Comment appréhender l`environnement chinois

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Comment appréhender l`environnement chinois
Comment appréhender
l’environnement chinois ?
Les données à connaître pour s’implanter durablement en
Chine et transformer les différences culturelles en forces.
如何融入中国的工作环境
在中国长期工作生活的建议与在文化差异中的主动适应
Stéphane Bourrut Lacouture
朴三风
Stéphane Bourrut Lacouture
Comment appréhender
l’environnement chinois ?
Les données à connaître pour s’implanter durablement en
Chine et transformer les différences culturelles en forces.
Mémoire de fin d’étude de l’Ecole Supérieure de Logistique Industrielle
Tuteur entreprise : Fernand Mira
([email protected])
Tuteur école : Guillaume Finck
([email protected])
Remerciements
Je souhaite tout d’abord adresser mes remerciements aux membres de Manitou
Hangzhou Materiel Handling (MHMH).
Je remercie tout particulièrement messieurs Fernand Mira et Shen Gang pour la
confiance qu'ils m’ont témoignée au cours de ces 5 mois de stage. Ils ont également su
dépasser la stricte relation hiérarchique en m’apportant, selon leurs expériences personnelles,
une réelle ouverture culturelle par rapport à la Chine et à l’évolution d’une entreprise française
dans « l’Empire du Milieu ». Je les remercie également d’avoir su m’accorder, malgré leurs
emplois du temps chargés dûs à leurs fonctions, du temps pour échanger sur les sujets que je
souhaitais développer, qu’ils touchent directement à ma mission ou qu’ils soient plus larges et
concernent la Chine dans son ensemble.
Toujours au sein de MHMH, je remercie Monsieur Ye, directeur de production, pour la
collaboration que nous avons pu mener ensemble durant ma période au sein de la compagnie.
Nous avons réussi à passer outre nos différences culturelles pour apporter chacun notre
expérience acquise au fil des années, cela a permis d’avancer ensemble. Monsieur Ye n’a pas
peur du changement et les choses avancent toujours vite lorsqu’il travaille sur un dossier, cela
a été réellement agréable de travailler avec lui durant mon stage.
D’une manière plus générale je remercie l’ensemble des équipes de MHMH pour leur
accueil. J’ai toujours été très bien reçu et accueilli dans l’entreprise, quel que soit le niveau des
interlocuteurs et en dépit de mon impossibilité d’échanger en Chinois.
Je souhaite remercier très sincèrement Monsieur Guillaume Finck, mon tuteur au sein
de l’Ecole Supérieure de Logistique Industrielle (ESLI). Sa connaissance de la Chine mais
également son professionnalisme, son expérience, son ouverture et sa culture personnelle
m’ont été d’une précieuse aide. Je le remercie grandement de m’avoir accompagné tout au
long de l’année et d’avoir été un réel support -ou tuteur- durant la rédaction de mon mémoire.
Il a su se montrer toujours disponible et a permis des échanges rapides et réguliers d’une
grande qualité.
Enfin, je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé, d’une manière ou d’une autre, à
bâtir ce présent document. Que ce soit en échangeant de manière informelle ou par des
échanges plus professionnels, vous avez contribué chacun à votre manière à ce présent
ouvrage, merci.
Sommaire
Introduction ..............................................................................................................................7
1 - Présentation de l’entreprise ...........................................................................................9
1. 1 Le Groupe Manitou, une entreprise familiale aux valeurs fortes .............................9
1. 2 Manitou Hangzhou Material Handling (MHMH).....................................................29
2 - Le cadre de référence de l’entreprise ..........................................................................42
2. 1 La vision du Groupe Manitou ................................................................................42
2. 2 Les axes stratégiques du Groupe .........................................................................43
2. 3 Les problématiques actuelles de MHMH...............................................................45
2. 4 Le sujet du mémoire qui en découle .....................................................................47
3 - La culture et l’environnement chinois ..........................................................................49
3. 1 La Chine en quelques chiffres ...............................................................................49
3. 2 La Chine, une histoire de 5 000 ans......................................................................50
3. 3 Une culture bien différente de la nôtre ..................................................................56
3. 4 La situation politique, géopolitique et économique................................................64
3. 5 Les chinois ............................................................................................................79
3. 6 Les méthodes de travail et les règles de conduite ................................................86
3. 7 Des ouvrages incontournables ..............................................................................88
4 - Les principales différences entre les cultures chinoises et occidentales .....................92
4. 1 La principale différence : la « religion » .................................................................92
4. 2 Qu’en pense Geert Hofstede ?..............................................................................92
4. 3 Des schémas mentaux opposés ...........................................................................94
4. 4 Des visions des choses différentes .......................................................................95
4. 5 Une fois validé, tout va très vite ............................................................................99
4. 6 L’importance des relations ..................................................................................100
5 - Les pré-requis à intégrer avant d’aller en Chine ........................................................101
5. 1 Aimer les challenges et avoir une grande ouverture d’esprit ..............................101
5. 2 Accepter de mettre des moyens humains et financiers.......................................101
5. 3 Vivre et travailler en Chine, ce n’est pas des vacances ! ....................................102
5. 4 Lourdeurs et difficultés administratives ...............................................................102
6 - Les axes de travail pour réussir en Chine .................................................................104
6. 1 Fidéliser le personnel ..........................................................................................104
6. 2 Fiabiliser et sécuriser les approvisionnements....................................................114
6. 3 Satisfaire les clients.............................................................................................121
6. 4 Des actionnaires d’un nouveau style...................................................................125
7 - Les risques d’une implantation en Chine ...................................................................130
7. 1 Non respect de la propriété intellectuelle ............................................................130
7. 2 La qualité des produits « Made in China » ..........................................................136
7. 3 Influence sur l’image de l’entreprise ....................................................................138
7. 4 Explosion des coûts ............................................................................................140
7. 5 Risques géopolitiques .........................................................................................142
Conclusion ...........................................................................................................................144
Bibliographie ........................................................................................................................147
Contact ................................................................................................................................150
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Introduction
Je souhaite depuis de nombreuses années passer de longs séjours à l’étranger pour
m’ouvrir sur le monde, découvrir d’autres cultures, modes de pensée et de vie, manière de voir
le monde et de travailler. Vivre dans un environnement étranger est également très intéressant
dans le but d’apprendre à mieux me connaître à partir de situations inhabituelles. L’Ecole
Supérieure de Logistique Industrielle (ESLI) m’a donné une opportunité entre la seconde et
troisième année du cycle de formation, grâce à cela j’ai pu passer une année de césure en
Australie.
Fort de mon expérience hors de l’hexagone et avec une volonté décuplée, je souhaitais
continuer mon ouverture sur le monde en réalisant mon stage de fin d’étude dans un pays
étranger ayant une culture fondamentalement différente de la nôtre.
La Chine, seconde puissance économique mondiale derrière les Etats-Unis (PIB
nominal de 3 249 milliards de dollars US en 20071) répondait particulièrement à mes attentes.
La croissance de ce pays -PIB par habitant doublé entre 2001 et 2006 (2000$ US)- ainsi que
son attrait pour de nombreuses entreprises à travers le monde mais aussi la « peur » qu’il
véhicule depuis quelques années m’ont attiré. Le fait que la culture asiatique soit
probablement l’une des plus éloignée des cultures française ou australienne -les seules que je
connaissais- m’a conforté dans mon choix de m’orienter vers ce pays.
J’ai donc rejoint, début janvier 2008, Manitou Hangzhou Material Handling (MHMH),
entité du Groupe Manitou basée en Chine, à Hangzhou. Cette entreprise devenue filiale à
100% de Manitou BF en 2006 conçoit et fabrique des chariots élévateurs industriels.
Comme je m’y attendais, la culture chinoise est fondamentalement différente de la
culture européenne. Les us et coutumes mais également les schémas mentaux, liés aux
systèmes d’éducation et à l’histoire du pays, sont différents. Les visions des choses
apparaissent différentes car les « filtres » individuels sont propres à chacun suivant son passé.
Quelles que soient son histoire, sa culture ou sa position géographique de par le monde,
une entreprise doit s’appuyer sur quatre « piliers fondamentaux » pour continuer à exister.
Ceux-ci sont les actionnaires, le personnel, les fournisseurs et les clients. Ces quatre
«maillons» sont indissociables et si l’un d’eux casse, l’ensemble risque de s’écrouler.
1
The World Factbook, CIA, https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ch.html, 2008.
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Lors de ma mission au sein de MHMH, j’ai pu découvrir la difficulté qu’une entreprise
comme celle-ci rencontrait pour fidéliser le personnel et fiabiliser les approvisionnements. Tant
que deux des quatre piliers vitaux s’avèrent fragiles, l’avenir de l’entreprise n’est pas garanti.
A partir de ce constat, j’ai étudié les différentes possibilités qu’une entreprise de culture
européenne, ou occidentale, avait pour réussir son implantation en Chine. Pour arriver à cela
je vais tout d’abord vous présenter la culture et l’environnement chinois -en effectuant
notamment une comparaison avec les modèles européens- avant de lister des pré-requis
indispensables à connaître avant d’aller en Chine. J’arriverai ensuite au cœur du sujet en vous
présentant des axes de travail pour réussir une implantation en Chine. Enfin, je mettrai en
avant des cas concrets d’entreprises en ayant fait les frais de l’environnement chinois en se
lançant dans le monde économique de l’Empire du Milieu, rappelant que cela n’est pas sans
risque.
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1 - Présentation de l’entreprise
1. 1 Le Groupe Manitou, une entreprise familiale aux valeurs
fortes
1. 1. 1 Plus de 50 ans d’histoire
Je vais retracer ici un bref historique du Groupe Manitou BF. Cela permettra de voir le
développement exemplaire de cette entreprise et de comprendre sa forte croissance.
Années 1940 : Ingénieur de formation et passionné de mécanique et de machines,
Marcel Braud (grand-père de l’actuel Président) dessine des plans et imagine des projets. Il
tombe sous les balles le jour de la libération d’Ancenis.
1953 : Madame Braud, son épouse, prend sa suite et fonde avec Monsieur Faucheux la
société Braud et Faucheux pour produire les premières grues et bétonnières.
1957 : Marcel Braud, son fils, imagine le premier chariot élévateur tout terrain sur la base
de la mécanique d’un dumper trois roues.
1958 : Marcel Braud a l’idée géniale d’inverser le poste de conduite d’un tracteur
agricole et de lui ajouter un mât de levage et une direction hydraulique. Il s’appellera
MANITOU (contraction des deux mots « manie tout »), nom issu d’un brainstorming familial
pour désigner cet engin. C’est devenu un nom générique au même titre que frigidaire. Manitou
révolutionne ainsi la manutention, avec ses chariots d’abord destinés aux marchands de
matériaux, puis aux scieries, à la manutention de matériaux de construction avec l’avènement
de la palette et aux chantiers de construction.
1969 : 10 ans après le premier chariot, il y a déjà 10 000 chariots vendus.
1970 : Début de l'internationalisation du Groupe.
1972 : Accord de partenariat commercial signé avec Toyota pour la distribution des
chariots industriels Toyota en France.
1981 : Braud et Faucheux devient Manitou BF.
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1981 : Sortie du premier chariot télescopique (Maniscopic), cette étape marque un
tournant dans l’histoire de la société, son développement s’accélère.
1984 : Introduction de l’action au Second Marché de la Bourse de Paris. La société est
aujourd’hui détenue aux 2/3 par la holding familiale.
1991 : Démarrage des ventes de chariots télescopiques dans l'agriculture.
1992 : Le 100 000ème Manitou est fabriqué et offert à l’Abbé Pierre pour l’association
Emmaüs.
1993 : Rachat de Loc Manutention, fabricant de transpalettes et de gerbeurs électriques
sous la marque Manilec.
1995 : Création d'une joint-venture avec Toyota pour la fabrication des chariots
industriels pour l'Europe.
1995 : Développement des activités dans les nacelles élévatrices de personnes et dans
les chariots embarqués.
1996 : Obtention de la certification ISO 9001, renouvelée depuis en conformité avec
l’édition 2000 de la norme.
1997 : Accord de partenariat industriel avec Case New Holland.
2002 : Inauguration du Centre de Formation International à Ancenis.
2003 : Extension des sites industriels aux Etats-Unis et en Italie.
2004 : Manitou célèbre la sortie de son 200 000ème chariot tout terrain en changeant son
logo.
2005 : Création de deux filiales, une en Chine et l’autre en Australie.
2005 : Acquisition de la filiale chinoise Hangzhou Irishman Mh Equipment Corp.
2006 : Madame Andrée BRAUD, fondatrice de MANITOU décède le 1er avril.
2007 : Inauguration du Centre Logistique Pièces de Rechange.
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1. 1. 2 Un Groupe international leader sur son marché
1. 1. 2. 1 Manitou leader mondial du chariot élévateur tout terrain
Outre le fait qu’un chariot sur trois soit de marque Manitou, environ 66% du chiffre
d’affaires (2007) provenait des ventes réalisées à l’étranger.
Répartition du CA par zone géographique
Source : Manitou
Nous remarquons sur ce schéma la place de la France qui représente légèrement plus
d’un tiers du CA ; l’Europe représente quant à elle légèrement plus de la moitié (sans compter
la France).
1. 1. 2. 2 Manitou dans le monde
Le début de l’internationalisation de l’entreprise remonte aux années 1970 avec
l’ouverture d’une filiale en Grande-Bretagne en 1972. Depuis, le phénomène s’est étendu au
monde entier. Aujourd’hui, le Groupe Manitou dispose de plus de 600 points de vente et de
service répartis dans 120 pays. Outre la maison mère basée à Ancenis, on retrouve 14 filiales :
4 filiales de fabrication (CIMM, Aumont, BTMI en France et MHMH en Chine), 3 filiales de
fabrication et de distribution (MLM en France, MCI en Italie, Manitou North America aux USA),
7 filiales de distribution (Benelux, Allemagne, Royaume Uni, Portugal, Espagne, Afrique du
Sud, Singapour) et 2 participations (Toyota Industrial Equipment à Ancenis et HMME en
Chine).
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Localisation du réseau Manitou dans le monde
Source : Manitou
Manitou est présent sur tous les continents à travers un réseau de concessionnaires et
d’agents. L’entreprise dispose aussi de 2 000 techniciens qui ont pour objectif d’apporter le
meilleur service à chaque utilisateur d’une machine Manitou.
Localisation du réseau Manitou en Europe
Source : Manitou
Ce schéma permet d’observer une répartition assez homogène sur l’Europe de l’ouest ;
le premier pays étant naturellement la France, suivi par l’Espagne et l’Angleterre. En revanche,
l’Europe de l’Est est encore assez peu couverte par le réseau Manitou, qui tend à se
développer dans ces pays en pleine croissance.
1. 1. 2. 3 Les implantations industrielles de Manitou
Manitou dispose de dix sites de production dans le monde, chacun étant spécialisé dans
un type de produit.
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1. 1. 2. 3. 1 En France
•
Ancenis : siège social et principale unité de production des chariots à mât et de
chariots télescopiques. Surface de 80 000m² et effectif de 1213 personnes.
•
CIMM, à Candé (près d’Ancenis) : fabrication de nacelles Maniaccess. Surface
de 6 800 m² et effectif de 82 personnes ; créé en 1989.
•
BTMI, à Beaupréau (près d ’Ancenis) : assemblage de chariots semi-industriels
Manitou (MSI) et bétonnières. Surface de 3 500 m² et effectif de 33 personnes ;
créé en 2000.
•
Aumont BSBH à Laillé (près de Rennes) : fabrication des chariots
télescopiques Manitou et New Holland. Surface de 6 700 m² et effectif : de 107
personnes, créé en 1997.
•
MLM à Saint Ouen (région parisienne) : fabrication et distribution de matériels
de magasinage (transpalettes, gerbeurs). Surface de 7 800 m² et effectif de 103
personnes, créé en 1993.
•
TIE (Toyota Industrial Equipment) à Ancenis, participation à hauteur de 40%
aux côtés de Toyota. Fabrication et assemblage de chariots industriels Toyota
pour l’Europe, volume annuel d’environ 9000 chariots. Effectif de 326
personnes, créé en 1995.
1. 1. 2. 3. 2 A l’étranger
•
Manitou North America à Waco au Texas (USA) : fabrication de mâts pour
l’industrie américaine, fabrication de chariots tout terrain pour le marché
américain et distribution des gammes Manitou aux Etats-Unis. Surface de 9
300 m² et effectif de 91 personnes, créé en 1981.
•
MCI (Manitou Costruzioni Industriali) à Castel Franco (Italie) : fabrication et
distribution de chariots Maniscopic (MVT et MRT). Surface de 18 000 m² et
effectif de 184 personnes, créé en 1986.
•
MHMH (Manitou Hangzhou Material Handling) à Hangzhou (Chine) :
fabrication et assemblage de chariots élévateurs industriels. Surface de 21 000
m² et effectif de 95 personnes, créé en 2003 (cf. historique détaillé plus bas).
•
HMME (Hangzhou Material Manutention Equipment) à Hangzhou, participation
à hauteur de 40% aux côtés de Hangcha. Assemblage de chariots industriels
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électriques et de nacelles élévatrices. Surface de 2200 m² et effectif de 44
personnes, prise de participation en 2006. En 2007, le chiffre d’affaires était de
75,8 millions de RMB (6,77 millions d’euros) ; celui-ci devrait s’élever à 90,7
millions de RMB (8,13 millions d’euros) pour l’année 2008.
1. 1. 2. 4 Un Groupe de 2 667 personnes
Manitou emploie actuellement 2 667 personnes réparties à environ 50% à la maison
mère à Ancenis et 50% dans les filiales. Les deux tiers de l’effectif sont basés directement à la
production et 90% du personnel est basé en Europe. Cela s’explique par le fait que les effectifs
sont ceux du Groupe et n’intègrent donc pas le personnel du réseau de concessionnaires
(indépendants) ni celui de Toyota Industrial Equipment.
Les effectifs du Groupe Manitou
Source : Manitou
Le site d’Ancenis regroupe le siège social et une unité de production. On y trouve tous
les services et infrastructures nécessaires à l’organisation du Groupe : de la conception
(bureau d’études) au magasin pièces de rechange (mondial), en passant par la production et
la commercialisation. Toutes les étapes de la vie des produits Manitou y sont intégrées.
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1. 1. 3 Une gamme étendue de matériel
1. 1. 3. 1 Chariots à mât semi-industriels et tout terrain : Manitou
Le premier chariot à mât tout terrain est lancé en 1957. Un tracteur Mac Cormick est
retourné et un mât de levage et une direction hydraulique lui sont adaptés. C’est le produit qui
va donner le nom à l’entreprise : Manitou.
Produit de la gamme Manitou, chariots tout terrain
Source : Manitou
Aujourd’hui, cette gamme des chariots à mât comporte 32 modèles avec des capacités
de charge comprises entre 2 et 7 tonnes et une capacité de levage allant jusqu’à 4 mètres de
hauteur. La gamme Manitou -produite à Ancenis- est composée de 6 familles de produits :
•
Série M : chariots à mât tout terrain,
•
Série MA : chariots à mât articulé,
•
Série MC : chariots à mât de parc,
•
Série MSI : chariots à mât semi industriels,
•
Jumbo : chariots à mât latéral,
•
Buggie : chariots à mât compact.
1. 1. 3. 2 Chariots industriels
Manitou est présent sur le marché des chariots industriels depuis 2006. Cette gamme,
fabriquée sur les sites de production basés en Chine, comprend 12 modèles différents. Les
tonnages varient de 1,5T à 3,5T et les chariots existent en version thermique et électrique.
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Produit de la gamme industriel
Source : Manitou
1. 1. 3. 3 Chariots télescopiques : Maniscopic
Les chariots télescopiques -dont le premier modèle est sorti en 1981- sont regroupés
dans une gamme de 42 modèles nommée Maniscopic. Les hauteurs de levée varient de 4 à 21
mètres pour des capacités nominales de 2 à 16 tonnes.
Produit de la gamme Maniscopic, chariots télescopiques
Source : Manitou
Manitou vend plus de 4 500 chariots télescopiques chaque année, ce qui lui permet
d’avoir une part de marché mondial d’environ 40% (hors Etats-Unis).
1. 1. 3. 4 Un concept innovant : Twisco, les chariots à trois roues
Ces chariots représentent un modèle innovant comprenant seulement 3 roues. Cela lui
permet d’être à la fois performant, compact, transportable et maniable.
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Produit de la gamme Twisco, chariots à trois roues
Source : Manitou
1. 1. 3. 5 Chariots télescopiques rotatifs : les MRT
Les MRT (Material Rotation Telescopic) sont les plus polyvalents de Manitou avec un
système « 3 en 1 » : télescopique, nacelle et grue.
Produit de la gamme MRT, chariots télescopiques rotatifs
Source : Manitou
Cette gamme se décline en 6 modèles avec notamment des possibilités de rotation de
deux fois 200° ou de 360° continu. Les MRT sont capables de recevoir une large variété
d’équipements (potences, bennes, nacelles…) leur permettant d’avoir des usages divers.
1. 1. 3. 6 Chariots embarqués : Manitransit
La gamme Manitransit se définit par des chariots embarqués télescopiques d’une part et
des chariots à mât d’autre part. Cette gamme, lancée en 1996, permet à Manitou d’être
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aujourd’hui le troisième constructeur de chariots embarqués au niveau mondial avec la
fabrication de 300 machines par an (85 % en France et 15% aux États-Unis).
Produit de la gamme Manitransit, chariots embarqués
Source : Manitou
La gamme Manitransit est constituée de 15 modèles allant jusqu’à 2,5 tonnes de charge,
avec une portée avant pouvant aller jusqu’à 1,30 mètres. La hauteur de levage maximum est
de 3,25 mètres.
1. 1. 3. 7 Chargeuses sur pneus ou à bras pivotant : Maniloader
La gamme Maniloader se compose de 10 modèles de trois types différents : chargeuses
à bras pivotant, chargeuses articulées et chargeuses à bras fixe
Produit de la gamme Maniloader
Source : Manitou
Ces chariots, composés d’une transmission hydrostatique, ont une capacité de 2 m3
pour un godet standard ; la hauteur maximum est quant à elle de 3,70 mètres. La benne
dispose d’un système d’accrochage rapide à commande hydraulique.
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1. 1. 3. 8 Nacelles élévatrices de personnels : Maniaccess
Entrée sur le marché des nacelles en 1995, Manitou dispose aujourd’hui d’une gamme
de 21 modèles répartis dans quatre groupes : les modèles articulés, ceux à mât vertical, des
modèles à ciseaux et enfin une gamme de modèles télescopiques thermiques à roues ou à
chenilles.
Produit de la gamme Maniaccess
Source : Manitou
En 2000, Manitou a signé des accords de partenariats pour élargir la gamme et ouvrir de
nouveaux marchés à l’export, par exemple les accords avec l’Américain MEC (nacelles à
ciseaux) et ceux avec le Japonais AICHI (nacelles télescopiques).
1. 1. 3. 9 Matériel de magasinage : Manilec
Cette gamme se compose de gerbeurs et transpalettes industriels.
Produit de la gamme Manilec
Source : Manitou
L’ensemble de cette gamme est fabriqué à Saint Ouen en région parisienne.
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1. 1. 4 Une présence dans tous les secteurs économiques
Manitou est présent dans tous les secteurs du chariot. Voici ci-dessous une
matrice-produit suivant chaque marché, elle donne un aperçu des gammes et produits utilisés
selon le type de secteurs et dans quelle mesure (plus il y a de petites vignettes, plus le produit
est approprié et vendu sur ce marché).
Matrice produits / marchés
Source : Manitou
A l’origine, l’activité de la société était essentiellement concentrée sur le marché du
bâtiment. Son développement vers d’autres secteurs d’activités répond à une volonté
stratégique d’équilibre sectoriel.
Répartition du CA par secteur
Source : Manitou
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1. 1. 4. 1 Construction
Comme je viens de l’exposer, le marché de la construction est le premier marché de
Manitou en terme de chiffre d’affaires ; c’est également le marché originel du Groupe. Celui-ci
représente 225 000 entreprises en France dont 8 000 entreprises en travaux publiques.
Les principales applications dans ce domaine sont le chargement de matériaux
(palettes, ciment, etc.), le stockage de matériaux sur chantier et leur distribution et enfin la
finition du chantier. De multiples accessoires peuvent s’ajouter aux chariots : fourches, godets,
potences, etc.
La gamme Manitransit permet d’offrir une autonomie au chauffeur en lui permettant de
charger et décharger ses matériaux de construction (placoplâtre, fenêtres, portails, briques,
parpaings) sans matériel extérieur.
Les nacelles permettent quant à elles d’effectuer du gros œuvre (structures métalliques,
charpente, bardage) mais également du second œuvre (travail de finition, électricité,
plomberie, etc.).
Enfin, la gamme Maniloader est utile pour les travaux en zone urbaine (voirie réseaux
distribution, espaces verts) et pour les manutentions de vrac (palettes, remblayage,
aplanissement, chargement et déchargement de camion, etc.).
1. 1. 4. 2 Agriculture
Manitou, présent sur le marché de l'agriculture depuis plus de 15 ans, est le spécialiste
de la manutention agricole. Aujourd'hui, sur le marché agricole français, plus d'un chariot
élévateur sur deux est un Manitou. La gamme de chariots élévateurs est composée de plus de
vingt modèles et répond parfaitement aux besoins des agriculteurs. Par exemple la série
Maniscopic qui est devenue une véritable référence dans le domaine.
1. 1. 4. 3 Industrie
Le secteur de l’industrie utilise plusieurs types de produits Manitou. Les nacelles
permettant par exemple d’effectuer des maintenances industrielles (entretien pont roulant et
éclairage, inventaire / stockage, etc.) tandis que les chariots à mât et les produits de la gamme
Manilec sont utiles pour le déplacement des marchandises et produits.
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1. 1. 5 L’environnement de Manitou
1. 1. 5. 1 Les fournisseurs
Les difficultés d’approvisionnement sont depuis plusieurs années un frein au
développement du Groupe. Nous retrouvons, d’une manière générale, deux principales
causes :
•
une pénurie de la matière première. Manitou est directement touché par les
hausses mondiales de consommation de l’acier (structures) et du pétrole
(pneus, etc.),
•
une forte augmentation de la demande. Certains produits –comme les vérins
hydrauliques- ont vu une très forte croissance de leurs ventes. De fait, certains
fournisseurs ont des difficultés pour livrer les produits dans les délais
initialement prévus.
Conscient que les approvisionnements pénalisent l’entreprise, les membres des équipes
de Manitou réalisent d’importants efforts pour améliorer ce point.
1. 1. 5. 2 Les clients
Les domaines de présence de Manitou étant variés, le panel de clients l’est tout autant.
Voici les grandes catégories de clients :
•
clients utilisateurs : construction (artisans indépendants, PMI, PME, etc.),
agriculture (agriculteurs, coopératives agricoles, etc.) et industrie (PME, PMI et
groupes internationaux). Parmi les entreprises internationales, l’entreprise peut
notamment citer Bouygues, Vivendi Environnement ou encore la Lyonnaise
des Eaux.
•
sociétés de location : Loxam, Hertz, Kiloutou, Laho, etc. pour ne citer que celles
situées en France.
•
armées et organisations internationales : armées de différents pays, ONU, etc.
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1. 1. 5. 3 Les concurrents
Parmi les concurrents, je citerai tout d’abord JCB, il s’agit du plus gros constructeur privé
d'engins de chantier au monde. Ce groupe emploie 8 000 personnes et possède 17 usines à
travers le monde ; son réseau est présent dans 150 pays. Les produits JCB sont destinés aux
marchés des travaux publics, de l’agriculture, de l’industrie et les espaces verts.
Nous retrouvons ensuite JLP, premier fabricant au monde de nacelles et en troisième
position pour les chariots télescopiques. Sans oublier Merlo, une entreprise spécialisée dans
les nacelles et dont le CA était de 270 millions d’euros en 2006.
1. 1. 6 Les clés de la réussite
Nous allons maintenant développer quatre points expliquant en partie les clés de la
réussite de Manitou, les voici :
•
une forte capacité d’innovation,
•
une exigence de qualité,
•
une organisation orientée vers la satisfaction du client,
•
une entreprise soucieuse de son environnement.
1. 1. 6. 1 Une forte capacité d’innovation
Manitou dispose de 9 bureaux d’études regroupant plus de 130 ingénieurs et
techniciens. Cela permet à l’entreprise d’avoir une grande capacité d’innovation avec
notamment 50% des modèles actuellement commercialisés lancés ces trois dernières années.
Les bureaux d’études, qui travaillent en étroite collaboration avec les équipes de terrain
pour répondre parfaitement aux besoins des clients, ont déposé plus de 40 brevets au cours
de ces dix dernières années.
L’objectif permanent est de créer un nouveau produit ou de trouver des solutions
techniques pour faire évoluer un produit existant en vue de mieux satisfaire le client final. Pour
cela, sont utilisés les retours des clients, des services commerciaux, du marketing, du service
après vente, etc. Les axes d’améliorations peuvent être regroupés en quatre grandes
catégories :
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
performances techniques (capacité et vitesse de levage, etc.).,
•
confort de l'utilisateur,
•
compacité,
•
visibilité.
1. 1. 6. 2 Une exigence de qualité
L'objectif du système de management de la qualité est de satisfaire le client qui attend de
Manitou un matériel qui corresponde parfaitement à ses besoins. Ces considérations doivent
être prises en compte depuis la conception jusqu'à la livraison du produit.
Pour cela, chaque usine, spécialisée dans une gamme de produits, dispose d’un comité
de suivi de la satisfaction du client qui analyse chaque mois les remontées des clients
(incidents techniques, réclamations, non conformités, comptes rendus de visites, etc.),
permettant alors de développer un plan d’actions correctives. Des représentants des différents
services (achats, bureau d’études, production, service après vente, pièces de rechange et
service client) y assistent. Les fournisseurs sont également intégrés au système d’assurance
qualité. Par ailleurs, il existe un suivi permanent des procédures de fabrication et des tests
rigoureux des machines (mécaniques, statiques, piste d’essai, etc.) sont effectués avant
expéditions.
Enfin, l’entreprise est certifiée ISO 9001 depuis 1996 et la nouvelle norme ISO 9001 –
version 2000 est appliquée depuis 1999. Le site de Manitou BF est également certifié ISO
14001.
1. 1. 6. 3 Une organisation orientée vers la satisfaction du client
Le client et son entière satisfaction sont une priorité du Groupe Manitou. C’est dans ce
sens qu’a été créée une Direction Service Clients (DSC) qui regroupe le service après vente,
la gestion des pièces de rechange et un centre de formation. Ces entités sont chargées :
•
de promouvoir la qualité de service au sein du réseau de distributeurs,
•
de valoriser le service associé à la vente,
•
de s’assurer de la recherche systématique de la satisfaction du client au travers
de la qualité du produit ainsi que de la qualité du service du réseau de
distribution.
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Une charte qualité service, mise en place chez les concessionnaires français en 2007, a
pour objectif de faire progresser le réseau de concessionnaires et la qualité du service offert,
en les aidant à améliorer leur méthodologie de travail (organisation, processus et outillage).
La satisfaction client a deux grandes orientations. Tout d’abord la qualité du produit, de
sa conception aux tests finaux et à la livraison. Ensuite chez le concessionnaire en bénéficiant
de conseils et de services annexes (financement, contrats de gestion et de maintenance, etc.).
1. 1. 6. 3. 1 Un support après-vente international
Le service aux clients est considéré comme essentiel chez Manitou. Il est assuré par les
concessionnaires qui sont formés régulièrement (en moyenne tous les 2 ans). Il s’agit d’un
réseau d’experts spécialisés en mécanique, hydraulique et électricité.
Le service après-vente situé au siège à Ancenis n’intervient directement que pour les
grands comptes et loueurs.
1. 1. 6. 3. 2 Un centre mondial de distribution de pièces de
rechange
Le centre de pièces de rechange dispose aujourd’hui d’une surface couverte de 10 500
m² à Ancenis auxquels il faut ajouter environ 7000m² avec d'autres entrepôts. Le centre
principal dispose de 5 quais de réception et de 7 quais d’expédition distincts mais aussi de 2
silos de stockage automatisés (15 000 références) et de 8 lignes d'expéditions de colis.
Le magasin pièces de rechange d’Ancenis gère l’ensemble des accessoires et pièces
d’entretien destinées aux concessionnaires et clients Manitou dans le monde entier, soit plus
de 60 000 références. Il permet d’expédier 900 commandes par jour et 40 tonnes de pièces y
transitent quotidiennement. Le taux de service sur pièces Manitou est d’environ 95%.
L’ensemble du réseau est relié informatiquement au magasin pièces de rechanges. Cela
permet d’être réactif -toute les commandes passées avant 16h30 sont livrées le lendemain
avant 8H00 en France et 12H00 en Europe- mais également de disposer d’une traçabilité
complète des envois.
Enfin, mentionnons le fait que les concessionnaires disposent d’un stock de pièces pour
l’entretien et la maintenance courante.
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1. 1. 6. 3. 3 Un centre de formation international
Au printemps 2002, Manitou se dote d’un nouveau centre de formation (agréé, certifié
ISO 9001) qui s’avère être un outil performant adapté aux exigences actuelles et futures. Cet
investissement de 2 millions d’euros permet de disposer d’un outil de 3 600 m² comprenant
des salles de formation théorique, des ateliers de formation pratique, d’un amphithéâtre de
200 places, d’un musée retraçant l’histoire de l’entreprise et d’un hall d’exposition ainsi que
d’une boutique.
22 instructeurs dispensent chaque année des formations techniques et commerciales à
plus de 2000 techniciens de 25 nationalités. Ces séances, données dans 4 langues
différentes, permettent de répondre aux besoins en formation accrus par la haute technicité
des produits, le développement des gammes et l’accroissement des marchés.
Ce centre de formation est au service de toutes les fonctions de l’entreprise mais on
retrouve pour environ les deux tiers des équipes des services après vente.
1. 1. 6. 3. 4 Une entreprise soucieuse de son environnement
Pour un développement durable et dans un souci de respect de l’environnement,
Manitou conçoit et produit ses matériels aux normes environnementales en vigueur.
La directive européenne 98/37 CE qui concerne toutes les machines, est complétée par
des normes spécifiques à chaque famille de produits : chariot télescopique (EN 1759), chariot
à mât (EN 1726), nacelles (EN 280), etc. L’intégralité des produits vendus par l’entreprise est
conforme à ces normes.
Deux directives concernant l'environnement sont parues récemment. Tout d’abord la
directive relative à la réduction des émissions de polluants (gaz et particules) pour les
machines « non routières » avec une limitation des taux maximum d'émission par type de gaz.
Manitou revoit donc intégralement la conception de l'installation de la motorisation. Ensuite la
directive relative à la limitation des émissions sonores pour les machines destinées à être
utilisées à l'extérieur des bâtiments. Cela nécessite l’implantation de nouveaux composants
moins bruyants, soit en ajoutant des matériaux insonorisant, soit en coffrant les sources
sonores.
Manitou a également travaillé sur la mise en conformité de l’usine aux normes
environnementales. Il y a dorénavant des tests réalisés en interne et par des sociétés
extérieures sur les quantités de rejet (air et eau) et de bruit.
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En étant certifié ISO 14000, l’entreprise s’engage au respect de l'environnement et à la
réduction de la quantité de déchets ultimes. Les émissions de polluants ont été divisées par
2,5 pour les particules et par 2 pour les oxydes d’azote et de carbone.
Enfin, le tri sélectif des déchets est pratiqué en usine et dans les bureaux. Les Déchets
Industriels Banals (non dangereux) et Déchets Industriels Spéciaux (susceptibles de présenter
un danger) sont collectés séparément et dirigés vers le PADI (Parc à Déchets Industriels) en
attendant le ramassage par différentes sociétés pour recycler ou détruire les déchets.
1. 1. 7 Un Groupe en expansion et financièrement solide
1. 1. 7. 1 De solides fondamentaux
Manitou tient une position de leader mondial dans le chariot tout terrain. Sa notoriété et
sa bonne réputation en font une référence incontournable dans le domaine. Nous pouvons
être optimiste pour l’avenir du Groupe qui dispose d’un bon équilibre sectoriel des activités,
d’un niveau élevé de rentabilité et qui a étendu sa zone d’influence et gagné des parts de
marché (principalement en Europe).
Le chiffre d’affaires a été multiplié par plus de 3 entre 1995 et 2007 en passant de 382,9
millions d’euros en 1995 à 1,26 milliards d’euros en 2007.
Chiffre d’affaires consolidé
Source : Manitou
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
1. 1. 7. 2 Une société cotée en bourse depuis 1984
L’introduction de l’action au Second Marché de la Bourse de Paris date de 1984.
Aujourd’hui, le capital est principalement détenu par la famille (au deux tiers par la holding
familiale), ce qui permet à l’entreprise de rester indépendante et maîtresse des décisions
prises. Cela peut également s’avérer être une force lors des périodes de « crise économique »
comme certains analystes financiers le prévoient pour les Etats-Unis -entraînant avec eux
l’ensemble des économies mondiales- pour l’année 2008.
Répartition du capital
Source : Manitou
1. 1. 7. 3 Une structure financière renforcée
Outre sa position de leader mondial dans le chariot tout terrain et son indépendance
capitalistique, Manitou est un Groupe qui a une structure financière saine, présentant un
résultat net honorable et un faible endettement. Le résultat net consolidé du Groupe est de
86,1 millions d’euros pour l’année 2007 (normes IFRS).
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Résultat net part du Groupe
Source : Manitou
Le résultat net du Groupe a été multiplié par 4,6 entre 1995 et 2006, passant de 19
millions d’euros en 1995 à 87,8 millions d’euros en 2006.
1. 2 Manitou Hangzhou Material Handling (MHMH)
1. 2. 1 La démarche du Groupe Manitou
Au début des années 2000, Manitou a pris la décision de s’engager dans le domaine du
chariot élévateur industriel afin d’élargir son offre de matériel de manutention et ainsi
compléter l’offre existante de chariot tout terrain et de nacelles. Pour cela, plusieurs
possibilités ont été étudiées, du rachat total ou partiel d’un groupe positionné sur ce marché à
l’investissement dans une nouvelle usine. Soucieux de maîtriser ses investissements, le
Groupe Manitou a opté pour une solution de partenariat avec un constructeur.
Les chariots industriels étant techniquement différents des « tout terrain » conçus et
fabriqués depuis plus de 50 ans, la direction de Manitou a souhaité aborder ce nouveau métier
en s’appuyant sur un partenaire pouvant apporter une gamme de produits compétitifs.
Par ailleurs, la Chine étant devenue une zone incontournable pour ses coûts de
production et son gigantesque marché, le Groupe Manitou a décidé de combiner le choix de
trouver un partenaire avec son intention d’aborder le marché chinois.
En mars 2005, le Groupe Manitou est entré à hauteur de 40% dans le capital de
« Hangzhou Irisman MH Equipment », une société Taiwanaise de 20 ans d’âge implantée
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depuis juin 2003 à proximité de Hangzhou (160 Km de Shanghai), dans la province de
Zhejiang, au coeur d'une des régions les plus dynamiques de Chine.
Par une augmentation de capital et le rachat de parts, la participation de Manitou est
passée successivement à 85% en novembre 2005 puis à 100% en avril 2006. Cette position
d’actionnaire unique permet au Groupe Manitou de disposer, début 2006, d’un outil
opérationnel en Chine (usine de 6 800 m² sur un terrain de 21 200 m²) et d’une gamme de
produits thermique diesel et gaz de 1,5T à 3,5T.
1. 2. 2 Les débuts d’une « nouvelle vie »
Après une courte période d’adaptation de la production, celle-ci démarre pleinement en
avril 2006 au rythme de 20 chariots par mois. Le premier objectif est d’améliorer la productivité.
Des équipes basées au siège de Manitou (Ancenis) viennent réaliser des missions
d’audit pour faire ressortir les premiers points à améliorer. En juin 2006, la production passe à
40 chariots par mois ; puis la capacité est augmentée à 60 chariots début 2007 pour s’établir
actuellement à 60 unités par mois.
Outre l’amélioration des capacités, c’est le niveau général de l’entreprise qui s’améliore
nettement. Les méthodes de travail ont changé et sont dorénavant plus industrialisées. Les
soudeurs ne travaillent plus à même le sol mais debout grâce à des gabarits, les machines ont
été placées en ligne et non plus en îlot, etc.
Depuis la reprise totale du site par Manitou, la philosophie a toujours été d’avancer à pas
mesurés, en faisant des choses simples et sans chercher à « copier-coller » les méthodes
françaises. Cela peut laisser penser que les évolutions sont lentes mais cette solution a le
grand avantage de fonctionner en réduisant notamment les résistances aux changements des
opérateurs et de l’environnement fournisseurs.
Ces choix ont porté leurs fruits mais il reste encore du chemin à parcourir avant d’aboutir
à un site de production ayant une productivité similaire aux sites français de l’entreprise. Les
acteurs en sont conscients et travaillent tous dans ce sens.
Ce site ayant hérité d'une gamme au design éloigné des standards habituels de Manitou,
un projet de « mise à niveau » est actuellement en cours. Un expatrié français est en poste au
sein de MHMH pour coordonner ce projet ; cela montre une nouvelle fois l’importance
qu’accorde Manitou à ce site de production. Ceci constitue une étape majeure, il y en aura
d’autres à venir. En parallèle, la productivité devra continuer à s’améliorer pour atteindre les
objectifs de volume qui seront assignés.
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1. 2. 3 Organisation de l’équipe
Organigramme de MHMH
Coord qualité
Mr CLAIREMBAULT
Coord Projet R&D
Mr ROZE
Directeur Général
Opérations
en
Chine
Mr MIRA
BOARD
Mr Braud, président
Mr Martin, administrateur
Mr Fille, administrateur
Mr Mira, administrateur
Administration
Mme YAN
Finance
Mr SHEN
Achats
Mr WANG
Administration & RH:Mme HU
Affaires générales:Mr YU & Mr LI
Comptable : Mme .XIE
Contrôleur de gestion : Mr WANG
Acheteurs:Mr ZHU
Superviseur : Mr WANG
Assist. : Mlle ZHONG
Production
Production
Mr YEMr YE
Directeur Général
Mr. SHEN
Informatique
Mr CHEN
Méthodes : Mr BILL
Planning : Mme LANG
Import & Export
Mme ZHANG
R&D
Mr JIA
Douane : Mme CAO
Directeur : Mr. WU
Commercial
Mr WALKER
Qualité
Mr ADAM
Comme nous pouvons le voir sur l’organigramme ci-dessus, il n’y a pas de service
logistique à proprement parler. Les fonctions de la « supply chain » sont réparties entre
différents services. La logistique interne est pilotée par le service gestion de production ; sont
inclus l’approvisionnement des composants et sous ensemble, la planification de la production
et le management de la production. C’est également ce service qui est en charge des flux
internes de l’entreprise ; on y trouve un manager et quatre autres personnes. Le manager du
département gestion de production est également responsable des chefs d’équipes placés
dans les ateliers.
Les achats sont gérés dans un service différent et dédié, de même que la logistique
externe (expédition des produits). Ces trois services étant « indépendants », le risque d’un
manque de vision globale de la part de l’un des acteurs n’est pas négligeable. Pour palier cet
inconvénient, des « réunions qualité » ont lieu deux fois par semaine pour faire le point des
différents dossiers.
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1. 2. 4 Les données chiffrées
1. 2. 4. 1 Nombre de salariés
En 2007, l’effectif de MHMH était composé de 87 personnes. Celui-ci s’étoffe et devrait
atteindre environ 100 salariés au quatrième trimestre 2008.
1. 2. 4. 2 Chiffre d’affaires (CA)
Les 626 chariots vendus au cours de l’année 2007 ont permis d’avoir un chiffre d’affaires
de 65,3 millions de RMB (5,87 millions d’euros). Les prévisions pour l’année en cours tablent
sur la vente de 900 chariots pour un chiffre d’affaires qui devrait être de 104,6 millions de RMB
(9,40 millions d’euros) ce qui représente une hausse de plus de 60%.
1. 2. 4. 3 Résultats nets et investissements
En 2007, le résultat net de MHMH s’est élevé à 4,7 millions de RMB (360 000 euros) ; ce
chiffre devrait progresser de 27,6% en 2008 pour atteindre 6 millions de RMB (540 000 euros).
Les investissements seront eux aussi en progression (+84%) en passant de 1,9 millions
de RMB (170 000 euros) en 2007 à 3,5 millions de RMB (314 000 euros) en 2008.
1. 2. 5 Les produits
MHMH conçoit et fabrique des chariots élévateurs industriels, c’est-à-dire destinés à
évoluer sur des sols plats (entrepôts, usines, etc.). La gamme se compose de 12 modèles
différents, chacun étant adapté pour une charge maximum (1,5 T, 1,8 T, 2 T, 2,5 T, 3 T et 3,5
T) en motorisation diesel et essence avec option gaz possible.
Pour chaque produit, plusieurs options sont disponibles, telles que le type de moteur, la
hauteur et le type de mât de levage, le type de roues, etc.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Produit de la gamme industriel
Source : Manitou
Ces produits sont, techniquement, fondamentalement éloignés de ceux réalisés par les
autres entités du Groupe Manitou. Les transferts de technologie dont peut bénéficier MHMH
de la part du Groupe sont donc limités.
1. 2. 6 L’environnement direct
1. 2. 6. 1 Situation géographique
Comme je l’ai indiqué plus haut, l’entreprise MHMH est située sur le district de Hangzhou
dans le Zhejiang, en Chine. Le réseau routier de la région est tout à fait satisfaisant et il est
aisé d’envoyer les produits finis au port de Shanghai -situé à 160 Km- pour leur expédition en
France.
Il est cependant important de noter que le site de production ne se trouve pas à
Hangzhou même mais à Linping, une petite ville située à environ 30 Km de la capitale du
Zhejiang. Bien que faible, la distance peut s’avérer être un frein pour le recrutement du
personnel de MHMH. Les membres de l’entreprise viennent, pour la plupart, de régions plus
éloignées. Le personnel manager vient d’endroits variés, tant du sud du pays que de régions
plus au nord. Les opérateurs, eux, viennent souvent des campagnes de Chine. Cela signifie
que leur niveau d’éducation est élémentaire ; cette donnée est à prendre en compte lors de
projets d’améliorations car leurs réactions seront différentes de celles d’ouvriers plus éduqués
ainsi que des opérateurs originaires de grandes villes.
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1. 2. 6. 2 L’implantation du site de production
Voici une représentation schématique de l’usine de MHMH.
Implantation de MHMH
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1. 2. 6. 3 Les fournisseurs
Je vais davantage développer ce point dans la partie suivante (cadre de référence de
l’entreprise) car il concerne le cœur du mémoire. Voici cependant quelques informations
générales.
A ce jour, 50% des composants (suivant le critère de la valeur) sont achetés en Chine, le
reste vient d’Europe et du Japon. Les achats qui ne sont pas effectués en monnaie locale sont
payés en euro et en Yen. De fait, l’entreprise est sensible aux variations des monnaies. La
facturation des produits s’effectue en euro ce qui permet de compenser en partie les
variations.
Les produits actuellement achetés hors de Chine sont les moteurs (Japon), les colonnes
de direction (Italie), les profils d’acier (Allemagne), les pompes de direction (Danemark), les
distributeurs hydrauliques (Italie) et les petits modèles de boites de vitesse (Italie). D’ici 12
mois, deux de ses six produits devraient être achetés en Chine, deux autres le seront 6 mois
plus tard. Dans un horizon d’un an et demi nous pouvons prévoir un approvisionnement venant
de Chine pour tous les produits, exceptés les moteurs et les profils en acier.
1. 2. 6. 4 Le principal client : Manitou France
Manitou BF (Ancenis) est actuellement le principal client de MHMH. En 2007, 98,5% des
produits ont été vendus à cette entité ; les prévisions pour 2008 n’indiquent pas de
changements notoires. Il s’agit là d’un choix commercial de centraliser la facturation au réseau
via Manitou France, par contre la logistique peut être directe.
En 2008 avec le démarrage des livraisons en direct au réseau de concessionnaires,
c’est le cas sur l’Australie, l’Afrique du Sud et Singapour, MHMH contribuera à une réduction
notable des coûts logistiques. Ceci a été rendu possible par :
•
l’amélioration de la qualité des produits,
•
la mise en place de solutions logistiques.
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1. 2. 7 Stratégie, avancer pas à pas
1. 2. 7. 1 Un produit bien positionné
Je pourrais qualifier le chariot industriel fabriqué au sein de MHMH de produit « haut de
tableau de la moyenne gamme ». En effet, sans posséder l’ensemble de la technologie des
produits hauts de gammes, celui-ci utilise des composants de qualité venant, s’ils sont
considérés comme stratégiques, d’Europe ou du Japon. De fait, il se différencie de la majeure
partie des produits asiatiques, exceptés des japonais, qui utilisent très largement des
composants locaux.
La part des composants représentant 93-94% du prix de revient industriel (PRI), les
produits de MHMH ont un prix légèrement supérieur aux concurrents asiatiques mais inférieur
aux fabricants haut de gamme du marché (Toyota, Linde, etc.) qui, en plus, vendent de l’image
de marque.
Placement du produit MHMH (trait rouge) par rapport à l’offre du marché
Technologie
Qualité design,
choix des
composants
Prix
Qualité de
Fabrication et
finitions
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1. 2. 7. 2 Une facturation en euro
A la fin de l’année 2005, il a été décidé que les produits seraient facturés en euro. Ce
choix stratégique a tout d’abord été effectué dans le but de réaliser des gains financiers de
gestion. En effet, la maison mère basée en France était à l’époque l’unique client, travailler
ensemble avec la même devise était donc plus simple et permettait de limiter les frais.
Cette stratégie a également été choisie de manière à conserver les marges sur les
produits. Puisque environ 50% de la valeur des achats sont réalisés en euro, facturer avec
cette devise permettait donc de réduire les risques dus aux fluctuations des monnaies. A
l’inverse, nos concurrents asiatiques facturent en dollars américains ce qui les fragilise en
diminuant très nettement leurs marges. De plus, ils subissent plus directement l’inflation du
prix des matières premières.
Ce choix stratégique réalisé en 2005 a aidé MHMH à conserver une marge correcte en
2007, ce qui n’est pas le cas des autres constructeurs asiatiques.
1. 2. 7. 3 Débuter par un produit simple et robuste
Lors de sa prise de contrôle de l’entreprise, la direction de Manitou a fait le choix de ne
pas créer une nouvelle machine dès 2005. Une phase d’apprentissage sur le produit hérité de
l’ancien partenaire a été préférée. Cette période de travail autour d’un produit simple et
robuste a permis de former le personnel mais également de chercher et valider de nouveaux
fournisseurs. En parallèle, les attentes des membres du réseau de distribution qui ont compris
que le produit n’était pas de conception Manitou ont pu être relevées et étudiées pour être
satisfaites sur le prochain produit. Cette phase d’apprentissage a permis aux équipes de
MHMH de faire connaissance avec les chariots industriels par l’intermédiaire d’un produit
hérité mais sur lequel plus de 100 modifications ont été effectuées.
Cumuler le design d’un nouveau produit avec la mise en ordre de la nouvelle
organisation, dès 2005, aurait accentué les risques, d’où une phase d’apprentissage au
démarrage.
1. 2. 7. 4 De la patience vis-à-vis du marché chinois
Dans sa stratégie de vente, MHMH a choisi de ne pas attaquer dès son arrivée le
marché chinois. Cela pour plusieurs raisons :
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
la capacité de production était insuffisante,
•
cela exige d’importants moyens humains et financiers dont l’entreprise ne
disposait pas forcément,
•
il aurait fallu investir massivement sur un produit qui n’est pas à l’image de
l’entreprise, qui n’est pas de conception Manitou,
•
il s’agit d’un marché très concurrentiel sur lequel il est difficile de gagner de
l’argent,
•
les chariots électriques ne sont pas homologués pour être vendus en Chine ce
qui ne permet pas d’avoir une gamme complète.
Il a donc été décidé de mettre quelques chariots en service de manière à avoir des
produits utilisés par des entreprises chinoises, cela permet d’avoir un retour qui sera
intéressant pour le futur produit.
Le marché chinois, qui nécessite de disposer d’une gamme complète de produits, sera
attaqué au second semestre 2008 avec le recrutement de deux commerciaux. La Chine ne
pouvait être abordée de la même manière que de nombreux autres pays, MHMH ne passera
pas, dans un premier temps, par un réseau de concessionnaires. Il s’agira de ventes directes
principalement axées dans un rayon de 2 à 3 heures de route autour de l’usine, le Zhejiang
représentant l’une des plus dynamiques régions du pays. Puis, petit à petit, Manitou procédera
à une sélection d’agents commerciaux sans toutefois leur donner une exclusivité territoriale de
manière à se permettre de continuer les ventes en directes.
1. 2. 7. 5 Le choix de l’intégration
L’une des questions que se posent les entreprises du secteur est de déterminer le taux
d’intégration de la fabrication des chariots ; les deux opérations facilement sous traitables sont
la mécano-soudure et la peinture.
Avec les éléments dont ils disposent, les membres de la direction de MHMH auraient
probablement décidé de sous-traiter les opérations qui peuvent l’être si l’entreprise avait été
située dans un autre pays que la Chine. Mais celle-ci se trouvant dans l’Empire du Milieu, il a
été décidé d’intégrer un maximum d’opérations. Ce processus est justifié par le caractère « à
risque » des points suivants :
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•
savoir-faire,
•
coûts,
•
délais,
•
qualité.
A cela il faut ajouter que :
•
des hausses sauvages des prix peuvent être appliquées en Chine,
•
il y a un risque que le fournisseur arrête la production du jour au lendemain,
•
il n’est pas possible de disposer de la même flexibilité car il y a un contrat à
respecter, il est donc difficile d’ajuster la production en fonction des volumes de
vente.
Ce choix d’intégration de la production est renforcé par les normes chinoises. En effet,
pour vendre les produits en Chine mais également pour les exporter, il est nécessaire d’avoir
les licences adéquates et une homologation des produits est obligatoire. Pour les obtenir il
existe un organisme officiel chinois qui s’assure que le constructeur dispose de moyens
suffisants pour satisfaire les domaines de la sécurité, de la qualité, etc. Concrètement, cela
signifie que l’entreprise doit posséder un certain nombre de soudeurs, d’ingénieurs, … De fait,
en cas de sous-traitance il peut s’avérer impossible d’obtenir les homologations des produits.
L’obtention de ces homologations (licences de fabrication et droits de vente) est à mon
sens la principale menace de l’entreprise. C’est d’ailleurs pour cela que la direction de MHMH
ne prend aucun risque dans ce domaine, il s’agit d’un enjeu vital.
1. 2. 8 Tactique : miser sur les compétences humaines
1. 2. 8. 1 Fidéliser le personnel
La priorité pour la direction de MHMH concerne les ressources humaines de l’entreprise.
C’est pour cela que depuis plus de 2 ans des efforts sont faits pour fidéliser le personnel et
diminuer le turnover habituellement si élevé dans les entreprises chinoises. L’ensemble des
salariés bénéficie d’un salaire situé dans la « fourchette haute » pour la région et d’une
couverture maladie, chose rare en Chine. Le renforcement des compétences est également
l’une des priorités. Il passe par le recrutement mais également par l’intermédiaire de
formations dispensées à toutes les catégories d’employés.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Ces efforts ont été récompensés en mars 2008 avec l’attribution, par le gouvernement
local, d’un prix reconnaissant la qualité des ressources humaines au sein de MHMH. Une telle
reconnaissance après seulement deux années d’activité est rare et elle est gratifiante pour les
équipes. Cette distinction permet à MHMH de véhiculer une bonne image auprès des autorités
locales mais également vis-à-vis d’employés potentiels.
1. 2. 8. 2 Renforcer les acteurs de la chaîne de valeur
La direction de MHMH a déterminé les postes liés à la chaîne de valeur. Le service des
ressources humaines a ensuite mené des recrutements pour que ces postes stratégiques
bénéficient d’individus ayant une bonne connaissance du métier et des produits. Ce choix
tactique entraîne une augmentation de la masse salariale qui est compensée par des
compétences humaines élevées qui permettent d’avancer vers les objectifs déterminés. En
complément des managers connaissant le secteur d’activité, deux français ont été embauchés
pour aider à développer le nouveau produit et pour améliorer la qualité des chariots fabriqués.
1. 2. 8. 3 Elargir le panel fournisseurs
De manière à sécuriser les approvisionnements, le panel fournisseurs de MHMH a été
élargi. Ce travail, réalisé par une équipe ayant une bonne connaissance du produit et du
secteur d’activité, a comme premier objectif de diminuer au maximum les risques liés aux
fournisseurs, que se soit au niveau des délais ou de la qualité.
Dans un second temps, ce large panel permet à l’entreprise de mieux négocier les prix
en faisant jouer la concurrence.
1. 2. 8. 4 Rendre l’usine attractive
Les usines des constructeurs asiatiques et tout particulièrement chinois présentent
souvent des conditions de travail difficiles, un manque d’organisation et des postes sales. A
l’inverse, MHMH a la volonté de soigner la présentation de son site de production. Outre les
raisons internes évidentes, ce soin affiché va également permettre de montrer une usine
propre et organisée aux client et futurs concessionnaires. Les membres de la direction de
MHMH pensent que disposer d’une usine qui « impressionne » les visiteurs par son
organisation et sa propreté aide à vendre des chariots élévateurs.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
L’histoire montre que c'est exact. Fin avril, des revendeurs ukrainiens ont indiqué avoir
apprécié le site de production et ils ont, le jour même, confirmé des commandes. Quelques
semaines plus tôt c’est un revendeur hongrois qui, de passage dans la région, venait juste
« dire bonjour » à des membres de l’équipe MHMH. Lors de son passage à l’usine il a visité les
lignes de production…avant d’acheter des chariots industriels ; il se fournissait auparavant
exclusivement chez un concurrent. La visite de l’usine l’a convaincu d’acheter des produits
MHMH !
A terme, MHMH souhaite disposer d’une « cité des affaires » avec son site de
production. Elle fera office de vitrine présentant la fabrication des produits et convainquant les
visiteurs que ce sont les meilleurs pour eux.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
2 - Le cadre de référence de l’entreprise
2. 1 La vision du Groupe Manitou
La vision du Groupe Manitou, dont découleront les axes stratégiques et les projets de
l’entreprise, est résumée dans une phrase clé :
« Manitou, leader de la manutention tout terrain, a l'ambition de poursuivre son
développement en accompagnant ses clients sur tous les terrains.2 »
La vision du Groupe Manitou en image
Source : Manitou
Les termes de cette phrase mettent en avant les points clés suivants :
2
Notre vision, Manitou,
http://www.gp.manitou.com/fr/rubrique-principale/menu-principal/presentation/notre-vision.html, 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
« Leader de la manutention tout terrain ». Cette information permet de
positionner l’entreprise par rapport au marché et à ses concurrents. Elle donne
la dimension de l’entreprise et sous-entend sa présence partout dans le monde.
•
« A l'ambition de poursuivre son développement ». La volonté affichée est de
continuer à se développer, c'est-à-dire investir dans l’avenir tout en conservant
une autonomie financière.
•
« En accompagnant ses clients ». Le Groupe Manitou met en avant le fait de
suivre les évolutions des marchés, en accompagnant ses clients selon leurs
exigences, en particulier en matière de conseils et de services.
•
« Sur tous les terrains ». Il y a une réelle volonté d’être présent et acteur de tous
les terrains de l’entreprise, c'est-à-dire dans tous les domaines d’application.
Cette information est importante car elle induit le secteur du chariot industriel
-conçu et fabriqué dans l’usine MHMH- au sein de l’axe stratégique de
l’entreprise. Cela fait preuve d’une véritable envie d’investir et d’être un acteur
dans ce domaine.
2. 2 Les axes stratégiques du Groupe
2. 2. 1 Volonté des actionnaires
Comme je l’ai montré à l’aide d’un schéma dans la présentation de l’entreprise, le capital
de Manitou est détenu à plus de 60% par deux familles.
C’est à l’occasion du départ de Monsieur Marcel Braud -qui a transmis les commandes
de l’entreprise à son fils Monsieur Marcel Claude Braud- qu’un pacte d’actionnariat a été créé.
Celui-ci avait comme principaux objectifs la stabilité de l’entreprise et sa pérennité pour la
génération à venir.
Pour assurer cette pérennité, les acteurs se sont appuyés sur des valeurs fortes telles
qu’une implantation régionale, une place importante de l’environnement -favorisée par
l’implantation régionale- et une indépendance financière.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
2. 2. 2 Ambitions des dirigeants
Les ambitions des dirigeants s’inscrivent directement de la vision présentée plus haut. Il
s’agit d’un déploiement logique, avec quatre axes stratégiques :
•
élargir nos gammes de produits et accroître nos parts de marché,
•
accroître la satisfaction et la fidélisation de nos clients,
•
poursuivre un développement rentable et durable,
•
fédérer les hommes et développer le capital humain.
2. 2. 3 Ethique et valeurs
J’ai déjà eu l’occasion de vous présenter plus haut un point d'éthique important : désir de
pérennisation et préservation de l’environnement. Je vais ajouter à cela cinq valeurs 3
défendues par Manitou :
•
la passion du produit et le respect des normes,
•
le relationnel client,
•
l'expertise métiers,
•
l'implication et la réactivité des équipes,
•
l'attachement à l'indépendance financière du Groupe.
2. 2. 4 Logique de développement
La logique actuelle de développement de l’entreprise passe par son internationalisation
débutée en 1970.
Manitou souhaite maintenir son leadership sur son core business, le chariot tout terrain.
Mais l’entreprise désire également offrir à son réseau de distribution des gammes
complémentaires pour élargir l’offre à la clientèle et asseoir la notoriété du réseau. Manitou
doit être en mesure de proposer des solutions pour tous les types de manutention et les clients
doivent « penser Manitou » lorsqu’ils ont une problématique de manutention.
3
Notre vision, Manitou,
http://www.gp.manitou.com/fr/rubrique-principale/menu-principal/presentation/notre-vision.html, 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
2. 2. 5 Une mission stratégique au sein du Groupe
Ma mission au sein de MHMH -entité du Groupe Manitou- est de pérenniser les progrès
industriels réalisés depuis environ 2 ans. Après une période pendant laquelle l’objectif était
d’amener la continuité de fonctionnement puis d’améliorer la qualité de fabrication et la
productivité, le but est maintenant de stabiliser et d’ancrer l’industrialisation du site de
production. Cela passe notamment par une optimisation des flux et des postes de travail mais
aussi par une redéfinition de paramètres logistiques.
Comme je l’ai relevé dans la présentation de la vision du Groupe Manitou ainsi que dans
sa logique de développement, sa volonté d’être présent sur tous les secteurs de la
manutention est réelle. En participant à la pérennisation de l’usine concevant et fabriquant les
modèles industriels des chariots élévateurs, je participe activement et directement à la
stratégie du Groupe.
2. 3 Les problématiques actuelles de MHMH
Les quatre problématiques actuelles de MHMH sont :
•
respect des délais,
•
amélioration de la qualité,
•
fidélisation du personnel. A titre d’exemple, le constructeur Linde installé à
Xiamen (5 000 à 6 000 unités par an en Chine) connaît un turnover de 30%.
•
sécurisation des approvisionnements.
Si l'on reprend les « quatre piliers fondamentaux » de l’entreprise évoqués plus haut -les
actionnaires, le personnel, les fournisseurs et les clients- on se rend compte que trois sont au
centre de la problématique. Je vais maintenant les développer.
2. 3. 1 Le domaine stratégique des ressources humaines
La Chine est un pays où le turnover est très important -52% des personnes déclarent
que leur durée moyenne de travail dans une unité ne dépasse pas deux ans-4, la fidélisation
4
Beaucoup de « job-hopper » en Chine, Le Quotidien du Peuple,
http://french.peopledaily.com.cn/Economie/6288346.html, 22 octobre 2007.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
des membres de l’entreprise est donc un élément clé pour obtenir une équipe forte et
compétente.
MHMH n’échappe pas à cette difficulté qu’est le renouvellement du personnel. Bien que
moins touchée que la moyenne des entreprises, les départs sont choses courantes dans cette
unité de production.
Un travail de fidélisation a été entamé dès 2006. Les résultats sont encourageants mais
ce domaine n’est pas acquis pour autant.
Outre une rémunération supérieure au minimum légal, l’accent est mis sur le bien être
des employés au travail ainsi que sur leur sécurité et leur formation.
Sur le plan de la santé, une visite médicale pour l’ensemble des salariés de l’entreprise a
été mise en place, c'est une chose rare en Chine. Le suivi de chaque employé est réalisé
scrupuleusement, toutes les informations relatives à leur activité professionnelle sont notées
et suivies. C’est dans cette optique qu’on retrouve, comme premier indicateur en terme
d’importance, le relevé intégral des accidents du travail au sein de MHMH. Un seul accident
grave a eu lieu en 2007.
Il est encore trop tôt pour tirer de réelles conclusions de ces différentes actions. Nous
pouvons néanmoins noter une diminution du turnover des équipes mais il faut encore attendre
deux ans pour effectuer un bilan complet. A ce jour c’est une préoccupation à part entière de la
direction de l’entreprise.
2. 3. 2 La sécurisation des approvisionnements
Je vous ai présenté les sources d’approvisionnement de MHMH dans le chapitre
précédent, je ne vais donc pas revenir dans le détail sur ce point.
La sécurisation des approvisionnements est une problématique constante depuis
l’arrivée de Manitou au sein de cette entreprise.
Dans un premier temps, les difficultés résidaient dans la faiblesse -voir l’absence- de
cahier des charges pour certains composants ainsi que dans la gestion administrative des
commandes vers les fournisseurs.
Même si des difficultés persistent, ces points ont été nettement améliorés. Subsistent
néanmoins des problèmes de qualité des produits qui sont livrés. Cela touche les composants
venant de Chine mais également ceux en provenance du Japon et d’Europe. Une importante
différence apparaît cependant quant aux traitements de ces problèmes qualité. Les
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
fournisseurs européens ou japonais disposent d’une capacité de réaction élevée qui permet
des échanges et reprises de pièces et, surtout, de disposer de produits de substitution dans
des délais raisonnables. A l’inverse, les fournisseurs chinois qui sont majoritairement des
entreprises de taille moyenne ou petite ont des moyens limités qui ne leur permettent pas de
corriger aussi rapidement leurs erreurs. Ces entreprises, récentes pour la plupart, sont fragiles
et inconstantes. De plus, leurs capacités financières et de recherche en bureau d’études ne
permettent pas d’apporter une réactivité suffisante.
Il existe en Chine d’importantes entreprises susceptibles de répondre aux attentes mais
MHMH ne dispose pas à ce jour des volumes nécessaires pour intéresser ce type de
fournisseurs souvent liés à l’automobile.
2. 3. 3 Un client à satisfaire
Autre « pilier fondamental » qui se doit d’être satisfait : le client. Sans lui l’entreprise n’a
pas de raison d’être, pas lieu d’exister. Pour conquérir puis fidéliser des clients il faut répondre
à leurs attentes.
Respecter les délais, fournir un produit de qualité constituent des objectifs
fondamentaux.
MHMH travaille dans ce sens, des progrès ont été accomplis à l’image de la réduction
importante des points qualité figurant aux réunions mensuelles animées par Manitou France
mais il reste encore à faire car MHMH fait face à des difficultés.
Celles-ci sont en partie dues aux deux points précédents -le personnel et les
fournisseurs- mais également aux méthodes de travail différentes, à l’éducation des équipes
et, de manière plus large, à une culture éloignée de la culture occidentale qui oblige à mener
les actions avec beaucoup de précautions.
2. 4 Le sujet du mémoire qui en découle
2. 4. 1 Une seule problématique : l’environnement
En faisant référence une nouvelle fois aux quatre piliers fondamentaux de l’entreprise, je
note que ceux-ci ne sont donc pas assurés.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
A l’origine de cette situation on retrouve une seule problématique à mon sens : celle de
l’environnement chinois qui, par ses aspects culturels, a un impact encore plus marqué.
2. 4. 2 Comment appréhender l’environnement chinois ?
Je souhaite vous démontrer que la problématique de l’entreprise est l’environnement
chinois. Pour cela je vais d’abord vous le présenter avant d’apporter, dans un second temps,
des solutions pour consolider les quatre piliers fondamentaux de l’entreprise. C’est en toute
logique que je vous propose de traiter la question suivante : « Comment appréhender
l’environnement chinois ? ». Je compléterai ce document en vous indiquant les données à
connaître pour s’implanter durablement en Chine et transformer les différences culturelles en
forces.
Je vais en premier lieu vous présenter la culture et l’environnement chinois. Cette partie
verra un rappel historique puis l’étude de la culture de la société chinoise. Suivra ensuite une
présentation des situations politique, géopolitique et économique de cette grande puissance.
Je finirai cette partie en vous présentant les chinois -en utilisant les critères de Geert Hofstedeainsi que leurs méthodes de travail.
En second lieu j’effectuerai une étude sur les différences culturelles entre les chinois et
les français. Ce sera notamment l’occasion de présenter des visions des choses réellement
différentes.
Puis je vous ferai part des informations et des données qui me semblent indispensables
à connaître avant d’envisager de travailler en Chine.
La partie suivante s’articulera sur les quatre piliers fondamentaux que sont les
actionnaires, le personnel, les fournisseurs et les clients. Il s’agira d’étudier les différents axes
de travail envisageables pour travailler en Chine. Fidéliser le personnel, sécuriser ses
approvisionnements et vendre en Chine seront autant de sujets qui seront traités.
Enfin, une dernière partie vous mettra en garde contre les risques de travailler en Chine.
Copie de produits, de procédés ou de processus, problèmes qualité ou de délais ou encore
dégradation de l’image de marque de l’entreprise, autant de sujets qui seront exposés en
s’appuyant sur des exemples concrets.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3 - La culture et l’environnement chinois
3. 1 La Chine en quelques chiffres
Avant de développer plus largement l’histoire, la culture et l’environnement chinois, je
vais tout d’abord situer géographiquement ce pays et donner quelques chiffres de repère.
Situation géographique de la Chine
Source : Wikipedia
Troisième plus grand pays du monde avec 9 634 057 km² (environ 17 fois la France), la
Chine est située en Asie avec comme principaux pays frontaliers la Mongolie et la Russie au
nord, le Kazakhstan au nord-ouest et l’Inde au sud ouest. A l’Est du pays, se trouvent 14 500
kilomètres5 de côtes s’ouvrant vers l’Océan Pacifique.
La Chine regroupe plus de 1,3 milliards d’habitants (densité de 136 hab/km²) dont la
langue officielle est le Mandarin. La capitale est Pékin (communément appelée « Beijing »,
son nom en pinyin) qui est située au Nord-est du pays ; la plus grand ville est cependant
Shanghai, située sur la côte Est, avec plus de 18 millions d’habitants.
Depuis le 1er octobre 1949, la forme de l’Etat est une république populaire dont le nom
officiel est République Populaire de Chine (RPC). Le Président est Hu Jintao et le Premier
Ministre Wen Jiabao.
5
The World Factbook, CIA, https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ch.html, 2008.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 2 La Chine, une histoire de 5 000 ans
Pour bien comprendre la culture d’un pays, il est indispensable d’effectuer un rappel
historique. Dans le cas de la Chine, l’histoire a débuté il y a 5 000 ans ; c’est une civilisation
dont les origines sont parmi les plus anciennes. Paradoxalement, l’évolution de cet immense
pays a été très importante au cours du seul XXème siècle.
Il ne m’est pas possible de revenir ici sur l’ensemble des épisodes historiques, évocation
qui prendrait des centaines ou milliers de pages, mais je vais faire ressortir les principales
dates et les principaux événements qui permettent de mieux comprendre le pays tel qu’il est
aujourd’hui. De l’histoire d’un peuple, découle généralement la culture, les coutumes et les
manières de faire et d’appréhender les choses.
Enfin, il est important de noter que certains doutes existent quant à l’existence de
certaines dynasties. Cette partie est donc sujet à contestation ; elle a cependant été réalisée
en s’appuyant sur des sources de réputations mondiales.
3. 2. 1 Epoque préhistorique
Les premières traces humaines en Chine remontent à plus d’un million d’années avec
les Homo Erectus. Les hommes modernes ont probablement atteint la Chine il y a environ
75 000 ans.
Même si les preuves archéologiques sont rares, il semblerait que les hommes aient
développé une économie agricole basée sur l’élevage du porc, du chien, du poulet et la
culture du millet environ 7 500 ans avec J-C.
La culture néolithique, la mieux connue, est située vers les Vème et IVème millénaire
avant J-C et s’est développée dans les plaines centrales du pays ; son site le plus représentatif
est d’ailleurs situé à proximité de Xi’an. L’économie de cette culture était principalement basée
sur le millet. Dans les régions de l’Est (Jiangsu et du Zhejiang, province où se situe
Hangzhou), le riz était cultivé dès l'an -5000. Il semblerait cependant que ces cultures soient
liées aux îles du Pacifique et non aux chinois.
Vers le IIIème millénaire avant J-C, les cultures se diversifient et les hommes
s’organisent davantage. La hiérarchisation sociale est plus poussée, les villages sont protégés
par des enceintes en terre damée et des principautés sont dirigées par des formations d’élites.
On voit apparaître des élevages de mouton et de bœuf et les cultures de blé et d’orge se
développent.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 2. 2 Les principales dynasties
Je ne vais pas développer ici les 24 dynasties qui font l’histoire de la Chine. Nous allons
seulement faire ressortir les principales périodes et les dynasties qui ont le plus marquées ces
5 000 ans d’histoire.
Les historiens commencent traditionnellement leurs récits avec l’Empereur Jaune,
souverain civilisateur mythique. Celui-ci aurait régné de -2697 à -2598 avant J-C ; il est
considéré comme le père de la civilisation chinoise et marqua toutes les dynasties qui se
succéderont par la suite.
3. 2. 2. 1 Dynastie Xia
L’histoire des dynasties chinoises débute en l’an -2205 avec la dynastie Xia ; celle-ci
aurait régné jusqu’en -1767 avec la succession de 17 empereurs. Cette dynastie, considérée
comme mythique, a donné son nom à de nombreux lieux et mots. C’est au cours de celle-ci
que date le début de la métallurgie et donc le début de l'âge de bronze chinois. Les plus
anciennes écailles de tortues et de poteries décorées remontent également à cette période.
3. 2. 2. 2 Dynastie Shang
Cette seconde dynastie vit le jour en -1767. Au total, 31 empereurs se succédèrent
jusqu’en -1046. Cette période marque une transition entre l’histoire légendaire et les faits
archéologiques, même si ces derniers n’apparaissent que vers la fin de la dynastie.
La dynastie Shang était une civilisation très avancée. De cette époque, il a été découvert
des cités-palais et une écriture qui, même si elle était encore archaïque, constitue la base des
caractères chinois actuels. Par ailleurs, les techniques de la métallurgie et de coulage du
bronze pour fabriquer des instruments en fer étaient maîtrisées.
La lente évolution des choses rend difficiles leurs situations temporelles. Il est tout de
même important d’indiquer que c’est au cours des siècles suivants que la civilisation
s’approfondit et qu’apparaissent bon nombre de penseurs, scientifiques, artistes et lettrés.
C’est d’ailleurs à la Chine ancienne que l’on doit les « quatre grandes inventions » que sont la
fabrication du papier, l’imprimerie, la boussole et la poudre (je reviendrai plus loin sur ce
dernier point).
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 2. 2. 3 Dynastie Qin
Très courte (-221 à -201), cette dynastie qui s’avère être le premier état féodal au
pouvoir centralisé est néanmoins importante dans l’histoire de la Chine. C’est durant celle-ci
que de nombreux projets ont vu le jour, à commencer par la grande muraille pour se protéger
des Xiongnu au nord. Ying Zheng qui a unifié différents royaumes standardisa les poids et
mesures, la monnaie, l’écriture et la largeur des essieux des chariots. Les caractères devinrent
également standards pour toute la Chine. Cette idée d’unification allait très loin puisqu’il
souhaitait également unifier les esprits ; cela a provoqué des rebellions qui ont fini par faire
disparaître cette dynastie.
3. 2. 2. 4 Dynastie Han
La dynastie Han dura environ 400 ans, de 202 avant J-C jusqu'à l’an 220 après J-C.
Outre l’épanouissement de l’histoire et de l’art, cette période a vu nombre de nouvelles
inventions améliorant la vie. C’est à cette époque que naît la fameuse route de la soie qui
favorise énormément l’essor du commerce avec l’Occident.
L’importance de cette dynastie dans l’histoire de la Chine est cruciale car c’est la
première dynastie à consacrer le confucianisme en tant que vecteur idéologique de base, cela
a depuis une forte influence sur la Chine.
3. 2. 2. 5 Dynastie Sui
Cette dynastie qui ne connut que trois empereurs exista de l’an 581 à l’an 618 après J-C.
Les lettrés, à qui peu d’importance était accordée n’hésitèrent pas à la comparer à la dynastie
Qin.
C'est cependant à cette époque que furent construites de nouvelles routes pour favoriser
l’essor du commerce mais aussi le « Grand Canal » reliant Pékin et Hangzhou. Certains
tronçons de la grande muraille furent également rebâtis.
3. 2. 2. 6 Dynastie Tang
Treizième dynastie chinoise, les Tang ont régné de 618 à l’an 907 avec cependant une
interruption entre 690 et 705 lorsque Wu Zetian prit le pouvoir. L'Empire atteint une extension
qu'il n'avait jamais connu auparavant et sa capitale, Chang'an, fut la ville la plus peuplée du
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
monde, bien que la population totale de l'Empire était proche des époques précédentes
(légèrement supérieure à 50 millions d'habitants). Cette époque est particulièrement brillante
sur le plan culturel, elle est considérée comme l'âge d'or de la poésie classique chinoise. Enfin,
la poudre à fin militaire est inventée dans cette période de l’histoire.
3. 2. 2. 7 Dynastie Yuan
La dynastie Yuan a régné sur la Chine de 1271 à 1368. Sous celle-ci, la Chine fut
entièrement sous domination mongole, ce qui lui vaut encore de nos jours une très mauvaise
image auprès du peuple et des intellectuels chinois. C'était à l’époque la première fois qu'une
dynastie d'origine non Han dominait l'intégralité de l’empire. Les Mongols qui ne disposaient
pas de l’écriture, ont commencé à codifier leurs lois au contact de l'empire chinois.
3. 2. 2. 8 Dynastie Ming
Cette dynastie, la dernière d’origine chinoise, s’établit en 1368 après des révoltes
paysannes contre le « règne des étrangers ». La dynastie Ming qui vit 16 empereurs s'ouvrit
sur une renaissance culturelle. Les arts et particulièrement l'industrie de la porcelaine se
développèrent comme jamais auparavant. Le commerce chinois prit de l’important et les
marchands vendaient dans tout l'océan Indien, atteignant même l'Afrique. L'armée régulière
du pays comptait alors plus d’un million d'hommes. Pour certains, la Chine du début de cette
dynastie était le pays le plus avancé de la terre.
3. 2. 2. 9 Dynastie Qing
La dynastie Qing est la dernière dynastie à avoir régné sur la Chine ; elle est d'origine
mandchoue. Elle a été créée en 1644 et a adopté Pékin comme capitale. Elle fut fortement
associée à la culture chinoise. Suite à des pressions internationales, des rébellions et à de
multiples défaites militaires, son pouvoir militaire s’affaiblit au cours du XIXème siècle ; cela
entraîna son déclin. La dynastie Qing disparu le 12 février 1912 quand le dernier empereur,
Puyi (alors âgé de 7 ans) abdiqua suite de la révolution Xinhai.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 2. 3 Une histoire accélérée au XXème siècle
Apres 5 000 ans d’histoire, la Chine a énormément évolué au cours du XXème siècle. Je
vous propose de retracer cette période en citant les principaux faits.
1911 : révolution Chinoise, c’est la fin de 2 000 ans de régime monarchique.
1912 : création de la République de Chine le 12 mars 1912 ; Sun Yat-sen en est le
président.
1921 : création du Parti Communiste Chinois (PCC) à Shanghai.
1931 : le Japon envahit le Nord-Est de la Chine et établit la république du
Mandchoukouo.
1934 : Longue Marche du Parti Communiste chinois, dirigée par Mao Zedong.
1937 : le Japon déclare officiellement la guerre à la Chine.
1941 : la Seconde Guerre mondiale s’étend en Asie et au Pacifique. Les Etats-Unis et
leurs alliés européens soutiennent la Chine contre l’occupation japonaise.
1945 : la fin de la seconde Guerre Mondiale est signée, le Japon capitule.
1946 : la guerre civile entre les nationalistes et les communistes reprend.
1949 : création de la République Populaire de Chine, Mao Zedong en est le président.
Les nationalistes se réfugient à Taiwan.
1951 : le Tibet est annexé.
1952 : début des purges contre les nationalistes.
1958 : Grand Bond en avant. Mao veut donner une nouvelle orientation politique à la
Chine et mobilise par la propagande l’ensemble de la population qui a pour but de stimuler en
un temps record la production par la collectivisation agricole, l’élargissement des
infrastructures industrielles et la réalisation de projets de travaux publics d’envergure.
L’opération se révèle être un échec total et vingt à cinquante millions de Chinois meurent de la
famine.
1964 : premier essai nucléaire Chinois.
1966 : début de la Révolution Culturelle. Mao, après avoir été écarté du pouvoir,
souhaite supprimer le PCC de ses membres « révisionnistes » et limiter les pouvoirs de la
bureaucratie. Les « gardes rouges » -jeunes chinois inspirés par les principes du Petit Livre
rouge- deviennent le bras actif de cette Révolution Culturelle. La jeunesse est incitée à
remettre en cause toute hiérarchie, notamment celle du PCC alors en poste. Les intellectuels
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
sont attaqués et publiquement humiliés, les mandarins et les élites bafoués, de nombreuses
valeurs culturelles chinoises et de nouvelles valeurs occidentales étaient dénoncées au nom
de la supériorité du peuple et de ses droits. Le volet culturel de cette révolution consistait à
éradiquer les valeurs traditionnelles. C'est ainsi que des milliers de sculptures et de temples
furent détruits. Ces gardes rouges ont inspiré dans une certaine mesure les mouvements de
mai 1968 qui éclatèrent dans plusieurs régions du monde. Une période de chaos, qui mena la
Chine au bord de la guerre civile, suivit, avant que la situation soit peu à peu reprise en main
par Zhou Enlai. Cette agitation permit à Mao d’atteindre son objectif : reprendre le contrôle de
l'État du PCC.
1971 : admission de la Chine à l'ONU.
1976 : mort de Mao Zedong.
1978 : arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping.
1978 : lancement du programme des Quatre Modernisations (agriculture, industrie,
défense nationale, sciences et techniques).
1989 : répression du mouvement étudiant à Tian'anmen. A l’origine, il s’agissait d’un
mouvement d'étudiants, intellectuels et ouvriers chinois qui dénonçaient la corruption et
demandait des réformes politiques et démocratiques. La contestation s'étendit dans les
grandes villes de Chine et aboutit à une série de grandes manifestations et de grèves de la
faim organisées sur la place Tian'anmen, à Pékin. Suite à des échecs de négociation, le
gouvernement chinois proclame l'état de siège le 20 mai 1989 ; l’armée intervient le 4 juin. La
répression du mouvement -armes et chars de combat- provoqua un grand nombre de victimes
civiles (quelques centaines d’après les sources officiels chinoises à plusieurs milliers d’après
les sources occidentales) et de nombreuses arrestations les mois suivants. Plusieurs
dirigeants politiques favorables au mouvement furent limogés et placés en résidence
surveillée. La répression du mouvement de contestation porta un coup d'arrêt durable aux
réformes politiques en République Populaire de Chine. Le gouvernement renvoya les
journalistes étrangers et contrôla strictement la couverture de l’événement par la presse
chinoise. A l'étranger, la répression provoqua une condamnation générale du régime de Pékin.
1992 : relance des grandes réformes économiques.
1997 : Mort de Deng Xiaoping. Jiang Zemin poursuit sa politique de réformes ; la colonie
britannique de Hong-Kong est rétrocédée à la Chine mais demeure avec un régime spécial.
2001 : la Chine entre dans l'OMC.
2008 : les Jeux Olympiques sont programmés pour le mois d’août à Pékin.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 3 Une culture bien différente de la nôtre
3. 3. 1 Qu’est ce qu’est la culture ?
Avant de vouloir présenter la culture chinoise, il me parait important de définir clairement
ce qu’est la culture.
D’après l’UNESCO6 « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme
l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui
caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les
modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions
et les croyances. ». Une autre définition, donnée par le psychologue Geert Hofstede7, est que
« la culture est une programmation mentale collective propre à un groupe d’individu ».
Je pense qu’il existe deux types de culture : la culture individuelle de chacun et la culture
collective. Dans notre cas, c’est la seconde qui nous intéresse. La définition de la culture que
je vais retenir est donc : « la culture collective d’un peuple correspond à des points d’identité
que l’on peut faire ressortir. La culture collective est un repère de valeurs reliées à une histoire,
c’est quelque chose de parfaitement inséré à la collectivité. La culture collective n’évolue que
très lentement, sa force est sa stabilité et son rappel à l’histoire ».
De fait, l’histoire d’un peuple influe directement et de manière importante la culture
collective des membres d’un groupe. C’est pour cela que j’ai souhaité développer l’histoire de
la Chine.
3. 3. 2 Mouvements religieux et philosophiques
Les mouvements religieux et philosophiques sont l’un des éléments agissant le plus sur
les cultures. En Europe, nous sommes fortement influencés par le judéo-christianisme, et dans
une moindre mesure par l’Islam, ceci indépendamment de notre propre religion et même si
nous sommes athées. Les asiatiques sont eux aussi influencés dans leurs comportements par
plusieurs courants religieux et philosophiques. Je vais développer les trois principaux courants
que l’on trouve en Chine. Cette partie n’a pas pour vocation de les expliquer dans le détail ;
6
Définition de l'UNESCO de la culture, UNESCO. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles,
conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982.
7
Le concept de culture : approche introductive de la culture, Blog Dimension,
http://blogdimension.com/fr/cache?s=31537571, 03 février 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
l’objectif est simplement de comprendre l’influence de ces mouvements sur les
comportements des asiatiques pour mieux appréhender les futures collaborations.
3. 3. 2. 1 Le confucianisme
Le confucianisme est le courant le plus ancien de la Chine. Il est basé sur
l’enseignement de Confucius, il y a environ 2 500 ans. La dynastie Han (202 avant J-C – 220
après J-C) l’a décrété comme vecteur idéologique de base en la déclarant philosophie officielle
de l’Etat.
La base de cette doctrine est la morale, un guide de vie, des règles de comportement.
Confucius ne prétend pas apporter de nouveauté mais simplement remettre en place les
règles existantes. Il aurait mis en forme des règles de base qui existaient avant lui et ses
disciples les ont mises par écrit. L’éthique humaine, sociale et politique est basée sur le
respect d’un code moral avec des lignes de conduite ; la plus connue de celles-ci est « ne fais
pas à autrui ce que tu n'aimerais pas qu'il te fasse ». Bruno Marion nous décrit dans son livre8
trois points essentiels :
•
« L’humanité. C’est l’ensemble des comportements que vous devez respecter
dans les relations humaines. On y trouve les liens indissociables entre père et
fils, la loyauté entre maître et sujet, la discrimination entre hommes et femmes,
le respect des anciens, la confiance entre amis.
•
La relation (guanxi). Ce terme désigne à la fois votre réseau et chacune des
personnes qui en font partie.
•
La face. C’est à la fois le prestige social (mianzi) et la confiance de la société
dans l’intégrité morale et sociale d’un individu (lian).
8
Bruno Marion, Réussir avec les Asiatiques, Editions d’Organisation, avril 2006.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
On peut aussi mettre en avant les règles suivantes qui découlent de ces principes :
•
Les dirigeants du pays doivent être les plus compétents.
•
Chaque membre de la société a un rôle qui, s’il est accompli convenablement,
induit une société plus juste.
•
Les réussites personnelles sont subordonnées à celles du groupe »
Le confucianisme est un système complet de valeurs fondamentalement humaines ; en
voici la représentation :
Les valeurs du confucianisme
Source : www.actencia.fr
3. 3. 2. 2 Le bouddhisme
Le bouddhisme est né en Inde vers -556 avant J-C. Il existe aujourd’hui plusieurs
courants et variantes, notamment en Europe et aux Etats-Unis ; il s’agit de la quatrième
religion en France 9 . Là encore je ne détaillerai pas ce courant de pensée de manière
exhaustive mais je donnerai des éléments10 permettant d’expliquer le comportement de nos
interlocuteurs Asiatiques.
•
L’impermanence. Alors que nous vivons en Occident dans un monde de
permanence (une chose vraie aujourd’hui le sera également demain) le
9
Florence Loïzzo, Le bouddhisme : un plaidoyer pour le bonheur, Sauramps,
www.sauramps.com/article.php3?id_article=983.
10
Bruno Marion, Réussir avec les Asiatiques, Editions d’Organisation, avril 2006.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
bouddhisme s’attache à montrer l’impermanence du monde. Lorsque S.S. le
Dalaï-lama est interrogé sur la réincarnation, il répond invariablement « Voici
les éléments en notre possession qui font croire à la réincarnation. Si vous avez
d’autres éléments, ou un raisonnement déductif, qui prouve l’inexistence de la
réincarnation, nous arrêterons d’y croire dès demain ! » Vous conviendrez que
cette approche est très différente des croyances des grandes religions
monothéistes qui influent nos cultures occidentales. Et il ne faudra pas
s’étonner lorsque vous constaterez que pour les Chinois, les Coréens, et tous
les Asiatiques des pays sous influence bouddhiste, il n’existe pas de vérité
éternelle car tout change en fonction de l’évolution du contexte. Le premier
Bouddha affirmait d’ailleurs à ses auditeurs : « S’il y a une différence entre ce
que je vous enseigne et ce que vous expérimentez dans votre vie, croyez ce
que vous expérimentez et pas ce que je vous ai enseigné ».
•
La souffrance. Notre vie est souffrance, essentiellement parce nous sommes
dans l’attachement, qui est principalement causé par le refus de
l’impermanence.
•
La vacuité. Pour le bouddhisme, les choses et les êtres vivants n’ont pas
d’existence intrinsèque mais n’existent que par et dans l’interaction avec les
autres et le reste de l’univers. Voilà qui explique peut-être en partie l’importance
du groupe (avec l’influence du confucianisme que nous avons vu
précédemment). De même que notre « individualisme » s’explique en partie
par nos croyances réductionnistes : nous ne sommes pas cartésiens pour
rien ! »
Je finirai ces quelques lignes sur le bouddhisme par une citation du Dalaï-lama : « La
sensation d'être heureux ou malheureux dépend rarement de notre état dans l'absolu, mais de
notre perception de la situation, de notre capacité à nous satisfaire de ce que nous avons. ».
3. 3. 2. 3 Le taoïsme
Le taoïsme fut créé il y a environ 2500 ans sur les enseignements de Lao Tseu (ou Lao
Zi). Les sources de ce courant proviennent de « Tao-tö-king » soit « Livre de la Voie et de la
Vertu ». En plus des concepts de voie et de vertu indiqués dans le titre de l’ouvrage, le taoïsme
a trois principales idées :
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
le fu : le retour à l'origine ou « loi du retour ». Il s’agit de revenir à la source de
toute chose,
•
le tao : c’est l'essence de toute chose, l'origine de toute existence. Il est la
source avant même que n'intervienne l'acte créateur. Son mode d'expression
est d'être et il s'exprime dans la nature. Pour s'harmoniser avec le tao, il faut
s'harmoniser avec la nature,
•
le wu-wei : il s’agit du concept d’absence d’action qui indique de ne pas
s'impliquer au delà de l'action spontanée, aucun calcul ne doit guider une
action, le juste nécessaire pour vivre en paix et harmonie doit être le fil
conducteur.
3. 3. 3 La notion de « face »
Elément vital dans la culture chinoise, la notion de « face » (ou « mianzi ») est
indispensable à connaître et à intégrer pour travailler en Chine. Un dicton chinois dit d’ailleurs
« La face est à l'homme ce que l'écorce est aux arbres. ». Cette notion de face peut être
associée à la réputation et au prestige, à une image publique positive. Notre culture
judéo-chrétienne est bâtie sur l’idée de « péché » alors que la culture chinoise repose plus sur
la « honte ».
Il faut éviter à tout prix de faire perdre la face à ses interlocuteurs. Si cela venait à arriver,
les relations avec cette personne pourraient s’arrêter immédiatement ; vous ne pourrez alors
plus rien attendre de cet interlocuteur. Pour ne pas faire perdre la face lors de vos échanges,
interdisez-vous de critiquer une personne en public. Si vous devez effectuer une critique,
l’idéal est de passer par une tierce personne, d’où l’importance du réseau (cf. plus bas). Il vous
est également possible d’effectuer vos remarques lors d’un tête-à-tête avec l’individu
concerné. De la même manière, évitez d’interrompre quelqu’un pendant qu’il s’exprime.
Pour ne pas faire perdre la face à leurs interlocuteurs, les chinois n’ont pas l’habitude de
dire « non ». Ils nuancent alors les choses par des formules telles que « peut-être », « je vais
faire de mon mieux », « je vais essayer » qui, au final, peuvent vouloir dire « non ». Comme
beaucoup d’attitudes chinoises, le confucianisme serait à l’origine de cette manière d’exprimer
les choses.
Un exemple illustrant l’importance de la face est la « bataille » pour payer la note au
restaurant. Pour montrer aux autres qu’ils ont de l’argent -et qu’ils ne sont pas dans le besoin,
ce qui serait synonyme de perte de la face- les chinois veulent tous payer la facture. C’est à
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celui qui réussira à donner ses billets à la caisse. De la même manière, les chinois
commandent de la nourriture en abondance et en excès pour qu’à la fin du repas il y ait des
restes. Le fait d’avoir des plats vides et des assiettes propres signifierait un manque de
générosité et de richesse qui ferait perdre la face aux personnes qui invitent.
Pour les chinois, une personne qui s’énerve est un individu qui perd la face ; il est donc
important de garder son calme dans toutes les situations.
Enfin, notons qu’en tant qu’étranger votre « face » est également importante. Il est donc
important de la protéger et de rappeler à vos interlocuteurs que ce point est également
important pour vous.
3. 3. 4 Ethique : l’importance de l’harmonie
Cette notion est directement liée au confucianisme présenté plus haut, les deux notions
fondamentales sont l’harmonie et l’ordre.
Confucius a dit11 « L'harmonie prime en tout ». Il est donc très important de maintenir
l'harmonie entre l'homme et la nature. Les hommes doivent respecter les lois de la nature et
l'harmonie est la pièce maîtresse de cette éthique.
D’une manière générale le maintien de l'harmonie se fait à l'aide de la loi et de l'ordre.
Une société doit être régie par l'ordre ce qui lui permet d'établir une hiérarchie, un système,
des lois, des relations humaines et des règles morales. Cinq catégories définissent les
relations humaines :
•
relation entre père et fils,
•
relation entre époux et épouse,
•
relation entre souverain et sujets,
•
relation entre jeunes et anciens,
•
relation entre collègues et amis.
C’est en respectant l'harmonie de ces cinq relations humaines que celle-ci peut régner
dans les familles, les communautés ethniques, les groupements populaires, la société et l'Etat.
Malgré leur caractère historique, ces cinq types de relations fondamentales définissent
toujours les relations humaines en Chine.
11
Quelle est la conception traditionnelle chinoise de l’éthique ?, Chinatown.fr,
http://www.chinatown.fr/spip.php?article401.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 3. 5 Us et coutumes
3. 3. 5. 1 L’importance et les rituels des repas
En Chine, les repas ne sont pas seulement un moment où l’on mange, c’est aussi
l’occasion d’apprendre à mieux connaître ses interlocuteurs. Il s’agit d’occasions informelles
indispensables pour, par la suite, négocier et échanger. Il est d’ailleurs souvent dit12 « si l’on
mange bien, les affaires se régleront facilement ».
Les repas sont sujets à plusieurs rituels et, là encore, de nombreuses références et
habitudes viennent du confucianisme. Le placement des convives suit la règle suivante : les
personnes les plus importantes sont situées en face de la porte puis les autres personnes
autour, dans l’ordre d’importance. Dans certains cas l’invité sera placé en face du maître de
maison, de manière à faciliter les échanges de toasts.
Il y aura sur la table plusieurs plats ; au total il est possible d’avoir plusieurs dizaines de
plats différents au cours d’un repas ! Ces mets seront positionnés au milieu de la table,
éventuellement sur un grand plateau tournant. Chacun se sert à l’aide de ses baguettes dans
les mêmes plats. Le fait de manger tous dans les plats indique une certaine proximité des
individus ; « si tout le monde met ses baguettes dans une même assiette, cela évoque
l’intimité des liens. ». 13
Exemple d’une table chinoise
Source : mapage.noos.fr
Chaque mets a une signification particulière, cela explique pourquoi vous retrouverez
souvent des plats communs aux différents repas. Nous pouvons par exemple citer le poisson
-la prononciation en chinois est proche du mot abondance-, les nouilles -elles sont les aliments
12
Lu Rucai, La symbolique du repas, Chinatoday, www.chinatoday.com.cn/lachine/2008/0802/p14.htm
13
Lu Rucai, La symbolique du repas, Chinatoday, www.chinatoday.com.cn/lachine/2008/0802/p14.htm
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les plus longs donc elles symbolisent la longévité-, les oranges pour souhaiter de la chance et
de bons revenus, les marrons (revenus plus élevés), etc.
Enfin, ces repas peuvent nous paraître bruyants. Quand ils sont heureux de manger et
de partager de bons moments ensemble, les Chinois parlent fort.
3. 3. 5. 2 « Ganbei »
Il s’agit la encore d’un rituel très ancien, celui-ci remonte à la dynastie Han dont je vous
ai parlé plus haut. Le « ganbei » est le toast chinois. Au cours des repas au restaurant, le
maître de maison, ou la personne qui invite, proposera un ganbei à tous les membres de la
table ou de l’assemblée. Chacun se lèvera et trinquera ensemble avant de boire son verre
« cul sec ». Ensuite chacun pourra porter des toasts à une ou plusieurs personnes, cela
débouche généralement sur des « batailles de ganbei ».
Refuser un ganbei serait grave car cela ferait perdre la face à son interlocuteur ; il est
donc important de se préparer à ce rituel afin que tout le monde garde sa face.
3. 3. 6 Une culture menacée ?
Même si certaines valeurs culturelles sont bien ancrées chez les chinois –notamment
par plusieurs millénaires de pratique- et, comme je l’ai indiqué plus haut, l’évolution culturelle
d’une société est longue, nous pouvons craindre une perte partielle de l’identité culturelle des
chinois.
Le développement économique que la Chine connaît et sa récente ouverture sur le
monde extérieur remet en cause certaines traditions et arts populaires. C'est particulièrement
vrai pour les cultures locales des régions intérieures, notamment au Tibet. De nombreuses
formes de culture sont en train de disparaître petit à petit. Voici un extrait d’un article du journal
le Monde14 « Le dalaï-lama, qui n'a cessé de dénoncer le "génocide culturel" en cours sur le
Toit du monde, a mis de nouveau l'accent sur le fait que "la langue, les coutumes, les traditions
du Tibet sont en train de disparaître", tandis que l'augmentation de la population non tibétaine
d'ethnie chinoise han "a réduit les Tibétains à une insignifiante minorité dans leur propre
pays". »
14
Bruno Philip, Le dalaï-lama dénonce la répression « inimaginable » de Pékin au Tibet, Le Monde, 11 mars
2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Il est d’ailleurs frappant d’observer « l’occidentalisation » de Shanghai, la plus grosse
ville du pays. Les aspects matériels mais également les comportements humains et culturels
sont dorénavant proches de ceux rencontrés en occident. Il est parfois déroutant d’observer un
tel écart culturel et comportemental entre les Shanghaiens et les habitants des villes situées
autour (par exemple, Hangzhou, à 200 Km).
Enfin, cette « occidentalisation » et cette volonté de se séparer de certains rituels ont été
accélérées par la préparation des Jeux Olympiques qui auront lieu en août 2008 à Pékin.
D’importantes campagnes de communication ont demandé aux chinois un certain
« conformisme occidental » pour s’adapter aux visiteurs qui seront présents pendant
l’événement sportif.
3. 4 La situation politique, géopolitique et économique
3. 4. 1 Le Parti Communiste Chinois (PCC) au pouvoir
Officiellement, la Chine est une République Populaire (République Populaire de Chine,
RPC) proclamée en 1949 ; celle-ci est dirigée par le Parti Communiste Chinois (PCC), le parti
unique.
Même s’il est difficile de caractériser la nature du régime, celui-ci peut-être décrit comme
un régime autoritaire –à ne pas confondre avec une dictature militaire ou une dictature avec un
culte du chef- dont l’économie est partiellement libéralisée. A cela, nous pouvons ajouter les
termes « communiste » et « capitaliste » pour décrire la RPC. Deng Xiao Ping avait utilisé la
formule « socialisme de marché » pour décrire l’évolution de la RPC. On parle aussi de
« capitalisme d’Etat », appellation quelque peu ambiguë…
Malgré des pas d’ouverture réalisés durant les années 1980 -avant un retour en arrière
dans les années 1990 suite aux évènements de la place Tian an’ Men-, le gouvernement de la
RPC est entièrement contrôlé par le PCC. D’autres partis existent au sein de la RPC mais ils
sont de facto considérés comme des organes du PCC. L’influence de ces partis est très
réduite, ils n’ont pas de réel pouvoir mais ils peuvent agir comme des points de vue extérieurs.
La censure est quelque chose de courant en Chine. Les journaux sont contrôlés, la télévision
et les films ne sont pas tous autorisés et environ 10% des sites Internet sont bloqués (même
s’il est difficile de trouver une source fiable sur la quantité de sites bloqués).
Les priorités du gouvernement sont, dans l’ordre :
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
Prévention des risques de famines ; celles-ci ont déjà gravement touché la
Chine par le passé,
•
maintien de l'intégrité du territoire de la Nation,
•
développement du pays en réduisant les disparités sociales.
Notons enfin que la Chine est l’un des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité de
l’Organisation des Nations Unies (ONU).
3. 4. 2 Une économie socialiste de marché
Cette appellation « économie socialiste de marché » est symptomatique des grandes
contradictions chinoises.
L'économie de marché 15 « C’est un système économique qui s'organise autour du
marché et qui repose principalement sur les lois du marché, notamment celle de l'offre et de la
demande, pour réguler les activités économiques. (…) Ce système économique est une des
formes du capitalisme, dans la mesure où il fonctionne sur la base d'investissements d'origine
privée. L'économie de marché est souvent associée au libéralisme économique. »
L’économie socialiste est, quant à elle, définie 16 par « Un système économique
caractérisé par la propriété collective des principaux moyens de production. Les traits
principaux de ce système sont : 1) Propriété collective des principaux moyens de production,
tous les secteurs de l'économie étant collectivisés ; 2) Planification de la réalisation de
l'ensemble de la production économique. ».
Ce grand écart idéologique a été mis en place en 1979 par Deng Xiao Ping. L’objectif
était semble-t-il de concilier les principes hérités de la nationalisation de l’économie -alors en
place depuis 1949- et ceux du capitalisme de marché. Cela a permis à la Chine d’ouvrir son
économie tout en conservant son système politique. L’ouverture économique débutée dans
les années 1980 a permis au pays de devenir progressivement un acteur majeur de certains
secteurs industriels (textile, produits de basses qualité, etc.). Un taux de change compétitif
associé à une main d’œuvre bon marché et nombreuse ont permis à la Chine de devenir
« l’atelier du monde ».
15
Economie de marché, Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_march%C3%A9, 2008.
16
Economie socialiste, Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/Economie_socialiste, 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
D’abord fortement limité à certaines zones géographiques précises, la quasi-majorité du
littoral chinois est maintenant ouvert aux entreprises étrangères.
La Chine est membre de la Coopération Économique Asie Pacifique (APEC) depuis
1991 et a adhéré à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) le 11 décembre 2001.
L’économie chinoise a connu une croissance éblouissante avec un taux de 9,4% par an
en moyenne entre 1978 et 2006 et de 11,4% en 2007. L’objectif du gouvernement chinois est
de doubler le PIB d’ici 2020 pour atteindre les 4 000 milliards de dollars US.
Evolution du PIB chinois en pourcentage
Source : chine-informations.com
En 2007, le PIB nominal de la Chine s’élevait à 3 249 milliards de dollars US17. D’après
une étude publiée le 17 décembre 200718 par la Banque Mondiale, l’économie chinoise se
classe en seconde position, derrière les Etats-Unis, « selon le calcul du produit intérieur brut
(PIB) en parité de pouvoir d’achat (PPA). Selon le critère monétaire traditionnel, elle figure
toujours à la quatrième place, derrière l'Allemagne. » nous indique la même source.
Finissons cette partie sur le PIB de la Chine par une analyse du Ministère des Affaires
Etrangères et Européennes français19 : « Le PIB de la Chine est cinq fois moins élevé que le
PIB des Etats-Unis. Dans l’hypothèse où la croissance chinoise se maintiendrait à un taux de
17
The World Factbook, CIA, www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ch.html, 2008.
18
Alain Faujas, La Chine est la 2e puissance économique mondiale, Le Monde, 20 décembre 2007.
19
Présentation de la Chine, France diplomatie,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/chine_567/presentation-chine_950/index.html, 25 juin 2007.
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9% par an, difficilement tenable à long terme, et le taux de croissance américain à 3,5%, il
faudrait 40 ans à la Chine pour que son PIB rejoigne le niveau des Etats-Unis. En 2004, la
Chine a dépassé les Etats-Unis comme premier exportateur mondial de produits de haute
technologie. »
3. 4. 3 Situation géopolitique de la Chine
3. 4. 3. 1 Géographie
3. 4. 3. 1. 1 Situation dans le monde
Voici pour rappel la situation géographique de la Chine dans le monde.
Situation géographique de la Chine
Source : Wikipedia
Ce pays a une superficie de 9 634 057 km² (Taiwan inclus), soit la troisième plus grande
du monde derrière la Russie (17 millions de km²) et le Canada (9,98 millions de km²).
La Chine possède 14 pays limitrophes que sont la Russie, l’Inde, le Kazakhstan, la
Mongolie, le Pakistan, l’Afghanistan, la Birmanie, le ViêtNam, le Laos, le Kirghizistan, le
Tadjikistan, le Népal, la Corée du Nord, la Corée du Nord et le Bhoutan.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 4. 3. 1. 2 L’environnement de la Chine
La Chine dans son environnement stratégique immédiat20
Source : Questions internationales, N°6, La Documentation française, Paris, mars - avril 2004
20
La Documentation française, Questions internationales, numéro 6, Paris, mars - avril 2004.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Bien que datant de 2004, cette carte permet de bien comprendre l’importance et la
dimension de la Chine en Asie. Elle met également en avant les tensions qui peuvent exister
sur certaines frontières.
3. 4. 3. 1. 3 Géographie de la Chine
Etudions maintenant la carte de la Chine.
Carte du relief de la Chine
Source : asie-planete.com
Cette carte me permet tout d’abord de mettre en avant les importantes disparités en
termes de relief. L’est du pays est assez plat alors que l’ouest, et particulièrement les plateaux
du Tibet, regorge de très hautes montagne avec notamment l’Himalaya et le mont Everest
(8 848 mètres) : le point le plus haut du monde. Une très grande majorité de la population vit
dans la partie est du pays. C’est notamment en zone côtière que l’on retrouve les principales
villes (Shanghai, Pékin, Hong-Kong, Tianjin, etc.). 73% de la population vit sur 25% du
territoire avec une densité de 360 habitants/Km² dans une zone de 2,5 millions de Km², soit la
densité des Pays-Bas, le plus densément peuplé d’Europe21. Les climats sont très variés
21
Jean-François Dufour, Géopolitique de la Chine, Collection Géopolitique des États du monde, novembre
1999.
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suivant les régions. Au nord les hivers sont très froids et secs, il s’agit d’un climat sub-arctique.
Les régions du sud du pays ont quant à elles un climat tropical avec des étés chauds et
humides.
3. 4. 3. 2 Plus de 20% de la population mondiale
La population chinoise est absolument gigantesque, elle représente à elle seule plus de
20% de la population mondiale. On dénombre environ 1,35 milliards de Chinois soit plus de 22
fois la population française ; la densité chinoise est de 136 habitants/km².
Les chinois ont toujours été les plus nombreux sur terre, le premier « recensement » en
dénombrait 50 millions soit 25% de la population mondiale, c’était en l’an 50 22 .Mais
l’accroissement de la population chinoise s’est fortement accéléré au cours de la seconde
partie du XXème siècle : entre 1950 et 1990, le nombre de chinois a doublé.
Croissance démographie de la Chine entre 1950 et 2003
Source : Wikipedia
Pour contrôler la démographie, une politique de l’enfant unique a été lancée en 1980 et
intégrée à la constitution en 1982. Celle-ci, ayant entraîné de nombreux problèmes
(avortements en masse, disparitions et meurtres d’enfants, inégalité des sexes, etc.) a été
assouplie à plusieurs reprises. Il est dorénavant autorisé d’avoir plusieurs enfants, mais en
avoir un seul reste fortement encouragé par des mesures financières. La politique de l’enfant
22
Jean-François Dufour, Géopolitique de la Chine, Collection Géopolitique des États du monde, novembre
1999.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
unique aurait manifestement permis « d’éviter » 400 millions de naissances et de faire baisser
le taux de natalité de 5,7 à 1,8 enfants par femme.
En 2005, environ 40% 23 de la population vivait en zone urbaine, ce chiffre tend à
augmenter d’année en année. Il y a un important exode rural qui s’explique par la disparition
de terres agricoles mais également par des revenus supérieurs dans les villes.
Dans les prochaines années, la Chine devra trouver des solutions pour l’alimentation de
sa population. Elle possède actuellement 7% de terres cultivables, chiffre qui diminue chaque
année, et doit nourrir 20% de la population mondiale24. Les chinois devraient être plus de 1,6
milliards en 2030, il leur faudra alors importer l’équivalent de 400 millions de tonnes de
céréales par an25. Cela risque d’entraîner une hausse des cours et nous pouvons redouter de
graves famines dans les pays du tiers-monde.
3. 4. 3. 3 Le Yuan, une monnaie sous-évaluée ?
La monnaie chinoise est le Yuan, qui signifie « monnaie du peuple » en chinois.
Actuellement (au 12 mars 2008) un RMB vaut 0,09 euro soit 10,93 RMB avec un euro.
Pour beaucoup, le yuan renminbi est sous évalué, cela s’explique par son indexation sur
le dollar US qui, lui, perd de la valeur depuis de nombreux mois (par rapport à l’euro). Cela en
fait une préoccupation majeure des Européens pour qui le déficit commercial ne cesse de se
creuser.
23
Démographie de la Chine, Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_la_Chine,
mars 2008.
24
Ludovic Woets, Scénarios pour la Chine, http://www.diploweb.com/p5woet01.htm, février 2001.
25
Ludovic Woets, Scénarios pour la Chine, http://www.diploweb.com/p5woet01.htm, février 2001.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Evolution du RMB par rapport a l’euro
Source : fr.finance.yahoo.com
Tant que le prix du baril de pétrole augmente, le court du dollar US et donc du yuan
s’affaiblit ; et le baril « d’or noir » s’échange au printemps 2008 à plus de 125 USD à la bourse
de New York, son record historique.
3. 4. 3. 4 Organisation administrative
La Chine continentale est composée de 22 provinces auxquelles il faut ajouter 5 régions
autonomes, 4 municipalités pour les plus grandes villes de Chine (Shanghai, Pékin, Tianjin,
Chongpinq) et 2 régions administratives spéciales (Hong-Kong et Macao).
A cela le gouvernement de la République Populaire de Chine ajoute Taiwan comme une
23eme province. Je développerai ce point plus loin.
3. 4. 3. 5 Politique et affaires extérieures
La diplomatie chinoise est de plus en plus active, notamment pour « rassurer » les pays
tiers sur sa montée en puissance. Le gouvernement chinois met l’accent sur sa volonté de
« développement pacifique ». Je note par ailleurs que la politique extérieure de la Chine a pour
objectif premier de créer un environnement international favorable dans le but de poursuivre
son développement national.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
La Chine, pays le plus peuplé, membre permanent du conseil de l’ONU, puissance
nucléaire et second PIB mondial, souhaite également légitimer son implication croissante dans
les affaires internationales.
3. 4. 3. 5. 1 Politique extérieure favorisant le marché intérieur
Comme je l’ai annoncé dans l’introduction de ce point sur la politique extérieure de la
Chine, Pékin oriente sa politique étrangère de manière à favoriser son développement
intérieur. Sans rentrer dans les détails, il me parait important de citer les axes de travail que j’ai
pu relever :
•
développer les relations avec les pays riches en ressources naturelles et avec
les pays offrant des perspectives d’exportations,
•
s’engager davantage dans la politique asiatique, notamment dans le conflit
coréen,
•
développer les accords commerciaux bilatéraux et la libéralisation du
commerce dans le cadre de l’OMC,
•
développer les relations avec les pays les plus avancés, notamment ceux qui
sont fournisseurs de technologies et de capitaux.
3. 4. 3. 5. 2 Implication dans les affaires internationales
Le second axe de travail du gouvernement chinois en matière de politique étrangère se
situe dans leur implication au niveau des affaires étrangères mondiales. Pékin essaie de
s’afficher comme une « puissance globale responsable »26 en se faisant davantage entendre
et en qualifiant sa politique de « diplomatie de la paix, du développement et de la
coopération »27 pour un « monde harmonieux ». Par ailleurs, la Chine profite de son histoire
récente et de sa montée en puissance pour se présenter comme « porte-parole » du
tiers-monde.
26
Présentation de la Chine, France diplomatie,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/chine_567/presentation-chine_950/index.html, 25 juin 2007.
27
Li Zhaoxing, La paix, le développement et la coopération, Ambassade chinoise en France,
www.amb-chine.fr/fra/jrzg/t208203.htm, 23 août 2005.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Enfin, le gouvernement chinois tente d’introduire un aspect culturel à sa diplomatie en
créant un réseau d’« Instituts Confucius ». L’objectif est de s’ouvrir pour ne pas apparaître
centré exclusivement sur ses intérêts économiques nationaux.
3. 4. 3. 5. 3 Une situation tendue avec Taiwan
Pour le gouvernement Chinois, Taiwan est l’une des 23 provinces du pays. Cependant,
la réalité est plus complexe puisque dans les faits, Taiwan est un pays indépendant ; la RPC
n’a actuellement aucun pouvoir. A ce jour Taiwan n’est reconnu ni par l’ONU ni pas les
grandes puissances ; les responsables de ces organisations et pays ont comme principe une
seule Chine.
Les relations politiques entre la chine et Taiwan sont donc complexes et en évolution
actuellement. Pékin défend une « réunification pacifique » qui repose sur un développement
des échanges économiques et une opposition d’isolement de Taiwan sur la scène
internationale.
3. 4. 3. 5. 4 Tibet, une situation particulièrement tendue
Le Tibet est la zone située à l’ouest du pays. Il est difficile d’établir un historique de cette
région car plusieurs versions existent. Manifestement, le Tibet était autrefois une nation
distincte et libre ayant son propre gouvernement. Sa langue, sa religion, ses lois et ses
coutumes étaient également uniques. Ces derniers siècles, plusieurs pays ont voulu contrôler
cette région dont la Chine, la Grande Bretagne et la Mongolie. Entre 1911 et les opérations
chinoises de 1949, le Tibet était un pays totalement indépendant. En 1950, la Chine déclare la
« Libération du Tibet », cela se traduit par une occupation du Tibet par l’armée populaire de
libération. Les forces chinoises déclarent vouloir « libérer le peuple tibétain de ses anciennes
traditions ». Le 10 mars 1959, une insurrection éclate au Tibet, le Dalaï-lama ainsi que
100 000 à 150 000 personnes s’exilent dans les pays voisins. Le gouvernement chinois a
fortement réprimé ces actions et plusieurs milliers de personnes auraient été tuées. Au total,
au cours du XXème siècle, entre 500 000 et 1,2 millions de tibétains seraient morts, les chiffres
varient selon les sources.
La superficie du Tibet varie suivant les considérations. Le « Tibet historique » également
appelé « Grand Tibet » s’étend sur 2,5 millions de km² d’après le gouvernement en exil dont le
Dalaï-lama est le chef. La région administrative occupe quant à elle seulement 1,22 millions de
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
km² d’après le découpage du gouvernement chinois. La capitale historique, qui concentre
l'autorité religieuse et temporelle du Tibet, est Lhassa.
Depuis plusieurs années des chinois « Han » ont immigré au Tibet pour y développer la
culture chinoise et l’économie. Ce phénomène s’est d’ailleurs accéléré depuis 2006 et la
construction du train le plus haut du monde, reliant Pékin à Lhassa en s’élevant à plus de
5 000 mètres d’altitude. Cependant cette coalition ne fonctionne pas, les chinois
bénéficieraient majoritairement des meilleurs postes, tant dans les administrations publiques
que dans les entreprises privées.
Cela provoque une situation difficile mais qui, depuis une vingtaine d’années, était assez
calme. Les choses se sont embrasées le 10 mars 2008 avec des affrontements entre l’armée
chinoise et des tibétains. Il est difficile de savoir ce qui se passe réellement au Tibet car,
comme le déclare l’AFP28 « S'il existe une région en Chine où les journalistes étrangers ne
peuvent pas travailler librement, c'est bien le Tibet. ». Le conflit sera difficile à régler d’après
Marie Holzmann, sinologue et spécialiste de la société chinoise contemporaine qui déclare29
« Nous sommes face à un dialogue de sourds. Depuis plus de vingt ans, le dalaï-lama répète
qu'il ne demande pas l'indépendance, mais l'autonomie. Et à chaque fois, les autorités
chinoises répondent : "Nous ne pouvons pas recevoir le dalaï-lama car il réclame
l'indépendance." C'est proprement surréaliste. Les Chinois font semblant de ne pas entendre
ce que dit le dalaï-lama. ». De nombreux pays et organisations du monde ont appelé la Chine
à de la « retenue30 » et seule la Russie semble soutenir31 le gouvernement Chinois dans cette
crise.
Personnellement je pense que la crise que traversent le Tibet et la Chine durant cette
année 2008 ne va rien changer au problème de la région de l’ouest. Cette zone est stratégique
pour la Chine car elle se situe dans une zone tampon avec l’Inde, ce qui lui permet d’avoir une
présence géopolitique importante dans cette région. De plus, le Tibet est une source
importante d’approvisionnement de certaines ressources naturelles, notamment d’eau. Je
pense que « l’Empire du milieu » refusera de faire des concessions sur ce sujet.
28
Le Tibet, « un cauchemar » de journalistes en mal d'informations, AFP,
http://afp.google.com/article/ALeqM5jLBgQtpPPT5JbU6mESUs3UmR55jw, 17 mars 2008.
29
Mathilde Gérard, Les Tibétains savent que c'est maintenant ou jamais qu'il faut se faire entendre, Le
Monde, 17 mars 2008.
30
Elizabeth Pineau, L'UE appelle la Chine à la retenue à propos du Tibet, Le Point, 14 mars 2008.
31
Guy Faulconbridge, version française Jean-Stéphane Brosse, Moscou soutient la Chine contre les
« actions illégales » au Tibet, Le Point, 17 mars 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
La position de la Chine dans le monde lui permettra d’éviter de réelles pressions
internationales. Le poids économique de ce pays est trop important pour que les pays
industrialisés réagissent vraiment. Je pense que, malheureusement, l’économie dictera
l’ensemble de la politique mondiale envers la Chine, quoi qu’il se passe au Tibet.
3. 4. 3. 5. 5 Une reprise du dialogue avec le Japon
Les relations politiques sino-japonaises ont été tendues pendant plusieurs décennies.
Elles ont néanmoins connu une amélioration depuis l’arrivée de Monsieur Abe comme Premier
Ministre du Japon. Le dialogue entre les gouvernements a été relancé ; cela a notamment
permis d’avancer sur le dossier nucléaire nord-coréen.
En parallèle, des discussions portant sur l’économie ont eu lieu en 2007 et l’intégration
économique des deux pays se poursuit.
3. 4. 3. 5. 6 Tensions autour du Tibet et des Jeux Olympiques
avec l’Europe
Après des périodes d’échanges difficiles -notamment suite aux événements de 1989 et
aux critiques à l’encontre de la RPC au sujet des droits de l’homme- les liens avec l’Union
Européenne (UE) se sont globalement améliorés ces dernières années. En 2004, l’UE élargie
est devenue le premier partenaire économique de la Chine et la Chine est le second
partenaire, derrière les USA, de l’UE. Les évènements du printemps 2008 ont cependant créé
de nouvelles tensions entre certains pays européens -tout particulièrement la France- et
l’Empire du Milieu. Les violences au Tibet et l’éventuel boycott de pays européens de la
cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ont créé de vifs échanges. Même si je pense que
cela n’affectera pas massivement les échanges économiques, ces nouvelles données ne sont
pas de très bon augure.
3. 4. 3. 5. 7 Une réconciliation avec la Russie
Un conflit datant des années 1960 a été résolu en 2004 avec l’accord de la Russie de
transférer l’île Yinlong et la moitié de l’île Haixaizi à la Chine. Cette opération a été menée dans
le but d’une réconciliation et d’un renforcement économique.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Des opérations militaires communes entre les Chinois et les Russes tendent à faire
croire à un réel rapprochement des deux pays. Il y a également eu des convergences
d’opinions sur des grandes questions internationales comme l’Iran.
D’importants contrats entre ces pays existent au niveau de partenariats économiques,
notamment pour les équipements militaires.
3. 4. 3. 5. 8 Une certaines concurrence avec les Etats-Unis
Le rapprochement, débuté après les attentats du 11 septembre 2001, entre les
Etats-Unis et la Chine continue de progresser. On peut notamment évoquer la poursuite d’une
intégration économique entre les deux pays.
Malgré tout, la rivalité stratégique entre eux persiste. Il y a notamment d’importants
désaccords dans les domaines économique et commercial, militaire et sur la question des
droits de l’homme. Au sujet du domaine économique, David Barroux déclare32 « L'Amérique
va dégainer (…) les élus du Congrès devraient passer des paroles aux actes et commencer à
mettre leurs menaces anti-chinoises à exécution. Au total, ce sont ainsi plus d'une vingtaine de
projets de loi visant à punir un pays accusé de manipuler sa devise, d'apporter des aides
illégales à ses industriels, de piller sans vergogne les droits de propriété intellectuelle et de
bloquer partiellement l'accès à son marché qui seront discutés dans les allées du pouvoir de la
capitale fédérale. ».
Début mars 2008 des échanges diplomatiques difficiles ont eu lieu entre les deux pays,
prouvant si cela était nécessaire que les relations restent tendues. Un communiqué33 indique
« Le rapport propage la théorie de la menace militaire chinoise, déforme gravement la vérité,
interfère avec les affaires internes à la Chine et viole les normes des relations internationales,
a déclaré Qin Gang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. (…) Le rapport
du Pentagone, publié lundi, dit que les nombreuses intrusions l'année dernière dans les
réseaux informatiques à travers le monde, certains appartenant au gouvernement américain,
semblaient avoir leurs origines en Chine. »
32
David Barroux, L’Amérique anti-chinoise se trompe de cible, Les Echos, 05 juin 2007.
33
La Chine s'oppose fermement au rapport militaire américain, French Xinhuanet Presse,
http://www.french.xinhuanet.com/french/2008-03/05/content_590184.htm, 04 mars 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 4. 3. 5. 9 Interdictions de séjour
Dernier point relatif aux affaires étrangères de la Chine, certaines personnalités ne
peuvent se rendre en Chine. C’est notamment le cas de Tenzin Gyatso, le Dalaï-lama, et de Li
Hongzhi -fondateur du mouvement spirituel Falun gong qui est considéré par les autorités
chinoises comme une secte. La censure culturelle a également fermé définitivement les portes
de la Chine à Brad Pitt et David Thewlis pour leurs rôles dans le film Sept ans au Tibet et pour
avoir rencontré le Dalaï-lama34.
3. 4. 3. 6 La Chine, une puissance nucléaire
La RPC dispose de l’arme nucléaire et de son matériel de propulsion. Depuis 1994, un
travail a également été réalisé sur la modernisation de son équipement et de son organisation
militaire. Cependant, la Chine est considérée comme ayant des capacités limitées dans le cas
d'un conflit en-dehors de ses frontières. La question militaire est l’un des points empêchant
d’établir la Chine comme « superpuissance mondiale ».
La politique de défense chinoise est officiellement défensive, c'est-à-dire un contrôle des
frontières terrestres, le maintien de l’ordre et de la cohésion sociale. Il y a cependant des
capacités offensives tournées vers Taiwan. « La Chine adopte une politique de défense
nationale à caractère défensif. La Chine ne prétend aucunement à l'hégémonie ; tel est
l'engagement fait par le peuple chinois devant le monde. La Chine dispose d'une petite
quantité d'armes nucléaires, pour son autodéfense. Elle s'engage à ne pas être la première à
utiliser l'arme nucléaire, à ne pas l'utiliser, ou menacer de l'utiliser contre les pays qui ne
détiennent pas d'armes nucléaires. »35
Le budget militaire chinois est de 35 milliards de dollars US pour 2007. D’après le
gouvernement français36 ce montant est « manifestement sous-estimé (…). Les estimations
les plus couramment avancées s’échelonnent entre 50 et 70 Mds USD (par comparaison, le
budget de la défense américain est de l’ordre de 400 Mds USD). »
34
Biographie Brad Pitt, Canal Play, http:/www.canalplay.com/realisateur-acteur/brad-pitt,297,310,749.aspx
35
Armée Populaire de Libération, Wikipedia,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_Populaire_de_Lib%C3%A9ration, 2008.
36
Présentation de la Chine, France diplomatie,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/chine_567/presentation-chine_950/index.html, 25 juin 2007.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 5 Les chinois
Comme nous l’avons vu précédemment, les chinois sont très nombreux et représentent
plus de 20% de la population mondiale. Je vais maintenant essayer de vous présenter la
société chinoise.
3. 5. 1 Les critères de Geert Hofstede
Pour commencer cette présentation des chinois, je vais tout d’abord nous appuyer sur
les cinq critères de Geert Hofstede, un philosophe Hollandais né en 1928.
Résultats des critères de Geert Hofstede pour la Chine
Source : www.geert-hofstede.com
3. 5. 1. 1 Conception du pouvoir et distances hiérarchiques
Ce critère permet de mesurer la manière dont les inégalités (physiques, intellectuelles,
de richesse et de pouvoir) sont perçues et traitées. Les paramètres de degré d’acceptation de
l’autorité et de distance avec celle-ci sont également pris en compte.
Le niveau de ce critère est très élevé pour la Chine. La moyenne des pays asiatiques se
situe à 60 ; la Chine s’élève à 80.
Cela signifie que la société chinoise est caractérisée par d’importantes inégalités de
pouvoir et de richesses mais celles-ci sont parfaitement acceptées par les individus.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Enfin, les résultats de cette étude me permettent de dire que l’individu qui représente
l’autorité est très respecté. C'est en continuité logique de ce que j’ai exposé plus haut avec les
valeurs du confucianisme.
3. 5. 1. 2 Individualisme contre collectivisme
Ce critère permet de mesurer le degré d’intégration d’une personne dans un groupe,
dans sa famille ou, d’une manière générale, dans une communauté. Il indique également le
degré d’« implication morale » dans l’appartenance à une organisation suivant le fait que la
société soit collectiviste ou individualiste. Plus la société est collectiviste, plus l’individu
percevra un devoir moral envers le groupe.
Le degré de collectivisme est particulièrement important en Chine puisque le niveau
d’individualisme est très faible (20). La société chinoise est marquée d’une forte loyauté
envers le groupe. C'est particulièrement le cas au sein de l’environnement familial ; cela met
en avant l’importance de la famille et des relations avec les membres de celle-ci. La prise de
décision est concertée et l’autonomie des individus est faible.
Le passé chinois, fortement marqué par le communisme, explique en partie ce haut
degré de collectivisme. Celui-ci signifie également que tous les individus sont responsables de
chaque membre de la communauté.
3. 5. 1. 3 Degré de masculinité contre féminité
Ce critère, à l’intitulé qui peut surprendre, se réfère à la distribution des rôles entre les
hommes et les femmes. Il permet de mettre en avant des différences de valeurs suivant une
orientation masculine ou féminine de la société étudiée. Dans ses études, Geert Hofstede
considère les sociétés qui cherchent à rendre important la division des rôles, la réalisation de
choses visibles et les gains financiers comme masculine. A l’inverse, dans les sociétés
féminines on apprécie les attitudes modestes, la qualité de vie et l’aide à autrui.
Comme le montre le schéma de la page précédente, la société chinoise est légèrement
plus masculine puisqu’elle se situe à 55 sur l’échelle. Dans les pays asiatiques, seul le Japon
possède un taux de masculinité plus élevé.
Cela s’explique par la politique de l’enfant unique que j’ai évoqué plus haut. Celle-ci a
conduit les chinois à une énorme discrimination envers les filles. Elles étaient souvent
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
indésirées : pour raisons traditionnelles et économiques il était préférable d’avoir un garçon à
une fille.
Il en découle une société assez « machiste » qui connaît de fortes disparités dans les
rôles entre hommes et femmes, en particulier pour les postes à responsabilité et de pouvoir qui
restent dévolus aux hommes. Le rôle des femmes en Chine, qui est très limité, tend à prendre
plus d’importance dans les villes et les régions plus développées ; leur statut est surtout
inférieur dans les campagnes.
Au niveau des comportements humains quotidiens, je n’ai pas remarqué ce
« machisme ». Peut-être que le fait de ne pas comprendre la langue m’a empêché de m’en
rendre compte, mais les comportements apparents des hommes ne l’étaient pas.
3. 5. 1. 4 Le contrôle de l’incertitude
Les différentes cultures ne se préoccupent pas toutes de la même manière de mettre en
oeuvre des moyens susceptibles de répondre aux incertitudes que l’avenir engendre. Ce
critère permet de représenter le degré de tolérance d’une société par rapport à l’incertitude et
à l’ambiguïté. Il mesure également le sentiment de confort ou d’inconfort face à des situations
non structurées et non encadrées.
La société chinoise fait preuve d’un fort degré d’acceptation de l’incertitude. Les chinois
ne cherchent pas à avoir un contrôle sur l’avenir, ils n’ont pas peur des situations imprévues et
ne ressentent pas le besoin d’établir des règles strictes pour palier l’incertitude ou l’ambiguïté.
C’est également caractéristique d’une société plus tolérante aux opinions et aux manières
différentes de faire les choses.
3. 5. 1. 5 Le degré d’orientation à long terme
Ce dernier critère d’étude met en avant le degré de persévérance d’une société ainsi que
ses perspectives par rapport au temps.
Le très haut score de la société chinoise sur cet indice signifie que la persévérance et
l’économie sont des valeurs fondamentales en Chine. Cela s’explique une nouvelle fois par les
enseignements du confucianisme qui met l’accent sur ces deux points.
Enfin, la culture chinoise est neutre sur le plan affectif. A l’inverse des latins les Chinois
n’expriment pas leurs sentiments. Ils vont notamment éviter les contacts physiques comme,
par exemple, l’accolade ou l’embrassade pour se saluer.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 5. 1. 6 Bilan
Cette étude de Geert Hofstede me permet de mettre en avant le fait que la culture
chinoise est très marquée par le respect et la loyauté. Les chinois favorisent l’intérêt du groupe
avant l’intérêt individuel et, surtout, ils sont un peuple extrêmement persévérant et redoutable
en commerce.
L'importance du respect et de la loyauté dans les cadres professionnels et de respect de
la propriété intellectuelle est cependant à nuancer. Je développerai ce point plus loin dans ce
document.
3. 5. 2 Le mode de vie des chinois
Le confucianisme tient une place prépondérante dans la vie quotidienne des chinois.
Nombre de leurs habitudes et caractéristiques viennent de ce courant de pensée que nous
avons abordé à plusieurs reprises. Le mode de vie des chinois n’y échappe pas et repose sur
quatre éléments fondamentaux venant du confucianisme :
•
la conformité avec le ciel,
•
l’harmonisation de tous les êtres,
•
l'identification avec la nature,
•
l'importance des relations humaines.
« Leur mode de vie se caractérise par leur aspiration à la sérénité, à la recherche des
charmes de la nature, de l'harmonie, de la simplicité et de la douceur. »37
Les chinois sont par ailleurs très accueillants, notamment avec les étrangers. J’ai
souvent été marqué par cette facette de leur personnalité. Il m’est arrivé à plusieurs reprises
de partager un repas avec des inconnus suite à une invitation de leur part et cela sans la
moindre arrière-pensée ; ils refusaient toujours l’argent que je souhaitais leur donner.
Les chinois sont également francs et très ouverts. Ils posent facilement des questions
sur ce que l’on qualifie en Europe de vie privée. Que ce soit par rapport aux revenus,
dépenses, situation maritale, âge, etc., ils n’hésitent pas à entamer la conversation en
abordant tous types de sujets. Ce n’est pas de la curiosité, mais une simple envie de partager
de bons moments et de témoigner de l’intérêt à leurs interlocuteurs. Même s’il est bien sûr
37
Quel est le mode de vie des Chinois ? Chine Informations,
http://www.chine-informations.com/guide/quel-est-le-mode-de-vie-des-chinois_1686.html
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
possible de dire que cela ne se fait pas dans votre pays -en accompagnant la parole d’un
grand sourire- le fait de discuter librement les satisfait car ils pensent qu’il ne faut pas être
réservé avec ses amis. Je me rappelle d’un repas pris dans un tout petit restaurant en
compagnie de routiers. Ceux-ci me demandaient régulièrement, à l’aide d’un guide de
conversation, si on était bien amis car c'était très important pour eux !
Les chinois jouissent d’une joie de vivre communicative. Ils ne manquent jamais une
occasion de se divertir et paraissent heureux et sans soucis en savourant les divers aspects
de la vie. Ils apprécient de discuter de choses et d'autres, échanger avec les autres et enrichir
leurs connaissances.
Enfin, les chinois accordent de l’importance aux fêtes traditionnelles, notamment au
nouvel an chinois qui s’avère être la plus grande fête de l’année. C’est aussi l’occasion pour
les immigrants de rentrer chez eux et de retrouver leurs proches.
3. 5. 3 Schémas mentaux
3. 5. 3. 1 Du macro au micro
La manière de penser des chinois est différente de celle que nous avons en occident.
Lorsqu’ils abordent un sujet, les chinois pensent d’abord à l’environnement le plus large, le
macro, pour aller vers le plus petit, le micro. Ils partent des généralités pour finir avec ce qui est
particulier, avec les détails. Le meilleur exemple en est la manière dont ils écrivent les
adresses. Ils commencent toujours par le macro : le pays puis la province et la ville. Puis leur
échelle descend vers le micro : l’arrondissement, la rue, le numéro, le nom de la société et
enfin le nom du destinataire.
Ordre des priorités
Chinois
Macro
Micro
Occidentaux
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
3. 5. 3. 2 Une vision cyclique des choses
Le sinologue Bruno Marion déclare38 « La vision occidentale du temps est linéaire. Nous
représentons le temps par une flèche. La vision asiatiques du temps est circulaire, cyclique :
après le printemps, l’été, après l’été, l’automne, après l’automne, l’hiver, etc. ». Au delà du
temps qui est cyclique, j’ai l’impression que pour les chinois tout est affaire de cycle. Pour
chaque action, ils savent que cela va revenir dans un cycle variable. De fait, rien n’est définitif
et tout est provisoire. Les graphiques ci-dessous représentent cette différence d’approche :
Données espace / temps chinois
Que désigne
Un évènement
Qui désigne
Une
graphie
Qui nomme
Que nomme
Que nomme
Un signifiant
Qui nomme
Source : Emmanuel Escalle, acupuncture-medic.com
Données espace / temps occidentaux
Une
graphie
Qui écrit
Un signifiant
Qui nomme
Un évènement
38
Bruno Marion, Asie – Occident : des indices pour comprendre un monde fractal, Asie - Occident, vers
l’émergence d’une nouvelle conscience fractale ?,
http://brunomarion.blogspot.com/2007/02/asie-occident-des-indices-pour.html, 04 février 2007.
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3. 5. 4 Une modestie à toute épreuve
Lorsque l’on reçoit un compliment, nous avons, en occident, pour habitude de remercier
notre interlocuteur. Les chinois réagissent bien différemment et, surtout, évitent de dire
« merci » dans une pareille situation. Le faire serait alors pris comme un manque de modestie
et ce serait mal vu.
3. 5. 5 L’importance des relations : le guanxi
Les réseaux sont utiles et nécessaires dans tous les pays du monde, mais cela prend
une autre dimension en Chine. Un extrait du Figaro de septembre 1997 39 donnait cette
définition : « Les « guanxi », mot à mot le « système verrouillé ». En effet les « relations ». Des
relations « personnelles et amicales », sans lesquelles rien n'est possible en Chine. Qu'il
s'agisse de l'administration, des clients, des fournisseurs, elles sont indispensables. Elles
prennent du temps à établir et supposent une attention de tous les jours. Elles permettent
surtout de naviguer sans obstacles dans les méandres d'un système administratif
extraordinairement complexe. ».
Alors, est-on vraiment complètement bloqué sans Guanxi ? Il y a autant de réponses et
de manières d’appréhender ce point que de « spécialistes de la Chine ». A titre personnel je
pense qu’il y a plusieurs niveaux. Le Guanxi n’est pas indispensable pour les personnes peu
qualifiées. Il doit aider, c’est une évidence, mais il est possible de réussir sans que le sien soit
développé. Je pense, par contre, que la situation est très différente pour les individus qualifiés
qui prétendent à des postes à responsabilités. J’ai par exemple un cas concret d’une femme,
chinoise, hautement qualifiée et ayant de l’expérience mais qui ne trouve pas d’emploi malgré
une recherche active de sa part et des possibilités dans ce secteur. La raison est simple : elle
est originaire d’une autre région et ne possède pas de guanxi là où elle se trouve. De facto, les
portes se ferment automatiquement. D’après des échanges avec des chinois, ce cas est loin
d’être isolé. Il en est de même pour bon nombre de services administratifs : avoir du guanxi
aide et permet d’avancer plus rapidement…et ne pas en posséder peut s’avérer totalement
bloquant. Dans les concours de l’administration, le guanxi représenterait plus de 60% de
l’évaluation ; c’est-à-dire qu’une personne brillante sans guanxi a peu de chances d’obtenir un
bon poste, c’est absurde. Le guanxi peut également permettre de débloquer des situations qui
semblent désespérées.
39
Gilbert Van Kerckhove, Partenariat - Relations et GUANXI en Chine, Shanghai Silver Magnolia Award,
http://www.strategy4china.com/guanxifrench.html, 1999.
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Les risques d’une telle importance du guanxi sont liés aux lobbies et à la corruption. Je
ne suis cependant pas en mesure de m’exprimer sur le sujet.
3. 6 Les méthodes de travail et les règles de conduite
Dans cette partie destinée aux comportements des chinois dans un cadre professionnel,
nous retrouvons bien évidemment de nombreux points développés plus haut. Les résultats de
l’étude suivant les critères de Geert Hofstede, que je vous ai présentés se retrouvent dans de
nombreuses attitudes au travail.
Avant d’évoquer les comportements au travail, il me faut indiquer que le salaire annuel
moyen en ville40 -qui a progressé de 18,7% en 2007- est de 24 932 yuans (2 275 euros). Il
existe d’importantes disparités « puisqu'il est de 39 867 yuans à Pékin et de plus de 40 000
yuans à Canton, Shenzhen et Shanghai » nous indique l’article du journal Le Monde. Cette
inégalité se retrouve au niveau de l’épargne lorsqu’on sait que « Les 300 000 chinois les plus à
l’aise détiennent entre eux 400 milliards de dollars sous le soleil – 40% de l’épargne
privée41 ! » nous indique Eric Meyer. Le salaire minimum quant à lui est de 960 yuans à
Shanghai alors que la moyenne nationale est de 640 yuans42 avec des rapports de un à
quatre.
3. 6. 1 Une prise d’initiative difficile
Je l’ai mentionné à de nombreuses reprises, le confucianisme explique de nombreuses
facettes des comportements chinois ; c’est également par ce courant philosophique que
s’explique leur conformisme. Celui-ci n’incite pas à la prise de décision personnelle. En
d’autres termes, les chinois ne font pas preuve d’une grande capacité d’initiative.
40
Brice Pedroletti, En 2007, les salaires chinois ont augmenté en moyenne de 18,7 %, Le Monde, 04 avril
41
Eric Meyer, Bon chat chinois prend la souris, P85, Editions Seuil, février 2008.
2008.
42
David Houstin, Les salaires en Chine, Chine Informations,
http://www.chine-informations.com/guide/les-salaires-en-chine_1834.html.
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3. 6. 2 L’importance de la hiérarchie
J’avais relevé ce point suivant l’étude de Geert Hofstede, la hiérarchie tient une place
très importante dans les relations humaines des chinois.
Il se retrouve complètement dans le cadre professionnel avec un grand respect des
supérieurs hiérarchiques. En caricaturant les situations, je pourrais dire que pour un chinois
« tout ce qui vient d’une personne hiérarchiquement supérieur est bien ». Mais, et c'est
contradictoire, ce n’est pas pour ça que la demande sera prise en compte !
Ce respect hiérarchique entraîne également un blocage des retours d’informations
depuis la base. Même si les conditions de travail sont difficiles à cause d’une erreur d’une
personne hiérarchiquement mieux placée, le chinois gardera cela pour lui et n’ira pas se
plaindre. Si, par exemple, des pièces sont manquantes sur une chaîne de production et que
cela entraîne des complications, l’opérateur n’ira pas « se plaindre », il agira pour faire de son
mieux avec la situation vécue, même si le problème est récurant.
3. 6. 3 L’efficacité du travail en équipe
L’idée de collectivisme est fortement mise en avant dans la culture chinoise. Ils ont
d’ailleurs le taux le plus élevé de collectivisme en Asie, d’après Geert Hofstede. C’est donc
logiquement que les chinois travaillent davantage en équipe qu’individuellement. C’est avec ce
fonctionnement qu’ils sont les plus efficaces et qu’ils avancent le plus.
3. 6. 4 Chaque chose en son temps
Les chinois n’aiment pas mener plusieurs sujets de fronts. Ils préfèrent traiter les
dossiers les uns après les autres, en ne débutant le suivant qu’une fois le dossier en cours
terminé.
Je me souviens d’un entretien avec un collègue, peu après mon arrivée dans mon
entreprise de stage. J’avais préparé plusieurs points que je souhaitais aborder lors de la
réunion ; ceux-ci traitaient de différents sujets. Apres avoir discuté de deux ou trois sujets
différents et en voyant que je n’avais pas fini, mon interlocuteur s’est mis à rire pour cacher son
malaise en me disant « il y a trop de sujets en même temps, on verra la suite quand tout le
reste sera terminé ! ».
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3. 6. 5 L’importance des rituels
Du fait d’une vision différente du temps -cyclique et non linéaire- les chinois ne se fixent
pas des objectifs comme le font les occidentaux ; les leurs sont adaptés à leur vision des
choses.
C’est probablement pour cela que les rituels ont une telle importance à leurs yeux : les
choses reviennent sans cesse donc il est important de les effectuer suivant les règles.
Ces rituels se retrouvent à de nombreuses occasions dans la vie des chinois : au travail,
à table, pour les cérémonies religieuses (mariage, etc.) et les enterrements, en politique, pour
les fêtes (nouvel an), etc.
3. 7 Des ouvrages incontournables
3. 7. 1 Le « Petit Livre Rouge », Mao Zedong
Son vrai nom est « Citations du président Mao Tsé Toung » (ou Mao Zedong) mais
l’ouvrage est communément appelé « Petit livre rouge » en occident, du fait de son édition en
format de poche -qui fut spécialement imprimée et diffusée pour en faciliter l’usage- et de la
couleur de sa couverture (le rouge symbolise le bonheur en Chine). Ce livre, publié par le
gouvernement de la République populaire de Chine à partir de 1966 et distribué gratuitement
jusqu’en 1978, est le second ouvrage le plus imprimé au monde43 avec environ 1 milliard
d’exemplaires.
Ce document est un recueil de citations extraites d'anciens discours et écrits de Mao
Zedong. A l’époque, chaque individu de cet immense pays qu’était déjà la Chine (1 milliard
d’habitants vers 1970) devait posséder, lire et avoir constamment sur lui ce livre.
Durant la Révolution Culturelle, les Gardes Rouges effectuaient des contrôles et chaque
citoyen qui n’était pas en mesure de présenter le livre et de le réciter risquait des peines allant
de la punition corporelle immédiate aux travaux forcés pendant plusieurs années. A la même
période, le livre était non seulement étudié dans les écoles mais il devait également l’être sur
les lieux de travail, les organisations aménageaient des formations en groupe pour le
personnel. Toutes les publications écrites, même scientifiques, devaient citer Mao.
43
La manne du « Petit livre rouge », Libération, 07 septembre 2006.
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Le Petit livre rouge organise les citations de Mao en 33 chapitres à aborder sous un
angle idéologique marqué par le communisme. Cet ouvrage est un « fourre-tout » à
destination du bon peuple avec des passages peu cohérents comme, par exemple, dans le
chapitre XXVII où l’on peut lire « Le Parti communiste ne craint pas la critique, car nous
sommes des marxistes, la vérité est de notre côté, et les masses fondamentales -les ouvriers
et les paysans- sont de notre côté. ». Les détenteurs de la « vérité politique » sont rarement
des défenseurs de la critique et du pluralisme… On peut encore lire, dans le chapitre V sur la
guerre et la paix « Nous sommes pour l'abolition des guerres ; la guerre, nous ne la voulons
pas. Mais on ne peut abolir la guerre que par la guerre. Pour qu'il n'y ait plus de fusils, il faut
prendre le fusil. ».
Durant les années Mao, le Petit livre rouge était « le symbole graphique le plus visible en
Chine, plus omniprésent encore que les portraits du Président lui-même. Sur les images, les
affiches, les panneaux réalisés par les artistes chargés de la propagande, presque chaque
personnage, à l'exception de Mao, apparaissait souriant, animé d'une détermination sans
faille, et tenant à la main le Petit Livre rouge44. »
Affiche de propagande du Petit livre rouge
Source : jean-chris.over-blog.com
44
Petit livre rouge, Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Petit_livre_rouge, 2008.
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L’importance du Petit livre rouge a fortement décrût à partir de 1976 -fin de la révolution
culturelle- et de 1978 avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping. Aujourd’hui, cet ouvrage
n'est plus considéré que comme le souvenir d'une époque révolue.
3. 7. 2 L’Art de la Guerre, Sun Tzu
L’art de la guerre a été écrit vers le Vème siècle avant J.-C. par Sun Tzu. Il s’agit du
premier traité de stratégie militaire du monde. Le document contient des thèses originales qui
s'inspirent de la philosophie chinoise ancienne. Les guerres d’Indochine ou du Vietnam,
conflits que l’on peut considérer comme « guerres psychologiques » ont par exemple utilisé
les principes exposés dans le livre de Sun Tzu.
Le principe de base de l’ouvrage est de dire que le résultat d’une guerre ne se fait ni par
hasard ni par l'intervention des dieux ou des esprits. Gagner ou perdre un conflit armé est une
question de stratégie et de méthodes, les « bons principes » stratégiques conduisant à la
victoire, il est important de les étudier.
Le livre contient deux concepts de base :
•
Le premier concept consiste à prendre les possessions de l'adversaire en
entier et les conserver, si possible, intactes, en particulier les civils. Cela est
justifié par le fait qu’à l’époque, le vainqueur récupérait les sujets vaincus donc
les ennemis d'aujourd'hui sont les sujets de demain. Tout est relié et la guerre
faite à autrui doit avoir un effet (appauvrissement, morts) sur le pays au
moment ou elle est faite mais aussi par la suite sur le monde qui l'entoure
(destructions, rancunes, déstabilisation).
•
Le second concept valorise l'engagement de forces anodines pour faciliter la
victoire. Ce déploiement repose sur « la préparation, le travail, la bonne
connaissance du terrain et des forces en présence (par l'espionnage), et
l'adaptation aux circonstances45. ».
L’Art de la guerre donne également cinq éléments à prendre en compte dans
l'élaboration d'une stratégie. Celle-ci peut être guerrière mais également économique ou
politique.
45
L’art de la guerre, Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Art_de_la_guerre.
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•
La cause morale, le « Tao ». Il adresse la moralité et la vertu d'une bataille.
•
Les conditions temporelles qui se manifestent par l'été, l'hiver et l'alternance
des quatre saisons. Il est intéressant de noter qu’on retrouve le côté
« cyclique » du temps que j’ai eu l’occasion de vous présenter plus haut.
•
Les conditions géographiques. La terre comprend la proximité et l’éloignement,
le danger et l'aisé, les terrains ouverts et les passages étroits.
•
Le dirigeant doit être sage, honnête, bienveillant, courageux et strict.
•
L'organisation et la discipline. La délégation de l'autorité et les zones de
responsabilité au sein d'une organisation doivent être parfaitement compris.
Cet ouvrage est particulièrement intéressant car bien qu’il ait été écrit pour le domaine
militaire, les principes qui y sont exposés peuvent s’appliquer à celui de la politique, des
affaires, de la société mais également des entreprises. Des cadres de certaines grandes
entreprises ont par exemple l’obligation d’étudier cet ouvrage46. Par son traité militaire, Sun
Tsu donne un avantage prépondérant sur ses adversaires à celui qui le lit, que ce soit dans la
vie économique, pour un conflit familial, un divorce, un conflit amoureux, un différend avec un
voisin ou encore un procès avec son assurance.
Malgré ses 2 500 ans, L’Art de la Guerre de Sun Tzu contient des éléments
psychologiques et moraux qui sont actuellement toujours d’actualité. Il est d’ailleurs
intéressant de noter que certaines écoles militaires occidentales utilisent ce livre.
46
L'art de la guerre - Sun Tzu : Le Plus Vieux Traité Militaire du Monde, L’art de la Guerre,
http://l-art-de-la-guerre-sun-tzu.ebooksphere.net.
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4 - Les principales différences entre les cultures chinoises
et occidentales
Les présentations de la culture chinoise et des chinois que j’ai réalisées plus haut
permettent déjà de faire ressortir de nombreuses différences avec la culture occidentale. Je
vais dans cette partie ajouter quelques différences qui me semblent importantes à connaître.
Pour cela, je m’appuie sur la culture française pour présenter la culture occidentale. Bien que
la culture française ne soit pas parfaitement représentative de la culture occidentale dans son
ensemble, c'est une base de comparaison suffisante à notre échelle.
4. 1 La principale différence : la « religion »
J’ai, à de nombreuses reprises, évoqué l’importance du confucianisme dans le
comportement des chinois ; c’est la raison pour laquelle j’ai présenté ce courant de pensée
dans la partie précédente.
A l’inverse, les occidentaux sont principalement marqués par la culture judéo-chrétienne
et, dans une moindre mesure, par l’islam, ceci indépendamment de notre propre religion et
même si nous sommes athées.
De fait, tout ce qui doit son origine à l’un de ses deux principaux courants de pensée
n’existera sans doute pas dans l’autre culture ; et les références y sont nombreuses !
4. 2 Qu’en pense Geert Hofstede ?
Après m’être appuyé sur les critères de Geert Hofstede pour présenter la culture
chinoise, je vais reprendre quatre de ses paramètres pour comparer les sociétés chinoises et
françaises.
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Résultat des critères de Geert Hofstede pour la Chine
Source : www.geert-hofstede.com/
Résultat des critères de Geert Hofstede pour la France
Source : www.geert-hofstede.com/
Le critère le plus significatif pour illustrer les différences culturelles est le niveau
d’individualisme. J’ai indiqué que la Chine possédait un chiffre très bas (20) indiquant un grand
collectivisme, celui-ci provenant de la culture communiste du pays. La situation française est
pratiquement opposée avec un individualisme s’élevant à 71. Cela marque une différence
notoire, qu’il est important de prendre en compte pour manager les hommes.
La seconde différence majeure entre les deux sociétés se situe au niveau du contrôle de
l’incertitude. Alors que la Chine présente un fort degré d’acceptation de l’incertitude, la société
française y est très sensible, les chinois ressentent moins le besoin d’établir des règles strictes
pour contrôler cette incertitude ou l’ambiguïté. Par rapport à la France, la société chinoise est
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plus tolérante concernant les opinions et manières de faire différentes. Ce critère peut être mis
en évidence par la « peur du futur » caractérisée dans les comportements français, sentiment
que l’on ne retrouve pas en Chine (au regard de l’histoire et des situations économiques des
pays, l’inverse aurait été plus logique…).
Les deux autres critères montrent des écarts moins importants. Je relève environ 15
points d’écart sur celui de masculinité. La Chine est loin d’établir une parité homme/femme,
chose qui est chère aux français. Nous pouvons d’ailleurs constater qu’il y a en France des
femmes politiques de première importance, ce qui n’est pas le cas en Chine.
Enfin, il est à noter que le critère de conception du pouvoir et de la distance hiérarchique
est légèrement plus élevé (12 points) en Chine qu’en France. Cela signifie que la tendance est
identique dans les deux pays. Ces sociétés sont caractérisées par un niveau élevé d’inégalités
de pouvoir et de richesse et celles-ci sont acceptées par les individus. Apres plus de deux
mois ici, j’ai pourtant l’impression que, bien que les inégalités soient plus fortes en Chine, la
société française les accepte moins. Ce phénomène est peut être dû à l’esprit contestataire de
la société française (grèves, etc.).
4. 3 Des schémas mentaux opposés
Cette donnée est absolument capitale pour comprendre les raisons qui expliquent que
les chinois et les occidentaux réagissent si différemment à des situations similaires. Pour
présenter cette différence je vais reprendre l’excellente explication de Bruno Marion47.
« Essayons de comprendre notre schéma mental. Celui-ci vient de notre éducation. La
première chose que nous apprennent nos parents, c’est la loi, les règles : « Dis bonjour à la
dame », « Dis merci », « Tiens toi bien » etc. Et surtout la première règle entre toutes, à savoir
être propre !
Ensuite, lorsque nous grandissons, nos parents commencent à nous expliquer les
choses : « Ne mets pas tes mains sur la plaque chauffante, parce que tu pourrais te brûler. »
C’est l’âge des explications que l’on nomme l’âge de raison. Notre système éducatif occidental
est essentiellement basé sur la raison, l’explication, la démonstration, la logique.
47
Bruno Marion, Réussir avec les Asiatiques, Editions d’Organisation, avril 2006.
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Enfin, la vie nous apprend à mener nos relations. Ce n’est pas à l’école que l’on
enseigne comment trouver un ou une partenaire, éduquer ses enfants ou accompagner ses
parents en fin de vie…
Cet enchaînement crée notre schéma mental (mindset) et, lorsque nous sommes
exposés à une situation nouvelle, tout particulièrement dans des conditions d’urgence et de
stress, nous ferons d’abord appel à la loi (quelle règle dois-je appliquer pour me sortir de cette
situation difficile ?). Si nous avons plus de temps, nous allons analyser et essayer de
comprendre pour résoudre le problème. Enfin, très rarement, nous ferons appel à nos relations
pour régler un différent ou un problème.
Le schéma mental des asiatiques est à peu près inverse : la relation d’abord, la raison
ensuite et enfin seulement la loi. En effet, si vous relisez les sections sur le confucianisme et le
bouddhisme, vous verrez alors que la priorité de l’enseignement, c’est la relation : comment se
comporter vis-à-vis de telle ou telle personne (les parents, le maître, etc.). C’est aussi donner
la priorité au groupe et à ses relations internes ou externes plutôt qu’aux droits et devoirs de
l’individu. Il est intéressant de noter que le concept de logique est globalement intraduisible en
chinois ! (…)
Européens
Asiatiques
LOI (règles)
RAISON (logique)
RELATION
Source : Bruno Marion, Réussir avec les Asiatiques,
Cette explication et ce schéma permettent de mieux comprendre la différence de vision
des choses entre les chinois et les occidentaux. Les réactions faces à des problèmes
communs seront donc différentes.
4. 4 Des visions des choses différentes
4. 4. 1 Ca fonctionne donc c’est parfait
Outre des schémas mentaux « opposés », les chinois et les occidentaux ont des visions
des choses souvent bien différentes. D’une manière générale, pour les chinois, lorsque cela
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fonctionne ça suffit. A l’inverse, les occidentaux veulent que ça fonctionne et que ça soit joli,
pratique, etc. Je me souviens de la première fois où je suis allé faire des courses avec un
chinois. Au moment de choisir des assiettes, il m’a dit « ne cherche pas une « belle
décoration », ça n’existe pas, car ici on s’en fiche. On veut juste des assiettes pratiques ».
Cet état de fait entraîne des incompréhensions dans la vie quotidienne, notamment dans
un cadre professionnel. Un occidental me racontait un jour qu’il se trouvait avec un chinois
pour vérifier une vis qui, d’après lui, ne convenait pas. Le chinois a alors pris un tournevis et
vérifié que celle-ci était correctement serrée, après quoi il a déclaré « cette vis n’a pas de
problème » alors que pour l’occidental cette vis avait un problème car certes elle était serrée
mais elle était également rouillée… Cet élément -la rouille- était totalement accessoire aux
yeux du chinois. La vis était correctement serrée donc elle convenait, voila ce que pensait le
chinois. Autant pour l’occidental il était inconcevable d’envoyer le produit au client avec une vis
rouillée autant cela ne posait pas le moindre problème au chinois. Pour eux, la beauté d’un
élément importe peu, de même que son côté pratique. « Pourquoi faire un effort pour améliorer
la maniabilité d’un produit alors que l’utilisateur ne sera pas l’acheteur et que cet utilisateur n’a
pas son mot à dire ? ».
Toujours à partir de cet exemple, on peut définir un schéma suivant le principe de la
pyramide des besoins de Maslow.
Pyramide de Maslow
Besoins
d’accomplissement
Besoins d’estime
Besoins sociaux
Besoins de sécurité
Besoins psychologiques primaires
Dans le cas présent, le besoin de sûreté peut être associé au fait que la vis soit serrée
-ce qui suffit- le niveau suivant est que la vis soit serrée au couple puis, que la vis soit serrée au
couple et belle et enfin que la vis soit serrée au couple, belle et protégée.
Un autre exemple peut être la différence de point de vue par rapport aux rangements et
à la propreté. Un occidental souhaite quelque chose de correctement rangé, pour un chinois
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ce n’est pas grave s’il y a du désordre tant qu’il retrouve ce dont il a besoin quand ce besoin se
fait ressentir. De même, les chinois ne veulent pas jeter, même si cela ne servira jamais et
même si les produits concernés sont inutilisables (défauts, etc.). Pour eux, jeter serait
illogique, ce serait du gaspillage.
On le voit, les différences de points de vue sont importantes. C’est dû au fait que les
« filtres » individuels font percevoir les choses différemment suivant les humains. Les trois
filtres qui influencent nos perceptions sont :
•
le filtre neurologique. Créé génétiquement, il est différent à chaque espèce ; il
résulte des structures propres à notre cerveau,
•
le filtre socio-culturel. Propre à tous les membres d'un groupe culturel, il
englobe les mythes, valeurs et langage de chaque communauté et entraîne
une vision différente du monde suivant nos origines,
•
le filtre individuel. Unique, ce filtre évolue au fil du temps suivant l’éducation
reçue, l’influence des parents et l’ensemble des expériences personnelles
vécus.
De ce constat découlent des visions différentes de choses similaires.
L’influence des filtres sur les perceptions des humains
Source : vetopsy.fr
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Pour travailler avec les chinois, il faut tout d’abord se comprendre, parler le même
langage. C’est important car il sera très difficile d’avancer sans être sur la même longueur
d’onde, sans parler de la même chose. Ensuite, une fois cela acquis, il sera possible de faire
muter les chinois pour qu’ils comprennent ce que nous attendons d’eux, ce que les clients
occidentaux attendent des produits.
4. 4. 2 Une approche par les coûts
En Europe, nous faisons souvent de la sur-qualité. Nous sommes prêts à dépenser de
l’argent dans des solutions qui ne sont pas nécessaires et pas demandées par le client. Mais
nous le faisons quand même car « on ne sait jamais, cela peut servir ».
L’approche chinoise est différente et se base d’abord sur le coût. Ils déterminent
vaguement ce dont ils ont besoin puis recherchent ce qui existe et ensuite ils adaptent leurs
besoins aux standards existants pour éviter de faire du sur-mesure. Cela leur permet d’acheter
les produits les moins chers possibles sans pour autant faire de la sous qualité.
Je me souviens d’un échange entre un bureau d’études français et son partenaire
chinois. La partie française avait déterminé des dimensions très précises pour une pièce et les
chinois devaient effectuer des recherches pour l’acheter en Chine. Ces derniers sont revenus
vers les français en leur indiquant avoir trouvé un modèle standard du marché ayant des
dimensions très proches de celles demandées ; les chinois souhaitaient avoir la confirmation
qu'il convenait. Bien que ce produit réponde parfaitement répondu aux exigences techniques,
le bureau d’études français a refusé la pièce car elle n’avait pas les dimensions exactes ; ceci
malgré un coût très inférieur. L’étonnement des chinois était alors maximum et leur
incompréhension réelle : pourquoi des français viennent acheter en Chine pour diminuer les
coûts mais refusent un produit nettement moins cher pour la seule raison qu’il ne correspond
pas au dessin du bureau d’études (mais répond tout de même parfaitement aux besoins
d’utilisation) ?
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Une approche différente des achats
Occidentaux
Chinois
Détermination
précise du besoin
Vague détermination
du besoin
Recherche du produit
suivant le besoin
Recherche du
meilleur prix
Négociation du prix
Adaptation du besoin
D’une manière générale, les chinois vont toujours chercher à gagner sur les coûts. Ils ont
l’habitude de viser la qualité minimale acceptable et de voir si cela est « jouable ». Alors, bien
sûr, il arrive que cela ne suffise pas, il leur arrive de « perdre ». Dans ce cas, ils changent de
produit pour en augmenter la qualité.
4. 5 Une fois validé, tout va très vite
En Chine, il est possible de trouver que les choses n’avancent pas assez vite. Ce sera
par exemple le cas lorsqu’il faudra prendre des décisions. En revanche une fois que quelque
chose est validé, tout bouge et change à une vitesse fulgurante.
Je me souviens, avec amusement, d’un déménagement de mon bureau quelques
semaines après mon arrivée en entreprise. Suite à la validation de la réorganisation de
certains bureaux, 8 à 10 personnes venant des autres services sont arrivés simultanément et
ont commencé à déménager le bureau de mon collègue en déplacement ce jour là. Le temps
de finir ma phrase ou mon calcul et son bureau était déjà dehors !
C'est vrai à tous les niveaux. Alors que je cherchais avec un chinois une poste dans le
centre d’une ville, nous sommes arrivés dans une rue et il me dit avec étonnement « mais…il y
avait un grand bureau de poste juste ici il y a seulement 2 mois »… Nous avons finalement
retrouvé le bureau de poste en question, cent mètres plus loin dans des locaux flambant
neufs…
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4. 6 L’importance des relations
C’est quelque chose de marquant lorsque l’on travaille en Chine, les relations sont
absolument primordiales et j’ai déjà présenté l’importance du guanxi plus haut. Il faut bien
prendre conscience qu’en Chine, les relations comptent davantage que les règles de conduite.
Il faut bien intégrer cela car c’est un paramètre à prendre en compte en permanence.
Les occasions informelles -hors du cadre de l’entreprise- sont vitales pour mener à bien des
partenariats avec des chinois. C’est en effet ces moments là qui vont créer une harmonie
nécessaire pour envisager des échanges.
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5 - Les pré-requis à intégrer avant d’aller en Chine
5. 1 Aimer les challenges et avoir une grande ouverture
d’esprit
Tout projet de site à l’étranger demande des qualités humaines importantes, se tourner
vers la Chine exige en plus une ouverture d’esprit à la dimension du pays pour accepter les
différences culturelles qui sont, je l’ai évoqué plus haut, très importantes.
A mon sens, le fait d’aller travailler en Chine est avant tout un challenge, un « défi » pour
votre entreprise et pour vous-même. Vous serez en effet confronté à quelque chose de
nouveau, de différent de ce que vous avez rencontré jusqu'à maintenant. Réussir dans ce
nouveau contexte sera un challenge. Vous devez donc aimer cela, aimer la prise de risques et
vouloir vous dépasser.
Une grande ouverture d’esprit me semble également indispensable pour accepter les
nombreuses différences entre la Chine et l’occident. Vous devez être prêt à accepter d’autres
méthodes, schémas de pensées, modes de vie, etc. Il vous faut être curieux et avoir envie de
chercher et d’exploiter les différences avec les chinois ; la modestie doit également être l’une
de vos qualités.
5. 2 Accepter de mettre des moyens humains et financiers
Que ce soit pour conquérir un nouveau marché ou pour réaliser des économies, il sera
indispensable de commencer par une phase d’investissement. Ceux-ci seront humains -en
fournissant les ressources nécessaires- mais également financiers ; il faudra mettre « la main
à la poche » pour lancer votre activité en Chine.
En Chine plus qu’ailleurs, à cause de l’importante différence culturelle, il est important de
se donner les moyens de réussir et cela passe par un investissement humain et financier.
Nombre d’entreprises françaises lésinent sur ces moyens ; leurs projets traînent alors en
longueur et les résultats ne sont pas au niveau des attentes.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
5. 3 Vivre et travailler en Chine, ce n’est pas des vacances !
La Chine est un pays formidable, dynamique et dans lequel les choses vont vites. Il suffit
de voir le développement de certaines villes pour s’en rendre compte. Shenzhen est par
exemple passé du « village de pécheurs » à l’une des plus grosse et dynamique ville chinoise
en seulement quelques années. On peut également évoquer Shanghai qui évolue à vue d’œil.
L’un des intervenants de mon école comparait cette ville avec « New York des années 1970 »,
ville où l’on peut avoir l’impression d’être « au centre du monde » tellement il se passe de
choses et que cela va vite. Il est passionnant d’évoluer dans ce contexte et de voir « le monde
se transformer » autour de soit. L’Empire du Milieu est unique de par sa taille et sa croissance
au cours des 30 dernières années.
Bien que disposant de nombreux avantages -pouvoir d’achat important, avantages en
tous genres comme logement et/ou chauffeur, etc.- vivre en Chine n’est, je pense, pas donné
à tout le monde.
Tout d’abord, la différence culturelle nécessite une forte capacité d’adaptation. Les
relations humaines, les règles de conduite et l’ensemble de l’environnement chinois changent
de ceux rencontrés en France. Pour vivre en Chine il faut également pouvoir s’habituer à une
nourriture différente, aux fameux « crachats », aux bruits, aux fortes odeurs et, d’une manière
générale, à des règles d’hygiène différentes. Derrière l’image d’une « culture multimillénaire »
vantée par les brochures des agences de voyage, le quotidien n’est pas aussi facile que
certaines images peuvent le faire croire.
De la même manière, travailler en Chine exige des qualités particulières. Maîtrise de soi,
tolérance, patience, ouverture d’esprit, pédagogie sont quelque traits de personnalité qui
doivent accompagner les expatriés occidentaux en Chine. Cette formidable expérience qu’est
d’exercer une activité professionnelle dans l’Empire du Milieu doit découler d’une réelle
volonté de se tourner vers cette culture.
Il est donc important de prendre en compte ces quelques points. Vivre et travailler en
Chine n’est pas à la portée de tous et il vous faudra trouver des ressources humaines
acceptant de s’expatrier.
5. 4 Lourdeurs et difficultés administratives
Le dernier point des pré-requis à intégrer avant d’aller en Chine -et pas des moindresest la lourdeur d’un système bureaucratique complexe. Directement issu du modèle
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
communiste, qui exige un fort contrôle de toutes les activités, le système administratif chinois
comporte de nombreuses branches dans lesquels il est souvent difficile de s’y retrouver. De
fait, les opérations administratives sont longues et complexes avec un chemin parsemé
d’embûches.
Pour investir en Chine, une entreprise étrangère doit faire l’objet d’une autorisation
administrative. Suivant la taille et le type d’investissement, l’accord doit provenir soit du
Ministère du Commerce soit d’une antenne locale. Dans tous les cas les opérations seront
longues et complexes et la possession d’un guanxi puissant facilitera fortement les
démarches.
Cet environnement bureaucratique peut également compliquer l’obtention de
certifications, licences, autorisations et approbations. Dans de nombreux cas, les entreprises
doivent transmettre des documents à des personnes et à des administrations non liées par un
accord de confidentialité ; les risques liés à la propriété intellectuelle sont alors réels. A
l’inverse, il peut être difficile d’obtenir des informations financières ou juridiques ; leur
transmission n’est pas toujours transparente.
Il est donc important de prendre en compte le fait que les démarches administratives en
Chine sont longues et complexes avec un fonctionnement qui peut manquer de transparence
et de clarté. L’importance du guanxi tel que je vous l’ai présenté plus haut prend alors tout son
sens ; la composition de celui-ci pourra faire accélérer les choses…ou au contraire les freiner
si le vôtre n’est pas assez développé.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
6 - Les axes de travail pour réussir en Chine
Comme je vous l’ai présenté plus haut avec l’exemple de MHMH, les problématiques
des entreprises étrangères implantées en Chine ont un point commun : l’environnement
chinois. Après vous l’avoir présenté dans les parties 3 et 4 de ce présent document, je vais
maintenant vous exposer des axes de travail pour ne plus subir les différences culturelles.
Pour se faire, je vais reprendre les « quatre piliers fondamentaux » de l’entreprise -le
personnel, les fournisseurs, les clients et les actionnaires- et proposer des solutions pour
chacun d’eux.
6. 1 Fidéliser le personnel
Il s’agit probablement de la première difficulté des entreprises étrangères basées en
Chine, le turnover des salariés y est très élevé. Comme je l’ai indiqué plus haut « 52% des
personnes déclarent que leur durée moyenne de travail dans une unité ne dépasse pas deux
ans »48, certains secteurs ont des taux de turnover supérieurs à 25%, notamment pour les
fonctions managériales. Un turnover élevé est néfaste pour l’entreprise car :
•
il est difficile d’avoir de la continuité dans les actions,
•
l’assimilation du fonctionnement de l’entreprise de la part du nouvel employé
demande du temps,
•
la formation des recrues exige du temps et des moyens financiers,
•
le départ de salariés peut entraîner la perte de connaissances (techniques,
organisationnelles, etc.) pour l’entreprise,
•
il nécessite des ressources importantes (en temps et en argent) et en
Chine « Le coût de remplacement d'un cadre performant représente de 300%
à 2000% de son salaire mensuel49 »
48
Beaucoup de « job-hopper » en Chine, Le Quotidien du Peuple en ligne,
http://french.peopledaily.com.cn/Economie/6288346.html, 22 octobre 2007.
49
Chloé Ascencio, Comprendre le point de vue des salariés chinois est vital pour l'entreprise, Management
Interculturel Chine, http://managementchine.blogspot.com/2006/09/comprendre-le-point-de-vue-des-salaris.html,
09 juin 2006.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Conscientes de toutes ces données, les entreprises travaillent de manière à réduire le
turnover dans leurs unités.
La gestion des ressources humaines dans l’entreprise est une préoccupation récente en
Chine. En effet, sous l’ancien régime la vocation des entreprises, dites « d’Etat », « n'était pas
de faire du profit, mais de garantir aux travailleurs une sécurité d'existence en échange de leur
intégration dans une organisation fortement hiérarchisée et d'un contrôle exercé sur la
communauté sociale.50 ». De fait, il n’était pas nécessaire de faire de la « ressource humaine »
dans les entreprises, une gestion administrative du personnel était suffisante. Il est d’ailleurs
intéressant de noter que cette discipline n’a été intégrée que récemment dans les programmes
universitaires chinois ; ce besoin était auparavant inexistant.
6. 1. 1 Créer une culture d’entreprise et une cohésion d’équipe
Réalité découlant probablement de l’importance de l’harmonie -point clé du
confucianisme- une bonne culture d’entreprise est, avec une bonne entente avec la hiérarchie,
absolument fondamentale pour conserver ses salariés en Chine. Une étude a d’ailleurs fait
ressortir que « la raison la plus importante [d’un départ] est le désaccord ou la mauvaise
entente avec les gestionnaires ou bien l’inadaptation à l’environnement culturel de
l’entreprise51 ». Il est également important d’avoir une structure « familiale », « protectrice » et
« paternaliste » de ses employés.
La culture de l’entreprise est créée à partir de l’histoire et de la culture personnelle des
membres du groupe. Le schéma suivant récapitule les différentes sources de création et
d’évolution de la culture d’entreprise.
50
Martine Le Boulaire, Denis Segrestin et Yuxin Jiang, Travailler en Chine oblige à réinventer son modèle
de management, Les Echos, N° 19686, 13 juin 2006.
51
La fidélisation du personnel chinois, Heureux qui comme Ulysse,
http://heureuxquicommeulysse.viabloga.com/news/la-fidelisation-du-personnel-chinois, 27 septembre 2007.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Les sources de la culture d’entreprise
Sources
Finalités
La culture nationale
et régionale
Assurer la cohérence et
le suivie du groupe
La personnalité
des fondateurs
Culture
d’entreprise
La culture professionnelle
des salariés
Améliorer la communication
entre les membres qui ont
des visions différentes
Les évènements vécus par
l’entreprise et ayant
marqué son histoire
Source : culture.entreprise.free.fr
C’est parce que les cultures nationales des individus influencent la culture d’entreprise
que celle-ci convient difficilement à l’ensemble des acteurs dans une entreprise internationale
multiculturelle. La culture d’entreprise permet à chaque individu de s’identifier à l’organisation.
C’est pourquoi si un salarié ne s’y identifie pas, il sera probablement marginalisé et quittera
vraisemblablement l’entreprise.
Cette culture d’entreprise, si complexe et peu palpable, « fait que chaque entreprise est
unique. Deux entreprises peuvent suivre la même stratégie, avoir les mêmes structures,
recourir aux mêmes techniques de gestion, elles ont néanmoins leur propre culture. Le
manager doit prendre en considération dans ses décisions ce qui apparaît plus comme une
réalité organisationnelle qu'un objet de management à part entière52. ».
Le besoin d’harmonie ressenti par les chinois exige qu’ils se sentent parfaitement en
adéquation avec la culture de l’entreprise. Il demande aussi un groupe « fort » et « soudé ».
Pour se faire, il me semble important de réaliser du « team building » en organisant des
évènements intra et extra entreprise impliquant les acteurs de l’organisation. Ces moments
forts peuvent être des activités et des jeux lors des fêtes annuelles (nouvel an, etc.) ou encore
des sorties organisées et subventionnées par l’entreprise. J'en ai fait l'expérience dans mon
entreprise à l’occasion du nouvel an chinois. Elle avait organisé des tournois sportifs et divers
concours mettant en actions nos produits (chariots élévateurs). J’ai trouvé cette demi-journée
52
Delavallee E., La culture d'entreprise pour manager autrement, Editions d'organisation, mai 2002.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
importante et réussie, et malgré la barrière de la langue j’ai eu le sentiment de voir un groupe
soudé et de sentir de vrais liens entre les salariés. Il m’est difficile de comparer cette situation
avec d’autres entreprises chinoises par manque d’expérience, mais d’après les échanges que
j'ai eus, ce type d’ambiance n’est pas habituel dans les entreprises chinoises et je pense
qu'elle fidélise les salariés.
De la même manière et pour souder les équipes, je conseille la création de
« newsletters » ou « journaux d’informations » à destination des salariés de l’entreprise. On
pourrait y retrouver l’actualité de l’entreprise, tant au niveau de son fonctionnement que de la
vie des employés. Mais aussi la présentation d’un service ou d’une équipe de l’entreprise, la
mise en avant du « salarié du mois », d’un projet, ou encore l'évocation du dernier match de
basket, tennis de table ou rugby réalisé par l’équipe portant les couleurs de l’entreprise… Ce
type de journal interne est couramment utilisé en France mais cela semble moins être le cas
en Chine. Je pense qu’il s’agit pourtant d’un bon outil pour créer une cohésion de groupe.
Enfin, il est important de réussir à comprendre l'importance de la confrontation entre
culture locale et culture d’entreprise et c'est d’autant plus difficile en Chine que la culture locale
est éloignée de celle que nous connaissons en occident. D’une certaines manière, on peut
poser la question suivante : les employés chinois sont ils d’abord des employés de l’entreprise
et ensuite chinois ou sont-ils chinois et ensuite employés de l’entreprise ? C’est une réelle
confrontation entre le management universel et le management culturel.
6. 1. 2 Relations personnelle et modèle de communication
J’ai déjà eu l’occasion de vous l’indiquer, les relations personnelles tiennent une place
prépondérante dans le monde des affaires chinois. Ce n’est pas le cas dans la culture
occidentale,
notamment
française,
et
ce
manque
de
relations,
ces
« distances
interpersonnelles » maintenues par les managers français avec leurs collègues chinois sont
souvent mal perçues. Elles empêchent en particulier l’établissement de relations de
confiance : « Avec les collègues français, il ne faut pas s’attendre à devenir amis53 » déclare
un chinois. Ce type de relation étant nécessaire en Chine, les entreprises étrangères et leurs
managers expatriés doivent absolument favoriser leur développement. Outre les idées
présentées plus haut, je conseille aux managers étrangers de passer du temps hors de
l’entreprise avec leurs collègues de travail. Visite de la ville ou de la région, aller ensemble à un
53
Chloé Ascencio, Comment les salariés chinois perçoivent-ils leurs managers occidentaux ? Connexion
numéro 34, juillet 2006.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
évènement culturel ou sportif ou encore faire du shopping sont autant d’activités que les
occidentaux ne font pas avec leurs collègues mais qui sont, en Chine, choses courantes,
appréciées et même nécessaires.
Une fois cette relation de confiance établie, il faudra favoriser la « mise en expression »
des salariés chinois. En effet, leur mode de communication indirect et implicite ne favorise pas
l'expression des sentiments, notamment lorsque ceux-ci sont négatifs (pour rappel, ils
n’utilisent pas le mot « non »). Les aider à s’exprimer, en particulier sur les choses négatives,
permettra de comprendre un éventuel problème puis de mettre en place un plan d’action pour
supprimer les difficultés. Les acteurs chinois auront toutes les chances d'être plus épanouis
dans leur travail et surtout les risques de départs précipités de l’entreprise diminueront. De leur
côté, les managers français doivent modifier leur manière de « communiquer [qui] est « trop
directe et explicite » (…) les chinois, qui le ressentent comme un « manque de respect ».54 ».
Car elle entraîne des incompréhensions, avec des objectifs de travail mal compris et un suivi
individuel insuffisant. Enfin, les acteurs français doivent ménager leur esprit critique et leur
goût du débat de manière à ne pas faire perdre la face à leurs interlocuteurs.
6. 1. 3 Tendre vers un management participatif
D'après moi c'est directement issu de l’histoire du pays et du communisme : les chinois
ont un très fort respect pour leur hiérarchie et leur chef d’entreprise est considéré comme un
« dieu ». Cette état de fait donne un modèle de management très peu participatif qui ne
favorise pas l’épanouissement des salariés au sein de l’entreprise en ce qui concerne la prise
de responsabilité ou la créativité. Le chef d’entreprise, qui va en effet avoir le rôle d’un
« père », va créer l’ambiance de travail puis ensuite il déléguera petit à petit en accompagnant
de près ses équipes. Cette délégation devra être parfaitement contrôlée sinon l'employé
pourra se sentir perdu.
Pour favoriser l’épanouissement des individus dans l’entreprise, pour qu’ils soient plus
performants et pour aider au rapprochement des objectifs personnels et organisationnels, il est
nécessaire de développer le management participatif dans les entreprises en Chine. Il faut
donc encourager les initiatives personnelles en passant par les outils universels tels que les
cercles de qualité ou les boîtes à idées. Mais il faut également soutenir les chinois dans cette
démarche qui, pour eux, est nouvelle. Pour favoriser leur esprit d’initiative et développer le
54
Chloé Ascencio, Comment les salariés chinois perçoivent-ils leurs managers occidentaux ?, Connexion
numéro 34, juillet 2006.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
management participatif il est important d’être tolérant lorsque de mauvaises décisions sont
prises, au risque de décourager toute prise d’initiative future. Pire, la notion de face est
tellement importante qu’un échec personnel d’un individu entraînant sa perte de face pourrait
le faire quitter lui-même l’entreprise. Il est donc vital d’apporter un soutient aux prises
d’initiatives personnelles et de les manager avec habileté.
Les chinois prennent goût à ce type de management apparu récemment dans l’Empire
du Milieu et les managers travaillant depuis plusieurs années dans des entreprises étrangères
le favorisant y ont souvent adhéré.
Grille managériale (Blake et Mouton)
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les nécessités de production
et le maintien du moral
des employés
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Degré d’intérêt porté à la production
Source : qualiteonline.com
Je conseille donc aux managers étrangers de développer un management participatif,
de consulter les acteurs chinois pour prendre des décisions, de travailler en brainstorming,
d’écouter et de faire confiance à leurs collaborateurs chinois. Au début ce sera difficile car c’est
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
quelque chose de nouveau pour les chinois, mais ces derniers pourront souvent beaucoup
apporter aux managers étrangers soucieux de profiter des différences culturelles.
Enfin, le management en Chine doit prendre en compte l’importance du guanxi et savoir
construire une « petite ambiance », c'est-à-dire préférer un modèle d’intégration par les
réseaux de proximité. L’importance du guanxi est très grande quand on sait que « on ne
travaille pas pour Siemens ou General Electric en Chine, mais que l’on travaille pour un
manager de Siemens ou de General Electric. Le guanxi hiérarchique doit absolument être
développé55. »
6. 1. 4 Former et donner des perspectives d’évolution
Les chinois veulent progresser, tant au niveau de leurs connaissances qu’à celui de leur
poste hiérarchique. Les opportunités de développements professionnels sont pour les chinois
le plus important facteur d’attraction des personnes compétentes et talentueuses de niveau
supérieur56. La même enquête fait ressortir que « Pour les employés et les travailleurs chinois,
ils accordent beaucoup d'importance aux deux conditions suivantes qui pourraient les retenir :
la promotion et la formation professionnelle, car parmi les personnes enquêtées, il y a
respectivement 58% et 35% que ces deux moyens sont bons et efficaces pour retenir les
travailleur et les employés aptes, compétents, doués et capables. ». Marc Petit 57 de
l’entreprise Zander met en avant l’importance d’avoir des projets d’entreprise connus des
équipes pour conserver ses salariés. Ceci s’explique naturellement par le fait qu’un carnet de
commande plein donne de meilleures perspectives économiques et professionnelles aux
membres de l’organisation.
Pour limiter le turnover, je vous conseille d’établir pour les salariés de votre entreprise un
plan de formation très ambitieux qui peut par exemple passer par un dispositif de formation en
partenariat avec des universités chinoises comme l’a fait Carrefour dans le Sichuan. Les
multinationales peuvent également donner des opportunités à l’international dans les autres
sites du groupe, cette expérience sera très valorisante pour les managers chinois. Il peut
également être judicieux de proposer des formations à l’étranger (en Europe ou aux
Etats-Unis) aux managers chinois pour les fiabiliser. Cette approche est utilisée avec réussite
55
Benoît Boisseuil, Pas seulement pour quelques poignées de Yuans, Objectif-Chine.com,
http://www.objectif-chine.com/2007/11/30/rh-turn-over-pas-seulement-pour-quelques-poignees-de-yuans-benoit-b
oisseuil, 30 novembre 2007.
56
Enquête de Hudson, Beaucoup de « job-hopper » en Chine, Le quotidien du peuple, 22 octobre 2007.
57
Marc Petit, Zander, Manager process pharmaceutique, le 27 mai 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
par Stäubli. Vincent Allard58 indique cependant « nous convenons par contrat que si le salarié
démissionne sous une certaine durée après ses formations, il doit rembourser l'entreprise. Il
n'y a rien de tel que l'argent pour les faire réfléchir ». La contrepartie de la formation des
membres de l’entreprise est qu’elle augmente la valeur des employés sur le marché, il faut
donc s’attendre à ce qu’ils demandent des augmentations salariales.
Bien qu’ils soient indispensables, je pense qu’il faut limiter les expatriations de managers
occidentaux pour proposer à la place, aux salariés chinois, des promotions internes.
6. 1. 5 L’argent suffit-il ?
Comme dans probablement tous les pays du monde, la rémunération attire les salariés
asiatiques. Cela semble être particulièrement le cas en Chine où « 30% des personnes
estiment que parmi les demandeurs d'emplois plus de 20% accordent une grande importance
à l'augmentation de salaire, et ce taux est le plus élevé parmi les marchés asiatiques qui ont
fait l'objet de l'enquête. Et 7% des demandeurs d'emploi souhaitent un salaire qui dépasse de
30% celui que les employeurs sont prêts à leur accorder.59 ». Les entreprises chinoises ont
compris l’importance du salaire et « 68% des enquêtées déclarent que la plupart des sociétés
sont prêtes à accorder des conditions avantageuses pour retenir ou attirer les personnes
compétentes et talentueuses. ».
On le voit avec ces chiffres, la rémunération tient une place importante pour les chinois.
Je vais même aller plus loin en indiquant que pour les chinois, la rémunération, et l’argent en
général, représente « tout ». Jean-Luc Domenach, l’un des plus grands sinologue français
déclare60 « seule la famille peut être plus importante que l’argent dans la Chine d’aujourd’hui.
Ce n’est d’ailleurs même pas toujours le cas. (…) Le fric est roi, et on l’honore avec tant de
passion et d’adresse que les liasses de billets sont comptées avec une incroyable vitesse :
c’est devenu presque un art populaire ». Certains chinois indiquent même que le seul et
unique moyen de conserver ses salariés est de leur proposer un bon salaire. Les chinois
veulent toujours gagner plus et ont souvent tendance à regarder seulement cet élément, sans
avoir une vision plus large et sans prendre en considération d’autres aspects liés au travail
(ambiance, situation géographique, etc.). Par ailleurs, ils raisonnent généralement à court
58
Vincent Allard, expatrié français en Chine depuis 3 ans travaille au département production de Stäubli
Hangzhou. Son expérience du terrain lui permet d’avoir une expertise intéressante de la Chine, nous nous sommes
entretenus au sujet de ce présent document en mai 2008
59
Enquête de Hudson, Beaucoup de « job-hopper » en Chine, Le quotidien du peuple, 22 octobre 2007.
60
Jean-Luc Domenach, Comprendre la Chine d’aujourd’hui, Perrin Asie, 2007.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
terme sans prendre en compte leur carrière et les évolutions possibles au sein de l’entreprise ;
Ils peuvent à tout moment démissionner pour un poste moins bien, sans perspective
d'évolution mais mieux payé. Une étrangère travaillant en Chine m'a fait part de cette
expérience. Dans son entreprise, une jeune diplômée réalisait bien son travail ce qui lui a
permis de progresser au sein de l’organisation. Ses responsabilités devenaient plus
importantes et elle a été envoyée en mission sur un autre site de l’entreprise (toujours en
Chine). Malgré tout, elle a quitté la compagnie au bout de quelques mois pour la simple raison
qu’elle n’avait pas obtenu toutes les augmentations qu’elle souhaitait. Lors de sa décision, elle
n’avait pas pris en compte les autres aspects de la vie professionnels comme l’ambiance de
travail et une équipe soudée. C’est seulement plus tard qu’elle a mesuré l’importance de ces
aspects qui, finalement, l’ont même fait revenir dans l’entreprise. Ce cas est loin d’être isolé,
« certainement que l'herbe n'était pas si verte ailleurs et que l'environnement que nous
proposons est de qualité » me disait Vincent Allard qui a plusieurs exemples d’employés
revenus frapper à la porte quelques mois après avoir quitté l’entreprise.
Cette recherche permanente du meilleur salaire s’explique en grande partie par le
besoin de reconnaissance des autres membres du guanxi (famille, amis, camarades de
classe, etc.). C'est tout particulièrement vrai pour les jeunes venant des campagnes chinoises
et qui se doivent de gagner de l’argent pour faire vivre leur famille, principalement leur parents,
et « gagner de la face » en ayant une situation confortable (salaire, environnement, etc.).
L’image que l'on donne de soi est très importante en Chine et souvent cette apparence doit
montrer une bonne rémunération, sujet qui n’est pas tabou et qui peut être abordé avec tout
type de personnes.
Le niveau des salaires sera donc important pour espérer fidéliser les salariés chinois.
Ceci explique en partie la hausse des salaires -plus de 18% dans les villes chinoisesobservée en 2007. Cette escalade peut d’ailleurs s’avérer dangereuse pour les entreprises,
même si celles-ci tentent de contenir les demandes des salariés ; la loi de l’offre et de la
demande existe comme partout ailleurs.
On le voit, la rémunération tient une place prépondérante dans la fidélité des salariés
chinois. Si ce point n’est pas satisfaisant pour eux, ils partiront. Dans la gestion des ressources
humaines il est important de travailler dans les directions présentées plus haut et il est vital de
comprendre la place du salaire pour diminuer le turnover. Je pense que les entreprises en
Chine doivent développer les systèmes de primes et de participations à l’intéressement selon
la performance des employés. Lors de l’utilisation d’un tel système, il est important de
préserver « la face » des salariés qui n’ont pas eu ce privilège de la reconnaissance.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Je préconise également la mise en place d’avantages complémentaires comme une
couverture sociale et maladie. Celle-ci peut être à destination du salarié mais également de sa
famille (conjoint et enfant). De fait, si le salarié veut partir de l’entreprise, sa famille pourrait s’y
opposer et le convaincre d’y rester. C’est un signe de reconnaissance humaine qui montre aux
salariés que l’entreprise tient à eux, à leur avenir et à leur santé. Un système de jour de congé
supplémentaire suivant l’ancienneté peut également favoriser un enracinement des membres
de l’équipe.
Enfin, je pense qu’il est important de favoriser le bien-être des salariés, autant dans
l’entreprise que dans son environnement extérieur. Lors du choix de l’emplacement de
l’organisation, il faut par exemple prendre en compte le fait que les ouvriers souhaitent, pour
des raisons pratiques et économiques liées aux déplacements, pouvoir se loger à proximité de
l’entreprise. Si celle-ci est déplacée en pleine zone industrielle les risques de départs sont
élevés. Sur le lieu de travail il est également important d’apporter confort et bien-être.
Plusieurs solutions pour y arriver : aménagement et protections des postes, usine climatisée,
propre et bien ordonnée, etc. Il peut également être mis en place un système de rotation des
équipes aux différents postes de l’entreprise pour éviter aux membres de celles-ci de faire la
même chose durant des années et des années. Enfin, un repas du midi de qualité offert à tout
le personnel sera apprécié des équipes. Il est souvent dit qu’en Chine, pour résoudre un conflit
social, il suffit d’augmenter les doses de riz. Il s’agit là, bien sur, d’une image mais qui montre
l’importance qu’accordent les chinois aux repas.
6. 1. 6 Les méthodes de management occidentales sont-elles
adaptées ?
Comme je vous l’ai présenté plus haut, la culture chinoise est très différente de
l’occidentale. La gestion des ressources humaines, les rapports humains, les visions des
choses, les facteurs d’influence et les perceptions sont différentes. Tous ces éléments font
qu’on ne manage pas des occidentaux et des chinois de la même manière. Il n’est donc pas
possible de « copier - coller » les méthodes de management occidentales en Chine, ce serait
un échec. Alors, bien sûr, il est possible d’utiliser certaines méthodes occidentales pour
manager en Chine, mais celles-ci devront être maniées avec des pincettes et leur ajustement
sera nécessaire, ainsi qu'une importante dose de patience.
La situation de la Chine se démarque d’ailleurs des autres pays tel que l’expliquent
Martine Le Boulaire, Denis Segrestin et Yuxin Jiang dans l’article Travailler en Chine oblige à
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
réinventer son modèle de management, ils déclarent61 « Alors que le management de la
plupart de grands groupes internationaux privilégiait un « standard » international du
management, indifférent aux contraintes culturelles, en Chine, le contexte prend soudain le
dessus et « dicte sa loi » au modèle de management. Pour beaucoup d'entreprises,
l'implantation en Chine serait ainsi l'occasion d'une « crise positive », de questionnement des
certitudes et de reconstruction du modèle de référence. »
6. 1. 7 Les ressources humaines, un domaine à ne pas ignorer
Cette problématique de la gestion des ressources humaines en Chine nécessite un
important effort pour travailler dans la continuité avec une équipe stable. Outre les points
évoqués plus haut, le turnover des managers chinois entraîne des problèmes de transmission
de savoirs particulièrement difficiles à résoudre. Il peut alors être nécessaire de faire venir des
expatriés qui, eux, ont des années d’expérience dans l’entreprise, pour remplacer le cadre
parti. Cela fait apparaître évidemment de nombreux nouveaux problèmes et le coût d’une telle
opération s’avère très élevé.
Pour un chef d’entreprise occidental à la tête d’une entreprise en Chine, la priorité sera
d’appréhender la culture locale et de comprendre comment les chinois fonctionnent. Ce sera
absolument nécessaire pour éviter un départ massif des équipes.
Enfin, la réduction du turnover des équipes et la fiabilisation du personnel sont
importants pour l’image de l’entreprise. En effet, pour jouer la carte de la qualité il faut que
celle-ci soit totale (environnement, personnel, etc.), permettant alors d’avoir un avantage
concurrentiel par rapport aux concurrents chinois qui ont plus tendances à négliger ces points
là.
6. 2 Fiabiliser et sécuriser les approvisionnements
Durant ma période au sein de MHMH j’ai été marqué par les retards de livraison et
problèmes qualité des produits reçus. Ces difficultés d’approvisionnement de produits
conformes aux exigences étaient d’ailleurs très visibles lorsque je suis arrivé dans l’entreprise
en janvier : il y avait 130 chariots en attentes de pièces manquantes, entraînant d’importants
61
Martine Le Boulaire, Denis Segrestin et Yuxin Jiang, Travailler en Chine oblige à réinventer son modèle
de management, Les Echos, N° 19686, 13 juin 2006.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
stocks de produits semi finis dans l’usine. Cette situation s’est depuis très largement
améliorée, notamment grâce à la restructuration de l’équipe d’acheteurs.
Cette problématique touche l’ensemble des entreprises installées en Chine mais plus les
volumes de celles-ci sont faibles plus il est difficile d’agir car l’entreprise se retrouve alors
contrainte de travailler avec de petits, voire de très petits fournisseurs (qui manquent alors de
moyens humains et financiers pour évoluer comme on peut l’attendre de leur part). C’est l’une
des difficultés de MHMH qui produit environ 800 chariots par an alors que certains concurrents
en font 5 000 ou 6 000 sur la même durée.
Dans cette partie je vais présenter les axes de travail que je préconise pour fiabiliser et
sécuriser au mieux les approvisionnements.
6. 2. 1 L’intégration d’un maximum d’opérations
En France, il est souvent conseillé de réaliser en interne les opérations concernant le
« cœur de métier » de l’entreprise et d’externaliser les autres. Cela permet de se focaliser sur
les domaines que l’on maîtrise et de collaborer avec des spécialistes des opérations que l’on
sous-traite. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les « constructeurs automobiles »
sont en fait des « concepteurs – assembleurs automobiles ». C’est eux qui réalisent les
opérations de conception et recherche mais la fabrication des composants est très largement
externalisée auprès de fournisseurs « co-opérants » avant que l’assemblage final soit réalisé
par l’entité conceptrice.
Même si la situation est différente pour les « constructeurs automobiles » présents en
Chine, car soit ils s’approvisionnent à l’étranger soit leurs fournisseurs occidentaux sont eux
aussi implantés dans l’Empire du Milieu, ma première recommandation pour assurer les
approvisionnements est d’internaliser au maximum la fabrication de composants. C’est d’une
certaine manière un contournement du problème initial puisque le fournisseur sera interne à
l’entreprise, mais cela constitue un axe de travail à étudier pour disposer de composants
satisfaisants.
Cette solution a été choisie par MHMH. Outre les raisons liées aux normes chinoises (cf.
plus haut), il a été décidé de réaliser en interne des opérations qui, dans le cas d’une usine
située en occident, auraient très probablement été externalisées. C’est par exemple le cas des
opérations de soudure et de peinture, celles-ci pouvant pourtant être aisément réalisées à
l’extérieur.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
On peut même imaginer, pour de gros groupes, la création de filiales fabricants les
composants nécessaire pour la production. Cette « intégration déguisée » permet de
s’approvisionner auprès d’elles et de sécuriser les approvisionnements en intervenant et
maîtrisant l’ensemble de la chaîne de valeur.
Il ne me semble donc pas stratégique de venir s’implanter en Chine pour simplement
réaliser l’assemblage de composants achetés localement. Cela risque d’entraîner
d’importantes difficultés d’approvisionnement signifiant arrêts de production et retards de
livraison. Il existe bien évidemment des domaines ou ce type de raisonnement ne s’applique
pas, notamment avec des composants technologiquement simples ou des produits finis dans
lesquels la main d’œuvre tient une place importante dans le prix de revient.
6. 2. 2 Fabricants mais pas concepteurs
Pour espérer être livré en temps et en heure avec la qualité souhaitée, il faut que le
fournisseur comprenne les attentes.
Dans bien des domaines, en Europe, l’expression du besoin se fait à partir d’un cahier
des charges fonctionnel. Ce document est remit au fournisseur qui, après en avoir prit
connaissance, va mener une étude (R&D) pour y répondre le mieux possible.
A l’inverse, le fournisseur chinois n’effectuera pas de recherche. Il faut absolument lui
donner le cahier des charges et, surtout, les plans définitifs et la totalité des spécificités du
produit ou du composant. La fabrication sera faite à partir des documents donnés par le client
sans passer par des phases d’études, de recherche et de validation. De fait, si le client a
exprimé son besoin par l’intermédiaire d’un seul cahier des charges fonctionnel, il risque de
recevoir un produit qui ne correspond pas à ses attentes puisque le fournisseur n’aura pas
effectué de travail amont. Pour fiabiliser ses approvisionnements, il est donc vital d’être
extrêmement précis avec les fournisseurs chinois en leur transmettant les plans définitifs et la
totalité des spécificités du produit et de fabrication.
Une fois que les plans précis et définitifs sont transmis, il faudra exiger du fournisseur
l’établissement de gammes de fabrication et de contrôle. Lorsque cette opération sera
réalisée, il faudra passer une commande, voire plusieurs si besoin, de pièces prototypes, ce
sera l’ouverture des discussions techniques. Lorsque ces pièces apporteront satisfaction, il
faudra passer une commande de pré-série pour valider les gammes et les moyens de
production de série qui peuvent s’avérer différents des moyens utilisés pour réaliser les pièces
prototypes.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Vincent Allard conseille également qu’une personne du service qualité de l’entreprise se
rende chez le fournisseur pour vérifier et valider la qualité des premières pièces d’une
commande. Et éviter ainsi les mauvaises surprises au contrôle réception alors que les pièces
sont urgentes !
6. 2. 3 Elargir le panel de fournisseurs
Il est rarement bon de disposer d’un seul fournisseur pour une référence. S'il rencontre
des difficultés (économiques, politiques, humaines, etc.), que ses produits n’apportent plus
satisfactions ou que les conditions (tarifaires, délais, etc.) changent brutalement le client sera
alors dans une position peu confortable avec une faible, voire aucune, marge de manœuvre.
Tout ceci est d’autant plus vrai pour les produits techniques et/ou particuliers qu’il n’est pas
possible de trouver facilement ailleurs (ou de trouver un produit de substitution).
Mais, à l’inverse, disposer de plusieurs fournisseurs pour une même référence n’est pas
évident. Cela augmente le temps et les frais de gestion, les échanges techniques,
éventuellement les outils de fabrication, etc. Dans certains cas il est nécessaire de
commander régulièrement chez un fournisseur pour le conserver, en posséder plusieurs réduit
les volumes pour chacun d’entre eux et c'est donc un bras de levier pour discuter des
modalités (prix, paiements, logistiques, etc.) qui disparaît.
Ce dilemme se retrouve au cœur d’entreprises situées dans tous les pays du monde et
la réponse peut varier suivant le type d’entreprise, son domaine d’activité et sa position
géographique. Dans le cas de la Chine, je conseille fortement de disposer d’un large panel de
fournisseurs. Malgré les contraintes qu'elle entraîne, cette solution me semble totalement
indispensable pour faire face à l’environnement chinois. Posséder plusieurs fournisseurs
capables de nous livrer permet de cumuler ou changer facilement la source
d’approvisionnement ce qui peut être utile dans les cas suivant :
•
hausses sauvages des prix (pratiquées en Chine),
•
retard important et/ou arrêt des livraisons du jour au lendemain. Le marché
chinois est si dynamique que les fournisseurs peuvent prendre rapidement des
commandes très importantes qui vont saturer leur moyens de production, il n’y
alors plus de délai pour vos pièces.
•
capacité de réaction si les besoins augmentent rapidement,
•
permet d’avoir rapidement des produits de substitution en cas de problème
avec l’un des fournisseurs,
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
permet de faire jouer la concurrence et donc de mieux négocier les tarifs,
En conclusion, la nécessité de posséder un large panel fournisseur en Chine est
nécessaire pour faire face à l’environnement peu fiable voir « volatil » de la Chine, tant en
matière de qualité que de délais.
6. 2. 4 Visites et audits fournisseurs
Une fois votre panel de fournisseurs établi et les livraisons débutées, il est important de
réaliser des contrôles. Ceux-ci sont bien évidemment faits à la réception des composants et
produits mais il est nécessaire d’en faire en amont.
Il est important que l’équipe qualité de l’entreprise se déplace régulièrement chez les
fournisseurs. Suivant le type de produit, son caractère stratégique, le type de fournisseur et les
problèmes qualité rencontré avec lui, il peut être établi un programme de visite
hebdomadaire, mensuel ou trimestriel. Ces audits doivent concerner la qualité des produits
mais également celle des processus et procédés de fabrication, des contrôles de fin de
chaîne, etc. Après chaque visite, un rapport doit être écrit avec un réel plan d’action. Celui-ci
doit ensuite être suivi dans le temps pour s’assurer de la mise en place des solutions choisies.
A cela s’ajoute des visites « d’urgences » lorsque le fournisseur est en retard : une visite
sur place est généralement beaucoup plus efficace que de longues discussions
téléphoniques. Cela demande bien entendu de disposer de fournisseurs proches
géographiquement, ce qui n’est pas toujours possible. Pour réduire les retards de livraison, il
peut être étudié un système de pénalité de retard, solution applicable à certaines entreprises
seulement car elle demande un rapport de force équilibré (ce qui signifie souvent de disposer
de volumes importants).
Il est également conseillé de faire venir ses fournisseurs sur son site de production. Les
fournisseurs doivent en effet visiter le service de contrôle réception de manière à conforter
leurs méthodes et moyens de mesures utilisés chez eux.
Enfin, ces contrôles permettent de voir qui sont réellement les fournisseurs ce qui
diminue les risques de sous-traitance en cascade et autres intermédiaires inutiles et coûteux.
6. 2. 5 Utiliser un prestataire 3PL
Même s’ils ne sont pas encore très nombreux en Chine, les prestataires 3PL (Third Party
Logistics provider) peuvent être des intermédiaires apportant une alternative intéressante,
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
avec pour fonction de gérer et manager l’ensemble des stocks de composants provenant des
fournisseurs. Leur degré de gestion peut varier mais il est possible de leur donner l’intégralité
de la gestion des flux amont. Ce sont alors eux qui passent les commandes en fonction des
besoins et qui s’occupent du transport, des contrôles et du stockage. Je pense que les 3PL
peuvent s’avérer être une solution dans le cas de produits simples et ce n’est pas opposé à
l’internalisation des opérations de production conseillé plus haut. En effet, le partenaire 3PL
devient alors responsable de l’approvisionnement du site, il est donc garant des délais et de la
qualité des produits en gérant lui-même les ordres d’approvisionnement auprès des
fournisseurs.
Le prestataire 3PL permet alors à l’entreprise cliente de se décharger des opérations
amont et de profiter de la mutualisation pour les opérations de transport et de stockage.
Généralement, le prestataire logistique permet également d’améliorer la traçabilité des
produits car il en effectue un suivi plus rigoureux.
6. 2. 6 Produits de haute technicité en provenance de l’Occident
ou du Japon
Lorsque la Chine a commencé son ouverture vers le reste du monde, elle s’est orientée
du fait de sa main d’œuvre peu qualifiée et à bas coûts vers les produits simples, vers la quête
de puissance. Dès lors, l’industrie du textile s’est développée rapidement et d’autres domaines
de produits faciles à produire ont suivi le pas, cela a valu à la Chine le surnom d’« atelier du
monde ».
A cette situation, s'est greffée la question de copie des produits et de protection de la
propriété intellectuelle -je développerai ce point plus loin- qui ont freiné l’implantation de
produits techniques en Chine.
Malgré la puissance industrielle de la Chine, ces différents éléments font qu’il est
impossible d’y trouver bon nombre de produits de haute technicité. Il est d’ailleurs étonnant de
voir que pour les quatre principaux constructeurs automobiles chinois, tous achètent leurs
composants hors de Chine et seul l’assemblage est réalisé dans l’Empire du Milieu. Et que
seul Chery construit ses propres moteurs, et encore, il s’agit de produits bas de gamme pour
petites cylindrés. Même constat dans le secteur aéronautique où les chinois ne sont plus
capables de construire d’avions civils alors qu’un modèle est sortit en 1995. On peut
également citer la fabrication d’ordinateurs portables qui ne peut être réalisée qu’à partir de
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
composants chinois, ils sont obligés d’importer les microprocesseurs, qui sont le cœur de la
technologie62. La situation est identique pour les entreprises françaises installées en Chine.
Nous apprenons par exemple que « [Une] caractéristique majeure de la production de biens
(…] par nos entreprises [françaises] en Chine est qu’elle s’accompagne fréquemment
d’exportations à partir de France ou d’Europe, soit pour les produits finis les plus hauts de
gamme, soit pour des composants critiques. Le cas de Faurecia (équipementier automobile,
NDLR) en est la parfaite illustration : avec un taux de ventes locales de 96%, cette entreprise
importe d’Europe auprès de ses filiales ou de ses fournisseurs entre le tiers et la moitié de ses
produits commercialisés en Chine, selon les branches et les gammes de produits.63 »
Ce constat, qui blesse la fierté du peuple chinois, rend souvent impossible l’achat de
produits de haute technologie en Chine et entraîne des risques importants lorsqu’on tente de
le faire.
Cet environnement industriel chinois m’encourage à conseiller l’achat des produits
technologiques en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Les contraintes sont importantes :
distances entraînant des transports longs et coûteux, prix élevés, etc. Mais c’est à mon avis
la principale solution pour être satisfait de ses approvisionnements de produits hauts de
gammes.
Même si la croissance de ce pays est moins forte que celle de la Chine car elle est, je
pense mieux maîtrisée, j'imagine qu’il sera possible, dans quelques années, de trouver des
produits de haute technologie en Inde. Ce pays de plus d’un milliard d’habitants qui a pris la
voie de la recherche et des produits techniques sera très probablement une alternative
intéressante. Proche de la Chine, il a des coûts très nettement inférieurs à ceux des
entreprises basées en Europe ou au Japon.
6. 2. 7 Mieux connaître les interlocuteurs en partageant ses
connaissances
Apres avoir remarqué qu’ils étaient tous confrontés aux même difficultés, des
investisseurs Européens basés à Tianjin (100 Km de Beijing) ont « fait acte d'humilité en
admettant [qu’ils] ne connaissaient pas bien [leurs] interlocuteurs. Certes l'obstacle de la
langue et les imbroglios entre comptabilité chinoise et occidentale y contribue mais surtout [ils]
62
Chongguo Cai, Chine : l'envers de la puissance, P16, Editions Mango, 2005.
63
Missions Economiques de Chine, Conseillers du Commerce Extérieur et Chambre de Commerce
Française en Chine, Le défi des investissements français à l’étranger, 10 janvier 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
ne disposent pas d'informations valables sur nos partenaires locaux.64 ». La pratique du rating
étant peu développée en Chine, les entreprises étrangères ne savent pas à qui elles ont à faire
et à qui faire confiance. Ils ont donc créé une « base de référencement sur les entreprises
chinoises domiciliées à Tianjin et ce, dans tous domaines d'activité. » Cette base
d’informations donne des garanties sur les fournisseurs locaux : délais de livraison, chaîne
d'approvisionnement, respect des contrats, qualité, prix, traçabilité des produits, pollution, etc.
en attribuant des notes de 0 a 5.
Cet exemple de collaboration entre des entreprises européennes, dont la culture et les
exigences sont proches, est intéressant. Même si cela demande bien entendu des partenaires
et un dynamisme local avant de s’étendre plus largement, le partage d’informations sur des
fournisseurs et intermédiaires permet de réaliser un sourcing plus juste et donc, à terme, de
fiabiliser les approvisionnements.
6. 3 Satisfaire les clients
Ce point est étroitement lié aux deux parties précédentes sur la fidélité des hommes et
femmes de l’entreprise et sur la sécurisation des approvisionnements. D’une certaine manière,
les deux points présentés plus haut sont des pré-requis indispensables pour satisfaire les
clients. Sans les développer à nouveau ici, je tiens à rappeler leur caractère vital.
6. 3. 1 Quel marché et quel positionnement ?
Le marché chinois et ses 1,3 milliard d’habitants font rêver de nombreuses entreprises ;
près de 25% de la population mondiale vit en Chine, les perspectives économiques sont belles
avec ce marché qui est potentiellement le premier du monde. Cependant, et avant de
poursuivre sur la satisfaction de ses clients, il est important de noter que 600 millions de
chinois vivent avec moins de 2 euros par jour65. En 2005, Cai Chongguo indique66 même que
« 900 millions de Chinois vivent au-dessous du seuil de pauvreté » en se basant sur le critère
défini par l’Organisation des Nations Unis (ONU), à savoir un dollar US par jour et par habitant.
64
Jena Liu, Comment se prémunir contre les mauvais fournisseurs en Chine ?, Chine-information.com,
http://www.chine-informations.com/guide/comment-se-premunir-contre-les-mauvais-fournisseurs-en-chine_1454.
html.
65
Eric Meyer, Bon chat chinois prend la souris, P 136, Editions Seuil, février 2008.
66
Chongguo Cai, Chine : l'envers de la puissance, Editions Mango, 2005.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Pour appuyer ce chiffre, il reprend les chiffres officiels chinois de 2005 indiquant que le revenu
agricole moyen était de 2 622 RMB (alors qu’en ville, à l’époque, le salaire moyen était de
8 472 RMB). Suivant les chiffres, ce sont donc 50% à 70% de la population du pays le plus
peuplé du monde qui n’a aucun pouvoir d’achat. Alors bien sûr la croissance aide la population
à s’enrichir mais les disparités sont importantes ce qui exclut l’enrichissement d’une partie des
habitants (principalement concentrés dans les terres).
Malgré ce constat, une grande majorité des entreprises françaises, et probablement
occidentales, installées en Chine le sont pour attaquer le marché local, composé de 250 à 500
millions de personnes considérées comme la « classe moyenne » chinoise et ayant un pouvoir
d’achat en progression. D’après le Livre Blanc67 publié par des organisations françaises, de
nombreuses entreprises s’installent en Chine pour accompagner des clients français ou
internationaux dans leurs implantations en Chine. L’autre indication importante de ce
document réside dans le fait que les entreprises françaises, et probablement occidentales, en
Chine se placent dans leur « immense majorité » sur un positionnement haut de gamme qui
leur offre un marché plus étroit mais qui permet de se différencier qualitativement des
nombreux concurrents locaux. C’est pourquoi j’ai réalisé cette partie à destination des
entreprises proposant des produits de qualité avec des prix situés au dessus de la moyenne
locale. Les produits de « basse qualité », et donc peu chers, n’ont par définition pas besoin
d’un niveau de qualité élevé pour être vendus puisque leur avantage concurrentiel est très
principalement axé sur un prix de vente faible.
6. 3. 2 Les attentes des chinois
Il s’agit là d’une généralisation à prendre avec prudence car la situation peut varier
suivant les secteurs d’activités. Je peux cependant dire que d’une manière générale, les
chinois souhaitent acheter les produits les moins chers possible, sans forcément prendre en
compte les critères de qualité ou de service associés. Ce type de comportement se retrouve
dans la manière d’aborder la fonction achat dans l’entreprise (cf. exemple plus haut) et dans
leur recherche de « gain immédiat » présenté dans le rapport des chinois avec l’argent.
De fait, la promotion des produits haut de gamme est difficile puisque le raisonnement de
base ne se fait que par rapport au prix. Cela explique d’ailleurs que, dans l’ensemble, les
67
Missions Economiques de Chine, Conseillers du Commerce Extérieur et Chambre de Commerce
Française en Chine, Le défi des investissements français à l’étranger, 10 janvier 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
fabricants chinois sont positionnés sur les produits bas de gamme alors que les entreprises
étrangères occupent le haut de gamme.
On retrouve ici un paradoxe : d’un coté les entreprises étrangères viennent en Chine
pour le marché chinois mais d’un autre elles produisent très largement des produits haut de
gamme alors que les chinois achètent très principalement un « prix » voir un « discount »
plutôt que de la qualité. Ceci s’explique en partie par le fait que l’avantage concurrentiel des
entreprises étrangères se situe dans la technologie et qu’elles savent qu’elles auront du mal à
se placer par rapport au prix. Certaines d’entre elles pensent également qu’avec le temps, les
mentalités vont évoluer et les chinois souhaiteront davantage de qualité.
6. 3. 3 Un positionnement haut de gamme
Pour satisfaire les clients, il faut jouer sur trois critères : la qualité, les délais et le prix.
Comme je l’ai indiqué plus haut, les produits occidentaux fabriqués en Chine sont
généralement plus chers que ceux des concurrents locaux. Pour justifier cela auprès des
clients, il faut leur offrir :
•
Un produit performant,
•
Un produit de qualité et sans défaut,
•
Un service au client irréprochable (tant au moment de la vente qu’en SAV).
Je vais maintenant donner des axes pour satisfaire ces trois critères malgré
l’environnement chinois.
6. 3. 3. 1 Un produit performant
Bien entendu la « performance » d’un produit n’est pas toujours mesurable, cela dépend
du type de produit concerné. Mais, lorsque c’est adapté, créer un produit performant est un
avantage concurrentiel. Pour cela, il faut un bureau d’études très pointu pour pousser la
recherche et le développement lors de la conception.
Même si la situation tend à évoluer, le niveau de recherche des chinois reste encore
assez faible en comparaison des Japonais, Européens ou Américains. C'est dû notamment au
système scolaire et universitaire d’un niveau généralement inférieur. Il est d’ailleurs à noter
que bon nombre de brillants (et riches) chinois vont étudier en Europe et surtout aux
Etats-Unis.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
C’est pourquoi, si la conception est réalisée en Chine, je conseille d’épauler le service
R&D par la présence d’expatriés maîtrisant parfaitement le produit. Outre leurs rôles au sein
du projet en développement, ceux-ci doivent également aider l’ensemble des membres de
l’équipe à progresser, notamment en leur faisant part de leur propre expérience acquise au fil
des ans. C’est une solution qui a été retenue par MHMH pour développer un futur produit et,
même s’il est encore trop tôt pour en tirer un bilan, elle semble fonctionner.
6. 3. 3. 2 Fabriquer des produits de qualité
6. 3. 3. 2. 1 Avancer à petit pas
La situation est différente dans le cas de la création d’une nouvelle usine ou dans celui
d’une reprise. Si c’est ce dernier cas qui s’applique, il y aura probablement de nombreuses
évolutions à apporter au site de production pour le rendre conforme à vos exigences internes.
Pour mener à bien toutes les opérations d’amélioration -amélioration des procédés ou
des processus, des flux, des stations de travail, de la sécurité, des stocks, etc.- je vous
conseille d’avancer à petit pas, en prenant le temps de faire correctement les choses sans tout
brusquer. Je l’ai déjà mentionné plus haut, les chinois n’aiment pas travailler avec de
nombreux sujets en parallèle, ils souhaitent traiter les points un par un et ne pas aborder le
suivant tant que le précédent n’est pas bouclé.
Agir de la sorte peut s’avérer frustrant et peut donner l’impression de ne pas avancer
aussi vite qu’on le souhaiterait. Mais c’est à mon avis la meilleure solution car elle permet de
mieux appréhender les résistances aux changements et difficultés culturelles. De plus,
avancer pas à pas permet… d’avancer. Même si c’est à petit rythme, cela permet de s’assurer
d’aller dans le bon sens, ce qui est souvent préférable à une organisation qui change
extrêmement vite sans qu'on puisse en contrôler l'évolution et qui, au final, implose.
6. 3. 3. 2. 2 Mettre en place des moyens de contrôle
Après avoir défini votre panel de fournisseurs et vous être assurés que la qualité des
produits reçus est conforme à vos exigences, il faudra vérifier la qualité du travail en interne.
Il faut en premier lieu définir le niveau de qualité des produits que vous fabriquez. Si
celui-ci est identique à celui de vos produits réalisés en Europe, il est alors conseillé d’utiliser
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
des méthodes de contrôles identiques. Celles-ci doivent concerner l’ensemble des secteurs de
l’entreprise, autant les produits eux même que les procédures et l’environnement.
Outre les problèmes de points de vue différents expliqués plus haut, l’une des difficultés
majeures avec les chinois quant à la qualité des produits est le retour d’information, voire la
rétention d’informations. Bien entendu ce type de comportement se trouve partout, mais les
chinois ont un art certain dans ce domaine. De même, la mise en place de la traçabilité des
produits semble être freinée ce qui ne favorise pas l’amélioration de la qualité des produits,
notamment pour suivre et retrouver des modifications.
6. 3. 3. 3 Un service client et après vente irréprochable
Un prix supérieur des produits exige également d’être en mesure d’apporter au client un
service complet supérieur aux concurrents. Les chinois ne sont pas, historiquement, habitués
aux activités de services aux clients, le professionnalisme des équipes de vente et de service
après vente (SAV) est donc souvent un point critique.
La méthode pour satisfaire cet aspect est d’effectuer un très important travail de
formation qui portera tant sur la forme (présentation et tenue devant le client) que sur le fond
(apprendre à proposer un service adapté, qualité des services rendus, etc.).
Lors de ces formations, qui peuvent être assurée par des équipes occidentales, il est
important de bien prendre en compte les différences culturelles des personnes à former. Leur
histoire et leur culture font qu’ils ont des visions différentes des services à rendre aux clients
donc il est important de leur faire part de la culture d’entreprise et des choix stratégiques de
l’organisation par rapport à ces points là. De même, les formateurs doivent prendre en compte
le fait que les clients ont des exigences différentes de celles des occidentaux, à étudier au cas
par cas suivant le secteur d’activité, le marché, etc.
6. 4 Des actionnaires d’un nouveau style
Dans le cas des entreprises étrangères en Chine, cible de ce document, les capitaux
seront principalement occidentaux, au moins à 50%. De fait, et bien que les actionnaires soient
l’un des quatre piliers fondamentaux de l’entreprise, c’est un point qui, dans de nombreux cas,
ne devrait pas s’avérer différent des fonctionnements rencontrés en occident.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
A mon sens, les investisseurs chinois représentent une menace non négligeable mais
dans un autre domaine que celui que nous étudions ici. J'en dirai cependant quelques mots à
la fin de cette partie.
6. 4. 1 Les propriétaires, une nouveauté du paysage chinois
L’ouverture économique de la Chine a profondément changé l’environnement des
entreprises sur le plan de la propriété. Durant de nombreuses années, les entreprises
appartenaient à l’Etat ; depuis 1980 on trouve des entreprises privées.
Cette ouverture s’est accompagnée d’une profonde réforme des entreprises d’Etat, c’est
le noyau même de la réforme du système économique chinois. En effet, celles-ci s’avéraient
très généralement en déficit à cause de surcapacités, lacunes d’ordre technologique et, d’une
manière générale, par la non recherche de profits financiers.
La propriété individuelle d’entreprise en Chine est donc quelque chose de récent et cette
même notion de « propriété » reste floue dans bien des domaines. En 2002, « parmi les 4 371
grandes entreprises chinoises, 3 322 d'entre elles avaient été transformées en sociétés, soit
76% du nombre total. Plus de 90% des petites et moyennes entreprises ont été transformées
en société. 68 ». Le gouvernement chinois a décidé au début du XXIème siècle que les
entreprises d’Etat joueraient un rôle important dans les secteurs de base concernant
l'économie nationale et la vie du peuple mais qu’elles allaient se retirer des secteurs à
caractère compétitifs en Chine.
6. 4. 2 La recherche du profit à court terme
Cette réalité rejoint celle que j'ai évoquée dans d’autres parties de ce document à propos
du rapport à l’argent des chinois : ils recherchent généralement le profit à court terme. Guy
Sorman, essayiste et grand voyageur déclare69 « Si le gouvernement a accordé la priorité aux
autoroutes, c'est qu'elles enrichissent plus vite les donneurs d'ordres. Les dirigeants sont
impatients : ils cherchent un profit immédiat. En Chine nul ne pense au long terme. ».
Cette recherche du profit à court terme influe directement sur la politique et la stratégie
de l’entreprise. En effet, il faut rapidement faire profiter les investisseurs chinois des
68
La réforme des entreprises d'Etat, China.org.cn, http://french.china.org.cn/french/83314.htm, 2002.
69
Guy Sorman, L'année du Coq : Chinois et rebelles, Fayard, janvier 2005.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
(éventuels) bénéfices de l’entreprise, de manière plus importante qu’avec des occidentaux.
C'est-à-dire que la répartition des bénéfices entre la redistribution aux actionnaires et les
investissements est différente des schémas que l’on utilise avec des investisseurs
occidentaux. Cette réduction des investissements est un danger réel pour l’entreprise car
« une entreprise qui n’investit pas recule ».
La solution consiste à mon sens à effectuer une répartition des parts de l’entreprise telle
qu’au moins 50% de celles-ci soient détenus par les occidentaux, de façon à conserver une
marge de manœuvre pour développer une stratégie à moyen ou long terme, ce qui me semble
vital pour espérer une certaine pérennité.
6. 4. 3 Un démarrage euphorique en bourse… avec un risque
important
Les chiffres parlent d’eux même : le marché des actions en Chine a pris plus de 500% en
l’espace de deux ans70. Les « appels à la retenue » lancés pour freiner l’euphorie étaient
entendus de courts instants avant d’être rangés au placard ; les actions s’appréciaient de 20
ou 30 fois dans l’année.
Mais la crise américaine des subprimes et les pressions inflationnistes ont sonné comme
un dur retour à la réalité : la bourse de Shanghai a perdu 45% entre le pic d’octobre 2007 et le
31 mars 2008.
JP Morgan, l’une des plus importante banque du monde, estime que 150 millions
d’investisseurs se sont rués sur les bourses l’an dernier. Outre la forte progression de ce
chiffre, il est important de noter que de nouvelles classes sociales ont pris part à ce
mouvement. « Les sociétés de courtage avec écrans géants où les spéculateurs - souvent des
retraités - venaient passer la journée à jouer aux cartes et à manger tout en gardant un œil sur
les courbes qui ne faisaient que monter se sont multipliées en Chine... Tout le monde ou
presque s’y était mis, du cireur de chaussure à l’agent immobilier, en passant par la femme de
ménage à tel point que ces maisons de courtage avaient dû compartimenter les investisseurs
en différentes salles en fonction des sommes investies afin de les mettre à l’aise... Ces
investisseurs, qui préfèrent ne plus regarder les écrans maintenant, ont laissé exploser leur
70
Michel Santi, Apprentissage du capitalisme pour investisseurs chinois, Agora Vox,
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=38261, 4 avril 2008.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
colère dès lors qu’ils ont compris que les investisseurs institutionnels avaient liquidé leurs
investissements avant la fin de l’année dernière ! »71
Outre les risques personnels encourus par ces petits investisseurs, les risques de
mouvements sociaux augmentent dangereusement. Ces derniers mois ont vus plusieurs
mobilisations d’individus ayant beaucoup perdus et cela pourrait empirer si la situation
économique continuait à se dégrader.
Ce risque de soulèvement de la population à cause de difficultés financières
personnelles est à mon sens l’un des risques majeur de la Chine d’aujourd’hui. Cela ne
concerne pas uniquement les investisseurs financiers mais l’ensemble de la population
chinoise et tout particulièrement les paysans, qui, pour beaucoup d’entre eux, vivent dans une
pauvreté inquiétante. Le gouvernement chinois semble conscient de ce risque de révolte et
suivrait l’évolution de la situation de près « En juillet 2005, le ministre de la Sécurité a reconnu,
au cours d'une réunion secrète du gouvernement, que la Chine en 2004 avait connu 74 000
incidents de masse impliquant 3,76 millions de personnes et que le nombre de ces incidents
progressait à grande vitesse72 ».
6. 4. 4 Le cas des investisseurs étrangers
Le cas d’investisseurs étrangers, majoritaires pour les entreprises étrangères
implantées en Chine, renvoie à un schéma classique pour les entreprises occidentales car les
investisseurs seront très probablement Européens ou Américains. Cela revient donc à une
situation identique d’une entreprise occidentale « à domicile ».
Je pense cependant qu’il est indispensable de mettre en garde les occidentaux qui
investissent en Chine que, dans bien des domaines, les marchés sont extrêmement
compétitifs, malgré l’importante croissance. Du coup, investir en Chine ne signifie pas
forcément des gains financiers : « Sans l'apport massif de capitaux étrangers, la Chine ne se
développerait pas. Mais ces entreprises étrangères font-elles des profits en Chine ? La
question, maintes fois posée, reste dans l'ensemble sans réponse. L'explication qui prévaut
pour ce silence embarrassé des investisseurs étrangers est l'absence de profits réels : tous
estiment qu'il faut être en Chine non pour s'enrichir, mais pour y être avec l'espoir de s'enrichir.
71
Michel Santi, Apprentissage du capitalisme pour investisseurs chinois, Agora Vox,
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=38261, 4 avril 2008.
72
Guy Sorman, L'année du Coq : Chinois et rebelles, Fayard, janvier 2005.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Il convient en somme d'être en Chine pour être en Chine » écrit d’ailleurs Guy Sorman dans
L'année du Coq : Chinois et rebelles.
6. 4. 5 Les investisseurs chinois : acheteurs de technologie
Bien que cela ne concerne pas directement les entreprises étrangères implantées en
Chine, je pense que les investisseurs chinois représentent une menace pour les entreprises
occidentales.
En effet, ils investissent de plus en plus en Europe et notamment en France. En 2006, la
Chine s’est hissée au septième rang des investisseurs en France, selon Philippe Favre73
« Pour la première fois […] les entreprises chinoises ont créé plus d’emplois en France que les
entreprises japonaises ». Cela s’explique en partie car même si leur marché intérieur est
énorme, les chinois ont également conscience que l’Europe et ses 550 millions d’habitants
constituent l’un des plus grand marché du monde et qu’il ne faut pas le négliger ou le mépriser.
Mais derrière ces investissements souvent soutenus par les politiques -avec l’argument
que cela créé des emplois dans nos pays- je vois une réelle menace. Même si leur nombre est
difficilement quantifiable, une partie non négligeable de ces investisseurs achètent des
entreprises étrangères pour acquérir la technologie et une fois celle-ci maîtrisée ils
délocalisent l’ensemble de la production en Chine.
Ainsi la Chine peut disposer de produits technologiques et ne plus être seulement
« l’atelier du monde ». De leur côté les pays occidentaux voient ce qu’ils estiment être leur
avenir -les produits technologiques- partir dans des pays low-costs. Cette démarche des
investisseurs chinois, de plus en plus nombreux et puissants, est une menace réelle pour les
pays occidentaux.
73
La France séduit-elle les investisseurs chinois ?, Radio 86,
http://www.radio86.fr/decouvrir-et-apprendre/business/3860/la-france-seduit-elle-les-investisseurs-chinois, 10 avril
2007.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
7 - Les risques d’une implantation en Chine
Les médias occidentaux et notamment français relayent régulièrement les problèmes
rencontrés par les entreprises qui sont allé travailler en Chine. Même s’il est important de
prendre du recul par rapport à ces documents dont certains ne sont pas très objectifs, il faut
être conscient que travailler en Chine présente des risques particuliers pour les entreprises.
7. 1 Non respect de la propriété intellectuelle
Le risque de copie des produits ou des outils de production est, à mon sens, le danger
majeur d’une implantation en Chine. Même si ce pays a progressé ces dernières années et
que son adhésion à l’OMC en 2001 le pousse à faire des efforts, les « faux » produits sont
choses courantes dans l’Empire du Milieu. Plus de 4 300 personnes 74 ont été jugées et
condamnées en 2007 pour des infractions au droit de la propriété intellectuelle, d’après un
officiel de la cour suprême chinoise.
7. 1. 1 Copie des produits et des procédés
Même s’il existe des centaines d’exemples de copie des produits et des procédés, l’un
des cas les plus connus de ces dernières années touche le groupe français Danone.
En 1996, Danone signe avec Zong Qinghou -un riche homme d’affaire chinois
également impliqué en politique en faisant notamment parti du PCC et député à l’Assemblée
Nationale Populaire- un accord de co-entreprise détenu à 51% par le groupe français.
Wahaha, l’entreprise commune, est notamment chargée de distribuer les produits de Danone
en Chine.
Durant 10 ans, cette joint-venture se déroule sans encombre et les deux parties profitent
pleinement du développement du marché chinois pour augmenter leurs bénéfices. Mais en
2007 le groupe Danone découvre que Wahaha a monté des entreprises annexes ne figurant
pas dans les comptes communs. Ces usines, de la propriété de Mr. Zong, fabriqueraient les
74
Chine : 4 300 personnes condamnées pour violation du droit de la propriété intellectuelle en 2007,
Chine-informations.com,
http://www.chine-informations.com/actualite/chine-4-300-personnes-condamnees-pour-violation-du-droit-de-la_91
08.html, 15 avril 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
mêmes produits que ceux réalisés par la co-entreprise. Pire, ces produits copiés seraient
également commercialisés et distribués par les mêmes canaux que ceux de la joint-venture
entre Danone et Mr. Zong.
Danone a dans un premier temps souhaité résoudre ce différend à l’amiable en
proposant de racheter pour 519 millions de dollars les sociétés incriminées, mais Mr. Zong a
refusé cette offre. Une série d’actions en justice a été intentée, en Chine mais également en
Suède et aux Etats-Unis. De son côté, Mr. Zong évoque75 les « menaces » que représentent
les entreprises étrangères en dénonçant notamment « l’invasion de la Chine par les
puissances étrangères ».
Depuis, les décisions de justice se suivent et se contredisent, Danone a perdu son
procès au tribunal de Hangzhou (Chine), la ville même qui abrite le siège de Wahaha, alors
que les affaires portées devant les justices étrangères ont été gagnées par le groupe français.
Après une demande du gouvernement chinois, les discussions ont repris en décembre 2007
pour trouver un accord « à l’amiable ». Certaines sources76 évoquent le souhait de Danone
de vendre l’ensemble de ses parts de la co-entreprise. A ce jour aucun accord n’aurait été
trouvé. Je note enfin que Mr. Zong est poursuivi par le fisc chinois car il n’a « pas déclaré
l'ensemble de ses revenus au fisc pendant plusieurs années77 » d’après une enquête du
Bureau du Trésor de Hangzhou.
La déconvenue de Danone n’est pas un cas isolé et les problèmes de copies touchent
tous les domaines d’activités. Citons par exemple le cas de Zhejiang Huatian -une entreprise
elle aussi située à Hangzhou- qui a été condamnée en juin 2007 à une indemnité de 819 000€
par la Cour Suprême Populaire en dédommagement de Yamaha après avoir copié le nom et
les produits du groupe Japonais. Une autre affaire a été médiatisée courant 2007 avec la sortie
du Shuanghuan Sceo, une voiture « 4x4 » ressemblant fortement aux modèles X5 de BMW et
à la Honda CR-V. DaimlerChrysler, groupe germano-américain a également été confronté à
une copie de l’un de ses modèles, il s’agissait de la Smart, cette petite voiture citadine. CMEC,
basé à côté de Shanghai, avait totalement copié le modèle « original » en mettant un moteur
électrique et non thermique. L’affaire avait été portée devant les tribunaux et DaimlerChrysler
75
Pascale Nivelle, Danone – Wahaha en 6 dates, Libération, 14 juin 2007.
76
Yann Rousseau, Ultime bras de fer entre Danone et son partenaire Wahaha, Les Echos, 14 avril 2008.
77
En conflit avec Danone, le patron de Wahaha est poursuivi le fisc, Challenge, 14 avril 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
avait obtenu gain de cause78. Les exemples, nombreux, montrent que même les plus grosses
multinationales rencontrent des problèmes de copie en Chine. Comment ne pas citer Microsoft
qui, après y avoir investi des millions de dollars en Chine pour promouvoir Microsoft Vista,
s’est rendu compte qu’après 15 jours de vente du système d’exploitation en Chine seulement
244 licences79 avaient trouvé acquéreur !
Le secteur dans lequel on retrouve probablement le plus de copies est celui du textile.
Toutes les grandes marques sont victimes de « faux » et certaines sont également
confrontées à des marques contrefaites. Je peux, par exemple, citer « Lacoste » qui a été
copié par « Crocodile » avec un logo très proche (seule la direction du logo change) ou encore
Nike copié par Anta (la virgule du logo est à l’envers), cette dernière ayant également copié le
slogan d’Adidas (« Impossible is nothing ») pour créer le sien (« Anything is possible »). Dans
le luxe, Louis Vuitton est attaqué de toutes parts, autant par les faux que par la copie du nom.
Jun Wang a par exemple déposé la marque « Lou Yi Vei Ten » et celle-ci a été validée le 21
janvier 2007, en dépit d’une action en justice du groupe LVHM. Une autre pratique
malheureusement courante en Chine dans le secteur du textile consiste à copier entièrement
un modèle et à en changer seulement un ou deux détails, par exemple l’emplacement des
boutons, pour justifier qu’il ne s’agit pas d’une copie…
La grande ressemblance des logos de Nike et d’Anta
Il existe également des cas encore plus impressionnants : les copies d’entreprises. C’est
quelque chose que nous avons, en occident, du mal à imaginer. Il y a pourtant en Chine de
fausses entreprises, ou plutôt des copies « intégrales » de groupes mondiaux. Concrètement
cela signifie qu’en parallèle de la marque officielle mondialement connue, il existe une ou des
entreprise(s) ayant le même nom, le même logo et les mêmes produits, avec tout de même
une qualité nettement inférieure. Je me souviens d’un déjeuner avec des expatriés ou l’un
d’eux expliquait qu’un commercial de son entreprise (important groupe mondial) avait entendu
78
Automobile : les chinois ont tenté de copier Smart !, Chine-informations.com,
http://www.chine-informations.com/actualite/automobile-les-chinois-ont-tente-de-copier-smart_5607.html, 06
décembre 2006.
79
Vista : 244 copies vendues en Chine en 15 jours, Presence-pc.com,
http://www.presence-pc.com/actualite/vista-chine-ventes-22952, 08 novembre 2007.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
de la part d’un client lors d’une visite « mais, je ne comprends pas pourquoi vous êtes là, j’ai
déjà eu un commercial de votre entreprise la semaine dernière ». Il s’agissait d’un « faux
commercial » d’une « fausse entreprise ». Le vendeur de la marque officielle a indiqué que
seul, lui, représentait l’entreprise légale mais le client a répondu, en montrant la carte de visite
du « faux commercial » (qui reprenait le vrai logo) « comment puis-je savoir lequel représente
la vraie entreprise ? Comment pouvez-vous me prouver que vous faites réellement partie de
l’entreprise autorisée ? ». Après quelques mois en Chine j’ai déjà entendu à plusieurs reprises
le cas de ces « copies d’entreprises ». Stupéfiant !
Fuanna, une société concevant et fabriquant des draps de luxe a connu de tels
problèmes en 2003. Sa notoriété et la qualité de ses produits ont entraîné une copie intégrale
de l’entreprise à Nantong dans le Jiangsu (1 000 kilomètres plus au nord de Shenzhen où est
implanté Fuanna). Après avoir monté un dossier réunissant toutes les preuves nécessaires,
l’authentique entreprise a fait démanteler l’ensemble des sites de production et entrepôts
illégaux. Cette opération a été menée avec succès et sans résistance aucune, chose plutôt
étrange en Chine dans un tel dossier. Quelques jours plus tard, la surprise des dirigeants de
Fuanna fût à la hauteur de l’évènement : après avoir changé un caractère dans le nom (Fuerna
à la place de Fuanna), ceux-la même qui avaient gentiment fermé la fausse usine Fuanna
venaient de rouvrir, devant la presse, le maire et le gouverneur une « copie légale » de la
marque originale. Et le patron pirate d’ajouter au détective de Fuanna « Allons, allons, ne le
prenez donc pas autant à cœur… Vos modèles sont supers, et vous êtes nos maîtres – nous
ne copions pas le premier venu ! Pour nous récompenser, ne pourriez-vous pas nous
dépanner un peu ? Vos dernières créations sont rudement difficiles à reproduire… Vous ne
pourriez pas simplifier votre design ? »80. A peine croyable…mais vrai, c’est aussi ça la Chine !
7. 1. 2 L’importance des brevets
Je viens de vous présenter les problèmes de copie des produits en Chine. Même si
malheureusement cela ne garantira pas le respect de la propriété intellectuelle, je voudrais
mettre en avant l’importance de protéger ses produits en déposant des brevets auprès des
organismes compétents.
C’est pourquoi même si des copies risquent d’apparaître, il est important de posséder
les brevets des produits conçus pour ne pas se faire bloquer par une copie chinoise ayant
déposé un brevet. Il arrive en effet que l’entité copieuse dépose un brevet en son nom du
80
Eric Meyer, Bon chat chinois prend la souris, P166, Editions Seuil, février 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
produit copié. Le concepteur initial du produit n’aura alors aucun droit à faire valoir et, pire, il
risquerait même d’être accusé de plagiat.
7. 1. 3 La valeur des contrats avec les « partenaires »
Le cas Danone – Wahaha a été médiatisé et a permis de mettre en lumière les difficultés
des entreprises étrangères en Chine. Mais pour un cas médiatisé, il semblerait que d'autres
entreprises rencontrent des difficultés avec leurs partenaires Chinois.
Derrière ces échecs de partenariats, il y a souvent une incompréhension réelle et des
divergences insuffisamment explicitées de la vision à long terme. Celles-ci sont d’ailleurs
« normales » car les acteurs ont des cultures, schémas de pensée et systèmes économiques
vraiment différents, voire antagonistes.
La valeur même d’un contrat est différente suivant les conceptions et certaines choses
qui peuvent paraître malhonnêtes pour les occidentaux pourraient être normales pour des
chinois. La conception des affaires est très différentes et en caricaturant on pourrait dire que
« la signature d’un contrat représente une situation finale pour les étrangers et un début du
dialogue pour les chinois81 ». Certains ironisent en disant qu’après la signature d’un contrat, à
peine vous serez dans l’avion que déjà votre partenaire chinoise cherchera à contourner les
termes de l’accord. Anders Maltesen, patron de Tianjin Alstom Hydro, déclarait d’ailleurs que
« nos quatre ou cinq premières années ont été difficiles, avec un partenaire pour lequel la
signature du contrat avait représenté l'ouverture des négociations »82.
Les joint-ventures étaient obligatoires pour travailler en Chine, une entreprise étrangère
n’avait pas le droit de monter seule une affaire dans l’Empire du Milieu. Cela explique pourquoi
toutes les entreprises, quelques soient leurs tailles, aient débuté en Chine en s’associant à un
partenaire local. Suite à des pressions de l’OMC, la Chine autorise maintenant les
investisseurs étrangers à créer des entreprises à 100% étrangère (WOFE pour Wholly-Owned
Foreign Entreprises), exceptions faites pour les secteurs considérés comme « stratégiques »
comme l’IT, l’automobile, l’énergie, la communication, etc.
81
Danone : Chinois, copieurs !, Admirabledesign.com,
http://www.admirabledesign.com/Danone-Chinois-copieurs, 18 juin 2007.
82
Dan Martin, L'affaire Danone - Wahaha illustre les risques des entreprises mixtes en Chine, Yahoo !
Finance,
http://fr.biz.yahoo.com/17062007/202/l-affaire-danone-wahaha-illustre-les-risques-des-entreprises-mixtes.html, 17
juillet 2007.
Stéphane Bourrut Lacouture - P13
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
De fait, trouver un partenaire chinois n’est plus obligatoire. Mic Mittasch, un Australien
qui a vécu plusieurs joint-ventures et qui est aujourd’hui à la tête d’une entreprise 100%
étrangère déclare que « nombre de sociétés ayant des partenaires chinois cherchent à en
réduire l'influence. Pour moi d'ailleurs, il n'y a plus de raison de s'associer ». Edward Smith,
directeur du Beijing Consulting Group, rejoint cette analyse en déclarant pour le même article
que « finalement une joint-venture c’est parfois plus de travail que de se monter seul » avant
de poursuivre « qu'on peut trouver aujourd'hui de bons cadres chinois pour vous aider ».
A mon sens, outre la possibilité de réaliser des économies, notamment pour les PME
ayant des moyens plus limités, la principale raison de s’associer à un chinois est
d’appréhender les méandres de la complexité administrative, politique et légale chinoise.
L’une des plus grandes « arnaques » chinoise envers des fonds d’investissements
étrangers est probablement celle dont a été victime Tim Clissold, l'ancien représentant en
Chine du fonds d'investissement Asimco. Après avoir investi 450 millions de dollars qui lui ont
permis de créer une vingtaine d’entreprises et près de 25 000 emplois, le vent tourne et
commence alors une longue descente aux enfers. Dans son livre Monsieur China : Comment
perdre 450 millions de dollars après avoir fait fortune à Wall Street83, Tim Clissold raconte son
histoire. Voici un extrait du résumé84 : « Contrats bidons, clauses cachées, cadres de mèche
avec de hauts fonctionnaires qui lorgnent cette manne. Au Parti, on récupère gratis. Des
agents troubles brûlent des livres de comptes, effacent 58 millions de dollars d'un trait de
plume ou coupent l'électricité dans les usines et ateliers que Clissold est sommé de céder. Ce
dernier a beau se battre comme un lion, convoquer la presse après un recul des cadres
véreux, les 450 millions de dollars investis sont peu à peu dilapidés. Les cadres chinois se
servent même dans la caisse pour lancer leurs propres boîtes... bien sûr concurrentes ! A
s'arracher les cheveux. »
7. 1. 4 Ne pas envoyer de haute technologie en Chine
La question se pose alors : peut-on fabriquer des produits de haute technologie en
Chine au risque de se faire copier des produits ou processus ayant demandé de lourds
investissements financiers ? Pour moi, la réponse est « il faut éviter ».
83
Tim Clissold, Monsieur China : Comment perdre 450 millions de dollars après avoir fait fortune à Wall
Street, Saint-Simon, mai 2006.
84
Mr China, Nintendo-Master.com, http://www.nintendo-master.com/blog, 08 janvier 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Je pense que pour les produits à faible valeur ajoutée et à faible ou moyenne technicité
la Chine peut-être une opportunité intéressante. En revanche, fabriquer en joint-venture ou
seul- des produits stratégiques ayant demandé des frais de R&D importants me semble
dangereux car il y a une forte probabilité que les produits, et peut-être même les outils de
production, soient copiés. Je pense qu’à ce jour il faut préserver ses forces en limitant ses
expositions en Chine.
Je voudrais enfin rajouter en aparté : il ne faut pas aller en Chine car « tout le monde y va
et c’est à la mode ». Il est d’ailleurs important de mentionner que des entreprises, de tous les
secteurs, ont relocalisé leurs productions en Europe ou au Maghreb suite à des problèmes de
copie et de non respect de la propriété intellectuelle. Dans son livre 85 , Tim Clissold met
d’ailleurs en avant le risque de suivre la mode « Deux heures d'entretien, suivies d'une
macroanalyse du pays concerné, et le tour est joué ! Tout ça parce que la Chine est à la
mode ».
7. 2 La qualité des produits « Made in China »
Peut-être est-ce dû à la vision cyclique des choses, toujours est-il que les chinois ont
l’habitude de construire « le moins cher possible » même si le produit ne durera pas dans le
temps à cause d’une qualité médiocre. Et je dois bien avouer qu’ici, énormément de choses
sont de basse qualité : les constructions (même de « haut standing »), les produits standards,
les voitures, les lits, les tire-bouchons, etc.
L’actualité du second semestre de l’année 2007 a été chargée par les problèmes qualité
des produits « made in China ». Les produits incriminés sont variés : « les porcs à qui on
injectait vingt litres d’eau sale avant de les mener à l’abattoir- clandestin évidemment (Pékin) ;
du plasma sanguin vendu dans les hôpitaux qui n’avait de sanguin que le nom (Harbin) ; des
œufs de cane au pigment industriel servant à colorer le fioul (Pékin) ; des turbots non pas au
Riesling mais à la surdose d’antibiotiques interdits (Shandong) ; des épinards au DDT, interdits
pourtant depuis une trentaine d’années en Chine (Guangdong) ; des jouets au plomb (USA) ;
du dentifrice, y compris vendu à une chaîne internationale d’hôtels 5 étoiles et du sirop contre
la toux à l’antigel (Amérique centrale, Europe, USA…) ; du kimchi aux cafards (Corée du sud),
85
Tim Clissold, Monsieur China : Comment perdre 450 millions de dollars après avoir fait fortune à Wall
Street, Saint-Simon, mai 2006.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
etc.86 ». Les problèmes qualité des produits chinois concernent la durée de vie des produits
concernés mais également, et c’est à ce moment que cela devient grave, la santé des
utilisateurs. Certains problèmes dus à des négligences ou, pire, à des actes volontaires,
peuvent entraîner la mort des consommateurs ou usagers. Selon Jean-François Huchet87,
directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine et spécialiste en économie
industrielle et internationale, « le problème de la qualité, de la sécurité des produits chinois
touche (…) entre 1 à 2% du volume global des exportations chinoises mais (…) [cela]
représente tout de même un volume très important ». Ces problèmes de qualité des produits
chinois ont en tous cas provoqué l’inquiétude des consommateurs à travers le monde.
D’autant plus que les produits en provenance de l’Empire du Milieu investissent dorénavant
nos assiettes et non plus seulement les produits ménagers, jouets et textiles. Avant d’aller plus
loin, je voudrais préciser que ces problèmes touchent les exportations mais aussi le marché
intérieur de la Chine. D’ailleurs, certains chinois88 ont le sentiment que tant que cela reste en
Chine le gouvernement ne prend pas de mesure, mais qu’il agit lorsque d’autres pays sont
touchés « L’année dernière, il y a eu plein de scandales : le faux sang, l’œuf coloré
chimiquement, les nouilles frelatées. Mais le pouvoir n’a pas levé le petit doigt. Il faut attendre
que ces scandales touchent les exportations pour qu’enfin il réagisse. Ca montre bien
comment il ne fait pas grand cas des consommateurs chinois et qu’il ne se soucie que des
étrangers. ».
L’ensemble des problèmes apparus sur les produits chinois montre bien que la maîtrise
des processus de qualité est l’un des challenges principaux que la Chine se doit de relever
pour devenir une véritable puissance économique mondiale. Mais certains vont plus loin et
élargissent la question sur la responsabilité des pouvoir locaux ou, comme le dit Jean-Luc
Domenach89 « les mafias locales qui n'en font qu'à leur tête » et qui ne respectent pas les
demandes du pouvoir central qui, lui, exige une amélioration de la qualité des produits et une
diminution du coût de l'énergie par unité de bien produit.
86
Bruno Birolli, Made in China,
http://bruno-birolli.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/09/06/made-in-china.html, 06 septembre 2007.
87
Jean-François Huchet, Le consommateur chinois est la première victime des problèmes de qualité,
Libération, 12 septembre 2007.
88
Jean-François Huchet, Le consommateur chinois est la première victime des problèmes de qualité,
Libération, 12 septembre 2007.
89
Daniel Ernult, L’actualité chinoise de l’été, Radio86,
http://www.radio86.fr/decouvrir-et-apprendre/geopolitique/4748/lactualite-chinoise-de-lete, 06 septembre 2007.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Je voudrais terminer sur ce sujet en précisant qu’à mon sens la responsabilité des
multinationales étrangères est réelle. En exigeant sans cesse des diminutions des coûts dans
un pays ayant une éthique différente de la nôtre et ou l’application du droit est un réel problème
les chinois peuvent être amenés à dépasser les limites et à utiliser des méthodes ou produits
interdits.
On le voit bien, il est indispensable de prendre conscience que fabriquer en Chine peut
entraîner des problèmes qualité de première importance. Cela signifie aussi qu’il vous faudra
mettre en place des solutions de contrôles adaptées à l’environnement et à vos produits.
7. 3 Influence sur l’image de l’entreprise
7. 3. 1 En cas de délocalisation…
Depuis quelques années, la Chine « fait peur » en occident. Son pouvoir, sa place dans
le monde et surtout sa puissance économique inquiètent bon nombre d’européens et
d’américains. Lors de mon passage en France entre septembre et décembre 2007, il n’y a pas
eu une seule semaine sans qu’un magazine ou qu’un reportage télévisé fasse de la Chine son
sujet principal. Outre les problèmes de qualité des produits que je vous ai présentés plus haut,
l’Empire du Milieu inquiète car un nombre important d’entreprises délocalisent de France pour
aller s’installer en Chine. Après avoir été présenté « positivement » en 2005 -avec notamment
un évènement spécial à la Tour Eiffel à l’occasion du nouvel an chinois- ce pays est
maintenant présenté comme « dangereux » par les médias occidentaux. Et les français
prennent rapidement peur, même s’ils ne connaissent absolument pas ce gigantesque pays.
Outre les problèmes politiques et des droits de l’homme, la Chine fait peur car tout le
monde entend parler de délocalisations de la France vers ce pays d’extrême Orient. De fait, il
conserve et même développe une image négative. Et les entreprises qui délocalisent de la
sorte véhiculent elles aussi une image négative, sans se soucier de la pertinence de cette
délocalisation (raison budgétaire, approche d’un nouveau marché, etc.).
Cela influence directement l’image de l’entreprise et les ventes peuvent en être
immédiatement touchées. C’est notamment le cas pour le secteur du luxe. Le 10 mai 200690,
une ouvrière de l’entreprise Ecce -sous traitant de LVMH- s’est invitée à l’assemblée générale
90
Bertrand Fraysse, La vérité sur… Les délocalisations dans le luxe, Magazine Challenges, 28 juin 2007.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
du groupe pour protester contre la fermeture de son usine. LVMH avait en effet décidé de
délocaliser la fabrication des costumes Kenzo et Givenchy en Europe de l’Est, au détriment
d’Ecce. L’affaire a été médiatisée et, pour éviter une mauvaise publicité, LVMH a fait marche
arrière en accordant à son sous-traitant un accord de fabrication de trois ans à « prix
français ». En septembre 2007 Louis Vuitton, filiale du groupe LVMH, a indiqué91 qu’une usine
d’assemblage de chaussures allait ouvrir en décembre 2008 à Puducherry en Inde. Cette
usine, la première du groupe située hors d’Europe et d’Amérique du Nord, aura pour activité le
piquage des semelles, la majeure partie de la fabrication continuera d’être réalisée en Italie ; la
mention « made in Italy » sera d’ailleurs toujours employée. Pour préserver son image de
marque, LVMH a indiqué que cette ouverture de site n’était pas une délocalisation pour réduire
les coûts de fabrication, c’est simplement une volonté de s’implanter sur le marché Indien.
Pour confirmer cela, une augmentation des capacités de production en Italie a même été
annoncée. Maxime Koromyslov, spécialiste des délocalisations dans le luxe explique que
« Les consommateurs continuent de juger les délocalisations dans ce secteur immorales et
inacceptables. Les marques qui y ont recours perdent toujours en qualité et en valeur
perçue ».
On le voit, les délocalisations de production peuvent s’avérer dangereuses vis-à-vis de
l’image de l’entreprise. Alors, bien sûr, l’exemple du luxe ne s’applique pas à tous les
domaines d’activités, néanmoins les entreprises doivent montrer qu’elles sont « socialement
responsables » pour conserver une image de marque positive.
7. 3. 2 … et en cas de « non-délocalisation »
Mais contradictoirement, il arrive que certaines entreprises voient leur image ternie car
elles n’ont pas de site de production dans les pays en développement. C'est particulièrement
vrai avec la Chine. Le raisonnement est simple : comme je l’ai indiqué plus haut et comme Tim
Clissold le confirme la Chine est « à la mode » depuis plusieurs années. Certaines personnes
considèrent alors que ne pas être présent dans ce pays est un signe de manque de réactivité
de l’entreprise ; l’entreprise « n’est pas à la mode » et n’est pas « mondiale », point souvent
valorisé (de manière parfois contradictoire avec le point précédent).
91
Emil Sinclair, Une usine indienne pour la marque de luxe Louis Vuitton, Aujourd’hui l’Inde,
http://www.aujourdhuilinde.com/actualites-inde-une-usine-indienne-pour-la-marque-de-luxe-louis-vuitton-587.asp,
21 septembre 2007.
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7. 4 Explosion des coûts
7. 4. 1 L’inflation, un risque réel en Chine
La croissance exceptionnelle de la Chine depuis 30 ans favorise une inflation
importante. Celle-ci devrait rester forte au cours des prochaines années. Même si des
prévisions existent, les risques de dérapages de l’inflation sont réels. Si tel était le cas, les
coûts liés à une activité en Chine pourraient eux aussi progresser de manière importante. S’ils
échappent aux contrôles, les coûts de production liés à votre entreprise pourraient augmenter
significativement et remettre alors tout votre projet en question.
L’inflation du premier trimestre 2008 s’élève à 8%92 ce qui en fait la plus forte inflation
depuis 13 ans. Durant cette même période les prix des produits alimentaires ont bondi de 21%
sur un an et les logements et la location ont augmenté de 6,6%. Il va être difficile pour le
gouvernement de rester sous la barre des 4,8% pour l’année 2008, ce qui était leur objectif
prévisionnel.
Outre les produits, biens et services qui augmentent, une telle inflation entraîne
également une augmentation des salaires. Après des hausses d’environ 14% entre 2001 et
2006, les salaires ont progressé de 18,72%93 en 2007 par rapport à 2006, dans les villes
chinoises. Cette hausse représente la plus forte progression au cours de la dernière décennie.
7. 4. 2 Mauvaises estimations des coûts du projet
Un projet de site en Chine exige une estimation précise de l’ensemble des coûts
inhérents. Une mauvaise évaluation des coûts du projet risquerait de transformer le gain
recherché en perte directe.
Les principaux coûts directs à inclure dans un projet sont :
•
acquisition immobilière,
•
transfert technologique,
•
expatriation de membres des équipes,
92
AFP, Les prix augmentent en Chine, France24,
http://www.france24.com/fr/20080416-chine-inflation-croissance-pib-prix-alimentaire, 16 avril 2008.
93
Chine : les salaires des employés ont fortement augmenté en 2007, Les Echos, 03 avril 2008.
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•
recherche de fournisseurs locaux,
•
recrutements locaux,
•
gestion à distance,
•
déplacement entre le site en Chine et la maison mère,
•
frais logistiques supplémentaires,
•
éventuel plan social en France.
De plus, il est important de ne pas sous estimer les coûts au sens large du terme -argent,
temps et ressources humaines- pour les opérations de gestion administrative qui peuvent ne
pas toujours être très simples dans la « jungle bureaucratique » chinoise. Par exemple :
•
obtention des licences (régional et/ou national),
•
homologation aux normes chinoises (pour vendre en Chine et/ou pour
exporter),
•
fiscalité d’une structure,
•
protection de la propriété intellectuelle.
Une estimation précise de tous ces paramètres diminuera les risques financiers du
projet. En cas de doutes il est préférable de surévaluer les coûts de manière à ne pas avoir de
mauvaises surprises par la suite.
7. 4. 3 Coûts liés à un problème qualité
Comme je l’ai indiqué plus haut, la découverte de problème qualité sur des produits
fabriqués en Chine est redondante. Si votre entreprise devait subir, directement ou par
l’intermédiaire d’un fournisseur, un tel problème, la répercussion sur vos coûts pourrait être
élevée et dramatique. Suivant les cas, vous pourriez en effet mettre au rebut une partie ou
l’ensemble de votre production, remplacer des produits défectueux ou intervenir chez vos
clients pour effectuer des modifications (campagnes extrêmement coûteuses) ou encore
rapatrier les produits déjà vendus. L’image de votre entreprise en pâtirait ce qui est susceptible
de diminuer vos ventes.
Un problème qualité risquerait également d’entraîner une explosion des coûts de
coordination entre vos unités française et chinoise car cela pourrait nécessiter une
multiplication des déplacements, l’envoi d’équipes françaises en Chine, etc.
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7. 5 Risques géopolitiques
Bien que correctes, les relations diplomatiques de la Chine avec les autres « grands
états » du monde peuvent rapidement devenir houleuses. Suite à des émeutes au Tibet en
mars 2008, plusieurs pays occidentaux, dont la France, ont demandé au gouvernement
chinois de cesser les violences et de rouvrir le dialogue avec le Dalaï-lama. Quelques
semaines plus tard, le 7 avril, le parcours de la flamme olympique a été fortement perturbé
dans plusieurs villes occidentales, tout particulièrement à Paris, par des opposants au régime
chinois et des « pro Tibet ».
Dans le même temps, les informations en provenance de Chine et d’Occident étaient
très différentes pour ne pas dire contradictoires. Des annonces d’un éventuel boycott des Jeux
Olympiques Beijing 2008 -des épreuves ou de la cérémonie d’ouverture- par des responsables
politiques étrangers ont été très mal reçues par le gouvernement chinois.
Ces divers événements ont favorisé le sentiment nationaliste des chinois et une vague
« anti-français » a été déclenchée. Il y a notamment eu des manifestations devant les
supermarchés Carrefour, très implantés en Chine, ainsi qu’un appel au boycott de cette
enseigne. Les répercussions économiques semblent faibles mais il est important de prendre
en compte ce risque lorsque l’on prévoit de travailler en Chine. En 2005, des manifestations
anti-japonaises ont eu lieu en Chine avec plusieurs rassemblements réunissant jusqu'à 10 000
personnes. Des bâtiments officiels mais aussi des magasins et restaurants japonais ont alors
été attaqués ; les intérêts japonais en Chine étaient directement visés et touchés.
Ces tensions diplomatiques peuvent également complexifier les obtentions de visas.
C’est un phénomène qui est observé depuis mars/avril 2008 avec d’importantes difficultés
pour obtenir des visas « business ». Là encore cela peut interférer négativement avec votre
activité, notamment pour les visites de personnes venant de l’étranger.
Ces différents éléments tendent à compliquer les affaires des entreprises étrangères
installées en Chine. Si ces évènements s’intensifient certaines pourraient même rencontrer
des difficultés importantes.
Le 22 avril Monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat, et une délégation de 5
sénateurs sont venus à Hangzhou pour rassurer les entreprises françaises de la région par
rapport aux difficultés rencontrées suite aux relations diplomatiques franco-chinoises.
Les services officiels français ont également évalué le risque géopolitique comme
sensible. C’est dans ce cadre que, fin avril 2008, la Mission Economique et la Chambre de
Commerce et d’Industrie française en Chine (CCIFC) ont créé un dispositif de veille destiné à
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
recenser les événements inhabituels affectant les implantations françaises en Chine. Une
adresse e-mail ainsi qu’une permanence téléphonique ouverte week-end et jours fériés ont été
mis en place pour permettre aux entreprises françaises de « signaler (…) toute information qui
(vous) semblerait utile de porter à la connaissance des représentants français en Chine94 ».
En conclusion, même s’il ne faut pas céder à la panique, il est tout de même important
d’avoir conscience des « risques pays » liés à une activité en Chine, pays dont les habitants
peuvent avoir un fort sentiment nationaliste lorsque la presse officielle réussit ses opérations
de propagande.
94
Caroline Vignon – Penard, Directrice Antenne Shanghai CCIFC, CCIFC Shanghai - Dispositif de veille,
par e-mail, 28/04/2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
Conclusion
La présentation de la culture et de l’environnement chinois nous montre à quel point il est
différent de travailler en France ou en Chine. Les histoires des pays et de leurs habitants et les
visions des choses et manières de travailler qui en découlent sont différentes voire
antagonistes. A ce contexte de départ, il faut ajouter la forte croissance du pays -environ 10%
chaque année depuis 30 ans- et une main d’œuvre peu onéreuse.
L’attrait des pays développés pour cette zone économiquement prospère de par son
(futur) marché et ses faibles coûts est important et nombreuses sont les entreprises qui ont
ouvert ou vont ouvrir des sites en Chine.
Mais comme je l’ai montré à travers la présentation du pays et des méthodes de travail
associées, travailler dans ce pays exige une acceptation et une adaptation à de nouvelles
contraintes. Lorsque je reprends les quatre piliers fondamentaux de l’entreprise, je constate
que bien des points sont plus difficiles en Chine qu’en France : le turnover important des
équipes, la sécurisation des approvisionnements, qualité et délais, et la structure du marché
exigent une adaptation complète.
C’est pour se préparer à ces nouvelles données que j’ai développé plusieurs axes de
travail afin de transformer cette différence d’environnement en force pour votre entreprise, en
avantage concurrentiel. Mettre l’accent sur la rémunération pour fidéliser les équipes,
(ré)intégrer un maximum d’opérations pour sécuriser les approvisionnements ou avoir en tête
la recherche immédiate de profit de la part des chinois, autant d’éléments différentes de
l’hexagone. Ce présent document veut être un « guide pratique » des différentes méthodes
permettant de mettre en place des stratégies pour palier les difficultés liées à l’environnement
Chinois.
Dans ce mémoire je vous ai présenté la Chine, son environnement et les axes de travail
pour ne pas subir les différences culturelles. La réalité de la Chine que j’ai développée tout au
long de ces pages est celle à connaître de manière « pratique » pour travailler ici. Il me semble
toutefois important d'évoquer pour finir un autre visage de l'Empire du Milieu.
Largement abordé par les medias occidentaux lors de ce premier semestre 2008, parfois
avec excès et inexactitude, cet aspect de la Chine comporte bien des faces sombres95 :
95
Ursula Gauthier, Les dix menaces du nouvel empire, L’Express n° 2268 du 24 au 30 avril 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
•
Les damnés de l’usine : 200 millions de jeunes travailleurs migrants corvéables
à merci. « La « sueur bon marché » des mingong permet aux articles à bas prix
made in China de déferler sur tous les marchés du monde. Des ouvrières
encore adolescentes, appréciées pour leur docilité et leur endurance, sont
payées 30 à 50 euros par mois pour travailler douze heures par jour, sans
protection contre les produits chimiques qu’elles manipulent, ni contre les abus
qu’elles subissent ».
•
Le choix des aides militaires et des soutiens diplomatiques de la Chine : la
Birmanie et ses généraux, le Soudan malgré le génocide au Darfour, le
Zimbabwe de Mugabe, la dictature Nord Coréenne, le Pakistan, l’Iran, le
Nigeria et l’Angola. La politique extérieure chinoise ne s’embarrasse pas de
scrupules humanitaires. A cela s’ajoute la conquête de l’Afrique avec les même
dérives que la Françafrique : soutiens aux régimes despotiques, corruption,
ventes d’armes, etc.
•
Un régime brutal : « les libertés (religieuses, civiles, de pensée, d’expression,
d’association, etc.) sont toujours réversibles. (…) Le nombre [d’exécutions]
s’élèverait à 7 000 ou 8 000 selon le sinologue Jean-Luc Domenach. »
•
« Des minorités laminées : la tragédie tibétaine, celle des Ouïgours du Xinjiang,
celle –désormais irréversible- des Mongols montre le visage « colonial » du
régime chinois. »
•
Un géant surarmé : un budget de la défense qui progresse de 20% par an
depuis 15 ans, une armée de 2,5 millions de soldats, la plus grosse au monde,
500 avions bombardiers et 1 000 missiles de courte et moyenne portées en
face de Taiwan. De nombreux pays s’interrogent sur les réelles intentions
chinoises.
•
L’environnement en péril : 750 000 personnes décèdent chaque année
directement de la pollution. « Un tiers des rivières sont tellement chargées en
polluants que l’eau ne peut plus être utilisée pour l’irrigation. 300 millions de
chinois boivent de l’eau polluée. (…) Sur les 30 villes les plus polluées de la
planète, 20 sont chinoises. (…) La pollution coûterait au pays 6 à 10 points de
PIB. »
•
Divorce entre la population et les élites politiques, économiques et culturelles.
Inégalités grandissantes entre le peuple et les fonctionnaires, avec
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
d’importants avantages pour ces derniers alors « qu’à l’autre bout de l’échelle
sociale, les ouvriers et paysans n’ont jamais connu pareille précarité.96 »
•
Extrême pauvreté de la Chine : « une classe moyenne de 100 millions de
chinois, une classe aisée, voire riche, d’environ 5% de la population et 900
millions de chinois ruraux qui vivent sous le seuil de pauvreté défini par les
Nations Unis »97. La pauvreté des étudiants concerne 20% de ceux-ci (soit plus
d’un million de personnes) et 24 millions de chinois survivent grâce à une
allocation d’Etat.
•
Une dette colossale : l’endettement officiel est de 1 500 milliards de yuan mais
la réalité serait bien différente et la dette totale serait équivalent au PIB lit-on
dans Chine : l’envers de la puissance.
Les événements qui ont eu lieu à propos du Tibet puis de la flamme Olympique m’ont fait
réfléchir et, bien que vivre en Chine soit passionnant, cela me pose un cas de conscience :
travailler en Chine tout en connaissant certains agissements et pratiques locales, cités plus
haut, n’est-il pas une manière de soutenir le développement à multi-vitesses de la Chine et
certaines des pratiques inacceptables qui existent sur place ? Vivre en Chine et participer à la
croissance du pays favorise-t-il plutôt l’ouverture d’esprit des habitants en leur faisant part de
visions différentes ou cela renforce-t-il le pouvoir et les agissements sus cités ? Travailler dans
l’Empire du Milieu est-il une manière à peine déguisée de cautionner voir d’encourager ces
méthodes indéfendables ?
Malgré l’attrait économique de la Chine, vivre et travailler dans un pays dont le régime
est autoritaire exige de procéder à une réflexion qui dépasse le seul cadre professionnel et de
profit financier. Christophe de Margerie, Président du plus gros groupe industriel français
(Total), déclare98 « si les entreprises ne devaient investir que dans des pays démocratiques, il
n’y aurait plus beaucoup d’endroits où travailler ! ». D’un point de vue financier, c'est exact
mais d’un point de vue éthique, c'est différent et la réponse est probablement différente pour
chaque individu suivant ses sensibilités personnelles.
96
Chongguo Cai, Chine : l'envers de la puissance, P16, Editions Mango, 2005.
97
Chongguo Cai, Chine : l'envers de la puissance, P16, Editions Mango, 2005.
98
G. Biseau, N. Cori et A. Schwartzbrod, « Notre actionnaire chinois? C’est nous qui sommes allés le
chercher », Libération, 10 avril 2008.
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Comment appréhender l’environnement chinois ?
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Ouvrages
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Bruno Marion, Réussir avec les Asiatiques, Editions d’Organisation, avril 2006.
Chongguo Cai, Chine : l'envers de la puissance, Editions Mango, 2005.
Guy Sorman, L'année du Coq : Chinois et rebelles, Fayard, janvier 2005.
Tim Clissold, Monsieur China : Comment perdre 450 millions de dollars après avoir fait
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Commerce Française en Chine, Le défi des investissements français à l’étranger, 10 janvier
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David Barroux, L’Amérique anti-chinoise se trompe de cible, Les Echos.
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Guy Faulconbridge, Moscou soutient la Chine contre les « actions illégales » au Tibet,
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Mathilde Gérard, Les Tibétains savent que c'est maintenant ou jamais qu'il faut se faire
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Martine Le Boulaire, Denis Segrestin et Yuxin Jiang, Travailler en Chine oblige à
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En conflit avec Danone, le patron de Wahaha est poursuivi le fisc, Challenge.
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Contact
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Site : www.Stephane-Bourrut-Lacouture.com
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Téléphone portable brésilien : +55 21 93 06 03 46
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