNEE LVI
Qu’il te soit fait comme tu le désires !
Jésus reste impressionné par cette logique
hardie. La femme a bien argumenté son
discours, il est vaincu par cette épreuve verbale.
Jésus accepte sa parole (logos) et la reconnaît
puissante : «Par cette parole, va, le démon est
sorti de ta fille» (Mc 7,29). Parole puissante
parce que pleine de cette énergie vitale qu’est la
foi, comme cela apparaît dans la rédaction de
Matthieu : «Femme, grande est ta foi, qu’il te soit
fait comme tu le désires». (Mt 15,28)
La désarmante insistance de cette étrangère
obtient, non seulement les miettes invoquées (le
salut de sa fille) mais beaucoup plus : la
multiplication du pain aussi pour les païens.
Jésus va décidément dans cette direction :
œuvre de guérison et salut aussi au-delà des
confins d’Israël.
Il poursuit en effet par la guérison d’un sourdmuet dans le territoire de la Décapole, sur la
rive orientale du lac de Tibériade, habitée par
MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
non hébreux (cf Mc 7,31-37). Jésus prend le
sourd-muet à part, met le doigt dans ses
oreilles, lui touche la langue avec sa salive,
puis, levant les yeux au ciel, soupire et dit :
«Effatà !» c’est à dire «Ouvres-toi !».
L’allusion symbolique est évidente. Aussi les
païens, sourds et muets dans la confrontation
avec la Parole de Dieu, reçoivent la possibilité
de devenir «fils» dans une relation dialoguante qui inclut la capacité d’écouter et de
parler. C’est aussi pour eux le pain en
surabondance. La femme syro-phénicienne a
vu juste : la table de Dieu est grande, c’est le
pain pour tous, fils et petits chiens.
Elena Bosetti
15
dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
vie
consacrée et…
Service d’autorité
Martha Seide
“Dans le passé l’exercice de l’autorité
était facilité par le climat culturel
qui demandait au religieux une
obéissance aveugle.
Aujourd’hui beaucoup de choses ont
changé, on demande moins l’autorité
aux supérieurs mais plutôt
la responsabilité qui en découle,
c'est-à-dire être au service
de la fraternité et de la mission :
une purification opportune, conséquence
de la pauvreté actuelle.”
(Pier Giordano Cabra
Avec cette affirmation, un peu trop général, le
Père Cabra, un des grands experts de la vie
consacrée, nous introduisait déjà ains,i à l’aube
du nouveau millénaire, dans le très vif débat de
la problématique autorité-obéissance. En fait, le
service d’autorité n’a jamais été une mission
facile au sein de l’histoire de l’Eglise et de la vie
consacrée.
Cependant, ces dernières décennies, les grands
changements culturels qui ont bouleversé, non
seulement la société, mais aussi les Congrégations et les communautés, demandent que ce
thème soit sujet à réflexion.
En considérant le service d’autorité, on assiste
souvent sur la polarisation de deux excès
relevés de manière magistrale par le théologien
jésuite latino-américain renommé, José Maria
Guerrero dans la revue Clar (mars-mai 1999). La
vie consacrée –note en synthèse le Père
Guerrero- n’a pas besoin de personnes autocratiques et dominatrices qui se sentent investies
d’une vocation messianique pour guider de
manière despotique les frères et les sœurs, et
pas moins de personnes peureuses, qui
craignent leurs frères et ont comme unique
préoccupation de leur faire plaisir, même de les
servir, ce qui justifie leur «laisser faire» disant
qu’ils «sont assez grands» pour savoir ce qu’ils
doivent faire, qu’ils n’animent pas la communauté
ni ne font des projets pour son avenir, qu’ils ne
cherchent pas avec toutes ses membres, ne les
invitent pas à vérifier le projet communautaire
élaboré par tous, ni ne sont proches de chacun
des membres pour l’écouter, le comprendre,
l’aider à discerner sa mission, et l’encourager
fraternellement, quand cela est nécessaire.” Il
s’agit donc d’éviter toute forme d’autoritarisme,
d’abus de pouvoir ou de déléguer dans
l’exercice du service d’autorité.
Jésus, serviteur obéissant
En continuité avec les indications des documents qui ont accompagné le chemin de la vie
consacrée ces dernières années, l’Instruction Le
service de l’Autorité et l’Obéissance ‘Faciem
tuam, Domine, requiram’, de la Congrégation
pour les Instituts de vie consacrée et les
Sociétés de vie apostolique, à la réflexion sur le
binôme obéissance et autorité, souhaite réaffirmer la relation particulière avec le Seigneur
Jésus, Serviteur obéissant. En outre, elle entend
aider l'autorité dans son triple service : à chaque
personne appelée à vivre sa consécration, à
construire une communauté fraternelle, à participer à la mission commune. Au fond, c’est un
rappel à retourner aux racines mêmes de la
parole «auctoritas» du verbe augere qui signifie
faire mûrir, faire croître. Chercher à se rapprocher de chaque personne pour la faire mûrir, la
faire croître.
16
dma damihianimas
ANNEE LVI
Chercher à se rapprocher de chaque
personne pour la faire grandir en plénitude.
La référence à Jésus serviteur obéissant est
un rappel d’une part à refonder l’obéissance
et d’autre part à ré-évangéliser l'autorité. Il
s’agit de remettre constamment en évidence
l’ancrage évangélique de telle manière que
tout autorité, personnelle ou celle de l’autre,
serve à donner le pouvoir, à libérer, à
valoriser, à motiver et à orienter, mais jamais
à appauvrir, à conditionner ou à humilier.
Ces attitudes sont mises en évidence dans le
document de manière magistrale, quand il
présente la priorité de l’autorité religieuse
dans la logique évangélique. L’autorité est
appelée à être avant tout une autorité spirituelle, apte à servir la communauté en lien avec
ce que l’Esprit Saint suggère chaque fois, aux
personnes, distribuant à chacun dons et
charismes. Cela exige une présence constante,
capable d’animer et de proposer, de rappeler
les raisons d'être de la vie consacrée, d’aider
les personnes à être cohérentes dans leur vie
en fidélité à leur engagement. Pour cela elle
doit être une autorité orante et garante de la
prière.
Accompagner et promouvoir
D’autre part, l’autorité promeut la dignité de la
personne humaine, en rappelant que toute
personne a des droits au-delà de ses
obligations, mais surtout en montrant de
l’estime, du respect et de la charité en vers
elle. L’autorité est appelé à accompagner, à
créer confiance et couragedans l’adversité et
les difficultés, selon l’exemple de Paul et
Barnabé, qui exhortaient leurs disciples en
enseignant à “affronter beaucoup de tribulations
pour entrer dans le royaume de Dieu” (Act.
14, 22).
MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Dans cette perspective, le service d’autorité doit
avoir la capacité d’être gardien et garant du
charisme spécifique de l’Institut religieux propre,
et en même temps, il se doit de promouvoir le
sens de la communion ecclésiale. Enfin, l’autorité
est appelée à accompagner et promouvoir la
formation permanente, de manière à favoriser la
croissance de la personne à chaque période de
la vie.
Si l’autorité-obéissance est au service de la
communauté et la communauté au service du
Royaume, face aux multiples défis actuels, ceux
qui sont appelés à exercer ce service ont le
devoir exigeant de coordonner de manière
adéquate les énergies en vue de la mission. Là
aussi l’Instruction énumère un certain nombre de
devoirs importants relatifs au service d'autorité :
avant tout celui d’encourager et d’assumer ses
responsabilités et les respecter ; d’affronter les
différences dans un esprit de communion ; de
maintenir l’équilibre entre les aspects variés :
mission et communauté, activité et prière ; de
cultiver la miséricorde du cœur et le sens de la
justice ; de promouvoir la collaboration avec les
laïcs.
Pour conclure, nous pouvons affirmer avec José
Maria Guerrero que «l’autorité ne transforme pas
une personne en gardien de l’observance, mais
en éducateur de la charité au moyen de la fidélité
inconditionnelle et dynamique au projet de Dieu
sur chacun de nous et sur tous, Le recherchant
avec simplicité de cœur et liberté intérieure, et
lactualisant avec passion».
[email protected]
17
dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
œcuménisme
Témoins d’unité
Bruna Grassini
L’appel à l’unité des chrétiens
que le Concile Oecuménique Vatican II
a annoncé comme un devoir essentiel
résonne avec toujours autant de vigueur
dans le cœur des croyants.
Le progrès du dialogue oecuménique,
qui a son fondement en Jésus, le Verbe
de Dieu, représente un signe de grande
espérancepour l’Eglise d’aujourd’hui.
La croissance de l’unité entre chrétiens
est un enrichissement mutuel pour tous.
Il s’agit de contempler avec joie tous les
progrès réalisés jusqu’à présent,
en reconnaissant en eux
un signe de l’action de l’Esprit
pour louer et remercier le Seigneur.
(Ut unum sint – Eglise en Europe)
L’unité de l’Eglise n’est pas seulement une
espérance. Elle existe déjà. Cependant elle n’est
pas encore arrivée à sa totale visibilité.
Jean Paul II disait : «L’oecuménisme est le chemin
vers l’unité voulu par Jésus.»
C’est l’engagement de vivre et d’accueillir
fidèlement l’action de l’Esprit Saint que le Seigneur
a donné à son Eglise et dans laquelle Il veut
embrasser tous les hommes : «Un don qui vient
d’en haut. Un seul troupeau, un seul Pasteur.»
Dans un discours à la Curie Romaine, Paul VI
présentait l’Eglise Catholique, tenant les frères
séparés par la main. C’est le geste qui exprime et
réalise la fraternité de ses membres dans l’unique
famille humaine, des uns vers les autres, sous le
regard de Dieu.
C’est ainsi que l’on devient apôtres, instruments
d’unité avec les hommes et avec Dieu. A la clôture
du Concile Vatican II, le Pape et le Patriarche
Athénagoras ont échangé le baiser de paix et
ont brisé le sceau des excommunications du
passé. Ensemble ils sont devenus pèlerins au
nom de l’”Unique Seigneur”, dans un dialogue
courageux de compréhension et d’espérance.
Est apparue alors, une Eglise que l’on croyait
disparue. L’horizon s’éclaircissait et une nouvelle
relation prenait forme entre les croyants, unis sur
un vrai chemin de réconciliation.
La voie de l’oecuménisme
La communion est le coeur du mystère de
l’Eglise. Jean XXIII disait : «Ce qui nous unit est
bien plus important que ce qui nous divise.» Et
Benoît XVI, à Rome, dans la Basilique Saint
Paul hors les murs, durant la prière pour l’unité
des chrétiens, soulignait : «La voie de l’œcuménisme est la voie de l’Eglise. Quelle route nous
avons encore à tracer devant nous ! Mais ne
perdons confiance, au contraire avec encore
plus de confiance continuons le chemin ensemble.»
Le Christ nous précède et nous accompagne.
Benoît XVI a parlé ainsi au Conseil Oecuménique polonais. Beaucoup reste encore à faire
pour effacer de profondes et douloureuses
divisions. Si nos coeurs et notre esprit sont
ouverts à l’esprit de communion, Dieu peut
encore opérer des miracles dans l’Eglise tissant
des liens d’unité.
Quand la déclaration commune catholique et
luthérienne sur la doctrine de la “justification” a
été signée, beaucoup de personnes ont dit : «Il
m’a semblé que l’Esprit Saint passait sur cette
assemblée et que le poids des divisions était
allégé». «Un bonheur jamais autant expérimenté.
Etre prophétie et levain d’unité au sein de
l’humanité.»
18
dma damihianimas
ANNEE LVI
Graine d’espérance
Saint Basile disait à ses moines : «Si tu vis
seul, à qui peux-tu laver les pieds ?
Comment fais-tu pour te mettre à la dernière
place ? La vie communautaire est donc
comme un stade dans lequel nous nous
exerçons comme les athlètes, un gymnase
où nous pouvons progresser.»
MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
L’Archevêque oecuménique Antonios Naguib,
patriarche catholique des Coptes d’Alexandrie, a
relancé l’ “Oecuménisme de la Vie” lors de sa
visite en Italie.
C’est l’oecuménisme des contacts quotidiens.
Cherchons à créer des liens de communion
dans nos relations, dans la prière, dans les
rencontres avec nos frères sans discriminations.
Le monde tend à l’unité. Le chemin vers une
communion authentique et pleinement
visible des chrétiens entre eux est une
priorité : nous savons combien ce chemin
est ardu et en même temps urgent. Seule la
conversion des coeurs, seule une spéciale
intervention de l’Esprit Saint, peut opérer le
miracle.
Il s’agit de créer une certaine proximité et
amitié, les uns avec les autres, valoriser ce
que nous avons en commun, réfléchir
sincèrement sur ce qui nous divise encore,
pour ne pas laisser d’ambiguïtés.
C’est le dialogue demandé et désiré par le
Concile, par le pape Jean Paul II et par
Benoît XVI.
Notre temps, disait Jean Paul II, exige une
nouvelle évangélisation. L’annonce de
l’Evangile ne peut être efficace s’il n’est pas
accompagnée d’une robuste spiritualité de
communion. Dans le document “Vie Chrétienne”
nous lisons : «La communion fraternelle, quand
elle est fondée sur l’Evangile, est le lieu
privilégié de la rencontre avec Dieu
Le dialogue oecuménique commence là.
[email protected]
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
le fil d’ariane
En premier l’écoute
Giuseppina Teruggi
Au cours des différentes périodes de l’histoire
ont émergé des innovations particulièrement
appréciées et encouragées. Notre culture
contemporaine, globalisée a mis particulièrement
en valeur certaines tendances qui accentuent
l’affirmation de soi, la capacité de s’exprimer de
manière brillante, la rapidité dans les répliques.
Mais aujourd’hui , les compétences dites passives
sont peu valorisées et la critique s’élève face à
des paroles comme écoute, patience, humilité,
paroles qui ont comme dénominateur commun
l’aptitude à se décentrer de soi pour se tourner
vers une autre valeur, soit Dieu, la personne, un
projet de vie. Dans une époque qui privilégie la
visibilité et l’efficacité, en tant qu’éducatrices de
jeunes, nous sommes provoquées à réfléchir sur
des propositions alternatives de réalisation
personnelle et sociale, qui pourront donner en
définitif, sens et fécondité à la vie et apporter
bonheur et espérance
A ce propos, le texte poétique d’Umberto Saba,
intitulé Méditation, est très expressif : Le bleu
foncé s’estompe / En un bleu azur tout étoilé. /
Je me tiens à la fenêtre /Et je regarde./ Je
regarde et j’écoute; / Parce que toute ma force /
Tient à cela :Regarder et écouter.
Points de vue
Après un temps de présence dans une de nos
maisons, beaucoup de personnes demeurent
fascinées par le climat que l’on y respire.
L’accueil, l’attention à la personne, la sympathie
du regard, la prédisposition à l’écoute : ce sont
des aspects qui créent un certain bien être et
laissent une impression positive à ceux qui nous
fréquentent. Quelques fois il suffit d’une ou
quelques sœurs pour donner cette tonalité à
toute la maison. Les jeunes et les laïcs conservent souvent le parfum de ce qu’ils ont vécu
dans la maison salésienne, grâce à des personnes qui ont simplement su regarder et écouter,
avec la bonté dans le regard et un cœur attentif.
Alors le désir de revenir imprègne la personne
ainsi que celui de revivre la fascination de
l’expérience vécue. Avec, peut-être aussi, le
désir d’y rester.
Malheureusement, cela ne se passe toujours
ainsi : nous en sommes toutes conscientes. Une
soeur se demandait, à voix haute : pourquoi ne
réussissons-nous pas à construire une famille
dans notre communauté ? Qu’est-ce qu’il nous
manque pour rendre vivable nos maisons, pour
faciliter la vie en commun, améliorer les rapports
entre nous ?
Je doute qu’il existe des réponses exhaustives à
ces questions. Les points de vue sont tellement
nombreux et chacune peut se focaliser sur un ou
plusieurs éléments, en fonction de la vie
concrète de sa communauté. Même si, peutêtre, il reste toujours le dilemme de l’urgence de
passer des idées à la vie. Autrement rien ne
changera jamais.
Ici nous voulons réfléchir sur une compétence
qui constitue une condition de base pour
favoriser la communion, pour faire grandir les
capacités de relation, pour apporter plus de joie
et de confiance dans nos communautés. C’est
un point de vue.
Je retiens comme qualité importante l’écoute : une
attitude en apparence “passive”, en réalité
“constructive”, qui implique un grand dynamisme
et une réelle ascèse. Au niveau personnel et
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dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
communautaire. Il a été dit que l”écoute vraie”
est un talent peu développer. Si, au cours de
notre vie, nous pouvions rencontrer cinq
personnes qui savent vraiment écouter, nous
devrons déjà nous en satisfaire. Dans notre
bilan personnel, peut-être pouvons-nous encore
retenir que nous avons eu de la chance. Reste
le fait qu’écouter cela s’apprend quand on le
souhaite : ce n’est pas quelque chose de
spontané, c’est plutôt une aptitude complexe
qui s’apprend difficilement. Parce que cela
touche la sphère de notre être profond, le lieu
où l’on est capable de décider que la vie est un
cadeau pour notre bonheur et celui des autres,
de tous ceux qui vivent près de nous. Ce n’est
pas seulement un processus de réalisation
personnelle.
Pour une communication heureuse
L’écoute a son fondement dans la volonté de
vivre des relations positives, dans l’acceptation réciproque, dans l’empathie. On parle
de plus en plus souvent d’écoute active. Il
s’agit d’une écoute ouverte, basée sur une
attitude accueillante sans préjugés, sur la
disponibilité pas seulement en vers la
personne que l’on écoute, mais aussi en vers
soi-même. En fait, il est important d’écouter
sa propre sensibilité, ses réactions intérieures,
être conscient de ses limites personnelles
ainsi que de ses connaissances. C’est toujours
très difficile de comprendre vraiment l’autre.
L’écoute a été définie comme «Un ensemble
d’actes perceptifs à travers lesquels nous
entrons spontanément ou involontairement au
contact d’une source de communication».
Cependant, écouter n’est pas entendre, ce
n’est pas seulement un processus de
compréhension. C’est surtout une dimension
du coeur. Ecouter avec le coeur permet
d’avoir un regard bienveillant et non inquisiteur.
Habituellement, l’écoute présuppose plusieurs
processus. Avant tout, la réception du
message, qu’il soit verbal ou non. Pour
recevoir le message, il est important de bien
comprendre ce qui vient de nous être dit et se
concentrer sur cela. Ce qui demande ouverture,
attention, capacité de voir de quelle manière la
personne s’exprime : visuelle, auditive, compormentale. A la réception du message suit son
élaboration et son décodage. Il faut tenir
compte du contenu objectif qui vient de nous
être transmis, accueillir ce que la personne est
en train de dire, comprendre ce qu’elle dit
d’elle-même, ce qu’elle demande, même
implicitement.
Enfin, pour qu’une écoute soit authentique, il
est nécessaire de donner une réponse, fournir
des éléments qui montrent que la communication a bien eu lieu, soit de manière positive
ou négative. C’est le moment délicat de la
dynamique de l’écoute, les réponses peuvent
avoir plusieurs formes : compréhension, encouragement, soutien, sympathie. Ou ce sont aussi
des réponses qui tendent à évaluer, à interpréter, elles sont souvent déroutantes pour la
personne. Même sans prononcer de paroles.
Il convient d’analyser avec sagesse sa manière
d’écouter et d’avoir un regard critique. Il y a une
manière d’écouter "par à coups", quand on se
laisse prendre par des distractions, par l’imagination ou quand on se fie à notre intuition qui
tout de suite saisit ce qui est important, laissant
de côté ce qui paraît moins important. C’est une
écoute passive, qui ne communique pas, vécue
comme une occasion de pouvoir parler à sa guise.
Certaines fois, on utilise une “écoute logique”:
on se prend à écouter en tenant compte
essentiellement de la signification rationnelle de
ce qui vient de nous être dit. L'attention se
concentre presque complètement sur le
contenu exprimé.
Et il y a aussi une “écoute empathique”, la plus
efficace, quand on essaie de se mettre à la
place de l’autre, quand on cherche à comprendre son point de vue. Réaliser une écoute
empathique implique l’exclusion de tout
jugement, mais aussi de tout conseil facile et de
la tension de "devoir se donner du mal" pour
résoudre le problème. Cette écoute empathique
21
dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
consiste simplement à faire comprendre que
l’on reçoit cordialement ce qui vient de nous
être confié. C’est un partage en profondeur.
Une autre modalité de l’écoute qui semble
importante, tente de réduire les incompréhensions et aide la personne à s’exprimer sans
crainte ; souvent elle stimule la personne qui
cherchera à améliorer son expression orale,
aussi dans les contenus. De plus, elle aboutit à
de meilleurs rapports avec les autres parce
qu’elle accroît l’estime de soi, la confiance en
soi, le respect réciproque. Et elle favorise
l’apport dun certains nombres d’informations.
Et si nous donnions la première
place à l’écoute?
L’aptitude à l’écoute est tellement importante
que certaines fois, même sans avoir d’autres
compétences, elle peut à elle seule, être
facteur de libération, de soulagement qui arrive
aussi à guérir des blessures douloureuses et
parfois
incurables. L’écoute a une force
thérapeutique.
Dans le processus évolutif, les aptitudes qui
s’acquièrent ont une progression chronologique : en premier il s’agit d’écouter, puis de
parler, donc de lire et enfin d’écrire. Et pendant
que, selon les statistiques, dans le courant de
la vie, l’usage de l’écoute est en moyenne de
45%, celui de la parole 30%, de la lecture 16%
et de l’écriture 9%, de fait l’enseignement de
ces mêmes aptitudes donne une grande place
à l’écrit, relativement assez à la lecture, peu à
la parole et presque rien en lien avec l’écoute.
Nos habitudes d’écouter ont été influencées,
en quelque sorte, par des modèles appris
durant l’enfance et par la manière avec
laquelle s’est développée notre intégration
dans les premières expériences de socialisation. Il nous reste donc l’engagement personnel et
quotidien, d’apprendre et de développer notre
aptitude à l’écoute.
Avec un peu d’exercice, il est possible d’arriver
à assumer une compétence de l’écoute, et en
conséquence la communication interpersonnelle. Il
est utile toutefois de recourrir à des procédés
simples, en utilisant par exemple la modalité
emphatique. Par exemple, dans une situation
où une personne se trouve dans un état émotif
très grand (irritation, anxiété, agitation), pour
une raison qui ne dépend pas de moi, j’essaie
de l’écouter de manière emphatique. Et j’essaie
de l’écouter aussi de manière emphatique
quand le problème qui est la cause de son état
émotif me touche aussi, parce que l’autre
considère que j’en suis la cause.
Souvenons-nous de quelques personnes que
nous considérons comme des "personnes qui
savent écouter", dont nous avons ressenties la
qualité de l’écoute, laissons passer dans notre
esprit leur manière de faire et goûtons les
sensations agréables que ce souvenir nous
procure. Ou bien rappelons-nous certaines
situations où une meilleure écoute aurait résolu
de manière plus positive un problème…
L’écoute a de profondes racines bibliques.
Dans la Bible, Dieu est défini comme une
personne de relations et de dialogues : Celui
qui parle. Le croyant, qui voit en Dieu l’Amour
plus grand que tout, est surtout appelé à
écouter.
A ce propos, Enzo Bianchi précise que
«…celui qui écoute, qui décline son identité
sur la base du paradigme de l’écoute est
aussi celui qui aime : à sa racine, il est vrai
que l’amour naît de l’écoute, amor ex auditu.
L’écoute authentique et exigeante de Dieu
devient accueil
, ou mieux encore, révélation en soi d’une
présence encore plus intime à soi-même que
peut l’être notre propre moi.»
[email protected]
n
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Inserto dma
Quelqu’un
peut-il réaliser
mon rêve ?
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La tête voilée
Je suis arrivée en Europe depuis peu.
Nous avons ma mère et moi rejoint mon père.
Pendant des années, il est resté seul avec mes oncles et cousins.
Le travail de Papa est précaire mais il nous dit que ça va un peu mieux.
Maman reste à la maison et sort uniquement pour m’accompagner à
l’école.
Je suis musulmane et avec Maman nous lisons le Coran et nous récitions
les prières. Elle a toujours la tête voilée et moi aussi.
Au début, mes camarades d’école riaient, maintenant ça va un peu mieux.
Dans la ville où je vis, les gens viennent de toutes les parties du monde,
Il faut donc accepter chacun avec sa religion et ses usages, ses prières.
Je voudrais un monde où chacun pourrait vivre avec ses idées,
en rsepectant les autres et je voudrais un monde d’où la pauvreté aurait
disparu.
Fatima, 11 ans
J’ai besoin de tant de choses
Papa m’emmène faire la manche le soir,
devant un grand restaurant ou devant une église.
Quelques fois des dames s’arrêtent et me demandent si je vais à l’école
ou si j’ai besoin de quelque chose. J’ai besoin de tant de choses,
de jouer, de rire, d’aller à Luna park, de rester avec des amis.
Je pense toujours à mes frères et à Maman.
Je rêve d’un monde où chacun peut rester dans le pays où il est né
et où le travail des enfants est interdit.
Quelqu’un peut-t-il exaucer mon rêve ?
Je ne le crois pas, mais je le dis quand même.
Comme on le dit dans une histoire de mon pays, on peut comprendre
que les lutins trouvent le matin un porc épic encore vivant,
qui a survécu au gel nocturne.
Nous espérons vraiment que vienne un monde parfait
parce que le mien ne l’est en rien
Ornela, 10 ans
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Visages d’enfants,
Visages d’avenir ?
Tayana a sept ans et rêve de devenir joueuse de tennis. Saranda en a neuf
et depuis longtemps veut être journaliste. Ce sont des enfants comme tant
d’autres qui étudient dans la petite école du village de Binca/Binaq : deux
petits bâtiments construits contre l’église orthodoxe, à peu de distance du
centre, lequel se compose de deux commerces. Une histoire comme tant
d’autres, si Tayana n’était pas serbe et saranda albanaise. Et surtout, si leur
école, où elles étudient ensemble, ne se trouvait pas au Kosovo, maintenant
ex-province serbe où les affrontements entre les deux ethnies ont
ensanglanté la fin des années 90. A Binca/Binaq (nom serbe et albanais du
petit pays) depuis 2001, on a mis en place une école multiethnique : les
enfants des deux communautés, répartis dans des classes séparées
peuvent ainsi y suivre le programme aussi bien en serbe qu’en albanais.
Ils peuvent étudier ensemble en partageant les heures de cours comme de
musique, de dessin, d’éducation physique en plus des temps de récréation.
Un exemple rare dans cette région des Balkans où, même si les violences
ont diminué avec les années, les deux communautés ont tendance à vivre
isolées, même parfois au sein d’un même village. Il y a encore beaucoup à
faire avant de pouvoir parler vraiment de réconciliation.
Source: Agence SIR 13 (2009) 20 février.
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ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Lecture évangélique
des faits contemporains
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
coopération
développement
Solidarité à pleines mains
Mara Borsi
Des mains qui tissent la solidarité est un
Réseau constitué de divers groupes
communautaires qui transmettent les
valeurs d’une économie éthique et
solidaire. Il est développé par la Province
brésilienne Sainte Catherine de Sienne qui
est en mission dans l’Etat de San Paulo.
Il y a deux ans le Réseau a édité un
document intéressant intitulé Economie
Populaire Solidaire avec le but de
divulguer les idées qui sous tendent la
vision d’une économie alternative.
Le réseau - Mains qui tissent la solidarité – est
né des nécessités rencontrées par les œuvres
sociales des communautés des FMA. Communautés qui ont déjà des activités de productions
et qui ont besoin de trouver des débouchés
pour la commercialisation de leurs produits.
L’idée de mettre en place un projet d’économie
solidaire a été tout de suite accueillie favorablement par quatre groupes et une école qui, en
2005, ont commencé à se réunir avec, comme
objectif, de connaître, d’appliquer et de répandre
les idées fondamentales de l’économie solidaire.
Le but a tout de suite été celui de stimuler et de
collaborer à l’organisation de projets de microéconomie pour activer des processus de transformations sociales et des réseaux de productions, de commercialisation et consommation.
Les objectifs du réseau, en plus de vouloir de
répandre les idées d’une économie alternative,
sont : contribuer à développer un esprit critique
autour de la consommation, créer un réseau
commercial juste et solidaire, stimuler la
création de canaux di commercialisation, créer
des lieux de formation, systématiser les expériences pour qu’elles soient toujours plus
significatives.
Les groupes de microéconomie, appelés
cellules locales, se réunissent fréquemment et
mettent en action un processus basé sur trois
points : actions, réflexions, nouvelle action. Les
représentants de ces cellules locales se réunissent tous les trois mois pour partager leurs
expériences.
Ils cherchent à acquérir de nouveaux savoirs, à
stimuler et renforcer le travail du réseau. Les
expériences vécues sont organisées de manière à
favoriser la croissance des processus de
production et de commercialisation.
Un témoignage convaincant
Soeur Ana Beatriz Freitas Mattos, FMA de
l’Inspection de San Paulo, Brésil, avant de venir
en Italie pour suivre le cours de Spiritualité
salésienne à la Maison Ersilia Canta, a travaillé
pendant trois ans sur un projet d’économie
solidaire. Nous lui avons posé quelques questions pour chercher à comprendre concrètement les opportunités et les défis de ce type de
projets.
DMA – Quel sens avait pour toi de travailler
dans un projet d’économie solidaire ?
Sr. Ana Beatriz – Pour moi, parler d’économie
solidaire c’est parler du Règne de Dieu et de
ses valeurs. Dans la mentalité de cette vision
économique, il n’y a pas au centre le profit,
mais la personne humaine ; le travail est conçu
comme un moyen authentique de préserver la
28
dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
* L’économie populaire solidaire ou plus précisément la
collaboration solidaire favorise un nouveau mode de vivre et de
relation les uns avec les autres, il s’agit d’une nouvelle vision du
monde respectueuse de la différence et de la richesse dont
l’autre est porteur. L’économie populaire solidaire garantit à
toutes les personnes de meilleures conditions de vie au niveau
matériel, éducatif, politique, communicatif ; elle promeut
l’exercice de la liberté et le bien être de tous.
* Défis pour les producteurs éthiques et solidaires :
produire avec qualité
chercher une assistance technique pour améliorer la
production
développer et pratiquer la culture coopérative et associative
créer des réseaux et des rapports de proximité avec les
consommateurs pour la vente des produits
obtenir le capital qui permet de démarrer une entreprise de
production.
Sources : Inspection Sainte Catherine, San Paulo, Brésil,
Economie Populaire Solidaire 2007.
dignité humaine et la solidarité remplace
l’individualisme. Partager l’expérience de la
création d’un groupe de production c’est
montrer que le quotidien est un lieu où l’on
apprend à être plus humain. On retrouve le
plaisir de travailler en donnant la place à la
créativité, trop souvent blessée par le travail au
noir et sans aucune garantie
en ce qui
concerne les droits des travailleurs.
Acheter la matière première pour la production,
calculer le juste prix, travailler dur, chercher des
solutions pleines de créativités pour réparer les
erreurs commises dans la confection des
produits, penser, décider ensemble, oeuvrer
ensemble, se tromper ensemble, se réjouir
ensemble, a fait grandir le groupe de femmes
avec lequel j’ai travaillé et moi aussi je me suis
enrichie et remplie d’espérance en constatant
les petits succès, les petits pas franchis.
DMA – Que t’ont apporté les femmes avec
lesquelles tu as travaillé ?
Sr. Ana Beatriz – Je peux vraiment
dire qu’elles m’ont donné beaucoup d’amitié et aussi le courage
de faire face à une nouvelle
situation, le désir de participer au
bien être de tant d’autres personnes. Les femmes avec lesquelles
j’ai partagé cette expérience, m’ont
aidée à croire plus au processus
éducatif qui se réalise à partir des
expériences partagées et elles
m’ont fait toucher de près l’importance de s’éduquer et d’éduquer,
elles ont renforcé en moi la
confiance et la conviction que si on
chemine vraiment avec notre Dieu,
Dieu de la vie, dans l’humilité,
nous pouvons être, devenir acteurs
de transformation sociale.
DMA – A ton avis, pourquoi est-il
important pour les FMA de
s’engager et, malgré les difficultés,
de soutenir les projets de micro
crédits ?
Sr. Ana Beatriz – Nous sommes responsables
d’un charisme éducatif et nous ne pouvons pas
laisser tomber cette occasion de promouvoir la
vie et d’annoncer l’Evangile. Il est important de
créer des structures démocratiques pour
donner la possibilité à tous de participer activement à des processus économiques et sociaux.
Dans la situation actuelle de crise économique,
au niveau mondial, on comprend encore plus
l’importance de tenir compte en même temps
du développement économique et du développement social. A travers les processus éducatifs et les activités d’économie solidaire, nous
pouvons agir et favoriser le lien entre développement économique et développement social.
[email protected]
n
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
pastoralement
La précarité… jusqu’à quand ?
Palma Lionetti
«La précarité est le dénominateur
commun qui apparaît dans n’importe quel
lieu où l’on est appelé à travailler (Lignes
d’Orientation de la Mission Educative n° 20)
A partir de cette affirmation nous pouvons
écrire un fleuve de paroles pour faire la
radiographie de notre société.
Déjà en 1999, Bauman la décrivait comme
la société de l’incertitude, dans laquelle
“la liberté individuelle règne en
souveraine” devenant la valeur de base
qui sert à déterminer toutes les autres
valeurs et la mesure avec laquelle la
sagesse de toute norme et décision
individuelle va être confronter.
Freud, dans “le malaise de la civilisation” (1929)
soulignait que la société moderne choisissait
“l’ordre et la réglementation” pour se
comprendre elle-même, tout en montrant, dans
les causes du malaise, l’excès d’ordre et la
mort de la liberté. Aujourd’hui la postmodernité
ressent un malaise à cause du jeu de la liberté
où “celui qui a perdu se console dans l’espérance de vaincre la prochaine fois, tandis que la
joie du vainqueur est assombrie par le pressentiment de l’échec”. Dans les deux cas, cela
signifie que rien n’est stable et que tout est
incertain. L’incertitude, cependant, est porteuse
de messages différents : aux perdants, elle
assure que tout n’est pas encore perdu et,
ainsi, ils continuent à jouer, tandis qu’aux
vainqueurs, elle suggère que tout triomphe est
précaire ! A ce jeu, quelque peu bizarre, les
jeunes, surtout, ont l’impression d’être “libres”
d’essayer toutes les voies pour mener à bien
toutes leurs initiatives, dans lesquelles il faut
mériter la réussite. Le prix à payer est de se
sentir toujours, et de toute façon jugé, risquer à
tout instant le faux pas et la chute. D’où la
difficulté des jeunes à prévoir leur avenir.
Quand on évoque le rapport entre les jeunes et
leur avenir, il y a un autre aspect à considérer.
Pour estimer la capacité d’une société à
engendrer un futur, il faut comprendre comment
et quand les jeunes se sentent portés par les
adultes au plan social et culturel, comment et
quand, à leur tour, ils se sentent capables de
préparer leur avenir et la société de demain. Si
être engendrés veut dire être désirés, voulus,
soignés, aimés jusqu’à être les destinataires de
choses bonnes de la part des adultes, alors eux,
en termes de génération, ne se sentent pas
“vraiment voulus”. Ils ont l’impression que la
société peut se passer d’eux et de leur évolution.
Au niveau social comme au niveau privé, ce qui
fait problème aujourd’hui c’est bien l’accession à
la responsabilité. Oui à l’amour, non aux liens
plus structurels, ceux qui comportent un
engagement qui conditionne la vie. Et même le
premier contact avec le travail se passe entre
recherche et insatisfaction. D’une part la
responsabilité au travail est recherchée dès
l’adolescence, preuve en est l’augmentation, un
peu partout, du nombre des étudiants salariés, et
d’autre part, le statut d’“étudiant” est envisagé
jusqu’à la vieillesse. Dans les deux cas disparaît
le caractère propre de la jeunesse comme étape
de transition entre irresponsabilité et activité
professionnelle parce que l’on se trouve ou
éternellement jeunes ou vieux de manière
imprévue.
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dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
La coupure
La
confrontation
avec
ces
nouveaux
phénomènes sociaux –à savoir la précarité, la
fragmentation sociale, la vulnérabilité diffuse,
l’affaiblissement des groupes, la coupure
toujours plus marquée entre riches et pauvresnous ne devons pas les aborder sur un plan
purement éducatif et théorique, mais sur un
plan éducatif et pastoral.
Néanmoins, étant assurées que notre action
pastorale est bien guidée par ces trois critères :
l’Incarnation rédemptrice, la priorité de
l’évangélisation, la dimension éducative de la
pastorale, nous pourrons nous demander si les
objectifs, les modalités et les diverses options
méthodologiques découlent du lien entre les
données de la foi et les expériences vitales des
jeunes. Autrement dit, demandons-nous
comment la précarité interroge, par exemple,
l’animation, quelle méthodologie pourra être
utilisée pour interpréter l’existence et créer une
culture ?
Si ces dernières années, l’approfondissement
de la dimension éducative de notre pastorale a
conduit à traduire le Système Préventif, en
perspectives pédagogiques de référence
(culturelle, évangélisatrice, sociale, de communication)
comment
faire
pour
quelles
deviennent «méthodes» dans notre action
pastorale ?
Expérience et résilience
Dans le cas de la précarité, une piste à explorer
en terme d’itinéraire éducatif pastoral pourrait
être le rapport entre espérance et résilience.
Quand, dans le conte d’Hésiode, Pandore ouvre la
boîte et répand chez les mortels Fatigue,
Maladie, Vice, Passion et Vieillesse, elle laisse
au fond l’Espérance pour empêcher les
hommes d’aller jusqu'au suicide. Celui qui
choisit l’espérance ne se laisse pas séduire
par les dons de Pandore, à la source de la
méchanceté et des contradictions, au
contraire, il choisit le désir de vivre, prenant
racine dans le goût d’exister malgré les
ambiguïtés et les incertitudes.
D’autre part, Benoît XVI le rappelle : «Ce qui
vivifie l’éducation, comme la vie tout entière,
c’est seulement l’espérance quand elle est
bien fondée. Aujourd’hui, notre expérience est
piégée de toute part et nous risquons de
redevenir, nous aussi, comme les anciens
païens, des hommes sans espérance et sans
Dieu dans ce monde.(Eph. 2,12). De là,
justement, résulte la plus profonde difficulté
dans l’œuvre de l’éducation : à la base de la
crise de l’éducation, il y a une crise de la
confiance en la vie».
Donc, pour que l’espérance puisse résister à
toutes les désillusions, elle doit trouver la
manière de se transformer, de vertu
théologale en vertu humaine ou en cette
capacité de résilience qui n’est pas seulement
la capacité de résister aux difficultés rencontrées, mais un processus actif qui se déploie
dans une relation dynamique entre la
personne et son contexte (social, relationnel,
institutionnel). Ainsi, progressivement l’espérance devient-elle aussi passion, au point
qu’elle correspond à une attitude confiante à
l’égard du réel et une capacité d’imagination
parce qu’elle est poussée en avant par le
désir d’un avenir meilleur, toute fois accompagnée de la conscience de l’incertitude de
l’avenir.
palmalionetti@]gmail.com
n
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
polis
La disparition des réalités
Graziella Curti
L’information aujourd’hui se base sur quelles
réalités ? En lisant les journaux ou en écoutant
les nouvelles radiodiffusées ou télévisées,
j’aurais souvent envie de dire «derrière ces
paroles, rien». Un vide de faits concrets ou une
instrumentalisation des événements nous
empêchent souvent de rejoindre la réalité
sociale pour la saisir dans sa profondeur et
dans sa réalité. Ils nous empêchent de vivre
une citoyenneté responsable.
Il y a quelque temps, Marco Travaglio, un
journaliste italien réputé, a publié un livre intitulé
La disparition des réalités.
Où se lamente la mauvaise habitude d’un journalisme indifférent, cynique et souvent paresseux.
Au commencement de son texte, il écrit : «Il y en
a qui cachent les faits parce qu’ils ne les
connaissent pas, sont ignorants, impréparés,
négligents et n’ont pas voulu étudier, s’informer,
se mettre à jour.» Malheureusement les professionnels de la communication choisissent souvent
de faire un mini service. Ils s’investissent dans
d’autres travaux, chose qui, si elle se comprend
pour les collaborateurs extérieurs peu payés, l’est
moins pour ceux de l’intérieur qui perçoivent de
bons honoraires. Ce système est gravement
choquant parce qu’il ne dit pas aux citoyens la
vérité de ce qui est arrivé en réalité.
Information et démocratie
Louis Ciotti, prêtre de frontière, qui donne
beaucoup d’importance à l’information correcte
comme support à son engagement social envers
les sujets à risques, consulté sur la qualité de
l’information des médias, en a dessiné un
tableau plutôt négatif : «Nous ne devrions pas
avoir besoin de préciser à côté de la parole
“information” l’adjectif “libre”. Parce que l’information ou elle est libre ou alors simplement elle
n’est pas information : elle est propagande,
marketing, falsification. Eh bien, jamais comme
en ces dernières années, il est nécessaire de
spécifier, de préciser. Dénoncer, s’il le faut. La
parole est trop souvent embrouillée, les plumes
émoussées, les nouvelles incomplètes ou
orientées. Dans un monde devenu global,
gouverné par la suprématie du marché et de la
finance, où également les personnes sont
dépouillées de leur fondement et transformées
en marchandise, même l’information est trop
souvent piégée par des intérêts et des logiques
loin de la vérité. »
Et il ajoute, avec la lucidité qui le caractérise
dans son engagement envers les sans voix :
«Ceci est une mauvaise information qui vient
de la malhonnêteté des analyses et de la perte
de toute objectivité et il y en a une autre qui
dépend de l’omission de la réalité, du camouflage
des faits et des aspects qui caractérisent la vie
sociale en toutes ses diversités et caractéristiques. Il s’agit de deux faces de la même
médaille et en faire les frais est toujours notre
liberté, liberté de savoir et de choisir, de
connaître et de décider mais aussi de
transmettre»
Malheureusement les filtres de l’information,
étant donné les intérêts économiques et ceux
du pouvoir politique, continuent à marginaliser
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dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
les Pays pauvres, à ignorer les tragédies du Kivu,
du Soudan, de l’Orissa tandis que l’on donne trop
d’espace au dénommé gossip des gros, une
stupide cancanerie.
Il est vrai aussi que donner des nouvelles de
l’Afrique et d’autres régions sous-développées on
a besoin d’au moins 200 morts, tandis que les
Pays riches qui possèdent 90% des agences de
presse, peuvent faire passer les événements
même marginaux dans le monde entier.
Le maillon faible
Depuis 2005, la communauté de Capodarco, lieu
d’accueil pour les émigrés, communique le prix.
Le maillon faible, attribué aux meilleures
transmissions radiophoniques, télévisés, courts
métrages qui ont rapporté des faits, événements
dans la population dite “faible” parce que
“périphérique” ou “marginalisée”.
En fait, les meilleurs journalistes pensent que la
force de la chaîne de la communication dépend
de la résistance de son maillon faible. Voici parmi
les réalisations primées un reportage fait au
Ghana à Accra, à l’occasion de la coupe
d’Afrique qui raconte l’histoire de jeunes
Africains prisonniers, tous aspirants au voyage
en Europe. Les premières images montrent les
champs de terre rouge, grandes places
sableuses, lieux de décharges publiques
transformés en terrains de jeux avec la
créativité typique de ce qui est pauvre ;. A
l’opposé, nous est présentée la différence entre
les aspirations des Jeunes et des habitants du
lieu quant à la soif des affaires du clan
européen.
Un prix leur a tout de même été décerné pour
un reportage sur Srebrenica, la ville détruite en
1995, symbole de l’agression contre la Bosnie
et l’Herzégovine, parce qu’il a révélé au monde
la stratégie de l’odieuse épuration ethnique
jamais connue avant. Evénement qu’avec la
complicité des médias, on veut cacher et
oublier.
Que faire ?
Les moyens de communication aujourd’hui sont
très nombreux. Malgré tout, celui qui veut être
correctement informé est obligé de faire des
recherches approfondies, de confronter les
différents textes et si possible accéder ainsi aux
sources sûres de l’information. Presque toutes
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
Ils ont dit
Les faits sont têtus (même s’ils sont presque toujours interprétés et contestés) quelquefois en
face. Quand ils sont dérangeants pour les puissants, le mieux c’est de les éliminer.
Daniele Barbieri
Mr Kenner rencontre Mr Wire qui livre bataille aux journalistes. «Je suis un grand adversaire
des journalistes –dit Mr Wire– je ne veux pas de journaux». Mr Kenner répond : «Je suis un
adversaire encore plus grand des journaux : je veux des journaux libres».
Bertolt Brecht
Il y en a qui se cachent les faits à eux-mêmes car ils ont peur de devoir changer d’opinion.
Marco Travaglio
les structures de l’information, journaux et
télévision soutiennent des intérêts particuliers,
coalitions politiques et économico financières
par lesquels ils sont rétribués.
Si nous observons la presse internationale,
celle des ondes, on se demande : «Quelle est
la différence entre le journal de droite et celui
de gauche ? Dans quelle démocratie sommesnous, républicaine ou libérale ? L’avez-vous
testé ? De ces productions informatiques, il a
été dit : «Elles ressemblent tellement à des
publicités de détergents. Les mêmes
ingrédients, les mêmes patrons».
Malgré tout des voix libres existent. Par
exemple, en Italie, depuis plus de 10 ans est
née l’Agence de nouvelles sur la ligne
MISNA, qui a sa source dans les témoignages de missionnaires, qui vivent dans des
lieux complètement ignorés des grands
médias, communiquant les faits dans leur
vérité nue, circonscrivant un cadre plus clair
des situations et des problèmes. Même s’ils
sont rares, ils existent, fort heureusement,
toujours de vrais journalistes avec l’esprit libre
et ne dépendant aucunement des puissants
lobbies. Voici donc quelques nouvelles
indispensables pour obtenir une information
plus proche de la vérité :
1.
Beaucoup, parmi les textes les plus
libres (donc crédibles) émanent des ONG ou
des missionnaires. A nous de les valoriser et
de les soutenir.
2.
Pour ce faire, il est nécessaire de notre
part de faire un travail de recherches, de
confrontations entre les diverses sources
d’informations vraisemblablement complémentaires.
3.
Il nous est demandé un approfondissement culturel qui nous aide à décoder la
nouvelle, à en rechercher les causes sans les
juger seulement par leurs effets.
4.
Il est en outre indispensable d’être
présentes et attentives à ce qui se passe près
et loin de nous.
5.
«Parce que même le droit à être
informés, à être libres et conscientes, ne nous
parvient pas seulement d’en haut ou de
l’extérieur, mais s’effectue dans les lieux où
chacune de nous travaille et se met en jeu
quotidiennement, dans ce chemin à parcourir
ensemble pour construire un avenir de justice
et de démocratie».
[email protected]
n
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ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Informations, nouveautés
du monde des médias
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
jeunes.com
Twittermania?”
Maria Antonia Chinello et Lucy Roces
YouTube, Facebook, MySpace…
Ce sont des termes maintenant
presque familiers :
partout on parle et on écrit
sur le social network et le blog,
de Web 2.0, sur les circuits du Réseau pour
entrer en relation et partager.
A l’intérieur de ces espaces mêmes
il y a des différences,
mais la philosophie è commune :
créer des liens et faire réagir des personnes
entre elles à distance, dans le temps
et l’espace, rejoindre des amis connus
et en rencontrer de nouveaux.
Et alors pourquoi ne serais-tu pas
Tweet toi aussi ?.
Dernièrement dans le cadre mouvant Web 2.0 le
Twitter est en train de faire son chemin. Un social
network qui met en danger Facebook et MySpace.
Le nom “Twitter”, correspondance sonore du
terme Tweeter, dérive du verbe anglais to tweet
qui signifie “babiller”. Le logo de Twitter est en fait
un petit oiseau bleu.
Sur le site officiel (http://twitter.com) on lit :
«Twitter est un service pour communiquer et se
connecter avec des amis, la famille, les collègues
à travers des échanges très rapides, de
fréquentes réponses à de simples questions, par
exemple : qu’est-ce que tu es en train de faire?»
C’est un réseau et un service de microblogging qui
permet d’envoyer des ajournements constants à
son profil avec des messages très courts pas plus
de 140 caractères, au moyen du site même ou à
partir de SMS depuis le téléphone portable ou
Messaging et le courrier électronique. encore par
les programmes de Instant
Twitter a été défini comme le service
télégraphique du Web 2.0 : des messages
brefs et fréquents sont enregistrés plusieurs
fois par jours pour dire aux autres ce qu’on
est en train de faire, de penser, comment on
se sent, qui on a rencontré, quels sont les
programmes, les imprévus, les engagements
et les temps de repos. Le tout avec pas plus
de 140 caractères : une communication
rapide, fragmentée, qui correspond à l’esprit
de synthèse dont nous a habitués le Réseau
avec
ses
connexions
toujours
plus
harcelantes et envahissantes.
Ouvrir une page surTwitter est facile et la
différence entre ce site et Facebook, le
network social, le plus populaire (durant ces
mois), n’est pas très grande. Là aussi, il est
possible d’écrire sur ses goûts, ses intérêts
personnels, créer une liste d’amis, signaler
des liens et enregistrer des photos, des
vidéos, de la musique. La différence est dans
le système de mise à jour : tandis que dans
Facebook il est nécesaire d’être connecter à
un ordinateur, dans Twitter on peut
fonctionner aussi à partir du téléphone
portable et des mails.
Pourquoi utiliser Twitter ? Toujours dans le
site officiel, on peut lire : “Parce que les mises
à jour mêmes les plus banales ont un sens
pour ceux qui nous aiment, spécialement
quand elles sont en temps réel.”
Facile, non ? Toujours connectés, vraiment ?
Toujours repérables, qu’en dites-vous ?
Communication, format 140
Twitter a été créé en mars 2006 par la Obvious
Corporation de San Francisco (Californie,
Etats Unis). Depuis septembre 2007, il est
36
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
En quelques secondes, ses
collègues des Etats Unis et
ses amis d’Egypte furent
alertés ; 24 heures après, un
autre message : “Libre” mettait
au courant amis et contacts.
successivement le network social
qui a
enregistré la plus forte augmentation d’usagers
(+600%) et de visiteurs individuels (+343%). En
février 2009 Compete.com, organisme qui
mesure les accès web, dans sa classification l’a
placé à la troisième place, derrière Facebook et
MySpace. Au début de cette année, Twitter a
enregistré sept millions de visiteurs individuels.
Ses co-fondateurs, Biz Stone et Evan Williams,
ont été notés par la Revue Time dans leur liste
des 100 personnes les plus importantes et
influentes au niveau mondial : les nouveaux
gourous de la technologie de l’amitié
du
Réseau.
Puisque ce service est devenu, au moins aux
Etats
Unis,
immédiatement
populaire,
beaucoup de personnes ont utilisé Twitter, au
niveau social, pour gérer et organiser des
campagnes d’information.
James Karl Buck, un étudiant diplômé de
l’Université de Californie-Berkeley, se trouvait à
Mahalla (Egypte), pour une protestation antigouvernementale, quand il fut arrêté avec son
interprète, Mohammed Maree. Au poste de
police, Buck, avec son téléphone portable,
envoya un message à ses amis et à ses
contacts, mettant à jour sa page sur Twitter. Un
seul mot “Arrêté”.
Il y a même une reine qui
communique avec Twitter.
C’est le choix de Rania de
Jordanie
(http://twitter.com/QueenRania
), qui a décidé de créer son
site sur le network social pour
raconter la visite du Pape
Benoît XVI dans son Pays (811 mai 2009). Rania, explique
ses motivations sur sa page :
«Il faut écouter le Pape. Notre
région a grand besoin d’un
message de paix». Et puis son premier
message : «Journée spéciale, ici à Amman : ce
n’est pas tous les jours que le Pape est en
visite.»
George Stephanopoulos de la chaîne télévisée
ABC News a interviewé en mars dernier le
sénateur John McCain. Cela a été le premier
cas de “twitterview”, puisque les questions et
les réponses se sont faites à partir de Twitter.
Durant les incendies qui ont touché l’Australie,
les mois derniers, beaucoup d’usagers de
Twitter ont décrit l’événement qui était
facilement repérable dans le moteur de
recherche interne du site. Une étude intitulée
Traces du tremblement de terre online.
Comment a réagi le réseau des médias italiens
au désastre des Abruzzes, révèle que parmi
tous les médias, Twitter a été assurément le
site qui, avec Facebook, a été le plus utilisé
pour annoncer le tremblement de terre dans le
monde entier. Encore aujourd’hui, sur Twitter,
beaucoup d’italiens proposent des logements,
de l’aide, du matériel.
Evangélisation
Dans son message pour la 43ème Journée
Mondiale de la Communication sociale, le Pape
Benoît XVI écrit : «Les nouvelles technologies
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
L’«autre» réseau
GIMP : dessin libre !
Si vous désirez un programme de dessin plus
complet de Microsoft Paint, mais ne voulez pas
dépenser pour acquérir les coûteux Adobe
PhotoShop ou CorelDraw, sur le Réseau il y a
GIMP.
GIMP est l’acronyme de GNU Image Manipulation
Program, un software distribué librement, idéal pour
dessiner, retoucher des photos, élaborer, composer
et créer des images et des dessins.
Le site http://gimp.linux.it contient des informations
sur la manière d’enregistrer, installer, utiliser et
amplifier le programme.
Le projet est né à la fin de 1998 et les premiers
résultats avaient la version 1.1.3 de GIMP. Après
une période d’inactivité, le projet est reparti et
actuellement le programme est complètement traduit.
digitales sont en train de déterminées des
changements
fondamentaux
dans
les
modèles de communication et dans les
rapports humains. […]
Quand nous sentons le besoin d’approcher
d’autres personnes, quand nous voulons
mieux les connaître et nous faire connaître,
nous sommes en train de répondre à l’appel
de Dieu – un appel qui est imprimé dans
notre nature d’être créés à l’image et à la
ressemblance de Dieu, le Dieu de la
communication et de la communion.»
En Allemagne, les évêques protestants sont
en train de “traduire” la Bible dans le langage
Twitter. En Irlande, le card. Sean Brady a
invité les usagers des network sociaux à faire
cadeau chaque jour d’une prière à travers un
message Twitter ou un mail. «On créera ainsi
– a-t-il dit – un océan de prière qui peut
renforcer le sens de notre solidarité et
rappeler à ceux qui les reçoivent qu’il y a
quelqu’un qui prend soin d’eux.»
A la fin de 2008, le site a été mis à jour dans le
but de proposer le software par l’intermédiaire
d’une plate-forme web plus actuelle. GIMP a
été écrit et développé sur la plate-forme UNIX,
mais fonctionne aussi su les systèmes
opérationnels Windows, Mac et OS/2.
Le programme, une fois installé, peut être
continuellement mis à jour avec l’adjonction de
nouvelles applications et solutions pour
communiquer par l’image.
Y a-t-il un créneau, dans notre vie de FMA pour
un instrument comme Twitter ? Cela dépend
toujours de la manière dont nous l’utilisons pour
qu’il devienne un canal de communication qui,
n’en remplace pas d’autres, mais qui
accompagne, soutienne, renforce les relations
éducatives. Don Bosco nous l’enseigne : «J’ai
utilisé les longues récréations pour m’approcher
de chaque garçon. Par une parole à l'oreille, à un
d’entre eux je recommandais une plus grande
obéissance, à un autre d’être plus ponctuel au
leçon de catéchisme, à un troisième de venir se
confesser, à un autre encore je suggérais une
pensée pour sa réflexion personnelle, et ainsi de
suite.»
Utilisé avec sagesse pédagogique, Twitter
pourrait être la petite parole à l’oreille pour
notre temps.
[email protected]
[email protected]
n
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dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Liste WWW sites
Aux bons soins d’Anna Mariani
[email protected]
n
Signalisation
de sites intéressants
http://web.math.unifi.it
C’est
le
site
d’un
musée
consacré
exclusivement aux mathématiques et à leur
application, afin de rendre la matière interactive
et divertissante. En italien, on peut s’inscrire
pour des rendez vous le dimanche en
alternance, pour s’initier à tout âge aux
mathématiques.
http://www.exploratorium.edu
C’est le site du célèbre “Exploratorium” de San
Francisco, premier “Science Center” au monde,
fondé par Franck Oppenheimer. Il s’agit d’un
site de langue anglaise hautement interactif,
sur lequel l’utilisateur peut faire des expériences en ligne, écouter des documents
sonores et consulter une vaste bibliothèque
digitale : elle contient des images de haute
qualité, filmées en Quick Time et bien d’autres
documents à caractère scientifique. Multiples
sont les services éducatifs en ligne destinés
aux visiteurs, aux enseignants et aux conservateurs de musées. Il existe une série novatrice
de webcast (transmissions télévisées via internet)
en divers lieux du monde, comme par exemple
en un lieu “extrême” comme l’Antartique pour le
projet “Origins” ou lors de circonstances uniques
comme l’éclipse solaire en Afrique centrale. Y
figure également un chapitre où l’on expose ce
qu’est le travail dit “backstage”, c’est à dire le
travail de préparation des expositions. On peut
visiter le site en anglais, en français, en
http://www.exploradome.com
espagnol et en japonais.
L’Explo@dome de Paris est un espace
interactif en français qui permet d’aller à la
découverte de la science, de l’art et des multimédias en interaction avec le développement
de la culture et de l’éducation, et avec la
divulgation scientifique.
http://www.gsc.org.uk/
Le “Glasgow Science Center” est l’une des
principales attractions touristiques d’Ecosse. Elle
présente des centaines d’expositions interactives,
un planétarium et un cinéma IMAX. Le site est en
anglais et il est riche de ressources multiples, que
l’on peut télécharger.
n
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
vidéo
Mariolina Perentaler
Le millionnaire (Slumdog Millionaire)
de Giulio Manfredonia
Italie – 2008
Un triomphe pour “Le Millionnaire” lors de la 81ème édition des Oscars : 8 statuettes ! Meilleur film,
meilleure mise en scène, meilleure photographie, meilleur montage, meilleure régie sonore, meilleure
chanson originale, meilleur mixage sonore, meilleur scénario non original. “Il a pratiquement tout
remporté, commente unanimement la presse le 23 février 2009, laquelle ajoute que “ce film est
vraiment beau parce qu’on l’a dit dès sa sortie”. Aux Etats Unis il a encaissé en un seul mois cent
millions de dollars : un exploit retentissant, si l’on considère que, pour le tourner, ils n’étaient que
treize. Et le succès n’est pas prêt de faiblir : la distribution est traduite en 14 langues pour la diffusion
en film, en 9 langues pour les dvd. Quel est le secret d’un tel engouement collectif ?
Je ne m’y attendais pas, répond le même réalisateur. Mais cela peut s’expliquer ainsi : c’est l’histoire
d’un rêve. Un jeune homme qui rêve de retrouver son amour d’enfance, et cela plaît à tout public.
Jamal est le héros d’une fable médiatique où se réalisent les désirs de chaque Indien ordinaire et pas
seulement lui…”. Des bas fonds au tapis rouge d’Hollywwod et au monde entier, son histoire devient
l’emblème d’une jeunesse qui ne veut pas s’abandonner au pire et qui cherche à construire son
avenir propre. Grandi dans les bidonvilles de Bombay, Jamal deviendra un héros national après avoir
gagné 20 millions de roupies dans un jeu télévisé. Une voie toute en ascension, partagée avec son
frère qui n’aura pas la même chance, et avec une adolescente, son premier amour, perdue et
cherchée depuis longtemps.
L’œuvre est née d’un roman, le roman à succès “les douze demandes” de l’écrivain indien Vikas
Swarup, qui est à l’origine du scénario écrit par Simon Beaufoy, (auteur de “Full Monty”), avec
comme coproducteur Loveleen Tandan pour la partie tournée en Inde, c’est à dire pour presque tout
le film, et finalement la direction magistrale de Boyle, qui mène le tout avec une grande intensité et un
équilibre vraiment exemplaire “A recommander” comme le résume le jugement de l’évaluation
Pastorale.
Des bidonvilles à l’ombre des gratte-ciel.
A Bombay, dans le bidonville de Dharavi – le plus
grand d’Asie : où le film a été tourné, quelqu’un a
protesté, mécontent de l’image des Indiens
proposée au public. “Nous ne sommes pas des
chiens” a-t-on écrit sur une banderole accrochée
sur les bara-quements des habitants de la favela.
Ils se réfèrent au titre original du film : “Slumdog
Millionaire” qui, une fois traduit, signifie “chien
millionaire des taudis”. Le scénariste s’est
défendu en expliquant que “Slumdog” est la
synthèse des mots SLUM et UNDERDOG et veut
signifier une personne destinée à l’échec. Une
description qui convient à merveille aux enfants
qui jouent dans le film, reclus dans les taudis
les plus misérables de Bombay, et pour qui
il n’est pas facile de conquérir la scène
d’Hollywood. Et il encore plus difficile de
revenir à la maison : de replier les vêtements
avec les paillettes et les cravates élégantes, de
prendre congé des photographes, des admirateurs, des hôtels de luxe, parce que leur
“Slumdog Millionnaire” est seulement un film, la
réalité étant bien différente.
Parmi les notes fascinantes de cet excellent film,
il faut retenir l’avertissement : il n’est sans doute
rien de plus agréable que rêver les yeux ouverts,
même grâce à un film mais rien au sort des
déshérités. L’œuvre raconte cependant en toute
conscience et avec intention comment il est
possible même pour les derniers entre les derniers-
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dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Pour faire penser
Pour faire penser
Mettre en dialogue le sous développement, la
pauvreté et les problèmes de pouvoir d’achat
avec les nouvelles ressources puissantes
des médias sans sous estimer les risques ni
les nouvelles formes d’esclavage. Les
nouveaux “parrains”...
La troisième partie du film a lieu en majeure
partie à Bombay. Une métropole constituée de
gratte-ciel et de rues encombrées d’automobiles,
bordées de banques d’affaires. C’est dans ce
contexte que règne la télévision avec l’émission
Espérer et se mettre en jeu ! “non pas pour de
l’argent mais par amour” – comme le dit Jamal, le
jeune héros virtuose capable de devenir
millionnaire.
Dans “Le millionnaire” on parle et on reparle
inévitablement de l’espérance. Ce sentiment transparait et évolue dans les visages de tous les téléspectateurs qui suivent passionément le jeu. Ils vivent une
identification empreinte de confiance et de tendresse,
qui les rend capables de supporter toutes les
monstrueuses contradictions de leur mégalopole
indienne. Le metteur en scène et l’oeuvre conduisent
cependant l’acteur de dix huit ans à une réalisation
de sortir de leur pauvreté et d’avoir un avenir
meilleur. Jamail est un garçon ordinaire, qui
décide de réagir face à sa propre condition
d’impuissance, épaulé par son frère aîné, Salim. Il
vient se présenter comme jeune domestique issu
de l’un des faubourgs et – après avoir répondu
avec justesse à 11 des questions d’un jeu télévisé
- il est arrêté, malmené par la police qui le
soupçonne d’escroquerie. L’une des astuces les
plus passionnantes de l’œuvre réside dans sa
structure narrative, qui reconstitue en chapitres
les évènements qui ont amené le jeune garçon à
répondre à chaque question posée par un
animateur de télévision peu scrupuleux : réponses
tirées de l’expérience forte et particulièrement
dramatique vécue au cours de sa brève
existence. Et si la chance (à laquelle il fait
constamment allusion... n’était-ce pas une chance
que de savoir répondre justement aux questions
qui étaient posées ?”) joue le rôle d’un leit motif
dans la narration, l’un des innombrables mérites
de loin la plus regardée : “qui veut être millionnaire ?”– sous forme de jeu et de récompense
universelle, prisée par tous. C’est par ce moyen tout
nouveau que Jamail avec ses dix huit ans se livre
en toute confiance à un dernier espoir : le rêve de
retrouver la belle Latika. Il est convaincu et
pleinement conscient que l’espérance des pauvres
tels que lui s’appelle chance et risque, en
s’appuyant et en pariant loyalement sur le pouvoir
de la diffusion. Il apprendra malgré lui combien les
dits “messieurs de l’écran” – nouveaux parrains
des masses et de l’argent - conçoivent et
interprètent ce pouvoir..
différente de celle à laquelle tous aspirent.
Jamail se réalisera dans le sentiment
amoureux, unique et authentique valeur/
richesse qui permet de sortir des laideurs de ce
monde, de se sauver en sauvant les autres, y
compris l’aimée et douce Latika. La conclusion
du film ne tient pas au hasard, dans le moment
le plus spectaculaire de la “victoire”
rocambolesque (20 million de roupies, le chiffre
maximum de l’histoire de ce jeu, correspondent
à près de 220 000 dolars). – nous montre
l’irrésistible chute en pluie des billets de banque
sur le corps de Samil, le frère libéré de la
violence et du crime dont il reste victime par le
sacrifice de sa propre vie.
du film est assurément d’affronter les signes
tangibles du changement d’époque, qui permettent
même aux pauvres (au sein du rigide système
indien de castes) de sortir de leur statut social et
civil.
La mise en scène de Boyle aborde tant de thèmes :
enfants, famille, frères, soeurs, jeunes, media,
politique, société, pauvreté/marginalité, solidarité,
amour. Il conduit son film sur un rythme envoûtant
et dynamique, entre le rire et les larmes, l’émotion,
la réflexion. Il finit par un ballet, dans le style d’une
comédie musicale si chère au spectateur indien.
“Un film intense, médité, combatif et d’une grande
densité qui, du point de vue pastoral, est à évaluer
comme “recommandable”, source de discussion et
adapté aux débats”.
[email protected]
n
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
le
livre
Emilia Di Massimo
Les effets secondaires du rêve
D’après les statistiques, on situe entre deux cent et
trois cent mille le nombre des personnes sans
domicile fixe. Quarante pour cent d’entre elles sont
des femmes. Les chiffres sont en augmentation
constante. Les clochards qui aujourd’hui, préoccupent tant la société, font partie de notre vie. Nous
pouvons nous laisser troubler par leur présence ou
sombrer dans l’indifférence, il existe cependant une
troisième possibilité : les voir avec les yeux du
coeur. C’est l’expérience de Lou Bertignac, adolescente de 13 ans, narratrice et actrice de l’histoire :
elle parle et elle nous présente son univers tel
qu’elle le perçoit, avec ses mots, en présentant le
problème des sans domicile tout en leur conférant
dans le même temps une rare épaisseur et une
rare densité, ce qui, indiscutablement, porte à
réfléchir.
Par ailleurs, le roman n’évoque pas seulement la
brûlante question des clochards, mais propose de
multiples thèmes de réflexion : une singulière
amitié entre deux jeunes filles très différentes ; le
drame familial provoqué par la perte d’un fils ; une
intelligence brillante qui ne peut combler le besoin
d’affection ; l’amour qui naît timidement entre le
doute et l’attente.
Chaque argument est proposé par le biais
séduisant de l’évocation d’une adolescente capable
d’associer à ses émotions les lecteurs de tout âge.
L’auteur français Delphine de Vigan utilise une
langue légère et transparente, utilisant des
arguments qui incitent à réfléchir et à comprendre.
Le récit se déroule à un rythme rapide, de telle
sorte qu’il nous ramène d’une manière heureuse
à notre propre adolescence et nous permet
d’avoir un regard plus indulgent sur les
adolescents d’aujourd’hui.
La famille de Lou Bertignac, emmurée dans un
silence oppressant, vit enfermée dans le
souvenir inavouable d’une tragédie passée.
Incapable d’établir une relation avec quiconque,
Lou passe la majeure partie de son temps libre à
vivre les émotions des autres : elle regarde les
matchs de foot à la télévision pour observer la
joie des joueurs, elle épie les gens dans la rue et
surtout, elle fréquente les gares ferroviaires
parisiennes parce que c’est là que se concentre
l’émotion des amoureux qui se quittent, des
familles demeurées longtemps séparées, des
amis qui se retrouvent. Lou a un quotient
intellectuel supérieur à la moyenne : de fait, elle
a déjà sauté deux classes. Elle est plutôt en
marge des groupes ; seul, le fascinant Lucas lui
adresse la parole et lui envoie des sourires.
Lucas, l’élève beau et rebelle de la classe, si
riche qu’il vit seul dans un immense appartement.
Les professeurs apprécient beaucoup Lou. Le
professeur de sciences sociales a donné pour
consigne à tous les élèves de préparer un
rapport sur un thème de leur choix et de faire un
exposé devant la classe. Lou est terrorrisée à
l’idée de devoir parler devant tout le monde. Elle
sait encore moins sur quel thème préparer son
rapport.
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Dma damihianimas
ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009
Lou défie l’hypocrisie des sentiments des adultes :
“nous sommes capables d’expédier des avions
supersoniques et des missiles dans l’espace,
d’identifier un criminel grâce à un cheveu, de réunir
des milliers d’informations dans une puce électronique. Nous sommes capables de laisser mourir les
gens dans la rue. Nous sommes capables de
laisser les gens vivre en marge du boulevard
périphérique. Qu’est-ce qui ne va pas ? ”
L’adolescente croit profondément qu’elle peut
changer ce qui est injuste et elle lutte en prenant
position contre tous, mais toujours du côté de No,
afin que “l’infiniment petit puisse devenir l’infiniment
grand”. Lou et No : deux jeunes filles grandies trop
vite, mais qui, avec détermination et courage ne
veulent pas renoncer au besoin d’aimer, au désir de
changer le monde et de croire dans la force
irrésistible du rêve.
Cependant, elle s’aperçoit que le professeur
attend une réponse d’elle : elle se souvient tout
d’un coup d’une jeune fille rencontrée à la gare,
une sorte de clocharde, et donc elle déclare que
son rapport sera basé sur un entretien avec une
certaine jeune clocharde. Celle ci s’appelle
Nolween, un nom dont est tiré le diminutif No :
ce qui représente la négation de l’amour, d’une
vie normale et la difficulté d’avoir un avenir.
C’est une clocharde de 19 ans.
Lou et No deviendront amies. Entre elles deux,
le temps d’un regard, se crée une relation d’une
intensité particulière qu’aucune d’entre elles
n’avait vécue auparavant. Deux jeunes filles
totalement isolées, différentes mais destinées
en quelque sorte à se reconnaître dans la foule
de la ville. L’amitié, née lentement, parviendra à
changer leur vie et leur monde. C’est l’évènement, dramatique quoique léger, de deux vies
appelées à s’unir et, sinon à se sauver, du
moins à trouver une nouvelle espérance. En
fait, Lou décide de sauver No, de lui offrir un toit
et une famille, cette même famille qu’elle voit se
décomposer sous ses Yeux ; c’est ainsi que
La finesse et la légèreté de l’auteur, comme son
regard toujours pertinent et jamais envahissant tout
au long du roman, soulève progressivement les
problèmes authentiques présents dans la trame du
récit, parce que sous la belle histoire parisienne se
dessine l’histoire de toutes les solitudes et pas
uniquement celle de No.
Le roman est un livre sur la solitude, non seulement
celle des adolescentes, mais aussi celle des
adultes. Il conduit à réfléchir sur le monde, sur la
vie, sur la famille. Il suscite des questions sur la
société et ses absurdités, il nous fait réfléchir à
l’indifférence de notre regard sur le clochard, ce que
nous reconnaissons difficilement comme une
“violence”.
Or Lou nous suggère : “...maintenant je sais que la
violence est aussi dans le silence, et parfois elle
n’est pas visible à l’œil nu. La violence est le
moment où les blessures se cicatrisent, la longueur
irréductible du jour, l’impossible retour en arrière. La
violence est celle de celui qui fuit, qui se tait, qui ne
se manifeste pas, la violence est ce qui ne s’explique pas, qui restera opaque pour toujours”.
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dma damihianimas
REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE
camille
n
Temps de communiquer.
Je suis un peu désorientée.
Je suis entourée de personnes qui usent continuellement de paroles difficiles pour dire
qu’elles ont écouté ou rencontré des amis…ce que j’ai beaucoup de peine à comprendre.
L’autre jour j’étais dans la salle de communauté pour la récréation. Désormais peu y sont
restées fidèles.
Après quelques minutes entre un petit groupe de sœurs qui parlent de quelques jeunes et
disent des phrases surprenantes comme celles-ci : «Moi, Jean je l’ai dans mes relations si je
veux le rejoindre» «Tu sais, Christine, elle m’a ajouté à ses amis, c’est un grand pas en
avant, elle m’a fait entrer dans son monde». BOH !!!
Une autre sœur arrive et dit : «Désormais je suis arrivée à avoir 400 amis sur… (mot que je
ne sais ni prononcer, ni écrire espérant que vous, vous saurez comprendre) j’ai retrouvé
grâce à cela quelques-unes de mes amies d’école que je n’avais ni vues ni entendues depuis
de très nombreuses années».
Je me suis fait expliquer (plus d’une fois à dire vrai) de quoi on parlait. On m’a répondu que
sur Internet il y a des sites où tu peux écrire ton nom et ton prénom, tu mets une de tes
photos et, chaque fois que tu le veux, tu peux écrire ce que tu es en train de faire ou ce que
tu penses. Ainsi tous ceux qui sont sur ta liste d’amis peuvent lire ce que tu as écrit, peuvent
le commenter et quelquefois écrivent ce qu’elles sont entrain de réaliser, et toi aussi tu peux
le commenter.
«C’est beau, n’est-ce pas ?» Je n’ai pu répondre, je ne l’ai jamais expérimenté. Bien sûr, une
bonne pensée comme celle de la méditation ou la phrase d’une bonne lecture qu’ensuite tous
peuvent lire seraient à ma portée. Mais je ne suis pas «pratiquante » de l’ordinateur. Il y a de
mes contemporaines cependant qui, malgré leur âge avancé ont réussi à se familiariser un
peu avec cet instrument. Et alors, elles, oui elles peuvent partager leur méditation !?!?!?
On m’a aussi conseillé de lire sur DMA les articles qui justement concernent la communication. Mais c’était trop compliqué ; le vocabulaire italien ne me suffisait pas, j’aurais dû
employer aussi le dictionnaire anglais. Mais à mon âge, apprendre encore les langues c’est
vraiment trop me demander.
Cependant il me reste des doutes. A certaines questions je ne sais répondre toute seule.
Alors, je les partage avec vous. Mais qui mettre au nombre de mes amis ? Et si personne ne
me veut comme amie, qu’est-ce que je fais ? Et puis, écrire ce qui se fait, ce que je suis
entrain de penser. Tout cela ne m’est pas facile surtout si tout le monde le lit.
Ce temps de la communication pourtant est bouleversant. Avant celui qui voulait savoir ce
que les autres étaient en train de faire étaient surnommés une «personne curieuse», à
présent on dit plutôt qu’elle sait «vivre avec son temps». C’est bien vrai que les temps ont
vraiment changés !
A la prochaine !
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DOSSIER :
Cénacle ouvert
à l’histoire et aux histoire d’hier et d’aujourd’hui
PREMIER PLAN : Les Femmes dans la Parole Transformées par l’amour
EN RECHERCHE : Polis Notre Mère la Terre
COMMUNIQUER : Jeunes.com Web Radio
Penser, dans toute communication,
à sa propre vocation, voilà la manière
de se donner de la joie pour toute la vie.
(Don Bosco)
casa des dubbi e dei sogni casa des dubbi e
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LES ROUTES
LES ROUTES DE LA PAROLE :
LA MISSION
“CE QUE JE VOUS DIS DANS L’OBSCURITE,
DITES-LE AU GRAND JOUR,
CE QU’ON VOUS DIT A L’OREILLE,
PUBLIEZ-LE SUR LES TOITS.”
(MT 10,27).
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