Les grandes gares de la compagnie PLM en Algérie coloniale (1857

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Les grandes gares de la compagnie PLM en Algérie coloniale (1857
Projet de thèse
Pour une première inscription à l’école doctorale de Géographie Paris ED434
Les grandes gares de la compagnie PLM en Algérie
coloniale (1857-1939)
Etude architecturale et urbanistique.
Laboratoire : AHTTEP (Architecture Histoire Technique Territoire Patrimoine)
Proposé par :
BENAISSA CHERIF Noureddine
Sous la direction de : Mme BOWIE Karen
Sommaire
Avant propos ........................................................................................................................................ 3
I.
Introduction .................................................................................................................................. 4
1.
Objectif scientifique : ................................................................................................................ 6
2.
Problématique : .......................................................................................................................... 6
3.
Contexte actuel : ........................................................................................................................ 6
4.
Hypothèses et questionnements : ............................................................................................... 7
5.
Méthodologie :........................................................................................................................... 8
6.
Bornes chronologiques et géographiques : ................................................................................ 9
II.
L’état de l’art .......................................................................................................................... 10
1.
Histoire du chemin de fer : ...................................................................................................... 10
2.
Le patrimoine colonial :........................................................................................................... 10
3.
Le patrimoine colonial en Algérie : ......................................................................................... 12
4.
Le patrimoine ferroviaire : ....................................................................................................... 13
5.
Les gares et leur conservation : ............................................................................................... 16
6.
Le chemin de fer algérien : ...................................................................................................... 18
III.
Le sujet de recherche : ............................................................................................................ 19
1.
Déroulement de la recherche : ................................................................................................. 22
2.
Calendrier d’avancement des travaux de thèse : ..................................................................... 23
2
Avant propos
Après la rédaction de mon mémoire sur les gares-ponts de l’entre-deux-guerres en France −
soutenu en 2012 à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines1 −, de nombreuses questions restaient en
suspens. A travers cette étude comparative des gares de Versailles-Chantiers et de Rouen-Rive-Droite,
j’ai longuement exploré l’univers du chemin de fer.
En 2009, j’avais déjà préparé et présenté mon diplôme d’État d’architecte autour du thème de la
réhabilitation d’un ancien quartier d’une gare de chemin de fer en Ouzbékistan : une ligne désaffectée,
un quartier délabré, en manque de repères et de tracés. Il fallait alors intégrer des logements en
respectant l’ancien tracé d’une ligne de chemin de fer et en donnant à ce quartier une « nouvelle vie ».
C’est dans le cadre de ces travaux que j’ai commencé à m’intéresser au monde du chemin de fer et à
son impact sur les villes et les territoires.
La gare, le quartier de la gare, la ligne du chemin de fer et les réseaux ferroviaires : après la
soutenance de mon mémoire de recherche en histoire de l’architecture autour de la gare-pont, ma
volonté fut de travailler sur toute une ligne ferroviaire ou un ensemble de gares.
Mon choix s’est porté sur un réseau ferroviaire algérien que je connais particulièrement bien, étant
donné que j’ai très souvent emprunté une de ses lignes, et ce, depuis mon enfance. Ce réseau souffre
actuellement d’une baisse de fréquentation, mais aussi d’un vieillissement de ses machines et du
mauvais état de ses bâtiments, que le gouvernement algérien tente depuis quelques années de
renouveler et de moderniser.
Au cours de l’année universitaire passée, j’ai travaillé sur l’histoire du chemin de fer algérien.
Ayant déjà réalisé une analyse comparative de deux gares, je souhaitais refaire le même exercice en
élargissant le nombre de cas d’études. J’ai donc opté pour une étude reliant mon expérience acquise à
la fois dans le cadre de mon Master de recherche et de mon diplôme d’État d’architecte. Cette
approche m’a permis d’étudier la gare et l’histoire du réseau ferroviaire. L’impact sur la ville et le
territoire n’a en revanche pas été étudié. La thèse aura ainsi pour objectif de compléter ce travail et de
s’intéresser à la connexion gare-ville.
1
Mémoire portant sur une étude comparative entre la gare de Versailles-Chantiers et de Rouen-Rive-Droite.
3
I. Introduction
Au début de la conquête coloniale française de l’Algérie et parallèlement aux débuts de la
création des chemins de fer en métropole, l’idée de création du chemin de fer en Algérie commença à
grandir dans le milieu des industriels et des entrepreneurs français « qui se préoccupent de l'Algérie,
et pensent que le moment des grandes entreprises colonisatrices est arrivé »2.
L’intérêt pour les moyens de transport et le chemin de fer en Algérie s’est accru suite aux
déclarations des premiers résultats de l’exploration scientifique du pays : « des explorateurs de tous
les ordres ont signalé au commerce, à l'industrie, à l'agriculture, d'immenses richesses à exploiter ;
mais presque partout l'esprit d'entreprise a rencontré dans le manque de voies de communication
praticables en toute saison, soit des obstacles insurmontables, soit des difficultés qui ne sont
vaincues qu'au prix des plus grands sacrifices. »3
C’est ainsi dans le contexte du début de la révolution industrielle en Europe et à l’époque des
grandes conquêtes coloniales que le chemin de fer en Algérie prendra racine.
En Algérie, on assiste à une certaine indifférence à l’égard de cet héritage. L’inventaire, qui
reste antérieur à toute opération de patrimonialisation, n’y est pas encore initié, et il n’existe à ce jour
presque aucune étude historique du réseau ou des gares. En Europe, c’est vers la fin des années 1960
que les premières actions furent mises en oeuvre dans ce domaine, d’abord en Angleterre puis en
France. La première classification au titre du patrimoine ferroviaire en France fut la gare d’Orsay à
Paris, réhabilitée en musée en 1973.
Alors qu’un impressionnant programme de modernisation ferroviaire est engagé à travers tout
le territoire algérien (double voie, électrification, correction des profils, etc.), avec un important
élargissement de voie ferrée passant de 3 800 Km à 25 600 Km, et à défaut d’une protection juridique
(reconnaissance à titre de patrimoine industriel), divers ouvrages se retrouvent aujourd’hui menacés
de disparition. L’état de vulnérabilité de cet héritage, à l’instar du reste du patrimoine colonial, peut
sembler s’expliquer par le seul argument idéologique de son appartenance à la période coloniale.
2
P. Lavigne et al, Chemin de fer de l’Algérie par la ligne centrale du Tell avec rattache à la côte, Imprimerie de Beau,
Saint Germain en Laye, 1854, p. 5.
3
C. Nicoloso, Le patrimoine ferroviaire, mémoire de master, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 2010.
4
Notre travail s’inscrit dans une perspective de développement de connaissances historiques,
lesquelles seront nécessaires pour toute étude patrimoniale. Le projet de thèse concerne une partie
de la ligne du Tell, le tronçon qui relie Alger à Oran, la première ligne projetée de ce réseau, exploitée
par la prestigieuse compagnie PLM (Paris-Lyon-Méditérannée).
Apporter les connaissances scientifiques de ce patrimoine résulterait d’une identification et d’une
définition. Cela nous amène à recourir à une approche historique, ce qui nous permettra de connaître
et de comprendre non seulement le contexte dans lequel ce patrimoine a été produit, mais aussi la
logique de sa conception et de son développement.
Devant l’originalité de l’étude du patrimoine ferroviaire algérien, voulant traiter de l’aspect
architectural qui est peu, voire pas du tout exploité, et face à l’état lacunaire des archives et de la
documentation de référence, nous nous sommes orientés, l’année dernière, vers l’exploration des
documents d’archives du Centre d’archives de la SNTF (Société Nationale de Transport Ferroviaire) à
Alger, du Centre d’archives nationales du monde du travail à Roubaix et des Archives de l’outre-mer à
Aix-en-Provence. L’étude documentaire sera complétée par des études sur le terrain (in-situ) de ces gares.
Fig 01 : Carte en couleur représentant le réseau du chemin de fer algérien en 1949
Source : LARTILLEUX, Henri, Géographie des chemins de fer français, tome 1, volume 3, éditions Chaix, octobre 1949,
page 7.
5
1. Objectif scientifique :
Ce travail consiste en une étude historique, urbanistique et architecturale des gares ferroviaires
algériennes, de leurs impacts sur les villes, leurs caractéristiques et particularités.
Celles-ci sont installées sur la ligne impériale du Tell qui s’étale de la frontière tunisienne à la
frontière marocaine.
2. Problématique :
L’intérêt de l’étude des gares, figures emblématiques de la révolution industrielle, réside dans
leur architecture spécifique mêlant tradition et modernité, leurs techniques constructives et l’utilisation
de nouveaux matériaux, mais aussi dans leur dimension artistique et leur impact sur les villes et les
territoires. Dans le cas des gares algériennes, ces innovations sont mises au service de l’effort de
colonisation ce qui leur donne un statut historique spécifique.
L’Algérie prévoit la démolition de nombreuses gares4, sans que celles-ci soient étudiées au
préalable. Ceci représente une menace pour ces structures historiques.
Devant le peu de recherche scientifique concernant le chemin de fer algérien, nous avons voulu, par ce
travail, intégrer ce champ disciplinaire avec notamment la question suivante :
-
Dans quelle mesure la gare algérienne témoigne-t-elle du contexte particulier de la
révolution industrielle mise au service de la colonisation ?
3. Contexte actuel :
Le programme gouvernemental de modernisation et d'investissement ferroviaire établi ces
dernières années en Algérie répond au seul souci technique et n’intègre pas la dimension historique et
patrimoniale.
Les objectifs de la grande vitesse sollicitent en effet des caractéristiques techniques spécifiques et
plaident pour un nouveau tracé5. Si l'argument technique justifie celui-ci, nous nous questionnons
cependant sur le devenir de ces gares qui sont désormais sous la menace d’une disparition, la
démolition envisagée ne s’accompagnant pas d'une approche historique ou patrimoniale en mesure
4
Mohaned ou said, SAFIR, Le patrimoine ferroviaire du XIXe et XXe siècle en Algérie, identification et valorisation,
Mémoire en magistère à l’université de Tizi-Ouzou, juillet 2011.
5
Ibid.
6
d'assurer leur sauvegarde.
Fig 02 : Carte en couleur représentant le nouveau projet de modernisation de la SNTF
Source : http://www.sntf.dz/index.php?option=com_content&view=article&id=112%3Arehabilitation-et-modernisationde-voitures-voyageurs-de-la-sntf&catid=50%3Anos-projets&Itemid=135&lang=fr. Date de consultation : déc. 2013.
Dans l'optique de contribuer à la connaissance scientifique du réseau ferroviaire algérien, nous
entreprendrons ce travail de recherche sur les gares ferroviaires du XIXe siècle et du début du XXe
siècle en Algérie, qui restent à ce jour encore faiblement étudiées.
4. Hypothèses et questionnements :
La gare algérienne, en raison de son contexte de construction, présente des caractéristiques
particulières d’authenticité et d’originalité.
Dans une Algérie considérée comme un laboratoire de recherche, la gare n’a cessé de s’adapter et de se
renouveler. Dès lors, l’appréhender ne peut se faire sans comprendre les interférences des changements
politiques.
« Réfléchi dans une conjoncture de colonisation, le réseau ferroviaire algérien, quatrième
plus grand d’Afrique, présente des caractéristiques d’authenticité et d’originalité.
7
L’appréhension du patrimoine ferroviaire en Algérie est d’ordre idéologique lié à
l’interférence du legs colonial6 ».
Comme Safir le remarque, nous ne pouvons pas appréhender le patrimoine ferroviaire en
Algérie sans étudier au préalable l’histoire de ce réseau.
Il convient dès lors de formuler un certain nombre de questionnements qui aideront à cadrer
notre recherche et à atteindre notre objectif, lequel consiste à retracer l’histoire des grandes gares
algériennes dans un réseau complexe, richement documenté et peu analysé.
 Par qui et comment le tracé de ce réseau a-t-il été décidé et mis en œuvre : quels acteurs
parmi hommes politiques, militaires, banquiers, ingénieurs… ?
 Ce réseau a-t-il été pensé, dès le départ, dans sa globalité, ou a-t-il au contraire été
élaboré au fur et à mesure de l’avancée vers les villes, villages ou tribus dominés et de
l’acquisition de nouveaux territoires ?
 Quel est le degré d’implication de chacune des compagnies de chemin de fer dans la
réalisation et la construction des gares, ouvrages d’art et infrastructures ?
 Si la gare était pensée comme un élément de domination, peut-on supposer que l’état
actuel de ce patrimoine illustre l’image qu’a la gare dans l’esprit commun des Algériens ?
 Comment ont évolué l’image de la gare et l’expression architecturale de sa fonction, qui
est de recevoir les voyageurs et les trains ?
 Y a-t-il une architecture ferroviaire spécifique à l’Algérie ?
 Peut-on définir une architecture spécifique à la compagnie PLM en Algérie ?
5. Méthodologie :
Au début de cette recherche, j’ai envisagé d’employer la méthode typologique (analyse
typologique), en effectuant un classement des bâtiments-voyageurs selon une hiérarchie de critères
ainsi qu’une comparaison des types d'architecture rencontrés, par époque et par compagnie.
Cependant, cette méthode apparaît limitée à bien des égards. Elle ne me permet en effet pas de traiter
le sujet sous plusieurs angles d’approche, dès lors qu’elle se restreint aux types et à la morphologie des
6
Ibidem.
8
bâtiments. Elle ne s’est donc finalement pas avérée comme étant la méthode la mieux adaptée pour
mon étude.
Ayant pris conscience des limites de la méthode typologique, j’ai décidé de déployer, en me
basant sur les documents d’archives, la méthode consistant à retracer l’histoire de cette ligne
nommée la ligne impériale du Tell7 à travers une ligne et une sélection de gares, en interrogeant à
chaque étape de la réflexion l’ensemble des éléments existants : l’architecture, l’urbanisme, les
pouvoirs publics, politiques et constitutionnels, les pouvoirs militaires ainsi que les financiers de
l’époque.
Il sera question de l’architecture des bâtiments-voyageurs et des halls, ainsi que de l’impact de
ceux-ci sur les quartiers, la ville et le territoire dont ils font partie intégrante. L’etude ne pourra se faire
sans une analyse des rôles et impacts des décisions prises par les militaires, les banques, les financiers
et organismes de crédit de l’époque, mais aussi des décisions purement politiques et la réglementation
de l’époque. En croisant la documentation produite par l’ensemble des acteurs participant à la création
de ce réseau et en s’attachant à respecter l’ordre chronologique des faits, nous pourrons ainsi retracer
une histoire juste et complète.
6. Bornes chronologiques et géographiques :
La période retenue pour cette recherche commence aux origines du transport commercial de
voyageurs en Algérie, en 1857, et s’étend jusqu’à la fin de la construction de la ligne Alger-Oran et la
création des Chemins de Fer Algériens de l’État (CFAE).
Elle comprendra l’analyse de la création de la ligne Alger-Oran, une ligne de chemin de fer du
nord algérien reliant la plupart des villes de l’ouest algérien où se concentrent la plus grande partie de
la population et la majorité des richesses du pays.
7
Henir, LARTILLEUX, Géographie des chemins de fer français, tome 3, Afrique du Nord, éditions CHAIX, 1949, p.19.
9
II. L’état de l’art
1. Histoire du chemin de fer :
On ne peut pas aborder l’histoire des chemins de fer français sans évoquer les travaux de
François Caron, diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris en 1953, agrégé d’histoire en 1956
et attaché de recherche neuf ans plus tard au CNRS. Il est l’auteur de nombreux ouvrages d’histoire, et
notamment, d’un livre édité en deux tomes (Tome I en 1997, Tome 2 en 2005) sur l’histoire des
chemins de fer de France, pour lequel il obtint le prix Guizot8 en 1998. Il est le président du conseil
scientifique de l’Association pour l’histoire des chemins de fer en France (AHICF). Cette association
publie une revue, la Revue d’histoire des chemins de fer, et organise des colloques internationaux.
Les deux tomes de l’ouvrage « Histoire des chemins de fer en France » retracent l’histoire du chemin
de fer en France, que l’auteur situe dans son contexte économique, culturel, social et politique sur plus
d’un siècle et demi. Plusieurs questions y sont évoquées : des discussions sur la modernité au débat sur
le choix de toute une société d’investir dans un nouveau mode de transport.
Depuis l'origine, les ingénieurs et les agents du chemin de fer n’ont cessé de rechercher les
moyens techniques et humains d'améliorer la sécurité et la rentabilité des compagnies. Lieu privilégié
de l’innovation et de la créativité, le monde du chemin de fer est en constante adaptation et en
perpétuelle transformation.
2. Le patrimoine colonial :
On ne peut pas considérer le patrimoine colonial comme une notion récente, dans la mesure où
le patrimoine archéologique englobe toutes les traces de l’existence humaine et de ses activités dans un
lieu donné, mais l’action de la patrimonialisation du bâti s’inscrit globalement dans une approche
nouvelle de la part des pays anciennement colonisés. Cette démarche « post-coloniale » se situe dans
un contexte historique et politique, mais aussi dans celui de la mondialisation et de l’universalité.
8
Le Prix Guizot est un Prix de l'Académie française créé en 1994. Il récompense un ou plusieurs auteurs ayant publié un
ouvrage d’histoire générale.
10
La patrimonialisation récente du bâti colonial se singularise par la restitution du patrimoine
« vandalisé » qui prend de l’importance peu après l’accession à l’indépendance des pays anciennement
colonisés, particulièrement en Afrique.
Pour accéder à une émancipation définitive, il conviendra de prendre conscience de l’importance du
rôle joué par l’affirmation d’une identité. La construction de l’identité ne peut se faire sans intégrer
l’identité culturelle. Cette dernière est définie, selon la Conférence mondiale sur les politiques
culturelles, comme « une richesse stimulante qui accroît les possibilités d’épanouissement de l’espèce
humaine en incitant chaque peuple, chaque groupe, à se nourrir de son passé, à accueillir les apports
extérieurs compatibles avec ses caractéristiques propres et à continuer ainsi le processus de sa propre
création »9.
L’héritage de la colonisation réside essentiellement dans un patrimoine construit. Une grande
partie de ce patrimoine a été réutilisée et modifiée, sans volonté de conserver l’intégrité initiale du bâti,
ou alors simplement détruite pour laisser place à des constructions plus modernes, puisqu’il s’agit, en
partie, d’effacer les traces d’un passé de sujétion.
Les premières actions de patrimonialisation de ces bâtis proviennent alors d’Occident et seuls
quelques intellectuels, en contact étroit avec la France, s’y sont intéressés. Le plus souvent, les acteurs
politiques africains considèrent que cet intérêt constitue une forme de réhabilitation du colonialisme et
n’entreprennent donc aucune action pour conserver ce patrimoine. C’est au cours des années 1990 que
les positions commenceront à évoluer. Cela s’explique d’une part par l’arrivée au pouvoir d’une
nouvelle génération d’hommes politiques moins marqués par la colonisation, ne l’ayant connue que
brièvement ; ces hommes ont ainsi davantage la capacité de distinguer les lieux de la société qu’ils
représentent. D’autre part, les États africains espérant bénéficier économiquement du développement
du tourisme international encouragent une approche patrimoniale et un développement du patrimoine
culturel, dont le bâti.
Néanmoins, cette approche patrimoniale du bâti colonial ne peut être globalement conçue
comme un acte de patrimonialisation, car seules les élites sont sensibilisées à la cause du patrimoine
colonial. Si ce point de vue patrimonial prend forme dans le discours et via certaines actions concrètes,
comme la constitution d’inventaires ou la mise en place de protections juridiques calquées sur celles
qui sont en vigueur en Europe, il reste encore principalement motivé par l’aspect économique, plus que
par un réel souci culturel. En témoignent les demandes d’inscription des sites coloniaux sur la Liste du
9
Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet – 6 aout 1982, Déclaration de Mexico sur les
politiques culturelles.
11
Patrimoine Mondial dans le but d’attirer les touristes occidentaux. Cette évolution du patrimoine
colonial dans sa globalité montre qu’il s’agit souvent d’un patrimoine politique.
3. Le patrimoine colonial en Algérie :
Mohamed Lazhar Gharbi, dans ses réflexions autour du patrimoine colonial au Maghreb,
explique que la notion de patrimoine s’entremêle avec la notion préexistante de « turath »10, notion
désignant le legs des anciennes civilisations. Il ajoute que, spécifiquement en Algérie, l’appréhension
du patrimoine colonial est fragile et précaire. Ce dernier ne semble susciter aucun intérêt patrimonial.
La notion de « turath » diffère de celle de patrimoine, puisqu’elle représente un legs propre à une
civilisation antérieure et exclusive à celle-ci, alors que le patrimoine colonial englobe des valeurs
(sociales, économiques, historiques, architecturales, esthétiques, techniques, de mémoire, etc.) en
mesure de justifier sa reconnaissance11.
En Algérie, il est facile de constater que seule la valeur d’usage du patrimoine colonial est reconnue,
ce qui explique son intégration. Il ne bénéficie pas de reconnaissance à titre de patrimoine culturel. La
loi (98-04) concernant la législation du patrimoine n’est pas exclusive à l’héritage colonial et nous
constatons une confusion entre colonisation et legs colonial. Sa perception en Algérie est le résultat
d’une certaine conception du turath par la société et évoque une dualité : « Le patrimoine continue à
être perçu par nos sociétés − maghrébines − comme un système de protection à l’égard de l’autre »12.
Les raisons de cette discrimination, selon M. L. Gharbi, sont d’ordre identitaire et sont nées
durant la période de colonisation de l’affrontement de deux civilisations, qui s’est soldé par une
rupture et une acculturation. Avec la décolonisation et l’indépendance, cette rupture va se manifester
par des reflux qui rendent l’héritage colonial spécifique. « La nécessité dans laquelle se trouvent ces
pays de récupérer tout un pan de leur histoire pose, plus dramatiquement qu’ailleurs peut-être, le
problème du patrimoine culturel. »13 Le patrimoine colonial est alors perçu avec méfiance : « La
10
Traduction arabe du terme « patrimoine », avec toutefois une nuance qui le démarque de la conception classique du
patrimoine fondée sur des valeurs se prétendant universelles. Le turath qui recouvre les dimensions de culture, religion,
civilisation, etc., représente un système de protection à l’égard de l’autre (M. L. Gharbi, op. cit.).
11
M. L. Gharbi, « Le patrimoine colonial au Maghreb », in rubrique : Historiographie des décolonisations et des
nationalismes du Maghreb, consulté sur site internet : http://www.hermes.jussieu.fr/repannuaire.php?id=3
12
Ibidem.
13
M. Aziza, Patrimoine culturel et création contemporaine en Afrique et dans le monde arabe, Les Nouvelles Éditions,
Dakar, 1977, p. 5. Cité par M. L. Gharbi, op. cit.
12
mémoire collective a du mal à reconnaître le legs de toute une civilisation considérée comme hostile et
étrangère »14.
Les États indépendants, cas des pays arabes, affichaient un certain rejet et une volonté de
rupture avec tout ce qui symbolisait et rappelait la période coloniale, ainsi « les abus et les séquelles du
colonialisme sont à tort confondus avec ses traces matérielles et culturelles »15. Dans leur quête
d’identité, ces pays ont recouru au « turath », comme le note K. Mechta : « Dans des pays ayant
toujours
un
problème
identitaire
à
régler,
le
patrimoine
est
souvent
confondu avec
“l’authenticité” »16.
4. Le patrimoine ferroviaire :
L’émergence du chemin de fer et son développement sont intimement liés à l’industrie.
Soucieuse de sa rentabilité, l’industrie de la mine n’a cessé d’encourager le développement du chemin
de fer : la première locomotive à vapeur a été mise en circulation en 1804.
Dix ans plus tard, un ingénieur adresse à Napoléon un mémoire intitulé « Sur la possibilité d’abréger
les distances en sillonnant l’Empire de sept grandes voies ferrées », qui incita, pour la première fois, à
une utilisation autre qu’industrielle. Pourtant, le chemin de fer reste alors majoritairement employé
pour l’économie industrielle.
En 1823 est créée la première concession d’une ligne de chemin de fer, pour le transport de
houille. La première concession à perpétuité est destinée à la Compagnie des houillères et du chemin
de fer d’Epinac en 1830. Alors que la France ne compte que 319 km de voies ferrées en exploitation
(sur 566 kilomètres concédés) en 1841, l’Angleterre en a à la même époque concédé 2 521,
l’Allemagne 627 et les États-Unis 15 500 km. C’est pourquoi la loi de 1842 connue sous le nom de
« Charte des Chemins de fer » pose les bases d’un système d’exploitation ferroviaire en étoile depuis
Paris.17
14
M. L. Gharbi, op. cit.
15
Ibidem.
16
K. Mechta, De l’authenticité à l’innovation dans le Maghreb. Architecture et urbanisme, patrimoine, tradition et
modernité, Publisud, p. 43. Cité par M. L. Gharbi, op. cit.
17
C.Nicoloso, Le patrimoine ferroviaire, le train touristique : outil de develeppoment ou simple activité isolée, Master 2,
université de Paris 1 Sorbonne, mai2010. P10.
13
Aussitôt, la construction des voies va s’accélérer, et surtout, s’étendre en grande partie aux
voyageurs. Après le premier transport de passagers par le chemin de fer en 1831, le nombre de
voyageurs ne cesse d’augmenter : on compte ainsi en 1848 près de 6 millions de personnes. L’année
1878 voit l’apparition du plan Freycinet, initiative de Charles Freycinet, ministre des Travaux Publics
de l’époque, qui prévoit la construction de 8 700 km de lignes dites d’intérêt local, devant désenclaver
les territoires et permettre de réduire les temps de transport entre les régions. Ce plan fut
essentiellement réalisé avant la Guerre de 1914-1918. Le plan Freycinet prévoit également un système
mixte d’exploitation des chemins de fer : l’État se charge des terrassements et ouvrages d’art tandis
que des compagnies concessionnaires privées se chargent de l’exploitation, du matériel roulant et de
l’entretien ; de plus, les terrains appartiennent pour 1/3 à l’État et pour 2/3 aux collectivités.18
Le chemin de fer a su garder le monopole des transports, et ce, jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale, à partir de laquelle il commence à être concurrencé par l’automobile et l’avion (en France, le
nombre de passagers diminue de 50 % entre les années 1930 et les années 1950). Durant les années
1960, on prédit même la disparition du chemin de fer.
Mais la grande vitesse, se révèle être l’élément salvateur du rail : le train concurrence ainsi à nouveau
l’avion, avec l’avantage de déposer les passagers en centre-ville. Le TGV se développe ainsi dans
toute l’Europe, ce qui permet aujourd’hui au train de vivre un véritable renouveau.
Ainsi, depuis plus de 150 ans, le chemin de fer n’a cessé de se développer et d’évoluer. On observe
que rapidement, il n’est plus uniquement lié à l’industrie, mais également à la société civile, ce qui
nous amène à affirmer que le patrimoine ferroviaire n’est pas uniquement industriel, bien qu’il soit
parti de là à l’origine. À la différence de nombreuses industries aujourd'hui disparues (par exemple les
mines), le chemin de fer fait encore partie intégrante de notre vie quotidienne, bien que les pratiques (à
la fois professionnelles et personnelles) aient beaucoup évolué.19
Pour étudier le patrimoine ferroviaire, on ne peut ignorer les deux revues de l’AHICF réalisées
par les éminents scientifiques du monde de la recherche en histoire de l’art et du chemin de fer, parues
en 1999 sous les numéros 20-21 consacrés au patrimoine ferroviaire, un des plus complets, traitant des
enjeux, bilans et perspectives du patrimoine ferroviaire.
La patrimonialisation du chemin de fer commence très tôt : en effet, on assiste dès 1926 à
l’inscription sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques d’un élément ferroviaire, le
18
Ibidem.
19
Ibidem.
14
tunnel de Fréjus, abandonné depuis une cinquantaine d’années et en partie effondré. Quelques années
plus tard, c’est la gare terminus de Lyon-Saint-Etienne, sur la presqu’île de Perrache à Lyon, qui y sera
inscrite ; mais celle-ci est rayée de l’inventaire supplémentaire pour pouvoir être rasée en 1953.
Hormis ces deux protections, témoignant d’un début de reconnaissance d’un patrimoine lié au chemin
de fer, bien peu d’actions ont été menées jusque dans les années 1970.20
Les premières protections restent encore isolées. On assiste au classement de quelques gares
ouvrages d’art, avec notamment : le buffet de la Gare de Lyon classé en 1972, la Gare d’Orsay inscrite
en 1973 puis classée en 1978 (comme « gage de réparation » de la destruction des Halles Centrales
l’année précédente…). En 1974, treize autres monuments du chemin de fer sont inscrits ; en 1975, trois
viaducs et neuf gares le sont à leur tour. En 1998, on compte 91 monuments ferroviaires immobiliers
protégés. Il y a très peu d’inscriptions de lignes, mise à part la ligne du Blanc-Argent dont subsiste
aujourd'hui un tronçon, exploité par l’association du train touristique du Berry. Notons qu’à ce jour, le
patrimoine immatériel cheminot est encore très peu valorisé.21
Ajoutée à la patrimonialisation directe, on observe dès les premiers temps du chemin de fer une
autre importante patrimonialisation, qualifiable d’indirecte. Le chemin de fer est véritablement entré
dans l’imaginaire collectif tout particulièrement grâce à la littérature, l’art ou encore le cinéma. La
Bête Humaine de Zola ou les œuvres des peintres Impressionnistes témoignent en effet de cette
transformation profonde de la société et de la place primordiale qu’aura le chemin de fer dans notre
histoire et notre mémoire collectives.
Actuellement, sur environ 800 classements en liste par an, seuls 15 concernent le patrimoine
industriel ; ce faible nombre s’explique par le fait que la protection passe par les Monuments
Historiques, or les arguments pour la protection d’un site industriel ne sont majoritairement pas en
accord avec les critères classiques de l’histoire de l’art. Aussi, l’architecture industrielle a souvent été
considérée comme secondaire, même si l'on assiste à un changement de regard depuis les années 1990.
Par ailleurs, les sites industriels sont encore souvent des propriétés privées, ce qui ajoute un problème
supplémentaire et une difficulté considérable pour le classement d’un bâtiment dont les abords doivent
être identifiés selon la loi de 1913, ainsi que lorsque plusieurs de ces bâtiments sont encore en
activité.22
20
AUPHAN Etienne, « Le patrimoine ferroviaire, ressource de l’économie touristique et du développement local », dans
Revue d’histoire des chemins de fer n°20-21, printemps-automne 1999,Paris 1999.
21
Ibidem.
22
Ibidem.
15
5. Les gares et leur conservation :
Chaque gare a sa propre histoire. Au XIXe siècle, elle ne peut être comprise que par rapport à
l'histoire des compagnies des chemins de fer qu'elle devait représenter.
Notre objet d'étude est en mutation constante : « La gare des chemins de fer n'est pas un monument
définitif, construit à un moment, précis et intangible jusqu'à sa démolition... Sa particularité est de
devoir s'adapter continuellement à des besoins en évolution constante
23
», d'où la complexité de ce
sujet.
La gare comme objet propre d'étude apparaît en France vers 1940 avec la thèse de René
Clozier24 dont le travail était axé sur les raisons d'implantation de la gare du Nord à Paris. En GrandeBretagne, les recherches portées par John Mackenzie et Jeffrey Richards abordent la gare du point de
vue de l'histoire sociale des villes. Ils considèrent la gare comme un outil à part entière de régulation
de la société industrielle. Les chercheurs anglo-saxons furent les premiers, dans les années 1980, à
considérer les gares parisiennes sous l'angle patrimonial et architectural25.
En France, l'intérêt pour l'histoire culturelle et architecturale des gares dans la ville s'est
développé avec l'exposition de 1978, organisée par Jean Dethier au Centre Pompidou26. Karen Bowie
développera par la suite des travaux sur ces thématiques, plus particulièrement sur les grandes gares
parisiennes où est interrogé le rôle des acteurs dans les décisions d'aménagement.
Puis, l'européanisation du sujet ferroviaire et l'élaboration des schémas d'aménagement de transport ont
favorisé la production scientifique sur le sujet des gares. Les travaux historiques, patrimoniaux et
urbanistiques furent croisés avec l'approche sociologique et anthropologique d'Isaac Joseph, dans un
ouvrage publié en 1999 sous le titre « Villes en gares ».
23
BOWIE, Karen, Les Grandes gares parisiennes au XIXe siècle, Paris, délégation à l'action artistique de la ville de Paris,
1987, p.24.
24
CLOZIER, René. La gare du Nord, thèse de géographie, Paris, Ballière et fils, 1940.
25
LOEWENSTEIN, L.K. Paris, the city of the world's most beautiful railroad stations, Crete, Nebraska, Railroad station
historical society, 1987.
26
DETHRIER, J. Le temps des gares, catalogue de l'exposition, Paris, édition du Centre national d'art et de culture Georges
Pompidou, CCI, 1978.
16
L'intérêt pour les gares n'a pas cessé d’évoluer, comme en témoignent de récents travaux : ceux de
Stéphanie Sauget27 sur l'intégration progressive des gares dans l'espace parisien, ou ceux de François
Bonnet qui contribue à l'étude de la gare en intégrant la dimension sociologique.28
Objet architectural, historique et patrimonial, la gare est un sujet pluridisciplinaire. Les
recherches historiques et les investigations scientifiques qui en ont découlé ont favorisé le
développement d'une connaissance minutieuse, mais souvent fragmentée.29
Plusieurs études ont déjà été menées sur les grandes gares métropolitaines. De nombreuses
monographies ont été élaborées, ainsi que des rapports de recherche et des études typologiques.
On peut mentionner le travail de thèse de François Poupardin30 sur la typologie des bâtimentsvoyageurs des compagnies de chemin de fer en France durant un siècle, analyse qui avait pour but de
classer les gares par leur fonctionnement, leur volumétrie, leur histoire, et le style des édifices. Cette
étude concerne la période allant de 1837, date de l'ouverture de la première ligne de voyageurs de Paris
à Saint-Germain, à la création de la SNCF le 1er janvier 193831. Selon Poupardin, « L’architecture des
anciennes compagnies a été confiée, ligne par ligne, à des maîtres d’œuvre ».32
Dans son article de 2008 « La gare et la ville », Poupardin écrit : « La gare constitue un
nouveau programme autour duquel se sont articulées de multiples réflexions qui ont généré les formes
d’une architecture nouvelle. Pour certaines compagnies l’architecture présente des types originaux
significatifs en grand nombre. Le patrimoine que nous ont légué ces compagnies est précieux et cette
27
SAUGET, Stéphanie. « Où construire des gares de chemins de fer ? », Histoire Urbaine, 2008/2, p.99.
28
Cité notamment par RIOT, Étienne, Réguler, aménager, et gérer les gares internationales. Étude des jeux et enjeux de
pouvoir dans les gares de Paris Nord et Paris Est. Mémoire de Master, l'École Nationale des Ponts et Chaussées, 2010.
29
Démarche Gares. Rapport des groupes de travail sur les gares du grand Paris, direction régionale et interdépartementale
de l'équipement et de l'aménagement d'Île de France, p. 20.
François, POUPARDIN, « L’architecture des bâtiments voyageurs en France des origines à la Seconde Guerre
mondiale : étude des programmes et des types » Thèse en Histoire de l'art (architecture moderne et contemporaine),
Université de Paris 1- Panthéon-Sorbonne, soutenue le 28 septembre 2005 à l'Institut National d'Histoire de l'Art – sous la
direction de Gérard Monnier, directeur.
30
31
Ibidem.
32
François, POUPARDIN, « Les bâtiments voyageurs édifiés le long de la ligne impériale » du XIXe siècle, 1848-1852
Deuxième République, 1852-1870 Second Empire, 1871-1914 Troisième République ; lien :
http://rhcf.revues.org/404?lang=fr#toc, consulté le 10 février 2014.
17
étude met l’accent sur l’ambition esthétique qui a si souvent dominé les cheminements de la recherche
architecturale. La variété et l’intérêt qui en découlent méritent d’être démontrés »33.
6. Le chemin de fer algérien :
Les travaux sur le réseau algérien et maghrébin de façon générale ont commencé par le livre de
Henri Lartilleux34 sur le chemin de fer en Afrique du Nord, édité par Chaix en 1955. Cet ouvrage
retrace l'histoire des réseaux ferrés algérien, tunisien et marocain. Il s’agit d’un ouvrage riche en
illustrations et cartes de différentes échelles que cet inspecteur de la SNCF s’est procurées, ainsi qu’en
photographies qu’il a lui-même prises au cours de voyages ou dans le cadre de son travail.
Mohamed Lazhar Gharbi, Maître de conférences en histoire, a soutenu en mai 1985 à
l'université de Reims une thèse sur le Réseau de la compagnie Bône-Guelma et sa contribution à la
pénétration française en Tunisie. Il est l’auteur de plusieurs articles sur le réseau maghrébin : « La
compagnie de Bône-Guelma et son réseau minier tunisien (1900-1914) », IBLA n°164, 1989 ; « Projet
de chemin de fer de Tunis-Suez (1884-1894) », Les transports en Afrique (XIXe - XXe siècle), actes du
colloque organisé les 16 et 17 février 1990 à Paris, Éditions L’Harmattan, Paris 1992 ; « Rapports
financiers de la compagnie Bône-Guelma avec l’État et la Banque de Paris et des Pays-Bas (18771883) », Revue d’histoire des chemins de fer n°7 (automne1992).
Dans son mémoire de recherche soutenu en 2013 sous la direction d'Omar Carlier à l'université
Paris Diderot-Paris VII, et intitulé « La gare ferroviaire en Algérie pendant la période coloniale »,
Marina Fabre s'est intéressée à l'implantation des gares et des chemins de fer dans les villes et sur le
territoire algérien. Cette étude révèle l'apparition d'un nouveau rapport à l'espace et au temps qui
s’impose avec l'arrivée des trains. L’auteur termine son travail par une analyse de la gare en tant que
microcosme social.
Dans le cadre de son mémoire de magistère en Architecture à l'université de Mouloud
Mammeri de Tizi-Ouzou, intitulé « Le patrimoine ferroviaire du XIXe et XXe siècles en Algérie », Saïd
Safir prend comme objet de recherche la ligne d'Alger à Tizi-Ouzou. Il établit une liste des gares et
entame une analyse spatiale et architecturale sur la gare d'AGHA d'Alger ; il explore également un
fonds inédit situé à Alger et géré par la SNTF.
33
Ibidem.
34
Henri, LARTILLEUX, Le chemin de fer en Afrique du Nord, édition le Chaix, 1955.
18
Son travail est une recherche sur le patrimoine ferroviaire des XIXe et XXe siècles en Algérie,
portant sur « le réseau de la Kabylie, les gares et ouvrages d’art historiques de la ligne Alger-Tizi
Ouzou. L’objectif étant sa connaissance scientifique, condition sine qua non de sa reconnaissance,
gage de conservation qui se retrouve injustement hypothéquée par les travaux de modernisation
ferroviaire en cours et à venir, qui n’intègrent pas une approche patrimoniale. Cette recherche, qui
s’inscrit dans une perspective de patrimonialisation, consiste en une identification, étape élémentaire
de définition d’un patrimoine, qui repose sur une méthodologie d’approche historique, technique et
architecturale. »
En Algérie, on constate une certaine indifférence à l’égard de ce patrimoine, dont seule la
valeur d’usage est reconnue, à l’instar de l’ensemble de l’héritage colonial des XIXe et XXe siècles.
L’argument idéologique, lié au poids du legs colonial en tant qu’héritage de la colonisation, semble
expliquer cette marginalisation. En raison de son histoire, sa mémoire et ses valeurs, le patrimoine
ferroviaire historique en Algérie mérite une reconnaissance et nous appelle à transcender son allégorie
et à le considérer comme patrimoine commun à partager.
Aujourd'hui, à l’heure des grands travaux ferroviaires, ce patrimoine est en péril du fait des
désaffections et démolitions envisagées pour les gares, les ouvrages d’art et les réseaux historiques.
L’étude et la connaissance de ce patrimoine constituent une première forme de valorisation et peuvent
ainsi contribuer à sa reconnaissance.
III.
Le sujet de recherche :
La décadence ferroviaire qui a débuté à travers le monde à l’entre-deux-guerres n’a pas
épargné l’Algérie : elle s’est exprimée par une contraction des réseaux et, au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, par le gel des financements qui a causé l’abandon de la réalisation de certaines
lignes et de certains projets. Cette situation perdurera en Algérie jusqu’à la fin du XXe siècle.
Le chemin de fer algérien bâti au XIXe siècle est empreint d’originalité en Afrique et
représente aujourd’hui le quatrième plus grand réseau de ce continent35. Toutefois, il est aisé de
constater la disproportion flagrante entre les investissements ferroviaires consentis pour l’Algérie et
ceux de la métropole, qui restent largement supérieurs à ceux des protectorats de la Tunisie et du
Maroc. Le réseau ferroviaire algérien, dont les objectifs de réalisation sont d’ordre économique et
militaire, forme un outil de colonisation et de domination.
35
Classement des pays par longueur du réseau, établi en 2002. [http://www.techno-science.net] consulté le 05/03/2014.
19
Antique, détérioré, ruiné, défraîchi, insalubre…, tels sont les adjectifs pouvant qualifier le
patrimoine ferroviaire des XIXe et XXe siècles en Algérie. Cette situation contraste avec la réalité des
chemins de fer algériens de jadis, structures somptueuses d’avant-garde et reflets de la modernité
(figures suivantes), dont le réseau a façonné l’armature urbaine algérienne et a fortement influencé sa
géographie et sa démographie. En effet, plusieurs villes se sont créées et d’autres se sont développées
grâce au chemin de fer, qui continue d’impulser l’aménagement du territoire algérien. Ce réseau ne
peut donc être compris qu’à travers une remise en contexte, le sien étant celui de la révolution
industrielle et de la colonisation.
Fig 03 : La Gare de Ménerville.
Source : Centre National d’archive de la SNTF, Alger.
Fig 04 : La Gare d’Orléansville.
Source : Centre National d’archive de la SNTF, Alger.
Il a fallu attendre le début du XXIe siècle pour qu’en Algérie, le transport ferroviaire
commence à s’imposer comme moyen de transport incontournable et outil d’aménagement du
territoire à travers un vaste programme d’investissement. Mais ce dernier n’a pas été précédé ou
accompagné d’une approche patrimoniale capable de sauvegarder ces structures ferroviaires
historiques dont la situation est déjà précaire, et dont la perte serait irréversible.
Ce travail de thèse aura pour objectif d’étudier le chemin de fer algérien, son réseau et ses gares.
Or, l’étude des gares historiques peut justement constituer un potentiel de références intéressant pour
les projets de modernisation. Plusieurs exemples en Europe illustrent cette situation : la conception de
nombreuses gares fut en effet fortement inspirée de la construction d’origine et découlait d’une
approche patrimoniale. Il s’agirait dans cette perspective de penser la gare en lui intégrant l’aspect
symbolique par l’adoption d’une architecture contemporaine réintroduisant et réinterprétant les
20
éléments architectoniques des gares du XIXe siècle, permettant ainsi de retrouver l’identité et la
mémoire de cette architecture spécifique.
L’histoire du chemin de fer en Algérie est largement méconnue, d’autant que les recherches
destinées à la faire connaître sont très peu nombreuses. En Europe, c’est grâce aux opérations
d’identification que les connaissances sur le patrimoine ferroviaire se sont développées, permettant
ainsi par la suite la reconnaissance et la préservation de ce patrimoine.
Le chemin de fer en Algérie reste un domaine de recherche vierge, qui peut intéresser des
chercheurs de divers horizons : les historiens, les ingénieurs du transport, les anthropologues, les
sociologues, les architectes, les urbanistes, etc. Une cinquantaine de mètres cubes d’archives sont
entassés dans le centre national d’archives de la SNTF à l’Hussein-Day à Alger : on y trouve des
cartes et plans d’origine, les statistiques de circulation des trains, des rapports, des fiches concernant
les voyageurs et les employés, des cartes d’abonnement de plus d’un siècle, etc.
Dans le cadre de cette thèse, l’étude concernera la ligne « Alger-Oran », ligne concédée par la
Compagnie P-L-M et assez représentative du réseau algérien, et les gares qui ponctuent la liaison
entre ces deux villes, soit sept gares au total : la gare d’Oran, la gare de Perrégaux, la gare de
Rélizane, la gare d’Orléans-ville, la gare d’Affreville, la gare de Blida et puis la gare d’Alger.
Fig 05 et 06: La gare d’Attaf.
Source : Centre National d’archive de la SNTF, Alger
21
Fig 08 : La gare de Ménerville (Thnéia).
Source : Centre National d’archive de la SNTF, Alger
Fig 09: Orléansville (Chelf).
Source : Centre National d’archive de la SNTF, Alger.
Riche et complexe, le réseau ferroviaire algérien mérite que son histoire soit racontée.
Plusieurs points seront développés, analysés, complétés et mis à jour. La partie sur les acteurs
concernés comprendra les pouvoirs politiques, militaires, les grandes entreprises de réalisation des
infrastructures (telles que la société des Batignolles), les investisseurs et les financiers (tels que la
banque Ottoman et le rôle des Rothschild), les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les architectes ; le
mouvement des saint-simoniens, à son tour, sera étudié et son rôle sera éclairci.
1. Déroulement de la recherche :
Une première phase consistera en un inventaire complet sur les gares de la ligne du TELL
sélectionnées (soit sept gares), mené parallèlement à un dépouillement des archives (une première
partie est déjà réalisée dans le cadre du DPEA Recherche en architecture), dans le but d'enrichir et de
compléter les informations manquantes sur ces objets d’étude.
Cette partie du travail s'effectuera essentiellement selon deux démarches parallèles : une collecte
d'informations sur le terrain (production photographique et relevé si nécessaire), et une recherche
documentaire (plans, iconographies, esquisses ...) dans les archives en France comme en Algérie.
22
2. Calendrier d’avancement des travaux de thèse :
Calendrier
Moment Clé 01
Etape
CHOIX DU SUJET (avec problématique
provisoire) en relation avec le directeur de thèse.
Production
- C’est une question de départ.
- Note d’intention
ELABORATION DU SUJET.
- Ebauche de problématique
FORMULATION DE LA
« PROBLEMATIQUE 1 » ET DU PLAN DE
TRAVAIL
- « Problématique 1 » et plan de travail
1 à 2 mois.
Moment Clé 02
15 à 18 mois.
Discussion avec le directeur de thèse et accord
sur l’orientation générale
- Choix d’un système de documentation
de bibliographie et de références
-Fiches et notes avec références.
- Amendement de la « problématique 1 »
TRAVAIL DE RECHERCHE
- Sur le terrain
- Dans les archives, les ouvrages, les documents.
Moment clé 03
3 mois.
1ère FORMULATION DE LA
« PROBLEMATIQUE 2 » ET DU PLAN DE
REDACTION
Discussion avec le directeur de thèse
- Fiches d’idées
- Projets d’idée force
- Projets de plan.
- Projet de la « problématique 2 » et du
plan de rédaction.
- Préparation de la rédaction (formatage
des documents et choix des fonctions)
- Première ébauche de rédaction.
Moment clé 4
8 à 10 mois.
FORMULATION DEFINITIVE DE LA
« PROBLEMATIQUE 2 » ET DU PLAN DE
REDACTION
Discussion avec le directeur de thèse et accord
sur l’ensemble
- « Problématique 2 » et plan de rédaction
- Première version rédigée de la thèse
REDACTION
Lecture par des lecteurs extérieurs, notamment
par le directeur de recherche, correctionréécriture
- Version « intermédiaire »
REDACTION DEFINITIVE
Relecture-correction
Moment clé 5
ACCORD DU DIRECTEUR POUR LA
SOUTENANCE
- Version définitive
- Exemplaires papiers disponibles
2 à 3 mois.
Mise au point définitive
Tirage du document
Démarches pour la soutenance
Moment clé 6.
SOUTENANCE
23
3. Bibliographie Sélective
B. Sources secondaires :
Ouvrages, thèses et mémoires
1. AVART, Georges, De la pelle à la ficelle : une histoire du Chemin de Fer français, Thé1ès Éditions,
décembre 2004.
2. BAUDOIN, Laurent, les gares d'alsace lorrain, héritage de l'annexion allemande, Édition Pierron,
Avri11995.
3. BAUDOUI, Rémi, Raoul Dautry 1880-1951. Le technocrate de la république, Paris, Édition Balland,
1993. BOCARD, Hélène, De Paris à la mer, la ligne de chemin de fer Paris-Rouen-Le Havre, DRAC
Île-de-France et Haute-Normandie, 2006.
4. BRISSAUD,R et P,P1as, Histoire d'une gare : Limoges, bénédictins, Édition archives municipale de
limoges, 2008.
5. BRUANT, Catherine, Ainsi advient un lieu sauvage, Versailles, Léav, 2010.
6. BOWIE, Karen, Écrire l'histoire des gares françaises : sources et défis, dans histoire des gares.
Histoire urbaine, séminaire des « lieux mouvements de la ville », actes de la journée d'étude du 17
février1995, vo11.
7. BOWIE, Karen, l'éclectique pittoresque, et l'architecture des gares parisiennes au XIXe siècle, thèse de
3ème cycle sous la direction de Marc le Bot, Université de Paris I, UER d'art et d'archéo1ogie,1985.
8. BOWIE, Karen, les gares parisiennes au XIX ème siècle, Paris, délégation à l'action artistique de la
ville de Paris,1987.
9. BOWIE, Karen, les gares du nord et de l'est au siècle dernier », Paris, in Joseph 1. villes en gares,
Paris, édition de L'Aube, 1999.
10. CARTIER, Claudine, Patrimoine ferroviaire, Paris, Edition Scala, 2007, P170-175.
11. CARON, François, Le Patrimoine de la SNCF et des chemins de fer français (1 Tomes), Paris, Flohic
Éditions (France), 1999.
12. CARON, François, Le Patrimoine de la SNCF et des chemins de fer français (2 Tomes), Flohic
Éditions, Paris (France), 1999.
13. FABRE, Marina, La gare ferroviaire en Algérie pendant la période coloniale, mémoire 2013.
14. FREREJEAN, Alain, L'Histoire des Chemins de Fer, Flammarion, octobre 2008.
15. GUEHAN, Raymond, Les chemins de fer 1965 à 1970 : Régions Ouest et Sud-ouest, La Vie du Rail,
mai 2009.
16. LARTILLEUX, Henri, Géographie des chemins de fer français, tome 1, éditions Chaix, janvier 1955.
17. LE BAS, Antoine. Juvisy-sur-Orge : Un territoire, des réseaux, édition : lieux dits, mars2008
18. POUPARDIN ,François. L'architecture des bâtiments voyageurs en France des origines à la Seconde
Guerre mondiale, Thèse en Histoire de l'art, septembre 2005.
19. SCELLES, Christiane, Gares Ateliers Du Voyage, Édition Desclee De Brouwer,1993.
20. RAGON, Michel, L'architecture des gares : Naissance, apogée et déclin des gares de chemins de fer,
Édition Denoë1, Paris, 1984.
21. RIOT, Etienne, Réguler, aménager, et gérer les gares internationales ; étude des jeux et enjeux de
24
pouvoir dans les gares de Paris Nord et Paris Est. Mémoire de Master, l'Ecole Nationale des Ponts et
Chaussées, 2010,
22. TOULIER, Bernard, Architecture et patrimoine du XXe siècle en France, Éditions du patrimoine, Paris
(France), 1999.
23. HALPERlN, Vladimir, Raoul Dautry, du rail à l'atome, Paris : Picard, 1997.
Articles :
24. BALSO(Raoul), « La gare de Paris-Quai d'Orsay : une réussite ferroviaire et architecturale ? », RHCF
5-6 (autonme 1991-printemps 1992), pp. 23-31.
25. BELHOSTE (Jean-François), « La gare Saint-Lazare, témoin exceptionnel des débuts de la construction
métallique en France », RHCF 20-21 (printemps-autonme 1999), pp. 161-173.
26. BOURILLON (Florence), « Les gares dans la ville. Le lieu, l'espace, le bâtiment », RHCF 38
(printemps 2008), pp. 158-164.
27. BOWIE (Karen), « L'impact de l'essor du chemin de fer sur la profession architecturale en France au
XIXe siècle », RHCF 5-6 (automne 1991-printemps 1992), pp. 35.
28. D'HOOSSCHE Robert, « L'art et la gare », RHCF JO-Il (printemps-automne 1994), pp. 101-103.
FORTHOFFER (Joël), « Les chemins de fer secondaires en Alsace, hier et demain », RHCF 24-25
(printemps-autonme 2001), pp. 190-210.
29. « Gare de Versailles-Chantiers », La Construction Moderne, N°48, PER351O-1,
1932. « Gare de Versailles-Chantiers (1932)-Architecte André Ventre »
L’architecte, 1932.
30. GERARD (Annelise), « Le mouvement de démolition-reconstruction des gares dans les grandes villes
du Rhin supérieur (fin XIXe - début XXe siècle) », RHCF 23 (autonme 2000), pp. 68-78.
31. GERBOD (Paul) « Pour une histoire culturelle des chemins de fer en France », RHCF 1 (autonme
1989), pp. 55-65.
32. « La nouvelle gare de Versailles-Chantiers », la nouvelle gare de Versailles-Chantiers, Architecture
d'aujourd'hui, N°8, Août-Septembre1932.
33. LEFEBVRE (Frédéric), PENY (André), « L'ingénieur, l'architecte et l'artiste, trois figures pour une
approche esthétique des espaces de transport », RHCF JO-Il (printemps-automne 1994), pp. 88-97.
34. LALUBIE (Laure), « Les interventions sur les gares anciennes : Restructurations, valorisation,
restaurations », RHCF 20-21 (printemps-automne 1999), pp. 174-178.
35. MONNIER (Gérard), « L'architecture récente des gares : monument ou interface ? », RHCF 5-6
(autonme 1991-printemps 1992), pp. 173-179.
36. NOTARNICOLA (Donato), POUPARDIN (François), « Un siècle d'architecture ferroviaire : le
bâtiment voyageurs comme espace de représentation urbaine des chemins de fer, de 1837 à 1937 »,
RHCF 5-6 (automne 1991- printemps 1992), pp. 91-1d26.
37. PICON (Antoine), « Apprendre à concevoir les gares : l'enseignement de Léonce Reynaud », RHCF 5-6
(automne 1991-printemps 1992), pp. 51-63.
38. POLINO (Marie-Noëlle), « La recherche en histoire des chemins de fer, 1988-1996 », RHCF 14
(printemps 1996), pp. 4-15.
39. RIBEILL (Georges), « La société cheminot : quelques pistes pour la recherche historique », RHCF 1
(automne 1989), pp. 45-54.
40. RIBEILL (Georges), « Ouvrages d'art de la SNCF détruits et reconstruits à l'occasion de la Deuxième
25
Guerre mondiale », RHCF 15 (autonme 1996), pp. 255-263.
41. SANDER (Agnès), « Intégration de la gare dans la ville, options pour la réhabilitation du patrimoine de
la SNCF », RHCF 5-6 (autonme 1991-printemps 1992), pp. 149-160.
26