Les douanes, usine à champions !

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Les douanes, usine à champions !
UTI Lille, le 7/05/2013
Les douanes, usine à champions !
Comment l’équipe de France douane parvient-elle à glaner médailles olympiques et
titres mondiaux ? Plusieurs champions du monde et médaillés olympiques
racontent à Acteurs publics leur statut d’athlètes-douaniers.
Dans l’immense dojo de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la
performance (Insep), une cinquantaine de judokas ultraconcentrés enchaînent les
prises et les rictus. « Plus vite, martèle leur entraîneur, on ne s’arrête
pas ! » Kimono blanc et ceinture noire, les douaniers Pénélope Bonna et Axel
Clerget en terminent, bientôt rejoints par Yves-Matthieu Dafreville, un grand
costaud souriant. Lorsqu’ils ne sont pas en compétition aux quatre coins du monde,
les trois judokas viennent deux fois par jour s’entraîner à l’Insep, le prestigieux
établissement public du ministère des Sports basé au cœur du bois de
Vincennes. « Ici, beaucoup nous envient notre statut de douaniers, sourientils. Alors on travaille dur pour le conserver. »
Pas une semaine ou presque sans un communiqué du ministère de l’Économie –
auquel est rattachée la direction générale des douanes et droits indirects – vantant
les exploits de l’un ou l’autre des judokas et de leurs collègues sportifs de l’équipe
de France douane : Jimmy Vicaut, devenu champion d’Europe du 60 mètres, Jason
Lamy-Chappuis, vainqueur de la Coupe du monde de combiné nordique, Marion
Rolland, titrée en descente aux championnats du monde de ski, etc. « Nous
sommes tous des athlètes de haut niveau,explique l’ancienne championne de
France et d’Europe Pénélope Bonna (moins de 52 kg). Nous avons été recrutés sur
des critères de performance. »
Comment cette étonnante et très compétitive « équipe de
France douane » est-elle née ? « Les douanes ont une tradition
sportive ancienne, observe le directeur technique de l’équipe, François Simond, qui
remonte à l’époque où les agents devaient surveiller à ski les frontières des Alpes
et des Pyrénées. » Dans les années 1950, des conventions sont signées avec la
Fédération française de ski, permettant aux douanes de recruter les plus grands,
tel le triple médaillé d’or aux jeux Olympiques de Grenoble, Jean-Claude Killy. Plus
tard, dans les années 1990, l’administration s’ouvre à d’autres disciplines.
Aujourd’hui, 40 athlètes sous contrat composent l’équipe de France, recrutés dans
six disciplines : le ski, l’athlétisme, l’escrime, le judo, le tir et la voile. « Ces
disciplines correspondent à des missions que les agents sont susceptibles
d’assumer », précise Yann Helouet, de la direction centrale des douanes.
Payés entre 1 400 et 1 900 euros
Les contrats sont renouvelables, portent sur une période d’une année pour une
fourchette de rémunérations comprise entre 1 400 euros et 1 900 euros. En
échange de ce salaire mensuel, les sportifs s’engagent à assumer certaines
missions. « C’est clairement un contrat de communication, résume François
Simond. Les athlètes donnent une image moderne et positive des douanes. » Le
sport comme vecteur de communication pour porter la notoriété d’une
administration que le grand public assimile souvent aux fastidieux contrôles aux
frontières ou dans les aéroports.
Le partenariat serait donc gagnant-gagnant. « Ce contrat me permet
de me donner à fond en compétition, se félicite Jean-Frédéric
Chapuis, récent champion du monde de ski cross. Ma discipline n’est
pas très lucrative. Certains de mes collègues sont obligés de
dispenser des cours de ski pour vivre. C’est moins de temps
consacré à l’entraînement. »Le soutien offre par ailleurs un statut
permettant au sportif de bénéficier d’une protection sociale. « Le
contrat avec les douanes couvre d’éventuelles blessures, prolonge le sprinteur
Jimmy Vicaut. Cela lève certaines appréhensions. » Pas inutile pour des skieurs
lancés à des vitesses folles ou pour des judokas habitués à martyriser leur corps.
Au-delà de l’excellence sportive, le comportement des champions est scruté de très
près. « L’attitude du sportif doit être exemplaire », prévient Yann Helouet. Alors les
athlètes jouent le jeu. Ils suivent d’abord une formation de quelques jours, lors de
l’entrée dans l’équipe de France, détaillant l’organisation et les missions de
l’administration. Puis ils donnent un peu de leur temps quelques jours dans
l’année. « Nous sommes des ambassadeurs des douanes, relève Jean-Frédéric
Chapuis, qui se souvient d’une récente journée de la défense organisée à
Grenoble. Les gens présents étaient contents de me voir, de me poser des
questions. »Et de prendre la pose le temps d’une photo.
Les syndicats mitigés
L’opération séduction semble fonctionner auprès du grand public. Et en interne ?
Le regard des syndicats de fonctionnaires, qui représentent les quelque 17 000
agents douaniers, est plus mitigé. Il y a ceux qui applaudissent. « Nous sommes
toujours heureux d’apprendre qu’un douanier devient champion d’Europe ou du
monde, confie Roger Marteau, secrétaire général de la CFDT Douanes. Leurs
excellents résultats sont un très bon outil de communication. » « Les athlètes
portent l’image de notre administration, prolonge Vincent Thomazo, secrétaire
général d’Unsa Douanes. C’est un motif de fierté que de les voir briller. »
Mais tous ne partagent pas cet enthousiasme. « Ces sportifs vivent
dans un monde séparé, regrette la CGT Douanes. Ils n’ont aucun
lien avec nos services opérationnels. » « Leurs résultats sont
excellents et nous ne crachons pas dans la soupe, appuie Jean-Marc
Dupin, trésorier général de Force Ouvrière Douanes. Mais la
communication autour de nos athlètes ne doit pas masquer les
difficultés croissantes que rencontre notre administration pour
assumer ses missions. » À en croire FO, quelque 350 à 400 postes sont supprimés
chaque année, « hier dans le cadre de la Révision générale des politiques
publiques (RGPP), aujourd’hui via la Modernisation de l’action publique
(MAP) ». « En vingt ans, le nombre d’agent a reculé de 22 500 à 17 000, insiste
Jean-Marc Dupin, alors que nos actions se sont considérablement élargies, encore
récemment avec l’instauration de la taxe poids lourds et de nouveaux dispositifs de
contrôle des importations et des exportations ».
Une diversité de métiers
Une situation qui interpelle Solidaires Douanes. « Il y a d’un côté l’image très
positive sur laquelle communique la direction via notre équipe de France, s’agace
le secrétaire général Philippe Bock, et de l’autre la réalité que vivent les agents.
Alors certains commencent à s’irriter… Les efforts doivent être fournis par tous. » Y
compris par les sportifs ? « En cette période de restrictions budgétaires, il faut se
poser la question du maintien de cette structure », glisse Philippe Bock. Un avis
extrême que ne partagent toutefois pas les autres syndicats. « Ces athlètes ne sont
pas surpayés, remarque ainsi Vincent Thomazo (Unsa). Ce n’est pas une ligne
budgétaire très importante. »
Et puis, estime-t-il, l’équipe de France suscite des vocations : les sportifs sont
nombreux, leur carrière terminée, à poursuivre leur parcours dans l’administration
en passant le concours des douanes, tels les anciens médaillés olympiques Céline
Lebrun (judo), Fabrice Guy, Ludovic Roux ou Sylvain Guillaume (combiné
nordique), aujourd’hui fonctionnaires. Une perspective qui ne déplairait pas à la
superstar du combiné nordique, Jason Lamy-Chappuis, lui qui confiait, à l’occasion
d’un stage à la brigade de surveillance maritime de Hyères, son rêve de piloter un
jour pour les douanes.
Au dojo de l’Insep, l’entraîneur continue de motiver ses troupes. « On
enchaîne ! »« Les douanes offrent une diversité très intéressante de
métiers, souligne Pénélope Bonna. Je n’ai que 24 ans, mais la carrière au plus haut
niveau est courte et il faut penser à la suite. » Peut-être passera-t-elle le concours
de douanier dans quelques années. Pour l’heure, la judokate retourne sur le tatami.
Motivée à l’idée de faire briller son équipe de champions.
Sylvain Henry
« La Douane façonne son image...» Hélène Crocquevieille, directrice générale
des douanes et droits indirects
« La douane française a une tradition sportive ancienne liée à la
vocation opérationnelle de ses missions. Elle ne fait toutefois pas
qu’encourager la pratique du sport pour ses agents. Elle façonne son image
d’administration moderne et dynamique en soutenant des athlètes de haut
niveau depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, l’équipe de France douane
compte 40 sportifs, présents dans 6 fédérations olympiques : l’athlétisme,
l’escrime, le judo, le tir, le ski et la voile.
Grâce à des contrats renouvelables, la douane souhaite leur permettre de
bénéficier d’une rémunération et d’une couverture sociale pendant leurs années
de compétition et favoriser leur intégration à l’issue de leur carrière sportive. Elle
les soutient ainsi tout au long de leur parcours d’athlètes de haut niveau, que ce
soit dans leurs réussites ou dans les moments plus difficiles de leur carrière. Par
voie de concours interne, la douane leur offre la possibilité de rentrer
définitivement dans l’administration. Plusieurs champions ont déjà intégré la
douane.
La douane est particulièrement fière d’accompagner et de suivre ses sportifs. Et
si cet engagement est aussi important, c’est parce que les membres de l’équipe
de France douane incarnent les valeurs universelles du sport, qui sont
également celles de la douane : la motivation, l’exemplarité et la performance. »
Quarante champions
Athlétisme : Jimmy Vicaut
Escrime : Yannick Borel
Judo : Pénélope Bonna, Axel Clerget, Yves-Matthieu Dafreville, Benjamin
Darbelet, Gévrise Emane
Ski : Yannick Bertrand, Johan Clarey, Marie Marchand-Arvier, Marion Rolland,
Taïna Barioz, Gauthier De Tessières, Thomas Fanara, Alexis Pinturault, Cyprien
Richard, Sandrine Aubert, Julien Lizeroux, Thomas Mermillod-Blondin, Nastasia
Noens, Jean-Guillaume Beatrix, Alexis Boeuf, Marie-Laure Brunet, Florent
Claude, Marie Dorin-Habert, Pauline Macabies, Jean-Marc Gaillard, Aurore
Jean, Maurice Manificat, Christophe Perrillat-Collomb, Sébastien Lacroix,
Maxime Laheurte, Jason Lamy-Chappuis, Vincent Descombes-Sevoie, JeanFrédéric Chapuis, Marion Josserand
Tir sportif : Josselin Henry, Pierre-Edmond Piasecki
Voile : Nicolas Charbonnier, Emmanuel Dyen
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