Coeur Défense : les procédures de sauvegarde
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Coeur Défense : les procédures de sauvegarde
Restructuration S p é c i a l C l as s e ments 2011 Spécial Classements 2 01 1 Salans muscle son pôle restructuring Anticipant une conjoncture économique peu florissante pour les deux années à venir, le cabinet Salans s’est sensiblement renforcé en restructuring en recrutant Gabriel Sonier, Caroline Texier et leur équipe. Cette dernière intervient déjà sur une cinquantaine de dossiers. 92 MdA n°67/68 Janvier-Février 2012 Coeur Défense : les procédures de sauvegarde confirmées Par Jean-Philippe Robé et Benoît Fleury, Gibson Dunn & Crutcher Cœur Défense : à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2011, la Cour d’appel de Versailles vient confirmer la compétence des juridictions françaises et le bien-fondé de l’ouverture des procédures de sauvegarde L ’arrivée de Gabriel Sonier et Caroline Texier (Marie Dubarry de Lassalle et Charlotte Mantoux) chez Salans a fait du bruit dans le microcosme de la restructuration à Paris. Il faut dire que c’est sans doute un des mouvements d’équipes les plus significatifs en matière de restructuration au cours des derniers mois. Gabriel Sonier est il est vrai une référence dans la restructuration des entreprises en difficulté. Il a accompagné le ministre de la Justice, Dominique Perben, et son Cabinet aux Etats-Unis afin de se familiariser avec le Chapter 11 et a participé à l’élaboration de la législation française en matière d’entreprises en difficulté, à la mise en œuvre de la loi de Sauvegarde entrée en vigueur en 2006. Il a en outre formé quelques-uns des meilleurs spécialistes du marché (Guilhem Bremond et Aymar de Mauléon, notamment). Ces dernières années, Gabriel Sonier et Caroline Texier se sont illustrés sur des dossiers emblématiques tels qu’Eurotunnel, Thomson et Cœur Défense. A l’heure où nous écrivons l’équipe travaille sur une bonne cinquantaine de dossiers. Mais le grand avantage, c’est que désormais, ces spécialistes de la restructuration pourront piocher dans les équipes corporate de Salans en France mais aussi dans les 22 bureaux dans le monde…« Nous sommes heureux de rejoindre Salans. Sa forte présence internationale nous permet d’élargir le champ de nos activités dans un environnement qui Restructuration E Gabriel Sonier et Caroline Texier, associés de Salans se globalise de plus en plus. Plus d’une opération sur deux a une composante internationale », explique Caroline Texier. « dans un métier où le temps est une donnée clef, il est plus aisé de s’appuyer sur des équipes sociales, corporate, financement et des bureaux à l’étranger pour agir dans l’intérêt de nos clients. Le choix d’un cabinet multiservices comme Salans s’est finalement imposé à nous d’une façon naturelle.», note également Gabriel Sonier. Un rapprochement qui fait sens Chez Salans, on ne cache sa satisfaction. Les spécialistes de la restructuration avec une telle expérience ne sont pas nombreux sur le marché français. Et sont pour la plupart déjà bien installés au sein des quelques firmes spécialisées. « L’arrivée de cette équipe est une étape majeure du plan ambitieux de Salans de construire un groupe international RRI de premier ordre dans la plupart des pays où Salans est présent » témoigne Pascal Chadenet, Associé M&A chez Salans. « Cela faisait deux ans que nous réfléchissions à nous renforcer en restructuration mais il fallait trouver une équipe capable de s’intégrer dans le dispositif et la culture d’entreprise de Salans. » poursuit Paul Morel, associé en charge du M&A chez Salans. ■ O.B. n juillet 2007, Heart of La Défense SAS (« Hold ») acquiert la tour Cœur Défense, le plus important immeuble de bureaux d’Europe, pour un prix de l’ordre de 2,1 milliards d’euros financé à hauteur de 1,6 milliard d’euros par un prêt remboursable in fine, titrisé auprès d’un fonds commun de titrisation. Le prêt étant à taux variable, Hold conclut auprès de contreparties appartenant au groupe Lehman un contrat de couverture la protégeant contre une hausse excessive du taux. Survient le 15 septembre 2008, la « faillite » du groupe Lehman et la dégradation de la notation de ces contreparties. Le jour même, Hold est mise en demeure de substituer, avant le 5 octobre 2008, de nouvelles contreparties. Le 6 octobre 2008, Hold reçoit une nouvelle mise en demeure précisant qu’à défaut de conclusion, avant le 3 novembre 2008, d’un nouveau contrat de couverture courant jusqu’à l’échéance du prêt, l’exigibilité anticipée pourra être prononcée. Dans le cadre des discussions avec le prêteur et du contexte de tourmente financière de l’époque, Hold propose une solution temporaire. Dans le même temps, les obligataires du prêteur (le fonds commun de titrisation) sont convoqués à l’effet de voter notamment, sur le rejet de la proposition de Hold et l’exigibilité anticipée du prêt. Hold demande alors à être placée sous sauvegarde à Paris. Comme le fait son actionnaire unique, Dame Luxembourg (« Dame »), immatriculée au Luxembourg, garante du prêt et menacée, par le jeu d’un nantissement assorti d’un pacte commissoire, de perdre son seul actif -les actions émises par Hold. Le 3 novembre 2008, deux procédures de sauvegarde sont ouvertes par jugements du Tribunal de commerce de Paris. Ils sont d’abord confirmés par ce même tribunal, puis infirmés par arrêt de la Cour d’appel de Paris, Hold et Dame n’étant dès lors plus en sauvegarde. Mais le 8 mars 2011, la Cour de cassation casse cet arrêt, ce qui a pour effet de remettre Hold et Dame en sauvegarde. La Cour d’appel de Versailles, cour de renvoi, vient de rendre son arrêt le 19 janvier dernier. Elle confirme la compétence des juridictions françaises s’agissant de Dame et le bien-fondé de l’ouverture des deux procédures de sauvegarde. S’agissant de la compétence d’abord. Sur le fondement de l’article 3.1 du règlement européen n°1346/2000 du 29 mai 2000, la Cour juge, au terme d’une analyse précise du faisceau d’indices soumis à son appréciation et vérifiable par les tiers, dans la lignée de la jurisprudence européenne (arrêts Eurofood et Intedil), que le centre des intérêts principaux de Dame est situé à Paris (et non au Luxembourg, lieu de situation du siège social de Dame). Dame est une holding, sans salarié ni activité au Luxembourg où elle n’a réalisé aucun chiffre d’affaires. De plus, elle n’a agi et conclu des actes juridiques que pour constituer Hold (société française), pour participer à l’acquisition d’un immeuble en France et pour octroyer des sûretés soumises au droit français. Sur l’ouverture des procédures, ensuite. La Cour confirme que Hold a bien été confrontée à une « menace tangible sérieuse » de voir prononcer l’exigibilité anticipée du prêt à laquelle elle n’aurait pu faire face alors qu’elle n’avait « aucune possibilité effective (…) de souscrire elle-même le contrat de couverture exigé dans le délai imparti et pour un coût compatible avec son actif disponible». Elle faisait donc bien face à des difficultés qu’elle ne pouvait surmonter de nature à la conduire à la cessation des paiements. La perte par Dame de son seul actif aurait eu la même conséquence puisqu’elle n’aurait alors disposé d’aucune ressource pour rembourser le prêt d’actionnaires dont elle bénéficiait, lui-même devenu exigible. Le droit de la sauvegarde ressort clarifié et renforcé de cet arrêt. Combiné avec celui de la Cour de cassation rendu dans la même affaire, il fournit aux tribunaux de commerce et aux praticiens des règles claires pour apprécier les conditions d’ouverture des procédures de sauvegarde à venir. ■ MdA n°67/68 Janvier-Février 2012 93