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TOUR DE FRANCE
Greg LeMond : «Rien de
pire que le doute»
Philippe BRUNEL, à Culoz
Publié le :
Lundi 18 juillet 2016
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L'Américain Greg LeMond , triple vainqueur du Tour, se réjouit de l'utilisation des caméras thermiques sur ce Tour pour
détecter d'éventuels moteurs dans les vélos. Aujourd 'hui consultant sur Eurosport, il poursuit son combat pour la vérité
entamé lors du règne controversé d'Armstrong.
Il y a trente ans, Greg LeMond gagnait son premier Tour, aux dépens de Bernard Hinault, dans les replis d'une
cohabitation forcée sur laquelle il porte aujourd'hui un regard apaisé. «On ne devrait jamais juger une relation sur ce qui
se passe en course. Bernard était un bon leader et c'était comme un frère», nous avouait-il l'autre matin, en Andorre, où
nous l'avions retrouvé dans un restaurant en grande conversation avec Cyrille Guimard, son ancien mentor de l'équipe
Renault. Ensemble, ils avaient parlé de tout et de rien, de Chris Froome bien sûr, des vélos mécaniques, et de Nairo
Quintana «que j'aimerais voir plus offensif...», avait-il ajouté.
Consultant sur Eurosport, le Californien, double champion du monde (1983 et 1989) et triple vainqueur du Tour (1986,
1989 et 1990), est heureux de renouer chaque année des liens avec la Grande Boucle, dont il s'était éloigné pendant le
très long règne controversé d'Armstrong, sa bête noire, dont il a toujours contesté la probité. Armstrong, qui lui voue une
haine tenace. «Avec le patron de Trek, il a essayé de me détruire, au point que je n'étais plus le bienvenu dans le Tour.
Oui, le Tour était devenu toxique, je n'y mettais plus les pieds.» Épris de vérité, LeMond s'était réjoui au départ du MontSaint-Michel de l'instauration des contrôles par caméras thermiques - à l'initiative du ministère des Sports français en
concertation avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) - pour lutter contre les vélos à moteur, les fraudes
technologiques. «S'ils sont bien menés, s'ils contrôlent les cadres mais aussi les roues, cela découragera les éventuels
tricheurs. Dans ce cas, nous aurons à Paris un vrai vainqueur du Tour, un Maillot Jaune enfin crédible.»
«Éprouvez-vous toujours le même plaisir à commenter le Tour, que vous aviez déserté dans les années
Armstrong ?
J'étais très anxieux quand j'y suis revenu, il y a trois ans, pour Eurosport. En 2012, quand le directeur de NBC avait
cherché à m'engager, l'affaire ne s'était pas faite. Je me disais qu'Armstrong, qui faisait à l'époque l'objet d'une première
suspicion criminelle, avait peut-être fait pression auprès de Trek et d'Oakley, les sponsors de la chaîne, pour faire
capoter le projet. Armstrong avait réussi à ruiner ma réputation aux États-Unis, je pensais que c'était le cas dans le
monde entier, et j'étais loin d'imaginer l'accueil très chaleureux que j'ai reçu ici en France.
Armstrong, c'est votre obsession ?
Non, sûrement pas. Mais vous ne pouvez pas imaginer, ici en France, à quel point il a cherché à me détruire, avec John
Burke, le PDG de Trek. En 1999, je m'étais pourtant réjoui de sa victoire dans le Tour même si, déjà, je sentais qu'il me
jalousait. Après, j'ai appris par des voies détournées qu'il avait payé l'UCI 500 000 dollars pour couvrir sa positivité en
1999. Un ancien équipier à moi l'avait entendu derrière une porte dire, peu avant le Tour, qu'il était sûr de le gagner
parce qu'il avait "une chose indétectable", mais j'avais pris cela en souriant. Il y avait tellement de rumeurs, de suspicion
autour de lui... Et puis, en avril 2001, lors d'une conférence où j'étais présent, son ancien médecin Ed Coyle (répudié par
l'UCI pour avoir manipulé des fiches médicales) avait projeté les courbes d'Armstrong, sa capacité thoracique - 5,6 litres
d'oxygène - et surtout sa VO2 max. Là, c'était la preuve qu'il avait triché.
La preuve, si l'on s'y entend en physiologie...
Oui, bien sûr, mais j'en sais long sur la question. En 1992, j'ai été l'un des premiers à utiliser un SRM (un capteur de
puissance). J'ai appris de Cyrille Guimard, de Paul Köchli (son entraîneur à La Vie Claire). Aujourd'hui, encore, je lis des
revues, on peut tout savoir d'un coureur par le calcul de ses watts, si l'on connaît sa VO2 max, qui peut être manipulée
par le dopage, grâce à l'EPO ou par des transfusions sanguines.
Il m'a fait essayer un vélo motorisé à Paris
Que recherchez-vous à travers cette enquête sur Armstrong ?
La vérité. Parce que je ne connais rien d'autre que la vérité. Si j'ai ce regard sur Armstrong, c'est parce qu'il abusait des
gens, les menaçait, et que je n'aime ni son cynisme ni les abus de pouvoir. J'ai toujours été comme ça, à défendre le
pauvre. Je n'ai jamais acheté ni vendu une course. Je voulais qu'on le sache.
Vous pensez qu'on sait tout sur Armstrong ou qu'il reste des zones d'ombre ?
Quand je courais, j'avais une VO2 max (consommation maximale d'oxygène) de 93, et je n'ai jamais développé plus de
400 watts. La VO2 max d'Armstrong, qu'Ed Coyle avait imprudemment dévoilée, ne dépassait pas 78. Alors, si l'on
considère son poids - 73 kg - il n'a jamais pu produire 500 watts à l'entraînement sur la Madone (un col au-dessus de
Monaco) comme il l'a dit, ou 475 watts dans la montée de L'Alpe-d'Huez. Avec sa VO2 max, il ne pouvait pas dépasser
375 watts. Pour augmenter sa performance de 30 %, il fallait qu'il se dope. Mais peut-on atteindre ces performances
avec le seul dopage ? Autrement dit, quel dopage a-t-il utilisé que les autres n'avaient pas ? Tout ce que je sais, c'est
qu'il y a 50-70 watts qui se baladent, dont on ne connaît pas l'origine. Oui, il y a là quelque chose que je ne comprends
toujours pas.
On a connu le dopage, aujourd'hui les suspicions se portent sur les vélos à moteur. Le ministère des Sports
français, venant au secours du Tour, a pris le problème en considération. C'est plutôt rassurant ?
Là encore, sur les moteurs, il y a beaucoup de rumeurs. Il faut rester prudent. En 2010, il y a eu cette controverse sur
Fabian Cancellara (soupçonné d'avoir un moteur caché dans son vélo lors de ses victoires au Tour des Flandres et à
Paris-Roubaix), avec le reportage de Davide Cassani sur la RAI, puis avec celui de Jacky Durand trois ans plus tard.
J'étais encore sceptique, mais, peu après, en 2013 donc, j'ai rencontré Stefano Varjas, le concepteur (hongrois) de ces
moteurs intégrés. Il m'a fait essayer un vélo motorisé à Paris. Je l'ai revu au GP de Hongrie, avec des ingénieurs de
Total, qui m'ont confirmé que Varjas était brillant. Ils m'ont dit aussi qu'on pouvait tout cacher, isoler le moteur avec du
liquide refroidisseur. Varjas, lui, m'a parlé des roues, et là, j'ai reconsidéré le problème, j'ai revu la chute d'Hesjedal à la
Vuelta 2014 (son vélo avait continué à tourner sur lui-même après une chute).
On pourrait combattre tout ça encore mieux
Votre impression en essayant le vélo à moteur ?
Ce jour-là, je n'étais pas en forme, j'avais mal au dos, je venais d'enlever un corset. Stefano m'avait prêté des
chaussures, la selle était trop basse, j'étais en jean, mais, aux feux rouges, je grillais les motos ! Des touristes
américains m'ont vu rouler à plus de 60 km/h au milieu des bus. Devant les Invalides, j'ai oublié d'éteindre, le vélo s'est
emballé, j'ai failli tomber. J'avais la preuve que ça existait, que c'était possible, ça m'a donné envie de vomir. Cinquante
watts en plus, dans un col, c'est des minutes en plus...
Varjas prétend que ces moteurs existent depuis fin 1998...
Au début, avec une faible autonomie de deux ou trois minutes, il fallait l'utiliser à l'instant juste, et pour cela être
diablement entraîné. Maintenant, quelqu'un l'a-t-il utilisé dans le Tour ? Pourquoi pas ? Ça pourrait expliquer bien des
choses.
Il y a trois ans, vous avez été le premier à parler de caméras thermiques.
En 2013, Cookson était candidat à la présidence de l'UCI quand je suis allé lui parler du moteur. L'UCI avait abandonné
ses tests avec des radars. Je lui ai dit : ''J'ai essayé, ça existe, c'est un problème'', et il m'a paru surpris. Ensuite, par email, je lui ai expliqué qu'il fallait des caméras thermiques pour détecter les moteurs. Si on aime le cyclisme, il faut le
défendre. Il n'y a rien de pire que le doute. Moi, j'ai besoin de savoir qui est le meilleur, de croire à ce que je vois et que
je dois commenter. On pourrait combattre tout ça encore mieux, avec de grands portiques, qui coûtent 1,5 million de
dollars, peu de choses dans l'économie du Tour. Ça m'a pris deux heures pour trouver ça sur Internet, pourquoi l'UCI ne
fait-elle pas ce travail-là ? Pourquoi ne contrôle-t-elle pas les roues sur ce Tour ? Tout cela m'interpelle.
Certains observateurs avaient émis des doutes sur Froome, en 2013, après sa victoire dans le Ventoux. Qu'en
pensez-vous ?
Il tournait les jambes à toute allure, ce n'est pas efficace et contraire à toutes les lois physiologiques. On ne creuse pas
d'écart sur de petits développements. Un grand physiologiste, Frédéric Portoleau, a montré qu'en même temps que
Froome accélérait dans de fortes proportions son coeur enregistrait de faibles variations, c'est troublant. Moi, ce qui me
dérange, c'est d'entendre certains techniciens dire que c'est de la science-fiction, ce qui est une forme de
désinformation. D'autres nous font croire qu'ils sont en avance sur les meilleurs scientifiques, les fameux gains
marginaux de la Sky ! Que des conneries ! Il n'y a pas de nouvelles méthodologies, c'est faux. Dans ce domaine, aussi,
les miracles n'existent pas.»
EN BREF
55 ans. États-Unis3 Pro de 1981 à 1994.
Triple vainqueur du Tour (1986, 1989 et 1990), en huit participations.
Ses tours en 3 dates
1986, à l'ancienne
Il endosse le Maillot Jaune à Serre-Chevalier, le consolide le lendemain à l'Alpe-d'Huez, où il arrive main dans la main
avec son équipier Bernard Hinault (photo), et le conserve jusqu'à Paris.
1989, au finish
Il prend le Maillot Jaune deux fois, le cède deux fois à Laurent Fignon, puis l'emporte, pour huit secondes seulement, à
l'issue de la dernière étape, disputée contre la montre sur les Champs-Élysées (photo).
1990, à l'usure
Il grignote son retard sur Claudio Chiappucci, échappé dès la première étape, et lui prend le Maillot Jaune à la veille de
l'arrivée à Paris, à l'issue d'un long contre-la-montre.
Déjà plus de 2 500 vélos contrôlés !
Depuis le départ du Tour, tous les jours, les vélos font l'objet de multiples contrôles grâce à l'utilisation de
caméras thermiques, de tablettes à résonance magnétique ou de rayons X.
Un vélo - en l'occurrence celui du Suisse Sébastien Reichenbach de la FDJ - est contrôlé par un commissaire de l'UCI
au moyen d'une tablette à résonance magnétique au départ de la 3e étape à Granville, le 4 juillet. (MANTEY
STEPHANE / L'EQUIPE)
Si le dopage technologique, et son corollaire, le contrôle des vélos, ont alimenté les débats au départ du Tour de France,
le sujet s'est ensuite dilué peu à peu au fil des étapes et des événements sportifs quotidiens. Mais la surveillance, elle,
n'a pas baissé de niveau. Bien au contraire ! Dimanche soir, on annonçait que 2 500 vélos avaient été contrôlés depuis
le départ de la Manche, le 2 juillet. Chiffre confirmé par le Belge Luc Geysen, commissaire UCI spécialement missionné
pour ces opérations, mais pas autorisé à en dire plus.
On sait seulement que ces 2 500 vélos ont été contrôlés grâce à deux méthodes différentes. La première, au départ ou à
l'arrivée des étapes, grâce à un scanner (à résonance magnétique) en forme de tablette, capable de déceler un corps
étranger dans les tubes du vélo et dans les roues. La seconde, dans l'aire d'arrivée, où les vélos sont emmenés sous
une tente pour passer devant un appareil à rayons X, comme une simple radiographie.
L'UCI chasse la triche par tous les moyens, l'État français aussi
Si les équipes se prêtent au jeu sans problème quand un contrôleur diligenté par l'UCI arrive devant les vélos avec la
tablette, le passage devant les ondes électromagnétiques n'a pas manqué, au début du Tour, de rebuter certains
mécaniciens qui ont craint qu'elles dérèglent le système électrique des dérailleurs. «Ces craintes ne sont pas justifiées,
ont assuré les techniciens chargés de ces contrôles. Ce ne sont que des fantasmes.»
Lors de la première journée de repos, Dave Brailsford, le manager de l'équipe Sky, s'était vanté d'avoir reçu les
félicitations de l'UCI pour la bonne collaboration de son équipe, la plus contrôlée selon lui. Or, Brian Cookson, le
président de l'UCI, aurait en privé démenti avoir envoyé un tel message à son compatriote, à qui il aurait même
demandé de le faire savoir publiquement. Les contrôles sont devenus un label de bonne conduite même si les rayons X
et les tablettes de l'UCI ne sont pas les seuls moyens utilisés depuis le départ du Tour. Les instances internationales,
sous la pression de Brian Cookson en personne, ont également mis en place un système de caméras thermiques
embarqué sur une moto, susceptible de détecter en course les moindres sources de chaleur, donc la présence
éventuelle de moteurs, dans n'importe quelles parties du vélo.
De son côté, à la demande du gouvernement français, le ministère des Sports a pris des mesures similaires, en
concertation avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'un des plus puissants centres de recherche au monde
en matière de système de surveillance.
Ainsi, des agents assermentés interviennent régulièrement sur le Tour, de façon aléatoire, avec des caméras thermiques
d'une précision officiellement infaillible pour détecter les moindres points de chaleur sur le vélo, même les plus infimes.
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