À quoi rêvent les femmes américaines

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À quoi rêvent les femmes américaines
À quoi rêvent les femmes américaines
23.09.09 21:39
À quoi rêvent les femmes
américaines
François Hauter
23/07/2009 | Mise à jour : 21:18 | Commentaires
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Les beautés lumineuses et discrètes que les Européens chérissent sont rares parmi les
Américaines, même à New York. (Crédit : Johann Rousselot)
VOYAGE DANS L'AMÉRIQUE D'OBAMA (11) - À Philadelphie, notre
reporter rend visite à sa tante Suzanne. C'est l'occasion pour lui de se
risquer à une digression sur les femmes américaines.
» Retrouvez tous les articles de François Hauter sur son périple dans
l'Amérique d'Obama
» Précédent article : «Aux Etats-Unis, la révolution éducative des
charter schools»
Tous mes amis français ayant épousé des femmes américaines conservent un
souvenir cuisant de leurs divorces. Ils ont vécu plusieurs décennies ensemble,
ils ont eu des enfants en commun, et ils n'ont pas supporté de devoir ensuite
partager leurs patrimoines avec leurs «ex». Lorsque je leur fais remarquer que
cela me semble assez naturel, que les mariages malheureux se ressemblent
tous, ils s'agitent, ils perdent leur calme, certains même deviennent rouges
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tous, ils s'agitent, ils perdent leur calme, certains même deviennent rouges
comme des tomates.
Bien sûr, comme pas mal d'hommes à notre époque, ils se sont fait plaquer.
Mais c'est la manière dont cela s'est déroulé qui les hante. Ils ont l'impression
de s'être fait rouler. «Mon ex a froidement préparé son divorce avec son avocat
un an à l'avance, avant de filer avec son amant», me dit Pierre, un médecin
singulièrement macho. «Les femmes américaines sont dures, c'est difficile pour
un homme de s'en sortir financièrement, et j'en sais quelque chose, affirme
Gérard, un avocat de Los Angeles. En vous épousant, elles ont toutes leur
agenda.» Un «agenda» ? «Oui, elles prévoient tout, dès le mariage. Qu'elles
vont divorcer et vivre confortablement ensuite. Elles sont charmantes et
excitantes, mais elles ont moins d'authenticité dans la façon dont elles vous
aiment. Les Latines ne sont pas comme cela.» Stan, un industriel, ajoute :
«C'est un pays qui a longtemps manqué de femmes et ne s'en est pas remis.
Elles sont les reines, elles ont tous les droits. Tu devrais assister à un mariage
aux États-Unis. C'est insensé ! L'homme promet de servir la femme ! Oui de la
servir ! Il doit tout lui offrir !» Toutes les femmes américaines sont-elles des
dominatrices ?
«La femme est le seul animal qui s'attrape par la parole»
Je ne sais pourquoi j'ai pris le risque stupide de parler des «femmes
américaines» dans cette série. Je déteste les généralités et les généralisations,
toujours simplistes et fausses. S'il est un domaine dans lequel c'est encore plus
le cas c'est celui des relations intimes. Je dois ajouter cependant que, pour nous
autres Français, cette opposition entre «latines» et «américaines» est l'un des
sujets les plus fascinants qui soient. Car, entre ces cultures éloignées, l'angoisse
d'être toujours étranger à celui ou à celle que l'on aime est réelle.
C'est peut-être d'abord une question d'harmonie de la langue. «La femme est le
seul animal qui s'attrape par la parole», écrit justement Alphonse Allais. Mais il
est difficile d'entretenir un climat d'intimité avec une femme outre-Atlantique,
tant elle ponctue systématiquement la conversation et cela avec la sonorité d'un
klaxon par des expressions peu confidentielles du genre : «It's absolutely
crazy !» (C'est vraiment dingue), «Unbelievable !» (Incroyable !) ou «This
dinner was amazing ! The best dinner in my whole life !» (Ce dîner était
étonnant. Le meilleur que j'aie eu dans ma vie entière). Tout cela pour dire :
«OK, c'était sympa !»
Les beautés lumineuses et discrètes que les Européens chérissent sont rares
parmi les Américaines, même à New York. Il semble, a priori, que l'amour avec
une Américaine ne soit pas ce moment de contemplation confiante d'un visage
aimé, cette tendresse mêlée d'une poignante douceur, que nous apprécions.
Mais plutôt un combat de catch. Tout cela évidemment n'est qu'une hypothèse.
Peut-être le goût de l'exagération des femmes, là-bas, vient-il simplement du
fait qu'après deux verres de vin rouge, les Américaines sont généralement
pompettes.
«Le succès ici, c'est d'être médiocre : a nice guy»
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La distance entre les Européens et les Américaines s'explique aussi (c'est encore
une théorie, bien sûr) par des questions d'apparence. Il est bien connu que les
hommes, en général, préfèrent s'adresser d'abord aux jolies femmes, mêmes
lorsqu'elles sont sottes, plutôt qu'aux vilaines, surtout si elles sont intelligentes.
Judi, à New York, me l'avoue : «Nous, les Américaines, nous faisons moins
attention à notre apparence. Le week-end, je vais chez le marchand de légumes
en débardeur, avec une casquette sur la tête !». Lawrence Weiner déteste ce
genre de discours. Artiste new-yorkais, il déclare que «les femmes ne sont pas
attirantes dans ce pays, parce qu'elles baissent la garde. Après six mois de
mariage, elles prennent dix kilos, elles estiment qu'elles possèdent vraiment
leurs hommes. Les pauvres, elles croient qu'elles n'ont plus à jouer ! As-tu
remarqué , ajoute sarcastiquement l'excellent Lawrence après que nous avons
achevé une bouteille de bourbon, que le succès ici, c'est d'être médiocre, a nice
guy (un type gentil), a good person (une bonne personne) ? Surtout rien de
singulier…» Là encore, je ne décèle rien d'original de l'autre côté de l'Atlantique
: les talents avérés de bricoleur, au fond des garages, l'humeur placide, l'odeur
familière de la pantoufle et du gazon coupé, quelques attentions physiques
raisonnables et régulières, ce côté brave et manœuvrable, font les «bons maris»
recherchés par les femmes de la planète entière.
De fait, j'ai eu un premier et bref aperçu des rêves des femmes américaines
dans un asile de fous, à Boston. C'était à la fin des années quatre-vingt. Ronald
Reagan avait fermé la plupart des établissements spécialisés, au prétexte qu'il
valait mieux payer les familles que des médecins spécialisés pour s'occuper des
dérangés mentaux. Cela avait fonctionné un mois ou deux. Ensuite, les fous
s'étaient retrouvés à la rue, abandonnés à eux-mêmes. Dans l'établissement
que je visitais, on hébergeait des femmes errantes. Ces malheureuses étaient
une centaine, apathiques, absentes, réunies dans un grand foyer.
Soudain, l'une d'elles est apparue, et comme une furie, elle a foncé vers le
piano, l'a ouvert, s'est installée et a interprété sublimement quelques sonates de
Liszt. Puis elle s'est retournée vers les autres femmes et les a grossièrement
insultées, jusqu'à ce que des infirmiers viennent l'emporter.
On m'expliqua qu'elle venait d'une famille ruinée, et qu'elle n'avait pas supporté
sa déchéance. Cette femme exprimait, de façon bouleversante, le désespoir de
ne plus avoir la maison patricienne dans laquelle elle recevait ses amies, ses
enfants éduqués dans des écoles privées onéreuses et un mari séduisant. Son
rêve américain s'était évaporé. Elle vivait maintenant dans un monde
imaginaire. La réalité lui était insupportable.
Le mariage est la coupure, l'étape capitale
Pendant ce voyage, j'ai naturellement observé les femmes. Ce pays, à force de
les vénérer, leur demande des choses inhumaines. «Au collège (l'équivalent de
notre université, NDLR), m'explique Karen Taylor, les jeunes Américaines vivent
très libérées, même sexuellement. Après le mariage, c'est l'inverse,
brutalement, et pour la durée de l'existence entière.»
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Le mariage est donc la coupure, l'étape capitale. La panoplie de cette rupture
est rituelle. Elle comprend la robe de mariée coupée pour la valse, la plaque
d'imprimerie de l'annonce du mariage dans le Times, les 120 000 dollars de
revenus annuels pour débuter, le diadème de perles pour maintenir bien hautes
les illusions. En attendant l'arrivée d'un John ou d'une Kimberly, des projets de
grandes maisons, de salles de séjour avec vue panoramique, les trois enfants
réunis un jour sur la carte de vœux de Noël et les photos découpées dans le Wichita Eagle, qui montreront M. et Mme Gordon B. Miller, rayonnants, en
smoking et robe longue, au bal caritatif annuel de l'orchestre symphonique local.
Je visite une école et, devant la sortie, j'attends sur un banc le photographe
avec lequel je travaille. J'écoute les conversations des jeunes femmes alentours.
Elles attendent leurs petits. L'une d'elles, plus coquette, porte des talons hauts.
Elle a l'air de Bambi sur la glace. Elles sont jeunes, même pas la moitié de mon
âge. Au milieu de l'armada des landaus qui attendent les enfants, elles semblent
des hirondelles glissant dans l'air avec ravissement. C'est une conspiration
d'éclats de joie, tissée de l'amour infiniment possessif des enfants. Elles se sont
jetées dans l'amour la tête la première. Elles comparent et s'émerveillent de
leurs maris, de leurs maisons, de leurs métiers, de la vie pleine d'espoir,
enjouées d'être enfin à leurs places de mères, en route vers un bonheur clair et
sans écueils, bien au large de leurs parents, que la vie a touchés et coulés.
Dans un supermarché, j'observe les mères, des femmes de ma génération, des
beautés façonnées sur le mode malléable des années soixante. Elles font la
queue aux caisses, avec leurs visages de pierre, des traits refaits qui ne cachent
pas leurs masques d'amertume et de ressentiment. Elles se sont fait avoir, leurs
bouches entraînées à sourire et à minauder ont renoncé à toute gentillesse. La
grâce depuis longtemps s'est envolée. Les corps se sont empâtés, engoncés
dans une obésité agressive, celle des accros aux glaces Häagen-Dazs, comme si
elles s'étaient gavées de litres de ces desserts pour se venger délibérément du
rôle impossible qu'on leur demande de jouer dans la société.
«Ce qui façonne une femme américaine, c'est le travail»
À Philadelphie, je suis venue voir ma tante Suzanne. Je lui demande de me
raconter une femme américaine. Ma tante a eu une enfance heureuse entre
l'Alsace, la Lorraine et la Bourgogne. À la Libération, la famille recevait des
soldats américains, ils arrivaient dans nos maisons avec les recommandations de
leurs pasteurs. Elle a ainsi rencontré celui qui est devenu notre «Oncle Harry».
Si je l'ai bien compris, la foi a joué un rôle important dans leur entente.
Puis elle s'est embarquée, et cette Française est devenue une «housewife» (une
épouse au foyer). Elle a aujourd'hui plus de quatre-vingts ans. Je la retrouve
dans son jardin, toujours superbe, digne et bien droite. Une statue du
Commandeur des valeurs américaines. Elle est vénérée par ses petits-enfants.
Après m'avoir demandé si je n'avais pas oublié que le Seigneur veillait sur moi,
elle me dit : «Tu sais, la première chose qui fabrique une femme américaine,
c'est le travail. Nous travaillons toutes énormément, car ici il n'y a pas de
vacances comme en France. Les femmes aux États-Unis ont l'espoir d'arriver
quelque part ; ce n'est pas comme en France où l'État prend tout. Ici également,
nous n'avons pas besoin de permis pour réaliser quelque chose, nous sommes
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nous n'avons pas besoin de permis pour réaliser quelque chose, nous sommes
libres. Si quelqu'un réussit, nous en sommes heureux pour lui. La jalousie n'est
pas un sentiment américain. Et nous avons un sens de la communauté. Tu vois,
il n'y a pas la moindre clôture entre nos maisons, nous nous parlons les uns
avec les autres. Il n'y a pas de hiérarchie sociale en Amérique.» Avant que nous
ne nous quittions, elle me répète gravement : «Tu sais que le Seigneur t'aime ?
Ne l'oublie jamais !»
Les femmes tiennent les maris, les enfants, les maisons
Les États-Unis sont une société matriarcale. Ma tante, à l'égale de millions
d'autres femmes américaines, constitue le socle de l'Amérique. Ce sont les
femmes qui tiennent les maris, les enfants, les maisons. Elles incarnent la
dignité de l'unité de base de la société. Elles sont les références morales du
pays. Jamais, aux États-Unis, un homme ne se distancie de son épouse. «Voici
mon patron !» , répète l'homme en public, en présentant son épouse. Lorsqu'un
scandale éclate, parce qu'un homme politique trompe sa femme, le mari est un
pauvre type, l'épouse est admirable. C'est une convention américaine.
En première page des journaux du pays, je trouve la photographie de Jenny
Sanford, l'épouse du gouverneur de la Caroline du Sud. Son mari se présentait
comme le parangon de la moralité la plus rigoureuse aux États-Unis. La presse
vient de découvrir sa fugue en Amérique du Sud, où il est allé retrouver sa
maîtresse. Les journaux publient les courriels crus, mal tournés, ridicules, qu'il a
échangés avec la jeune femme. Le gouverneur s'excuse, en pleurant comme
une petite fille. L'épouse déclare : «Si je vais bien ? Et bien, j‘ai une foi
immense, j'ai une famille et des amis merveilleux. Nous avons un bon Dieu en
ce monde, et je sais que je vais aller bien. Je ne vais pas uniquement survivre,
je vais grandir !»
Dans la foulée, Time consacre cinq pages à l'institution du mariage, et écrit :
«Aucune force ne cause un dommage aussi quantifiable à ce pays que la
disparition du mariage.» Pour les «housewives» libérées et désespérées de
l'Amérique moderne, il est de plus en plus malaisé de dresser les maris. Ces
brutes, au XXIe siècle, prennent goût à leur indépendance.
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