l`image message

Transcription

l`image message
Ecole Nationale Supérieure
1998
LOUIS LUMIERE
L’IMAGE MESSAGE
Le rôle du photographe dans le processus de
communication, au travers des publicités de
prêt à porter sans slogan, pour l’affichage 4x3.
Laurence Valentin
Photographie Option Prise de Vue
Sous la codirection de Nicolas Schlaffman-Amprino,
directeur de création chez Media System ,
et de Rolan Ménégon, professeur à l’E.N.S.L.L.
Ecole Nationale Supérieure
1998
LOUIS LUMIERE
L’IMAGE MESSAGE
Le rôle du photographe dans le processus de
communication, au travers des publicités de
prêt à porter sans slogan, pour l’affichage 4x3.
Laurence Valentin
Photographie Option Prise de Vue
Sous la codirection de Nicolas Schlaffman-Amprino,
directeur de création chez Media System,
et de Rolan Ménégon, professeur à l’E.N.S.L.L.
1
2
REMERCIEMENTS
Je remercie mes parents, Isabelle, Sophie et Julien pour
m’avoir aidée tout au long de ce parcours.
Merci à Christelle B., à Guillaume, à Frédéric et Bérénice
pour leur présence.
Merci à Christelle C. et François, ainsi que Gervais
Jassaud, directeur de l’E.S.A.D.1 pour m’avoir permis de
réaliser des photographies au studio de l’école, un
dimanche de mars.
Merci à mes modèles, Amélie, Stéphanie D., Stéphanie et
Nadège, pour leur patience et leur corps de rêve.
Merci à Jean-Christophe pour ses bons conseils, PierreFranck, et Stéphanie D. pour les séances de lectures (…)
Merci à Anne-Marie Hodiesne pour sa gentillesse.
Merci à Damien de Foucault, Administrateur chez
Affimétrie.
Je
tiens
à
remercier
Eggle
Toutchi,
commerciale chez G.C.I., Alexandra Leca, responsable au
service de presse chez CLM/BBDO pour Kookaï. Merci à
Charlotte, responsable au bureau de presse Rhamsa pour
Morgan. Merci à Melle Ferron de l’agence Wolkoff et
Arnodin pour La City.
Merci à Renaud Buenerd, directeur de communication à
La City.
Merci à Rolan Ménégon, professeur à l’E.N.S.L.L. et à
Nicolas Schlaffmann-Amprino, directeur de création chez
Media System, pour leurs conseils, leur patience et leurs
encouragements.
3
SOMMAIRE
Préambule
Introduction
7
8
Chapitre I : Le rôle du photographe dans la communication
11
1. Le contexte
a) La société de consommation
b) La société des marques
11
13
2. Champs d’investigations
a) Une entreprise de marque : TATI
b) Le système de la mode
14
17
3. Le consommateur
a) Une cible jeune : «enfant de pub»
b) Une catégorie socioculturelle : tribu
c) La connivence avec le consommateur
21
22
24
4. Le média
a) L’identification
b) Le média : affichage 4x3
c) L’efficacité du média
27
28
30
Chapitre II : Rôle du photographe dans la conception
33
1. Mode d’expression
a) La photographie et l’absence de produit
33
2. Analyse de la communication de la concurrence
a) Morgan, Kookaï, La City
b) Vendre du rêve
c) Humour et amplification d’une certaine réalité
35
39
43
3. Champs créatifs du projet
a) Les expressions courantes
b) L’expression littérale
48
50
1
Ecole Supérieure d’Art et de Design de Reims
4
Chapitre III : Rôle du photographe dans la réalisation
53
1. Conception des maquettes
a) Exemple
b) Le rough
c) La Conception Assistée par Ordinateur
53
55
57
2. Maquettes finales
a) Les réactions
b) L’identification
c) Les modifications et choix définitifs
58
59
60
3. Faisabilité
a) Le budget
b) La technique
61
62
4. Réalisation
a) Les prises de vues
b) La palette graphique
63
65
Conclusion
Bibliographie
Glossaire
68
70
73
Annexes :
1.
2.
3.
4.
5.
Brief
Concept board / Explications
Tests
Entretien à La City
Conférence de Gilles Lipovetsky
76
82
88
90
96
5
Note à l’intention des lecteurs : ce sujet rentre dans un domaine particulier qui est celui
de la publicité, il m’arrive de ce fait d’employer des termes spécifiques à cette
corporation. Ce vocabulaire pratique use d’expressions anglophones qui ne sont pas
traduisibles en français.
Les publicités entrent dans un domaine où le vocabulaire est très précis, très changeant :
la mode.
Par conséquent, un glossaire est tout spécialement conçu pour une meilleure
compréhension de ces termes. Afin de vous guider vers ce dernier, lors de la première
écriture de ces mots, un astérisque (*) vous indiquera qu’il se trouve dans le glossaire.
6
PREAMBULE
A ce jour, les marques* ont besoin de contenu pour arriver à
s’exprimer. C’est grâce à une signature* qu’elles y parviennent. C’est un
slogan* court qui accompagne le nom du produit*. Elle donne une certaine
philosophie au travers du discours de la marque2.
L’éradication du slogan publicitaire ne s’est pas faite de manière
brutale. Il n’implique pas le consommateur, mais, par contre, la signature
l’interpelle. Elle construit une relation avec lui.
Depuis quelques années, les publicitaires tirent un trait sur
l’utilisation des mots, l’absence de signature est extrêmement moderne
(Kookaï, Nike.).
L’interpellation
se
fait
par
les
images,
d’où
l’importance
grandissante du rôle du photographe dans la communication visuelle
publicitaire.
2
Culture Pub, M6, dimanche 26 avril 1998.
7
INTRODUCTION
Le thème de ce mémoire part d’un simple constat qui est l’absence
de slogan et de produit dans certaines campagnes publicitaires*
(notamment, les dernières campagnes de Kookaï). De ce fait, l’image prend
de plus en plus d’importance. Cette étude a pour but de définir « les limites
des champs d’investigations du photographe dans le processus
publicitaire ».
Plusieurs éléments sont à l’origine de l’évolution du rapport de
l’image au slogan. Dans un premier temps, mon travail consiste à exposer
et analyser les paramètres dans lesquels cette idée évolue : la société de
consommation*, les marques et leurs identités visuelles*, la mode*, le
consommateur averti, ainsi que l’affichage 4x3 qui s’intègre comme le
média* principal de mon étude. J’établis donc la relation entre la société en
général et le photographe. Quelles importances ces données ont-elles pour
lui ? Comment ce dernier la perçoit-il ?
Dans un deuxième temps, ma recherche tient compte des moyens de
communication tel que le médium photographique, ainsi que du
« nouveau » style d’image : mise en scène et absence de produit. Je me
fonde sur des campagnes publicitaires qui répondent à des courants créatifs
actuels dans le domaine du prêt à porter* (Morgan, Kookaï, La City). De ce
fait, je souligne les liens entre elles et ce qui me conduit à cerner ma propre
étude. Le photographe peut-il être considéré comme concepteur d’images ?
8
En dernier lieu, je me permets d’aborder de front le statut du
photographe dans les créations publicitaires. Je me place dans le contexte
où le photographe a pensé le concept* et le réalise du rough* à la prise de
vue. Comment le photographe peut-il faire évoluer une idée sans entrer
dans des clichés ?
De l’idée de base à la réalisation, c’est tout un système de
communication qui se met en place. Dans le cas présent, je représente «le
système » tout en entier, ce qui me permet d’évoquer par la suite, les
avantages et les inconvénients à vouloir mener de front un tel projet.
C’est au travers de certains magazines féminins que j’ai établi les
exemples de cette étude et construis mon projet. Il fallait que je reste
proche des faits de société pour obtenir une étude en rapport avec la société
de consommation actuelle.
9
« Les choix ne sont pas faits au hasard, mais socialement contrôlés, et
reflètent le modèle culturel au sein duquel ils sont effectués. On ne produit
ni ne consomme n’importe quels biens : ils doivent avoir quelques
signification au regard d’un système de valeurs »
Gervasi3, sociologue.
3
Jean BAUDRILLARD, La société de consommation, Denoël, Paris, 1970, p.94
10
RÔLE DU PHOTOGRAPHE DANS LA
COMMUNICATION VISUELLE
Une photographie, tout comme un produit n’existe que par le regard
d’autrui. Une photographie publicitaire subsiste ainsi par le biais d’une
même personne ayant deux visions distinctes : celle du spectateur et celle
du consommateur. Elle perçoit ainsi l’image publicitaire d’un point de vue
sensible et commercial.
Le photographe a une meilleure vue d’ensemble de son travail s’il en
maîtrise les tenants et les aboutissants. Il ne peut que mieux traduire un
concept en images s’il connaît le contexte et les personnes à qui il
s’adresse.
LE CONTEXTE
La société de consommation
Une partie de l’économie de notre société repose sur la production de
biens de consommation. Il faut faire en sorte que ces produits aient une
valeur commerciale. Ils sont conçus et fabriqués pour être connus et
reconnus des consommateurs afin d’être vendus.
Il s’agit, certes, d’une société de consommation de produits, mais
aussi d’une société de consommation de l’image. Les publicités nous
permettent de connaître les différents produits. Nous sommes exposés de
plus en plus à ces dernières, pour nous faire réagir ; c’est ce que nous
pouvons considérer comme du matraquage visuel. Il nous amène vers un
certain conditionnement.
11
Nous naissons dans un cercle familial qui s’inscrit dans la société de
consommation. L’enfant, l’adolescent puis le jeune adulte est destiné à
consommer c’est pourquoi depuis le tout jeune âge, l’enfant est nourri par
les images. Au début, nous n’en sommes pas conscients et pourtant «dès le
sein de la mère, le consommateur commence à être conditionné.4 » Il
semble que nous entrons inconsciemment dans le système qui nous façonne
au travers d’association d’images et de mots.
La communication au sein de la société est appelée à se renouveler
très souvent, pour éviter la lassitude du consommateur. Elle suit un état
d’esprit tout en répondant à une attente.
C’est aussi dans ce but que la mode change pratiquement tous les
ans. Elle s’intègre dans la consommation ostentatoire, elle entre dans la
société du spectacle dans laquelle nous vivons, un univers où le paraître
domine l’être. Un style de vie où l’artifice est roi. L’article de mode, le
vêtement de prêt à porter, commence à vivre dès l’instant où nous pouvons
le nommer, le qualifier par une marque.
Le photographe est un acteur et un témoin de cette société de
consommation. Il doit avoir un regard critique par rapport à son évolution.
Cela lui permet d’aller au devant des tendances* visuelles et de faire
évoluer l’idée que nous avons de cette société, par rapport aux biens que
nous consommons.
4
Jean BONIFACE, L’homme consommateur victime ou complice, Société coopérative d’information et
d’édition mutualiste, Paris, 1982, p.101
12
La société des marques
Le système de consommation est ambigu : d’une part, il permet de
réduire les différences entre les classes sociales par l’accès aux mêmes
produits, et d’autre part, il permet aux acheteurs de se différencier entre
eux. Les «marques » permettent de créer les normes de cette «société » et
offrent la possibilité à chacun de se créer une identité par des produits.
Elles se doivent d’être des valeurs de référence dans leurs domaines
respectifs.
Les marques ont une existence si elles renvoient à la société de
consommation et aux consommateurs. Pour devenir populaire auprès des
consommateurs, elles utilisent les médias quels qu’ils soient (télévision,
affichage, presse…) pour y diffuser leur image.
Grâce à leur influence, il se crée un véritable langage autour d’elles,
ce sont des slogans, des idées, des musiques… qui permettent à la publicité
des marques, selon Pascal Weil, de devenir un véritable espéranto ! 5 .
Jean Boniface se demande si la publicité est faite pour attirer des
clients, ou pour contrer la concurrence des autres marques6. C’est un
perpétuel combat si elles vendent les mêmes produits. Leurs atouts restants
sont avant toute chose, l’image qu’elles émettent, le prix, la qualité des
produits et la relation avec le client qu’elles entretiennent.
C’est sous l’œil attentif du photographe que l’identité se révèle. Il
prend du recul par rapport au concept de la marque qu’on lui propose, il la
juge et réalise l’image qui sera perçu par tout un chacun. Il doit être en
corrélation avec ce que la marque souhaite montrer comme étant son
image.
5
Pascale WEIL, A quoi rêvent les années 90 ?, Seuil, Paris, 1993, p.17
Jean BONIFACE, L’homme consommateur victime ou complice, Société d’information et d’édition
mutualiste, Paris, 1982, p.133
6
13
CHAMPS D’INVESTIGATIONS
Une entreprise de marque : TATI
La marque est une référence en terme de garantie, de sécurité et de
practicité pour ses clients. En effet, cela leur sert de repère dans une société
de consommation où tout ce qui se vend, est dans l’instant, déjà dépassé et
déprécié. Seuls 6% des Français7 citent une marque comme un critère de
choix pour leurs achats. Elle est en perte de vitesse. Les jeunes semblent
manifester encore de l’intérêt pour ces références sans y être pour autant
fidèles. En fait, elle est encore présente dans leur univers parce que sa
représentation est parfois une valeur symbolique.
L’entreprise de marque use de ses atouts : l’image de l’entreprise et
l’image de marque*. La première dépend de son prestige, de son caractère
spécifique (manière de faire…). La deuxième se représente par l’identité
visuelle en se distinguant, selon l’auteur d’un dictionnaire sur le thème
publicitaire8, par un nom, un logo*, une symbolique, une couleur, une
typographie.
L’identité d’une marque dépend de ceux qui la conçoivent, de ceux
qui la perçoivent et des consommateurs. Les publicitaires conceptualisent
la marque autour des notions qu’elle doit véhiculer. Des sémiologues
analysent l’image qui se dégage des entreprises de marque (Geneviève
Cornu, Andrea Semprini, Jean-Noël Kapferer…). Le consommateur reste,
néanmoins, la première personne qui se forge une opinion sur la marque,
puisqu’elle lui est destinée.
7
8
Gérard MERMET, Tendance 98 Les nouveaux consommateurs, Larousse, Paris, 1997, p.105
Rémi-Pierre HEUDE, Dictionnaire analogique de la pub et des médias, Eyrolles, Paris, 1993, p.172
14
L’exemple de «TATI » est particulièrement intéressant pour
plusieurs raisons. D’une part, son image découle de son histoire et reflète
les pensées d’une génération. D’autre part, c’est une entreprise de prêt à
porter reconnue internationalement à ce jour. Enfin, sa communication
visuelle actuelle se fonde autour des photographies sans légende.
L’entreprise vit le jour en 1948. D’un modeste commerce, Monsieur
Jules Ouaki en fait un des premiers discounts, où les vêtements s’entassent
dans des bacs supplantés par de grosses étiquettes. Le désir de vulgariser
l’achat de vêtements reste une priorité. C’est, à ce jour, une multinationale
qui se développe en France et dans le monde.
Dans le courant des années soixante, l’entreprise est l’empreinte de
toute une génération. Le vichy rose, symbole de leur identité est créé en
deux temps. D’une part, Monsieur et Madame Ouaki le composent en
mêlant une étoffe de tissu noir et blanc et un emballage de parfum,
Guerlain, bleu et rose. D’autre part, Brigitte Bardot déclenche
l’engouement pour les couleurs de «TATI », lorsqu’elle porte des robes
taillées dans ce tissu. Son identité se construit à travers l’image que donne
Brigitte Bardot. Il se dégage une idée de beauté, de jeunesse, de bonheur et
de dynamisme.
A ses débuts, l’entreprise se crée une identité calquée sur une idole
des années soixante. Maintenant, elle représente l’idée d’une génération
passée. Elle ne cesse de s’étendre parce que son image est devenue une
preuve de pérennité.
Son succès réunit des populations cosmopolites, des personnes de
statuts sociaux et de religions différentes ; tout le monde va chez «TATI».
15
Le vichy rose et blanc nous projette l’idée des magasins, des produits. Une
fois l’identité construite, le consommateur est seul juge de la marque.
L’entreprise est baptisée «
TATI»,
du nom de la mère de
Monsieur Ouaki, Tita. Son nom, lié directement au créateur, lui confère une
dimension affective.
TATI profite de son cinquantenaire pour communiquer sur sa
marque. Il ne s’agit pas de communication publicitaire traditionnelle. Il y a
une campagne d’affichage 4x3 ou elle expose toutes ses innovations en
montrant les différents logos. De Tati Or à Tati Clic9, l’entreprise investit
de plus en plus de domaines.
Le leitmotiv de l’entreprise TATI
pour ce demi-siècle étant :
« LES PLUS BAS PRIX SONT CHEZ TATI
DEPUIS 50 ANS».
Les autres manifestations, lors de cet
anniversaire, sont représentatives de sa
notoriété et
de
la
place
active
du
photographe par rapport à l’image d’une marque: exposition au musée des
Arts décoratifs10 de célèbres photographes, d’Edouard Boubat à Luc
Choquer. Des photographies regroupées dans le catalogue «50x50»11, dont
les créateurs sont de renoms : Les Guzman, Dominique Isserman, Paolo
Roversi,… Des sacs décorés « par des artistes pour l’occasion »12, Andrée
9
Prêt à Photographier Tati
Du 12 mars au 4 avril 1998
11
Fabien Ouaki, « 50x50 », Steidl, Paris, 1997.
12
Babeth Djian, Max MIXT(E), Où vont les modes ?, À voir, avoir, savoir, RCS France SNC, LevalloisPerret, n°4, printemps 1998, p.84
10
16
Putman, Erick Dietman, César… Une communication sans slogan,
d’actualité, qui sied bien à ce type d’entreprise puisqu’il s’agit seulement
de se distinguer par rapport aux autres marques.
La marque permet de rassembler tout le monde, elle devient un code.
Alors que le produit est dépassé, il peut continuer à être un repère grâce à
son nom. Ce sont des codes attachés à une marque qui permettent au
photographe de communiquer.
Le système de la mode
La «mode» un univers vaste où les stylistes se laissent guider par leur
fantaisie, leur imagination. Je m’attache particulièrement aux tendances du
prêt à porter : des modèles conçus pour une production de masse. Ce
domaine reste très proche du consommateur du fait de son accessibilité.
La mode apparaît comme le système le plus ambigu par rapport à
celui de l’individualisme*. D’une part, elle se fonde sur de multiple canons
de la beauté : taille, poids, teint… D’autre part, il semble que beaucoup de
personnes souhaitent se forger une apparence très personnelle, tant en
matière d’habillement que de physique13.
Cependant, selon les dires de Gilles Lipovetsky14, «la spirale de
l’autonomie avance», elle repose sur le système «à la mode démodé », un
système binaire qui s’inscrit dans un système ternaire puisqu’elle est
traditionaliste, moderniste et post-moderniste*. Elle s’inspire des
phénomènes passés, elle se tourne vers des formes futuristes mais reste un
phénomène post-moderniste par sa création très éphémère, non passéiste.
13
Cf. paragraphe sur les catégories socioculturelles.
Gilles LIPOVETSKY, Conférence sur « L’individualisme contemporain », jeudi 16 avril 1998,
Publicis, 133 av. Champs Elysée, Paris.
14
17
Dans les années 1960-1970, c’est un style jeune, une mode de la rue,
un patchwork considérable, qui nous mène vers «des modes». C’est la
logique post-moderniste de la mode : passer d’une mode à des modes.
La minijupe, symbole de toute une génération, est l’expression d’une
société en pleine mutation. Elle est inventée par Mary Quant et introduite
dans la mode par Courrèges en 1965. Elle représente le début de
l’individualisme parce qu’une mode ne sied pas à toutes les femmes. Ce
n’est plus un seul créateur qui impose son style, la femme décide de choisir
ce qui lui convient.
Depuis cette époque, il n’y a plus de phénomène majeur comme
celui-ci. De plus en plus, ce sont les jeunes qui imposent leur mode et non
plus seulement les professionnels. Il est vrai que ce domaine est une partie
ambiguë de la société, mais aussi des plus représentative de notre époque.
Il n’y a plus de grande direction, de grande tendance en terme de mode
mais
plutôt,
une
multiplication
de
phénomènes
qui
mûrissent
indépendamment les uns des autres. Certains font nombre d’adeptes, mais
ressemblent plutôt à des «états d’esprit » puisqu’ils développent un
langage, une philosophie. Tous ces microcosmes constituent «La Mode».
En réalité, «la mode est réellement un alphabet »15, et cette diversité
se retrouve à travers certains magazines féminins16. Ils nous montrent des
jeunes filles habillées d’un style «techno» ou romantique. Tous les genres
sont acceptés et acceptables. Ils vont de la tendance «sportwear »17 à la
tendance «classicwear». Je ne suis pas sûre de pouvoir m’exprimer sur ce
15
Jean BONIFACE, L’homme consommateur victime ou complice, Société coopérative d’information et
d’édition mutualiste, Paris, 1982, p.172
16
20 ans, Jeune et Jolie, Vital, Dépêche mode, Jalouse, Cosmopolitain, Elle
17
Le suffixe «wear » désigne une vague tendance.
18
qui se meut dans la tendance ou non (le «in» et le «out»), puisque à ce jour
tout peut être amené à devenir un style. D’après certaines constantes dans
la presse féminine, trois grandes tendances se détachent : la séduction, le
sportwear et le minimalisme.
En fait, le consommateur entre dans les tendances en se les
appropriant. Il compose à sa manière, de façon à créer son univers. C’est
ici que nous retrouvons réellement l’idée d’individualisme : la mode
devient un sujet de confrontation aux valeurs traditionnelles.
L’entreprise de mode doit fournir une multitude de possibilités pour
se vêtir. Elle doit répondre à l’attente du consommateur. En fait, elle doit
être en permanence à l’affût des nouvelles tendances pour rester au plus
près du client : elle doit être plutôt diversifiée. Il faut qu’elle puisse
satisfaire ses désirs très rapidement, sinon celui-ci se tourne vers la
concurrence.
Je pense que c’est un état d’esprit de la fin du siècle. Les
consommateurs sont dans une attente grandissante de franchir le cap du
XXIème siècle. De ce fait la mode vit à travers des cycles de plus en plus
courts. Le consommateur fait un retour vers le passé, avant de parvenir à
des matières et des formes nouvelles qui sont actuellement étudiées. Roland
Barthes lui-même, confirme ces changements rapides et tend à nous
démontrer qu’il ne s’agit que d’un perpétuel recommencement : « Au lieu
de vous placer à l’échelle de quelques années, vous vous placez à l’échelle
de quarante ou cinquante ans, vous observerez des phénomènes d’une très
grande régularité (…) Le rythme de changement de Mode est (…) régulier
(…) » 18et il ajoute, que, de ce fait, d’ici à l’an 2020, les jupes devraient à
18
Chantal THOMAS, « Roland Barthes et la mode », Art Press Spécial Art et Mode, Attirance et
divergence, Art press, Hors série n°18, Paris, 1997, p.136
19
nouveau être très longues… Il me semble que ces paroles résument
parfaitement les mouvements cycliques de la mode, même s’ils paraissent
toujours aller de l’avant.
C’est peut-être un brin de nostalgie qui reste aux créateurs, aux
consommateurs : porter un habit du style «années soixante-dix », c’est
encore adhérer à ces idées… La perspective d’un siècle nouveau risque de
bouleverser cet état de fait car la technologie du textile se penche de plus
en plus sur les matériaux du futur. Des «tissus intelligents19 » qui
garderaient en mémoire la forme du corps et qui, de ce fait, se replaceraient
automatiquement ou qui changeraient selon l’humeur («morpho-wear» !),
des tissus antibactériens, anti-stress, anti-odeurs… Cette gamme de
vêtements paraîtra dans quelque temps et laissera derrière elle tout ce que
l’on porte à ce jour.
L’entreprise de mode doit répondre en terme de produit, de qualité,
de service, de rapidité ainsi que de changement si elle veut rester dans la
course mais elle impose son caractère, sa marque. Selon les écrits de
Bourdieu, «la fabrication publicitaire de marques (…) représente un cas
exemplaire d’alchimie sociale, opération de transsubstantiation qui, sans
rien changer de la nature physique du produit, en modifie radicalement la
qualité sociale »20. Un produit n’existe pas seulement par sa forme mais
aussi par son «âme », comme nous l’avons vu précédemment. La marque et
son identité y contribuent, mais l’acteur principal qui la fait vivre reste le
consommateur.
19
Alexandra SENES, CB News Communication, Spécial femme, Tissus intelligents, les nouveaux habits
de la mode, n°514, Paris, 2-8 mars 1998, pp.14-18
20
Marie-Christine NATTA, La mode, Economica, Paris, 1996, p. 84
20
Le photographe travaille dans la même logique que celle de la mode :
le domaine de l’éphémère. Pour lui, la mode est le reflet réaliste de la
société, il nous le traduit par l’image.
LE CONSOMMATEUR
Une cible jeune-«enfants de pub »
A la fin des années quatre-vingts, ces «jeunes* » n’aiment pas les
publicités qui ne montrent pas le produit. Il fallait qu’ils apprennent à le
connaître déjà physiquement, non qualitativement. Ils affectionnent tout
particulièrement les publicités marquées par une certaine créativité et une
explication claire et précise du produit. Elles renvoyaient une image
moderne : Perrier, Eram, Orangina, Coca-Cola. Ces publicités sont
«vivantes» et apportent un bien-être fondamental à l’équilibre des
adolescents. Ce sont les mises en scène dynamiques de Hollywood
chewing-gum, de Lee Cooper, tout comme l’humour d’Eram qui sont alors
appréciés.21
Dorénavant, les publicitaires leur proposent des visuels qui ne
présentent pas de manière directe le produit, même s’ils sont aussi riches en
terme de créativité. Ces personnes se sont éduquées avec l’image. Elles
finissent par les décrypter sans avoir toutes les informations.
On peut pressentir qu’elles ont un engouement pour tout ce qui est
innovant, leur vocabulaire est truffé d’expressions «tendance » telles que
«hype*, tip top, chic… » ; en somme, elles ont besoin d’un renouveau pour
s’affirmer.
21
Caroline GUILLOT et Gérard NEYRARD, Entre clips et look, les pratiques de consommation des
adolescents, L’Harmattan, Paris, 1989, pp.49-52
21
Une catégorie socioculturelle : Tribu
Les jeunes pensent être différents du moment où ils peuvent avoir
certains codes d’appartenance à une tribu*. Ils personnalisent des codes qui
les représentent. Dans le but de définir correctement la catégorie
socioculturelle choisie dans cette étude, je souhaite pouvoir expliquer
comment cela fonctionne dans sa globalité au travers de distinctions
physiques.
Le culte du corps tout comme la mode repose sur un même paradoxe
par rapport à l’individualisme. Les codes sportifs ou stylistiques entrent
dans une logique du combat avec soi-même. Les modèles sont un
instrument de l’autonomisation, de la maîtrise de soi.22
L’étude de groupes s’étant appropriés leur corps de manière extrême
m’amène à analyser ce que sous-entend le terme de tribu ainsi que
d’individualisme, de façon exemplaire. C’est dans les années soixante que
ces idées surgissent. Il s’agit d’imaginer des hommes-robots, nous sommes
loin de cela, cependant les «mutants 23» existent. Nous sommes au milieu
du monde de Warhol puisqu’il disait : « je
veux être une machine ».
Les implants d’acier, de corail, de Téflon
nous
dirigent
vers
une
«cyborg
generation 24». Les personnes portant des
implants se considèrent donc, pour certaines,
comme des «mutants ». Une mutation voulue
22
Gilles LIPOVETSKY, Conférence sur L’individualisme contemporain, jeudi 16 avril 1998, Publicis,
133 av. Champs Elysée, Paris.
23
« C’est l’heure », France 2, jeudi 13 novembre 1997. « Du fer dans les épinards », France 2, samedi 14
mars 1997.
24
Contraction de « organisme cybernétique ».
22
qui explique un besoin de se différencier très important. Je pourrais les
qualifier de «tribus mutantes ». Elles expriment le désir, poussé à
l’extrême,
de
changer
leur
apparence
humaine et en devenir maître25. L’exemple le
plus connu dans le monde artistique en terme
de maîtrise de son corps est celui d’Orlan.
C’est une femme, qui, adolescente se
travestissait en homme. Maintenant, et ce,
depuis 1989,
elle subit des opérations de
chirurgies esthétiques pour obtenir un front comme celui de Mona Lisa26,
une bouche comme Europa27, le menton de la Vénus de Botticelli28… Les
interventions sont filmées. Elle veut prouver au monde que le corps est
«obsolète29», et qu’il faut l’aider à suivre la marche du temps, dans un
monde où tout s’accélère.
Ce mouvement reste proche de la
simple chirurgie esthétique par les faits, mais
éloigné par son concept. La chirurgie
plastique présente un aspect normatif alors
que les implants introduisent l’idée de
singularité.
Cette cyber-génération fait partie de catégories socioculturelles qui
éprouvent le besoin de se démarquer par une certaine excentricité physique.
25
Jean-Marie Barbieux, DS magazine, C’est déjà demain, Cyborg generation, JYL SA, Paris, n°11, Avril
1998, pp.70-73
26
Léonard de Vinci, 1563
27
Peinte par Boucher.
28
Peinte en 1484
29
Orlan, La recherche photographique, Pour un art charnel, Maison Européenne de la Photographie,
Paris, printemps 1997, n°20, pp.72-77
23
D’autres se démarquent moins agressivement par rapport à leur corps.
Chacun cherche à affirmer sa personnalité comme il le souhaite.
À ce moment précis la notion de référent est importante. Ils veulent
se trouver une personnalité ; cette dernière est
souvent fondée à partir de modèles. Je pense
que nous souhaitons être quelqu’un de
particulier au vu des personnes qui nous
entourent ; les idéaux traditionnels sont les
parents, les amis… Ils sont tour à tour des
modèles ou des contre-exemples. C’est un jeu qui consiste en son
amélioration, en son affirmation puisque «c’est un moyen de définition
social de l’individu »30 .
A partir de cette notion, relativement extrême, du système dans
lequel s’inscrit une tribu, le photographe en saisit l’importance. De là, il
peut, lui-même en établir une pour ses projets. Il inscrit des valeurs dans
ses images au travers de codes physiques. (Le brief* qui se trouve en
annexe 1, dresse tout particulièrement le portrait de la cible de mon projet).
Connivence avec le consommateur
Les publicitaires communiquent grâce aux codes que les tribus
définissent. Ce système entraîne une grande complicité entre ces deux
acteurs, car la publicité s’adresse à des consommateurs de plus en plus
avertis.
30
Mac Luhan MARSHALL, Pour comprendre les média, Mame / Seuil, Paris, 1997 (texte de 1964),
p.145
24
Pour être encore plus proche d’eux, le message publicitaire s’inscrit
dans l’actualité. Les changements de société, quels qu’ils soient, induisent
la mode. Tout est dans une même tonalité, nous écoutons une certaine
musique pour un certain type de vêtement. Une véritable philosophie de vie
découle de la mode. La casquette est assimilée au rappeur tandis que les
baskets compensées se veulent plutôt techno…
Il est facile de parler de langage au sens propre à travers
certaines campagnes publicitaires. L’exemple de Sony est une
approche révélatrice du rapport que l’entreprise souhaite avec
le consommateur. L’entreprise utilise un moyen d’accrocher le
spectateur visuellement et de créer une référence. Elle lui parle
grâce à une codification. Les dessins sont compréhensibles
par tous les types de consommateurs. Ils vulgarisent la
communication visuelle de SONY. Il y a quatre graphiques
dont trois expriment des sens physiologiques de l’être
humain : l’ouïe, la vue, le toucher. Le dernier représente
l’organe de phonation.
L’ouïe est symbolisée par une oreille évoquant la qualité du son
Sony. Elle symbolise le matériel de capture du son et l’écoute client. La
vue, matérialisée par l’œil, démontre la haute définition de l’image. C’est
un organe de la perception visuelle qui détient une connaissance
importante. C’est pourquoi nous sommes en mesure de penser que Sony est
une entreprise visionnaire. Le toucher qui nous ramène au contact du
matériel et à son confort ergonomique est symbolisé par une main ouverte,
tous doigts levés. Celle-ci attribue à Sony une puissance et une idée de
maîtrise de ses projets. La bouche, indique les éléments de diffusion du
25
son. C’est l’organe de la parole ainsi que celui de la puissance créatrice et
communicante.
En somme, Sony nous montre à la fois la qualité de ses produits, de
sa marque, et ses atouts : la communication, la connaissance, la puissance,
la création. Elle définit l’idée que nous devons nous faire de ses produits.
Ce ne sont pas les produits qui sont mis en valeur mais leurs particularités.
Ils doivent être de qualités, infaillibles, fonctionnels et novateurs.
L’impression qui se dégage principalement de ce graphique est une
idée de suprématie par rapport au domaine de l’audiovisuel : il promeut
l’idée que Sony veut nous faire ressentir à travers ses produits. En somme,
Sony est l’univers des sens.
Ces graphismes sont très proches des idéogrammes qui font partie
des premiers systèmes d’écritures avec les caractères pictographiques. Ce
sont des écritures simples et imagées qui renvoient immédiatement au
concept même. Elles font ressortir plus facilement les émotions car elles
sont visuellement plus imagées qu’une typographie traditionnelle. C’est le
genre de procédé que le monde informatique a repris pour communiquer
via le courrier électronique sur Internet. En effet, un système de symboles
parcourt les réseaux du «web » pour traduire des états d’âme. Ils sont
appelés «emoticon, binette31, souriant32… », et plus souvent nommés
«smiley*». Leur origine remonte aux années quatre-vingts et à ce petit
homme : J, nommé «smile ».
Ces graphismes demandent aux consommateurs, tout comme aux
internautes, d’être plus sensibles aux langages parallèles. Nous leur
montrons des dessins pour les faire réagir. L’explication d’une image
publicitaire se fait grâce à un support graphique qui évoque des sentiments
31
32
Terme québécois.
Terme français, traduction de l’anglais «smile ».
26
définissant le produit. Le graphique renvoie donc à l’image ou à l’essence
même de ce dernier.
La communication visuelle devient accessible à tous. Les publicités
dépassent la barrière des langues pour rentrer dans une relation plus
complice avec les consommateurs par le biais de codes essentiels. La
communication, comme Sony la conçoit, devient universelle.
Une discussion s’établit entre une image et un consommateur. Elle
l’interpelle, il cherche inconsciemment à la comprendre. Le processus est
identique pour toute communication visuelle, même si l’univers de la mode
est
très concurrentiel, tant en matière de création que d’achat. À cet
instant, le photographe cherche à souligner de manière visuelle l’idée forte
du concept pour capter l’attention du consommateur. Il cherche à créer «Le
Visuel» dans lequel s’intègre le logo de la meilleur façon qu’il soit.
LE MEDIA
L’Identification
Les publicitaires pensent la cible* autrement. En 1964, un théoricien
de la communication, Marshall Mc Luhan, considère que «le produit luimême compte d’autant moins que la participation du public s’accroît ».
C’est une idée qui évolue au fil du temps, le jeune consommateur est
considéré de plus en plus comme une personne active à part entière à qui
les publicitaires s’adressent.
Pour pouvoir se reconnaître à travers un produit qui lui est
potentiellement destiné, le consommateur s’est donc identifié premièrement
27
à un modèle du genre humain. Il se réfère aux modèles de son vécu dans sa
globalité. Le transfert se produit si le travail en amont a été bien établi. La
cible peut se définir à travers l’image comme pouvant en être l’acteur. Un
produit peut lui convenir de façon toute particulière. Le spectateur se
l’approprie parce qu’il lui renvoie son image.
Suivant les écrits de Semprini «le caractère de la marque renvoie au
caractère du consommateur »33. Il faut qu’il se sente en confiance avec le
produit évoqué. L’image devient miroir. Elle lui renvoie précisément les
codes valorisants auquel il adhère, en tant que personne faisant partie d’un
groupe. Ces signaux émis par la publicité deviennent alors des stimuli qui
cherchent à réveiller ses sentiments pour faire surgir les désirs inconscients
d’achat.
A vêtement égal le consommateur choisit la marque dont il se sent le
plus proche. L’identification se produit par associations d’images connues.
Le spectateur ciblé est influencé par les images qui entourent la publicité
qu’il regarde, ainsi que celles qui les précèdent et les succèdent, quelles
soient présentes physiquement durant le moment de la vision ou quelles
soient dans la mémoire du spectateur. Pour réussir, il faut que l’annonce
englobe l’expérience du public.
Le média : Affichage 4x3
L’affichage urbain est un des premiers médias publicitaires qui vit le
jour. Des enseignes peintes furent retrouvées sur les ruines de Pompéi. Ce
33
Andrea SEMPRINI, Le marketing de la marque - Approche sémiotique, Liaisons, Paris, 1992, p.116
28
média évolue depuis plusieurs siècles et garde une part importante dans la
communication visuelle.
Les performances de l’affichage commencent à prendre une place
équivalente à l’Audimat (audience de la télévision) et à 75000 (audience de
la radio)34. Les premières mesures d’audience débutent dans les années
cinquante. Dans les années quatre-vingt-dix, l’impact de l’affichage est de
plus en plus défini.
Son efficacité est quantifiée d’amont en aval d’une campagne
publicitaire. Une fois cette dernière réalisée, un type de réseau d’affichage
est défini. Il existe un logiciel capable de mesurer le taux d’audience que la
campagne suscitera. Ce logiciel, SAM est distribuer par AFFImETRIE, une
entreprise qui s’occupe de faire évoluer l’identité de l’affichage en
montrant son efficacité. L’impact en terme de qualité est quantifié par des
organismes de sondages comme nous pourrons le voir dans le deuxième
chapitre en ce qui concerne les campagnes de La City.
Selon Baudrillard, le médium publicitaire lui-même «retribalise » les
consommateurs outre les facteurs de complicité et de collusion
immanente…35. En somme, en choisissant un moyen de diffusion
publicitaire précis, nous nous adressons déjà à une cible potentielle précise.
L’affiche 4x3 est pensée pour cette dernière. Le fait qu’elle ait des atouts
importants, comme la taille ou les lieux d’affichage, permettent de toucher
un plus large public. C’est un média qui sensibilise particulièrement les
jeunes (100% des 15-24 ans) et les femmes actives. Ils sont souvent en
contact avec les images qui construisent celles de la société de
consommation.
34
35
Source Affimétrie.
Jean BAUDRILLARD, La société de consommation, Denoël, Paris, 1970, p.192
29
Nous ne pouvons pas éviter ce matraquage visuel. Elles sont
présentes à chaque station de métro, à chaque coin de rue. Néanmoins, il
faut qu’elles accrochent le regard et qu’elles ne soient pas prises comme
des images fantomatiques qui font partie du paysage urbain.
En général, leur importance et leur multitude font qu'elles ont un
impact immédiat. Elles éveillent l’attention des personnes concernées. Pour
une partie d’entre elles, l’acte de mémorisation s’établit par le
consommateur ainsi que l’acte de reconnaissance.
L’efficacité du média
Il leur faut connaître l’impact des campagnes publicitaires et les
mécanismes inconscients qui amènent le consommateur à l’achat.
L’efficacité dépend en partie de l’emplacement et de l’étendue de la
campagne.
Les affichages durent d’une à deux semaines. Il y a les différents
types d’affichages, tout en restant dans le "quatre par trois ". Les affiches
peuvent être placées de façon unitaire ; par deux, ce qui permet la
déclinaison d’un message ou de manière massive sur tout un quai.36
Suivant l’emplacement qu’elle a, métro, RER, bords de route… elle
n’obtient pas le même nombre d’O.D.V.37. Elle n’a donc pas le même
impact par rapport au consommateur.
La publicité permet de véhiculer des tendances culturelles. En étant
montrer sur les murs des villes, cela permet que tout un chacun puisse
accéder à cette même culture. Elle ne l’uniformise pas mais donne plutôt
une plus grande liberté de choix dans les différentes idées de la culture.
36
37
Source METROBUS.
Occasion De Voir.
30
Par rapport à ce média, le photographe se place tel un consommateur
et un réalisateur. Il doit penser à la construction de l’image qui doit être
lisible très rapidement et au format spécifique du 4x3.
31
« Elle ne vante plus un produit, elle invente un emballage. Dans cette
ambiance, juste reflet de la marche du temps, de la libération des mœurs et
du mode de vie, l’homme s’incline devant la femme-maîtresse d’elle-même,
maîtresse-femme et non plus femme-maîtresse. (…) La femme triomphe. La
pub le dit. »
Ginette Sainderichin, journaliste, 1986.38
38
Collectif, Mode et pub 1885-1986 Le regard deMarie-Claire, Hervé, Paris, 1986, page non numérotée.
32
RÔLE DU PHOTOGRAPHE DANS LA CONCEPTION
Il faut qu’un photographe participe au processus créatif d’un projet.
Il est un des maillons créatifs de la campagne publicitaire. Le photographe
doit contribuer à l’évolution du concept plutôt que d’être un simple
opérateur. Cela lui permet d’aller au-delà de ce qui lui est commandé.
MODE D’EXPRESSION
La photographie et l’absence de produit
La photographie est un média de l’instant. Elle me semble en très
bonne corrélation avec ce thème. La mode, phénomène éphémère, est de
cette manière saisit dans son état premier, un état passager. La
photographie apporte un impact plus important auprès des consommateurs,
même irréelle, elle semble proche et accessible.
Je ne m’engage nullement dans un historique de la photographie de
mode en publicité, mais je veux servir mon projet et l’asseoir sur des idées
fondées. De part et d’autre des livres, que se soit dans Une histoire de la
photographie de mode39, le dictionnaire de la photographie chez Larousse
ou Art Presse, spécial Art et Mode…, une même idée se dégage de
l’utilisation de la photographie : servir la communication pour un produit
en y reflétant un style de vie.
39
Nancy HALL-DUNCAN, Une histoire de la photographie de mode, Alpine, New-York, Février 1978.
33
La photographie commence à prendre une part dans la publicité dans
les années vingt. A l’apparition de la photographie dans l’univers de la
mode, la réalité photographique s’effaçait au profit de retouches sur les
images. Lentement, la place de la photographie s’est construite, non plus
uniquement pour montrer un produit mais pour représenter «un catalogue
miniature de la culture et de la société, un révélateur des aspirations, des
goûts et des interdits d’une période donnée »40.
Il est étonnant de constater que cet état d’esprit date de plusieurs
décennies même s’il n’est pas exploité de la même sorte. En effet en 1962,
un nu fait scandale : Jean-Louis Sieff réalise une publicité pour Rosy41
(Agence Publicis) sans en montrer le produit42. Manque d’habitude ou
manque d’imagination de la part des consommateurs ? Il reste un long
chemin à parcourir jusqu’aux publicités de prêt à porter des années quatrevingt-dix.
C’est aussi dans les années soixante que les publicitaires s’adressent
à des fractions de population de mieux en mieux définies. La perception
que le consommateur a du produit commence à évoluer. Il a besoin de
l’essence même du produit, c’est à dire de ce qu’il peut émaner.
Ce n’est donc plus seulement le produit qui est innovant mais la
manière de le penser et de concevoir sa communication. Elle devient de
plus en plus proche du style de vie des consommateurs.
Les publicitaires ont fait progresser l’image afin de répondre à
l’évolution du regard du consommateur. La communication visuelle est
mieux ciblée, plus raffinée, plus spectaculaire, ainsi elle promeut de plus en
40
41
Ibidem p10.
Lingerie féminine.
34
plus une philosophie pour un produit. Les publicitaires de nos jours
associent le plus souvent les produits à un style de vie. Pour cela, il faut
qu’ils soient reconnus auprès du consommateur de manière courante ; ils le
sont à travers les publicités qui leur sont allouées43.
Le consommateur a besoin de connaître l’originalité du produit, sa
place dans la société et ses valeurs d’appartenance, afin d’être réconforté
dans ses choix.
ANALYSE DE LA COMMUNICATION DE LA CONCURRENCE
Kookaï, Morgan, La City
La communication visuelle d’une entreprise de mode est réalisée
pour les consommateurs, mais aussi pour rester présente dans la société de
consommation face aux autres marques. Elle reste très attachée à l’identité
du produit et s’adresse directement à la cible. C’est actuellement une
communication visuelle de proximité que produisent les créatifs.
Le corpus que j’ai défini tout au long de mon projet est important
pour comprendre ma propre réalisation pratique. Je voulais qu’elle puisse
s’inscrire dans une réalité commerciale. Ce n’est pas seulement à travers
leurs publicités mais aussi par la presse féminine que j’ai pu comprendre
pourquoi ces visuels avaient une réelle emprise sur les jeunes.
42
43
Collectif, Mode et Publicité, 1885-1986, Le regard de Marie-Claire, Hervé, Paris, 1986.
Cf. La société de consommation, chapitre 1.
35
Kookaï, Morgan et La City font partie des marques leaders dans
l’univers du prêt à porter féminin «jeune ». D’après un indicateur de
pourcentage Ipsos44, leur notoriété spontanée (sans proposition de marque)
auprès des consommateurs est respectivement de 22%, 9,2% et 6,3%. Cet
indicateur augmente sur Paris et L’île de France : 29%, 13,8% et 19,4%.
Quant
à
la
reconnaissance
assistée
(proposition
de
marque
et
reconnaissance positive ou négative), elle place Kookaï en seconde
position, Morgan en quatrième et La City en cinquième sur neuf marques
proposées.
Les communications visuelles de ces entreprises se fondent sur un
même personnage central : la femme. Si le produit n’existe plus dans ces
campagnes, il est représenté au travers de l’image de la femme définie dans
les visuels. Chaque femme symbolise un état d’esprit qui caractérise le
produit et sa marque.
Kookaï est une marque dont la communication a subi une évolution
très visible tant au point de vue du concept que de la réalisation. De
publicités en noirs et blancs où les adolescentes étaient de vraies pestes,
elle arrive à des images colorées où la femme a mûri. Elle représente
l’indépendance de la gente féminine, voire une certaine dominance.
Morgan est représentative d’un romantisme ou d’un certain glamour,
personnifié à travers des stars, qui sont des modèles pour nombres de
jeunes aujourd’hui.
La City joue de près le rôle d’ambassadrice du vêtement, en
s’alignant sur le concept de Benetton. Renaud Buenerd confirme l’idée de
44
Source : dossier de presse La City
36
cette comparaison et en est fier. Benetton est une marque qui s’est affirmé
au travers d’une communication révolutionnaire : des faits de société
servent à la promotion de produits manufacturés. Des images qui parlent à
toute une société. La City affirme qu’elle peut habiller toutes les femmes45,
Benetton habille tout le monde, quelle que soit son origine.
L’identité des marques se
décline dans un premier temps
par leur logotype. L’homme
foudroyé de Kookaï signifie un
certain
hommes
danger,
qui
relatif,
aux
approchent
les
"femmes Kookaï".
Les petits cœurs de Morgan
dégage une certaine passion. Le
contraste rouge et noir a une
forte connotation émotionnelle.
Quant à la sobriété du logo de
La City, c’est du fait qu’elle veut
être une marque citadine. Le
zigzag représente un toit d’usine
et des coupes de tissus aux
ciseaux crantés. Peut-être est-ce leur désir d’avoir une part d’universalité
auprès des femmes citadines ?
45
Accroche publicitaire : La City habille toutes les femmes nus.
37
Ces marques sont développées par les agences publicitaires
respectives : CLM/BBDO, Select Communication, Wolkoff et Arnodin, en
ce qui concerne la saison 1998. Le photographe prend une part importante
dans ces créations puisque les agences les choisissent pour leur talent. Dans
un deuxième temps, l’identité se crée donc par le regard de celui-ci.
Kookaï fait appel aux Guzman, Constance Hansen et
Russel
Peacock, de leur vrai nom, pour leur dernière campagne aux couleurs des
années soixante (cf. Les campagnes Louis Vuitton, Wonderbra, TamTam…). Ce sont deux photographes qui respectent l’idée du concept, et
retouchent eux-mêmes les photographies, c’est pourquoi Anne de Maupeou
(Directrice de Création chez CLM/BBDO) les a choisis46. C’est une
question de confiance dont il s’agit, d’un savoir-faire et d’un caractère qui
leur est propre. Il est important de souligner qu’il se dégage un style très
particulier de leurs images. Un rien surfait, les femmes ressemblent à des
poupées Barbie et les hommes objets, parfois, à de simples pantins.
Quant à Morgan, ce n’est pas anodin si elle a confié sa campagne
1997 à Dominique Isserman et celle de 1998 à Jean-Baptiste Mondino. Ce
sont tous deux des photographes contemporains reconnus. Elle travaille sur
des films, sur des reportages où elle gère les photographies ainsi que le
texte, puis fait du portrait de stars. En publicité, nombreuses sont ses
références : Sonia Rykiel, Nina Ricci, Yves Saint Laurent, Lanvin, Dior…
et Kookaï. Elle eut l’oscar de la photographie de mode en 1987. Quant à
Jean-Baptiste Mondino, il est directeur artistique, puis roughman, il
46
Geneviève Petit, CB News Communication, Les Guzman en abus de position dominante, n°499, Paris,
3-9 novembre 1997, pp.64-65
38
travaille sur des clips vidéo et réalise des publicités pour Yves Saint
Laurent, Dim, Le Printemps… C’est pour leur polyvalence et leur notoriété
que les agences les ont choisis.
La campagne 1998 de La City est vu sous le regard choisi de Thierry
Le Goues «pour son talent à exprimer à la fois une étrangeté extra
terrestre des créatures représentées et un rappel de la féminité
terrienne47 ».
C’est de leur regard pertinent que dépend une campagne publicitaire,
puisqu’ils réalisent généralement des images pour toute une année, voire
plusieurs. Leur vision doit être celle qui attire le regard du consommateur
sur l’affiche.
Vendre du rêve
Cette idée ressemble aux principes publicitaires employés pour les
promotions des destinations balnéaires. Une similitude qui croît de plus en
plus dans le monde publicitaire. Nous sommes dans une société de
consommation où le public désire une part de rêve. Les entreprises de mode
se définissent comme créateurs de désirs mais aussi comme ceux qui aident
le consommateur à le réaliser.
Chacun a une vision différente, une histoire différente pour des
vêtements censés être différents !
47
Source : dossier de presse La City
39
Si nous sommes arrivés à
un moment donné à ne plus
montrer le produit, c’est peutêtre qu’il ne suffisait plus à
susciter de réel désir chez le
consommateur. Il ne satisfaisait
plus à l’identification dont nous
avons parlé dans le chapitre
précédent. Le client a besoin
d’être proche de l’image, voire
de
sa
propre
communication
image.
La
visuelle
de
Morgan est intéressante en ce
qui concerne ce point de vue.
C’est une marque qui laisse une grande part d’imagination au
spectateur dans un domaine éternellement remis au goût du jour depuis
Roméo et Juliette : l’Amour. Un thème représentatif du mois de février du
fait de la St Valentin ! Il est utilisé par les médias comme un outil
commercial48. « Depuis que l’amour est à la mode », le dernier slogan de
Morgan entre dans la société de consommation actuelle tant au point de vue
des biens que des valeurs. La preuve en est faite par Morgan. La plupart
48
Selon les certains magazines féminins de ce mois de février 1998.
40
des jeunes
rêvent que leur amour sera parfait pour parer aux autres
problèmes sociaux.
Morgan apporte une part d’idéal depuis le début de sa
communication visuelle. Depuis ces premières campagnes en 1988, elle
utilise cet axe. Il y a toujours trois acteurs dans ses images : la femme,
l’élément central, Morgan, l’objet du désir et un homme qui semble
s’immiscer dans cette relation. Au fil du temps, il pénètre dans les visuels
et prend aussi une place de plus en plus importante dans le triangle qui se
forme.
C’est
par
sa
dernière
campagne
que
Morgan
précise
typographiquement cette relation à trois (les trois noms se relient avec un
cœur) . Pour les créatifs de cette campagne «les triangles amoureux se font
et ne se déferont pas, parce que le triangle est la plus solide des géométries
humaines »49.
C’est une pensée qui laisse plutôt songeuse en ce qui concerne la
société actuelle. Les magazines féminins nous prônent le fait que 1+1=150.
Morgan nous fait réaliser que cette équation fonctionne grâce à un autre
élément, qui est par conséquent, le vêtement. Il sert à cimenter une relation,
c’est un intermédiaire. Sans cette magie du vêtement, ces couples
n’existeraient pas.
Elle a montré cette union avec le vêtement par des visages connus
tels ceux de Carla Bruni, David et Estelle Hallyday, Jean Galfione, David
Ginola, Laetitia Casta…51 L’homme semble jouer un rôle de plus en plus
49
Source :dossier de presse Morgan 1998.
Couverture de Jalouse d’avril 1998.
51
Photographies de la campagne 1997 par Dominique Issermann, source sur le site Internet, Morgan
.
50
41
important, il attise le désir féminin. Les stars masculines sont des sportifs,
en général, beaux, musclés,
intelligents,
l’archétype,
soit disant, de l' «homme
parfait ».
La femme doit porter
un vêtement Morgan qui
séduira
l’homme,
qu’elle-même
séduire.
Ces
puisse
pour
le
vêtements
prennent des valeurs de séduction et de passion.
Aujourd’hui, Morgan nous rappelle les figures mythiques de
l’amour. Adam et Eve, Roméo et Juliette ou des histoires d’amour
passionnées qui finissent pourtant tragiquement. Elle unit ces mythes à son
image ; ce qui fait qu’elle en devient un. Morgan entre dans l’histoire, elle
est devenue l’idée de l’amour, elle est devenue l’amour universel.
L’universalité est un désir dans toutes les communications quelle que
soit leur thématique (Cf. Sony, Tati), les entreprises rêvent toutes elles
aussi, d’atteindre beaucoup de femmes.
42
Humour et amplification d’une certaine réalité
Dans les campagnes publicitaires qui sont étudiées, la femme nous
est dépeinte de plusieurs manières, mais ce n’est pas pour autant une
révélation sur le monde présent. Bien au contraire, il s’agit d’amplifier la
représentation de notre univers pour mieux le rendre visible.
Kookaï est très certainement un
des exemples le plus facile à
comprendre. A ces débuts, la
marque nous dépeint des jeunes
filles plutôt impertinentes : les
Kookaïettes. Des adolescentes
qui apprennent à jouer le rôle
de séductrices, tout en restant
aux jeux de leurs âges. 52
« L’homme objet » de Kookaï est exprimé au point de départ par des
mots : « Pour m’endormir, je compte les garçons » (campagne de1992)53.
Les hommes ont commencé par être de petits moutons. En 1996, l’homme
est tour à tour un chocolat, un coton, un poisson… c’est de manière visuelle
et littérale que l’idée est exprimée. L’homme devient un outil, un objet de
désir, et la femme s’est libérée de son emprise. C’est une femme
indépendante et plutôt dominatrice qui est représentée.
52
53
Campagne publicitaire 1993.
Source : dossier de presse Kookaï.
43
Les femmes n’ont pas réellement cette attitude envers la gente
masculine, c’est uniquement une réplique à l’idée que l’homme pouvait se
faire de la femme. La «femme-objet » appartient à un mythe, que certains
hommes de notre société s’obstinent à perpétuer. Un article dans
«stratégies »54 pense que «les rapports hommes/femmes n’ont pas autant
changé que ça dans la réalité. La publicité est un pied de nez à cette
situation qu’elle tente de bousculer ». La publicité cherche à mettre en
valeur les atouts que peut avoir une femme.
C’est une réponse au désir de
l’égalité
mouvements
des
sexes,
aux
féministes,
à
l’indépendance de la femme tout
simplement.
Quelques
dizaines
d’années après «mai 68», la femme
se sent libre d’agir. À travers la
presse féminine, c’est l’indépendance de la femme qui est une des valeurs
acquises la plus importante.
C’est une campagne qui
semble avoir de fortes notions
temporelles. Ce concept ne pouvait
pas être conçu avant les années
quatre-vingt-dix. C’est une idée
qu’il fallait faire accepter à une
génération tout entière. Elle est
54
Xavier-Vincent MORVAN, Stratégies, Tant qu’il y aura des hommes… objets, n°1015, Paris,
6/6/1997, p.8
44
entrée dans les mœurs, puisque de nos jours, les filles désirent subvenir à
leur propre besoin en travaillant. La société accepte de regarder la réalité de
manière humoristique, quitte à en ridiculiser certains acteurs, hommes ou
femmes, afin d’obtenir un impact d’autant plus fort, que cette provocation
peut faire réagir.
Cependant, il est surprenant
de constater que les publicités
peuvent être censurées par les
consommateurs
eux-mêmes.
La
limite à la création se trouve en
amont et en aval d’une réalisation.
En effet, les gens n’aiment pas le
ridicule, et le font savoir auprès des
organismes publicitaires.
Peut-être est-ce aussi bien
que Kookaï n’ait pas de slogan sur
un
sujet concernant « l’homme
objet »,
puisqu’il
suscite
des
controverses. En vérité, l’image a
d’autant plus de valeurs puisqu’elle
s’exprime seule.
Il est à noter que la campagne Kookaï 1997 a été primée par le Club
des directeurs artistiques, composé d’une quarantaine de créatifs
publicitaires. Elle a reçu le Grand Prix pour deux annonces presse. « En
affichage comme en presse, il faut désormais parler du choc des photos.
45
Pas du poids des mots. »55 Déjà en 1996, elle reçoit le prix Epica pour la
meilleure publicité.
L’amplification,
images
dans
publicitaires,
les
peut
s’étendre à un autre domaine
tel
que
l’univers
et
de
considérer la marque comme
interplanétaire avant d’être
internationale. La femme est
transformée en extraterrestre,
rien d’original si ce n’est le
fait
que
ce
soit
pour
promouvoir un produit bien
réel. Serait-ce l’influence de
la «tendance X-Files » sur
notre système terre ?
Une
série culte de ces dernières
années où se mêle extraterrestre et paranormal, de quoi nous faire perdre le fil de la raison. A
l’approche de l’an 2000, cette tendance intéresse beaucoup les jeunes
générations56.
55
56
Christina ALONSO, Stratégies, Le print inspire les créatifs, n°1049, Paris, 27 mars 1998, p.7.
Renaud BUENERD, directeur de communication de La City, mercredi 29 avril 1998.
46
Plus les publicités de
mode s’adressent à une cible
spécifique, plus elle donne à
réfléchir sur le monde qui
nous entoure. Le paradoxe
est bien visible ici. Alors que
les consommateurs vivent
dans
une
société
individualiste, ils cherchent à dépasser les limites des transformations
physiques. La City répond à ce phénomène de mutation. Ce sont des
femmes qui représentent des habitantes interplanétaires, ce qui en laisse
songeur plus d'un…
Ces trois campagnes
publicitaires se déclinent sur
une même source : celle du
cliché.
Autrement
dit
la
publicité du prêt à porter
s’établit d’après des constats
sur leur cible. Elle recherche
«Le Point Commun » qui
apportera une connexion entre plusieurs consommateurs, pour attirer le
plus de regards possibles. Morgan parle de l’Amour, Kookaï des femmes
indépendantes et La City part du principe que elles n’ont jamais rien à se
mettre pour se vêtir.
47
C’est à partir de cet
état de fait que je fonde le
concept que j’ai constitué
pour mes recherches. En
effet, ce sont des lieux
communs se rapportant aux
vêtements qui me permettent
de construire une campagne
publicitaire. Nous vivons différemment avec une base culturelle identique
qui nous relie tous. C’est la culture commune qui permet à la
communication d’exister et au photographe de la développer.
CHAMPS CREATIFS DU PROJET
Les expressions courantes
L’écrit et la parole constituent tous deux notre langue, et
l’enrichissent mutuellement. Tout un labyrinthe de mots qui restent propre
au français. Mon projet se heurte à un problème qui est celui de la langue
précisément. Il trouve ses limites aux barrières de notre langage car il faut
maîtriser certains aspects du français pour comprendre ces dites
expressions.
Les langues étrangères n’emploie pas les mêmes métaphores pour
exprimer une idée équivalente. En anglais, nous ne parlons pas d’ «être
48
comme cul et chemise » mais de s’entendre «comme larrons en foire57 » ; il
n’y a pas d’histoire de «moine » dans les apparences mais «il ne faut pas
juger sur les apparences parce qu’elles sont souvent trompeuses »58. La
culture anglo-saxonne, moins imagée et plus pudique, limite mon concept.
Les lieux communs sont partagés par tous ceux qui ont un vécu et
une culture similaires. C’est une richesse commune à toute une population.
En effet, ces expressions ont traversé de nombreux siècle à travers lesquels
leur sens a pu se modifier. Elles suivent l’évolution de la société, les mœurs
nouvelles... «plus que le langage des mots, le langage des expressions est
le reflet de l’homme et de son temps, le reflet de la société. »59 Elles font
parties intégrantes de notre éducation. Elles prennent le même statut que les
images que nous associons aux mots : nous les apprenons inconsciemment
Il s’agit de réactualiser une méthode employée au XVIème siècle par
Turnèbe60 qui consistait à mettre en scène des expressions familières.
Le but est de travailler avec des médias actuels, grâce à des
expressions qui sont assises sur un passé socialement et significativement
important. La publicité est un média qui permet de vulgariser des idées. Les
expressions communes à toute une population cimentent ces dernières. Ces
expressions proverbiales restent énigmatiques par leur brièveté et par leur
image. Cependant, elles restent efficaces et très claires en tant que
messages parce qu’elles font partie d’une mémoire collective.
57
« To be as thick as thieves ».
« Appearances are sometimes deceptive, do not judge by appearances ».
59
Bernard C. GALEY, Du coq à l’âne L’Etymo-jolie 2, Tallandier, Paris, 1995, p.8
60
Adrien TOURNEBOUS (dit TURNEBE), humaniste français, 1512-1565, La comédie des proverbes
58
49
Les jeunes emploient très souvent ce genre de métaphore pour rendre
plus parlant leurs idées ou tout simplement pour imager leurs paroles. Le
prêt à porter ne reste pas en marge de ces idées. Actuellement nous
pouvons voir dans les magasins, connus sous la marque Pimkie, des
publicités sur les lieux de ventes (P.L.V.) qui utilisent des expressions
détournées : «En mai, mets ce qu’il te plaît »61.
Ces proverbes nous renvoient à des images comme une impression
de «déjà vu » parce que cela fait partie de notre éducation. Autrement dit
les
publicitaires
semblent
jouer
l’idée
de
proximité
avec
les
consommateurs. Ils leur racontent des histoires. Ce n’est plus du terme
«raconter »
qu’il
s’agit
mais
réellement
montré.
En
tant
que
consommateurs, nous avons une certaine connaissance, ils s’en servent
habilement par les images. Pour avoir une idée claire de ces réutilisations,
les dernières publicités pour SFR sont très explicites : la dernière tentation
de Cendrillon ou l’histoire du mobile SFR. Les publicitaires font appel à
notre imaginaire.
L’expression littérale
Il semble que beaucoup de publicités s’expriment de manière
littérale. La preuve est telle que Cendrillon s’enfuit toujours dès minuit en
perdant sa chaussure.
Les expressions sont semblables à des contes de fées. Elles ont pris
naissance par des images. En les illustrant littéralement, je les utilise de
61
Vient du proverbe : « En mai, faits ce qu’il te plaît. »
50
manière originelle. Pour illustrer très simplement cette idée, je m’emploie à
décrire l’exemple suivant : «Tiré à quatre épingles ».
Il existe plusieurs hypothèses voulant expliquer le chiffre «quatre ».
D’une part, il s’agirait du fait qu’il faille quatre épingles pour ajuster un
tissu, d’autre part, cela correspondrait aux quatre coins d’une étoffe qui doit
être fixé pour être tendu correctement.62 Je me retrouve parfaitement dans
le cadre de l’illustration réalisée pour cette expression.
Alain Rey, auteur du dictionnaire des expressions et locutions,
souligne que «le sens des mots relie arbitrairement une forme –des sons,
des lettres- à des objets de connaissances, à un découpage du monde.63 ».
L’association des images et des mots, nous place dans une certaine manière
d’illustrer.
Le processus d’identification se retrouve à ce niveau de la
conception. Les images publicitaires renvoient à d’autres images présentes
ou mémorisées. Les expressions entraînent le même cheminement
intellectuel. Notre esprit interprète des images d’après ces mots grâce à
notre vécu visuel.
Cette association d’images, de codes, apporte à la phrase une toute
autre signification que leur sens premier des mots. Ceci évolue suivant les
époques, suivant les modes puisque les codes changent.
62
Sophie CHANTREAU et Alain REY, Dictionnaire des expressions et locutions, Le Robert, Paris, 1989
p.365
63
Ibid. P.XVI.
51
« Une image vaut mille mots »64.
Mao Tsé-toung
64
Jacques Séguéla, La Publicité, , Milan, Toulouse, 1997, p.31
52
RÔLE DU PHOTOGRAPHE DANS LA REALISATION
Le photographe, selon sa part de talent et de renommée peut être
assez libre dans sa créativité. Il s’agit du cas où il n’anticiperait pas sur la
conception de ses photographies, en participant aux idées, aux maquettes…
En les réalisant, le photographe réfléchit aux façons de faire ses
prises de vues, tant en terme de faisabilité que de budgétisation. Les
maquettes lui donnent une première vision globale du résultat final. Elles
peuvent, par conséquent l’amener à aller au-delà des premières idées pour
parvenir à un travail encore plus abouti.
CONCEPTION DES MAQUETTES
Exemple
Pour
comprendre
plus
facilement le rôle du photographe au
travers
d’un
exemple
précis,
je
reprends celui de La City. Les
reproductions des maquettes m’ayant
été permis, cela montre que le
photographe, a su prendre du recul
par rapport à certaines idées ou y
coller parfaitement. Tous les visuels
de cette partie ne sont que des
maquettes servant à la réalisation des
prises de vues montrées au chapitre 2.
53
Les
maquettes
créées
par
l’agence sont présentées à La City.
Elles sont acceptées ou non. Elles
sont réalisées à base de photographies
déjà existantes comme le premier
visuel ci-dessus, qui fut repris de la
même manière avec le même modèle.
D’autres sont des roughs si
l’idée définie n’est pas trouvée à
partir de visuels préexistants. Quant à
la typographie, elle est conçue par
Sammantha Kern à partir de polices
retravaillées.
Ce qu’il est intéressant de
constater, c’est la manière dont le
photographe à travailler à partir de
ces maquettes. Il en a repris des
éléments, mais il a bouleversé la
plupart des idées. Tant au niveau
colorimétrique qu’expressif. Il est très
libre
de
créer
bien
que
les
publicitaires lui soumettent des idées.
Il fait la sélection des images
lui-même, la soumet à l’agence, qui accepte les choix ou non. Thierry Le
Goues a réalisé des photographies sans avoir de maquettes comme support
de départ. En fait, La City lui a laissé la liberté d’interpréter l’idée qu’il se
faisait d’une «extra terrestre ». Elle lui a permis de réaliser sa propre vision.
54
Cependant, les maquettes ont dû l’aider dans sa recherche visuelle en lui
soumettant un regard, autre que le sien. Les recherches iconographiques
sont longues à faire, les maquettes lui ont servi de support pour développer
sa propre vision.
Le rough
Avant une réalisation technique, il faut que les premières idées soient
couchées sur du papier. Cela permet au photographe de savoir quelles
photographies sont nécessaires à la réalisation finale du visuel.
Photographies magazine a mis en place une rubrique concernant la
conception d’images à partir de roughs ou de maquettes, courant 199765 :
« Vu », par Sophie Bernard. Des enquêtes très intéressantes prouvent
l’importance de la préconception et de la post conception, vis à vis de
l’informatique.
La réalisation d’un rough s’exécute après un nombre de recherches
très importantes au niveau des concepts-boards, je peux traduire cet
anglicisme comme un panel d’idées. Certains sont visibles en annexe
numéro 2, pour comprendre l’évolution de mon travail. En réalité ce n’est
pas évident de transposer un concept en image. C’est un choix de couleurs,
de lumière qui va faire toute la différence.
65
Analyse d’une image de publicité pour les Galeries Lafayette dans le n°83 de mars 1997, EDF dans le
n°84 d’avril, Audi dans le n°86 de juin.
55
Le rough sert pour une mise en forme et une mise en couleur assez
rapide. Il permet d’affiner le concept choisi. Il est à noter que des notions
de dessins m’ont été nécessaires à cet instant. Ce ne sont pas de simples
compétences mais le savoir d’harmoniser des teintes qui se veulent tendres
et pastels aux tendances de ces collections d’été. Les couleurs pastel font
référence à l’univers dans lequel ma cible évolue. La lumière d’ambiance
très diffuse semble donner un univers diaphane. Il est important de créer un
volume aux idées de base.
Des visuels fonctionnent relativement bien à l’aquarelle et d’autres
sont plus difficiles à rendre compréhensibles techniquement à l’ordinateur.
Le fait est qu’il ne s’agit plus de maîtriser le domaine sensible qu’est celui
du dessin mais d’acquérir un savoir-faire numérique. Ce qui sera de plus en
plus utile au photographe dans un avenir proche.
56
La Conception Assistée par Ordinateur
Selon Sophie Bernard, «le numérique permet de travailler vite et
bien. Histoire d’un puzzle reconstitué.66 » Les maquettes conçues par
ordinateurs sont des images composites.
Afin de réaliser des maquettes qui ressemblent de très près à ce que
sont les idées des roughs et à ce que seront les photographies, j’effectue des
recherches iconographiques. Elles se font à travers des magazines, et pour
ce qu’il me reste difficile à trouver, ce sont de rapides prise de vue.
Le numériseur à plat permet de travailler à même l’appareil pour des
objets tels que les épingles, la corde ou la chemise. En ce qui concerne les
prises de vues, une sélection est réalisée à la suite d’une numérisation sur
ordinateur. En effet, certains scanners à film permettent de réaliser des
planches contacts directement visibles sur l’écran. Cela signifie un gain de
temps et un gain de papier. Cela permet au budget comme nous le verrons
ci-dessous d’être moins élevé. La conception des maquettes est faite sur le
logiciel Photoshop67, l’insertion du logo est faite sous Pagemaker68. Ceci
requiert un savoir-faire au niveau des fonctions informatiques et
graphiques.
A ce stade du projet, les maquettes réalisées en rough n’ont plus le
même impact. Pour démontrer la valeur de chaque outil, j’ai pris l’exemple
le plus percutant de mes recherches plastiques. L’idée pour «être tiré à
66
Sophie BERNARD, « Vu… Des photographies, 1 image », Photographie magazine, n°86, Paris, juin
1997, p42
67
Logiciel de traitement de l’image chez Adobe.
68
Logiciel de mise en page chez Adobe.
57
quatre épingles » de l’axe 1, a de suite été retenue dès les propositions des
concepts-boards. Le rough est une mise en couleur. Quant à la maquette sur
ordinateur, elle n’a cessé d’évoluer vers d’autres paramètres : plus
graphique, les épingles moins marquées… Tout ceci de sorte à entrer de
plus en plus vers une approche minimaliste de mes visuels.
Il me fallait cependant chercher à savoir si ce que je concevais
prenait
réellement
un
sens
pour
une
femme,
potentiellement
consommatrice.
MAQUETTES FINALES
Les réactions
Ces premiers tests me permettent de prendre du recul par rapport à ce
qui est déjà réalisé. Dans l’ensemble, les réactions sont très positives. Je
n’ai interrogé que des femmes d’une vingtaine à une quarantaine d’années.
Les adolescentes ne percevraient que peu de choses dans ces visuels. Je
voulais cependant voir comment une personne considérée hors de la cible
interpréterait mes images.
Les maquettes
intriguent les femmes. Elles les trouvent
intéressantes. En général, elles restent songeuses devant elles. Peut-être estce dû à leur ambiguïté : les corps cachés, montrés, en plans rapprochés,
détails accentués... L’axe 1 est celui que préfère la majorité. (Cf. annexe 2)
58
En effet les gens sont toujours hésitant sur deux points de vue, les
images leur paraissent saines à cause des couleurs, voire aseptisées,
puisqu’ils me parlent souvent de médical mais aussi à fortes connotations
sexuelles !
Les femmes les plus âgées pensent de suite qu’elles sont pour des
hommes parce qu’il y a des nus féminins. A cet instant je me trouve dans la
même position que La City lorsque des hommes leur demandaient des
catalogues69…
Je les laissais dire ce qu’elles voyaient, peu importe leurs réponses.
Ensuite je leur expliquais le concept de base : les expressions courantes.
L’une d’entre elle, jeune mère de famille, répondit à «l’habit ne fait pas le
moine » :
« ça permet de rentrer dans l’abbaye ! ». Mon concept
fonctionnait puisque les idées de l’apparence sont ancrées dans notre
société et utilisées à toutes sortes de fins.
L’identification
Les réactions s’entrecoupent avec des interrogations. Les femmes ne
sont pas restées muettes à mes maquettes. Cependant, j’ai remarqué que
l’influence de la société de consommation ainsi que celle des médias est
venue s’interposer entre mon projet et leurs réflexions.
Certaines ont vu des nœuds dans trois de mes visuels, pour elles, il
s’agissait de publicité pour le régime. Elles m’ont très souvent parlé de
crèmes amincissantes parce qu’il y avait de belles courbes bien dessinées
69
cf. annexe 4.
59
qui s’opposaient à de l’acuponcture ou à une corde pour se resserrer la
taille. Il est vrai que beaucoup de femmes sont en période de régime
comme le préconisent les magazines féminins à partir du mois d’avril.
Un corps bien fait suscite de suite des réflexions sur l’apparence de
la femme, sur l’entretien de celui-ci : les crèmes pour le corps, les
régimes… Etrangement elles ne font pas d’associations entre l’image de
l’arrondi de la fesse et la chemise. Peut-être cette dernière n’est-elle pas
assez voyante ?
Les choses anormales sont remarquées : la chemise nouée dans le
dos, ainsi que la femme «moine », anormales mais trop réalistes pour
certaines. L’abstraction d’ «être comme cul et chemise » de l’axe 1 n’est
pas assez forte pour certaine, en comparaison avec les autres images.
Les références à la sexualité ont souvent été évoquées, tout
particulièrement sur l’axe 1, la tresse fait penser à un spermatozoïde, les
fesses suscitent de petites réflexions, et notre jeune moine pointe le bout du
doigt… Notre société est, hélas, rivée sur les mêmes schémas quel que soit
l’âge des gens.
Les modifications et choix définitifs
Le fait que les femmes soient influencées à cette période de l’année
par les médias me fait supposer qu’une campagne d’affichage de cette
catégorie ne doit pas se faire dans les trois mois précédents les vacances
d’été.
60
Les premières modifications vont se faire au niveau de l’axe 1 pour
«être tiré à quatre épingles ». Ce visuel à un élément dominant qui ne
permet plus de le comprendre : la tresse. Il faut que je puisse la refaire plus
graphique et moins sinueuse tel un serpent. Il me semble que de la
reprendre de manière plus graphique serait intéressant pour pouvoir mieux
placer le logo par la suite.
Cela m’a permis de conforter mon choix à la réalisation de l’axe 1. Il
me semble intéressant de l'exploiter de manière graphique et plastique
même si la confrontation des images dans l’axe 2 reste encore à explorer,
peut-être à d’autres fins publicitaires.
J’ai réalisé les photographies de manière consciente, vis à vis de
consommatrices potentielles. Il m’est d’autant plus agréable de savoir que
mes maquettes les laissaient songeuses. Ce qui est étrange, voire curieux,
peut susciter le désir d’aller au-delà d’une simple image. L’ambiguïté laisse
une part de questions, à laquelle le produit doit néanmoins répondre à
l’achat.
FAISABILITE
Le budget
Le budget dépend de plusieurs facteurs : le temps, le studio, Les
mannequins, les matériaux employés dus aux faisabilités pratiques. La
construction d’éléments en grandeur nature telles que les épingles nécessite
plus de temps à la fabrication pré-photographique. Le fait de les réaliser
61
virtuellement prend plus de temps à la post-conception mais il n’y a pas de
frais de matériaux supplémentaires.
Ce qui est pris en compte à l’intérieur d’un budget pour une
campagne publicitaire est plus vaste que mes limites. En effet, de la
conception à la réalisation, il faut pouvoir diviser le budget de manière à
financer tous les acteurs du projet.
La conception se fait habituellement en agence de pub, la réalisation
en studio de photographie, le stylisme, le casting, le mannequin, le
maquillage, les droits… Tout ceci augmente considérablement des charges
pour arriver à l’aboutissement d’un projet. Le mien, supprime un
intermédiaire, l’agence. Il me reste à savoir s’il est rentable pour le
photographe de proposer un concept et de le réaliser par rapport à un temps
et un prix définis pour une prise de vue déjà pensée.
La technique
Les prises de vues que je réalise sont techniquement faisables sans
autre apport que de réels matériaux. La conception d’aiguilles géantes est
réalisable mais cependant coûteuse.
Le coloris du bouton de manchette est quelque peu difficile à être
celui qui est désiré. D’une part la période printanière n’est pas propice aux
chemises à grandes manches et par conséquent à leurs accessoires. D’autre
part, il faudrait pouvoir les réaliser à partir d’un design précis pour obtenir
une forme et une couleur que l’on recherche absolument.
Tout ceci n’étant que pure supposition, puisque le budget attribué ne
me le permet pas dans le cas présent. Au niveau des prises de vues, la mise
en place du matériel est pensée dès lors que mes maquettes, faites par
62
ordinateur, furent terminées. Il ne me semble pas intéressant d’expliquer le
matériel employé. Ce qui importe ici, c’est d’avoir traduit de la maquette à
la prise de vue, la lumière que je souhaitais avoir pour des effets précis.
REALISATION
Les prises de vues
L’exécution technique des prises de vues s’est réalisée en trois jours.
Un jour défini par maquettes. L’utilisation des maquettes est à cet instant
précis d’être une base de travail. Elles me servent à la mise en place de la
prise de vue : l’éclairage, l’angle de prise de vue, … Ce n’est pas un calque
de la maquette mais plutôt un aboutissement technique.
Ces prises de vues nécessitent à la base d’avoir un styliste en ce qui
concerne le shopping des éléments utiles à la réalisation : les vêtements, le
bouton de manchette, le tissu… Il faut une maquilleuse pour connaître plus
précisément les produits à utiliser sur la peau et ce qui accroche plus
facilement la lumière.
Un casting pour les mannequins est nécessaire, même si cela n’est
que très superficiel. Certaines prises de vues furent réalisées avec deux
modèles différents, puis, l’image finale est choisie en comparant les
résultats photographiques.
63
J’ai dû, l’instant des prises de vues, réaliser toutes ces fonctions.
Tous ces détails prennent du temps à la réalisation, ainsi qu’à sa
préparation. Les points positifs de ces travaux préparatoires sont multiples.
D’une part je peux définir exactement ce que je veux et le réaliser, à
cet instant j’établis une relation privilégiée avec mes modèles. Cela permet
à la séance
de se dérouler dans de bonnes conditions relationnelles.
D’autre part, le fait de ne pas avoir à employer de tierces personnes pour le
faire me permet d’économiser sur le budget. Qui plus est, le modèle est
plus à l’aise, lorsqu’il est novice en la matière, lorsqu’il n’y a personne
d’autre qui pourrait créer un stress supplémentaire à celui du photographe.
Lors des prises de vues, deux phases sont importantes : la relation
avec le modèle pour tenter d’obtenir un maximum de compréhension de sa
part et le fait de faire évoluer le concept vers de nouveaux horizons.
64
Je pense que l’axe créatif choisi m’a permis d’aller au-delà des
maquettes établies. Ce qui m’est apparue intéressant dans les trois
réalisations, c’est le fait d’être partie d’une image plane, une vue de l’esprit
et de me trouver face à des corps qui évoluaient dans un univers
tridimensionnel. Je pouvais tourner autour de mon sujet, le faire évoluer
pour trouver le meilleur point de vu par rapport à mon concept. Les images
finales sont très minimalistes et léchées pour ne laisser transparaître que
l’idée première : les expressions.
J’ai néanmoins découvert lors de la prise de vue de «tiré à quatre
épingles », un concept graphique qui m’amène à d’autres idées. Cette
évaporation de la matière peut entrer dans une déclinaison complète pour
une campagne.
En réalité, le fait d’avoir assimilé correctement mon propre concept
me permet de rebondir sur d’autres idées en matière de photographies. En
effet,
ma campagne me semble aboutie, tant dans ses idées qui se
répondent les unes aux autres que dans sa réalisation. Même si un concept
est inépuisable en terme de créativité, il me semble, malgré tout le recul
que j’ai pris face à ce projet, avoir répondu photographiquement parlant,
correctement.
La palette graphique
Si une photographie est retravaillée sur ordinateur, nous pouvons
appeler cela une «technique mixte », cette expression serait tout aussi
valable pour de la photographie et de la peinture. En fait, elle représente
65
l’utilisation de plusieurs moyens techniques pour la réalisation finale d’un
projet.
A l’origine la palette graphique ne devait être qu’un élément aidant à
la réalisation. Il est apparu que cette dernière fait partie intégrante du
travail. Le logotype lui-même, nécessite cet apport pour un montage
définitif de l’affiche.
Il est utile d’y avoir recours pour différentes retouches, ne serait-ce
qu’au niveau des formes corporelles qui ne sont pas tout à fait comme on le
souhaiterait. Les petits défauts disgracieux disparaissent sous la palette
magique.
En travaillant sur l’ordinateur, cela me permet de régler plus
précisément les données colorimétriques et graphiques qui deviennent
interchangeables à souhaits. Je me suis heurtée aux problèmes de sorties
d’imprimante. Les tons pastel sont très difficiles à obtenir, c’est pourquoi,
pour chaque visuel, j’ai changé les paramètres de contraste, de saturation et
de luminosité. De cette manière j’ai pu obtenir un résultat satisfaisant.
66
La palette graphique peut amener un plus, auquel je ne pensais pas.
Effectivement, elle permet d’innover en terme de création. Lors du passage
de la prise de vue à l’ordinateur de nouvelles idées me sont apparues
intéressantes à exploiter dans l’avenir. Peut-être dans la continuité de mon
travail, pour faire évoluer les visuels.
Elle permet en effet de construire l’image différemment. Après avoir
tourné autour d’un sujet en trois dimensions, il s’agit de lui donner le
meilleur aspect possible qu’il soit.
C’est un atout pour le photographe que de pouvoir manipuler ses
images de la sorte. Son travail est en perpétuelle mutation. Il est alors
difficile de pouvoir dire si un projet est réellement aboutit du fait des
apports graphiques.
67
CONCLUSION
Tous les paramètres étudiés relèvent de l’éphémère : la mode, les
codes d’une tribu, le média 4x3 et la photographie publicitaire. La publicité
de prêt à porter nous le fait ressentir, puisque c’est une communication
claire et rapidement assimilable.
Le système de la mode s’inscrit dans la société de consommation de
manière très complexe. Le photographe doit être actif face à lui pour
l’appréhender de manière objective et l’intégrer dans ses réalisations.
Les codes évoluent suivant les paramètres de la société elle-même.
Tout ce qui entre dans les normes est déprécié, et délaissé par les personnes
qui en usent. Les publicitaires suivent ce schéma pour pouvoir
communiquer auprès d’elles. Ils ne les devancent pas mais tentent d’en
recréer.
Le média 4x3 est proche des consommateurs. Le photographe pense
l’image précisément pour cette utilisation, il construit l’image de sorte à ce
qu’elle soit rapidement identifiable.
Le statut du photographe évolue vers de nouveaux horizons. Une
formation pluridisciplinaire peut lui être utile, par exemple en art plastique
pour coucher un concept sur le papier, ou en vidéo pour réaliser de bonnes
mises en scène. Le photographe publicitaire de mode travaille à partir
d’éléments rapidement dépréciés : le vêtement et l’image publicitaire. Il
doit strictement définir les paramètres de son concept pour le réaliser au
mieux.
68
De manière objective, si le photographe détient les qualifications
requises et a le souhait d’entreprendre un projet, du concept à la prise de
vue, c’est réalisable. Néanmoins, il faut qu’il soit entouré de personnes qui
le guideront vers les dernières tendances du moment (directeur de
communication,
directeur artistique). En effet, concevoir un projet
demande de considérer ses goûts personnels tout comme ceux qui génèrent
un engouement particulier sur l’instant.
L’image n’est pas facile à créer et analyser. La publicité sans slogan
permet de laisser le consommateur songeur tout en lui imposant une vision
du monde encore plus forte que celle définie par les mots. Cette espace de
liberté est réservé à la curiosité que suscitent les «images messages ».
L’image détrône la position du texte dans la communication
publicitaire. C’est une revanche sur la place qu’elle détenait jusqu’alors :
l’illustration d’un slogan. Maintenant, l’image est le slogan lui-même. Elle
obtient un impacte de plus en plus conséquent. À l’avenir, un logotype ou
un simple graphisme définira sans aucun doute la marque. L’image dépasse
le statut de slogan, elle délivre une identité complète
Qui plus est, il semblerait qu’il s’effectue un renversement dans les
rôles que détiennent
l’image et le slogan. Ce n’est plus l’image qui
illustrera le slogan mais plutôt un mot qui soulignera le concept du visuel.
Les mots illustreront l’image. Ils la définiront.
69
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Benetton http://www.benetton.com
Kookaï http://www.gci.fr/kookaï
La City http://www.la-city.com/
Morgan http://www.morgan.fr
Body Modification http://www.freeq.ezine
72
GLOSSAIRE
AXE CREATIF : Orientation prise pour une campagne publicitaire au
niveau de ses recherches. Grandes lignes directrices.
BENEFICE PRODUIT : Ce que le produit apporte en plus par rapport à
ceux qui sont similaires. (Ce qui est dans la tendance actuelle : les
nouvelles technologies du textile pour un plus pratique, agréable…)
BRIEF : Cahier des charges réunies pour la conception et création d’une
campagne publicitaire.
CAMPAGNE PUBLICITAIRE : Ensemble d’actions visant à la réalisation
d’une création ventant les mérites d’une marque envers une cible
déterminée.
CIBLE : Ensemble d’une population définie selon des critères
CONCEPT : Définition de l’idée forte, fondement d’une campagne.
CONCEPT-BOARD : Crayonné rapide du concept : un dessin, une phrase.
HEDONISME : système moral qui fait du plaisir, le principe ou le but de la
vie.
HYPE : Ce qui se fait de mieux dans la mode actuellement (synonyme : in,
top, génial…)
IDENTITE VISUELLE : Ensemble des éléments graphiques d’une marque
(le nom, le logo, le symbole, la couleur, la typographie).
IMAGE DE MARQUE (ou goodwill) : Synthèse des cinq éléments cités
pour l’identité visuelle. Image subjective d’une entreprise, indépendante de
sa renommée. Elle représente l’image de ses produits, de son image
institutionnelle, de son image professionnelle, de son image relationnelle.
INDIVIDUALISME : doctrine qui fait de l’individu le fondement, soit de
la société, soit des valeurs morales, soit des deux.
73
JEUNE : En langage publicitaire, il s’agit d’une tranche d’âge de 18 à 25
ans.
LOGO : Le logotype représente la marque par un graphisme spécifique.
MAQUETTE : Dessin ou Conception Assistée par Ordinateur (CAO) au
stade du projet.
MARQUE : Ce qui définit de manière nominale un produit.
MEDIA : Il est le véhicule du message publicitaire, l’affichage fait partie
des cinq grands médias avec le cinéma, la presse, la télévision, la radio.
C’est un support qui constitue à la fois un moyen d’expression et un
intermédiaire transmettant un message à l’intention d’un groupe.
MODE : Manière passagère d’agir, de vivre, de penser, etc., liée à un
milieu, à une époque déterminée.
POSTMODERNISME : Orientation du goût propre, ces vingt-cinq
dernières années, caractérisée par une certaine liberté formelle, de
l’éclectisme, de la fantaisie, rompant ainsi avec la rigueur sévère du style
moderne.
PRÊT À PORTER : Traduction littérale du «ready to wear», ce terme prend
naissance en 1947, lors du premier congrès de l’industrie du vêtement
féminin.
PRODUIT : Article proposé sur le marché par une entreprise.
ROUGH : Terme anglais qui signifie un crayonné plus ou moins élaboré,
un avant projet publicitaire.
SIGNATURE : Base Line, inclus le caractère d’une entreprise sans rien
affirmer, en interpellant le consommateur, ex : Nous allons vous faire aimer
le train (SNCF).
SLOGAN : Affirmation d’une entreprise, en imposant ses dires aux
consommateurs, ex : « SNCF, tout est possible ! ».
SMILEY : Symbole utilisé dans le langage entre internautes dans le
courrier électronique. Groupe de caractères typographiques conventionnels,
74
qui, observés sous un certain angle, de profil par exemple, ressemble à un
visage, à des personnages, des objets…
SOCIETE DE CONSOMMATION : Société à l’intérieur de laquelle il y a
utilisation de biens et de services.
TENDANCES : On peut définir ce terme en le comparant à celui de la
mode. En réalité, ce sont des mouvements d’idées naissants dont l’avenir
est incertain.
TRIBU : Groupe de personnes qui sont tournées vers les mêmes sensibilités
vestimentaires, culturelles, philosophiques… Ce terme est employé en
publicité très souvent de façon à définir une certaine cible.
75
ANNEXE 1
76
BRIEF
Afin de réaliser le projet au mieux, il est important que je réponde à
des questions essentielles. Ces dernières sont établies dans le cadre du
brief. Je me place dans le rôle d'un photographe qui appréhende son sujet
en amont de sa réalisation technique.
CONTEXTE
Le consommateur fait de la technique du zapping, un mode de vie.
C'est une personne qui recherche son identité. Pour cela, il va d’un produit
de marque à un autre, d’une tendance à une autre naissante. Certains
entrent dans la vie active, d'autres sont encore étudiants. Le fait de passer
d'un monde scolaire au monde du travail perturbe souvent les habitudes
vestimentaires, c'est une chose à ne pas omettre.
A l’approche du troisième millénaire, il semble que tout bouge de
plus en plus rapidement, la mode suit ce chemin.
Je me place dans une situation où la marque définie ci-dessous, ne
bénéficie d’aucune notoriété auprès des consommateurs.
CONTRE QUOI LUTTONS-NOUS ?
Nous luttons contre la méconnaissance de cette nouvelle marque. Il
faut que la première campagne publicitaire frappe, interpelle et crée une
reconnaissance auprès des consommateurs.
Nous luttons contre la concurrence sur ce marché. La mode du prêt à
porter est un secteur très concurrentiel. Les clients ne nous attendent pas.
Nous luttons contre les barrières sociales du langage pour que quiconque
puisse accéder à un minimum d’informations détenues par la publicité.
77
A QUI NOUS ADRESSONS-NOUS ?
Nous nous adressons à une clientèle constituée de jeunes femmes qui
ont une culture française. Nous nous tournons vers une génération intitulée
sociologiquement : " Les jeunes ". Ce sont des personnes âgées de dix-huit
à vingt-cinq ans.
C'est une cible qui aime beaucoup la nature mais s’adapte aux
nouvelles technologies (type : multimédia). Elle aime être dans un univers
au design sophistiqué, qui reste dans la sobriété : un espace clair,
minimaliste où le végétal côtoie le minéral. Elle aime la pureté et les
formes simples, plutôt douces, voire rondes. Elle s’entoure de couleurs
pastel ainsi que du blanc et du noir, des non-couleurs, simples et
contradictoires de part leur nature physique et psychologique.
C’est une personne raffinée qui se plait à découvrir toujours plus de
choses. Elle est curieuse, cultivée, voire éclectique.
Pour faire plus ample connaissance avec une de ces jeunes femmes,
j’ai dressé un portrait chinois, succinct mais évocateur.
Une matière
Microfibre
Un matériau
Verre opaque
Une couleur
Bleu
Une forme
Ronde
Un métal
Argent
Une pierre
Aigue-marine
Un élément
Eau
Une fleur
Arum
78
Un animal
Un chartreux (chat)
Un fruit
Kiwi
Un effet
Fluidité
Une technologie
Internet
Une musique
Expérimentale/
New age
QUELS SONT LES POINTS FORTS ET LES POINTS FAIBLES DU
PRODUIT ?
Points forts
Caractère
Qualité
Naturel
Jeune
Diversité de modèles
Marque internationale
Points faibles
Inconnu
Cher
Entretient plus difficile
Trop ciblé
Choix difficiles
Campagne nationale
QUE VOULONS-NOUS QU'ELLES PENSENT ?
Nous voulons qu’elles pensent que c’est un produit de grande qualité
qui se veut différent des autres. Nous voulons qu’elles sachent que c’est un
produit de leur “âge” et pour leur caractère.
Les images doivent faire ressortir une certaine chaleur, une
ambiguïté pour intriguer le consommateur. Il faut que les gens puissent
s'interroger sur cette "nouvelle" marque. Les photographies doivent être
énigmatiques pour le consommateur. Il doit être appelé, non parce qu'il
s'agit de vêtements mais par la curiosité qu’ils inspirent.
79
CONCEPT DE LA CAMPAGNE PUBLICITAIRE
Le concept de la campagne :
Le concept de la campagne se base sur l’originalité, la différence et
l’ambiguïté. Elles sont révélatrices au niveau des vêtements. Ils sont là pour
cacher et découvrir la femme à chaque fois. Souples et près du corps à la
fois, ils soulignent les formes sans les montrer pour intriguer encore plus.
Les axes créatifs :
Le support commun aux deux axes créatifs sont des expressions
courantes concernant le port du vêtement.
Le premier axe concerne des visuels comportant une image simple, assez
graphique et monochrome. Ces visuels reflètent surtout la vie de la cible.
L’ambiguïté se dessine à travers des dissimulations et des identifications
inéluctables.
Le deuxième axe se construit grâce à une juxtaposition de deux
images, l’une concernant le corps, l’autre reflétant une certaine opposition
selon la citation. Cela amène un décalage qui se retrouve notamment dans
les phénomènes de mode actuels.
Les trois supports pour la création visuelle sont des expressions
courantes française.
« L'habit ne fait pas le moine »
« Être comme cul et chemise »
« Être tiré à quatre épingles »
80
Le logo :
Il se construit simplement, grâce au monde technologique qui
entoure la cible. Il est emprunté à l’Internet pour être réemployé dans un
univers de création visuelle. Il s’agit d’un smiley représentant la
marque : o(8<.
Les tonalités :
Les couleurs suivent les tendances actuelles, des pastels jaunes,
bleus, roses, en monochromie ou en ton sur ton. Ces couleurs deviennent
les codes couleur de la marque, et son univers.
81
ANNEXE 2
82
CONCEPTS BOARDS/ MAQUETTES : EXPLICATIONS
83
84
« L’HABIT NE FAIT PAS LE MOINE » : INDISCERNABLE
AXE 1
APPARENCE : Il s’agit de montrer que
l’apparence peut être trompeuse, qu’il
ne faut surtout pas s’y fier. Cela
ressemble à «l’homme est une femme
comme les autres70 ». Une connotation
très ambiguë qui intrigue le spectateur
qui devient quelque peu voyeur en
voulant en savoir plus. La connivence avec le spectateur se fait grâce au
mouvement de la main : « Chut ! … ».
AXE 2
DUALITE :
Des
courbes
douces
suggérant une présence féminine sont
mises en opposition avec une corde
rêche. Un rapport de force qui donne
une certaine ambiguïté à l’image. La
force du nœud et la douceur du corps
s’affrontent dans un même espace.
L’esprit est double dans ses façons d’être. Nous sommes faits de
contradictions.
70
Titre du film de Jean-Jacques Zilbermann, 1997.
85
« ÊTRE COMME CUL ET CHEMISE » : INSEPARABLE
AXE 1
ALLIANCE :Un rapport intime qui
s’établit entre le vêtement et le corps
de manière privilégiée. Il reste la
«chose » unique poser tout le temps sur
le corps. C’est une longue amitié, il
colle l’un à l’autre et se mettent en
valeur mutuellement. Un contraste
s’établit entre les formes arrondies du corps et les angles de la chemise.
AXE 2
FUSION : Le vêtement se fond avec le
corps, il ne forme plus qu’un. Ils
forment un tout. Les formes se
répondent
les
unes
aux
autres,
coïncidant parfaitement pour donner un
écho.
Elles
s’opposent
et
se
complètent.
86
« TIRE À QUATRE EPINGLES » : IMPECCABLE
AXE 1
FEMME PAPILLON : Le vêtement est
un élément gracieux à l’image du
papillon. Il est une protection tel un
cocon. Il se déploie majestueusement
sur le corps de la femme. Il la dessine,
la libère et l’emprisonne.
AXE 2
PROLONGEMENT : Le vêtement est
une continuité pour une femme comme
la femme est le prolongement du
vêtement.
Une
prolongement
forme
de
naît
du
matières
si
éloignées… et si proche à la fois. Les
pointes contrastent avec les courbes du
nu.
87
ANNEXE 3
88
TESTS
-A quoi vous fait penser l’image ?
-A votre avis, à qui s’adresse cette photographie ? ( jeune, moins
jeune, hommes, femmes, enfants)
-Que dit cette publicité ?
-A votre avis pour quel type de produit est-ce ?
-Comment qualifieriez-vous les vêtements ?
89
ANNEXE 4
90
Entretien avec Renaud Buenerd, directeur de la
communication de La City.
Cet entretien avait pour but de comprendre les
relations entre l’agence de publicité, l’entreprise et
les photographes, ainsi que de les situer par rapport
aux tendances.
Comment avez-vous briefé l’agence de publicité pour la dernière
campagne ?
- En réalité, il n’y avait de réel brief puisque nous travaillons avec la
même agence depuis le début. La seule recommandation que nous leur
avons faite est de «désérotiser » les images de La City…
(étonnement de ma part)
- …Ou de les «désexualiser » si vous préférez.
Pourquoi ?
- Les images de La City ont subi un boycotte de la part d’associations
féministes.
De quoi s’agissait-il ?
- La dernière campagne publicitaire a provoqué des problèmes. Les
associations pensaient que la jeune femme qui se trouvait dans des
starting-blocks avait une position sexuelle, «la levrette ». La jeune
femme qui avait un nœud dessiné dans le dos était, d’après eux, la
représentation d’une femme scarifiée. Des hommes demandaient des
91
catalogues de La City… Des mères envoyaient des protestations…(alors
qu’aucune partie intime n’est jamais dévoilée !)
Que signifiait pour vous le fait de «désexualiser » vos publicités ?
- Nous voulions faire évoluer les images de façon à créer un choc. Nous
souhaitions toujours que la femme fasse partie des visuels tout en
modifiant la perception que les gens en avaient.
Est-ce l’agence qui vous a proposé l’idée des extra terrestres, d’après votre
seul impératif ?
- Oui, c’est eux qui nous ont présenté cette idée.
Pourquoi l’idée d’extra terrestre vous séduit-elle ?
- Nous sommes une entreprise franco-française, nous voulions aller audelà. En fait, c’est un pied de nez à notre position. Avant d’être une
entreprise internationale, nous sommes une entreprise intergalactique.
C’est une vague de tendance à l’approche de l’an 2000.
Est-ce un peu en référence aux séries cultes telle qu’»X-Files » ?
- Oui, tout à fait. Ainsi que tout ce qui tourne autour de ce type de
phénomène. Les jeunes y sont très sensibles.
Le fait de vouloir une certaine universalité de vos produits me fait penser à
Benetton, est-ce un axe commun pour vous ?
- Oui, d’ailleurs on nous compare parfois à leur communication, je trouve
cela plutôt flatteur vu l’impact qu’ils ont sur le public.
Vos visuels rentrent bien dans les tendances : la sobriété, l’exotisme…
92
- Tout à fait, cette image précisément à des idées de tribalisme. Hélas,
certains, au sein même de l’entreprise, y ont vu une muselière (du cuir),
donc une image sado-masochiste ! Quant au fond blanc, il fait partie
intégrante de notre communication visuelle depuis le début, une certaine
simplicité.
Que signifie le logo de La City ?
- (Sourire de sa part) Oui, je sais la typo n’est pas régulière. En fait, à
l’époque je n’avais pas d’ordinateur et je l’ai réalisée à la main, un peu
tremblante.
Non, c’est plutôt sympathique, mais que représente le zigzag ?
-
En fait, c’est l’idée d’un coup de ciseaux, d’un toit d’usine. Je voulais
qu’il représente l’idée de confection dans le prêt à porter.
En revenant aux propositions de l’agence, comment vous présente-t-elle ses
idées ?
- Ce sont des maquettes à partir de photos existantes telle que celle prise
par Nick Knight de Naomie Campbelle. Le problème étant de ne pas
trop rester dans l’esprit de l’original pour ne pas être accusé de plagiat.
Malgré cela nous avons fait une image qui reste très proche de la
maquette pour une autre prise de vue. La même idée et le même
mannequin… !
Et s’ils ne trouvent pas d’images existantes par rapport à une idée, ils la
réalisent en rough. La seule de cette campagne à avoir été faite de cette
sorte n’a pas été retenue au final.
Donc, l’agence vous montre les maquettes et c’est vous qui décidez de ce
qui se fera ou non, ainsi que les modifications à apporter ?
93
- Oui, mais je ne suis pas seul. Il y a le directeur artistique, le directeur
commercial, la directrice stylistique, le directeur et moi-même. Nous
choisissons les maquettes qui nous paraissent intéressantes et puis après
un photographe est choisi pour les réaliser.
Quel rôle joue le photographe dans votre communication visuelle ?
- Nous en avons toujours qui sont de simples exécutants, mais pour les
publicités, ils sont surtout choisis pour leur savoir-faire et leur caractère
photographique. Si on veut le style de Sarah Moon, c’est elle qu’il faut
choisir et non pas un photographe qui va travailler à la manière de Sarah
Moon, comme le fait actuellement Cacharel avec un plus jeune
photographe !
C’est intéressant pour nous de travailler avec un photographe qui à déjà
un style, cela donne un plus à nos images. Cette année pour notre
catalogue, il n’y a même pas eu de maquette. Nous avons choisi un
photographe pour son talent. Le seul impératif qui lui a été donné est le
thème : l’Afrique. Il choisit les vêtements, mes mannequins, les lieux…
Est-ce le photographe qui fait le choix des images en définitif ?
- Il fait un premier choix qu’il nous montre, puis, je reprends cette
sélection pour des petits détails comme celui de l’expression sur cette
photo, refusée à l’unanimité parce qu’elle faisait peur. Il a effectué des
photographies qui n’avaient pas de maquette d’origine.
Que pensez-vous des publicités de mode sans slogan ?
- Nous ne nous plaçons pas comme les grands couturiers…Mais plutôt
comme Morgan ou Kookaï…
94
C'est à ces derniers que je faisais justement allusion, pourquoi utilisez-vous
encore un slogan par rapport à la tendance des images sans slogan ?
- C’est pour éviter toutes sortes de confusion, nous préférons avoir encore
un slogan. Les phrases qui accompagnent les visuelles justifient les
campagnes publicitaires, il y eut «je n’ai rien à me mettre », la phrase
donne une philosophie au message. Cette phrase a, néanmoins, suscité
des remarques d’ordre sexuel à nouveau. Il faut toujours faire attention à
ce que l’on dit pour que ce ne soit pas pris d’une autre manière.
Pensez-vous que vous aller évoluer vers des publicités sans slogan, ni
phrase ?
- Peut-être, mais pour le moment il faut que La City se fasse connaître de
plus en plus. Cela fait huit ans que l’entreprise existe mais nous ne
communiquons que depuis deux ans et demi. Peut-être qu’il suffira un
jour d’une image et du zigzag du logo pour faire une publicité de la
city ?
L’agence m’a dit que vous vous situez dans les dix premières marques
reconnues pour sa notoriété.
- Oui, si cela vous intéresse, je peux vous donner les chiffres exactement.
Oui.
- La City obtient un pourcentage de 6,3 pour une notoriété spontanée et
de 42,5 pour une notoriété assistée. Sa notoriété s’est multiplié par 10 en
2 ans.71
71
Chiffre Ipsos d’avril 98.
95
ANNEXE 5
96
Gilles LIPOVETSKY, conférence du jeudi 16 avril 1998,
133 av. Champs Elysée Publicis.
Prise de notes sur le thème :
L’INDIVIDUALISME CONTEMPORAIN.
(l’individualisme est un concept majeur en philosophie et sociologie)
Et développement de l’humour dans les mécanismes publicitaires à ce jour
(très peu développé).
L’hypothèse : les sociétés occidentales européennes et Nord américaines
sont entrées dans un cycle nouveau de l’histoire de l’individualisme, dans
le cycle post-moderne. (tendanciellement de type narcissique). Ce cycle
apparaît du fait de la conjoncture de six traits distincts.
1-culte de l’autonomie
2-culte hédoniste
3-culte du corps
4-culte psychologique et relationnel
5-culte du marché
6-faillite des grandes utopies historiques de la modernité
L’individualisme n’est pas une invention récente mais elle fait partie
du code génétique des sociétés modernes. Il met en jeu une invention
historico-social.
La société était fondée sur la hiérarchie où les hommes n’étaient pas
égaux, ils ne disposaient pas de beaucoup de mobilité, de choix. La vie
s’établissait suivant les ordres sociaux.
97
Selon Dunan, l’idéologie individualiste est un principe de liberté et
d’égalité. Nous sommes tous, reconnus libres et autonomes de nos actes.
L’atome individuel devient plus important, l’ordre social se construit,
la mobilité devient permanente. On se réinvente soi-même. La société
moderne repose sur la liberté individuelle et l’égalité. Cependant
l’autonomie a été longtemps contre carré par des dispositifs socioculturels
ancrés dans nos sociétés. Ils peuvent se compter au nombre de trois : la
persistance dans les traditions religieuses, les grandes idéologies politiques
(l’individu représente le zéro, le parti est le tout), les logiques disciplinaires
tels que le Taylorisme où l’individu obéit au personne d’en haut.
Tout est pensé par les autres. Pour commencer à voir les grandes
évolutions, il faut se référer à mai 68 où la fin de la socialisation morale et
autoritaire ainsi que la socialisation inégalitaire selon les sexes débutent. A
cette époque, on commence à sortir de ce cadre.
Un bref historique pour situer l’individualisme dans la société :
1700-1950 : cycle héroïque de la modernité, première
révolution individualiste. L’individualisme est alors inachevé.
1950 :seconde révolution de l’individualisme post moderne. Il
se met en place une société de consommation de masse. Toute la société de
consommation repose sur le culte hédoniste. Tout d’abord le plaisir
matériel puis s’étend à tout.
La culture hédoniste est une théorie hyper critique de la société de
consommation et l’individu devient plus qu’un simple consommateur. La
société de consommation arrache les individus aux traditions, elle
déclenche une désappartenance sociale et culturelle, elle permet de vivre
pour soi-même. L’hédonisme culturel mine la culture sacrificielle au profit
du présent.
98
La tradition appartient au passé, le moderne au future et le postmoderne est mis en place par la société de consommation pour le présent
(en fonction de ses propres coordonnées).
L’autonomie individuelle se forge par des transformations de la
famille. Les mariages, les divorces, les familles nombreuses, les familles
monoparentales, les naissances hors mariages (1/3 en France), autant de
paramètres en pleine mutation. La fécondité devient maîtrisable, et la
sexualité dans son ensemble est admise dès l’instant où tout le monde est
consentant.
La mode apparaît comme le système antinomique le plus frivole par
rapport à l’individualisme du fait des canons de la beauté…Cependant la
spirale de l’autonomie avance quand même, elle repose sur le système «à la
mode démodée », soit un système binaire. A partir des années soixante, la
minijupe décline une mode qui n’est pas faite pour tous. 1960-1970, un
style jeune, une mode de la rue, un patchwork considérable, de là, il y eut
des modes. C’est la logique post-moderniste de la mode de passer d’une
mode à des modes. Il ne s’agit plus d’un seul créateur qui impose un style,
la femme décide de choisir ou non. Un éclatement stylistique de la mode
survient dans les années quatre-vingts. Au milieu des années quatre-vingtdix, ce fut le retour des jupes longues, les jeunes femmes ont acheté suivant
ce qui leur allaient ou non, pas uniquement pour suivre une tendance.
Le cas religieux prend une ampleur sans précédent (l’Amérique étant
mise de côté), l’emprise et le contrôle sur les familles sont en perte de
vitesse. Même les catholiques pratiquants se refusent à adopter les idées du
pape. L’individualisme signifie ici, que les gens prennent du recul par
99
rapport à l’emprise des institutions sur la façon de penser. Cela ne signifie
pas pour autant l’athéisme. L’individualisme à la carte est une nouvelle
puissance de l’autonomie, désappartenance d’une collectivité et recul.
Le travail, l’entreprise. En trente ans, la légitimation des femmes
pour le travail. Dans une société moderne travail et loisir se répondent, le
loisir inspirant le travail. L’individualisme a signifié le «j’m’en foutiste ».
Ce n’est pas sa définition principale, la logique de la méritocratie passe par
le travail. Il y a de plus en plus de turn-over, cela remet du sang neuf au
sein des entreprises. Le sens du travail n’en est pas miné.
Le culte du corps est un paradoxe. Il y a beaucoup de normes qui
font partie d’une entreprise considérable comme celle de la minceur. C’est
la logique de l’individualiste par rapport à des normes imposées par la
société. La contradiction n’est qu’en surface, mais il y a une réelle
cohésion. Les normes du corps signifient que celui-ci doit être «gagné »,
«entretenu ». Le corps est ce que l’on reçoit, à soi de s’en occuper. Les
codes du sport entrent dans la logique du combat avec soi-même. Les
modèles sont un instrument de l’autonomisation, de la maîtrise de soi.
Les conséquences de l’effondrement des grandes idéologies : une
dynamique qui n’a plus de vrai modèle réel externe, plus de promesse,
l’impact grandissant de l’individualisme sur la montée simultanée des
revendications particularistes tels que les identités nationales linguistiques,
ethniques ou minorités religieuses. L’individu ne se replie pas sur lui mais
il se réapproprie lui-même.
100
Qui dit individualisme, ne veut pas dire égoïsme. L’irresponsabilité
est juste une des pentes de l’individualisme. Il y a des mouvements
individualistes responsables comme les mouvements écologiques, le
bénévolat…
Il ne s’agit pas d’un effondrement des valeurs morales mais un
changement : recomposition des sens, des limites. On fait reculer l’individu
égoïste pour arriver à le responsabiliser. Culture individualiste : identité
moderne.
Humour
Société disciplinaire---------distance
Société de conso-------------hédoniste---------proximité-----------humour
101

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