Hervé Sérieyx : De l`indignation à l`engagement

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Hervé Sérieyx : De l`indignation à l`engagement
Club Management 2011
Soirée du 16 novembre 2011
Hervé SÉRIEYX
De l’indignation à l’engagement :
Management toute !
réalisé par Jean-Louis THIS
Hervé Serieyx a passé l’essentiel de sa vie professionnelle dans le monde de l’entreprise. Il a notamment été
directeur général adjoint du groupe Lesieur, PDG d’Eurequip et de Quaternaire. Il a également été professeur à
l’université Paris VIII et quelques années plus tard délégué interministériel à l’insertion des jeunes en difficulté.
« Connaître le monde de l’entreprise et de la fonction publique m’a beaucoup appris », explique-t-il.
Aujourd’hui, il est normal d’être indigné, comme le dit Stéphane Hessel. En dépit de nos ressources et de nos valeurs
(liberté, égalité, fraternité), notre pays recule dans tous les classements internationaux: exportation, nombre de
brevets déposés… Parallèlement, d’année en année, on voit croître le nombre des « sans » : sans papier, sans
domicile fixe…
Que pouvons-nous faire ? Il ne faut pas oublier que nous sommes des citoyens et pas seulement des assujettis. Nous
sommes de ce fait responsables du bien commun. Pour le livre que je viens d’écrire avec André-Yves Portnoff, nous
avons recensé de nombreuses initiatives remarquables dans 4 champs : l’éducation, le développement territorial, le
web 2.0 et l’entreprise.
Effet papillon ou pas
Nous allons nous intéresser spécifiquement à l’entreprise, sans faire d’angélisme. Nous ne vivons pas dans le monde
des bisounours. Les facteurs de risque se sont multiplies :
➤ La concurrence s’est accrue très rapidement en 20 ans. Le marché mondial est passé dans cette période d’à
peine plus d’un milliard d’individus à plus de 4 milliards.
➤ Les économies sont aujourd’hui très interconnectées, nous rendant ainsi plus sensibles à l’effet papillon,
c’est-à-dire aux conséquences d’événements très divers. Sans qu’ils soient prévisibles et sans que leur survenue
ne soit assurée ou non. La crise des subprimes en est un exemple.
➤ Les capitaux nomades dictent leur loi, à la recherche de fortes rentabilités. Plus de 50% des capitaux du CAC
40 sont gérés ainsi.
➤ Les nouvelles technologies de l’information et de la communication bousculent notre rapport au temps et
à l’espace, facilitant, par exemple, les délocalisations.
Dans ce contexte, comment les entreprises peuvent-elles s’en sortir ? Les exemples encourageants ne manquent à
l’image de cette corderie qui vend du fil à paupiettes dans le monde entier ou de cette PME qui exporte des pinces
à linge en chine, sans oublier FAVI.
Ces réussites ont des points communs que je veux évoquer à présent.
➤ Une vision. Ces entreprises savent ce qu’elles veulent faire et à long terme.
➤ Des champions du capital patient. Certaines entreprises ont été introduites en bourse et se sont retirées.
➤ Une forte écoute de leurs marchés.
➤ Un respect des salariés et de leur environnement.
➤ Un fonctionnement en réseau. Elles constituent par exemple des groupements d’employeurs.
➤ Une maîtrise du web 2.0 qui permet d’attirer et de garder les jeunes talents.
De la manufacture à la cerveaufacture
Ces entreprises ont également assimilés deux changements organisationnels et un changement comportemental.
Elles sont passées de la manufacture à la cerveaufacture, c’est-à-dire du taylorisme, qui se résume à l’addition de
taches prédéfinies, à la multiplication des intelligences grâce au management.
Le second changement organisationnel concerne le fonctionnement en silos, c’est-à-dire la spécialisation des
tâches : production, vente… Ses effets pervers sont les jeux de pouvoirs internes, qui coûtent très chers face à la
concurrence. Le passage à un fonctionnement transversal permet un décloisonnement. Face à un problème de
qualité, on s’organise par processus. Face au lancement de nouveaux produits, on s’organise par projet… Ici aussi, il
s’agit de mobiliser les intelligences de tous.
Le changement comportemental touche l’approche de la vie professionnelle. La France est très mal placée selon
trois critères significatifs :
➤ le degré de satisfaction des salariés au travail,
➤ la liberté de prendre des décisions au travail,
➤ les relations sociales dans l’entreprise.
Ce constat ne peut pas être passé sous silence au moment où l’équation – performance de l’entreprise = capital x
travail – est remplacé par performance = capital x travail x confiance entre les acteurs.
C’est la raison pour laquelle, je propose 10 clés pour le management de la confiance. Elles se concrétisent sous
forme de 10 substantifs commençant par la lettre « c ».
➤ Cible. Il s’agit de donner du sens en montrant l’objectif et ne pas hésiter à le rappeler. Les jeunes ne veulent
plus lire de notes de service.
➤ Cohérence. C’est bien d’énoncer les valeurs auxquelles on adhère, encore faut-il être cohérent et les mettre
en valeur.
➤ Coopération. Pour être un bon professionnel, il est nécessaire de bien connaitre son métier. Pour bien
travailler avec les autres, il faut aussi avoir une bonne compréhension des enjeux et des contraintes de ses
collègues dans les différents services.
➤ Compétence. Les métiers évoluent en permanence. Les salariés doivent se former en continu. Nous devons
vivre à l’heure de l’entreprise apprenante.
➤ Communication. La vraie communication. L’information n’est pas la connaissance. La réception de
l’information n’est pas son traitement. La circulation de l’information n’est pas son partage. Bill Gates, par
exemple, avait pris l’habitude d’aller une demi-journée par semaine à la rencontre de ses collaborateurs pour
les écouter.
➤ Créativité. Il ne faut pas hésiter à faire appel aux idées de ses collaborateurs. Quand on réduit les personnes
à ce que l’on en attend, on passe à côté de ce qu’elles pourraient donner.
➤ Convivialité. Plus on accroît la rigueur de gestion et c’est nécessaire, plus il faut développer la chaleur du
management. La performance est à ce prix.
➤ Contrat social. Les partenaires sociaux sont des acteurs de plein exercice dans une société démocratique.
Nous avons eu tendance à les voir comme des empêcheurs de développer. Ils changent, nous devons les aider.
➤ Changement. Autrefois, la stabilité était la règle et le changement l’exception. Aujourd’hui, c’est l’inverse :
le changement est la règle. Il faut bien expliquer pourquoi le changement est vital sans oublier de mettre en
exergue les avantages qu’il présente et d’associer celles et ceux qui sont concernés.
➤ Courage. Le courage de se tromper et de recommencer.
Les changements que nous vivons, nous incitent également à conduire des efforts sur nous-même. Je vous citerai 5
pour conclure :
➤ Enthousiasme. Nous ne pouvons pas mobiliser nos collaborateurs sans enthousiasme. Un bon manager
importe de l’angoisse et exporte de l’énergie.
➤ Écouter. Quand tout change, il est impératif d’écouter ses clients, ses collaborateurs…
➤ Endurance. C’est la capacité à tirer les leçons de ses échecs.
➤ Éthique. L’éthique c’est une colonne vertébrale.
➤ Exemplarité. L’exemplarité créé la confiance dans un monde difficile.
Choisissons, en paraphrasant Albert Camus, l’efficacité de la sève qui fait pousser, plutôt que celle du typhon qui
emporte tout sur son passage.
Échanges...
Les conditions de travail se sont dégradées depuis quelques années dans les entreprises.
Hervé SÉRIEYX : C’est vrai. C’est la raison pour laquelle les moteurs managériaux du passé doivent redevenir
des moteurs pour l’avenir. On n’a pas le choix. L’aveuglement de certains managers ne doit pas devenir la
règle.
Le manque de reconnaissance est un frein à la motivation.
Hervé SÉRIEYX : Plus le niveau de formation des salariés s’est élevé dans les entreprises, plus ce qu’ils attendent
des managers est important. Regardez le mouvement des indignés dans différents pays. Que demandent-ils
? Que leur dignité soit restaurée.
Vous dites que le sens du bien commun se perd en France. Mais nous avons beaucoup d’associations.
Hervé SÉRIEYX : Les associations sont souvent pilotées par des retraités. Elles ont beaucoup de mal à attirer
des jeunes et notamment la tranche d’âge des 30-45 ans.
Vous dressez un constat critique de la situation française. Mais vous restez optimiste. Pourquoi ?
Hervé SÉRIEYX : La France bouge énormément. Nous avons trouvé beaucoup d’exemples encourageants. Le
contraste est saisissant entre Paris et les régions. A Paris, on entend en permanence : ça va pas, l’éducation
va dans le mur, les jeunes ne veulent pas travailler… C’est terrifiant. En outre, mon optimisme est de volonté
comme le disait le philosophe Alain.
Le web 2.0 est un moteur de confiance pour les jeunes.
Hervé SÉRIEYX : La jeunesse arrive dans un monde qui a ses codes. Je reste confiant car les modes de
pensée d’hier disparaissent avec ceux qui les ont portés. Alphonse Allais disait plus on ira, moins il y aura de
personnes qui auront connu Napoléon.
Pourquoi les cercles de qualité ont été abandonnés ?
Hervé SÉRIEYX : Il y a deux raisons. D’une part dans beaucoup d’entreprises les cercles de qualité sont devenus
un mode naturel de fonctionnement et se sont fondus dans l’organisation. D’autre part l’AFCERQ s’est prise
pour une institution.

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