Le Festival western

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Le Festival western
autrement
Vu par, Alen Méaulle (pour ALIMAGE) : Photographe & Pierre-Brice Lebrun (pour ABCD’AIR) : Rédacteur
ailleurs
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Le taureau n’a pas l’air content d’être
là. Le public qui l’acclame le laisse froid.
Collé à la paroi, il fulmine. Le cow-boy,
Stetson vissé sur le crâne, enjambe la barrière métallique pour l’enfourcher, ce qui
l’énerve encore plus. Son œil se noircit :
tu ne perds rien pour attendre, cow-boy.
Le Festival western
de Saint-Tite
Saint-Tite, à mi-chemin entre Montréal et Québec, se
transforme chaque année en village du Far West, le temps
d’un Festival Western qui, au rythme de la Country,
accueille, au cœur de la Mauricie, le deuxième plus
important rodéo du continent américain…
Sur la piste, les cavaliers de secours, porte-couleurs des
principaux commanditaires, passent au galop en brandissant leurs étendards. La sono hurle et fait trembler
les gradins. Le mot sponsor est proscrit, au Québec,
où le français est toujours prioritaire, même quand le
cow-boy qui s’attache au taureau arrive du Wisconsin.
Le public, reconnaissant, les applaudit, comme il a applaudi les précédents et applaudira les suivants. Les
Girls en short, qui, sur leur pick-up, catapultaient dans
la foule des cadeaux publicitaires, ont tout de même
eu plus de succès (le français est prioritaire, d’accord,
mais bon, on est quand même chez les cow-boys).
Le sabot du taureau racle le sol, il sait que bientôt, la
grille va s’ouvrir. Il
pourra alors facilement se débarrasser
du type en jean qui
s’aventure à le chevaucher. Lui, il veut juste
tenir huit secondes,
ce qui n’est pas gagné.
Il s’attache carrément
au taureau, pour mettre toutes les chances
de son côté. Il passe la
main dans la boucle
d’une cordelette plate
qui ceinture le torse
musclé de la bête, tandis qu’une autre corde
lui sert la taille. Une
fois qu’il aura éjecté
le pantin disloqué juché sur son dos, il en
sera débarrassé par les habiles cavaliers de secours, les
Pick-up Men. Ryan le clown, le Barrel man, et les Bullfighters, les divertisseurs de taureau, détourneront son
attention pour qu’il ne piétine pas le cow-boy : ceux qui
se retrouvent sous le taureau ont tendance à arrêter la
compétition avant les autres.
Huit secondes ! Arrimé au dos d’un taureau furibard,
c’est long.
S’il arrive à tenir, sans toucher le taureau de son autre
main, levée bien en évidence à l’intention des arbitres,
le cow-boy pourra recommencer, jusqu’à être le dernier, celui qui, côtes cassées, remportera la Coupe.
L’annonceur demande à la foule de l’encourager, la
porte s’ouvre, le taureau sauvage déboule, agile, musclé, hors de lui. Il bondit, ses quatre pattes et sa petite
tonne décollent du sol, il virevolte avec la grâce d’un
pachyderme ailé. Il tente même d’écraser son cavalier
indésirable sur les banderoles qui entourent l’Aréna. Le
cow-boy, tendu, arc-bouté, tint bon. Il grimace. Quatre,
cinq, six, dommage !
Vexé, secoué, le cow-boy se relève, il ramasse son chapeau et rejoint en boitant le paddock, sous les acclamations du public « pour qu’il garde de Saint-Tite le plus
grand des beaux souvenirs ! ». Le taureau, calmé, lui
emboîte benoîtement le pas.
Ambiance OK Corral
Les 4 000 habitants de Saint-Tite jouent à fond le jeu. Ils
transforment leur jardin en parking, leur seuil en centre commercial ou en podium. Ils s’improvisent restaurateurs pour vendre des tonnes de frites, de pop-corn,
de saucisses ou de brochettes aux visiteurs habillés et
bottés comme des cow-boys. Certains font même leurs
courses à cheval ! Le Festival Western de Saint-Tite est
une institution, au Canada. Il a été élu, pour la dixième
année consécutive, meilleur rodéo extérieur d’Amérique du Nord, par les cow-boys de l’International Professional Rodéo Association. Le Festival reçoit près de
40 000 visiteurs par jour, plus de 110 000 le dimanche
de l’annuel et très attendu Grand Défilé. Il est encadré
par près de 1 000 permanents et bénévoles. L’ambiance, dans les rues du village, est un brin surréaliste :
chapeaux, éperons, guitares, chevaux et mobilhomes
se côtoient dans une ambiance bon enfant, sans que le
moindre débordement ne soit à déplorer. On y vient en
famille, déguisé de la tête aux pieds, pour s’amuser entre amis en partageant
une même passion,
celle de la conquête
de l’Ouest et de la
ruée vers l’or. On voue
un culte aux Indiens, à
la culture des premières Nations, comme
on les appelle ici. Il
y a des concerts de
country et de countryrock à chaque coin
de rue, sur les scènes
officielles, sous les
chapiteaux des commanditaires et sur le
bord des trottoirs. On
improvise des squaredance et des madison,
on mange du smokedmeat et des poutines,
une bière à la main, le colt en plastique à la ceinture, la
chemise à carreaux et le foulard rouge autour du cou.
Ils sont plusieurs milliers de festivaliers à camper dans
tout ce que les alentours comptent de prés ou de prairies, la plupart en mobilhome, dont certains, géants,
ressemblent à des autobus. Pendant ce temps-là, dans
l’Aréna, se déroule un fabuleux rodéo qui attire chaque
année les cow-boys professionnels du Canada, du Nevada, du Texas, de l’Arkansas et d’ailleurs.
Veau, vache, taureau, junior
L’épreuve, dans l’Aréna, commence par l’Hymne national, chanté a capella par une cow-girl solennelle, plantée au milieu de la piste. Il s’écoute debout, chapeau
bas, tandis que les drapeaux du Québec et du Canada
se croisent sur la piste. Quelques cow-boys endurcis
essuient, d’un revers de manche à franges, une larme
patriotique, terrassés par tant d’émotion : qui a dit que
le cow-boy était insensible ?
La main sur le cœur, le plus jeune compétiteur récite
ensuite la prière du cow-boy, qui protège les cow-boys,
les cow-girls et leurs chevaux : j’implore ta présence,
Seigneur, tout au long de cette compétition, je te prie
de guider mes pas dans l’Aréna de la vie …
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« Bienvenue chez nous autres ! » hurle l’annonceur. Il
annonce le programme : « inquiétez-vous pas, il va y
avoir du spectacle ! » La première épreuve est réservée
aux enfants : des mini cow-boys de huit ans, habillés,
concentrés et déterminés comme des vrais, tentent de
chevaucher des veaux sauvages aussi énervés que des
taureaux.
Zacharie et Gabriel arrivent à s’imposer, mais Brian, futur pro, pointe comme un grand son doigt vers la foule
en délire parce que Red Rock, son veau personnel, l’a
éjecté au terme d’un magnifique corps à corps, puis l’a
trimbalé tout autour de l’Aréna avant que les cavaliers
de secours ne puissent enfin le récupérer.
Après les taurillons taquins, place aux chevaux ! Il y a
plusieurs épreuves, dans un rodéo. Celles du poney express, par exemple, moins célèbres : elles font hurler et
trépigner les spectateurs des Grandes Estrades ! L’annonceur survolté rendu presque aphone s’époumone :
« donnez une très forte main d’applaudissements aux
formidables chevaux qui sont là ce soir avec nous
autres ! ».
Saint-Tite Général Store
Le spectacle est dans l’Aréna, mais aussi, surtout, dans
les rues transformées en gigantesque bazar. On achète des jeans et des tuniques indiennes, des ceintures
à boucle dorée et des chapeaux, bien sûr, des tas de
chapeaux. On avale des beignets à l’érable ou des tour-
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tes aux bleuets. Sur la place de l’église, quelques bikers
tatoués, le front décoré d’un foulard de rebelle, font
le plein de Donuts en laissant pétarader leurs impressionnantes Harley. Il en faut pour tous les goûts. On
peut même se faire blanchir les dents, en 20 minutes, à
côté d’un stand de musique country, ou se faire lustrer
la carrosserie. On peut aussi, un peu comme si le docteur Doxey avait installé son chariot bâché dans la rue
principale pour vendre sa snake oil aux habitants de
Frontier Gulch, s’informer sur les traitements-miracles
de l’arthrite. Saint-Tite, pendant le Festival, vit Western,
s’habille Western, danse Western, pense Western, mange Western et chante Western. Les stars du moment
sont Les Westerners de l’Auberge du chien noir et les
Honky Tonk Boys, Red Rooster et Wild Country, Dark
Whiskey et Country Flash, Desperado et Mountain Daisies. Ces groupes très rock se relayent toute la journée,
toute la nuit, pour jouer devant des quadriges endiablés. Les pointes métalliques des bottes s’entrechoquent, les talons en bois résonnent sur le plancher et
les éperons battent la mesure. On est au Saloon, mais il
n’y a pas de méchant, pas de bandit, pas de shérif, pas
de tord-boyaux et pas de guns : les cannettes ont remplacé, dans le holster, les revolvers. C’est un spectacle
familial, musical et rigolo, où les enfants essayent de
s’amuser autant que les grands. Ici, le Stetson se porte
blanc, noir ou fantaisie, en paille ou léopard rose pour
les filles, avec ou sans plumes, avec ou sans ruban.
Même les chiens en ont un, assorti à leur gilet en cuir !
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Du bleuet
à toutes les
sauces
Le bleuet sauvage du Canada ressemble à une airelle,
à une myrtille, mais il n’a pas plus le goût de l’un que
de l’autre, il n’a que le goût du bleuet et il en est très
fier ! Spécialité du Lac Saint-Jean, il a sa propre capitale : Dolbeau-Mistassini, dans la région natale de Maria
Chapdelaine, le Saguenay.
On le retrouve un peu partout au Québec, dans les
célèbres tartes au bleuet, mais aussi dans le thé, le
chocolat et les biscuits. On en fait de la brioche et des
beignets : une célèbre chaîne de cafés propose même
des muffins au bleuet, qui se dégustent le matin au
petit-déjeuner avec un grand café. Le bleuet se boit en
limonade, en schnaps ou en liqueur : il permet alors de
servir un kir du Québec, allongé, pourquoi pas, d’un
vin blanc de l’Ontario. On confit le bleuet avec des
oignons pour confectionner des sauces aigres-douces, on le transforme en chutney, on l’incorpore à la
crème brûlée, aux crêpes et aux gaufres… Il faut absolument goûter les carrés au bleuet et au sirop d’érable,
une autre merveille de la gastronomie québécoise. Ils
s’associent tous les deux au salé pour napper jambon
braisé, magrets ou poitrine de canard, filet de porc ou
volaille, crevettes et saucisses…
Like a Hurricane
On boit, on mange aussi dans les gradins, on hurle, on
trépigne sans compter. On s’emballe. On s’émeut. On
félicite à tout rompre. Ce n’est que du bonheur, du pur
bonheur de cow-boy et de cow-girl : « tout le monde
let’s go pour accueillir les danseurs de La Ruée vers
l’Or, avec une main d’applaudissements, comme d’habitude à Saint-Tite ! ». L’ambiance est déjà survoltée,
l’annonceur à fond, alors que la journée vient à peine
de commencer. Aujourd’hui, c’est monte de cheval sauvage avec ou sans selle. Un hydravion survole l’Aréna
à basse altitude, pour rappeler aux spectateurs qu’ils
sont au Québec, pas au Texas. Il ne manque, pour que
le tableau soit parfait, qu’un fier escadron rougeoyant
de lanciers de la police montée. Le spectateur, heureux,
les chips, les oignons frits et le soda à portée de la main,
ne boude pas son plaisir, du rock plein les oreilles qui,
like a Hurricane, fait trembler les tribunes. Sur le sable
de l’Aréna, le cow-boy désarticulé, transformé en boule
de flipper, essaye, très loin de toute cette animation,
de ce vacarme, de se maintenir sur sa monture déchaînée. Il s’accroche au pommeau du Mustang, qui semble
monté sur ressorts. Il a la poussière de la piste pour
unique échappatoire. Il ne va pas tarder à la mordre à
pleines dents.
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Le rodéo
pour les Nuls
Plusieurs épreuves cohabitent dans un rodéo, elles
mettent en scène taureau, cheval ou bouvillon.
Le Saddle bronc riding et le Bareback bronc riding, la
monte du Mustang avec ou sans selle, cramponné à
une poignée en cuir ou au pommeau de la selle, sont
parmi les plus spectaculaires. On reconnaît au passage
le « bronc » de Bronco Apache : un bronco est un cheval sauvage, non dressé. Les règles du Bull riding sont
assez proches : il faut tenir huit minutes, assis sur un
taureau énervé, et ne le toucher que d’une main. Le
Steer wrestling, le terrassement du bouvillon oblige le
cow-boy à sauter de son cheval pour agripper le bouvillon par les cornes, le freiner et le coucher au sol,
les quatre pattes et la tête pointant dans la même direction. Il y a aussi le Calf roping, la prise du veau au
lasso, qui exige vitesse et précision ! D’autres épreuves
ouvrent souvent le spectacle, comme le poney express,
inspiré de la légende de l’Ouest, avec l’échange de cavaliers au galop, l’échange de cheval entre deux cavaliers lancés, côte à côte, au grand galop, ou la course de
sauvetage, quand un cow-boy doit monter en croupe
d’un cheval qui ne ralentit pas. On retrouve aussi des
concours de traction, avec des attelages de chevaux de
trait qui doivent tirer, sur une distance assez courte,
des charges de plus en plus lourdes. Enfin, beaucoup
de jeunes cow-girls participent aux épreuves de gymkhana, belles occasions de prouver son agilité…
ailleurs
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Le carnet d’adresses du
Festival western de
Saint-Tite
La 42e édition du Festival Western
de Saint-Tite (Québec) aura lieu du
11 au 20 septembre 2009 à SaintTite, au cœur de la Mauricie, entre
Montréal et Québec, à hauteur de
Trois-Rivières.
www.festivalwestern.com
Association touristique régionale de
la Mauricie, Shawinigan (Québec).
www.tourismemauricie.com
Saloon. Le village de Grandes-Piles offre, à quelques kilomètres,
le long de la rivière Shawinigan,
une alternative authentique et
confortable, avec plusieurs petits
restos sympas, comme le Ma-Mi et
Pruneau Patate, sur la 5e Avenue
(la Route 155, qui traverse la ville),
Les copains d’abord (www.restodescopainsdabord.com) ou l’Auberge Le Bôme, hôtel & restaurant,
passant, l’appellation québécoise
des chambres d’hôtes.
www.grandespiles.qc.ca
Sur place, il faut visiter le Musée du
bûcheron. Il serait dommage, aussi,
de ne pas assister, à Shawinigan, à
un match de l’équipe locale de hockey sur glace, les Cataractes.
www.cataractes.qc.ca.
Office de tourisme du Québec à
Paris, 0800 90 7777, numéro Vert
(de 15 heures à 22 heures).
www.bonjourquebec.com
On rejoint aussi Saint-Tite en train
au départ de Montréal, avec Via Rail
Canada.
www.viarail.ca ou au 01 44 77 87 94
en France, [email protected]
Il existe une excursion à la journée avec animations à bord, rodéo
et souper au retour (à partir de
120 CAD pour les adultes, 85 CAD
pour les enfants, 100 CAD font une
soixantaine d’euros).
Le premier samedi, prenez vos précautions, le train se fait attaquer
par les Indiens…
Le mieux est de s’éloigner pour la
nuit de la bouillonnante Saint-Tite
(www.villest-tite.com), à moins
d’installer son camping-car sur un
des nombreux terrains prévus pour
l’accueillir, ou de faire la fête toute
la nuit de concert country en
(30)
xxxxxx
xxxxxxxxxxxx
720, 2ème avenue, Grandes-Piles.
(819) 538-2805
www.auberge-le-bome.qc.ca
de 100 à 155 CAD la nuit, menu à
33 CAD, savoureux petit-déjeuner
et accueil très chaleureux.
Le site de la Municipalité donne les
coordonnées de plusieurs gîtes du
Actu Corsairfly,
A partir de Mai 2009, vols à destination de
Montréal, Québec et Halifax.
Renseignements et réservation au
0820 042 042 ou sur www.corsairfly.com
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