Supras Nancy

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Supras Nancy
A. Bossavit
Électricité de France, Études et Recherches, Clamart
Laboratoire de Génie Électrique de Paris, CNRS, Gif-sur-Yvette
Notes sur
les modèles macroscopiques de
supraconducteurs,
en vue du calcul numérique
Octobre 1994
A. Bossavit
Notes sur
les modèles macroscopiques de
supraconducteurs,
en vue du calcul numérique
Octobre 1994
54
Électricité de France, 1 Av. du Gal de Gaulle, 92141 Clamart, et Laboratoire de Génie
Électrique de Paris (CNRS), Plateau du Moulon, 91192 Gif-sur-Yvette. Fax 33 1 4765 4118.
[email protected].
Résumé
L'adaptation des outils de calcul numérique des champs à la présence de supraconducteurs pose
des problèmes spécifiques, dûs au caractère "non local" de leurs lois de comportement vis-à-vis
des équations de l'électromagnétisme. On examine la validité pratique, de ce point de vue, de
lois macroscopiques locales, du type "conductivité non linéaire à seuil" généralisant le modèle
de Bean.
Sommaire
1. Introduction
1.1 Fondements
1.2 Adaptation aux supraconducteurs
1.3 Perspectives
2. Le modèle de Landau-Gainsbourg
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
2.6
Formalisme de la magnétostatique
Lagrangien de Landau-Gainsbourg
Équations de Landau-Gainsbourg
Morphologie des solutions
Vortex, lignes de courant, et champ moyen
Le cas non stationnaire
3. Le modèle de Bean
3.1
3.2
3.3
3.4
De LG à Bean
Lois j—e : observations
Modélisation macroscopique
Le modèle de Bean : quelques difficultés
4. Modèle de Bean généralisé, ou "conductivité non linéaire à seuil"
4.1 Formulation
4.2 Mise en œuvre numérique
4.3 Homogénéisation
1
1
2
5
8
9
11
13
15
17
20
23
23
25
30
33
35
35
39
42
Annexe A : Le conducteur parfait
50
Annexe B : Algorithmes
53
Références
55
Notes sur les modèles macroscopiques de supraconducteurs,
en vue du calcul numérique
©A. Bossavit
Beaucoup de corps, conducteurs ou non à température ordinaire, deviennent
supraconducteurs à basse température : leur résistance électrique tombe à des
valeurs extraordinairement basses, non mesurables en pratique, ce qui permet des
densités de courant énormes (de l'ordre de 10 1 1 A/m2 , pour certains composés)
sans pertes ohmiques appréciables. Cette propriété en fait des vecteurs idéaux du
courant électrique, avec d'ores et déjà beaucoup d'applications industrielles, et peut-être
encore plus dans l'avenir si la supraconductivité à "haute" température devient utilisable
[Kh, Ma, Pi, Ra, Ta]. Il conviendrait donc d'adapter les outils de calcul numérique
des champs à la présence de supraconducteurs.
Tel est le problème. Pour l'examiner, nous commencerons par un aperçu de ce
que les codes actuels peuvent faire, c'est-à-dire du type d'équations qu'ils sont
capables de résoudre, en cherchant à voir comment ces équations pourraient être
modifiées. Le plan sera annoncé à la fin de l'introduction.
1. Introduction
1.1 Fondements
Le champ électromagnétique est décrit par quatre champs de vecteurs, notés
traditionnellement e, h, b, j (champ électrique1 et champ magnétique, induction
magnétique, densité de courant), liés par les équations de Maxwell :
(1)
∂tb + rot e = 0
(2)
rot h = j
("courants de déplacement" de Maxwell négligés2 ), et par des lois de comportement,
qui sont dans les cas les plus simples
(3)
b = µh
(4)
j = σ e + js
avec σ ≥ 0, et σ = 0 dans l'air et les isolants.
1
2
En italiques, les notions implicitement définies par le contexte.
Autrement, l'éq. (2) serait −∂t d + rot h = j, avec d = εe. Le terme ∂t d est le plus souvent
négligeable en électrotechnique "basses fréquences", mais cela ne veut pas dire que le terme q =
div d introduit plus loin (la charge électrique) le soit aussi. Voir [B1], Chap. 4, pour une
discussion de ce point.
-1-
Parmi les conducteurs en présence, il est commode de distinguer les "conducteurs
actifs" (inducteurs, bobines, réseau d'alimentation électrique, etc.), où la répartition
du courant est imposée, et les "conducteurs passifs", qui ne sont pas en contact avec
une source de courant, mais où des courants induits (ou "courants de Foucault")
peuvent se développer. Le terme j s, ou "courant-source", est la densité de courant
dans les conducteurs actifs. C'est donc une donnée, fonction connue de la position
x et du temps t. Son support, c'est-à-dire la région {x : js(x) ≠ 0} et sa frontière,
est désigné par C s sur les Figs 1 et 2 ci-dessous. La loi d'Ohm n'étant pas
nécessaire à la détermination de j dans ces conducteurs, on leur attribue par
convention la conductivité σ = 0. De cette façon, (4) exprime à la fois la loi d'Ohm
(j = σ e) dans les conducteurs passifs (région C des Figs 1 et 2 ci-dessous, C =
{x : σ(x) > 0}) et le fait que j = j s ailleurs. Remarquer que div j = 0, d'après (2),
donc js doit satisfaire div j s = 0, d'après (4). Noter aussi que si div b = 0 à un
certain moment (ce que l'on admet), cette relation reste vraie par la suite, comme
conséquence de (1).
Les coefficients µ et σ (caractéristiques des matériaux, et donc fonctions de
la position) sont la perméabilité et la conductivité, et peuvent être des tenseurs dans
les cas non isotropes.
On définit la charge électrique q par q = div d (cf. Note 2), c'est-à-dire q =
div(εe), où ε est la permittivité, ou constante diélectrique, elle aussi fonction de la
position. D'après (4), e est connu dans les conducteurs une fois déterminée la
densité de courant, d'où la charge dans C (et sur sa surface). Par contre, en dehors
des conducteurs, q est une source du champ, au même titre que j s, qu'il faut
spécifier si l'on veut pouvoir calculer le champ électrique dans tout l'espace [B1].
Nous supposerons q = 0 hors de C, y compris dans les conducteurs actifs.3
1.2 Adaptation aux supraconducteurs
Étant universelles, les équations (1) et (2) s'appliquent aux supraconducteurs.
Pour représenter ceux-ci, il faut donc modifier au moins une des lois de comportement
(3) et (4).
Cette modification peut aller très loin. Elle peut consister à coupler aux
équations (1) et (2) d'autres équations, décrivant l'évolution d'un ou de plusieurs
champs, autres que les précédents. Dans la théorie de Landau-Gainsbourg [GL],
par exemple, on introduit un champ complexe ψ, dont le carré du module représente
3
Ceci est une simplification, car il y a des charges dans ces régions, mais elles ne sont plus
accessibles au calcul à partir du moment où l'on a admis que σ y est nul. En négligeant ces
charges, on néglige le potentiel qui leur est dû, et donc une partie du champ électrique. Mais
comme cette partie est à rotationnel nul, cela ne change rien au calcul des courants et du champ
magnétique. Voir [B°] ou [B1], pp. 54-5, pour une discussion de ce point, où l'on montre en
particulier que cette simplification est avantageuse du point de vue de la modélisation.
-2-
la densité des "paires de Cooper" responsables de la supraconductivité, d'après la
théorie BCS [BC], et une équation aux dérivées partielles régissant ψ (cf. plus bas,
Section 2). La simulation d'une expérience concrète pourrait donc se faire, sur cette
base, en résolvant le système couplé ainsi obtenu. On peut toujours concevoir un
tel calcul comme la résolution des équations de Maxwell en présence, à la place de
(3) et (4), des lois de comportement que l'on obtiendrait en éliminant ψ (à
supposer que ce soit faisable). Mais ces lois seraient très compliquées et telles
quelles, inutilisables : leur forme n'aurait rien à voir avec la forme simple, locale en
espace et en temps, et "d'ordre zéro" (pas d'intervention des gradients des champs,
ni a fortiori de dérivées d'ordre supérieur), de (3)(4).
Le type de modification des lois de comportement que nous recherchons ne
peut être aussi radical, pour des raisons pratiques. L'objectif visé, en effet, est de
pouvoir faire, en présence de matériaux supraconducteurs, le même genre de calculs,
par éléments finis ou autres méthodes numériques, que l'on sait faire à l'heure
actuelle à propos des courants de Foucault, dans des configurations tridimensionnelles
d'un degré de complexité modéré, comme par exemple celle de la Fig. 1. Les
progrès des matériels et (surtout) l'expérience accumulée des programmeurs et leur
compétence croissante, permettent d'envisager pour les dix prochaines années des
calculs de cette nature, sur des configurations nettement plus compliquées (même si
on restera loin de la complexité géométrique réelle des matériels électrotechniques),
avec des lois de comportement telles que (3)(4), ou un peu plus sophistiquées,
anisotropes par exemple, ou modérément non linéaires. De tels calculs ont déjà
rendu de grands services en conception des matériels (par exemple les alternateurs,
les fours à induction, les tokamaks, les grands aimants, etc.) et pourront contribuer
aux progrès des applications de la supraconductivité, pour peu qu'on sache y intégrer
des supraconducteurs sans modifications essentielles des caractéristiques des codes
de calcul.
S
Cs
n
C
Figure 1. Le "problème 7" du TEAM Workshop [TW, Na] : calcul des courants de
Foucault induits dans le "conducteur passif" C par la bobine inductrice Cs, ou
"conducteur actif", en courant alternatif à basse fréquence. Le problème est "vraiment"
tridimensionnel (pas de modélisation 2D significative). Bien que les pièces soient en
nombre minimum et de formes simples, et les lois de comportement linéaires, ce n'est
que vers le milieu des années 80 que des calculs de complexité comparable se sont
généralisés. On note S la frontière de C et n le champ des vecteurs normaux de
longueur 1 (dirigé vers l'extérieur) sur S.
-3-
SC
Cs
C
Figure 2. Adjonction d'un supraconducteur SC au dispositif de la Fig. 1.
Par exemple, un cas d'école consisterait à ajouter à la configuration de la Fig. 1
un morceau de supraconducteur (SC sur la Fig. 2) et à étudier les modifications,
dues à sa présence, dans la distribution des courants de Foucault dans la pièce C,
ainsi que le champ magnétique et les "supercourants" dans SC lui-même. Ce ne
serait pas trop difficile si SC pouvait être caractérisé par des lois simples, du type
σ = ∞, ou mieux, ρ = 0, où ρ = 1/σ est la résistivité. Pour tenir compte de l'effet
de la température θ et du champ ambiant, on peut préciser ceci sous la forme ρ(x)
= 0 si θ(x) < θc et ρ(x) = ρ 0 > 0 si θ(x) ≥ θc, où x est le point courant et θc
la température critique (elle-même, éventuellement, fonction de x par l'intermédiaire
du champ magnétique en x). On peut songer aussi à la relation µ(x) = 0 si
θ(x) < θc et µ(x) = µ0 sinon. Aucune de ces lois ne rend vraiment compte de la
superconductivité dans tous ses aspects, mais leur forme est ce qui nous importe :
ce sont des lois locales4 , en espace et en temps (la valeur du champ électrique e
au point x, par exemple, ne dépend que de celle de la densité de courant j(x) en ce
point, b(x) à l'instant t dépend de h(x) à l'instant t mais pas de son histoire
antérieure, etc.) 5 . Dans l'attente d'une meilleure définition (Section 3), on dira
qu'un matériau supraconducteur est caractérisé macroscopiquement6 si l'on a pu
modéliser son comportement par des lois locales de ce type.
4
Essayons de définir de ce qu'on peut entendre par "local". Soient deux champs u et v,
fonctions de la position x et du temps t, liés par une relation u = f(v). Celle-ci est a priori
"globale", en ce sens que les valeurs de v en tout point et à tout instant interviennent dans la
détermination de u au point x et à l'instant t. Notons u(x, t) = px, t f(v) la correspondance
ainsi définie, et soit α V une fonction régulière de x et t, égale à 1 dans un voisinage V de {x,
t}, et à cela près, quelconque. La relation f est locale si px, tf(α Vv) = px, tf(v) quel que soit V, et
ce pour tout {x, t}.
5
On pourrait accepter des généralisations modérées : par exemple, e(x) dépendant de j(x) et
de son taux de variation ∂t j(x, t) à l'instant t, ou bien |b(x)| (le module du vecteur b(x))
fonction non-linéaire de |h(x)|, ou encore ρ anisotrope, avec dépendance possible de toutes ces
quantités par rapport à la température, à l'état de contrainte, etc. Tout cela fait partie de ce que
permet l'"état de l'art" en calcul des champs.
6
On prendra garde que la notion de "macroscopique" étant relative, le mot n'a pas toujours et
partout le même sens en théorie de la supraconductivité : d'un certain point de vue, les équations
de Landau-Gainsbourg sont déjà un modèle macroscopique. (Même les équations (1—4) ont un
caractère macroscopique, à partir du moment où l'on admet que ε et µ puissent avoir d'autres
valeurs que celles caractéristiques du vide, ε 0 et µ0.)
-4-
En résumé, l'objectif à se donner est la recherche de lois de comportement
macroscopiques locales7 pour les supraconducteurs industriels.
1.3 Perspectives
De ces lois, on attend a priori certaines vertus, mais pas de miracles.
D'abord, elles doivent pouvoir se substituer à (3) et (4), et donc être "mathématiquement complémentaires" des équations de Maxwell, en ce sens qu'elles doivent,
une fois couplées à celles-ci, former un système qui suffise à déterminer l'évolution
des champs à partir d'une configuration initiale donnée. (Les mathématiciens diront
qu'elles doivent former avec (1)(2) un "problème bien posé au sens de Hadamard"
[Hd].) Montrer qu'un jeu d'équations constitue un problème bien posé peut être
très difficile, mais il est facile de voir, par des arguments élémentaires, que certains
modèles ne peuvent pas conduire à un problème bien posé. C'est le cas par
exemple de la version commune du "modèle du courant critique de Bean" [B2,
B4] : pour θ(x) < θc,
(5)
|j(x)| = jc si e(x) ≠ 0, 0 sinon,
où la "densité de courant critique" j c peut être fonction du champ magnétique 8
existant au point x [Ki]. On ne peut pas substituer simplement cette loi à la loi
d'Ohm (4), car ce faisant on remplacerait trois équations par une, et s'il y a autant
d'équations que d'inconnues 9 dans (1—4), comme on le voit aisément, ce ne serait
pas le cas du modèle modifié (1—3)(5). Même objection contre le modèle
7
Les concepts de "local" et de "macroscopique" sont bien sûr logiquement distincts. S'ils se
trouvent liés en pratique, c'est que le fait de passer d'une échelle spatiale donnée à une échelle
supérieure a souvent pour effet de "localiser" certaines lois de comportement. Plus précisément,
soit v = f(u) une telle loi, entre deux champs u et v (que nous supposons définis sur tout
l'espace, et indépendants du temps, pour simplifier et fixer les idées). Soit α une "fonction
régularisante", c'est-à-dire positive, assez différentiable, à support contenu dans une boule de rayon
λ centrée sur l'origine, et vérifiant ∫Ε 3 α(x) dx = 1. Posons U = α ∗ u et V = α ∗ v, où ∗ est
l'opérateur de convolution, de sorte que U et V sont des "moyennes macroscopiques, à l'échelle
λ", des "champs microscopiques" u et v. La relation u = f(v) se traduit (en principe, même si
c'est impossible à faire de façon explicite) en une loi analogue, U = F(V), entre U et V.
Celle-ci n'a pas plus de raison d'être locale que f elle-même. Mais en pratique, il est fréquent
qu'elle le soit "presque", c'est-à-dire qu'il existe une loi locale F λ "proche" de F, en un sens
convenable. On peut dire alors que la relation entre les champs physiques décrits par u et v est
"locale à l'échelle λ". Le fait de moyenner une loi de comportement peut donc éventuellement la
localiser. C'est très souvent le cas, et de nombreux exemples viendront à l'esprit (loi de Mariotte
pv = Cte, loi d'Ohm, milieux poreux, élasticité, etc.) : la plupart des lois de comportement de la
physique classique cessent d'être locales à une échelle suffisamment fine.
8
ou de l'induction magnétique, ce qui revient au même, car on admet b = µ0h lorsqu'on recourt
à ce modèle.
9
ce qui n'est pas forcément suffisant, mais toujours nécessaire, pour un modèle qui est censé
déterminer l'évolution d'un système.
-5-
|j × b| = Cte [Hn, Ri]. (La constante dans cette expression est liée à la "force
d'ancrage" des vortex de flux dont il sera question dans les Sections 2 et 3.)
0,4 mm
Ensuite, ces lois de comportement doivent être "homogénéisables". En effet,
les bons conducteurs ne laissant passer le courant alternatif que dans une faible
"épaisseur de peau", sous la surface (effet Kelvin), on doit pour les utiliser efficacement
les diviser en fils fins, ou filaments, eux-mêmes assemblés en brins, fils, etc. (Fig.
3). D'où des structures très divisées, et répétitives, dont le module de base (ou
"cellule", comme on l'appellera plus loin) est le plus souvent beaucoup plus petit
que la maille du réseau de discrétisation. La plupart des calculs supposent donc
une homogénéisation [Ha, BL], c'est-à-dire la recherche préalable de lois de
comportement de matériaux homogènes "équivalents", en un sens convenable, aux
structures hétérogènes répétitives que l'on souhaite modéliser [CR, Cr, MS]. On
sait le faire [LB] de façon satisfaisante lorsqu'on dispose de lois de comportement
locales simples (telles que la loi d'Ohm) pour chaque matériau constituant, mais il
reste à voir comment ces techniques s'adaptent aux lois plus complexes (non linéaires)
qu'on sera amenés à introduire.
Gaine (Ta)
Matrice (Cu)
Filament (Nb 3Sn)
Figure 3. Structure typique pour un composé supraconducteur multifilamentaire
(d'après [Mo]). Les filaments supraconducteurs (diamètre : quelques µm), immergés
dans une matrice de cuivre, forment des brins (40 µm), eux-mêmes assemblés en fils de
400 µm, etc. Filaments, brins et fils sont enroulés en hélice de manière à exposer
chaque filament au même champ moyen [Fe, T&].
D'autre part, il est très souhaitable que les lois proposées soient stables par
homogénéisation, c'est-à-dire que la loi obtenue à grande échelle soit de même
forme que celles à petite échelle dont on est parti, seules les valeurs des paramètres
changeant. La généralisation du modèle de Bean qu'on proposera est effectivement
stable en ce sens.
-6-
θ<θc
θ > θc
J
SC
J
SC
Figure 4. Effet Meissner : un cylindre supraconducteur SC est exposé au champ
produit par un courant continu et à une température alternativement supérieure et
inférieure à θc . Au-dessus de θc , SC passe à l'état normal, et le champ pénètre.
Quand la température décroît à nouveau, le champ est expulsé.
Enfin, il y a des limites à la puissance des modèles macroscopiques locaux.
Les supraconducteurs ne sont pas seulement des corps parfaitement conducteurs à
froid. Ils sont aussi, dans les mêmes conditions, "diamagnétiques", en ce sens que
les lignes de force d'un champ magnétique extérieur ont tendance à les contourner,
réduisant ainsi, parfois annulant, le champ magnétique à l'intérieur. Les deux
phénomènes ne sont pas indépendants : si, partant d'une situation où le champ est
nul, on change le courant-source, les courants induits dans les conducteurs parfaits
restent à la surface et font écran, empêchant la pénétration du champ. Mais il y a
plus (Fig. 4) : si la température évolue autour de θc de telle sorte que le corps soit
alternativement superconducteur et normal, le champ est expulsé chaque fois qu'on
passe du chaud au froid. C'est l'"effet Meissner" [MO].
Or cet effet ne se laisse pas expliquer par la loi d'Ohm "avec conductivité
infinie" qui vient d'abord à l'esprit [LL], celle du conducteur parfait (cf. Annexe A).
En effet, ici, j = rot h = 0 dans SC, donc e = ρ(θ) j reste nul quelles que soient
les variations de θ, donc ∂ tb = − rot e est nul pendant le changement de
température, et l'induction dans SC ne change pas. (Cf. p. ex. [E&, Lo, Sa].) La
démonstration1 0 vaut pour, ou plutôt contre toute relation locale entre e et j, et
donc contre celle présentée plus bas. L'effet Meissner échappe ainsi aux modèles
macroscopiques locaux [Rb], dont on n'attendra donc pas plus qu'ils ne peuvent
donner.
Le plan est en trois parties : équations de Landau-Gainsbourg (Section 2),
discussion du modèle de Bean (Section 3), et formulation de celui-ci en vue du
calcul (Section 4). Après un rappel de la formulation variationnelle de la
magnétostatique (§ 2.1), on présente le lagrangien de Landau-Gainsbourg (§ 2.2),
10
faite en détail dans [B2], où l'on trouvera aussi une discussion des deux "modèles de London"
[LL], totalement laissés de côté ici.
-7-
puis les équations du même nom (§ 2.3). On étudie leurs solutions du point de vue
local puis global aux § 2.4 et 2.5, et on évoque le problème d'évolution au § 2.6.
La Section 3 commence par l'étude du lien éventuel entre les équations précédentes
et le modèle de Bean (§ 3.1), mais la discussion suggère une approche plus
phénoménologique, partant de l'observation des lois e—j globales (§ 3.2), suivie
d'un passage au local qu'il convient de justifier, dans des conditions dont la discussion
fait l'objet du § 3.3. Une fois fixé ainsi le cadre d'une réinterprétation du modèle de
Bean, on discute la forme mathématique de sa présentation traditionnelle (§ 3.4), et
on en propose une meilleure, basée sur des notions classiques d'analyse convexe, en
introduction à la Section 4 (§ 4.1). On montre alors (§ 4.2) comment la formulation
ainsi trouvée se prête à l'intégration à un code de calcul, et on établit, pour finir, la
stabilité du modèle par homogénéisation (§ 4.3). La théorie du conducteur parfait
est développée de façon indépendante dans l'Annexe A. L'Annexe B présente un
modèle d'algorithme adapté au calcul des courants de Foucault avec loi de Bean
généralisée.
2. Le modèle de Landau-Gainsbourg
Pour une introduction au modèle de Landau-Gainsbourg, nous partirons d'un
problème de magnétostatique, afin de sérier les difficultés. Soit donc, dans le
conducteur Cs de la Fig. 1, une densité de courant j s donnée, indépendante du
temps, et soit à calculer le champ magnétique. Celui-ci ne dépend pas du temps non
plus, et en conséquence e = 0 dans le conducteur 1 1 C, où il n'y a donc pas de
courants de Foucault, d'où j = js. On pourrait résoudre le problème en posant h =
hs + grad ϕ, où h s est un "champ-source" approprié, construit de telle sorte que
rot h s = j s, et ϕ le potentiel magnétique. Ici, on préférera utiliser un potentiel
vecteur a tel que b = rot a (il en existe, puisque div b = 0, mais sans unicité).
L'équation à résoudre est alors1 2
(6)
rot(µ−1 rot a) = js dans E3 ,
plus si l'on y tient1 3 une "condition de jauge", par exemple div a = 0, de manière à
fixer a, qui n'est autrement défini par (6) qu'à un gradient près.
11
Ceci n'est pas totalement évident, et l'exercice est laissé au lecteur. (D'après (3), rot e = 0
partout et donc en particulier dans C, et ceci, joint à div(σe) = 0 dans C et à σ n · e = 0 sur
S, entraîne e = 0 dans C. Prendre garde au cours de cette démonstration à ce que C n'est pas
forcément connexe, ni simplement connexe (cas de la Fig. 1).)
12
On note E3 (espace euclidien affine de dimension 3) l'espace ordinaire, muni de sa métrique
habituelle (produit scalaire " · ", mesure des longueurs, des aires et des volumes). On notera en
général x le point courant et dx l'élément de volume dans les intégrations.
13
En pratique, ce n'est pas nécessaire. Voir sur ce point la thèse de M. Barton [Br] et les travaux
plus récents de Ren [Re].
-8-
2.1 Formalisme de la magnétostatique
Sous cette forme, le problème n'est pas correctement posé1 4, car rien de précis
n'est dit sur les propriétés a priori de a (continuité ? différentiabilité ? régularité ?
comportement à l'infini ?). Le rotationnel de a doit être de carré intégrable, car
l'intégrale ∫E3 |rot a|2 est apparentée à l'énergie du champ magnétique, laquelle doit
être finie. Mais par ailleurs, demander à a d'être différentiable, condition suffisante
mais pas nécessaire pour que son rotationnel soit partout bien défini, serait trop
restrictif. Donc, selon une idée classique (celle des "solutions généralisées" des
équations aux dérivées partielles), on considère comme admissibles, a priori, outre
les potentiels vecteurs réguliers (indéfiniment différentiables et nuls en dehors
d'une partie bornée de l'espace) pour lesquels on a bien ∫E3 |rot a |2 < ∞, toutes leurs
limites, prises selon la "norme de l'énergie" associée à cette intégrale. D'où la suite
de définitions suivantes (dont certaines ne seront utiles que plus loin) :
Définition 1. On note C0 ∞(D) [resp. C 0 ∞(D)] l'espace vectoriel des fonctions 1 5
[resp. des champs de vecteurs] indéfiniment différentiables et de carré intégrable
sur un domaine D de l'espace E3 , et à support contenu dans D. On note
C∞(D) [resp. C ∞(D)] l'espace vectoriel formé par les restrictions à D (réunion
de D et de sa frontière) des éléments de C0 ∞(E3 ) [resp. de C 0 ∞(E3 )].
Définition 2. On note L2 (D) [resp. IL2 (D)] le complété de C∞(D) [resp.
C ∞(D)] relativement à la norme || f || = [∫D |f(x)| 2 dx] 1/2. Même définition pour
Lp et ILp , avec p ≥ 1 à la place de 2.
Autrement dit, L2 (D) comprend, en plus des fonctions régulières de carré
intégrable sur D, les limites de suites (de Cauchy) de telles fonctions. Comme on
le sait, L 2 (D) et IL2 (D) sont des espaces de Hilbert pour les produits scalaires
(f, f') = ∫D f(x) f'(x) dx, dans le cas des fonctions, et (u, u') = ∫D u(x) · u'(x) dx dans
celui des champs1 6, le point désignant alors le produit scalaire ordinaire entre
vecteurs de dimension 3.
Définition 3. On pose
L2 grad(D) = {f ∈ L2 (D) : grad f ∈ IL2 (D)},
IL2 rot(D) = {u ∈ IL2 (D) : rot u ∈ IL2 (D)},
et on fait de ces espaces vectoriels des espaces de Hilbert en les munissant des
14
Le lecteur peu soucieux de ces subtilités peut aller tout de suite au § 2.2, quitte à se reporter
aux définitions ci-dessous pour le sens des notations telles que L2grad, etc.
15
Selon le contexte, il s'agira de fonctions ou de champs à valeurs réelles ou complexes.
16
Noter l'usage du prime, employé ici dans le sens de "un autre objet du même type que (...)", et
jamais pour la dérivation.
-9-
produits scalaires
((f, f')) = (f, f') + (grad f, grad f'), ((u, u')) = (u, u') + (rot u, rot u').
Définition 4. On note Φ° et A° les complétés, par rapport aux normes
[∫E3 |grad ϕ| 2 ]1/2 et [∫E3 |rot a|2 ]1/2 respectivement, de L2 grad(E3 ) et du quotient de
IL2 rot(E3 ) par grad(L2 grad(E3 )).
Ceci demande quelques explications. L'espace A°, par définition d'un quotient,
est formé de classes d'équivalence de potentiels vecteurs, deux de ceux-ci étant
tenus pour équivalents s'ils sont égaux à un gradient près (et ont donc le même
rotationnel). Si rot a = 0, a est un gradient, donc appartient bien à la classe
d'équivalence du champ a ≡ 0, de sorte qu'on a bien affaire à une norme. On passe
au complété de manière à pouvoir appliquer les techniques hilbertiennes. Même
démarche pour Φ°, qui est l'espace des potentiels scalaires. Ceci rend beaucoup de
choses plus faciles, mais complique en revanche la description de Φ° et A°, car ce
ne sont pas des sous-espaces de L 2 (E3 ) et IL2 (E3 ), mais des espaces abstraits
(leurs éléments sont des classes d'équivalence de suites de Cauchy ...), peu agréables
à manipuler. Heureusement, on démontre [DL] que Φ° et A° peuvent être
identifiés à des sous-espaces de L 6 (E3 ) et IL6 (E3 ) respectivement. En conséquence,
on notera
Φ = {ϕ ∈ L6 (E3 ) : grad ϕ ∈ IL2 (E3 )},
A = {a ∈ IL6 (E3 ) : rot a ∈ IL2 (E3 )}.
Tout élément de Φ° ou de A° a ainsi un représentant dans Φ ou dans A. La
distinction entre Φ et Φ° est assez byzantine (il n'y a qu'une fonction par classe),
mais celle entre A et A° est essentielle : A n'est qu'un espace contenant tous les
potentiels vecteurs admissibles, alors que A° est l'espace des classes de potentiels
définies par l'"équivalence de jauge", chaque classe correspondant à un seul et
même champ b. (La différence entre deux a d'une même classe étant physiquement
inobservable, c'est donc A° et non A qui est l'espace de configuration du champ
magnétique.)
Revenons maintenant au problème (6). On a ceci :
Proposition 1. Si js est à support borné et vérifie div j s = 0, il existe a ∈ A, non
unique, mais appartenant à une unique classe de A°, tel que
(7)
∫E3 µ−1 rot a · rot a' = ∫E3 js · a' ∀ a' ∈ A.
Démonstration. Comme ∫E3 js · grad ϕ' = 0 pour ϕ' ∈ Φ, le second membre ne
dépend que de la classe de a', et constitue donc une fonctionnelle linéaire sur A°.
Celle-ci est continue si Cs = supp(j s) est borné (appliquer Hölder), d'où le résultat
- 10 -
d'après le Lemme de Lax-Milgram, mais en appliquant celui-ci dans A° (et non
pas dans A). ◊
La relation d'intégration par parties (ou "formule de Green") ∫E3 u · rot a' =
∫E3 rot u · a', appliquée à u = µ−1 rot a, montre alors que a est solution de (6).
Or il est bien connu que (7) est l'équation d'Euler d'un problème variationnel,
celui consistant à
(8)
trouver a ∈ A tel que W s(a) ≤ Ws(a') ∀ a' ∈ A,
où l'on a posé
(9)
W s(a) = 1 /2 ∫E3 µ−1 |rot a|2 − ∫E3 js · a.
Le problème (7) consiste donc à trouver le champ qui minimise ce lagrangien 1 7,
associé à l'induction b = rot a et au courant-source.
2.2 Lagrangien de Landau-Gainsbourg
La modification introduite par Landau et Gainsbourg consiste à adjoindre à a
un autre champ, scalaire celui-là, à valeurs complexes, noté ψ, et à augmenter le
lagrangien ci-dessus de termes relatifs à ψ et à l'interaction ψ–a. Ce nouveau
champ, dit paramètre d'ordre, est défini sur la partie supraconductrice. Le carré de
son module est la densité des porteurs de charge, qui sont dans la théorie BCS des
paires d'électrons se déplaçant solidairement 1 8. Le nouveau lagrangien s'écrit ainsi
(cf. [OD]), avec ∇ pour grad et h pour la constante de Planck réduite :
(10)
1 |( h ∇ − i q a)ψ| 2
L s(a, ψ) = Ws(a) + 1 /2 ∫SC fθ(x)(|ψ(x)|2 ) dx + 1 /2 ∫SC m
où q est la charge des paires (deux fois celle de l'électron), m un paramètre dont
la dimension est celle d'une masse, et f une fonction, paramétrée par la température
locale θ(x), dont l'allure est donnée par la Fig. 5. Le terme ( h ∇ − i q a)ψ, qui doit
naturellement se lire h grad ψ − i qψ a, est un champ de vecteurs complexes. La
masse m caractérise l'inertie des porteurs de charge, mais ne se réduit pas forcément
à deux fois la masse de l'électron, car du fait de l'interaction des deux électrons avec
17
lequel a la dimension d'une énergie, mais n'est pas l'énergie du champ magnétique ; celle-ci
s'exprime par 1/2 ∫ µ−1 |b|2 ≡ 1/2 ∫ µ−1 |rot a|2.
18
Mais la théorie de Landau-Gainsbourg est antérieure à cette interprétation [La, GL], et pourrait
s'en passer : c'est comme on dit une "théorie phénoménologique", qui peut s'appliquer sous une
forme quasi-identique à d'autres phénomènes que la supraconductivité. Par ailleurs, elle est censée
se déduire de la théorie BCS par moyennisation, ou homogénéisation. Cf. [Gr]. Mais ce dernier
article ne donne pas de vraie démonstration, et le travail mathématique sur ce point n'est peut-être
pas achevé.
- 11 -
le réseau cristallin, grâce à laquelle ils restent appariés, tout le réseau participe à cette
inertie. (Il y a là une analogie avec l'interaction fluide-structure, avec sa notion de
"masse ajoutée" [CP, MO].) On va donc appeler m "masse apparente" par la
suite.1 9
fθ
fθ
θ > θc
|ψ| 2
|ψ0 |
2
θ < θc
|ψ|
2
Figure 5. Fonction f θ de (10), selon que la température est supérieure ou inférieure à
la température critique θc . Plus bas (éq. (13)), on note ∂f la dérivée de f par rapport à
son argument |ψ|2 (et non pas |ψ|).
Cette masse apparente dépendant bien sûr du matériau, on voit que la nature de
celui-ci intervient de deux façons distinctes dans le nouveau lagrangien : par
l'intermédiaire de m (qu'il faut donc placer à l'intérieur de l'intégrale dans le
troisième terme de (10)), et par la forme de la fonction f. Deux paramètres
suffisent à caractériser celle-ci : on a l'habitude de la décrire par f(|ψ| 2 ) = α |ψ| 2 +
1
/2 β |ψ| 4 , avec α et β fonctions de la température (typiquement, α =
α 0 (θ/θc − 1), et donc α < 0 dans l'état supra). Il est commode d'introduire le
rapport ψ0 = (−α/β)1/2 comme valeur de référence pour ψ, car il correspond au
minimum du second terme du lagrangien (Fig. 5). On adopte alors pour paramètres
descriptifs
m
1
h ,
λ = qψ µ ,
0
0
– 2mα
connus sous les noms de longueur de cohérence et profondeur de pénétration de
London respectivement, et on classe les supraconducteurs selon la valeur du rapport
κ = λ/ξ, sans dimension : "type I" si ξ est grand devant λ, "type II" si c'est le
contraire. La théorie de Landau-Gainsbourg par elle-même ne dit rien sur les
valeurs de λ et ξ, mais elle permet de les relier à des quantités observables (et par
ailleurs le raccord avec la théorie BCS permet de les prédire). L'ordre de grandeur
est 0,1 µm pour λ (ou plus, pour les alliages très résistifs ou les composés à
faibles densités de porteurs) et ξ va de 3 nm à plus de 1 µm [OD] (1 nm pour
les supras à haute température critique).
(11)
19
ξ=
"Masse effective" est déjà pris, et correspond à une notion différente. (Je remercie P. Manuel
de ses informations sur la nature du terme m, et sur quelques autres points de physique. Les
erreurs d'interprétation qui peuvent subsister sont bien entendu de mon fait.)
- 12 -
Remarque 1. La forme du lagrangien (10), avec en particulier ce troisième terme
où figure une dérivée covariante, se retrouve dans toute une classe de théories
physiques, dites "théories de jauge". Voir p. ex. [JT].
2.3 Équations de Landau-Gainsbourg
Les solutions physiques sont les points {a, ψ} pour lesquels le lagrangien est
stationnaire (les solutions stables sont les minima, s'ils existent). Il est naturel de
chercher a dans le même espace A que précédemment et ψ dans l'espace
fonctionnel (complexe) L2 grad(SC), que l'on notera donc Ψ. Les points de stationnarité
sont les solutions de l'équation d'Euler, que l'on obtient en dérivant L s par rapport
à a et ψ, c'est-à-dire, sous forme variationnelle, les solutions du problème consistant
à trouver a ∈ A et ψ ∈ Ψ tels que, pour tout a' dans A et tout ψ' dans Ψ,
(12)
qh
q2
∫E3 µ−1 rot a · rot a' + ∫SC ( m Im[ψ ∇ψ*] + m |ψ| 2 a) · a' = ∫E3 js · a'
(où * dénote la conjugaison complexe) et
(13)
∫SC ∂f(|ψ| 2 ) ψ ψ' + ∫SC 1 ( h ∇ − i q a)ψ · ( h ∇ + i q a) ψ' = 0.
m
Telles sont les équations de Landau-Gainsbourg 2 0, auxquelles on se référera
désormais sous le nom de (LG), ou "théorie LG".
Il est peut être plus éclairant de les présenter sous forme "forte", en introduisant
l'opérateur différentiel GRADa = grad − iqa/ h (dit "dérivée covariante" relativement à
la "connexion" a [Bl]) et son adjoint − DIVa ≡ − div + iqa/ h :
(14)
rot(µ−1 rot a) = js + J,
(15)
2
− DIVa( h GRADa ψ) + ∂f(|ψ| 2 ) ψ = 0
m
(où l'on a noté J la densité de supercourants, soit
(16)
qh
q2
qh
J = m Im[ψ* ∇ψ] − m |ψ| 2 a ≡ m Im[ψ*
GRADa
ψ] ),
plus la condition à la limite impliquée par (13), qui est
(17)
n · GRADa ψ ≡ n · grad ψ − i q/ h ψ n · a = 0
sur la frontière du supraconducteur.
20
Il y a des équations analogues pour d'autres phénomènes que la supraconductivité (le
micromagnétisme, par exemple [Ba]), avec pour point commun le fait de prédire la formation de
"structures cohérentes" (ici, les vortex). Le prototype de ces modèles est l'"équation de LandauGainsbourg complexe", ∂t ψ = λψ + (1 + iα)∆ψ − (1 + iβ)|ψ|2ψ, avec α et β réels, qui a fait
l'objet de nombreux travaux. Voir p. ex. [CO, RT, SM].
- 13 -
Remarque 2. Si l'on écrit ψ sous forme polaire, ψ = |ψ| e iγφ, avec γ = q/ h , on a
∇ψ = eiγφ (∇|ψ| + iγ|ψ|∇φ), d'où Im[ψ* ∇ψ] = γ |ψ| 2 ∇φ, et donc J = m −1 q2 |ψ| 2
(∇φ − a), montrant comment la densité de paires |ψ| 2 et la phase φ du paramètre
d'ordre contribuent chacune à sa façon au supercourant. Avec ces notations, l'équation
(15) se réécrit comme un système couplé :
2
q2
− div( h grad |ψ|) + m |ψ| |∇φ − a|2 + ∂f(|ψ| 2 ) |ψ| = 0,
m
q2 2
− div( m |ψ| (grad φ − a)) = 0,
avec sur la frontière, au lieu de (17), n · ∇|ψ| = 0 et |ψ| 2 n · (∇φ − a) = 0. ◊
Remarque 3. Dans le même ordre d'idées, réécrivons le troisième terme de (10).
On a |( h ∇ − i q a)ψ| 2 = ( h ∇|ψ|)2 + q2 |ψ| 2 |∇φ − a|2 . Le premier terme pénalise
les variations de densité des paires de Cooper. Le second est proportionnel à J 2 , et
donc à l'énergie cinétique des paires. ◊
Si la température est partout supérieure à la température critique caractéristique
du matériau constituant SC, alors ∂f ≥ 0, de sorte que la seule solution de (15) est
ψ = 0. Le seul point de stationnarité de L s correspond à ψ = 0, et à la
minimisation de W s(a), et il ne se passe rien de spécial. Par contre, pour θ < θc, le
second terme du lagrangien peut prendre une valeur négative pour ψ ≠ 0, et il peut
donc y avoir d'autres points de stationnarité {a, ψ}, avec ψ ≠ 0, pour lesquels (le
troisième terme de (10) ne compensant pas la baisse du second) une valeur de
L s(a, ψ) plus basse que le minimum de Ws(a) est obtenue. Comme {a 0 , 0}, où
a0 est la solution de (8), est aussi un point de stationnarité, l'apparition de la
supraconductivité (caractérisée par ψ ≠ 0) s'avère un phénomène de bifurcation
[BG, Od], à partir de {a0 , 0}, vers une solution {a, ψ} "énergétiquement plus
favorable".
Cette non-unicité dans (12)(13) ne doit pas être confondue avec celle due à
l'invariance de jauge, qui affecte (12)(13) au même titre que (7). Si {a, ψ} est une
solution de (12)(13), alors {a + ∇v, ψeiγv }, avec γ = q/ h et v réel pris dans
C0 ∞(E3 ),2 1 en est une autre. En effet, ∇(ψeiγv ) = eiγv (∇ψ + iγψ∇v), de sorte que
( h ∇ − i q(a + ∇v)) ψeiγv = eiγv [ h ∇ + i h γ∇v − i q(a + ∇v)]ψ
= eiγv [ h ∇ − i qa ]ψ,
et donc (cf. (9) et (10)) L s(a, ψ) = L s(a + ∇v, ψeiγv ) : le lagrangien est invariant
par la transformation de jauge {a, ψ} → {a + ∇v, ψeiqv/h }, comme W s l'était par
la transformation a → a + ∇v. On pourra vérifier que cette transformation laisse
invariantes toutes les quantités pourvues d'un sens physique : l'induction rot a, le
supercourant J, et la densité de paires |ψ| 2 .
21
Il suffit que ∇v ∈ IL∞(E3).
- 14 -
Remarque 4. Cette discussion donne à penser qu'il y a incohérence à définir ψ
comme vivant sur SC seulement alors que v vit sur tout l'espace. Ceci rend
suspecte la condition de Neumann (17). Celle-ci, qui semble venir de [Gr], est
reproduite ici comme étant la plus souvent admise [CH]. Mais il y a quelque
incertitude sur ce point ([DG], p. 59, [Ya], p. 356, [OD], p. 549). D'ailleurs, c'est
seulement lorsque le supraconducteur est en contact avec un isolant, ou le vide, que
l'on applique cette condition, et il reste à voir quoi faire lorsque le supra est en
contact avec un conducteur ("effet de proximité"). Du point de vue mathématique,
une condition de Dirichlet (ψ = 0 sur la frontière de SC) serait plus naturelle2 2:
Ψ serait alors le sous-espace {ψ ∈ L2 grad(E3 ) : ψ = 0 hors de SC} de L2 grad(E3 ),
ou même 2 3 L2 grad(E3 ) tout entier, quitte à laisser à la fonction f le soin de
pénaliser les valeurs positives de |ψ| hors du supraconducteur. ◊
Quoi qu'il en soit, les équations (12)(13) ont fait l'objet de nombreux travaux
mathématiques [BG, BC, BB, CO, CH, DG, DP, FH, Od, Tg, YW, WY, Ya], pour
leur propre compte, ou comme point de départ vers la construction d'autres modèles,
ou encore dans le but d'expliquer les formes de champ effectivement observées.
2.4 Morphologie des solutions
Celles-ci sont spectaculaires, tout au moins pour les supras dits "de type II",
selon la classification évoquée plus haut (Fig. 6). Lorsqu'une mince feuille de
supra de type II est placée dans un champ magnétique, on constate l'apparition de
zones tubulaires verticales, ou "vortex", disposées en quinconces, où l'état normal
est rétabli. Leur observation s'est faite pendant longtemps par le procédé de
"décoration" consistant à saupoudrer la surface avec des grains aimantables très
fins. Ceux-ci s'agglomèrent aux extrémités des tubes (analogues à de petits aimants),
que l'on peut alors repérer au microscope électronique. Cf. [Hu, Gu, Kh]. Mais
plus récemment, le procédé par holographie électronique de Harada [Bi, To] a
permis non seulement d'observer cette structure en nids d'abeilles, mais de voir
bouger, en temps réel, les extrémités des tubes, et d'observer divers phénomènes de
transition, comme par exemple la fusion des vortex en une phase normale continue
lorsque l'accroissement du champ ambiant détruit peu à peu la supraconductivité.
Pour des valeurs modérées de ce champ, on constate que les vortex se déplacent de
façon discontinue, par bonds, entre des sites privilégiés où ils semblent chercher à
se mettre, comme s'ils jouaient aux quatre coins.
22
La densité de paires de Cooper est définie, en droit, dans tout l'espace, quitte à être nulle hors
des supras. Or (17) implique une discontinuité de ψ à l'interface, ce qui est difficile à accepter,
dans la mesure où ψ a un gradient, et donc une trace.
23
et c'est la solution qui me paraît la plus raisonnable, même si elle n'est pas orthodoxe ; mais
il resterait, pour exploiter cette idée, à proposer une "masse apparente" et une fonction f pour les
conducteurs ordinaires (sans doute celle de gauche de la Fig. 5), ainsi que pour les isolants et le
vide. La condition (17) serait peut-être alors valable à une certaine profondeur, au-delà d'une
certaine couche limite où ψ passerait rapidement de 0 à une valeur interne non-nulle
(phénomène de "perturbation singulière", cf. Annexe A).
- 15 -
Ces "sites d'ancrage" sont des régions du matériau où la tendance à retrouver
l'état normal est plus forte qu'ailleurs, à cause de la présence d'impuretés, ou de
dislocations, ou même de défauts de structure provoqués artificiellement2 4. (La
façon d'en tenir compte dans une simulation numérique serait sans doute d'augmenter
localement la valeur du m de (11), et de diminuer la valeur absolue du paramètre α
de la fonction f.)
j sc
jsc
x3
x2
x1
j
j
h
Figure 6. Supraconducteurs de type I (à g.) et II (à d.) plongés dans un champ
magnétique permanent. Dans le premier cas, le champ ne pénètre que très peu (une
couche de supercourants, d'épaisseur de l'ordre de λ (cf. (11)), se crée à la périphérie et
fait écran), et les lignes de champ contournent la pièce. Dans le second cas, une partie
du champ passe par les "vortex" ou "tourbillons d'Abrikossov", zones tubulaires où le
matériau est dans son état de conductivité normale, le reste étant supraconducteur. (La
figure n'est pas à l'échelle : le diamètre des vortex est de l'ordre de 0,1 µm [Gu, p.
560], de même que l'épaisseur de la couche de supercourant périphérique ; leur distance,
variable selon l'intensité du champ appliqué, est de l'ordre du micron. Cf. p. ex. [Ab],
p. 1177, [Bi], [Hu], p. 415, [Da], p. 1046, [MF], p. 7, [OD], p. 262.) Chaque tube
porte un quantum de flux Φ0 = h/q (où q est deux fois la charge de l'électron), soit Φ0
~ 2 10−15 T x m2 (cf. plus bas, Remarque 5).
Donc, pourquoi ces tubes de flux ? Peut-on déduire leur existence, leur taille,
leur disposition, de l'examen des équations ? Les travaux cités (et bien d'autres) se
consacrent principalement à cette question, encore très ouverte. Grosso-modo, la
présence des vortex est "énergétiquement avantageuse" dans le cas de supras de
type II (ξ << λ) : les configurations avec réseau de vortex ont une plus faible
énergie libre dans les supras de type II, pour un champ appliqué assez grand, que
celles en domaines de taille largement supérieure à λ, caractéristiques du type I.
On trouvera partout la justification "avec les mains" [An, Gd] de cette affirmation.
24
En effet, ce phénomène d'ancrage des vortex ("flux-pinning" [Ma]) est souhaitable en pratique,
car le déplacement des vortex, individuellement ou ensemble ("flux-creep", "flux flow" [Kh]) est
un phénomène dissipatif [BF], qui se traduit par une résistance, et qu'on cherche donc à éviter.
- 16 -
Mais il semble qu'on doive attendre encore la preuve de l'existence éventuelle d'un
minimum, et du fait que la solution correspondante serait à vortex. (Voir, dans cette
direction, [BB, Tg, DG].) On sait toutefois que le système LG est "bien posé", au
moins avec des conditions de périodicité convenables ou pour certaines valeurs de
κ [Od, YW], et les simulations numériques faites sous ces conditions (en dimension
2, sauf rares exceptions [JP]) donnent effectivement des vortex [DP, Sc]. On sait
aussi expliquer la répartition régulière des vortex (en quinconces, ou en damier, et
pas autrement), grâce à des résultats généraux concernant la bifurcation en présence
de symétries [BG].
2.5 Vortex, lignes de courant, et champ moyen
Enfin, dans le cas d'une invariance dans la direction des x 3 (Fig. 6), ce qui est
une approximation acceptable si l'épaisseur de l'échantillon est suffisante (de l'ordre
de 0,1 mm), de simples arguments de topologie des champs de vecteurs permettent
de se faire une idée du dessin des tourbillons. En effet, l'équation rot h = j est
toujours en vigueur, que j soit le courant ou, comme c'est le cas ici, le supercourant.
Donc si le champ magnétique est vertical et indépendant de x 3 , de la forme {0, 0,
h3 (x1 , x2 )}, la densité de courant (vectorielle, dans le plan x—y) est le champ
{∂2 h3 , − ∂1 h3 }. Les lignes de courant sont donc les isovaleurs de h3 , c'est-à-dire les
lignes de niveau de la surface représentative de h 3 . Dans le cas de la Fig. 6, droite,
les tubes de flux correspondent à des maxima locaux de h 3 , donc à des pics
verticaux isolés de cette surface, et se matérialisent par des lignes de courant
concentriques très serrées (les tourbillons), centrées autour des sommets d'un réseau
de triangles équilatéraux (Fig. 7).
x2
Γ
x1
Figure 7. À gauche : lignes de supercourant dans le cas de la Fig. 6, d., loin des
bords de la plaque, pour un champ appliqué vertical uniforme. (Attention, il ne s'agit
pas des iso-|ψ|.) À droite, configuration exclue, car non générique.
Si l'on exclut les points stationnaires autres que les cols (comme par exemple
la "selle de singe" à droite de la Fig. 7), qui ne sont pas stables par rapport à de
petites déformations, et si l'on tient compte de la symétrie, le dessin des lignes de
courant est forcément celui de la Fig. 7 ci-dessous. Noter qu'il y a en moyenne
- 17 -
deux fois plus de minima (très plats) que de sommets, et trois fois autant de cols, du
fait de la formule d'Euler-Poincaré, <nb. de pics> − <nb. de cols> + <nb. de fonds>
= 0, appliquée au tore obtenu en identifiant les côtés opposés d'un des losanges de
la Fig. 7.
La vue perspective correspondante est souvent donnée comme sur la Fig. 8,
avec un faisceau de tubes à l'état normal (N) entourés d'une phase supraconductrice
(S). Cette visualisation est abusive, car la transition du supra au normal est bien sûr
continue, mais dans le cas ξ << λ, qui est celui des supraconducteurs "durs", ou
"de type II extrême", d'intérêt industriel, elle rend bien compte des choses, car la
zone de transition de |ψ| = 0 (état normal) à sa valeur maximale (état supra) a une
largeur de l'ordre de ξ, donc faible à l'échelle de cette figure.
N
N
N
S
N
x3
N
x2
x1
N
b
Figure 8. Tubes de flux, un pour chaque hexagone de la Fig. 7.
Le fait que ξ/λ soit petit a une autre conséquence : le deuxième terme de (11)
domine le troisième, sauf fortes variations de |ψ|, de sorte que la valeur de |ψ| loin
des vortex est celle qui minimise le second terme de (11), à savoir |ψ0 |. On peut se
représenter l'allure des variations de |ψ| et h 3 le long d'une ligne passant par un
centre de vortex comme suit (Fig. 9) :
h
|ψ|
|ψ0 |
h3
Figure 9. Profils de |ψ| et h3 le long d'une ligne passant par le centre d'un vortex.
Remarque 5. Soit Γ l'hexagone en pointillé de la Fig. 7. La fonction h 3 est
paire par réflexion par rapport aux côtés de Γ, de sorte que ∂ n h3 = 0 sur Γ, n
désignant comme d'habitude la normale extérieure, dans le plan x1 x2 . Or ∂ n h3
n'est autre que la partie tangentielle du supercourant J le long de Γ. La circulation
de J sur Γ est donc nulle. Par ailleurs, Γ est tracé aussi loin que possible des
zones normales, donc dans une partie du supraconducteur où |ψ| = |ψ0 |, de sorte
- 18 -
que J = m−1 q2 |ψ0 | 2 (∇φ − a) (Remarque 2). Donc la circulation de a le long de
Γ — qui n'est autre que le flux d'induction à travers l'hexagone, d'après le Th. de
Stokes — est égale à celle de grad φ. Or cette dernière, sur un circuit fermé, ne
peut être qu'un multiple entier de 2π h /q, puisque ψ = exp(i h −1 qφ) doit retrouver
la même valeur, une fois le circuit bouclé, au point de départ de celui-ci. On conclut
que le flux dans chaque tube est un multiple entier (1, en pratique) du quantum de
flux Φ0 = h/q mentionné en légende de la Fig. 6. Cette quantification du flux des
vortex n'est donc pas une loi physique supplémentaire, extérieure aux équations
LG. Elle tient à la façon dont le lagrangien de LG dépend de la phase φ, et à ce
titre, elle a un rapport étroit avec l'invariance de jauge. Cette quantification suppose
|ψ| = Cte sur le circuit d'intégration, et ne vaut plus autrement. Elle n'est donc pas
quelque chose d'absolu, ce qui ne diminue d'ailleurs en rien son importance pratique :
c'est à elle que les mesures du champ magnétique à l'aide de SQUIDS [SF, Te]
doivent leur extraordinaire précision. ◊
B
I
I
b
x3
x2
x1
Figure 10. Les deux amenées de courant sont faites d'un conducteur normal. La
plaque horizontale est supraconductrice, et comme à la Fig. 6, elle est immergée dans un
flux magnétique vertical B (assez grand par rapport à l'induction créée par le passage du
supercourant, ici symbolisée par b). Comment les tubes de flux se distribuent-ils ?
D'après la Fig. 7, la densité moyenne, à grande échelle, des supercourants est
nulle. C'est bien normal dans le cas de la Fig. 6, mais que se passe-t-il si l'on force
un courant continu à travers le supraconducteur, comme sur la Fig. 10 ?
Dans ce cas, la densité des vortex est non uniforme, ce qui est la condition
d'existence d'un supercourant macroscopique, comme on va le vérifier. Pour la
discussion qui suit, on note "grot" l'opérateur qui à la fonction h associe le
champ de vecteurs {∂2 h, − ∂1 h}.
Soit χ une fonction positive des variables x1 et x2 , régulière, de somme 1,
paire en x 1 et en x2 , de support assez grand pour contenir un nombre élevé de
vortex, et définissons le "champ moyen" par H = χ ∗ h, où ∗ est l'opérateur de
convolution. Si l'on pose J = grot H, on a J = grot(χ ∗ h) = χ ∗ grot h ≡ χ ∗ j,
donc J est bien le super-courant moyen, et il n'est pas nul si H n'est pas constant,
c'est-à-dire si la densité de répartition des vortex varie à grande échelle. Après la
prise de moyenne, ou lissage, que constitue cette convolution, on ne "voit" donc
plus les vortex. (En revanche, on voit toujours le supercourant à la surface de la
- 19 -
pièce. Celui-ci est donc "macroscopique", à l'échelle de χ, alors que le supercourant
des vortex est "microscopique". L'emploi de ces mots en ce sens paraît conforme à
l'usage.)
N
N
N
S
N
j
N
N
b
x3
x2
x1
x1
x2
Figure 11. Esquisse des lignes de courant dans le cas d'une distribution de vortex dont
la densité varie (de façon très exagérée sur ce dessin), montrant la possibilité d'un
supercourant macroscopique.
Remarque 6. On peut procéder à un calcul plus détaillé en supposant h de la
forme ∑i, j = 1, N exp(− (|x1 − xij1 | 2 + |x2 − xij2 | 2 )1/2/ξ), où ξ est la longueur de
cohérence définie en (11), les points x ij étant disposés selon une loi simple
impliquant une variation régulière de leur densité, par exemple, xij1 = λaf(i), xij2 =
λaj, où f(i) = i + ε i 2 , avec ε petit, et a une constante de l'ordre de l'unité. On
suppose N grand et diam(supp(α)) grand devant la longueur de London λ
(nettement plus grande que ξ). Le calcul peut être instructif, mais ne fait que
corroborer le raisonnement ci-dessus. ◊
Revenons à la Fig. 10. On a en gros H = B/µ0 au centre de la plaque, et H
varie, toujours en gros, de (B − b)/µ0 à (B + b)/µ0 du bord avant au bord arrière
de la plaque. Il y a donc une légère accumulation de vortex vers l'arrière, comme le
suggère la Fig. 11.
2.6 Le cas non stationnaire
Que se passe-t-il en cas de courants variables ? La généralisation de l'éq. (7)
est facile : sa forme d'évolution est trouver a ∈ A et v ∈ Φ tels que, à chaque
instant,
(18)
∫E3 σ(∂ta + ∇v) · a' + ∫E3 µ−1 rot a · rot a' = ∫E3 js · a' ∀ a' ∈ A,
(19)
∫E3 (∂ta + ∇v) · ∇v' = 0 ∀ v' ∈ Φ0 ,
plus une condition initiale à t = 0, où Φ0 est le sous-espace des potentiels tels que
- 20 -
σ∇ϕ = 0. En effet, posant e = −(∂ta + ∇v) et b = rot a, (18) signifie que rot h =
js + σe. Le problème ainsi résolu est donc celui des courants de Foucault, défini
par les équations (1—4).
Le phénomène d'invariance de jauge se manifeste à nouveau ici : si {a, v} est
une solution, {a + ∇φ, v − ∂tφ} en est une autre. Vers la fin des années 70,
lorsque la question s'est posée de développer des codes 3D, c'est (18)(19) que l'on a
d'abord cherché à discrétiser, parce que la forme "forte" de ces équations, à savoir
σ(∂ta + ∇v) + rot(µ−1 rot a) = js, div(∂ta + ∇v) = 0 dans l'air,
est très familière aux électrotechniciens. Mais cette formulation présente deux
inconvénients évidents (et corrélés) : un certain gaspillage de degrés de liberté,
puisqu'il y en a quatre par nœud du réseau (un pour v, trois pour a), et la non
unicité due à l'équivalence de jauge. On a voulu y remédier par des "choix de
jauge" consistant à imposer des relations supplémentaires telles que, par exemple,
div a = 0, de manière à assurer l'unicité. Mais ceci se traduit en contraintes
algébriques sur les degrés de liberté, difficiles à implémenter, d'où une série de
novations douteuses, telles que celle consistant à pénaliser la divergence, etc. Le
temps aidant, les tenants de cette "filière du potentiel vecteur" ont fini par obtenir
des méthodes numériques commercialisables [BP, BE], même si leur efficacité
dépend de l'ajustement de certains paramètres numériques.
Une autre filière s'était entre temps avérée beaucoup plus directe et fiable, celle
"en h", où l'inconnue est le champ magnétique [BV] : trouver h ∈ IL2 rot(E3 ) tel
que rot h = js hors de C (la partie conductrice, où σ > 0) et que
(20)
∫E3 µ ∂th · h' + ∫E3 σ−1 rot h · rot h' = 0 ∀ h' ∈ IH0 ,
où IH0 = {h ∈ IL2 rot(E3 ) : rot h = 0 hors de C}. La forme forte en est
(21)
µ ∂th + rot(σ−1 rot h) = 0 dans C, rot h = js hors de C,
et on va revenir à la Section 4 sur le traitement de cette équation par des éléments
finis appropriés, dits "éléments d'arêtes". Symétriquement à cette formulation "en
h", et toujours avec des éléments d'arêtes, il y en a une "en e" [RB], dont la forme
faible est trouver e ∈ IL2 rot(E3 ) tel que
(22)
∫E3 σ ∂te · e' + ∫E3 µ−1 rot e · rot e' = ∫E3 − ∂tjs · e' ∀ e' ∈ IL2 rot(E3 ),
(23)
∫E3 e · ∇v' = 0 ∀ v' ∈ Φ0 ,
et la forme forte
(24)
∂t(σe + js) + rot(µ−1 rot e) = 0, div e = 0 hors de C.
- 21 -
On remarquera que (18)(19) n'est autre que (22)(23) avec une représentation
particulière de e, à savoir e = −(∂ta + ∇v) : le champ électrique e solution de
(22)(23) s'identifie à la classe d'équivalence des couples {a, v}, liés les uns aux
autres par une transformation de jauge, qui vérifient (18)(19).
Il y aurait donc une certaine ironie à ce que la prise en compte des supraconducteurs ramène à cette forme archaïque de l'équation des courants de Foucault
qu'est (18)(19). Or c'est bien ce qui semble devoir se passer : dans les (rares)
travaux consacrés jusqu'ici à cette question [CO, CH, Ka, Du], on couple l'équation
(18) avec une forme d'évolution de l'équation de Landau-Gainsbourg (13). Celle-ci,
tirée de Gorkov et Eliashberg [GE], comporte les mêmes termes que (13) plus un
terme d'évolution h ∂tψ + iqv ψ. Malheureusement, aucune des formulations
proposées jusqu'ici n'est satisfaisante, car les conditions aux limites sur a et v
sont toujours imposées à la frontière du supraconducteur, de façon tout à fait
artificielle, puisque l'effet des champs extérieurs aux conducteurs n'est pas pris en
compte.
Ce problème doit donc être considéré comme encore ouvert, et on pourrait
l'aborder comme suit. En supposant réglée la difficulté concernant le choix de
l'espace fonctionnel Ψ mentionnée plus haut (Remarque 4), on pourrait essayer de
généraliser le lagrangien (10) en l'adaptant à quatre dimensions au lieu de trois.
C'est facile en principe, car tous ses termes ont une interprétation géométrique dont
la généralisation à l'espace-temps est connue. Par exemple, le potentiel vecteur a
est en fait la représentation en dimension 3 d'une forme différentielle de degré 1,
et rot a est la représentation vectorielle de sa dérivée extérieure. Or les versions à
quatre dimensions de ces objets sont a − v dt, et rot a − (∂ta + grad v) ∧ dt.
L'analogue du carré de la norme µ−1 |rot a| 2 est alors µ−1 |rot a|2 − ε |∂ta + grad v| 2
(le signe est − et non pas + devant ε, car il s'agit de la pseudo-métrique de
l'espace-temps). En substituant ce terme à µ−1 |rot a|2 dans le lagrangien de la
magnétostatique (9), et en traitant le second membre de façon analogue, on aboutit
bien au modèle (18)(19), à condition de laisser tomber les termes en ∂tta, conformément
à l'approximation de l'électrotechnique.
On devrait donc obtenir un "système LG d'évolution" en procédant à des
substitutions de cette nature dans le lagrangien de Landau-Gainsbourg. L'analogue
de l'expression |( h ∇ − i q a)ψ| 2 , par exemple, doit être, toujours selon les mêmes
considérations de géométrie différentielle, |( h ∇ − i q a)ψ| 2 − c−1 | h ∂ tψ +iqv ψ| 2 ,
etc., où c est la vitesse de la lumière. Le problème est que ce qu'on trouve au terme
de cette procédure 2 5, quoique d'aspect plausible, n'est pas la formulation de Gorkov
et Eliashberg. Il y a donc là un problème en partie ouvert.
Cela dit, quel serait l'enjeu d'un tel travail, c'est-à-dire, que pourrait-on faire
d'utile par la simulation numérique de l'évolution des vortex, outre la satisfaction
non négligeable de voir un jour sur l'écran des paquets de spaghetti bouger comme
- 22 -
on s'attend à ce qu'ils le fassent ? On peut penser à bien des choses, mais en tout
premier lieu à la simulation du phénomène d'ancrage (à toutes fins utiles). Le
travail consisterait à résoudre le système LG d'évolution dans un parallélépipède,
avec des conditions de périodicité adéquates sur a, v et ψ, en simulant la présence
d'un réseau périodique d'"impuretés" ou de "défauts" du matériau par des
modifications locales des paramètres α et m du lagrangien LG (10). On pourrait
alors étudier la façon dont les vortex se placent dans la cellule de symétrie par
rapport aux impuretés, comment ils se déplacent lorsque le champ appliqué augmente,
comment leur nombre évolue pour s'adapter à la condition de quantification
(approximative) signalée plus haut, ce qui se passe au cours de la transition entre
(par exemple) un vortex et deux vortex dans la même cellule, etc.
Figure 12. Domaine de calcul (à g.), avec des inclusions de supraconducteur "pollué"
et périodicité dans les trois directions. Les vortex (zone où le ψ calculé est proche de
0) vont se former de préférence sur ces inclusions.
Des calculs de ce genre commencent à être publiés dans le cas statique [JP], et
d'autres concernant le cas d'évolution sont vraisemblablement en cours. Il serait très
utile d'avoir l'avis de physiciens spécialistes sur l'opportunité de tels travaux et sur
l'orientation à leur donner.
3. Le modèle de Bean
3.1 De LG à Bean
Un programme de travail ambitieux, et peut-être utile, dans cet ordre d'idées,
serait de retrouver le modèle macroscopique de Bean (5). Donnons d'abord
l'explication physique traditionnelle à l'appui de ce modèle [We].
Revenons à la situation des Figs 10 et 11, avec une distribution non uniforme
des vortex. Les forces de Laplace exercées sur le supercourant d'un vortex particulier
25
L'exercice (difficile) est laissé au lecteur. Remplacer le courant j (2-forme) par le
"quadri-courant" (3-forme) q − j ∧ dt, où q est la densité de charge (prendre garde que div j = 0
n'a plus lieu, mais seulement ∂ t q + div j = 0), et représenter le "paramètre d'ordre" ψ (qui est
maintenant fonction du temps) sous forme polaire, ψ = |ψ| exp(iγ φ). En fin de calcul, laisser
tomber les termes en ∂ t t. On observera l'apparition, outre le même super-courant que plus haut,
d'une "super-charge" en |ψ|2(v + ∂t φ).
- 23 -
ne s'équilibrent pas exactement, d'où une force résultante non nulle. Ces forces ont
tendance à déplacer les tubes de flux, mais ceux-ci sont piégés par les impuretés du
cristal, qui opposent aux forces de Laplace une certaine "force d'ancrage". Dès que
la résultante des j × b excède la force d'ancrage moyenne (moyenne, car il y a une
certaine solidarité des vortex dans ce mouvement) les tubes se mettent à dériver
parallèlement au j × b moyen, donc perpendiculairement au supercourant moyen j,
à une certaine vitesse v. D'où un champ électrique moyen v × b, parallèle à j et de
sens opposé, dont le produit scalaire avec j correspond à une dissipation de
puissance. Il y a donc résistance, et perte de supraconductivité dès que | j |
dépasse une certaine densité de courant critique, éventuellement fonction de l'induction
moyenne, pour laquelle forces de Laplace et forces d'ancrage s'équilibrent. C'est le
jc de (5).
Or il ne semble pas y avoir jusqu'à présent de version théorique de ce
raisonnement, où l'on partirait des équations LG avec inhomogénéités représentatives
des sites d'ancrage, pour montrer, peut-être par une analyse asymptotique sur des
moyennes convenables des champs ψ, h = µ−1 rot a, rot h, etc., que (5) dérive bien
des équations LG.2 6
Cette approche "réductionniste" du modèle de Bean n'est de toute façon pas
forcément la bonne, et on va en proposer une autre dans un moment. Mais supposons
tout de même que ce programme de travail ait été mené à bien. Il est peu vraisemblable
que le résultat puisse en être (5), qui affirme (si je sais lire) l'impossibilité de
dépasser en un point x la densité de courant critique quel que soit le champ
électrique local e(x). Compte tenu de l'explication ci-dessus, on s'attend à autre
chose : par exemple, à ce que e reste nul tant que | j | n'excède pas jc, mais que
tout accroissement ultérieur de la densité de courant exige un accroissement du
champ électrique e. On imagine donc une loi de comportement "locale, macroscopique, à échelle grande devant λ et ξ", ayant l'allure suivante (Fig. 13) :
|e|
|j|
jc
Figure 13. Forme attendue de la loi j—e locale, à échelle supérieure à celle des
vortex, d'après la théorie de l'ancrage des vortex et de leur dérive.
En fait, même si le passage de LG à Bean2 7 selon la démarche mathématique
suggérée reste à faire, les physiciens n'ont pas manqué d'y procéder à leur façon, et
26
En revanche, le problème analogue pour les supras de type I (passer de LG à London) semble
résolu [BC].
27
ou à autre chose, ayant le même caractère local que le modèle de Bean.
- 24 -
à en croire les spécialistes (cf. [OD], p. 373, [BF, Ti]), la théorie du mouvement
d'ensemble des vortex ("flux-flow") prédit effectivement le comportement ci-dessus
(Fig. 13), avec à droite une pente constante jusqu'à des valeurs élevées du courant,
pente qui correspond à une résistivité ρ eff très au-dessous2 8 de la résistivité normale
ρ n (à température ordinaire). (Ce qui se passe au voisinage de jc peut être plus
compliqué que la figure ne l'indique.)
Le modèle de Bean (5) semble donc être une description bien grossière de la
relation j—e à l'échelle envisagée. Mais alors comment se fait-il qu'il soit si
largement employé pour des calculs d'ingénieur [Bu, D&, H&, HK, HS, KM, Se,
SH, T&, TK] ? On trouvera l'explication de ce paradoxe un peu plus loin (Section
3.3), mais voyons d'abord ce que l'expérience dit.
3.2 Lois j—e : observations
Il n'y a évidemment aucun moyen d'aller mesurer les champs e et j en un
point du matériau, et même si c'était possible, le résultat ne serait pas forcément une
relation locale entre e et j : tout dépend du "pouvoir séparateur" des instruments
employés. Ce qui est accessible en revanche, c'est l'intensité I à travers un
échantillon et la force électromotrice E (ou différence de potentiel) appliquée pour
obtenir cette intensité, par des montages du type "à quatre points" esquissé sur la
Fig. 14. Comme l'explique la légende, on peut s'arranger pour que la caractéristique
I—E mesurée 2 9 corresponde à un échantillon parcouru par un courant uniformément
réparti. Alors, par raison de symétrie, il est légitime de passer de la loi I—E
globale observée à une loi j—e locale, par une simple règle de trois. Mais ceci
suppose d'une part que la relation I—E observée soit sans hystérésis, ce qui est
facile à vérifier, et d'autre part que la relation j—e de ce matériau soit bien locale
(en espace et en temps, donc sans hystérésis non plus), et ceci, soulignons-le, est
une hypothèse, que l'on ne peut pas vérifier directement, et qu'il faut valider en
vérifiant ses conséquences. Ce type de passage du global au local est tellement
fréquent dans l'étude des lois physiques qu'on le fait souvent sans songer à mettre
en question sa validité. Or c'est précisément ce qu'on doit faire ici, et on va y revenir
(Section 3.3).
En attendant, voyons les caractéristiques effectivement mesurées par cette
méthode. Elles sont très diverses.
28
29
On a ρeff = ρn |h|/Hc2(θ), où Hc2(θ) est le champ critique supérieur à la température θ.
"caractéristique I—V" est l'expression consacrée, changée en "caractéristique I—E" dans cet
article, pour la cohérence des notations.
- 25 -
I
I
E
Figure 14. Principe de la mesure "à quatre points" de la caractéristique I—E d'un
échantillon de conducteur, à l'aide de quatre conducteurs soudés [Sm, VW]. Taille de
l'ensemble : de quelques mm à quelques cm. Section de l'échantillon de l'ordre du mm 2
(la figure n'est pas à l'échelle). Le voltmètre mesure la chute de potentiel entre deux
points de la région médiane, où le flux du courant est uniforme. Si la résistance des
deux conducteurs du milieu est suffisante pour ne pas perturber la répartition des
courants, la mesure séparée de I et de E donne alors la caractéristique I—E de la
partie médiane de l'échantillon (entre les pointillés).
D'abord, lorsqu'on travaille avec de faibles intensités et un voltmètre très sensible,
on trouve couramment ceci, qui ressemble à la Fig. 13 :
E
I
Ic
Figure 15. Aspect des résultats de mesure en laboratoire, selon le principe de la Fig.
14, lorsqu'on s'intéresse à la détermination précise du courant critique (d'après M.
Kreisler, LGEP). Les cercles correspondent à l'erreur de mesure. La pente à droite, à
peu près constante une fois passé le coude à I c , correspond à une résistivité de l'ordre de
200 fois inférieure à la résistivité normale (à température surcritique) du même matériau.
Des courbes semblables se trouvent par centaines dans la littérature. Dans
[HJ], par exemple, on trouve les données de la Fig. 16. Celle-ci introduit un
élément nouveau, la façon dont la caractéristique I—E dépend du champ magnétique
ambiant (ici, 0,2 à 0,48 teslas). On conçoit aisément que le dispositif de la Fig.14
puisse être immergé dans un champ magnétique uniforme bien déterminé, mais ce
champ ambiant est-il le champ local ? À l'échelle d'un vortex, sûrement pas (Figs 6
et 9), mais en moyenne, à l'échelle spatiale au-dessus, oui, à condition toutefois que
le courant macroscopique dans l'échantillon reste assez faible pour que le champ
qui lui est dû soit faible devant le champ ambiant. Comme ceci peut toujours être
réalisé (il suffit de prendre un échantillon dont la surface de section soit assez
- 26 -
faible), nous pouvons accepter des caractéristiques comme celles de la Fig. 16
comme représentatives de ce qui se passe localement, et donc du paramétrage de la
caractéristique j—e en fonction du champ ambiant.
0,48 T
E (mV)
0,32 T
0,20 T
2
I (A)
3
VOLTAGE
Figure 16. Fig. 1 de [HJ] : Pb80In20 à 2,15 K.
100 µW
transition
1 µV
–8
10 Ω
100 A
CURRENT
Figure 17. Fig. 1 de [CE], ainsi légendée : "The current-voltage characteristic of a
practical superconductor with transition, power, electric field, and resistivity criteria for
critical current." La notion de "courant critique", ici, est relative aux conditions de
l'expérience : c'est l'intensité qui déclenche l'instabilité thermique, et donc le retour à
l'état normal par dépassement de la température critique.
Ceci pose la question de la dépendance par rapport à d'autres paramètres
macroscopiques, tout particulièrement la température. Du fait des pertes Joule, qui
se manifestent dès que l'intensité dépasse le seuil critique, la température de l'échantillon
tend à monter au cours de la mesure. Peut-on la maintenir rigoureusement constante ?
Si ce n'est pas le cas, il peut arriver ce que la Fig. 17 décrit, une instabilité thermique
qui rend expérimentalement inaccessible la caractéristique j—e "à température
donnée". Les auteurs de [CE] soulignent d'ailleurs le caractère flou de la notion de
"courant critique", en notant que celui-ci3 0 dépend très fortement de la configuration
30
qu'ils identifient clairement à un "point of thermal runaway on the current axis",
- 27 -
du conducteur, de la façon dont il est refroidi, etc. 3 1 Ils montrent aussi que l'état de
contrainte est un paramètre important.3 2 Il est donc essentiel de pouvoir mesurer
des caractéristiques E—I dans des conditions où les seules variables soient E et
I : température et contraintes mécaniques fixes, champ ambiant constant et uniforme,
etc. Mais on voit bien qu'il peut être impossible de
contrôler tous ces paramètres sur toute la gamme
d'intensités qu'on souhaiterait explorer : la résistance E
change de plusieurs ordres de grandeurs, donc les mêmes
instruments ne peuvent pas convenir sur toute la gamme,
et de fait, aucune mesure cohérente de ce genre ne
semble disponible. Ce qu'on s'attend à trouver si c'était
le cas est quelque chose comme la Fig. 18, avec une
sorte de deuxième valeur critique du courant au-delà de
laquelle serait retrouvée la résistivité normale, le jc de
Bean étant beaucoup plus à gauche, et la zone de dérive
des vortex se situant dans l'épaisseur du trait. De toute
façon, pour les besoins de la simulation numérique,
rien ne nous empêche de reconstituer de telles caractéristiques à partir de conditions expérimentales diverses
dans la mesure (et c'est le point qu'on va devoir examiner,
ρ1
Section 3.3) où la notion de relation j—e locale a un
ρ
2
sens.
I c1
I c2
I
Figure 18. Spéculation sur le résultat possible d'une
expérience "4-points" réellement isotherme et sur une large gamme d'intensités. La
résistance normale ρ1 est de l'ordre de 200 fois plus forte que ρ2, qui est la résistance
différentielle correspondant à la partie droite de la courbe I—E de la Fig. 14. Le seuil
Ic1 correspondrait à la densité critique de Bean et le seuil Ic2 à la perte de supraconductivité
par "dépairage", donc à des densités de courant de l'ordre de 10 12 A/m2, rarement rencontrées
en pratique.
Effectivement, il semble qu'on puisse mesurer des caractéristiques E—I dans
des conditions parfaitement isothermes sur des plages d'intensité limitées. C'est le
cas par exemple dans [HT] (Fig. 19). Le matériau est un supra de type II dont la
Tc est 12 K. La mesure est faite sur un fil de 0,3 mm de diamètre, revêtu de cuivre.
Les caractéristiques observées ressemblent bien à ce qu'on vient de conjecturer.
31
"The point to be made is that the choice of a criterion for determining critical current can
dramatically affect the results of a test" [CE].
32
Cette dépendance peut être à l'origine d'instabilités thermiques dans les grands aimants
supraconducteurs, selon le scénario suivant : au cours de la mise en charge, le courant croît, donc
aussi les forces de Laplace, donc les contraintes ; passé un certain seuil en un point de la
structure, le supra redevient normal localement, d'où un échauffement local, qui élargit la zone
redevenue normale, etc. Autre mécanisme possible : les forces passant localement la limite de
Coulomb, un brin de supra se déplace, crée de la chaleur par frottement, etc. Cf. [OT], et aussi,
dans le même ordre d'idées, [Zh] : des ondes élastiques à haute fréquence peuvent détruire la
supraconductivité.
- 28 -
E (mV/cm)
(Malgré la valeur relativement faible du courant critique, il s'agit bien ici de la perte
de supraconductivité par excès de supercourant, et non pas de l'instabilité thermique
de la Fig. 17 : les auteurs de [HT] parlent explicitement de "current induced
transition into normal state for a Nb-50wt%Ti wire".)
At ambient fields
1:
2:
3:
4:
5:
16
8
at
at
at
at
at
6K
8K
10 K
11 K
13 K
2
1
3
5
5
J (10 A/cm 2)
4
0.6
1.8
Figure 19. Fig. 6 de [HT], ainsi légendée: "E versus J curves at temperature above
and below T c as marked for a typical Type-II superconducting wire (Nb-50wt%Ti).
Note that the full normal state resistivity is restored by exceeding Jc by a small
amount."
Ces auteurs s'intéressent en fait aux supras à haute température critique de
type YBaCuO. La comparaison de leurs Figs 1 et 2 est particulièrement intéressante
(Fig. 20).
0.5
At ambient fields
1 : at 90 K
2 : at 92 K
3 : at 100 K
3
E (V/cm)
E (V/cm)
2
2
Jc1
0.4
1
At ambient fields
1
5
3
2
4
1:
2:
3:
4:
5:
Jc2
2
J (10 A/cm 2)
50
4
J (10 A/cm 2)
at
at
at
at
at
10 K
60 K
77 K
89 K
100 K
1.5
Figure 20. Figs 1 et 2 de [HT], correction faite de ce qui, d'après le contexte, semble
être une erreur d'un facteur 10 dans les abscisses de la figure de gauche. Légende de la
figure de gauche : "Typical E versus J curve of one of the bulk YBaCuO samples
studied (sample size was 0.5 * 0.8 * 24 mm3) at temperatures just above and below T c
as marked. Note the two different J c 's marked." Légende de la figure de droite: "E
versus J curves for the same sample (...). Note that the slope (resistivity) stays
constant between Tc and 4.2 K, and several times smaller than the slope above Tc ."
Il s'agit en effet du même échantillon, à des températures différentes, et des
échelles différentes sur les deux axes, où l'on voit donc clairement que selon la
- 29 -
température et l'amplitude de l'intervalle d'intensités que l'on prend en considération,
la caractéristique j—e peut ressembler soit à celle de la Fig. 13, soit à celle de la
Fig. 18. Les auteurs de [HT] disent nettement que c'est à cause de la limitation à
120 A du courant imposé dans les conditions de leur expérience que la seconde
densité de courant critique J c2 n'a pu être observée au dessous de 85 K. Tout cela
va dans le sens de la conjecture de la Fig. 18, au moins dans le cas des supras à
haute Tc. Pour ceux-ci, il y aurait deux densités critiques : une, J c1, au-dessous de
laquelle la résistance est nulle, ou tout au moins non mesurable, et une seconde, J c2,
au-dessus de laquelle on retrouve l'état normal, sans que cela puisse être attribué à
un accroissement de température ; entre les deux, on aurait une résistivité différentielle
plusieurs fois, voire plusieurs dizaines de fois, inférieure à la résistivité normale, et
indépendante de la température. Il convient d'être prudent, toutefois, avant d'adopter
une caractéristique j—e analogue à celle de la Fig. 18 pour les YBaCuO. En effet,
les résistivités différentielles entre les deux valeurs critiques dépendent de l'échantillon.
L'explication avancée dans [HT] est la suivante. Ces échantillons sont formés par
agrégation de grains (de taille 1 µm environ dans le cas de la Fig. 20). La seconde
valeur critique J c2 est la "vraie" J c propre au grain (ceci est confirmé par des
mesures d'aimantation3 3 [HT]), alors que la première correspond au passage du
courant de grain à grain ("jonctions faibles", avec effet Josephson). La résistivité
différentielle serait donc liée à l'aire de la surface granulaire par unité de volume.
Pour conclure cette section, disons que si l'expérience ne confirme pas le
modèle de Bean "pur et dur" (5), elle suggère par contre des lois j—e non
linéaires, monotones, présentant des effets de seuil, avec en particulier la présence
dans le graphe d'une partie presque verticale au-dessus d'une certaine valeur critique
jc (qui est un paramètre phénoménologique, et pas forcément la valeur correspondant
au décrochage des vortex). Le modèle de Bean, qui décrit de telles lois non
linéaires à seuil de façon très grossière, mais avec un seul paramètre (le j c), ce qui
est un avantage appréciable, semble donc une bonne idéalisation, à condition d'être
convenablement généralisé, et pourvu d'un statut mathématique clair. Or l'exemple
ci-dessus des YBaCuO (Fig. 20) montre que ce type de généralisation s'applique
aussi bien (ou pas plus mal) à des conducteurs inhomogènes, ou composites (avec
s'il le faut plusieurs jc, pour rendre compte de l'anisotropie). Le modèle de Bean
élargi que nous recherchons n'est donc pas une description physique du mouvement
d'ensemble des vortex, c'est une description phénoménologique, au même titre que
le modèle LG, mais avec sur lui l'avantage d'être local, et en contrepartie une validité
limitée aux échelles spatiales supérieures à celle des vortex. En deux mots, c'est un
modèle macroscopique local. Le sens de "local" étant clair (note 4) il faut maintenant
revenir sur celui de "macroscopique".
3.3 Modélisation macroscopique
Pour expliquer le sens de ce mot, il sera plus facile de changer légèrement de
point de vue : au lieu de définir les modèles de cette classe, essayons de préciser ce
33
Cf. plus loin, Section 3.3.
- 30 -
qu'est la modélisation macroscopique, comme démarche, comme programme de
travail. On peut le faire en se référant à d'autres secteurs où ce programme de
travail a notoirement réussi, comme l'élasticité ou la magnétostatique. Prenons ce
dernier exemple, en nous restreignant au cas des matériaux ferromagnétiques sans
hystérésis, et isotropes : |b| = f(|h|), où f est une fonction croissante (Fig. 21).
Postuler une loi de cette forme constitue la première étape d'une modélisation
macroscopique. La seconde consiste à déterminer la "caractéristique locale" f d'un
matériau M. La seule façon de le faire consiste à plonger un échantillon de M
dans le champ dû à un courant continu J et à mesurer (peu importe comment) le
flux d'induction Φ à travers une certaine surface (S, sur la Fig. 21). Variant J, on
obtient une "caractéristique globale" Φ = F(J), dont il faut alors déduire f. Ce
passage du global au local, ou "identification", ne peut se faire que si l'on sait passer
dans l'autre sens, du local au global, par un calcul3 4, calcul qui consiste ici à
résoudre les équations de la magnétostatique avec la caractéristique f, de manière à
prédire F, et à ajuster f jusqu'à ce que prédiction et mesures s'accordent. Ayant f,
on peut alors (en principe) résoudre tout problème de magnétostatique contenant le
matériau M, quelle que soit la configuration.
|b|
Φ
J
mesure du
flux Φ
à travers S
S
|h|
(i)
J
(ii)
(iii)
Figure 21. De la loi de comportement (i) à la caractéristique globale de l'échantillon
(iii). La caractérisation d'un matériau consiste à reconstituer la courbe de gauche à partir
de celle de droite. C'est seulement dans la mesure où cette reconstitution est indépendante
de la forme de l'échantillon que le concept de loi de comportement locale est valable.
On calcule donc pour identifier une loi de comportement dont on va se servir...
pour calculer. La circularité de la démarche saute aux yeux. On n'y échappe que si
la caractérisation du matériau est indépendante de la forme de l'échantillon, et de la
configuration du banc de mesures. Autrement dit, une deuxième série d'expériences
sur un autre échantillon3 5 du matériau M, éventuellement avec un autre appareil,
qui donnera une caractéristique globale différente de la première, devra tout de
même aboutir, une fois l'identification achevée, à la même courbe f, aux erreurs de
34
Ceci est souvent masqué par le fait qu'on arrange le dispositif expérimental pour, dans toute la
mesure du possible, rendre ce calcul trivial. Par exemple, tailler l'échantillon en forme de tore
assez fin, et entourer celui-ci d'un solénoïde régulièrement bobiné. Alors, la symétrie de rotation
de la configuration fait que F se déduit de f sans autre calcul qu'une règle de trois.
L'arrangement de la Fig. 14 a la même fonction, comme on l'a vu.
- 31 -
mesure près. Cette "indifférence à la forme" est la condition de réussite de la
modélisation macroscopique. C'est seulement dans la mesure où elle est satisfaite
que les calculs numériques sur ordinateur servent à autre chose qu'à chauffer l'air.
Heureusement, l'indifférence à la forme n'est pas une hypothèse gratuite, comme
le montre le succès de la pratique du calcul des structures, du calcul des courants de
Foucault, etc. : cette propriété est vraie, manifestement, en élasticité, en thermique,
etc., au moins pour les matériaux homogènes, et pour les dimensions courantes.
On peut donc dire qu'elle constitue un fait d'expérience. (Une expérience qui a pris
du temps : cf. [Go] pour l'histoire de la formation des concepts de contrainte et de
déformation au cours du 18e siècle 3 6.) De plus, on a en général de bonnes raisons
théoriques d'y croire : ce qu'on sait de la structure des cristaux et des forces
intermoléculaires, par exemple, suggère bien la forme 3 7 (linéaire) de la relation
entre déformation et contrainte, ou loi de Hooke, etc. Enfin, il y a l'outil mathématique
mentionné plus haut, l'"homogénéisation" [BL, Ha], qui permet, une fois validée la
modélisation macroscopique pour des matériaux homogènes, à une certaine échelle,
de garantir sa validité à l'échelle supérieure pour des composites formés de ces
matériaux, en démontrant l'indifférence à la forme3 8 (cf. Section 4.3).
Remarque 7. Bien entendu, l'existence d'une loi de comportement locale, telle que
b = µh par exemple, implique l'indifférence à la forme. Mais cette déduction n'est
que l'apparence. La réalité de la démarche scientifique réside au contraire dans
l'induction par laquelle on introduit les concepts de h et de b locaux, et de loi de
comportement qui les lie (cf. note 36), et cette induction s'appuie sur la constatation
expérimentale de l'indifférence à la forme. ◊
35
On suppose ici que deux échantillons de même forme donnent le même résultat, c'est-à-dire que
le processus de fabrication est constant, ce qui est déjà beaucoup demander. On vient de voir un
contre-exemple avec les agglomérés d'YBaCuO de la Fig. 20.
36
« The various objects that Hooke had experimented upon and written about, such as wires,
springs, and beams, were not only "specimens of material", they were also structures, each having
its own individual shape and dimensions. How could one apply Hooke's results to the design or
analysis of other structures made from other materials? To what extent did the behavior of a
structure depend upon its material and to what extent was it controlled by its size and shape?
Throughout the eighteenth century, the handful of elasticians wrestled with the problems posed by
their subject matter like Hooke did: by treating forces and deflections as characteristic of a
structure as a whole rather than by first trying to understand the conditions existing at any given
point within the material. (...) A consideration of the conditions at any chosen point within a
material subject to mechanical forces gives rise to the concepts of stress and strain. The
recognition of the value of this consideration as an analytical tool was one of the most important
breakthroughs in the history of the study of strength and elasticity. In fact, it freed a century-old
intellectual logjam. » (Gordon, [Go], p. 23.)
37
38
à défaut de prédire les bonnes valeurs numériques.
En tant que propriété asymptotique seulement, car deux échantillons de formes différentes du
même composite ne peuvent donner la même loi locale que s'ils sont assez grands par rapport au
module de base.
- 32 -
En résumé, la modélisation macroscopique est un programme de travail,
consistant à vérifier l'indifférence à la forme pour certains types de lois de
comportement locales, de manière à les utiliser pour prédire, par le calcul, le
comportement global de structures complexes, un programme qui a réussi
historiquement pour beaucoup de secteurs de la physique : élasticité, thermique,
conduction, magnétisme, etc.
Peut-il réussir aussi pour la supraconductivité ? Ce n'est pas acquis d'avance,
et l'expérience le dira. On peut toutefois remarquer que les spécialistes semblent
avoir confiance en la validité de la modélisation macroscopique, et que le programme
est déjà bien engagé, comme en font foi des expériences courantes telles que celle
décrite Fig. 22. (Cette expérience consiste à relever la courbe d'aimantation d'un
matériau supraconducteur. On conçoit qu'il soit possible, une fois précisées les lois
de comportement, de prédire par le calcul une courbe ressemblant à celle du haut de
la Fig. 22, et d'identifier les paramètres dans ces lois en ajustant cette courbe à celle
observée. C'est bien ce qui se fait, et en général à partir d'un modèle de courant
critique. Voir p. ex. [CC].) De plus, ce type de modélisation se pratique à
différentes échelles spatiales, selon que l'on a affaire à des matériaux homogènes ou
à des composites (y compris des composites "multi-échelles" comme celui de la
Fig. 3). Chose remarquable, c'est la même forme de modèle du courant critique
(i.e., (5), ou l'une des variantes que l'on va évoquer plus loin), avec jc fonction de θ
et de b, qui semble servir presque toujours, à toutes les échelles au-dessus du µm.
Ayant ainsi précisé la nature de la modélisation macroscopique comme
programme de travail, il nous reste à situer la fin de cet article à l'intérieur de ce
programme. Son ambition est limitée : donner au modèle du courant critique un
statut mathématique clair, et montrer comment il peut, en pratique, se substituer à la
loi d'Ohm dans les codes de calcul actuels.
3.4 Le modèle de Bean : quelques difficultés
Or (5) ne convient pas à cet égard, comme on l'a déjà vu, puisqu'il y a une
seule équation pour trois inconnues. La généralisation suivante de (5), en revanche,
(25)
j(x) = jc e(x)/|e(x)|
(cf. p. ex. [CR], p. 39), contient le nombre voulu d'équations. Mais elle reste
ambiguë pour e(x) = 0. Pour corriger ce défaut, on a parfois [HS] tenté de préciser
(25) en rajoutant
(26)
j(x) = 0 si e(x) = 0.
- 33 -
B1
Φ
SC
b
(iii)
c
B3
a
(i)
B2
J
b
Φ
J
(iv)
(ii)
c
b
a
J
t
a
c
Figure 22. On plonge un échantillon de supraconducteur (10 mm de long, 3 mm de
diamètre) dans le champ à peu près uniforme créé par un grand solénoïde B1 (i). Le
courant J(t) dans B1 évolue lentement (10 à 20 s) selon la loi décrite en (ii). En
intégrant par rapport à t la différence des f.é.m. mesurées dans les deux bobines de
contrôle B2 et B3, on accède au flux d'induction qui traverse B2 (qui serait donc, si
l'entrefer était assez mince et l'échantillon très long, le flux traversant celui-ci, du bas
vers le haut). On relève ainsi une caractéristique courant-flux (iii) pour l'échantillon,
dont il s'agit de déduire le courant critique. (Souvent l'échantillon est un agglomérat de
grains supraconducteurs, obtenu par frittage. Dans ce cas, la caractéristique a un aspect
plus irrégulier, comme en (iv), à cause de "sauts de flux" dûs à la structure granulaire du
matériau. Voir p. ex. [WC]. La caractéristique "lissée" de (iii) correspond à la prévision
théorique du modèle de Bean et la démarche d'identification permet donc d'accéder au jc
d'un matériau homogène équivalent.)
Mais à supposer que e(x) croisse avec le temps de façon continue de manière à
passer par 0 à l'instant t, faut-il croire que j(x) passe de façon discontinue de
− jc à 0 puis à j c ? Ceci laisse un sentiment de malaise, que d'autres auteurs ont
dû éprouver et tenté de conjurer. C'est peut-être l'origine de la "version nippohongroise" du modèle de Bean [HS, Se, TK], à savoir
(27)
∂tj(t, x) = 0 si e(t, x) = 0.
Le remède, toutefois, semble pire que le mal (la densité de courant n'a même
plus le droit de varier aux points où e = 0).3 9 Quoi qu'il en soit, tout ce qu'on
- 34 -
exige d'une version "bien posée" du modèle de Bean est de permettre de répondre à
la question : quelle est la densité de courant en un point x où, à l'instant t
considéré, e(x, t) = 0 ? La réponse que nous donnerons plus loin est que dans ce
cas, toute valeur de j de module inférieur ou égal à jc est possible, et que la valeur
effectivement atteinte dépend — de façon parfaitement déterministe, comme on le
verra — de l'évolution antérieure4 0 à t. Autrement dit, nous accepterons la relation
d'inclusion |j(x)| ∈ [0, jc] comme expression de la loi de comportement aux points
où e(x) = 0, et nous verrons comment l'introduction de quelques concepts d'analyse
convexe rend ce point de vue naturel.
Remarque 8. Le modèle (25) n'est utilisable tel quel (et utilisé [Cr]) que lorsqu'on
connaît à l'avance la direction des courants, soit à cause d'une symétrie de translation
ou de rotation, soit du fait de la structure fine des supraconducteurs : paquets de
fils torsadés, fils immergés et étirés dans une matrice de conducteur normal, etc. (cf.
p. ex. [Mo], pp. 189-90, et Fig. 3). Mais dans cette situation, la forme suivante du
modèle paraît de toute façon plus satisfaisante :
(28)
j(x) = jc(x) sgn(n(x) · e(x)) n(x),
où n est un champ continu de vecteurs unitaires, tangents en chaque point à la
direction des courants, et sgn la fonction signe : sgn(u) = u/|u| si u ≠ 0, et 0
sinon. Cette loi, qui dit simplement que le sens des courants est celui de la
projection sur n du champ électrique, est une version (fortement) anisotrope de
(25-26). ◊
4. Modèle de Bean généralisé, ou "conductivité non linéaire à seuil"
4.1 Formulation
La généralisation cherchée va être obtenue progressivement, par d'abord une
réécriture, puis une suite d'extensions, de la loi d'Ohm.
Soit C le domaine conducteur, caractérisé par sa résistivité ρ. Introduisons
la function u définie par u(x, v) = ρ(x) |v|2 /2, dont les deux arguments sont la
position x et un vecteur v d'origine x. On remarque que sa dérivée au sens de
Gâteaux par rapport à v, c'est-à-dire le vecteur ∂u (unique) tel que
∂u(x, v) · δv = lim λ → 0, λ > 0 (u(v + λ δv) − u(v))/λ
39
Aux dernières nouvelles (Compumag 1993 [Yo], et [YU]), les Japonais sont revenus à une
écriture plus orthodoxe (loi d'Ohm non-linéaire, mais régularisée, sans discontinuité de e en jc ).
40
Ce qui n'est pas du tout la même chose que l'hystérésis : il y a hystérésis si j(x, t) est
déterminée par l'ensemble des valeurs e(x, s) pour s ≤ t (mais pas par e(x, t) seul),
indépendamment de ce qui se passe ailleurs qu'en x dans le matériau.
- 35 -
pour toute variation δv, est ρ(x) v. Définissons maintenant U, fonction de la
densité de courant j non pas en un point, mais prise globalement, par U(j) =
∫C u(x, j(x)) dx. La dérivée de Gâteaux de U au "point" j, c'est-à-dire le champ de
vecteurs ∂U(j) tel que
∫C ∂U(j) · δj = lim λ → 0, λ > 0 (U(j + λδj) − U(j))/λ
pour toute variation δj, est manifestement ρ j dans le cas présent. Donc l'assertion
"e = ∂U(j)" est une façon d'exprimer la loi d'Ohm. Elle équivaut à dire que la
fonctionnelle j → U(j) − ∫C e · j est à dérivée nulle au point j = ρ −1 e. Ce point de
stationnarité est en fait un minimum, et l'on a
(29)
U(j') − U(j) ≥ ∫C e · (j' − j) pour tout j'.
On dit que e est un sous-gradient de U au point j (le seul, dans ce cas-là).
|e|
u(x, j(x))
|j|
|j(x)|
Figure 23. Définition de u dans le cas d'une loi d'Ohm non linéaire (mais
différentiable). La valeur de u(x, j(x)) est l'aire hachurée.
À titre de première et facile extension, considérons une "loi d'Ohm4 1 non
linéaire" : ρ au point x dépend non seulement de x mais aussi du module de
j(x). Définissons u(x, v) comme le suggère la Fig. 23, de telle sorte que sa dérivée
par rapport à v au point v = j(x) soit e(x). Définissons U comme ci-dessus.
De nouveau, e = ∂U(j) dans C et (29) est valide, autrement dit, j minimise cette
fonctionnelle. La différence est que celle-ci n'est plus quadratique en j maintenant.
Toutefois — et pourvu que |e| croisse avec | j | — elle est encore convexe, au
même titre que u (autrement dit, U((j 1 + j2 )/2) ≤ (U(j1 ) + U(j2 )/2), et même
strictement convexe (inégalité stricte si j 1 ≠ j 2 ), ce qui fait que le minimum j est
unique, pour e donné.
Ensuite, on peut s'arranger pour exprimer de la même façon la loi d'Ohm
généralisée j = ρ −1 e + js, en prolongeant u hors de C, comme ceci : pour x ∈ C,
u(x, v) = + ∞ si v ≠ js(x) et 0 si v = j s(x). On définit alors U par U(j) =
41
Si l'on ose dire, car la "loi d'Ohm" est précisément l'affirmation de la proportionnalité entre
intensité et chute de potentiel, de même qu'en élasticité la "loi de Hooke" affirme la proportionnalité
entre force et déformation, etc.
- 36 -
∫ u(x, j(x)) dx, l'intégrale étant maintenant prise sur tout l'espace. De nouveau, U
est strictement convexe, et devient infinie si la condition j = js hors de C n'est pas
satisfaite. Donc, pour e donné, le minimum de U(j) − ∫ e · j est atteint en j = ρ −1
e + js, et ∂U(j) égale ρ(j − js). De nouveau,
(30)
U(j') − U(j) ≥ ∫ e · (j' − j) pour tout j'.
Mais cette fois, il y a plus d'un e satisfaisant (30), pour j donné, car on peut
modifier e arbitrairement en dehors de C sans altérer la validité de cette relation.
D'où la définition suivante : On appelle sous-différentiel de U au point j, noté
∂U(j), l'ensemble des vecteurs e tels que (30) ait lieu. À ce stade, nous avons
obtenu la formulation suivante de la loi d'Ohm (source de courant incluse) :
(31)
e ∈ ∂U(j).
|e|
u(x, .)
u(x, j(x))
ec
ρ
|j|
j c(x)
|j(x)|
ec
|j|
jc (x)
Figure 24. Caractéristique j—e locale pour un supraconducteur de type II (à gauche),
et la fonction u associée (à droite). On a posé ec = ρ jc .
Enfin, définissons U pour une caractéristique j—e non différentiable, telle
que celle sur la gauche de la Fig. 24, qui se rencontre pour les supraconducteurs de
type II comme on l'a vu (Fig. 19). Cette caractéristique dépend de deux paramètres :
la densité critique j c, au-dessous de laquelle la résistivité tombe à 0, et la "résistivité
normale" ρ, qui existe lorsque la densité de courant dépasse jc, ramenant le
conducteur à son état normal (localement, bien entendu ; noter que ces deux
paramètres sont locaux, et peuvent varier avec x). Je dis maintenant que (31)
exprime correctement le modèle de Bean.
En effet, (31) signifie que j = js hors de C (sinon, U vaudrait + ∞) et que
∫C u(x, j'(x)) dx − ∫C u(x, j(x)) dx ≥ ∫C e(x) · (j'(x) − j(x)) dx
pour tout j' possible, donc, localement,
(32)
u(x, v) − u(x, j(x)) ≥ e(x) · (v − j(x))
pour tout vecteur tri-dimensionnel v. Si |j(x)| ≤ jc, le premier membre de (32) doit
- 37 -
être positif ou nul quel que soit v. Ceci implique e(x) = 0 si |j(x)| < jc (inégalité
stricte). Si |j(x)| = jc (état critique), l'inégalité ainsi obtenue,
(33)
e(x) · (v − j(x)) ≤ 0 pour tout v tel que |v| ≤ jc,
signifie que e(x) est parallèle à j(x) (Fig. 25). Si |j(x)| > j c (état normal), e(x)
est simplement la dérivée de u (faire v = j(x) ± λw, et faire tendre λ vers 0), d'où
e(x) = ρ j(x) par construction de u. On peut aussi bien partir de e dans ce genre
de déduction : si e(x) = 0, alors u(x, j(x)) = 0 (faire v = 0 dans (32)), si 0 <
|e(x)| ≤ e c, alors |j(x)| = jc , etc. En bref, la relation (31) dit que j(x) est parallèle à
e(x) et que la caractéristique j—e est le graphe formé des couples
{|j(x)|, |e(x)|}.4 2
j2
rayon = j c
j2
e(x)
e(x)
j(x)
v
j(x)
j1
j1
Figure 25. À gauche : comment la relation (33) implique le parallélisme entre e(x)
et j(x). (On ne représente que deux dimensions d'espace.) Remarquer la facilité avec
laquelle on rend compte d'une densité de courant critique anisotrope (à droite).
On voit que pour ce modèle, un conducteur normal est simplement caractérisé
par jc = 0. Donc une seule et même loi, à savoir (31), convenablement paramétrée,
suffit à rendre compte du comportement de tous les conducteurs présents. (Noter
que C désigne maintenant la réunion de toutes les régions conductrices,
supraconducteurs compris, contrairement à ce que l'on a fait Fig. 2.)
Remarque 9. Puisque U n'est pas différentiable, ∂U(j) peut contenir plus d'un
vecteur e. Ceci arrive en particulier lorsque les deux "phases", |j(x)| < jc et |j(x)|
≥ j c , coexistent. Le signe d'inclusion dans (31) est donc nécessaire, et ne peut pas
être remplacé par un signe égale. ◊
Jusqu'ici, nous avons supposé que u(x, .) était une caractéristique du matériau
présent au point x, mais les choses sont plus complexes, car la densité critique jc
42
On pourrait objecter que ce que nous venons de trouver n'est pas tout à fait la même chose que
le modèle de Bean (5) : effectivement, (5) n'est retrouvé que dans le cas où la "résistivité
normale" ρ est infinie. Mais ceci ne fait que souligner le caractère plus réaliste du modèle actuel.
(Comme on l'a vu, les caractéristiques voltage—intensité effectivement mesurées sont bien telles
que le montre la Fig. 24, gauche.)
- 38 -
en x peut dépendre de la température θ(x) et de l'induction locale b(x) (ou de
h(x), ce qui revient au même, puisque µ = µ0 ). Donc comment U est-elle
spécifiée en pratique ? On prend un échantillon de faible épaisseur, et on fait une
mesure "à quatre points", comme le décrit la Fig. 14. Cette expérience donne
l'intensité à travers l'échantillon en fonction de la tension appliquée, pour une
température ambiante θ et un champ magnétique ambiant H. Si la distribution du
courant dans la section de l'échantillon est uniforme (ce que les conditions
expérimentales assurent bien, comme on l'a vu), on peut déduire de ces résultats la
caractéristique j—e de la Fig. 24, d'où jc(θ, H) et ρ(θ, H), puis, par simple
intégration, la function u pour ce matériau, paramétrée par θ et H, disons uθ, H .
Maintenant, considérons un conducteur massif où le champ est h, et la densité de
courant j = rot h. Au point x, les paramètres locaux θ et H sont θ(x) et h(x).
Alors U est donné par
Uθ, h (j) = ∫ uθ(x), h(x)(x, j(x)) dx
où le premier x dans (x, j(x)) permet de tenir compte de la nature du matériau
présent au point x.
Remarque 10. Si j est donné, la magnétostatique détermine h (comme solution
de rot h = j et div(µh) = 0). Donc h = Lj, où L est un certain opérateur linéaire,
~
~
et l'on pourrait souhaiter poser U θ (j) = U θ, Lj (j). Mais attention : U θ n'est pas
~
convexe par rapport à j, donc remplacer (31) par e ∈ ∂ U (j) ne serait
pas correct. ◊
Revenant aux relations (26) et (27), nous voyons que ni l'une ni l'autre n'est
impliquée par le présent modèle. Dans la mesure où (27) avait pour but de lever
l'indétermination due à l'absence de correspondance biunivoque entre e(x) et j(x)
à l'état critique, il nous faut traiter ce problème. Comme nous allons le voir, le
caractère non fonctionnel du graphe j—e, et donc la non-unicité dans la détermination
de j par e ou de e par j, n'empêche pas la solution d'être unique : résoudre
l'équation d'évolution des courants de Foucault avec (31) pour loi de comportement
détermine j sans ambiguïté.
4.2 Mise en œuvre numérique
Pour la simplicité, supposons d'abord jc indépendante de θ et h. Le
problème est alors (1—3)(31), où U est une fonctionnelle convexe connue.
Ce modèle peut être utilisé dans le contexte du calcul des courants de Foucault
à l'aide d'"éléments d'arêtes" [BV, RB], d'où l'extension aux supraconducteurs d'une
technique numérique confirmée, comme c'était notre objectif. Cette méthode est
pour l'essentiel une approximation à la Galerkine sur un maillage tétraédrique de la
région conductrice4 3, mais avec des éléments finis particuliers. Si l'on prend h, par
exemple, comme champ inconnu, h est représenté sous la forme
- 39 -
(34)
h = Σa ∈ A ha(t) wa,
où ha(t) est la force magnétomotrice (fonction du temps) le long de l'arête a, A
l'ensemble de toutes les arêtes, et wa la "fonction de forme", à valeurs vectorielles,
(35)
wa(x) = λ n (x) (grad λ m)(x) − λ m(x) (grad λ n )(x),
où n et m sont les extrémités de l'arête a et λ n , λ m les coordonnées
barycentriques du point x par rapport aux sommets d'un tétraèdre qui le contient.
L'avantage de ces interpolations vectorielles est de garantir automatiquement la
continuité tangentielle de h à travers les facettes des éléments, mais pas sa continuité
normale, comme ce serait le cas avec des éléments ordinaires, alors que la physique
ne l'impose pas.
La valeur de cette technique numérique est maintenant bien établie [Na]. Il y a
deux versions de la méthode, une "électrique", une "magnétique", selon que le
champ inconnu est e ou h. Pour voir comment le modèle macroscopique
ci-dessus s'y adapte, considérons la méthode en h, en transitoire : partant de h = 0
à l'instant 0, et étant donné le terme source js, on veut trouver h pour t > 0.
Notons hn le champ magnétique à l'instant n δt, où δt est le pas de temps.
Pour fixer les idées, supposons une discrétisation implicite en temps (Euler
rétrograde).
S'il s'agissait du problème standard des courants de Foucault, le schéma
numérique marcherait ainsi : partir de h 0 = 0, puis, pas à pas, calculer la suite des
champs hn tels que
(36)
µ(hn + 1 − hn )/δt + rot(ρ (rot hn + 1 − jsn + 1)) = 0.
(La relation rot h = js, qui doit être satisfaite hors de C, où ρ est infinie, est
implicite dans (36).) Pour h n donné, (36) est un système linéaire par rapport à
hn + 1. Le résoudre équivaut à minimiser la quantité
43
La restriction n'a rien d'essentiel. Le maillage peut inclure de l'air, et donc aller au-delà des
conducteurs. En particulier, il doit inclure les régions non-conductrices où µ ≠ µ0. Dans ce cas,
on remplace (34) par
(34')
h = Σe ∈AC ha (t) wa + Σ
n ∈ N0
ϕn grad λn,
où AC and N 0 sont les ensembles d'arêtes "conductrices" (celles intérieures à C) et des nœuds
"non-conducteurs" (ceux sur S et hors de C). (Le fait qu'une telle représentation assure la
continuité tangentielle de h à l'interface air-conducteur est à mettre au crédit des éléments
d'arêtes.) C'est la "méthode h—ϕ".
- 40 -
(37)
∫ µ |h|2 + δt ∫ ρ |rot h − jsn + 1 | 2 − 2 ∫ µ hn · h
sur l'ensemble des champs qui ont la forme (34) (ou (34')) dans la région maillée et
qui satisfont rot h = jsn + 1 et div(µ h) = 0 en dehors4 4. (Les intégrales dans (37)
sont sur l'espace entier.) Ceci est un problème d'optimisation quadratique par
rapport aux degrés de liberté ha((n + 1) δt)) (et ϕn ((n + 1) δt), s'il y a lieu). Une
fois le champ minimisant h trouvé, on fait hn + 1 := h.
Maintenant si une partie de C est supraconductrice, la quantité (37) devra être
remplacée par
(38)
1
/2 ∫ µ |h|2 + δt U(rot h) − ∫ µ hn · h
où U est la fonctionnelle convexe de (31). (Prendre garde que U dépend du
temps par l'intermédiaire de j s((n + 1)δt), et qu'il conviendrait donc de la noter
plutôt Un + 1 dans (38).)
La principale différence entre (38) et (37) est que, à chaque pas de temps, on a
affaire à un problème d'optimisation convexe (par rapport aux mêmes inconnues
que ci-dessus, les degrés de liberté), et non plus quadratique. Il y a un minimum
unique, car même si U n'est pas strictement convexe, (38) l'est, grâce à l'addition
de 1 /2 ∫ µ |h|2 , qui est strictement convexe. Ainsi, l'évolution temporelle de h, et
donc de j, est déterminée de façon univoque, comme annoncé. (On trouvera une
démonstration plus précise et plus générale dans l'Annexe B.)
La résolution du problème (38) est standard, et il existe des logiciels courants
efficaces à cet effet. (Cf., toutefois, Remarque 13.)
La loi de comportement proposée n'impose nullement l'emploi d'éléments
d'arêtes, ni de la formulation h—ϕ, comme on l'a fait ici pour ne pas trop rester
dans le vague. 4 5 De ce fait, tous les codes de calcul du marché sont susceptibles de
l'utiliser, et on peut donc considérer l'objectif fixé dans l'introduction comme atteint.
44
En pratique, on se sert d'une méthode intégrale pour tenir compte de ces deux contraintes. Voir
les détails dans [B'].
45
La méthode en e s'obtient en éliminant h des éqs (2) et (3), et correspond dans le cas linéaire
à ∂t (σ e + js) + rot(µ−1 rot e) = 0 (plus la condition div e = 0 hors des conducteurs, qu'on laissera
sous-entendue). Soit V, définie par V(e) = sup{∫ j · e − U(j)}, la transformée de Fenchel de U.
(Attention : elle dépend du temps par l'intermédiaire de js, tout comme U.) Les relations e ∈
∂U(j) et j ∈ ∂V(e) étant alors équivalentes, on a j ≡ rot h ∈ ∂V(e), d'où, éliminant h grâce à
(1), ∂t [∂V(e)] + rot µ−1 rot e
0. On discrétise le champ électrique sous la forme e =
∑ a ∈ A ea w a , d'où finalement, toujours dans le cas du schéma d'Euler implicite, un problème
d'optimisation convexe à chaque pas de temps, consistant à minimiser la quantité
Vn + 1(e) − Vn(en) + 1/2 δt ∫ µ−1 |rot e|2. (La simplicité de ceci n'est qu'apparente, car e est ici
défini sur tout l'espace. On peut se ramener à ne discrétiser que le conducteur, et du même coup
tenir compte de la condition div e = 0 hors de C, à l'aide d'une méthode intégrale.)
- 41 -
Remarque 11. Une fois le minimum obtenu, on sait, par l'examen de la quantité
u((rot h)(x)), à quelle phase, supraconductrice ou normale, le point x appartient.
La méthode traite uniformément les deux, et ne suppose aucun suivi du front au
cours du calcul. ◊
Remarque 12. En pratique, un schéma de Crank-Nicolson est préférable au
schéma implicite que nous venons de décrire. Pour l'obtenir, substituer
Un + 1/2((rot h + rot hn )/2) à Un + 1(rot h) dans l'expression (38). ◊
Remarque 13. L'algorithme d'optimisation doit être robuste, c'est-à-dire doit garantir
que le minimum est bien atteint à chaque pas de temps. Comme la fonctionnelle U
est sévèrement non différentiable, les méthodes rapides, de type Newton, dont la
convergence dépend de la régularité de la fonction objectif, n'ont pas cette robustesse,
et mieux vaut les éviter. L'expérience acquise sur le problème (dual, en un sens) de
la magnétodynamique non linéaire avec une courbe b—h "raide" [Bo] suggère que
des méthodes de descente plus rustiques, comme la relaxation (non linéaire) de
Gauss-Seidel par exemple, doivent être envisagées. ◊
Remarque 14. Dans le cas réaliste où j c dépend de θ et h, il convient de
substituer Uθ, k (rot h) à U(rot h) dans (38), et la contrainte k = h doit être
imposée. Il y a ainsi deux niveaux d'itération à chaque pas de temps : une boucle
d'itération interne, avec k fixé, où l'on minimise (38), et une boucle externe destinée
à assurer la "condition de point fixe" k = h.
4.3 Homogénéisation
La question que l'on va se poser maintenant peut être motivée par les
considérations suivantes, déjà évoquées dans la note 32. Il s'agit de la question de
l'instabilité thermique ("quenching") dans les bobines supraconductrices de grande
taille (Fig. 26) : un petit apport de chaleur accidentel en un certain point peut
déclencher la transition du supraconducteur vers l'état normal, d'où plus de chaleur,
extension de la zone "chaude", etc. Le problème est de savoir si le refroidissement
par conduction thermique sera assez rapide pour ramener la température à la normale,
et donc la bobine à son état de régime supraconducteur. Il y a plusieurs façons
d'aborder ce problème, et parmi elles, la simulation numérique du système d'équations
couplées, électromagnétisme-chaleur. À supposer que l'on veuille faire une telle
simulation au niveau de la structure intermédiaire de la Fig. 26-b, c'est-à-dire sur
une portion de câble de 20 cm de long environ, on aura besoin d'une loi de
comportement à substituer à la loi d'Ohm dans la partie supraconductrice du câble,
considérée comme homogène, ou en d'autres termes, de la loi de comportement d'un
matériau homogène équivalent.
- 42 -
100
10 000
Or cette partie est un composite, avec plusieurs niveaux de structuration (Fig.
3). Supposons pour la simplicité qu'il n'y en ait qu'un, et que la partie "SC" de la
Fig. 26-b ait pour cellule (module de base) la structure de la Fig. 26-c, avec un
filament de supraconducteur homogène plongé dans une matrice d'aluminium. Si
l'on adopte le modèle de Bean sous la forme (31), dans la partie SC de la cellule du
niveau (c), le problème est d'en déduire un modèle analogue pour la partie SC du
niveau (b).
SC
(a)
(b)
Matrice
conductrice
x2
x1
x3
0,01
SC
(c)
Al
Figure 26. Exemple typique, avec trois échelles spatiales : (a) une grande bobine
supraconductrice, (b) une section de son câble, (c) le module de base, ou "cellule", au
niveau du filament. (Les dimensions sont en mm, et approximatives. En fait, il y a
plus de trois niveaux de structuration (cf. Fig. 3).)
Cette démarche s'appelle homogénéisation, et peut de façon plus générale se
décrire comme suit. C'est la recherche des lois de comportement d'un matériau
homogène hypothétique qui, si on le substituait au composite supraconducteur de la
Fig. 26-b, de manière à occuper le même volume, donnerait la même situation
électromagnétique "à grande échelle". Plus précisément, on veut que les champs
mesurés dans les deux cas (matériau réel dans l'un, et matériau homogène dans
l'autre) soient les mêmes, toutes choses égales par ailleurs (géométrie globale, courants
générateurs, etc.), pourvu que l'on n'y regarde pas de trop près, c'est-à-dire pourvu
que les dimensions des appareils de mesure 4 6 soient grandes par rapport à la taille
- 43 -
de la cellule de périodicité. Dans ces conditions, ce que mesure tel ou tel instrument
au point x n'est donc pas la valeur de tel ou tel champ en x, mais une certaine
moyenne spatiale du champ dans un voisinage de x de dimensions assez grandes
devant celles de la cellule. L'objectif de l'homogénéisation est donc de faire en sorte
que les moyennes spatiales à grande échelle du champ réel soient égales, autant
qu'il est possible, au champ calculé à l'aide du matériau équivalent. Ou si l'on
préfère, l'objectif est de formuler un problème de même (macro-) géométrie que le
problème réel, et ne comportant que des matériaux homogènes, dont la solution
serait un lissage approprié du champ réel.4 7
On s'attend à ce que la loi trouvée soit anisotrope (on a vu Fig. 25 que cela ne
compliquait pas sa représentation). Le problème qu'on se pose ici est donc, avec
des concepts légèrement modernisés, le problème standard de la conductivité
transversale des composites supraconducteurs [Fe, H&, MS].
Remarque 15. Cette homogénéisation de la loi (31) n'est valable, en toute rigueur,
que pour des situations stationnaires, car on ne peut pas écarter l'éventualité que les
lois à grande échelle dépendent de la fréquence, à cause d'effets de peau au niveau
de certains constituants de la cellule. On peut montrer toutefois que cela ne se
produit pas pour les faibles dimensions de cellule en cause ici, ce qui nous autorisera
à utiliser dans des calculs en transitoire la loi de conduction homogénéisée établie
sous l'hypothèse de stationnarité. ◊
Le contexte étant ainsi éclairé, on va procéder à une analyse relativement
abstraite du problème, qui peut se résumer ainsi : connaissant, pour chacun des
matériaux composant la cellule de base, la densité u des Figs 23 et 24, on trouve la
densité U propre au matériau homogène équivalent, fonction de la densité de
courant "à grande échelle" J, en résolvant un problème d'optimisation convexe, sur
la cellule, pour chaque valeur de J.4 8 La principale difficulté va être de préciser ce
que l'on entend par "équivalent".
46
Il s'agit bien entendu d'appareils de mesure virtuels, susceptibles d'opérer sans aucune
modification des champs.
47
L'intérêt de l'homogénéisation, du point de vue du calcul par éléments finis, est évidemment de
réduire le nombre d'éléments requis dans des proportions considérables, puisqu'il n'y a plus lieu de
respecter un rapport minimum entre taille de la cellule et taille des éléments. Naturellement, les
fluctuations spatiales du champ réel à l'échelle de la cellule ne peuvent pas être prédites par ce
calcul, mais cela ne veut pas dire qu'on doive renoncer à les obtenir : une fois obtenu le champ à
grande échelle (lissé), on peut s'en servir pour fixer les conditions aux limites pour un calcul
local, à l'échelle d'une ou de quelques cellules, avec cette fois les matériaux réels et la géométrie à
petite échelle effective. (Le tout bien entendu n'a d'intérêt pratique que si ces "zooms" sur tel ou
tel point ne sont pas trop nombreux.)
48
Les notations en PETITES CAPITALES désignent en principe des entités définies à l'échelle spatiale
supérieure (celle où, pour prendre une expression imagée, "l'épaisseur du point" est supérieure à la
taille de la cellule).
- 44 -
Quelques notations, d'abord : On désigne par V 3 l'espace vectoriel4 9 des
vecteurs ordinaires, de dimension 3, muni de la norme |v| = (v .v ) 1/2. On se donne
trois vecteurs ∂1 , ∂2 , ∂ 3 de V3 , indépendants, qui serviront de vecteurs de base. On
note Cx l'ensemble de E 3 , dit "cellule en x", formé des
points {x + Σi λ i ∂ i : 0 ≤ λ i ≤ 1, i = 1, 2, 3} (cf. insert).
∂2
(Le choix de ∂ comme symbole pour les vecteurs de
∂3
base se justifie par l'interprétation, standard en géométrie
Cx
différentielle, des champs de vecteurs comme des
dérivations : ∂iϕ désigne la dérivée de la fonction ϕ x
dans la direction ∂i.) Enfin, on notera C, sans indice,
∂1
l'ensemble C 0 , ou cellule à l'origine (peu importe que
l'origine soit ou non dans le domaine occupé par le supra).
Nous aurons aussi besoin de la notion de conjuguée d'une fonction convexe,
déjà évoquée dans la note 45. Si u est la fonction {x, j} → u(x, j) caractérisant
un matériau, comme au § 4.1, sa conjuguée de Fenchel-Moreau [Fn, Mr] est la
fonction {x, j} → v(x, j) définie par
(40)
v(x, e) = sup{e · j − u(x, j) : j ∈ V3 }.
On démontre que si u(x, ·) est semi-continue inférieurement (s.c.i), c'est-à-dire si
l'ensemble {{j, υ} ∈ V3 × IR : υ ≥ u(x, j)} est fermé, alors v est bien définie, elle
est aussi s.c.i., et sa conjuguée n'est autre que u. L'intérêt majeur de cette notion est
de permettre une écriture symétrique de la loi de comportement : d'après (40), en
effet, on a toujours u(x, j) + v(x, e) ≥ e · j pour deux vecteurs e et j quelconques.
Par contre l'égalité u(x, j) + v(x, e) = e · j signifie que e ∈ ∂u(x, j), d'après (32),
donc que les vecteurs (liés au point x) e et j vérifient la loi de comportement au
point x. Posant maintenant V(e) = ∫D v(x, e(x)) dx, on voit aisément que V est la
conjuguée de U, que l'inégalité U(j) + V(e) ≥ ∫D j · e a toujours lieu, et que l'égalité
(41)
U(j) + V(e) = ∫D j · e
est une façon élégante (et équivalente) d'exprimer la loi de comportement (31),
c'est-à-dire e ∈ ∂U(j), dont on voit du même coup qu'elle équivaut à sa symétrique,
j ∈ ∂V(e).
Maintenant, soit un matériau composite remplissant un certain domaine D de
l'espace, avec la surface S pour frontière (Fig. 27), et caractérisé du point de vue de
sa loi j—e par la fonction {x, j} → u(x, j), le premier argument étant destiné à la
49
La distinction entre E3 (l'espace affine) et V3 (l'espace vectoriel associé) n'est pas superflue.
Dans E3, l'origine, si l'on en a choisi une, est un point arbitraire sans rôle privilégié, alors que le
vecteur 0 est un élément distingué de V 3. Rappelons que ce qu'on appelle en physique un
"vecteur lié" est la donnée d'un point x (élément de E3) et d'un vecteur ordinaire (ou "vecteur
libre") v(x), élément de V 3. Un champ de vecteurs v (tel que champ magnétique, etc.) est la
donnée, en chaque point x de E3, d'un vecteur lié v(x).
- 45 -
position et le second au vecteur densité de courant.5 0 L'hypothèse essentielle est la
quasi-périodicité de u et de sa conjuguée v par rapport au paramètre x, ainsi
exprimée :
(42)
u(x ± ∂i, j) = u(x, j) ∀ x ∈ D0 , ∀ j ∈ V3 , i = 1, 2, 3
(ce qui entraîne la même chose pour v), où D 0 est un sous-domaine de D,
constitué des points assez éloignés de la frontière,
(43)
D0 = {x ∈ D : dist(x, S) < d},
B
n
S
∂2
∂1
D
A
Figure 27. Problème modèle pour l'homogénéisation (deux dimensions représentées
seulement). Il s'agit de calculer la densité de courant dans D, avec n · j donné sur S
(avec ∫S n · j = 0) et vérifiant la loi (31).
et d > 0 une constante supérieure aux longueurs | ∂i |, i = 1, 2, 3, des trois vecteurs
de base. Ces hypothèses n'ont de sens physique que dans le cas où les | ∂i | sont
petits devant les dimensions de D, et elles signifient alors que le composite remplissant
D est disposé de façon régulièrement répétitive, sauf peut-être au voisinage immédiat
de la surface. Nous dirons d'un champ ou d'une fonction f vérifiant f(x + ∂i) =
f(x), i = 1, 2, 3, pour tout x ∈ E 3 (pas seulement x ∈ D 0 ) qu'il ou elle est
C-périodique.
Posons-nous le problème de la conduction dans ce domaine D. Cela consiste
à trouver deux champs de vecteurs j et e, vérifiant
(44)
div j = 0 dans D,
(45)
rot e = 0 dans D,
plus la loi de comportement (41), plus des conditions aux limites, par exemple
(46)
50
n · j = gs sur S,
Ne pas confondre u, fonction de type E3 x V 3 → IR, avec la fonction x → u(x, j(x)), qui est
liée à un courant j particulier. C'est la première des deux qui est caractéristique du matériau, la
seconde ne décrivant qu'un état particulier.
- 46 -
où gs est le flux de courant sortant, soumis à la condition de compatibilité ∫S gs =
0. Il y a une solution, et il est facile de deviner son allure.
Par exemple, supposant les inclusions plus conductrices que la matrice (mais
sans qu'il soit question de superconductivité pour le moment), si le flux g s est
réparti uniformément sur les deux parties en trait épais de la frontière S, et nul
ailleurs, le profil le long de la droite AB du flux de courant qui la traverse
ressemble à la courbe du haut de la Fig. 28. Appelons f la fonction n · j, définie
sur tout D, où n est ici un vecteur constant, le vecteur normal à AB. On peut
toujours écrire f sous forme de la somme de trois termes :
f
fR
fC
F
A
S
D
S
B
Figure 28. Décomposition d'une fonction définie sur D (ici, restreinte à l'intersection
de D avec la droite AB de la Fig. 27) en la restriction à D de la somme F + f C + fR,
où F est la moyenne ξ ∗ f évoquée dans le texte, f C une fonction C-périodique et fR
un "résidu", concentré près du bord de D.
1°- La restriction à D de la régularisée par convolution de f, soit F = χ ∗ f,
où χ est, comme plus haut p. 19, positive, régulière, de somme 1, de support de
diamètre assez grand par rapport à celui de C, mais petit par rapport aux dimensions
de D.
2°- La restriction à D d'une fonction fC, formée en posant
fC(x) = ∑ k1, k2, k3 f(x + k1 ∂1 + k2 ∂2 + k3 ∂3 )/N(x) + Cte
où les ki sont des entiers relatifs, la somme étant étendue aux seuls triplets
d'entiers, en nombre N(x), pour lesquels x + ∑ i ki ∂i ∈ D0 . Cette fonction, comme
on le vérifie immédiatement, est C-périodique, et on fixe la constante additive de
telle sorte que ∫C fC = 0.
- 47 -
3°- Un reste, fR, défini par restriction à D de f − F − fC.
Cette décomposition, dont la Fig. 28 essaye de donner une idée, peut se faire pour
toutes les fonctions ou champs de vecteurs liés à la solution du problème
(41)(44)(45)(46), en particulier pour les champs e et j. Posons donc E = χ ∗ e
et J = χ ∗ j. On note que div J = 0 et rot E = 0 par restriction à D, et que n · J =
G s, où G s est une approximation du flux sortant g s de (46), que l'on ne cherchera
pas à expliciter.
Après cette longue préparation, nous sommes en mesure de préciser ce que
devrait être un matériau équivalent : ce serait un matériau homogène dont la loi de
conductivité, donnée par des fonctions conjuguées U et V à trouver, serait telle
que E(x) ∈ ∂U(J(x)) et J(x) ∈ ∂V(E(x)) en tout point de D0 , ou ce qui revient au
même,
(47)
U(J(x))
+ V(E(x)) = J(x) · E(x) ∀ x ∈ D0 ,
et ceci indépendamment de la donnée g s, pourvu qu'elle soit assez régulière. En
d'autres termes, la loi de comportement du matériau équivalent est celle qui lie les
moyennes spatiales des champs e et j, prises à une échelle supérieure à celle de la
cellule de répétitivité.
Même en se restreignant à D 0 , comme on vient de le faire dans (47), ce qui
supprime l'essentiel des effets de bord, il est clair que cet objectif ne peut être réalisé
que de façon approchée. Pour cela, remarquons que pour un point x de D 0 fixé,
les champs "lissés" E et J sont approximativement des constantes (vectorielles) E
et J sur la cellule C x . Négligeant les parties résiduelles j R et e R dans la
décomposition ci-dessus, ainsi que J − J et E − E, on a donc, toujours
approximativement,
j(y) = J + jC(y) et e(y) = E + eC(y) sur Cx ,
où e C et jC sont des champs C-périodiques satisfaisant rot eC = 0 et div jC = 0,
d'après (44) et (45). De ce fait, eC = grad ψC et jC = rot h C. De plus, ∫Cx jC = 0 et
∫Cx e C = 0, donc (exercice facile) les potentiels ψC et h C sont eux-mêmes
C-périodiques :
(48)
j(y) = J + rot hC(y) et e(y) = E + grad ψC(y) sur Cx .
Dans ces conditions, ∫Cx jC · e C ≡ ∫Cx rot h C · grad ψC = 0, remarque clé pour le
calcul qui va suivre. Dans ce calcul, on suppose l'existence de U et V, et on en
déduit leur définition en termes de u et v.
D'après (47), u(J) + v( E) = J · E. Donc, intégrant cette égalité sur C x , on a,
pour tout champ h' et toute fonction ψ' C-périodiques,
- 48 -
(49)
∫C U(J) + v(E) = ∫C J · E = ∫C (J + rot h') · (E + grad ψ')
≤ ∫Cx u(y, J + rot h'(y)) dy + ∫Cx v(y, E + grad ψ'(y)) dy.
(Vérifier la première ligne en faisant les intégrations par parties, et noter qu'on a pu
remplacer Cx par C, à cause de la C-périodicité de h', ψ'.) Lorsque h' = hC et
ψ' = ψC, le dernier terme est approximativement égal à ∫Cx j · e, où j et e sont ceux
de (48), puisque ceux-ci satisfont (approximativement) la loi de comportement. Si
(47) avait lieu, on aurait donc à peu près
(50)
U(J)
= inf{∫C u(y, J + rot h'(y)) dy : h' C-périodique}/vol(C),
(51)
V(E)
= inf{∫C v(y, E + grad ψ'(y)) dy : ψ' C-périodique}/vol(C)
(l'inégalité (49) éclate en deux inégalités indépendantes, une pour les termes en J et
une pour ceux en E). Au terme de cette excursion heuristique, nous sommes donc
amenés à prendre (50) et (51) comme définitions de U et V. Donc :
Définition 5. Étant donné un matériau composite dont la loi j—e est décrit par
deux fonctions convexes conjuguées u et v, quasi-périodiques (au sens de (42)),
on appelle matériau homogène équivalent celui décrit par le couple de fonctions 5 1
U et V définies par (50) et (51).
L'avantage de poser ceci comme définition est que la propriété désirée (47), à
savoir que les champs "lissés" E et J vérifient la loi de comportement du matériau
équivalent, prend le statut d'une proposition à démontrer, et bien entendu, elle n'est
vraie qu'à la limite (cf. note 38) : lorsque la taille de la cellule C tend vers 0 ainsi
que le diamètre du support de la fonction régularisante χ et le d de (43), et que de
plus les rapports diam(C)/d et diam(C)/diam(supp(χ)) tendent vers 0, alors les
limites de E et J vérifient la loi du matériau équivalent. On démontre ce genre de
résultat en théorie de l'homogénéisation [Ar, BL, B&].
Chercher les fonctions U et V définies par (50) et (51) à partir de la donnée
de u et v (et donc, implicitement, de la composition de la cellule) constitue ce que
l'on appelle le problème cellulaire. Comme (50) et (51) sont équivalents (ayant U,
par exemple, on obtient V par conjugaison, d'après (40)), le problème cellulaire
consiste en un problème d'optimisation convexe pour chaque valeur de J. Chacun
d'eux est facile à résoudre, par éléments finis et une technique quelconque
d'optimisation, par exemple la relaxation non linéaire à la Gauss-Seidel. La seule
difficulté, d'ordre pratique, est l'échantillonnage des valeurs de J à prendre en
considération, et le stockage des résultats.
51
Il conviendrait de justifier la définition en démontrant que U et V sont bien convexes s.c.i. et
en dualité. Ceci n'est pas totalement trivial, mais relève plus d'un cours d'analyse convexe que de
ces notes.
- 49 -
Il reste à conclure cette partie avec le résultat de stabilité annoncé. Appelons
"matériaux de Bean" ceux dont la relation j—e peut être décrite par un couple de
fonctions convexes conjuguées. Ce concept est relatif à l'échelle spatiale considérée :
par exemple, un supra homogène de type II n'est un matériau de Bean qu'à une
échelle supérieure à celle des vortex. D'après ce qui précède, le matériau homogène
équivalent à un assemblage périodique de matériaux de Bean est lui-même un
matériau de Bean, à échelle assez grande. Et ainsi de suite. Les filaments, fils,
brins, câbles, etc., sont donc tous des matériaux de Bean, dont la loi de comportement
s'obtient, de chaque échelle à celle au-dessus, en résolvant le problème cellulaire.
You stop, but that does not mean you have come to the end.
P. Auster, "In the Country of Last Things".
Annexe A : Le conducteur parfait
En arrière-plan de la discussion sur les divers modèles macroscopiques de
supraconducteurs, voici (sans démonstrations) quelques résultats concernant les
équations des courants de Foucault en présence
de conducteurs parfaits.
On considère la configuration indiquée en
insert : un conducteur C, de résistivité ρ,
contenant une partie parfaitement conductrice
SC (simplement connexe et de frontière S
connexe), où ρ = 0. La perméabilité µ est
partout celle du vide. Une densité de courant
"source" js est donnée, à support borné et
extérieur à C. L'espace entier est noté E3 .
js
C
S
SC
n
On suppose tous les phénomènes sinusoïdaux en temps, à la pulsation ω, et
par conséquent tous les champs considérés sont à valeurs complexes. Les équations
sont donc
(A1)
iωb + rot e = 0 dans E3 , rot h = j dans E3 ,
(A2)
b = µ h, e = ρ j dans C, j = js dans E3 − C.
Par linéarité, les résultats qu'on va donner s'étendent au cas d'évolution. Il suffit de
considérer les transformées de Laplace des différents champs et de substituer p,
complexe, à iω.
- 50 -
Introduisons quelques espaces fonctionnels :
IHs = {h ∈ IL2 rot(E3 ) : rot h = js dans E3 − C},
IH0 = {h ∈ IL2 rot(E3 ) : rot h = 0 dans E3 − C},
Ψ = {ψ ∈ L2 (E3 ) : grad ψ ∈ IL2 (E3 ), grad ψ = 0 sur C},
IE = {e ∈ IL2 rot(E3 ) : ∫ e · grad ψ' = 0
∀ ψ' ∈ Ψ}5 2
et enfin, jN désignant le rotationnel de la restriction de h à E3 − SC (autrement
dit, le courant induit "normal") :
IH s = {h ∈ IL2 (E3 ) : jN ∈ IL2 (E3 − SC), rot h = js dans E3 − C},
IH0 de même, avec 0 à la place de jS, et
IE = {e ∈ IE : e = 0 dans SC}.
Remarquer que IE ⊂ IE, mais que par contre IH s ⊃ IHs et IH0 ⊃ IH0 . Muni du
produit scalaire naturel, (h, k) = ∫E3 h · k* + ∫E3 − SC rot h · rot k*, IH0 est un
Hilbert. Noter que IH0 est dense dans IH 0 .
Il y a deux formulations variationnelles possibles des pbs. (A1)(A2), "en h" et
"en e" (cf. [B", B'] pour plus de détails, et pour le traitement par éléments finis, qui
est l'une des raisons pour lesquelles on introduit de telles formulations faibles).
Celle en h est trouver h ∈ IH s qui rende stationnaire la quantité (complexe)
(A3)
L (h) = iω ∫E3 µ h2 + ∫C − SC ρ (rot h)2 ,
celle en e consiste à trouver e ∈ IE qui rende stationnaire
(A4)
K (e) = iω ∫E3 − SC ρ −1 e2 + ∫E3 µ−1 (rot e)2 − 2iω ∫ js · e.
Prendre garde que dans ces expressions, le carré d'un vecteur u n'est pas le carré
de son module, soit |u| 2 = u · u*, mais son carré complexe, i.e., si u = ur + i u i, où
ur et ui sont des vecteurs réels, u2 = |ur| 2 − |ui| 2 + 2i u r · ui. Noter aussi qu'il ne
s'agit pas de minimiser ou de maximiser, mais de stationnariser une quantité,
c'est-à-dire de trouver un point où sa dérivée s'annule. (On montre aisément que ce
point est unique dans les deux cas.)
52
En tant qu'orthogonal de Ψ , IE est bien fermé dans IL2rot(E), bien que grad Ψ ne soit pas
lui-même fermé.
- 51 -
Les formulations faibles associées à (A3) et (A4) sont : trouver h ∈ IHs tel
que
(A5)
iω ∫E3 µ h · h' + ∫C − SC ρ rot h · rot h' = 0 ∀ h' ∈ IH0 ,
et trouver e ∈ IE tel que
(A6)
iω ∫E3 − SC (ρ −1 e + js). e' + ∫E3 µ−1 rot e · rot e' = 0 ∀ e' ∈ IE.
D'après (A5), h = 0 dans SC (prendre h' à support dans SC). Comme
rien ne contraint la trace tangentielle de h à être nulle sur S du côté de C − SC
(le côté "normal"), h présente donc en général une discontinuité. Donc rot h, pris
au sens des distributions, comporte une partie concentrée sur S, qui s'interprète
physiquement comme une nappe de courant. Le champ qu'elle crée dans SC
annule le champ dû aux autres courants (j s et les courants induits dans C − SC),
d'où h = 0 dans SC. Quant à e, il est nul par construction dans SC si on résout
(A6), mais ce résultat peut aussi bien être déduit de (A5) : poser e = ρ rot h
partout, et intégrer par parties. De même, h = 0 se déduit de (A6), en prenant e' à
support dans SC, en posant h = − rot e/iωµ. Le courant surfacique est
n × rot e/iωµ, où n est la normale à SC, comme on le voit en intégrant par parties
(cette quantité ne s'annule pas, car la trace tangentielle de e' est contrainte à être
nulle sur S par la définition de IE).
Tout cela montre que le fait d'assimiler le supraconducteur à un conducteur
parfait n'est pas un si mauvais modèle : on obtient bien les résultats essentiels, à
savoir l'exclusion du champ de la région SC et l'existence d'un "super-courant" (la
nappe de courant ci-dessus, due à la discontinuité de h) à l'interface conducteur
normal/conducteur parfait. (Cela dit, on n'échappe tout de même pas à l'objection
concernant l'effet Meissner donnée p. 7.)
On peut être curieux de savoir si le modèle précédent peut se déduire d'un
passage à la limite dans un problème "raide" [Li], où SC serait remplacé par un
très bon conducteur, de résistivité αρ. Lorsque α tend vers 0, on trouve
effectivement la situation que l'on vient de décrire.
En effet, les deux formulations du problème "normal" sont alors trouver hα ∈
IH tel que
s
(A7)
iω ∫E3 µ hα · h' + ∫C − SC ρ rot hα · rot h' + ...
+ α ∫SC ρ rot hα · rot h'= 0 ∀ h' ∈ IH0 ,
et trouver eα ∈ IE tel que
- 52 -
(A8)
iω [∫E3 − SC (ρ −1 eα + js). e' + α −1∫SC ρ −1 eα. e'] + ...
+ ∫E3 µ−1 rot eα · rot e' = 0 ∀ e' ∈ IE.
Travaillant sur (A8), on montre que, lorsque α tend vers 0, e α tend vers 0
dans SC, au sens de IL2 (SC), rot e α restant borné. D'où le modèle limite (A6).
Avec (A7), la technique est plus délicate. Il faut introduire un "correcteur" [Li] :
partant de la restriction de h α à E3 − SC, on la prolonge vers SC en la multipliant
par exp(−d/λ), où d est la distance à S du point considéré et λ la profondeur de
~
pénétration de London, d'où une solution corrigée h α. On montre alors que la
~
différence h α − h α tend vers 0 dans IL2 rot(E3 ), ce qui laisse le problème
~
relativement simple d'examiner le comportement de h α, comme dans la théorie de
l'effet de peau.
Tout ceci est un bon exemple d'un phénomène assez courant : la même
situation physique "à petit paramètre" (ici, α) peut être analysée par deux méthodes
asymptotiques différentes, duales, l'une où la perturbation est "régulière" (ici, la
formulation en e), l'autre où elle est "singulière" (ici, en h). La distinction
s'observe sur le comportement de la solution du problème α, ici hα ou e α, lorsque
α tend vers 0. Dans le cas singulier, h α tend à "sortir de l'espace" (l'espace
fonctionnel IHs où l'on recherche les hα), et sa "limite" se trouve dans un espace
fonctionnel plus grand (ici, IHs), le mot "limite" n'étant légitime que par rapport à
une topologie adéquate sur IHs, plus faible (lorsqu'on la restreint à IHs) que la
topologie naturelle de IHs (celle induite par IL2 rot). Dans le cas régulier, au
contraire, on tend à "entrer dans un sous-espace" (ici, IE), plus petit que l'espace
fonctionnel où l'on cherche les eα (soit IE), et la limite est au sens de la topologie
de ce dernier espace. (Voir [B-] pour une discussion plus poussée et un autre
exemple.)
Annexe B : Algorithmes
Soit X un espace vectoriel réel de dimension finie, muni d'un produit scalaire
( , ), A une matrice symétrique vérifiant (Ax, x) ≥ 0 pour tout x, et f ∈ X → IR
une fonction convexe, de domaine dom(f), semi-continue inférieurement. (On
notera |x| la norme de x.) Soit b = t → b(t) ∈ X une fonction du temps donnée,
pour t ≥ 0, à valeurs dans X. On cherche, pour t ≥ 0, une fonction t → x(t)
vérifiant
(B1)
∂t ∂f(x(t)) + Ax(t)
b(t) ∀ t > 0,
où ∂f est le sous-différentiel de f. Ce type d'équation s'appelle "inclusion
différentielle" [AC].
La question se pose, en particulier, lorqu'on a procédé à la discrétisation en
- 53 -
espace d'un problème de Stefan, ou pour ce qui nous intéresse ici, de la "méthode
en e" pour le calcul des courants de Foucault en présence de supraconducteurs (cf.
note 45). La dimension de X est le nombre de degrés de liberté.
Il faut fixer les condition initiales, et expliciter la notation. Plus précisément,
donc, on cherche un couple {x(t), y(t)} tel que
∂t y(t) + Ax(t) = b(t), y(t) ∈ ∂f(x(t)) ∀ t > 0, x(0) = x0 , y(0) = y0 ,
(B2)
pour x0 ∈ X donné et y0 ∈ ∂f(x0 ) donné. Remarquer que cette formulation est
en fait symétrique en x et y (on pourrait aussi bien écrire la liaison entre x et y
sous la forme équivalente x(t) ∈ ∂g(y(t)), où g est la conjuguée de Fenchel de f),
de sorte que le contenu de cette Annexe s'applique aussi bien à la "méthode en h"
du texte.
Même ainsi précisées, ces spécifications ne suffisent pas à déterminer x de
façon unique. Supposons par exemple dom(f) = {x : |x| < 1} et f nulle sur son
domaine. Soit t → x(t) une trajectoire quelconque dans dom(f), x 0 = x(0), et b(t)
= A x(t). Alors (B2) est trivialement vérifée, avec y(t) = 0. Mais elle l'est aussi
pour toute autre trajectoire x'(t) telle que x'(0) = x(0), |x'(t)| < 1 et x(t) − x'(t) ∈
ker(A). Pour éviter ces difficultés, on supposera la fonction x → f(x) + (Ax, x)/2
strictement convexe (sur dom(f)), ce qui est bien le cas dans toutes les applications
envisagées ici.
On va donner une solution approchée de (B1), obtenu par discrétisation en
temps selon un schéma d'Euler implicite. (La variante Crank-Nicolson s'obtient
sans difficulté.) Étant donné un pas de temps δt, il s'agit donc de construire deux
suites {xn , yn : n = 0, 1, ...} vérifiant x0 = x0 , y0 = y0 , et, pour n ≥ 1,
(yn − yn − 1)/δt + A xn = bn , yn ∈ ∂f(xn ),
(B3)
où bn = b(nδt), d'où l'algorithme5 3 :
variables
x, y ∈ X ; données x0 , y0 ∈ X ;
x ← x0 ; y ← y0 ;
|
répéter
|
|
x ← arginf{x → f(x) + δt (Ax, x)/2 + (y − δt bn + 1, x)} ;
|
|
y ← y + δt (b − Ax)
53
L'instruction x ← E(x) est une affectation, consistant à évaluer l'expression E (avec la
valeur actuelle de x), puis à attribuer à la variable x, pour nouvelle valeur, le résultat de ce
calcul. Elle se lit "x prend la valeur E(x)." L'expression x → E(x) désigne la fonction qui à x
associe la valeur de E, et arginf(f) est l'ensemble des valeurs de la variable pour lesquelles la
fonction f atteint son minimum.
- 54 -
Le point important, ici, est que la fonction à minimiser est strictement convexe,
de sorte que arginf se réduit à un seul point. L'algorithme est donc déterministe, et
produit une suite {x n : n = 0, 1, ...} qui est une approximation de la suite des x(n
δt), où x est la solution de (B1).
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