Musicaliser une milonga
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Musicaliser une milonga
© DJ BYC 2003 - 2011 Musicaliser une milonga Quelques conseils aux DJ qui souhaitent mieux enchanter leurs danseurs La musique sert à faire danser Bien sûr, cela peut sembler une évidence, mais pour tourner un peu partout dans le monde, je peux témoigner que c’est loin d’être toujours pris en compte par les DJ. Le tango est une danse d’improvisation et donc, il est plus sécurisant de bien connaître le morceau pour adapter ses évolutions. C’est une des raisons qui explique le choix relativement restreint de musiques jouées à Buenos Aires. Un danseur musicien, sera capable de « deviner » un morceau inconnu, ou une interprétation live, car, connaissant la structure de la musique, il identifiera des signes, des indices, insensibles pour d’autres qui n’ont pas été formés. Le DJ, s’il n’est pas musicien, devra a minima conserver un répertoire étroit pour éviter de placer dans l’embarras ses danseurs. Malheureusement, en général, moins les DJ connaissent la musique et plus ils se lancent dans des programmations « originales ». Pour moi, la meilleure musique pour le bal est celle qui est jouée dans les milongas de Buenos Aires. Au début, c’est surprenant d’entendre dans toutes les milongas les mêmes morceaux, mais à l’usage, cela permet de rentrer encore mieux dans la musique. Classer sa musique Pour ma part, je classe la musique en fonction de sa « dansabilité » : ***** **** *** Excellent à danser et bonne qualité technique de l’enregistrement ** * indansable ou qualité technique trop pauvre pour être utilisé, mais morceau intéressant. Excellent à danser et qualité technique un peu moins bonne, mais diffusable. Utilisable pour danser, mais moins agréable ou qualité technique un peu faible. Je ne les diffuse que sur demande. Musique conservée pour son intérêt historique, sa rareté ou autre, mais inexploitable en milonga. J’indique le style dans le genre de la façon suivante : Tango Tango cantado (je mets à part ceux qui ne sont pas dansables et les classe dans le genre « Canción ») Tango milonga Tango milonga cantada Tango vals Tango vals cantado © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 – 2011 Musicaliser une milonga Pour les morceaux plus récents, j’ai des catégories (elles-mêmes divisées en milonga et vals, cantado ou pas : Tango nuevo (instruments traditionnels, mais sonorités ou musicalité particulières. La plupart des compositions de Piazzolla entrent dans cette catégorie. Tango electrónico (instrumentation électronique, sonorités très différentes du tango traditionnel). Electrocutango, Malevo ou Debayres alimentent cette catégorie. Une tanda doit être homogène, c’est-à-dire qu’elle doit comporter des morceaux qui vont ensemble. Il faut donc être capable d’identifier l’orchestre, le chanteur, le style de danse, l’année d’enregistrement et de nombreux autres critères, parfois plus difficiles à saisir. Une des méthodes peut consister à utiliser les commentaires (cette musique va bien avec telle autre), mais on peut utiliser aussi les groupes. Ainsi, on peut classer ensemble des musiques du même orchestre qui vont bien ensemble. Ainsi, le DJ, à la volée, pourra composer une tanda cohérente car il aura auparavant pris le temps de vérifier que cela fonctionnait. Améliorer l’enregistrement de la musique Les tangos de la vieille garde ne sont pas tous irréprochables sur le plan de l’enregistrement. Voici quelques conseils pour améliorer les choses : Utilisez si possible les disques vinyles originaux pour faire vos enregistrements. Attention, chaque marque de disque utilisait ses propres courbes de compensation et il faut restaurer le son original en utilisant la compensation inverse. Cela peut se faire avec un préampli comportant des courbes de réponses sélectionnables ou ajustables. J’en avais fabriqué un autrefois, mais avec l’ordinateur, on peut effectuer cette manipulation a posteriori, ce qui n’était pas le cas sur cassettes ou mini-discs. Un site m’avait aidé, il y a une dizaine d’années à franchir le pas vers l’informatique pour la restauration de disques anciens. Il reste d’actualité sur les principes, même si les logiciels actuels sont beaucoup plus pratiques à utiliser. http://www.a-reny.com/iexplorer/restaurationf.html La platine est importante. J’ai utilisé pendant longtemps une platine Thorens avec plateau lourd à entraînement direct et contre-plateau en alu, extraordinaire pour éviter tout rumble (associé à une cellule Shure avec pointe hyper elliptique). J’utilise désormais une American Audio, moins sophistiquée (et ne proposant pas la vitesse de 78 tours), mais disposant d’une sortie USB, bien pratique. La platine doit permettre d’ajuster précisément la vitesse. En effet, selon les époques et les marques de disques, les vitesses de rotation ne sont pas toujours exactes et il faut donc retrouver la hauteur et le tempo du son d’origine. Pour ma part, je cale la vitesse de façon à ce que la hauteur corresponde à la partition. Cela présente l’avantage supplémentaire de pouvoir jouer en même temps que la musique. Ces platines disposent d’un stroboscope, mais pour les raisons évoquées ci-dessus, ils ne sont pas indispensables. Lorsque vous faîtes une capture de disque vinyle, pensez à incorporer avant et après chaque morceau des plages de « gratouillis » du disque. Cela vous sera utile pour traiter le signal et améliorer le rendu. 2 © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 – 2011 Musicaliser une milonga Les morceaux extérieurs des CD ont une meilleure dynamique (vitesse tangentielle supérieure), mais sont parfois endommagés par des impacts de tête de lecture. Il est aussi possible de partir directement de CD audio. Malheureusement ceux-ci ne sont pas toujours de bonne qualité. La courbe de réponse n’est pas bonne, les vitesses sont « trafiquées », en général augmentées pour être plus dansants ou pour rendre plus virtuoses les interprètes. Je ne parle pas des compilations au format MP3 qui sont souvent encore pires. Si vous avez des CD de bonne qualité (c’est une loterie), voici ce que vous pouvez faire : Enregistrez-les dans un format non-compressé (wav ou AIFF, par exemple). Ouvrez dans Audacity ou autre logiciel de traitement sonore et observez la : Courbe montrant une saturation du canal Meilleure courbe. gauche (en haut). Les pics n’atteignent pas Les pics semblent applatis. le maximum. On voit clairement dans ces deux exemples, qu’il s’agit d’enregistrements en stéréo, (trop) fortement différencié. Si la courbe est saturée (applatie dans le haut) ou si à l’inverse elle ne décole pas de l’axe médian, refaites l’enregistrement ou la numérisation. Pour la plupart des vieux disques, le son n’est pas en stéréo. En fonction de l’état du disque, il peut être intéressant de n’utiliser qu’une seule des deux voies (en la réinjectant bien sûr sur sur les deux canaux ensuite). Améliorer la musique enregistrée, prête à être diffusée Vous avez respecté les préconisations ci-dessus, vous êtes donc à la tête d’une encombrante collection de CD audio, ou de fichiers sonores non-compressés. Point satisfaisant, vous avez la musique la plus proche possible de la qualité de diffusion de l’époque. 3 © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 – 2011 Musicaliser une milonga Cependant, j’ai une autre ambition, essayer de retrouver les sons originaux de l’orchestre. Une contrebasse de 1940 devait avoir un son semblable à une contrebasse d’aujourd’hui… Cependant, les vieux vinyles coupaient les basses à environ 150 Hertz, voire 300 pour les 45 tours (je ne parle même pas des 78 tours). Malgré les compensations des préamplis RIAA, mêmes ajustées en fonction de l’éditeur du disque, on comprendra très bien que les basses et la dynamique de la musique ont été sacrifiées. Pour corriger cela, il va falloir « bidouiller » un peu la musique. ATTENTION, ne jamais faire la modification sur le fichier original, toujours faire une copie. En effet, il est impossible de faire des petites retouches successives car cela détruirait la qualité du fichier. Il faut arriver directement au résultat souhaité. Évidemment, même avec un peu d’expérience, cela ne fonctionne pas toujours du premier coup. Il faut donc impérativement repartir de l’original et ne pas rajouter un petit supplément d’effet s’il a été initialement insuffisant. Les fonctions les plus utiles sont : Égalisation (permet de travailler la courbe de réponse et en particulier d’activer quelques courbes RIAA si vous avez enregistré un disque à plat). Réduction du bruit (sélectionnez une partie « vierge de musique du disque où on entend le gratouillis et cliquez sur le bouton « prendre le profil du bruit ». Sélectionnez ensuite tout le morceau et appliquez la réduction. Le bruit capturé est soustrait du reste de l’enregistrement. Amplification (dans des limites raisonnables ou pour unifier les volumes dans une tanda). Amplification des basses (toujours revenir à zéro si l’effet n’est pas satisfaisant au premier jet. Attention à ne pas faire monter le rumble de la platine). À Buenos Aires, les DJ jouent un peu avec le pitch, généralement pour accélérer un peu le tempo. Cela a l’inconvénient de rendre le son plus aigu. Avec un traitement informatique on peut éviter cela (Changer le tempo / Changer la hauteur)… Écoutez le résultat au casque avant de le défaire et de faire un autre essai s’il ne convient pas. S’il convient, exportez votre travail (au besoin en MP3 grâce à un encodeur à rajouter comme Lame). En effet, à ce stade, la musique peut être un peu compressée (mini 192 kbps, mais plus de préférence) car vous n’avez plus à la travailler. Cela vous permettra de prendre moins de place sur votre disque de diffusion. Diffuser la musique Votre musique est prête, vous avez préparé des tandas, des disques, éventuellement une liste de lecture que vous pourrez éditer en cours de milonga en fonction des réactions de vos danseurs. Il vous faut donc maintenant la rendre audible par vos danseurs. Il existe de nombreux articles et sites sur l’installation d’une sono. Je vous laisse y référer pour tout ce qui touche à la technique (repérage de phase, puissance…). En revanche, quelques conseils : Pensez à musicaliser toute la piste. Si celle-ci est grande, il faudra peut-être plus qu’une paire d’enceintes. 4 © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 – 2011 Musicaliser une milonga Pensez à utiliser des caissons de basse. Même sur des vieux tangos, une fois rajeunis comme décrit précédemment, cela rend le son beaucoup plus vivant et libère les enceintes principales de la restitution des basses, cause de distorsions. Si vous le pouvez, mettez les haut-parleurs en hauteur, légèrement plongeants vers la piste et surtout pas à hauteur d’oreille de danseurs. Les caissons de basses peuvent être placés où il y a de la place car ils ne sont pas directifs. Limitez le nombre de dispositifs entre la source sonore et les enceintes. Si vous avez un son propre sur votre source, une bonne table de mixage, voire un simple boîtier USB sera suffisant. Ne jouer pas avec le pitch (vitesse) pendant la lecture. Rien de plus désagréable que ces morceaux qui changent en cours de lecture suite à une manipulation maladroite. Préparer ses listes de lecture Il est impératif de réaliser des tandas homogènes. En effet, il est désagréable d’inviter une danseuse sur une musique et de devoir continuer sur une musique tout à fait différente et sur laquelle nous n’aurions pas invité. L’homogénéité ne peut se juger qu’à l’écoute. En effet, sur le même disque, le même musicien peut avoir gravé des titres qui ne vont pas ensemble. L’écoute se fait au casque, mais aussi en situation réelle afin de voir comment « danse » tel ou tel morceau. Le rythme d’enchainement des tandas est généralement 4 Tangos + 4 tangos + 4 valses + 4 tangos + 4 tangos + 3 milongas (seulement trois car bien danséela milonga est fatigante) et le cycle reprend, jusqu’à la Cumparsita finale… Il est possible de faire des tandas de trois, par exemple lorsqu’il est important de renouveler les couples (déséquilibres homme-femme), par exemple, ou dans le cadre d’un festival pour se faire rencontrer plus de personne. Entre chaque tanda, il est impératif de mettre une cortina (rideau musical constitué d’une musique nondansante). La cortina doit être suffisamment longue pour permettre aux danseurs de regagner leur place. C’est très important car cela augmente les chances d’invitation. Si les danseurs restent sur la piste, la mirada (invitation du regard, de rigueur dans les bals tangos) n’est pas possible. La cortina ne doit surtout pas être dansable pour éviter que les couples restent sur la piste. Pour ma part, je préfère utiliser la même cortina pour toute une milonga. Cette cortina doit avoir idéalement un début et une fin. Pour une milonga habituelle, il est possible de préparer à l’avance une cortina d’une longueur prédéfinie (entre 45 secondes et 1 minute 20). Cela permettra d’éviter les fade out, peu agréables. Pour cela, je monte le morceau de façon à ne conserver que le début et la fin. La transition doit être bien sûr inaudible, pour cela, il faut aligner les tempos, les tonalités et faire une fondu croisé. 5 © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 – 2011 Musicaliser une milonga Je réalise éventuellement plusieurs longueurs de cortina au cas où les danseurs seraient plus lents ou rapides que prévu pour libérer la piste. Je garde aussi à portée de main le morceau complet au cas où aucune des durées prévues ne fonctionne (ou si le comportement des danseurs est imprévisible). Je diffuse en général au moins une fois, la cortina en entier (au début de soirée, ou après la Cumparsita). Utilisez comme bon vous semble ces remarques. Mon but est que les milongas deviennent meilleures, ce sera ma récompense… Vous pouvez avoir la gentillesse de citer la source si vous répliquez ce document sur votre site. Bernardo 2011 © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 - 2011 [email protected] +54 11 5254 3439 +54 11 15 3275 5247 +33 6 89 37 55 91 Sites utiles Le site de Vivi, la relève de Buenos Aires www. tango dj .org, ressources pour DJ Bailando Tango, Histoire du tango Jean-François, Interview pour Tangopostale CyberChris, référence technique pour DJ La restauration des vinyles, incontournable pour retourner à la source… Le vocabulaire du tango, sur le site de Marseille Tango Milongas du monde, Liste de milongas avec avis DJ BYC, la música de Buenos Aires… Tango mi amor, le blog Tango mi amor, le site 6 © DJ BYC – Bernardo tango – 2003 – 2011