texte intégral - Ecole Mines de Douai
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ADETONAH Wilfried MBA OBAME Marcellin ETUDE BIBLIGRAPHIQUE VALORISATION DES BOUES DE STATIONS D’EPURATION, FLUVIALES ET MARINES : ETUDE DES COMPOSTS Promotion 2007 Année scolaire 2005 – 2006 -2- -3- Remerciements Nous tenons tout particulièrement à remercier Monsieur Nor-Edine ABRIAK, professeur et chef de laboratoire mécanique des sols et matériaux au département Génie Civil, pour sa disponibilité et son aide pour la réussite de cette étude bibliographique. Nous remercions également Monsieur Rachid ZENTAR, enseignant-chercheur au département Génie Civil, tous les enseignants du département Génie Civil et l’ensemble du personnel du centre de documentation de l’école des Mines de Douai pour l’abondante documentation qu’ils ont mise à notre disposition. -4- -5- SOMMAIRE Page Remerciements Sommaire Résumé Mots matières Abstract Key words Introduction 3 5 7 7 9 9 11 Première partie : Boues des stations d’épuration. 13 1. 2. 3. 4. 5. Origine des boues Les stations d’épuration Composition des boues Règlementation Valorisation 1. Valorisation agricole 2. L’incinération 3. Valorisation thermique et électrique Deuxième partie : Boues fluviales 1. Origine des boues 2. Qualités des boues 3. Traitement et débouchés des boues Troisième partie : Boues marines 1. Origine 2. Vers le recyclage des boues portuaires dans le bâtiment Quatrième partie : Les filières de traitement des boues 1. Du liquide au solide 1. L’épaississement 2. La stabilisation en phase liquide 3. Le conditionnement 4. La déshydratation 2. Post-traitements en phase solide 1. Le chaulage 2. Le compostage 3. Le séchage thermique Cinquième partie : Les risques 1. Les risques microbiologiques 2. Les risques chimiques 1. Les teneurs en éléments toxiques dans les eaux usées 2. Les risques de contamination des chaînes alimentaires 15 15 15 18 20 20 23 25 27 29 29 29 31 33 33 35 37 37 39 42 43 49 49 49 51 53 55 56 56 57 -6Sixième partie : Compost et compostage 1. Qu’est ce que le compostage 2. Les déchets d’origine urbaine susceptibles d’être compostés 3. Evolution des principales caractéristiques du compost au cours du compostage 4. Evolution de la matière organique des composts au cours du compostage 1. Stabilisation de la matière organique 2. Evolution de la composition biochimique de la matière organique au cours du compostage 3. Evolution de la composition chimique de la matière organique des composts au cours du compostage : mise en évidence par analyses spectrales 4. Notion de la maturité des composts 5. Evaluation du degré de maturité des composts 1. Test d’auto-échauffement 2. Test de respirométrie ou AT4 3. Extraction des fractions humiques et fulviques 6. Caractérisation physico-chimique des composts 7. Caractérisation de la matière organique des composts 1. Fractionnement biochimique 2. Identification par pyrolyse 3. Extraction des lipides 4. Mouillabilité des composts 59 61 61 62 63 63 63 64 64 66 66 67 67 68 68 68 68 69 69 Conclusion 71 Références 73 -7- RESUME Il existe divers types de boues. Celles traitées dans le cadre de notre étude bibliographique sont : les boues de stations d’épuration, boues fluviales et boues marines. Elles sont composées de matières non dissoutes, de matières organiques, de matières azotées, du phosphore et des milliards de micro- organismes. Ces boues sont quelquefois incinérées, valorisées surtout en agriculture et de plus en plus utilisées dans le Bâtiment et Travaux Publics (B. T. P.) comme matériaux de construction. MOTS MATIERES Boues Valorisation Composts Epandage Environnement Incinération -8- -9- ABSTRACT There are various types of muds. Those treated within the framework of our Bibliographical study are muds from purification stations, river muds and marine muds. They are made up of non-dissolved matter, organic matter, nitrogenized matter, Phosphorus and billions of micro-organisms. These muds are sometimes incinerated, developed especially in agriculture and are being used more and more in the construction industry as construction materials. KEY WORDS Muds Valorization Composts Spreading Environment Incineration - 10 - - 11 - INTRODUCTION De nos jours et dans tous les secteurs, la préoccupation environnementale est très marquée et se caractérise principalement par la valorisation de déchets industriels. Depuis quelques années, l’Ecole des Mines de Douai (par le biais du département Génie Civil) travaille sur la valorisation des boues marines et fluviales peu polluées et des composts . Aujourd’hui, le traitement des boues de stations d’épuration (STEP) se révèle compétitif par compostage et épandage ou par incinération, en offrant des garanties sanitaires indéniables. Ce type de procédé industriel qui valorise les boues organiques n’intéresse pas uniquement la région Nord-Pas-de-Calais car d’autres régions telles que le Var, la Haute Normandie ou la Picardie sont également en plein dans la recherche de la valorisation des boues. D’autres pays aussi s’y intéressent tels que le Canada, la Hollande ou encore la Belgique. Mais le but de notre étude bibliographique consiste donc à définir les facteurs de valorisation des boues de stations d’épuration considérée comme déchets, pour pouvoir être utilisables. Dans le souci d’identifier ces paramètres qui traduisent au mieux cet aspect, nous traiterons principalement de : boues de STEP boues fluviales boues marines filières de traitement de boues risques compost et compostage - 12 - - 13 - PARTIE I : LES BOUES DES STATIONS D’EPURATION - 14 - - 15 1- Origine des boues Afin de réduire les rejets directs dans l’environnement des eaux usées urbaines, les stations d’épuration se sont multipliées en France et en Europe. A l’issue du traitement dans ces stations, l’eau épurée est rejetée dans le milieu naturel et les résidus constitués par les matières en suspension et les substances dissoutes forment les boues. Les matières en suspension sont recueillies dans les bassins de décantation des stations où elles constituent les << boues primaires >> Ces boues primaires sont constituées essentiellement des matières organiques et minérales en suspension dans l’effluent. N’ayant pas subi de décomposition, elles sont très instables et putrescibles. A ces matières s’ajoute une charge polluante sous forme dissoute et colloïdale. Le plus souvent, pour éliminer cette pollution, on utilise des procédés biologiques d’épuration grâce à des bactéries qui consomment la matière polluante biodégradable. Ces bactéries se multiplient et il faut en évacuer l’excès qui constitue les boues secondaires. Ces deux types de boues sont des produits inévitables de l’épuration et on ne sait pas aujourd’hui réduire de façon notable leur quantité. 2- Les stations d’épuration La France compte environ 11000 stations d’épuration. 50% d’entre elles sont de taille inférieure à 1000 équivalents-habitants (EH). Celles dont la taille est supérieure à 50000 EH représentent 2% d’entre elles, et traitent 50% de la masse des boues produites. Les 85% de stations dont la taille est inférieure à 5000 EH produisent 16% des boues qui se présentent pour l’essentiel sous forme liquide. 3- Composition des boues La composition des boues varie en fonction des caractéristiques de l’effluent d’arrivée à la station et du type de traitement mis en œuvre. La teneur en eau Les boues sont riches en eau à la sortie de la station d’épuration, elles peuvent contenir jusqu’à 95% d’eau sous forme de : eau libre séparable par décantation (±70%) eau d’hydratation colloïdale séparable par centrifugation ou filtration sous pression réduite eau capillaire séparable par filtration sous pression élevée (filtre–presse) eau cellulaire inséparable mécaniquement, séparable par traitement thermique (10%) Par des procédés mécaniques ou thermiques, les boues peuvent donc perdre une partie de leur eau. Cependant, pour rester à l’état liquide, il faut que la teneur en matières sèches reste inférieur à 10%. Il faille également signaler que tous les procédés de - 16 déshydratation, pour obtenir des boues pelletables ou solides, entraînent des dépenses supplémentaires. La matière organique : Par tonne de matières sèches, la boue contient en moyenne autant de matières organiques qu’un fumier mais la nature est différente. Elle est constituée de micro-organismes et des produits de leur métabolisme, alors que dans le cas d’un fumier elle est composée de lignine et de matières cellulosiques. Les teneurs en carbone sont de l’ordre de 40% de matières sèches. Selon les résultats d’expériences récentes, 50% du carbone serait minéralisé la première année, le reste se transformerait progressivement en humus dans le sol. L’azote La teneur en azote des boues varie de 3 à 7% avec une valeur moyenne de 4%. L’azote est présent sous différentes formes, plus ou moins rapidement assimilables par les plantes. L’azote contenu dans les matières en suspension est essentiellement organique. A l’inverse, celui de la phase liquide est souvent sous forme minérale (nitrates ou ammonium) directement assimilable. Il en ressort que les boues liquides peuvent être considérées comme des amendements azotés (50% de l’azote serait disponible la première année de culture) L’azote étant l’élément auquel la production végétale est la plus sensible, il est essentiel de connaître dans quelle proportion et à quelle vitesse l’azote serait libéré sous forme assimilable afin de choisir les périodes d’épandage les plus favorables et d’ajuster la fumure minérale complémentaire en fonction des besoins des cultures. On peut retenir : teneur en azote > 5% Rapport carbone sur azote faible (C/N < 8) : minéralisation rapide la première année teneur moyenne (2 à 5 %) C/N stable (10 à 14) : libération lente d’azote minéral teneur faible (< 2%) C/N> 15 : immobilisation prolongée de l’azote minéral dans le sol- risque de carence Le phosphore Les boues sont toujours riches en acide phosphorique (de 3 à 7% de matières sèches). Il provient à 60% des détergents et à 40% des matières fécales. Le phosphore contenu dans l’acide phosphorique est assimilable à 50%. Cet élément constitue un facteur intéressant pour la valorisation des boues compte tenu du prix de l’acide phosphorique. - 17 Le potassium En général les boues sont pauvres en potassium (0,5 à 1,5% de la M .S.) car cet élément reste en solution dans les eaux rejetées. Le calcium En revanche, elles sont très riches en calcium (4 à 5,5% de la M.S.). Les boues traitées à la chaux se comportent comme de véritables amendements calcaires. Le magnésium L’apport en magnésium n’est pas à négliger (0,4% de la M.S.). Cet élément devient très intéressant lorsque les sols en sont carencés Le sodium Cet élément n’est pas retenu et reste en solution dans les eaux épurées Teneurs moyennes en éléments fertilisants des boues urbaines Eléments fertilisants Matières sèches (M.S.) Matière organique (M.O.) Carbone Azote total C/N Acide phosphorique (P2O5) Potasse (K2O) Chaux (CaO) Magnésie (MgO) Sodium (Na2O) Moyenne (% en M.S.) 4 65 40 4,5 8 ,5 4,5 0 ,7 4,8 0,4 0,27 Valeurs extrêmes (% en M.S.) 3à6 57 à 70 35 à 47 3à7 6,7 à 11,5 3à7 0,5 à 1,5 4 à 5,5 0,35 à 0,5 0,2 à 0, 3 Les métaux lourds Origine de la présence des métaux dans les boues Métaux cadmium cuivre zinc nickel mercure plomb sélénium ORIGINES Eaux de ruissellement des voies de circulation Canalisations d’eau Produits pharmaceutiques ou domestiques, conduites d’eau, eaux de ruissellement Peintures, laques, produits cosmétiques Produits pharmaceutiques ou domestiques, antifongiques Canalisations d’eau, peintures, eaux de ruissellement des voies de circulation Peintures, insecticides - 18 Teneurs en métaux des boues, des sols et des plantes Métaux zinc Teneurs en Teneurs en Maximum Maximum Valeurs matière matière << normaux normaux limites sèche des sèche >> dans les fixées par boues relevée dans plantes en la norme dans les domestiques des boues sols en mg / Kg sec AFNOR U(mg / Kg) contaminées mg/Kg sec 44041 (mg / (mg/ Kg) Kg) 2000 à 3000 4000 300 150 3000 manganèse 200 à 1000 1500 2000 250 500 cuivre 200 à 1000 2250 100 15 1500 plomb 100 à 300 4000 100 8 300 chrome 50 à 200 675 150 0,1 200 nickel 25 à 100 610 80 8 100 cadmium 5 à 15 4000 0,7 1 15 mercure 2à8 53 30 0,1 8 30 2 20 cobalt Les origines de la présence des métaux dans les boues sont variées et spécifiques à chaque métal. Certains de ces éléments chimiques sont nécessaires à la production végétale jusqu’à un certain seuil, ce sont des oligo-éléments : Fe-Zn-Cu-Mn-B-Mo-Co-Se. Au delà du seuil limite, ils deviennent phytotoxiques. D’autres, issus en général d’effluents industriels (Cd-Pb-Hg-Ni …), ne sont pas utiles à la production végétale et sont toxiques pour le sol et les plantes. Les germes pathogènes Les boues contiennent encore des micro-organismes et germes pathogènes présents dans les eaux résiduaires. Cependant, les conditions de vie ne sont pas favorables lors du traitement des boues et de l’épandage (température, humidité, nutriments nécessaires à leur bon développement). Aussi, ils disparaissent assez rapidement. 4- La réglementation Des textes réglementaires définissent des obligations sur les teneurs maximales autorisées en polluants. Le décret précise les conditions d’épandage des boues issues du traitement des eaux usées pour un emploi sur des sols agricoles ou forestiers ou pour une - 19 revégétalisation. L’arrêté définit les prescriptions techniques d’applications pour un épandage agricole. Elles résultent d’une large concertation et prennent en compte les travaux menés par l’INRA et les recommandations établies par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France : des produits homologués comportant une fraction de boues de STEP et d’autres composés (les composts) devront répondre à la future norme d’application venant se substituer à la norme NF U44-041 aujourd’hui abrogé définissant les matières fertilisantes une étude préalable à l’épandage est systématique. Elle est prévue quelle que soit la quantité de boues mise en jeu (caractéristique des sols, analyse des contraires du milieu récepteur, caractéristiques des boues, types de cultures, conditions d’épandage afin d’assurer l’adéquation entre les caractéristiques des boues et les systèmes agropédologiques récepteurs, accord de l’exploitant) un programme prévisionnel annuel d’épandage pour les stations de plus de 2000 EH est rendu obligatoire ainsi qu’un bilan annuel du programme d’épandage ; l’autosurveillance des boues est assurée par le producteur. Son arrêté d’exploitation prévoit la fréquence et les paramètres à analyser les épandages sont soumis à déclaration (loi sur l’eau) dès que la quantité de boues produites excède 200 EH (soit 0,15 t/an d’azote ou 3t/an de MS). Au-delà de 5000 EH, ils sont soumis au régime d’autorisation la qualité des boues doit assurer leur innocuité. Les seuils en éléments traces se trouvent réduits par rapport à la norme NF U 44-041 comme le souligne le tableau ci-dessous : Seuils autorisés d’éléments traces dans les boues destinées à l’épandage Teneurs limites dans les boues (mg/kg de MS) Eléments tracés Cd Cr Cu Hg Ni Pb Zn NF U 44-041 40 2 000 2 000 20 400 1 600 6 000 Arrêté du 8/1/98 20* 1 000 1 000 10 200 800 3 000 Flux maximum autorisé (g/m²) NF U 44-041 0,06 3 3 0,03 0,6 2,4 9 Arrêté du 8/1/98 0,03 1,5 1,5 0,015 0,3 1,5 4,5 * 15 mg/kg de MS du 1er janvier 2001 et 10 mg/kg de MS à compter du 1er janvier 2004. des teneurs limites et des flux maxima de polluants organiques sont définis pour les HAP et les PCB des précautions d’usage sont stipulées concernant la pollution par les micro-organismes. Des limitations d’usage sont introduites à l’égard des habitations, des cours d’eau, des points d’eau… des délais minima instaurés avant mise en pâture des animaux ou mise en cultures maraîchères. Un traitement préalable d’hygiénisation efficace permet d’assouplir ces contraintes la traçabilité des épandages doit être assurée. Les registres doivent en outre préciser les parcelles cadastrales traitées. Les mélanges de boues sont exclus le stockage ne doit pas générer de pollutions ou de nuisances. Les lixiviats doivent être collectés et les dépôts en boues de champ ne portent que sur des boues solides stabilisées et pour des durées réduites. Ces dépôts ne doivent pas menacer les - 20 nappes voisines par des infiltrations. Des stockages de longues durées (6 à 9 mois) sont à prévoir afin de faire face aux périodes d’épandage impraticable (nécessité liée aux besoins des plantes, champs inaccessibles par pluies trop fréquentes) les apports en nitrates se trouvent limités à 350 kg d’azote/ha/an sur les prairies et 200 kg/ha/an pour les autres cultures. Ces Textes ne suffisant pas à apaiser les inquiétudes, le gouvernement à mis en place le 5 février 1998 un comité national sur l’épandage des boues agricoles afin de restaurer la confiance et de favoriser un climat de transparence entre les parties prenantes de la filière. Les règles de l’art semblent aujourd’hui connues. Il est prévu de plus d’introduire un dispositif d’assurances souscrites par les producteurs de boues afin de couvrir les exploitants agricoles des dommages éventuels. Un contrôle renforcé, voire une certification des pratiques d’épandage, sont envisagés. La définition des produits labellisés en matière de qualité et de sécurité alimentaire par les grands groupes de la distribution est en cours d’étude : faut-il éviter de poursuivre le souci de traçabilité d’usage courant en matière de traitement des déchets jusqu’au consommateur final ? Ce dernier ne risque-t-il pas à terme de refouler les produits alimentaires issus de la culture sur un sol ayant subi un épandage ? Ces questions devraient faire l’objet d’un accord national visant à développer l’information et la sensibilisation avec l’Association nationale des industries agroalimentaires et la Fédération du commerce et de la distribution afin « d’éviter toute stratégie commerciale discriminatoire par rapport à l’épandage ». L’apparition de nouvelles maladies a tendance à générer de nouvelles contraintes sur les épandages de boues. C’est le cas de l’ESB pour laquelle certains Länder allemands envisagent d’interdire l’épandage des boues de stations d’épuration. Un effet d’entraînement peut jouer, ce qui conduit à penser qu’à chaque future épizootie la question de la poursuite de l’épandage agricole serait réexaminée. 1-5- Valorisation 1-5-1- La valorisation agricole L’agriculture intensive provoque bien des nuisances dont une baisse du taux d’humus qui pose des problèmes de dégradation de la structure des sols et de baisse de rendement. Cela s’observe principalement dans les zones de grandes cultures où l’abandon progressif de l’élevage a modifié les pratiques culturales traditionnelles et notamment l’épandage périodique de fumier. C’est ainsi que l’agriculture s’oriente vers l’utilisation de sources non conventionnelles de matière organique : les boues des stations d’épuration urbaines. En effet, elles contiennent de nombreux éléments pour une grande part nécessaire à la croissance des plantes, leur conférant ainsi une valeur agronomique. L’utilisation de ces boues en agriculture est donc souhaitable, car elles sont de bons conditionneurs de sol. Leur valeur d’engrains dépend principalement des éléments indispensables aux plantes (N, P, Ca, matières organiques …) qu’elles contiennent. Leurs oligo-éléments (Zn, Cu, Mn, Co, Fe …) sont aussi nécessaires à la production végétales jusqu’à un certain seuil de concentration. Toutefois, les métaux lourds sont nocifs et doivent être quasi absents, il en est de même des virus, parasites et autres agents pathogènes. - 21 D’autres part, l’épandage des boues permet aux agriculteurs de réduire leurs dépenses en matière d’engrais, car elles jouent le même rôle et leur coût d’épandage est plus faible. En effet, les agriculteurs n’ont généralement à leur charge que les frais de transport et d’épandage. Dans la pratique, avec la volonté de promouvoir l’utilisation agricole des boues, l’épandage est souvent pris en charge par les collectivités ou s’accompagne d’une participation financière des communes. L’épandage agricole reste donc une solution facile et commode mais qui de ce fait doit être strictement contrôlée et il est exclus de le pratiquer sans précautions. Il nécessite : l’établissement d’un plan d’épandage comprenant : un bilan quantitatif et qualitatif du produit une démonstration de la non toxicité une recherche des débouchés une prise en compte des contraintes environnementales état du milieu (géologique, hydrologique, pédologique) conduite agronomique (assolement, fertilisation, déjections animales) définition des modalités pratiques d’utilisation : dose et fréquence, fertilisation complémentaire, zones d’épandage un suivi agronomique très strict l’utilisation de matériels appropriés garantissant la parfaite régularité et la maîtrise de l’épandage, l’absence de propagation d’aérosols et la limitation des odeurs. Si la valorisation constitue un débouché pour les stations d’épuration urbaines, elle doit être rigoureusement contrôlée pour éviter que les terres agricoles ne deviennent des dépotoirs pour des résidus dont on ne saurait plus que faire. L’organisation de l’épandage agricole des boues résulte donc de la prise en compte des facteurs humains, de milieu naturel, technique, économique et réglementaire. Les facteurs humains Il convient de s’intéresser aux préoccupations de l’ensemble de la population agricole mais aussi urbaine qui habite aux alentours des périmètres d’épandage. En effet, il y a plus de problèmes d’acceptation par la population de délocaliser des utilisations de boues. L’enquête publique accompagnant l’autorisation préfectorale d’épandage et la réalisation du plan d’épandage permettant de répondre à ces préoccupations. En ce qui concerne la population agricole, il convient de définir les intervenants réalisant les épandages et l’organisme assurant le suivi agronomique. Le milieu naturel L’étude du milieu naturel détermine la localisation du périmètre, la superficie nécessaire et celle réellement disponible pour les épandages. Il faut surtout examiner les points suivants : les périmètres de protection de la ressource en eau et notamment leur emprise sur les zones cultivées - 22 le type de sol : la plupart des sols peuvent recevoir des boues résiduaires, les plus favorables étant ceux qui possèdent une texture moyenne. Les sols à texture plus fine conviennent bien également et peuvent voir leur structure améliorée par un apport de boues. Les sols sableux sont moins favorables, surtout s’ils sont acides. En effet, la mobilité de la plupart des métaux toxiques augmente fortement lorsque le pH diminue. On s’abstient donc d’épandre des boues de pH < 6 ; inversement, un sol calcaire ou un apport de boues chaulées immobilise provisoirement la plupart des métaux. D’autre part, les boues peuvent être utilisées pour améliorer des sols très pauvres ou même recréer complètement des sols à partir de déblais de mines de carrières. Cet apport de matière organique stabilise les sols en augmentant la capacité de rétention, en diminuant le ruissellement et en permettant une revégétalisation. le degré de spécialisation de l’agriculture, celui-ci peut conduire à une forte restriction ou à l’utilisation des boues. Dans de nombreux pays, une part importante de boues (jusqu’à 60-75%) est utilisée sur prairies temporaires ou permanentes. Ce fait s’explique par la grande souplesse d’utilisation ; l’épandage peut s’effectuer pratiquement en toute saison, l’herbe s’accommode parfaitement d’une minéralisation progressive de l’azote organique. Par contre, il faut se méfier des problèmes d’ordre sanitaire. L’utilisation des boues en grande culture doit tenir compte de leurs particularités, notamment pour fixer les doses d’épandage. Dans la plupart des cas, on se base sur la valeur fertilisante azotée potentielle de façon à n’apporter que la quantité nécessaire aux cultures. Mais en raison de l’influence du climat sur la minéralisation, il est impossible de prévoir exactement quelle quantité d’azote est réalité disponible. Ceci est un obstacle pour l’utilisation des boues sur certaines céréales comme le blé. Le maïs, la pomme de terre et la betterave peuvent également recevoir des boues résiduaires. Généralement, cet apport s’accompagne d’une fertilisation avec des engrais minéraux. Les producteurs maraîchers utilisent des amendements organiques à forte dose mais, bien que les boues résiduaires aient parfois été employées, cette utilisation n’est absolument pas souhaitable pour des raisons sanitaires et à cause des métaux lourds. Quant à la sylviculture, l’épandage y est très difficile à mettre en œuvre : de grandes doses de boues sont nécessaires mais quelques constituants comme les chlorures nuisent à certains espèces d’arbres. le type d’assolement : il conduit à un temps de stockage plus ou moins long et à la définition pratique des doses et des fréquences d’apport. En moyenne, la quantité apportée varie de 50 à 80 m3 par hectare et par an d’une boue à 6% de matières sèches. La période d’apport tient compte du fait que les éléments fertilisants ne sont pas immédiatement disponibles pour les plantes, l’importance de l’élevage, l’excès de fumier, lisier et fientes peut concurrencer l’utilisation des boues, la mise en jachère des terres agricoles, cette nouvelle pratique conduit à une interdiction temporaire ou permanente d’épandage des boues. Les facteurs techniques La taille de la station d’épuration conduit à des choix technologiques de traitement des boues et à l’obtention d’un produit épandable sous forme liquide (2 à 6% M.S.), pâteuse (15 à 20% M.S.) ou solide (au moins 30% M.S.). Ces choix influent sur les quantités de boues évacuables et sur les surfaces nécessaires à leur épandage. - 23 D’autre part, le stockage des boues est inévitable car il répond à une production en continu et à une utilisation agricole saisonnière. Il correspond généralement à 4-6 mois de production de boues. Quand le stockage sur le site de la station d’épuration n’est pas possible, il est réalisé à proximité immédiatement des sites d’épandage. Les boues pâteuses à liquides, d’une siccité inférieure à 15%, s’épandent avec une tonne à lisier munie d’une pompe volumétrique ou d’un compresseur après homogénéisation dans le stockage. De même que précédemment, il en résulte une régularité et un dosage médiocres. Les boues pâteuses à solides, d’une siccité supérieure à 15%, sont transportées par camion « poly-benne » spécial pour les boues et reprises au chargeur. Elles sont épandues avec un matériel étanche à système de distribution par disques. Ce type de matériel est capoté lors du transport afin de minimiser les problèmes d’odeurs. Il permet une régularité et un dosage précis lors de l’épandage. Les facteurs économiques Une opération d’épandage peut se dérouler aux conditions économiques les plus diverses. Pour les petites stations d’épuration (inférieure à 5000 équivalents habitants), l’épandage est souvent réalisé par un ou deux agriculteurs sans rémunération spécifique. Le nombre de cas de rémunération augmente fortement, avec des valeurs comprises entre 10 et 40 F/m3. Le matériel est souvent acheté par la collectivité et mis à disposition des agriculteurs. Pour les stations produisant des boues pâteuses à solides, la prestation payante est généralisée. Les coûts varient entre 40 et 100 F/m3 (hors transport et hors suivi agronomique) Les facteurs réglementaires En plus l’application de la réglementation française sur l’utilisation agricole des boues, il convient de vérifier les conditions locales d’application de la loi sur l’eau et notamment le plan d’épandage et le suivi agronomique 5-2- L’incinération Par l’incinération, on élimine l’eau interstitielle et la matière organique de la boue. Seules subsistent les matières minérales qui forment les cendres représentant environ 10% du poids initial de la boue. L’incinération des boues est un traitement de destruction coûteux, réservé pour l’instant à des stations d’épuration d’une capacité supérieure à 150 000 équivalents habitants. Les boues peuvent être incinérées seules ou en mélange avec les ordures ménagères. Ce traitement doit tenir compte des caractéristiques variables des boues : pouvoir calorifique (4 000 à 5 000 Kcal/kg), présence d’éléments agressifs vis-à-vis des réfractaires, aptitude à l’émission de substances gazeuses, toxiques ou malodorantes. - 24 La capacité de la boue à être incinérée est fonction de la siccité et du taux de matières organiques. Plus ces valeurs sont élevées, plus l’incinération est aisée. L’autocombustion peut être atteinte à partir de 30% de matières sèches et 65% de matières organiques. Les techniques développées à ce jour permettent d’incinérer, outre le tonnage d’ordures ménagères pour lequel est dimensionné le four, des quantités de boues pâteuses correspondant environ à 20% de ce tonnage. La co-incinération des boues sèches est nécessaire si l’on veut accroître la proposition de boues incinérées par rapport aux ordures ménagères incinérables. Il faut alors surdimensionner le four puisque la boue séchée vient en substitution des ordures ménagères. Les principaux incinérateurs sont : le four rotatif, le four à séchage rapide, le four à soles multiples ou four à râbles, le four à lit fluidifié, le four à destruction par voie directe. Le four rotatif C’est le plus ancien type d’incinérateur. Il peut fonctionner à co-courant ou à contrecourant. Ce four est polyvalent, il convient à l’incinération des boues mêmes ou à humides. Les frais d’investissement et d’exploitation sont relativement faibles. Malheureusement, la mise en service de ce four n’est pas toujours rapide et la température dans la zone d’incinération est difficile à maîtriser. Le four à séchage rapide Ce type de four convient à l’incinération de mélanges de déchets ménagers et des boues déshydratées dont le taux d’humidité ne peut dépasser 35%. Le séchage rapide se fait dans une cage séchoir par les gaz chauds sortant du four. Les boues séchées sont ensuite introduites dans la chambre d’incinération. L’avantage de ce four réside dans sa mise en service et hors service extrêmement rapide (environ 30 minutes). Par contre, les frais d’investissement et d’exploitation sont élevés. Les gaz sortant du séchoir sont très malodorants et doivent être brûlés dans l’incinérateur avant rejet à l’atmosphère. Le four à soles multiples Ce four largement utilisé en Europe comprend en général 4 à 17 plateaux (soles) et un arbre vertical mobile, équipé de pales racleuses (râbles), munies de dents assurant le passage des déchets d’une sole à l’autre. La partie supérieure du four fonctionne comme sécheur et pré chauffeur, la partie médiane constitue la zone d’incinération proprement dite, la partie inférieure permet le refroidissement des cendres avant évacuation. La température atteinte est de 750°C à la partie inférieure et de 250°C à la partie centrale. On compte qu’un four de 5,70 m de diamètre à 6 étages permet de traiter par jour une quantité de boue correspondant à environ 20 tonnes de matières sèches. Cet appareil robuste et d’exploitation aisée convient aussi bien pour l’incinération des boues que des déchets solides ménagers. Le rendement thermique est élevé, le réglage de la température est précis et la désodorisation des gaz est donc excellente. Toutefois, les frais d’investissement sont relativement élevés. - 25 Le four à lit fluidisé La technique du lit fluidisé consiste à mettre en suspension des particules de solide dans un courant gazeux dont la vitesse est comprise entre deux valeurs limites correspondant respectivement au lit fixe (les particules ne sont alors animées d’aucun mouvement) et au transport pneumatique. Pour l’incinération des boues, le procédé fait appel à la technique du lit fluidisé auxiliaire qui consiste à introduire une fois pour toutes dans le fluidiseur, lors de la mise en route de l’installation, un solide de granulométrie plus grossière que le solide à traiter, par exemple du sable de rivière. On utilise alors des vitesses de fluidisation beaucoup plus importantes que ne le permettrait le produit à traiter s’il était seul à être fluidisé. En effet, en tombant dans la couche auxiliaire, le produit est divisé par le sable en mouvement et il y est piégé suffisamment longtemps pour être séché et brûlé, lorsqu’il en sort entraîné par les gaz. Les fours au lit fluidisé ont un fonctionnement très souple leur permettant de brûler à 750°C aussi bien les boues que les liquides. Le réglage très précis de température (combustible d’appoint, large excès d’air) assure une désodorisation excellente des gaz. Il faut ajouter à cela les avantages d’un système entièrement automatique et l’absence de pièces mobiles dans l’incinérateur. Les principaux inconvénients de ce procédé résident dans son coût : frais d’investissement et d’exploitation, rendement thermique peu élevé car les cendres sont évacuées du four à des températures assez élevées (500-600°C), nécessité d’une installation importante de dépoussiérage puisque la quasi-totalité des cendres quitte le four en même temps que les gaz. Le four à destruction par voie directe Ce type de four ne convient que pour les boues liquides. Le four comprend une chambre de combustion généralement cylindrique équipée de brûleurs spéciaux pour résidus liquides, il peut être précédé d’un four à incinération pour déchets solides ménagers. Une unité d’incinération comprend par ailleurs des systèmes annexes pour traiter les sous produits générés par la combustion : les fumées et les cendres. En effet, bien que la combustion soit un procédé de destruction totale, les fumées contiennent des produits de combustion (HCl, SO2, NOX, poussière, métaux lourds) qui ne peuvent pas être rejetés à l’atmosphère sans traitement préalable. De même, les cendres doivent subir un traitement complémentaire pour permettre leur valorisation ou leur mise en décharge. En raison de la réglementation européenne, l’unité de traitement des fumées issues de l’incinération des boues urbaines doit intégrer un système de dépoussiérage par électrofiltre suivi d’un lavage humide pour éliminer les polluants acides et les métaux lourds volatiles. 5-3- La valorisation thermique et électrique La digestion des boues de la station d’épuration s’accompagne d’un dégagement d’un biogaz composé de 65% de CH4, de 33% de CO2 et de 2% d’H2S. Le PCI de ce biogaz est de 5à 6 kWh.m-3. Les 38500 Nm3 (21 tonnes équivalent pétrole) produits quotidiennement à Valenton sont valorisés sur place comme source d’énergie pour les besoins internes de la station. - 26 La valorisation peut prendre plusieurs formes (après compression) : thermique d’abord car le biogaz alimente, à raison de 10500 m3 par jour, une chaudière qui permet le chauffage des quatre digesteurs primaires, du digesteur secondaire et des locaux. La digestion des boues nécessite en effet une température de 35°C. Par ailleurs, une partie des boues produites étant incinérée sur place, le four à lit fluidisé de la station a été équipé d’un brûleur au biogaz. Cette valorisation est utilisée notamment lorsque la qualité des boues séchées ne permet pas leur auto-combustion. électrique ensuite pour un tiers de la production ; le biogaz alimente deux moteurs diesel/gaz qui fournissent plus de 30000 kWh par jour d’octobre à mars pour effacer les pointes de consommation EDF. Le biogaz fournit alors 32 % des besoins en électricité et représente 40% de la facture énergétique. Mais les apparences peuvent être trompeuses. Cette utilisation provoque une usure et des casses prématurées des moteurs ce qui entraîne des coûts de maintenance assez élevés (1044 kF par an). NB : 9000 Nm3 de biogaz vont à la torchère chaque jour. L’usine de Valenton va s’étendre avec notamment un doublement du nombre de bassins et de digesteurs. Au jour d’aujourd’hui la valorisation électrique du biogaz n’est pas envisagée sur ce nouveau site sans aucun doute pour des raisons évoquées plus haut. Eléments économiques Valorisation thermique Coût d’investissement Coût de maintenance Production de chaleur Economies sur la consommation du fioul Temps de retour 3,6 MF 250 Kf par an 3300 tep par an 2112 kF par an environ 2 ans Valorisation énergétique Coût d’investissement Coût de maintenance Production d’électricité Economies sur la facture EDF Temps de retour 15 MF 1044 Kf par an 4750 MWh par an 3216 kF par an Environ 7 ans - 27 - PARTIE II : LES BOUES FLUVIALES - 28 - - 29 1- Origine des boues Les boues de dragage et curage sont le produit de l’extraction des sédiments qui se sont déposés sur le lit des cours d’eau. Ce dragage est rendu nécessaire pour des raisons hydrauliques, et/ou nautiques, ou pour des motifs d’assainissement des dits lits. Ces sédiments proviennent de l’érosion des sols ou des berges. Les sédiments ont également pour origine des rejets domestiques ou industriels. Ils se déplacent par charriage et/ou suspension. 2- Qualité des boues La concentration des matières polluées est la plus élevée dans les lits des cours d’eau navigables. Les mêmes produits chimiques constituent un problème dans les deux types de cours d’eau : il s’agit d’huiles minérales , de pesticides organo-chlorés, d’hydrocarbures polyaromatiques et de métaux lourds , tels que le plomb, le cadmium, le cuivre, le mercure et le zinc. Les polychlorobiphényles et le chrome sont surtout un problème pour les cours d’eau navigables. La réutilisation des boues de dragage et de curage (ex situ du lit des cours d’eau) relève de la politique de gestion des déchets, et plus particulièrement du règlement des normes en vigueur. 3- Traitement et débouchés des boues de dragage et de curage Il existe divers moyens techniques pour traiter les boues de dragage afin d’en fabriquer des << matériaux secondaires >>, mais pour l’instant, ils ne connaissent pas de succès majeur. Par exemple, les possibilités de déshydratation sont prometteuses, mais leur applicabilité est limitée par la destination finale de la fraction déshydratée. D’autres techniques de traitement des boues ne sont pour ainsi dire pas appliquées. Le dessablage offre de bonnes perspectives, mais il n’est pas stimulé. Aux Pays Bas, la technique du <<lagunage>> est appliquée sur une échelle limitée pour l’instant. Les techniques de traitement thermiques ont été testées de manière restreinte en Belgique, par exemple, comme matière première pour l’industrie du ciment ou pour la production de gravier artificiel ou de briques. Il ressort des données récoltées en France que le coût constitue une entrave importante, ainsi que la crainte de l’image négative des matériaux secondaires produits. La plupart des entreprises de traitement et celles qui sont confrontées aux problèmes espèrent cependant vivement que ces techniques apporteront une solution dans l’avenir. Pendant longtemps l’épandage des boues hydratées sur les berges des cours d’eau a été la technique la plus courante pour les boues prélevées des cours d’eau non navigables. Peu à peu on s’est cependant rendu compte que les lits de ces nombreux cours d’eau étaient fortement pollués, ce qui a conduit à remettre en question cette technique. - 30 Les applications des boues de dragage ou de curage sont la réutilisation en tant que matériau de construction << brut >> (par exemple pour le remblayage de routes ou de digues ),ou en tant que matériau de construction <<modifié >>, après traitement thermique de la fraction d’argile contenue dans les boues, afin d’en produire du gravier artificiel, du basalte artificiel ou des briques .Ces techniques ont été testées en région Flamande (Belgique), mais elles ne sont pas encore appliquées à grande échelle, principalement en raison du coût et des débouchés limités des matériaux de construction recyclés. - 31 - PARTIE III : LES BOUES MARINES - 32 - - 33 1- Origine Les boues marines sont composées de particules issues de l’eau de mer et de la terre. Avec le temps se forment des sédiments argileux. Outre sa composition en sels minéraux, oligo-éléments et vitamines, cette boue possède des propriétés de plasticité et de rétention de la chaleur intéressantes pour la thalassothérapie. La boue marine s’applique directement sur la peau qui absorbe les oligo-éléments présents dans la boue. La chaleur due à l’enveloppement permet aux toxines d’être libérées par la peau. Utilisée en cataplasmes ou sur le corps, la boue permet au corps de se débarrasser de ses impuretés et de se recharger en vitamines. Ce qui nous intéresse, c’est surtout l’utilisation des boues marines dans le génie civil. 2- Vers le recyclage des boues portuaires dans le bâtiment Aujourd’hui, les ports sont le fer de lance de la mondialisation. En France , l’activité portuaire enregistre 80% des échanges commerciaux du pays, 350 millions de tonnes de marchandises , 33 millions de passagers et … des dizaines de millions de tonnes de déchets toxiques chaque année. A titre d’exemple , une étude en 2001 estimait que , chaque année, près de 5000 tonnes de déchets toxiques parvenaient dans les seuls ports du Langue doc-Rousillon, une région ni plus ni moins pire que les autres. Cet amalgame impressionnant de rejets et de déchets s’agrège au sable, constituant une matière généralement dénommée vase ou boue marine. Jamais uniforme, souvent travaillée par des micro-organismes, se gorgeant à l’occasion d’hydrocarbures, d’azote, de phosphore, de métaux lourds, cette boue représente un réel danger pour l’environnement, d’autant qu’extraite des ponts pour maintenir un accès satisfaisant aux installations portuaires, elle est la plupart du temps rejetée en eaux profondes sans qu’on connaisse réellement les conséquences environnementales de ces déversements. En outre, ces opérations d’entretien représentent un coût important, appelé à exploser puisque les ports européens devraient se voir interdire, par l’Europe en 2012, de rejeter en pleine mer les boues issues des dragages. Aujourd’hui, si les opérations de traitement et , plus encore , de valorisation , sont rares et ne concernent que de faibles volumes , depuis trente ans , des chercheurs Français travaillent sur ce thème tandis qu’un projet industriel pourrait les valoriser. Ce projet, à l’origine duquel se trouve la société Paneurochina, s’appuie sur l’expertise française et la détermination chinoise, et propose d’élaborer une unité mobile de traitement en continu des boues marines, intégrant un enchaînement d’opérations depuis l’extraction de la vase jusqu’à la livraison d’éco-matériaux de construction (remblayage des routes ou de parkings, bordures de trottoirs, parpaings, produits moulés, dalles, briques). Opportunistes d’un point de vue économique en matériaux de construction, comme ailleurs, les chinois développent d’ores et déjà des projets de valorisation de la - 34 vase. Pour eux, le temps est à l’action puisque selon une étude du ministère de l’industrie chinois, l’utilisation de la vase de mer pourrait générer des économies à hauteur de 50%, notamment, dans le domaine, du remblayage des routes. Si pour le moment leurs méthodes demeurent artisanales et les procédés aléatoires, en chine, les boues marines entrent déjà dans la fabrication de briques ou servent au remblaiement de route. Toutefois, à l’heure actuelle, après extraction du bassin portuaire, la vase est généralement stabilisée ou solidifiée à l’aide de ciments, de chaux et d’autres additifs, avec un niveau de pollution chimique ou bactériologique qui reste flou. Aussi comme le note François de la Chevalerie, président de Paneurochina, « Si le risque de toxicité peut être envisagé pour la réalisation de sous produits routière, une extrême prudence concerne la réalisation de produits nobles, telles les briques ; un domaine où la France pourrait amener son expertise et faire de la valorisation des boues un business aussi économique qu’écologique ». - 35 - PARTIE IV : LES FILIERES DE TRAITEMENT DE BOUES - 36 - - 37 Cette partie regroupe les opérations qui permettent de faire passer la boue de l’état liquide, telle qu’elle est extraite de la filière d’épuration de l’eau, à l’état de produit-déchet évacuable vers sa destination finale. Les différentes opérations considérées sont d’abord les traitements d’épanouissement, de stabilisation, de conditionnement et de déshydratation, permettant d’obtenir un produit solide ou au moins pâteux et ensuite les traitements complémentaires des boues pour pouvoir les évacuer plus facilement : le chaulage, le compostage et le séchage. La multiplicité des techniques utilisables et des techniques disponibles fait que le nombre de filières possibles est élevé. Le choix de la filière doit se faire en prenant en compte la nature des boues à traiter et leur destination finale. Deux objectifs sont souvent recherchés : réduire la quantité d’eau contenue dans la boue pour en diminuer le volume à traiter stabiliser la boue pour en réduire le pouvoir fermentescible. 1- Du liquide au solide 1-1- L’épaississement L’épaississement est le premier stade, et le plus économique, dans le processus de réduction du volume des boues. Il permet de multiplier la concentration en matières sèches par un facteur compris entre 5 et 20 selon la nature de boue et la technique employée, tout en conservant au produit son caractère liquide. Cet épaississement des boues permet de réduire les ouvrages de stockage et d’augmenter la concentration en éléments fertilisants. Il a recours à des procédés de nature physique, mais plus souvent de nature chimique par ajout de réactifs minéraux (sels métalliques, chaux) ou de polymères de synthèse (poly-électrolytes). Depuis quelques années, trois techniques d’épaississement dynamique sont venues s’ajouter à l’épaississement par décantation. Elles permettent d’obtenir de meilleurs taux d’épaississement mais au prix d’une forte dépense d’énergie électrique éventuellement en réactifs. L’épaississement pur décantation La décantation a pour objectif de donner une boue à la teneur en solide la plus haute possible. C’est une opération de séparation mécanique par différence de gravité de phases non miscibles dont l’une au moins est liquide. On distingue deux types d’installations : les décanteurs statiques que l’on coupe du circuit d’alimentation en effluents pour la durée de la décantation les décanteurs à contact de boues que l’on alimente périodiquement en effluent pour y maintenir la teneur en suspension, il en existe quatre types : le décanteur à lit de boues, dont la vitesse ascensionnelle est de 2 à 4 m/h. il s’agit de faire circuler l’eau usée de bas en haut à travers la masse de boues formées par floculation. On récolte en surface l’eau clarifiée par son passage à travers le lit de boues. Le débit peut atteindre jusqu’à 1 300 000 m3/h. - 38 le décanteur lamellaire dont la vitesse ascensionnelle est de 4 à 8 m/h. Il fonctionne selon le même principe que le précédent mais la présence des compartiments lamellaires augmente la surface de décantation considérablement et permet des installations plus compactes. le décanteur à recirculation de boues, dont la vitesse ascensionnelle est de 2,5 à 7 m/h. Les boues recyclées : après prélèvement de l’eau clarifiée, elles sont mélangées avec la nouvelle eau à traiter avent d’être à nouveau laissées en décantation. le décanteur épaississeur, dont la vitesse ascensionnelle dans la zone de décantation lamellaire est de 20 à 30 m/h. Il est composé d’un décanteur à recirculation de boues externes et d’un système de décantation lamellaire. L’épaississement par égouttage Les grilles d’égouttage G.D.E. (de la société Degrémont), avec l’aide d’un polyélectrolyte, donnent les meilleurs taux d’épaississement et sont fréquemment employées en vue d’une valorisation agricole sous forme liquide, sur les petites installations. Des équipements mobiles, desservant plusieurs stations sont réalisables. - 39 L’épaississeur par flottation Il consiste en une insufflation de bulles d’air au sein de la masse liquide pour rassembler les boues. Les flottateurs SEDIFLOTAZUR à air dissous avec pressurisation directe sont bien adaptés à l’épaississement des boues. Pour les boues d’eau portable, très diluées, on utilise plutôt la pressurisation indirecte. Cet épaississement permet de réduire le volume des ouvrages par rapport à la décantation, de différer la fermentation des boues. La concentration de boues obtenue est de l’ordre de 35-50 g/l. L’épaississeur par centrifugation La centrifugation est une opération de séparation mécanique, par action de la force centrifuge, deux à trois phases entraînées dans un mouvement de rotation. Les centrifugeuses de type décanteuses continues peuvent être adaptées à la fonction d’épaississement. Pour obtenir un bon rendement de séparation des matières en suspension (M.E.S.), il est nécessaire d’y introduire un peu de poly-électrolyte. Comparaison des divers procédés d’épaississement Type Energie (kwh/t M.S.) Poly-électrolyte Concentration épaisse (g/l) Statique Flottation Centrifugation Egouttage 10 – 20 60 – 120 200 – 400 30 – 40 Non Non Préférable Oui 15 – 25 35 – 45 45 – 55 40 – 60 boue 1-2- La stabilisation en phase liquide Les boues riches en polluants organiques sont instables et putrescibles. Elles possèdent encore des caractéristiques néfastes. Leur stabilisation a pour rôle de réduire le pouvoir fermentescible des boues, de façon à éviter les nuisances, notamment l’apparition de mauvaises odeurs, lors de leur stockage et sur la chaîne de traitement. La destruction des germes pathologiques est parfois aussi recherchée. Cette stabilisation peut être assurée par injection de réactifs chimiques, en général de la chaux éteinte, soit en amont d’un épaississeur de boues fraîches pour y bloquer les fermentations, soit sur boues liquides épaissies avant valorisation agricole. Même avec des doses allant jusqu’à 30% de la matière sèche, il ne s’agit que d’une stabilisation temporaire, qui n’autorise pas un stockage de longue durée. C’est pourquoi, on préfère en général employer des méthodes biologiques, qui éliminent la matière organique facilement biodégradable, à l’aide de bactéries spécifiques. Il existe même des procédés thermiques mais ils sont relativement peu performants. - 40 1-2-1- Stabilisation chimique : le chaulage L’addition des réactifs tels que la chaux bloque le développement des microorganismes : le chaulage élève le pH, empêchant ainsi toute dégradation biologique. Il est indispensable de réaliser un mélange parfait de la chaux (ou du réactif) avec les boues afin d’éviter la reprise des fermentations. Cette stabilisation n’est malheureusement nullement définitive, en effet à la longue la chaux se carbonate, le pH diminue et la fermentation peut commencer. 1-2-2- Stabilisation thermique la pasteurisation : les boues sont chauffées aux environs de 70-80°C ; ce traitement tue les germes pathogènes mais n’empêche pas la fermentation de se produire. l’autoclave : les boues sont chauffées en autoclave aux environs de 180210°C ; ce traitement tue les germes pathogènes mais n’élimine qu’une faible partie des matières organiques susceptibles de fermenter. Par contre, il améliore l’aptitude de la boue à la déshydratation. 1-2-3- Stabilisation biologique Les procédés biologiques permettent la « digestion des boues », c’est-à-dire la destruction des germes pathogènes et la dégradation des matières organiques fermentescibles, génératrices d’odeurs. A l’issue de ce traitement, la boue obtenue ressemble à de l’humus, elle ne dégage plus d’odeurs désagréables, elle contient encore du carbone sous forme de matières organiques ne fermentant qu’extrêmement lentement. La digestion aérobie Elle consiste à poursuivre l’oxydation des matières organiques en présence d’oxygène, soit par aération dans un bassin à boues indépendant, soit par aération prolongée de l’effluent. Les produits ultimes obtenus sont CO2 et H2O. Le soufre et l’azote organiques sont transformés en sulfates et nitrate. Bien que le procédé soit simple, d’investissement peu élevé et peu sensible aux variations de température et à la présence de toxiques, il est peu utilisé dans le domaine de la fermentation des boues car il conduit à une destruction moins poussée des germes pathogènes et des matières fermentescibles. En outre, il reste sensible aux variations de pH et entraîne des frais d’exploitation élevés (insufflation d’oxygène). Quand à la stabilisation aérobie thermophile, elle utilise le caractère exothermique des réactions d’oxydation pour porter la température du réacteur à des valeurs de 45à 60°C ce qui, moyennant un temps de séjour suffisant, permet de dégrader la matière organique dans des proportions proches de celles obtenues en digestion anaérobie et d’assurer une bonne élimination des germes pathogènes. Les inconvénients sont une mise en œuvre délicate, une forte dépense énergétique et une certaine sensibilité aux variations de charge. - 41 La digestion anaérobie Ce procédé est réalisé en absence d’oxygène dans des réacteurs-digesteurs portés à pH et température convenables. Il permet la dégradation des molécules organiques fermentescibles par phases successives : la phase de liquidation : c’est une fermentation acide qui dégrade les molécules organiques complexes en matières plus simples (liquides) telles que acides amines, acides gras, acides volatils (formique, acétique, butyrique), aldéhydes, alcools, cétones, mercaptans, indols, urée, NH3 et H2S. la phase de gazéification : c’est une fermentation méthanique qui consiste en une conversion des divers acides en CH4, CO2 et H2O. Le soufre et l’azote organiques présents sont réduits en H2S, NH3, N2 et H2. Deux types de bactéries permettent ces dégradations : les bactéries mésophiles (température d’activité optimale : 30-37°C) et les bactéries thermophiles (température d’activité optimale : 50-55°C). En général, en digestion anaérobie, on utilise les bactéries mésophiles qui entraînent une dépense énergétique plus faible que les bactéries thermophiles. Les digesteurs sont chauffés à 35°C environ, le pH est maintenu entre 6,8 et 7,2 (limites extrêmes : 6,5-8,1) pour garantir les conditions les plus favorables à l’activité des bactéries méthaniques. Le procédé anaérobie permet une destruction quasi-totale des germes et des matières organiques fermentescibles. Les frais d’exploitation sont peu élevés. Le méthane obtenu peut être utilisé pour fournir les calories nécessaires au chauffage des digesteurs. Les principaux inconvénients de ce type de fermentation sont les frais d’investissement élevés et la grande sensibilité aux variations de pH et de température, et à la présence de toxiques (cyanures, phénols, détergents). Ce procédé est plutôt réservé aux stations de grande ou moyenne capacité. Comparaison des deux modes de digestion Température Produits de dégradation Temps de séjour Réduction M.O Réduction M.S. Résistance aux agents inhibiteurs Possibilité de stockage longue durée Désinfection Incidence sur filtrabilité Bilan énergétique Stabilisation aérobie Ambiante CO2, H2O, NO3 12 – 20 jours 10 – 20 % 5 – 15 % Bonne Stabilisation anaérobie 35 – 37 °C CH4, CO2, H2O, NH4+ 15 – 25 jours 40 – 50 % 25 – 35 % Faible Non Oui Nulle Dégradation Consommation Faible Amélioration Production - 42 Schéma d’un digesteur Vers GAZOMETRE Vers SECHAGE Vers SECHAGE Vers GAZOMETRE 1-3- Le conditionnement Les boues stabilisées sont sous forme de liquide, les particules sont à l’état colloïdal, ce qui rend la filtration difficile, voire impossible. En vue de faciliter la déshydratation, un traitement destiné à briser la stabilité colloïdale s’impose, c’est le conditionnement. Il s’agit d’une floculation qui rompt cette stabilité colloïdale de la suspension et augmente la taille des particules. Ce conditionnement est effectué par addition d’un polyélectrolyte dont la nature et la dose d’emploi dépendent de la boue, ou par injection d’un sel de fer, souvent chlorure ferrique, et de chaux éteinte, ce qui augmente la masse finale de matières sèches. Pour des installations de grande taille est parfois utilisé un conditionnement thermique consistant à « cuire » la boue à environ 200°C pendant 30 à 60 minutes. - 43 1-3-1- Les procédés chimiques Le traitement chimique peut être précédé par un lavage spécial de la boue ou élutriation qui consiste à diluer la boue avec de l’eau traitée et à la faire décanter dans un ou plusieurs bassins, où elle s’épaissit par décantation pendant un temps de passage de 4 heures. Le volume de l’élutriateur est calculé sur la base de 45 kg de matières sèches de boues par m3 et par 24 heures, l’alimentation en eau de lavage étant compté à raison de 20 m3/g/jour. Le traitement chimique utilisé est la floculation-décantation : elle consiste à introduire dans la boue liquide des substances chimiques, sels minéraux (FeCl3, Al2, (SO4)3, CaO) ou floculants de synthèse (polyélectrolytes destinés, par neutralisation électrique, à filtration possible) Il faut toutefois noter que l’addition de ces substances chimiques peut nuire aux traitements ultérieurs de valorisation de la boue. 1-3-2- Les procédés thermiques Les traitements thermiques favorisent l’agglomération des molécules en particules filtrables ; l’agitation des molécules, sous l’effet de l’accroissement de température, permet de briser les liaisons molécules eau. C’est cette agitation qui remplace l’action d’adjuvants chimiques du procédé par conditionnement chimique. Les boues sont portées, en autoclave, à des températures de l’ordre de 180-200°C, pendant une durée appropriée (20 à 30 minutes). Pour éviter l’obstruction des canalisations, une pression adéquate (20 à 30 bars) est appliquée de façon à s’opposer à l’évaporation et à garder le système en phase liquide. Ce traitement applicable à tous les types de boues permet de conserver intégralement la composition chimique des boues car aucune addition de substances étrangères n’est faite. Cette technique présente encore, pour les traitements ultérieurs, les avantages suivants : le conditionnement est stable, le phénomène est irréversible, les boues sont stérilisées. Le conditionnement thermique bien que plus coûteux que le traitement précédent est de plus en plus utilisé, surtout lorsque le but final est de transformer les boues en produits d’amendement du sol. 1-4- La déshydratation La déshydratation a pour but, en éliminant l’essentiel de l’eau, d’obtenir un produit de volume réduit et facilement maniable. Ce séchage peut se faire de façon naturelle à l’air ou de façon artificielle par des procédés mécaniques (centrifugation, filtration, pressage). - 44 1-4-1- Le séchage naturel Ce séchage consiste à réparer les boues éjectées périodiquement du digesteur en couches de 0,20 m d’épaisseur environ sur des lits de séchage constitués par des massifs drainants. Une partie de l’eau des boues s’évapore, une autre percole à travers le massif drainant. Il reste, au bout de 4 à 6 semaines suivant l’exposition et le climat du lieu, une boue séchée, qui a la consistance d’un terreau. Goulotte d’arrivée Drains Schéma d’un lit de séchage Cette consistance est telle que la boue peut être enlevée régulièrement à la fourche (pour éviter la détérioration du massif drainant) à intervalles réguliers pour être évacuée par camion. Le massif drainant est constitué par une courbe de matériaux granuleux (scories, sable) 0,30 m d’épaisseur environ, à granulométrie croissante de haut en bas, recouvrant un réseau de drainage. La largeur des lits, de l’ordre de 3 à 4 m est choisie de façon que l’enlèvement des boues puisse se faire sans que le personnel soit amené à pénétrer dans l’enceinte de béton et de bois entourant le lit, ce qui provoquerait la détérioration des lits. Les eaux collectées par le réseau de drainage vont à la nature si elles sont en petite quantité ou bien retournent en tête de station si elles représentent une pollution sensible. Comme il n’est pas recommandé de rajouter de la boue fraîche sur de la boue en cours de séchage, on considère un rythme d’évacuation de boues à sécher de 6 semaines. Après séchage, la teneur en eau est de l’ordre de 55%. Le lit de séchage est d’un coût d’investissement déduit mais exige des surfaces importantes. Il ne provoque pas d’odeur ni de présence de mouches si la stabilisation préalable des boues est correctement effectuée par station. Son efficacité est fréquemment critiquée, car son rendement (fonction des conditions climatiques) est faible dans les régions pluvieuses. - 45 1-4-2- La déshydratation mécanique La déshydratation accélérée et intense des boues peut se faire artificiellement par différents procédés mécaniques : aspiration de l’eau par le vide, compression de la boue par filtre-presse, centrifugation. L’utilisation de tel ou tel procédé dépend, évidemment du coût des équipements et de leur exploitation, mais aussi de deux éléments importants : la destination finale des boues d’une part, le pourcentage et la nature des particules fines qu’elles contiennent, qui dépendent largement des traitements subis précédemment, d’autre part. Actuellement, le séchage artificiel se généralise de plus en plus à cause des aléas du séchage naturel et surtout du manque de place disponible pour les lits de séchage, dans les installations de capacité supérieure à 50 000 équivalents-habitants. Ils nécessitent la mise en oeuvre de réactifs dont le coût actuellement assez élevé devrait diminuer dans l’avenir. Les procédés de déshydratation mécanique ont pour objectif de faire passer la boue de l’état liquide à une consistance plus ou moins solide. Si l’on classe à part le filtre sous vide, tombé en désuétude et les filtres-presses automatiques à membranes encore peu usités car très onéreux, les appareils les plus employés sont : les filtres-presses à plateaux chambrés de fonctionnement discontinu, les centrifugeuses type décanteuses continues, les filtres à bandes presseuses de fonctionnement continu. Les appareils de déshydratation Filtre-presse Centrifugeuse Filtre à bandes Avantages Siccité élevée, compacts Inconvénients gâteaux Prix investissement, discontinuité, augmentation masse M.S. Continuité, faible Consommation énergie, encombrement, salubrité usure, sédiment pâteux, siccité moyenne Investissement, exploitation Eau de lavage, siccité aisée moyenne, encombrement, risque d’odeurs 1-4-2-1- Les filtres à vide Le procédé consiste à recevoir des boues, conditionnés au préalable, dans un réservoir, dans lequel plonge au quart de son volume, un tambour creux à axe horizontal qui tourne lentement (de l’ordre du tour par minute), dont les faces verticales sont des disques pleins et dont la paroi cylindrique est constituée par une tôle perforée qui supporte une nappe filtrante et est en relation avec une pompe à vide produisant un vide de l’ordre de 60 millibars. - 46 La dépression attire la boue à filtrer contre la nappe filtrante qui se plaque contre la tôle perforée, elle aspire une certaine quantité d’eau de cette boue en laissant sur la nappe un gâteau, qu’on évacue de façon continue soit par une lame racleuse avec insufflation d’air dans un secteur déterminé du tambour, soit par passage de la nappe sur un ou plusieurs petits tambours voisins de petits diamètres qui cassent la couche de boue séchée, l’obligeant à tomber. La nappe filtrante est constituée soit par un tissu en matière plastique (nylon) à trames très fines qu’on change périodiquement après usure, c’est-à-dire après plusieurs centaines d’heures d’emploi, soit par des nappes de fins ressorts hélicoïdaux en acier oxydable tendus et superposés. Les unités à vides ont des surfaces de nappes filtrantes comprises entre 1 et 20 m2 environ. Le colmatage est évité par lavage continu de la nappe filtrante par des jets d’eau sous pression qui décollent les particules restées sur elle après la chute du gâteau de boue. L’eau aspirée ou filtrat et l’eau de lavage après usage retournent au circuit intérieur amont de la station. Le filtrat contient de 1500 à 2000 mg/litre de matières sèches. Le rendement exprimé en poids de matières sèches retenues sur la nappe filtrante est de 20 à 40 kg/m2/heure. Il faut compter 20 m3 d’eau de lavage par m2 et par jour. On obtient des gâteaux de boue séchée ayant des teneurs en eau de 70 à 75%. Dépression de 70 millibars Toile filtrante Rampes d’arrosage Gâteau de boue Boue à sécher Schéma d’un filtre à vide 1-4-2-2- Les filtres-presses Le procédé consiste à introduire, sous une pression de 5 à 8 bars, la boue dans des sacs en tissu très résistant (nylon) maintenus en forme par des cadres métalliques robustes. Sous la pression, une certaine quantité d’eau et de matières passe au travers des mailles de tissu filtrant, dont les dimensions sont de l’ordre de quelques dizaines de microns. Ce filtrat est évacué et remis en circulation en tête de station. Au bout d’un certain temps (1/2 heure à 2heures), on desserre les cadres, les sacs se décompriment, laissent tomber la boue qu’ils contiennent dans une trémie. Puis cette phase de décompression terminée, on recommence une compression avec une nouvelle introduction de boue. - 47 Le matériel comprend donc un bâti comportant une série de cadres métalliques, enfilés sur des tiges métalliques horizontales, munies à chaque extrémité de vérins à vis, qui permettent de les serrer fortement les uns contre les autres et de les desserrer. Entre deux cadres est disposé un sac en tissu filtrant, percé d’un orifice permettant l’injection de la boue à comprimer. Une fosse longitudinale en forme de trémie, munie d’un tapis roulant, recueille successivement le filtrat et la boue comprimée. Photo d’un filtre-presse Le fonctionnement est discontinu avec les cycles compression-vidange. Mais on le rend presque continu par l’utilisation alternative de batteries de filtres en pression, pendant que d’autres sont en vidange. S’il est vrai que le matériel est encombrant et lourd parce que devant subir de fortes pression, il faut dire que l’on obtient des gâteaux de boue ayant des teneurs en eau de l’ordre de 50 à 55%, donc très secs. Il existe depuis quelques temps des filtres-presses à compression progressive continue, en forme de troncs de cône allongés, limités latéralement par deux flasques souples, munies de tissus filtrants et soumises à un mouvement continu de translation depuis l’extrémité large d’introduction de la boue brute jusqu’à l’extrémité étroite de sortie de la boue comprimée : il s’agit des filtres à bandes. La boue est pressée de plus en plus fortement entre ces deux bandes se déroulant de façon continue. Le fonctionnement continu est un sérieux avantage, mais la teneur en eau obtenue pour la boue reste de l’ordre de 70 à 75%. - 48 Schéma d’un filtre à bandes 1- Sécurité protection et couverture de récipient d’eau 2- Début de pressage 3- Trappe de visite 4- Groupe de lavage de la bande complète 5- Epaisseur dynamique à vis sans fin 6- Zone d’égouttage 7- Maximum de pressage 1-4-2-3- La centrifugation Le procédé consiste à introduire la boue conditionnée dans une centrifugeuse dans laquelle elle subit des forces de 3000 à 4000 fois supérieures à celle de la pesanteur. Les boues sont plaquées contre les parois et la séparation solide-liquide s’effectue : des dispositifs évacuent la boue concentrée à une extrémité, le centrifugat à une autre. La centrifugeuse est constituée par plusieurs parties tournant toutes autour du même axe horizontal : le bol, formé d’une enceinte cylindro-conique tournant à des vitesses de 2000 à 4000 tours/minutes, la vis d’Archimède tournant dans le bol à une vitesse légèrement différente, l’axe creux par lequel arrive la boue à concentrer, un déversoir côté petit diamètre recueillant la boue concentrée et un déversoir côté gros diamètre évacuant le centrifugat. Le rapport longueur-diamètre du bol est compris entre 2,5 et 3,5. On distingue dans le bol une zone de décantation proprement dite (cylindrique) et une zone de séchage. La vis d’Archimède remplit le rôle de transporteur de boue concentrée. Un réglage est nécessaire entre la vitesse de rotation du bol, celle du transporteur, le taux d’alimentation, la température, la concentration des boues admises à l’entrée et leur conditionnement préalable. Le procédé donne des boues concentrées à 50-55% de matières sèches. Il a l’avantage d’utiliser des appareils tenant peu de place. Cependant, les pièces principales d’une centrifugeuse tournent très vite, aussi doit-on en surveiller de près l’usure, surtout lorsque les boues contiennent des matières abrasives comme les sables. - 49 Photo d’une centrifugeuse 2- Post-traitements en phase solide Afin de faciliter l’évacuation des boues pâteuse ou solides issues de la déshydratation, il est parfois intéressant, sinon nécessaire, de leur faire subir des traitements complémentaires ayant en général les objectifs suivants : stabilisation augmentation de la société modification de la structure physique (aspect visuel et facilité d’utilisation). Les techniques les plus employées sont : le chaulage, le compostage et le séchage thermique. 2-1- Le chaulage L’adjonction de chaux vive dans une boue pâteuse permet d’augmenter la siccité grâce à deux phénomènes : la réaction chimique d’extinction de la chaux par l’eau interstitielle de la boue l’évaporation provoquée par l’exothermicité de la réaction, obtenue dans un laps de temps d’environ 30 minutes après le mélange. Après stockage complémentaire d’un ou de deux jours, le phénomène de cimentation de la boue chaulée peut conduire, selon les conditions de stockage, à une augmentation complémentaire de siccité. 2-2- Le compostage Le compostage est une stabilisation aérobie thermophile en phase solide qui permet également un séchage partiel et la destruction de la majorité des germes pathogènes. Les performances et les conditions opératoires à respecter dépendent fortement de l’origine de la boue, de la stabilisation en phase liquide qu’elle a subi et de son humidité initiale. - 50 Contrairement à certains autres déchets, la concentration élevée en azote, la forte humidité et la faible porosité de la boue ne lui permettent pas d’être compostée sans mélange avec un co-produit carboné qui joue également le rôle de structurant et permet une bonne répartition de l’air. Selon la boue, il s’agit d’un support fin (sciure) ou grossier (écorces, branches broyées) ou d’un mélange des deux. Un recyclage de compost ou de co-produit récupéré après tamisage du compost, est parfois envisageable. Après le mélange avec le co-produit, le compostage est mis en œuvre dans deux catégories de procédés : soit à l’air libre sous forme de tas appelés andains périodiquement retournés manuellement ou à l’aide de machines appropriées soit par aération forcée qui peut s’effectuer soit en tas aéré pendant environ quatre semaines, soit en réacteur accéléré (10 jours). Le co-produit est utilisé comme un agent de foisonnement assurant une porosité suffisante au mélange : ainsi l’oxygénation est optimale pour les populations bactériennes présentes. Les micro-organismes prolifèrent et dégradent la matière organique fermentescible. Durant cette phase, il y a élévation progressive de la température pouvant atteindre 70 à 75°C. Degremont a développé le procédé de thermopostage en bennes mobiles ventilées. Le schéma de principe est le suivant : COPRODUIT CARBONE ECORCES, RAFLES DE MAÏS, BROYATS DE VEGETAUX BOUES D’EAUX RESIDUAIRES MELANGE ET REPARTITION THERMOPOSTAGE EN REACTEUR VENTILE SEPARATION PAR TAMISAGE PRODUIT FINI COPRODUIT CARBONE EN EXCES RECYCLABLE - 51 2-3- Le séchage thermique Le séchage thermique est une opération purement physique par laquelle une partie plus ou moins importante de l’eau contenue dans la boue est évaporée. C’est pourquoi les capacités des sécheurs sont données en masse d’eau évaporée à l’heure. Le séchage thermique peut être défini comme une méthode de réduction de volume des boues. Le nouveau produit final peut être manipulé, stocké et valorisé. La chaleur nécessaire à l’évaporation est apportée par un fluide qui peut être ou non au contact de la boue. Dans le premier cas, le séchage est appelé direct, sinon on parle d’un sécheur indirect. Il existe une immense variété de modèles de sécheurs. Le choix doit tenir compte de destination finale du produit sec, de la siccité finale désirée et de l’état physique du produit séché. Les sécheurs actuellement les plus répandus sont : les sécheurs directs : sécheur rotatif tubulaire, sécheur à plateaux, sécheur à lit fluidisé, sécheur flash, les sécheurs indirects : sécheurs à disques, sécheurs à faisceaux circulaires concentriques, turbo-sécheurs à couche mince, sécheurs à palettes. Le nombre de sécheurs étant très important, nous ne détaillons les caractéristiques que de certains sécheurs. Les sécheurs directs ont souvent la capacité de produire des boues sèches bien granulées : leur principal inconvénient est la relative complexité du circuit buées, source fréquente de dysfonctionnements. Parmi les sécheurs indirects, ceux à disques offrent un temps de séjour assez élevé qui permet de lisser les petites variations d’humidité à l’entrée. Leur faible vitesse de rotation les protège correctement de l’abrasion mais les espaces réservés à la boue sont étroits de sorte que les risques épaississeur et d’empaillassonnage sont réels et peuvent contribuer à diminuer le transfert de chaleur. Ils ne peuvent franchir le « seuil plastique » vers 50% de siccité, de sorte que pour sécher par exemple des boues de 20% à 90%, il faut prévoir un recyclage de boues sèches en tête, permettant de les alimenter avec un mélange de siccité suffisante. En outre, des boues séchées à 85 – 95% se présentent sous forme de poussière, ce qui rend nécessaire l’utilisation d’un équipement de granulation ou de pelletisation et augmente les risques de feu à l’intérieur du sécheur. Pour toutes ces raisons, on en limite l’emploi aux cas de présèchage avant incinération, car des siccités finales supérieures à 45% ne sont pas requises. Les sécheurs-malaxeurs indirects ont les mêmes avantages que les sécheurs à disques en terme de temps de séjour et de résistance à l’abrasion, mais grâce à la priorité accordée à la fonction de malaxage dans leur conception, ils ne craignent pas l’empaillassonnage, conservent en permanence un coefficient de transfert optimal et produisent directement une forte proportion de granules. Quand au sécheur à couche mince, il est de forme cylindre et à double enveloppe dans laquelle circule le fluide de chauffe. Le chauffage s’effectue avec de la vapeur saturée. A l’intérieur du corps chauffé du sécheur, tourne un rotor muni de nombreuses pales spéciales ajustables et disposées à une distance étroite de la paroi chauffante. Elles - 52 sont individuellement réglables et échangeables. La boue est alimentée à l’une des extrémités du sécheur, distribue sur paroi chauffante à l’aide des pales fixées au rotor. Au moyen des pales de transport disposées sur ce rotor, la boue est véhiculée en spirale le long de la surface chauffante. Pendant ce processus, l’eau s’évapore et on atteint des siccités de l’ordre de 45 à 55%. Le séchage s’effectue en continu et ne dure que quelques minutes. Degrémont a développé le procédé CENTRIDRY qui permet d’atteindre des siccités de l’ordre de 50 à 90%. Ce procédé continu ressemble en une seule et même opération plusieurs étapes d’extraction de l’eau. Il réalise la classification, c’est-à-dire la séparation des matières sèches et de l’eau par sédimentation, la compression (les boues sont compactées et déshydratées), le séchage par courant d’air chaud. - 53 - PARTIE V : LES RISQUES - 54 - - 55 Les boues peuvent être toxiques car elles renferment souvent des matières polluantes, nocives ou génératrices de toxicité : matières fermentescibles : composés organiques biodégradables matières nauséabondes : dérivés organiques soufrés ou ammoniaqués matières toxiques : métaux lourds, produits chimiques issus de laboratoires ou d’ateliers urbains savons, détergents germes pathogènes : parasites, virus, champignons C’est dans le cadre de l’utilisation agricole des boues que les risques se révèlent très importants car il y a possibilité de contamination du bétail ou de l’homme ou de la végétation. 1- Les risques microbiologiques L’épuration des eaux résiduaires repose sur le principe de la séparation des éléments susceptibles de polluer le milieu naturel aquatique. Ce qui n’est plus dans l’effluent traité se retrouve concentré dans les boues produites. Les éléments toxiques minéraux et organiques présents dans les eaux usées urbaines se retrouvent donc pour l’essentiel dans les boues. Ces boues subissent des traitements et sont destinées en grande partie au milieu sol : soit sous forme de stockage (décharges), soit sous forme d’épandage ou de réutilisation en agriculture, d’où le risque potentiel de contamination. En effet, les eaux usées urbaines contiennent une charge microbienne et parasitaire élevée, directement liée, aux rejets des eaux de l’assainissement et au lessivage pluvial des excréments déposés sur la voie urbaine. Des virus, des bactéries, des protozoaires et des vers parasites intestinaux passent dans les excréta des personnes et peuvent être transmis. La contamination des boues présente un danger potentiel par : la transmission aux animaux domestiques par l’herbe ou à l’étable par injection de végétaux ou terres contaminées la transmission par les animaux sauvages aux animaux domestiques ou à l’homme la transmission immédiate, sur place, aux agriculteurs et ouvriers de chantiers d’épandage par inhalation et contact direct la transmission différée par voie hydrique (baignades, consommation de produits aquacoles, abreuvement pour l’animal) la transmission différée par consommation de végétaux et de viandes contaminées la transmission différée par contact (terrains de sport, jardins publics) Les risques de contamination microbienne par les boues sont faibles pourvu que les règles d’épandage et d’hygiène individuelle soient respectées. Il faut également signaler que les différents traitements classiques des boues ne provoquent qu’une chute des populations pathogènes mais non leur disparition complète. - 56 2- Les risques chimiques L’utilisation après traitements des boues de stations d’épurations constitue l’une des voies de circulation des micro-éléments métalliques et organiques dans l’environnement dont certains présentent des risques de toxicité, d’accumulation et de transfert dans la chaîne alimentaire. 2-1- Les teneurs en éléments toxiques dans les eaux usées Les éléments minéraux En dehors des substances minérales qui présentent un intérêt agronomique tout particulier (éléments fertilisants et oligo-éléments), les eaux usées d’origine urbaine peuvent contenir des éléments toxiques minéraux et notamment des métaux lourds. Les micropolluants proviennent essentiellement : des produits consommés par la population de la corrosion des matériaux utilisés dans les réseaux de distribution et d’assainissement des eaux pluviales dans le cas de réseau unitaire d’activités de service (santé, automobile, …) et de rejets industriels raccordés au réseau Même en l’absence de rejets industriels, les effluents urbains véhiculent une charge en micropolluants minéraux. Les traitements d’épuration réalisés sur les eaux usées urbaines contribuent à une diminution des teneurs de ces micropolluants minéraux contenus dans les effluents, mais ils s’accompagnent d’une concentration importante des métaux dans les boues produites. Les éléments organiques Les micropolluants organiques identifiés dans les eaux usées proviennent essentiellement des produits de synthèse. Dans les effluents domestiques, leur présence est liée à leur utilisation dans la maison ou dans les jardins (détergents, solvants, pesticides) ou à la contamination des produits manufacturés manipulés (plastifiants, encres, …). L’apport essentiel en micropolluants organiques dans les eaux urbaines provient des eaux pluviales. La pluie peut être d’abord contaminée par évaporation de certains composés depuis les sites industriels de production et lors de la mise en œuvre de ces produits, en agriculture par exemple. La charge en micropolluants véhiculée par les eaux de ruissellement issues du réseau routier représente la contribution la plus importante à la pollution des eaux pluviales. La plupart de ces micropolluants organiques ne sont pas biodégradés de manière importante dans les traitements. - 57 2-2- Les risques de contamination des chaînes alimentaires Le devenir des métaux L’enrichissement du sol en métaux peut être néfaste par plusieurs aspects : atteinte à l’activité microbiologique du sol pouvant entraîner le ralentissement de l’humidification de la matière organique, du métabolisme de l’azote ou de la dégradation des pesticides phytotoxicité zootoxicité Accumulation des métaux dans les végétaux Le comportement de chaque métal dépend du type de liaisons avec les constituants du sol et de son aptitude à être absorbé par la végétation, variable selon les espèces végétales. L’échelle décroissante de sensibilité des végétaux à l’accumulation des métaux est : champignons, cultures légumières, betterave à sucre, pomme de terre, céréales et cultures industrielles (colza, soja, tournesol) et graminées fourragères. D’autre part, l’accumulation de ces éléments ne se fait pas de manière homogène dans la plante et les teneurs décroissent dans l’ordre suivant : Racine> tige > feuille > fruit En ce qui concerne la zootoxicité, deux groupes de métaux sont à considérer : Les éléments ne posant pas de problèmes pour les produits agricoles consommables : Mn, Fe, Al, Cr, As, Se, Sn, Pb, Hg Les éléments posant un problème potentiel pour les produits agricoles consommables : Cd, Cu, Mo, Ni, Zn Effets sur les mammifères En général, les métaux ne se concentrent pas de manière équivalente dans les tissus animaux : l’accumulation de plomb, cadmium, mercure, nickel, fer, cuivre se remarque. Les tissus non musculaires sont les plus concernés par la fixation des métaux, en particulier ceux du foie et des reins. De nombreux éléments minéraux peuvent donc, selon leur concentration, être toxiques pour les végétaux, les animaux et pour l’homme, même si certains d’entre eux peuvent participer à la croissance des végétaux. - 58 Toxicité potentielle des éléments Oligo-éléments indispensables végétaux ou animaux Bore Cobalt Chrome Cuivre Molybdène Sélénium Zinc Eléments aux essentiellement phytotoxiques Bore Cadmium Cobalt Cuivre Lithium Nickel Etain Zirconium Eléments toxiques Eléments toxiques Pour les animaux et pour les végétaux et pour l’homme Les animaux Arsenic Baryum Bismuth Cadmium Molybdène Plomb Sélénium Cuivre Argent Cadmium Antimoine Béryllium Chrome Fluor Mercure Le devenir des éléments organiques : Le devenir des polluants organiques dans les plantes, et les formes sous lesquelles ils peuvent contaminer la chaîne alimentaire, est très mal connu. Les produits peu hydrosolubles s’accumulent dans le sol. Les produits retenus dans le sol seront pour partie biodégradables et pourront être perdus par volatilisation. Certains composés (composés chlorés) pourront migrer en profondeur. - 59 - PARTIE VI : COMPOST ET COMPOSTAGE - 60 - - 61 1- Qu’est ce que le compostage Le compostage est un procédé biologique contrôlé de convention et de valorisation des constituants organiques des déchets en un produit stabilisé, hygiénisé et riche en composés humides (Mustin, 1987). Au cours du processus de compostage, deux phases successives peuvent être distinguées (voir figure) : une phase dite de fermentation, au cours de laquelle l’oxydation biologique des composés facilement biodégradables se fait principalement par des bactéries. Cette forte activité microbienne entraîne une augmentation de la température jusqu’à 60°-75°C, c’est pour cela que cette phase est appelée aussi phase thermophile. une phase dite de maturation caractérisée par un ralentissement de l’activité microbiologique et la prédominance des phénomènes d’humification. Les microorganismes les plus actifs sont les champignons et les actinomycètes qui dégradent les substances les plus polymérisées. Au cours de cette phase, on assiste à une stabilisation croissante de la matière organique qui se traduit par une diminution de sa biodégradabilité résiduelle. 80 Fermentation Maturation 70 Température 60 50 40 Phase thermophile 30 20 Phase de maturation 10 0 0 1 2 3 4 5 6 7 Durée de compostage (mois) Courbe théorique d’évolution de la température au cours du compostage 2- Les déchets d’origine urbaine susceptibles d’être compostés Les déchets urbains compostables peuvent être repartis en cinq catégories : déchets verts : Ensemble de déchets végétaux issus des jardins publics ou privés : tontes d’herbes, élagage, feuilles, … ordures ménagères : Ensemble des déchets ménagers produits par les collectivités ne pratiquant pas la collecte sélective ordure ménagères résiduelles : Fraction résiduelle des déchets ménagers obtenue après séparation des paniers, cartons, verres et emballages collectés séparément. - 62 fraction fermentescible (putrescible) des ordures ménagères : elle est généralement désignée sous le nom de biodéchets (déchets de cuisine, fleurs, etc …). Cette fraction peut être triée par les particuliers et collectée de façon sélective. Les déchets verts des jardins des particuliers sont alors souvent collectés avec cette fraction. Les déchets de marchés entrent également dans cette catégorie. boues de station d’épuration urbaine : Ces boues sont issues de l’épuration des eaux usées. Les caractéristiques des boues dépendent des caractéristiques du traitement des eaux (physico-chimique ou biologique), du procédé de stabilisation des boues (aérobie ou anaérobie, thermique, …), de leur état physique (liquide, solide, …). A partir de ces déchets, divers types de composts sont fabriqués et qui portent le plus souvent le nom de la nature des déchets entrants. En raison de leur faible porosité et forte humidité, les boues de stations d’épuration urbaines doivent être mélangées à un structurant pour être compostées. Ce structurant est généralement constitué de déchets verts, de broyats de palettes de bois ou de résidus de culture. Une variété importante de composés organiques constitue, dans des proportions variables, les déchets initiaux et peuvent se retrouver dans les composts tout au long du compostage : sucres simples, cellulose, lignine, protéines, lipides et plastique. Le tableau ci-dessous présente une synthèse des composés organiques susceptibles d’être présents dans différents déchets urbains, ainsi que leur devenir au cours du compostage. Tableau des principaux constituants susceptibles d’être présents dans les déchets d’origine urbaine en fonction de la nature des déchets, et devenir au cours du compostage (Francou 2003). Sucres simples Cellulose Hémicellulose Lignine Protéines Lipides Déchets verts Présents Très présente Très présente Très présente Présentes Très présents Biodéchets Très présents Très présente Très présente Présentes Très présentes Très présents Papiers-cartons Très présents Très présente Présente Peu présente Absents Absents Boues résiduelles Très présents Très présente Présente Peu présente Présentes Très présents Résistance face à la biodégradabilité Très faible Faible Faible Forte Faible Variable Devenir au cours du compostage Dégradés et synthétisé Fortement dégradée Fortement dégradée Lentement dégradée Dégradées et synthétisées Dégradées et synthétisées 3- Evolution des principales caractéristiques du compost au cours du compostage Le processus de compostage engendre des modifications des principales caractéristiques physico-chimiques des matériaux initiaux. la teneur en eau : Au cours du compostage, l’élévation de la température entraîne l’évaporation d’une partie de l’eau contenue dans le mélange. L’intensité de ces pertes varie selon les caractéristiques des matériaux compostés et les conditions de compostage. Des pertes de l’ordre de 50% du taux d’humidité sont fréquemment mesurées (Canet et Pomares, 1995). - 63 le carbone organique : La teneur en carbone organique diminue au cours du compostage. Cette diminution de la concentration a lieu essentiellement pendant la phase de fermentation. La principale raison de cette diminution est l’utilisation par les micro-organismes des substances organiques indispensables à leur métabolisme, conduisant à leur minéralisation en dioxyde de carbone (CO2) (Francou, 2003). Les composts se caractérisent donc par des teneurs en carbone organique inférieures à celles des déchets bruts. Selon les déchets entrant, et le procédé de compostage, les taux de carbone sur composts finis peuvent présenter des fortes disparités. Les teneurs en carbone organique entre 10 à 30% sont fréquemment observées dans la bibliographie (Serra-Wittling, 1995 ; Francou, 2003). l’azote : Lors du compostage, une partie de l’azote organique des déchets est minéralisée. En fin de compostage, une augmentation de la teneur en NO3 est fréquemment observée (Sanchez-Monedero et al, 2001, Francou, 2003). L’azote total représente généralement 1 à 4% de la masse sèche totale des composts et est composé de moins de 10% d’azote minéral (Bernal et al, 1998a). Lors du compostage, des pertes d’azote sont possibles, soit par lessivage des nitrates dans le cas de lots de composts non protégés des intempéries, soit par volatilisation d’ammoniac (NH3) ou d’oxyde nitreux (N2O). le rapport C/N : Il est largement connu que la biodégradabilité d’un déchet organique est dépendante de son rapport C/N. Comme le laissent prévoir les diversités observées sur les teneurs en carbone et en azote des déchets, les valeurs de C/N varient nettement selon la nature de substrat. Plusieurs auteurs (Mustin, 1987 ; Leclerc, 2001) considèrent qu’un rapport C/N compris entre 25 et 40 permet un compostage satisfaisant. D’une façon générale, le rapport C/N diminue au cours de la phase de fermentation pour se stabiliser à la fin du processus entre 10 et 20. le pH : Les pH des déchets urbains sont compris entre 5 et 9 (Morel et al, 1986). Globalement, les déchets initiaux ont une acidité légèrement plus forte que les composts finis. la capacité d’échanges cationiques (CEC) : La CEC du substrat augmente au cours du procédé du compostage, pouvant atteindre des valeurs supérieures à 60 meq/100 g (Iglesias-Jimenez et Perez-Garcia, 1989). 4- Evolution de la matière organique des composts au cours du compostage 4-1- Stabilisation de la matière organique des composts au cours du compostage Au cours du compostage, la phase thermophile est suivie d’une diminution de la température due au ralentissement de l’activité microbienne. Ce ralentissement est lié à la stabilisation de la matière organique du compost qui peut être définie comme l’augmentation de sa résistance à la biodégradation. La mesure de cette biodégradabilité est la méthode de référence pour évacuer la stabilité d’un compost. Elle consiste à mesurer l’activité respiratoire d’un sol auquel le compost est incorporé. Cette biodégradabilité est généralement estimée par le dégagement de CO2 au cours d’incubation à 25-30°C de composts préalablement séchés et homogénéisés (Hadas et Portnoy, 1997 ; Bernal et al, 1998b). Les quantités de carbones minéralisées au cours des incubations dépendent de l’origine des composts (procédé et déchets) et l’âge du compost (Francou, 2003 ; Garcia-Gomez et al, 2003). Ainsi sur des composts qui ont été compostés durant trois mois, Francou (2003) mesure un taux de carbone minéralisé après 108 jours d’incubation, de 6% pour un compost de déchets vers additionné de boue, 11% - 64 pour un compost de déchets verts et 28% pour un compost d’ordures ménagères. GarciaGomez et al (2003) ont observé qu’au terme de 71 jours d’incubation d’un compost de déchets verts, 25% de carbone échantillonné à %0 jour de compostage est minéralisé, contre seulement 10% pour un compost échantillonné à un mois, durant la phase thermophile ; après 25 semaines de compostage, la quantité de carbone minéralisé est inférieure à 5% du carbone initial. 4-2- Evolution de la composition biochimique de la matière organique des composts au cours du compostage En fractionnant la matière organique en quatre familles biochimiquement différentes selon le protocole de Van Soest (1967) (fraction soluble, cellulose, hémicellulose et lignine), Chefrez (1996) et Francou (2003) ont observé une diminution de la cellulose au cours du compostage et une concentration de la fraction assimilée aux lignines. Ainsi pour un compost à la base d’ordures ménagères, Francou (2003) observe une diminution de la proportion de la matière organique présente sous forme cellulosique, passant de 39% de la matière organique à 26% en trois mois de compostage. Comme la cellulose, la part de l’hémicellulose a diminué à 11% de la matière organique à 2%. En revanche les proportions de fraction soluble et lignine ont augmenté, la fraction soluble passant par 33 à 45% de la matière organique du compost et la teneur en lignine de 17% à 27% de la matière organique du compost. Le compostage est classiquement associé au processus naturel d’humification observé pour la matière organique du sol. Ainsi, le fractionnement dit humique de la matière organique des composts en trois classes de solubilité différente en milieu acide et basique (acides humiques, acides fulviques et humines) est souvent utilisés pour évaluer l’évolution de la matière organique au cours du compostage (Roletto et al, 1985a ; Foster et al, 1993). Souvent ces fractions fulviques et humiques ne désignent pas des substances humiques senso stricto, mais il s’agit d’un ensemble de composés, incluant généralement, la fraction fulviques prédomine sur la fraction humique et représente 24% du carbone organique total dans un compost d’ordures ménagères à 0 jour de compostage (Sugahara et Ionoko, 1981). Durant le compostage, la fraction humique devient progressivement prédominante par rapport à la fraction fulvique et passe par exemple dans l’étude du Sugahara et Ionoko (1981) de 24% du carbone organique total d’un compost d’ordures ménagères à 0 jour de compostage à 24% du carbone organique total après 3 mois de compostage. 4-3- Evolution de la composition chimique de la matière organique des composts au cours du compostage : mise en évidence par analyses spectrales L’utilisation de méthodes spectrales pour analyser les constituants organiques des composts s’est développée ces dernières années. Les principales techniques utilisées aujourd’hui pour étudier la stabilisation des composts au cours du compostage sont la spectrométrie infrarouge (IR) (Chen, 2003 ; Francou, 2003), la résonance magnétique nucléaire (RMN) (Chen, 2003), et la pyrolyse couplée à un Chromatographie en phase gazeuse et à un spectromètre de masse (Dignac et al, sous presse). Ainsi, par analyse IR, Chen (2003) a montré que la dégradation de la matière organique au cours du compostage s’accompagne d’une augmentation de la proportion de composés aromatiques, réfractaires à la biodégradation, par rapport aux courtes chaînes - 65 aliphatiques, aux polysaccharides et aux alcools, facilement dégradables. Ouatmane et al (2000) constate que cette augmentation est forte dans le cas d’un compostage d’ordures ménagères alors qu’elle est pratiquement insignifiante dans le cas d’un compostage à base de sciure de bois. 4-4- Notion de maturité des composts Le degré de maturité des composts est un critère important à déterminer, afin de répondre aux préoccupations des fabricants et utilisateurs de composts. La maturité (ou stabilité) d’un compost est relié au degré de décomposition et d’humification de sa matière organique. La maturité d’un compost est un paramètre à considérer avant toute utilisation. En effet, le degré de maturité des composts influence les effets des composts après apport au sol et doit être connu. Plusieurs critères ont été élaborés pour estimer cette maturité : stabilité biologique de la matière organique du compost : La biodégradabilité résiduelle de la matière organique des composts diminue avec l’augmentation de la maturité des composts (Kirchmann et Bernal, 1997 ; Francou, 2003). La méthode de référence pour évaluer la biodégradabilité de la matière organique d’un compost est le suivi de l’activité respiratoire d’un sol auquel le compost est incorporé. Un compost mûr est un compost qui a une matière organique dont la biodégradabilité est similaire à celle de la matière organique d’un sol. Francou (2003) a établi une gamme de stabilité des matières organiques des composts suivant le taux de minéralisation du carbone organique en conditions contrôlées (28°C durant 108 jours) (voir tableau cidessous). Plusieurs tests, sont proposés pour une évaluation rapide de la biodégradabilité de la matière organique des composts. Ces tests sont en premier lieu destinés à être utilisés sur plate forme de compostage. Tableau de définition des classes de maturité des composts à partir de la proportion du carbone organique total des composts minéralisés après 108 jours d’incubation à 28°C (C-CO2 108 jours) (Francou, 2003) Niveau de stabilité du compost Compost très stable Compost stable Compost moyennement stable Compost instable Compost très instable C-CO2 108 jours (%COT) Degré de compost [0 ;10] ]10 ;15] ]15 ;20] ]20 ;30] > 30 maturité du Maturité très élevée Maturité élevée Maturité moyenne Maturité faible Maturité très faible suivi du rapport d’humification (CAH/CAF) : Le fractionnement chimique de la matière organique (en acides fulviques, humiques et humine) a conduit certains auteurs à calculer des indicateurs de maturité à partir de ces différentes fractions. Le plus courant est le rapport de la fraction humique sur la fraction fulvique (CAH/CAF). Les études montrent une augmentation significative de ce rapport au cours du compostage (Saviozzi et al, 1998 ; Francou, 2003). Des rapports inférieurs à 1 sont caractéristiques des composts immatures (Roberto et al, 1985a ; Francou, 2003), et les valeurs doivent être supérieures à 1,7 ou 3 pour les composts mûrs respectivement selon Foster et al (1993) et Francou (2003). - 66 l’évolution de certaines caractéristiques physico-chimiques classiques : Plusieurs travaux ont montré l’évolution des caractéristiques physico-chimiques classiques des composts au cours du compostage. Les caractéristiques pouvant être utilisées comme indicateurs de maturité sont le pH, la CEC (en liaison directe avec le pH), le rapport C/N et le rapport N-NO3-/N-NH4+. En effet, les pH acides sont caractéristiques des composts immatures alors que les composts mûrs sont caractérisés par des pH compris entre 7 et 9 (Foster et al, 1993). Selon Iglesias-Jimenez et Perez-Garcia (1989) une CEC supérieure à 60 meq/100 g de la matière organique est nécessaire pour pouvoir considérer le compost comme mûr. Mais Saharien (1998) rapporte que la CEC ne peut pas être utilisée comme indicateur de maturité des produits d’origine et de composition variées. Le rapport C/N est un indicateur très utilisé dans l’étude des composts. Le C/N diminue au cours du compostage et Roberto et al (1985b) considère qu’une valeur inférieure à 25 caractérise un compost mûr, alors que Iglesias-Jimenez et Perez-Garcia (1986) considère qu’un rapport inférieur à 20 et même 15 est préférable. Mais beaucoup d’auteurs considèrent que la valeur du C/N d’un compost n’est pas suffisante pour déterminer sa maturité (Morel et al, 1986 ; Serra-Wittling, 1995). Le rapport N-NO3-/N-NH4+ est utilisé par certains auteurs comme indicateur de maturité qui augmente pendant le compostage. En effet, la présence de nitrates n’est observée que dans les composts mûrs. Une microflore nitrifiante active dans un compost est donc synonyme de maturité (Kaiser, 1981 ; Annabi, 2004). Le rapport N-NO3-/N-NH4+ est cependant peu utilisé comme indicateur de maturité des composts car les résultats car les résultats trouvés sont différents (Francou, 2003). autres critères relevés dans la littérature : Il existe des tests simples pour déterminer la maturité des composts. La stabilisation de la température du compost traduit la fin de phase de dégradation intensive (Harada et al, 1981). L’absence d’odeurs déplaisantes générées par l’émission de composés organiques volatiles lors de la phase de dégradation intensive peut également être utilisée (Iglesias-Jimenez et Perez-Garcia, 1989). Le changement de couleur au cours du compostage a conduit certains auteurs à mettre en place des tests colorimétriques (Morel, 1982). Mais ces tests ne s’appliquent généralement que sur un produit donné et nécessite le suivi de tout le procédé de compostage. L’ensemble de ces tests simples apparaissent trop peu généralisables et trop peu précis pour constituer des indicateurs standards et fiables de maturité. Il existe aussi des méthodes plus complexes et peu utilisées en pratique comme l’estimation des lipides extractibles (Daniel et al, 1996) et le suivi de l’évolution de la biodiversité microbienne, de l’activité enzymatique au cours du compostage (Forester et al, 1993 ; Insam et al, 1996). Les teneurs en lipides totaux diminuent au cours du compostage de plusieurs effluents d’élevage (Daniel et al, 1996). Cette diminution est due à la dégradation des lipides par les microorganismes. Daniel et al (1996) ont établi des seuils de maturité sur la base de l’évolution des lipides au cours du compostage. Ainsi un rapport entre les lipides extractibles au diethylether qui permet l’extraction des lipides à courte chaîne moléculaire, des alcanes, des alcènes et des acides alcanoloiques et les lipides extractibles au chloroforme inférieur à 2,5 est caractéristique des composts mûrs. Un ratio entre les lipides à grand poids moléculaire extractibles au chloroforme et les lipides totaux (somme des lipides extractibles au diethylether et au chloroforme) supérieur à 0,25 est aussi caractéristique des composts mûrs. - 67 La stabilité de la biodiversité des populations microbiennes des composts au cours du compostage est un critère de maturité (Insam et al, 1996 ; Annabi, 2004). 5- Evaluation du degré de maturité des composts 5-1- Test d’auto-échauffement C’est un test utilisé en Allemagne (FCQAO, 1994). Un échantillon de compost non séché, tamisé à 10 mm et ajusté à une humidité optimale selon le test dit « de la poignée » (humidification du compost jusqu’à une limite qui correspond au début de la libération de gouttelettes d’eau lors de la pression d’une poignée de compost) sert à remplir un vase isotherme de 1,5 litre de volume. Le vase contenant l’échantillon est placé dans une chambre thermostatée (20±1°C). La température à l’intérieur du vase est mesurée par un thermomètre dont le capteur est situé à 20 cm sous la surface du compost. La durée du test est de 10 jours. La température maximale atteinte durant ces 10 jours (Tmax) permet d’évaluer le degré de maturité du compost. Cet indice varie de I (température maximale supérieure à 60°C) pour un compost assimilé à de la matière brute, à V (température maximale inférieure à 30°C) pour un compost considéré comme mûr et fini. Les indices de II (entre 50 et 60°C), III (entre 40 et 50°C) et IV (entre 30 et 40°C) correspondent aux situations intermédiaires. Trois répétitions par compost sont effectuées. 5-2- Test de respirométrie ou AT4 Ce test consiste à quantifier la quantité d’oxygène consommée par 20 g de compost humidifié selon le protocole du test de la poignée et incubé dans un bocal de 1 litre à 20°C et à l’obscurité. Plus le compost consomme d’oxygène plus sa matière organique est labile et le compost immature. La valeur 10 mg O2 g-1 MS est considéré comme seuil : au delà de cette valeur, le compost est considéré comme immature, sinon il est mûr. L’évaluation de la quantité d’oxygène consommée est faite par piégeage dans 20 ml de NaOH (1N) du CO2 dégagé durant 4 jours d’incubation. Trois répétitions par compost sont réalisées. 5-3- Extractions des fractions humiques et fulviques Le fractionnement humique des composts a été fait selon le protocole utilisé par Francou (2003). Ce fractionnement consiste à extraire à l’aide de 100 ml de NaOH (0,1N), les substances humiques contenues dans 2 g de compost sec et broyé à 1mm (trois (3) répétitions pour chaque compost). L’extraction se fait par agitation durant deux heures, suivie d’une centrifugation à 8600 g durant 15 minutes. La phase liquide contient de carbone alcalino-soluble des composts, assimilé à la somme des fractions humiques et fulviques (AH + AF). La séparation de la fraction fulvique se fait par ajout d’environ 2ml d’acide sulfurique (2N) à 20 ml de la phase liquide alcalino-soluble, permettant ainsi d’abaisser le pH à 1,5. Après 12 heures à 4°C, la fraction fulvique soluble en milieu acide (AF) est séparée de la fraction humique qui précipite en milieu acide (AH) par centrifugation à 6300 g pendant 15 minutes. Le carbone organique contenu dans la phase liquide alcaline (CAH+AF) et dans l’extrait acide (CAF), est analysé par combustion à 680°C et analyse du CO2 dégagé par détection infrarouge (Shimadzu-TOC-5050A). La teneur en carbone organique dans les extraits CAH+AF ou CAF est donné par : Ci = (Cextrait – Cblanc) x Vi/m - 68 Avec : Ci : quantité de carbone organique dans la fraction i (CAF et CAH+AF) (g.kg-1MS) Cextrait : teneur en carbone organique dans la solution d’extraction du compost (g.l-1) Cblanc : teneur en carbone organique dans la solution d’extraction (soude à 0,1 N) (g.l-1) Vi : volume de solution utilisée (en ml), soit 100 ml de NaOH pour CAH+AF et 100° (1+2/20 ml pour CAF m : masse de compost sec (en g) On en déduit la teneur en carbone de la fraction humique et de l’humine : CAH = CAH+AF - CAF CHumine = COT - CAH+AF 6- Caractérisation physico-chimique des composts la teneur en Carbone Organique Total (COT) est mesurée sur une aliquote de compost sec et broyé à 1 mm par combustion à 900°C et mesure du CO2 par détection infrarouge (Shimadzu-SSM-5000A) (5 répétitions par compost). la teneur en azote total (Ntotal) est déterminée après combustion sèche (analyse élémentaire CHN selon la norme ISO 13-878 ; l’azote molécule est mesuré par conductibilité thermique après oxydation et/ou volatilisation à 900°C des composés organiques et minéraux de l’azote (une répétition par compost). la teneur en carbone (CaCO3) est déterminée par la méthode volumétrique (norme ISO 10-693). Les carbonates sont détruits par attaque à l’acide chlorhydrique donnant du CO2 mesuré à l’aide d’un appareil de Shreiber et comparés au volume de CO2 produit par du carbonate de calcium pur (une répétition par compost). le fer total et l’aluminium total sont solubilisés à l’acide fluorhydrique et dosés par spectrophotométrie d’absorption atomique de flamme (une répétition par compost). le pH est mesuré dans une suspension de composts dans de l’eau avec un rapport compost/solution de 1/5 (norme ISO 10-390) (une répétition par compost). la conductivité électrique totale est mesurée sur un extrait à 1/25 (masse de compost/volume de solution) à 25°C, grâce à deux électrodes de platines parallèles (une répétition par compost) l’humidité équivalente à 1000 g (pF=3) correspond à la quantité d’eau retenue par échantillon de compost d’environ 1 cm d’épaisseur, préalablement saturé en eau et soumis à une accélération de 1000 g pendant 40 minutes (une répétition par compost). 7- Caractérisation de la matière organique des composts 7-1- Fractionnement biochimique de la matière organique des composts La méthode utilisée pour cette détermination est une analyse inspirée de la méthode de fractionnement biochimique de Van Soest et al (1967). La matière organique des composts est fractionnée en substances équivalentes aux composés solubles (SOLU), hémicellulose (HEMI), cellulose (CELL) et lignine et cutine (LIGN) par une succession d’attaques ménagées (norme XPU 44-162). - 69 7-2- Identification des composts organiques constituants la matière organique des composts par pyrolyse Les pyrolyses sont réalisées avec un pyrolyseur flash au point de Curie couplé à un chromatographe en phase gazeuse Hewlett Packard HP-5890 et à un spectromètre de masse Hewlett Packard HP-5989A à impact électronique (70 eV, simple quadripôle) (PyGC-MS). Une aliquote de compost (environ 0,5-1 mg) broyé à 200 µm est placée dans une nacelle qui est chauffée à la température du point de Curie, 650°C, pendant dix secondes. Les produits de pyrolyse formés sont séparés sur une colonne SolGelWax (SGE, 0,32 mm i.d., épaisseur de phase 0,5µm) sous flux d’hélium comme gaz vecteur. L’indentification des produits à partir de leurs spectres de masse est faite à l’aide de la bibliothèque de spectres wiley. 7-3- Extraction des lipides L’extraction se fait sur 4g de compost sec et broyé à 1mm avec 120 ml, d’un mélange monophasique de Dichlorométhane –méthanol (2 :1 v/v). Après 4 heures d’agitation rotative, le mélange est filtré sous vide d’aire à travers un filtre en fibre de verre de porosité égale à 1,2 µm (Wathman) afin de récupérer les substances solubilisées. L’extraction est renouvelée une seconde fois pendant 12 heures. Les deux extraits sont alors additionnés et concentrés au Rotavapor. L’extrait concentré est transféré dans un flacon de 2 ml de volume précédemment taré. Le solvant restant est évaporé sous flux d’azote. La quantité des lipides est pesée à l’état sec. 7-4- Mouillabilité des composts La méthode de la goutte posée a été utilisée (Jouany et al 1992). Elle consiste à déterminer l’angle de contact solide-liquide-vapeur lorsqu’une goutte de liquide est déposée sur une surface solide. L’angle entre la tangente à la goutte au point de contact et la surface solide est appelé angle de contact. Afin de s’affranchir de l’influence de l’état physique de la surface, ces mesures sont faites sur des surfaces planes, ce que permet la réalisation d’une pastille de compost. Environ 300 mg de poudre de compost broyé à 200 µm sont pressés à 120 MPa dans un moule à pastiller. L’évaluation de l’angle de contact se fait à partir des images contenues dans une séquence vidéo enregistrée pendant 12 secondes à l’aide d’une caméra numérique (Drop Shape Analysis System). Ce système nous permet d’avoir l’angle de contact des deux cotés de la goutte d’eau. Si l’angle mesuré est nul, la surface est parfaitement hydrophile et mouillable ; s’il est supérieur à 90°, la surface est hydrophobe et non mouillable. - 70 - - 71 - CONCLUSION Les boues de stations d’épuration, boues fluviales et boues marines issues de l’opération de dragage peuvent former des composts. Ces composts utilisés pour l’épandage en agriculture peuvent intéresser aussi l’industrie de la construction routière et du génie civil. Notre étude nous a permis de mieux connaître les boues et de comprendre leur valorisation. Cette étude nous a été très bénéfique car d’une part elle touche plusieurs disciplines (chimie, physique, droit et environnement) nous ayant offert l’occasion de revoir certains de nos acquis et de découvrir les techniques de traitement; d’autre part c’est un sujet d’actualité et de recherche dans lequel nous avons pu développer notre propre réflexion. Seulement nous n’avons pas effectué le côté pratique car il sort du cadre d’une étude bibliographique. - 72 - - 73 - REFERENCES [1] BLANIC R. – Eaux urbaines et eaux industrielles : traitement et épuration – SAINT- ETIENNE : G.E.D.I.M, 1978 – 328p [2] CARTIIER G. – BALDIT R. - Valorisation des déchets urbains – PARIS : Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, 1985 – 80 p . [3] BOURGES F. - Elimination , traitement , valorisation des déchets : axes de recherches possibles – PARIS : Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, 1994 – 54p [4] A. HUYARD – F. DUCRAY – L. PATRIA – Boues de stations d’épuration. Respect de la réglementation française et impact du futur projet de directive européenne- TSM numéro 5, mai 2004 – 99è année [5] CROMBETTE N. 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