la véritable histoire de dracula, par eric dumont

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la véritable histoire de dracula, par eric dumont
DW ▪ 45
La véritable histoire de Dracula
S’il est un voévode
célèbre en Roumanie,
c’est bien Vlad III (14311476), dit Ţepeş (« l’Empaleur ») et prince de
Valachie de 1456 à 1462
et 1476. Ce surnom dont
on l’affuble dans les chroniques écrites bien après
sa mort, renverrait à sa
méthode explicite d’exécution. Appelé Dracula,
ce nom est celui de sa
famille, les Drăculea,
issus de la dynastie des
Basarab. Le
premier à avoir porté ce nom est son père,
Vlad II Dracul, où le roumain Dracul se traduit
par « dragon » ou « diable » – traduction biface
dont ses détracteurs ont joué d’ambiguïté pour
lier l’aspect diabolique à la noblesse vénérable
du dragon qu’arbore fièrement le blason des
Drăculea.
Le XVe siècle en Europe centrale voit l’Empire ottoman, dont l’exploit militaire est d’avoir
fait tomber Constantinople le 29 mai 1453,
mettre main basse sur les Balkans, alors théâtre
de batailles acharnées, pour être arrêté in extremis aux portes de Vienne. En 1442, Vlad est
envoyé au Sultan Murad II, avec son frère cadet
Radu III (dit « l’Elégant ») comme jeunes otages
de leur père. Il y sera retenu jusqu’en 1448 (son
frère jusqu'en 1462). Le supplice du pal étant
inconnu à cette époque en Europe, il était l'apanage des seuls Turcs : notre homme en a certainement découvert l’usage durant son séjour
forcé avant de le ramener chez lui. Partant à
la conquête du trône princier de Valachie, il
dut avaler certaines couleuvres dont une
alliance avec les souverains Hongrois
qui vont finir par lui coûter la fin de
son allégeance aux Turcs (pourtant
une tradition familiale) mais surtout
des années d’emprisonnement et son
exécution commandée par le Sultan
en personne. Or, en écrasant en août
1456 Vladislav II, – satellite du pouvoir Hongrois,
– Vlad III commence sa plus longue période de
règne (six ans) avec la claire conscience qu'il
ne pourra garder son trône qu'en le défendant
âprement, éliminant sans pitié ses opposants
et instaurant un véritable régime de terreur.
Vlad Ţepeş connaît une célébrité importante de son vivant, répandue par les marchands
saxons de Transylvanie (qui s’opposaient à la
hausse des taxes douanières exigée pour financer ses campagnes militaires), mais aussi
par Mathias Corvin, Roi de Hongrie (qui finit
par soutenir son frère Radu III, candidat des
Ottomans). Il est alors « médiatisé » comme
un souverain cruel, empalant ses ennemis en
masse parmi lesquels les boyards complices
du meurtre de son père, ses prisonniers Turcs
dans des mises en scène morbides de supplice
collectif pour démoraliser l’ennemi et surtout,
les négociants allemands qui avaient comploté
sa chute. Par des gravures sur bois et des libelles reproduits à des centaines d'exemplaires,
ils sont les premiers à l’avoir représenté en
vampire cannibalique attablé sur fond de forêt
de pals. Guerre médiatique vs. culte de la personnalité, on ne connaît que trop bien le retour
dans l’histoire récente roumaine de telles pratiques de désinformation et de propagande.
Eric Dumont

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