Internat Jésuite - Ecole de Provence
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Internat Jésuite - Ecole de Provence
4 Education Dossier 0123 Mercredi 9 février 2011 L’internat jésuite version 2011, moins sévère et plus ouvert Les établissements catholiques proposent des internats à 3% de leurs collégiens et lycéens Reportage Reims Envoyé spécial I nternat jésuite ? Certes, il existe toujours derrière les vieux murs de Saint-Joseph, à Reims, des dortoirs pouvant contenir 90 lits. Mais plus personne n’y dort depuisplus dedixans.Aprèslestravaux en cours, le nouveau centre de documentation et d’information(CDI)del’établissementyprendra bientôt ses quartiers. Un couple, enlacé dansun coin, expérimente la complémentarité des deux sexes sans se soucier du passant, fût-il le Père Boca Les quelque 330 internes de Saint-Joseph, sur un effectif total de 1 300 jeunes scolarisés de la maternelle au bac, sont dorénavant installés dans un bâtiment nouveau, à neuf par chambrée. Saint-Joseph est toujours dirigé par un jésuite, mais le Père François-Xavier Boca n’a pas l’air sévère de ses prédécesseurs, dont les photos s’alignent dans l’escalier qui mène à son bureau. Le prêtre a l’œil rieur et l’humour ravageur. Dans son discours, il parledavantage de responsabilisation et d’autonomie que d’autorité. Sa hantise ? Que ses élèves ne deviennent des « moutons ». LesélèvesdeSaint-Josephappartiennent à des milieux globalementplutôt aisés,propriétairesterriens aisnois, cadres supérieurs et professions libérales, souvent parisiens. Mais ils ressemblent à tous les élèves de France, ne portent aucun uniforme, courent et chahutent dans les couloirs à l’intercours. Un couple, enlacé dans un coin, expérimente la complémentarité des deux sexes sans se soucier du passant, fût-il le Père Boca. Quand celui-ci salue les uns ou les autres, la réciproque n’est pas garantie. «Il m’arrive de dire “pas bonjour !” », ironise-t-il. Internat jésuite, Saint-Joseph est d’abord l’un des mille internats de l’enseignement catholique. L’un de ces internats « moyens », qui n’accueillent ni élèves en « réinsertion scolaire» ni élèves « d’excellence ». Pourtant, la réussite au bac est, à Saint-Joseph, un quasi sans faute. Que l’internat d’aujourd’hui ne soit plus celui d’hier ne doit pas étonner, souligne Annie Postigo, directrice de Notre-Dame-Le-Ménimur, à Vannes : «Ce n’est pas l’internatquichange, dit-elle,c’estlasociété qui l’entoure et les jeunes qu’il accueille. » Sans doute, à Vannes comme à Reims, on est souvent interne de père en fils. « Mon père l’était, mon frère aussi, explique Jean Létrillart, 15 ans, élève de 2de à Saint-Joseph. Moi, je n’étais pas contre… » Et le jeune homme se plaît à l’internat. « En deux mois, je mesuis fait autant de copains qu’en quatre ans au collège.» A Reims, la tradition familiale perdure, donc. Le recours à l’internat comme solution à l’éloignement, beaucoup moins. Il existe aujourd’hui des établissements scolairesunpeu partout.«Lajustification géographique était prépondérante il y a cinquante ans, rappelle Annie Postigo. Aujourd’hui, l’internat est un relais de plus dans l’accompagnement des élèves. Chez les jeunes d’aujourd’hui, on sent le besoin très fort de savoir que des adultes solides se tiennent à leurs côtés. » Et quand les parents se déplacent beaucoup pour des raisons professionnelles, travaillent tard ou se séparent, certains gamins sont livrés à eux-mêmes. De fait, la directrice, comme beaucoup de ses collègues, voit de plus en plus souvent arriver des enfants qui affirment avoir euxmêmes demandé à être internes. Malgré la vie un peu spartiate, l’absence de télévision et le contrôle strict des téléphones portables… «Le vendredi soir, j’entends des élèves qui disent “Vivement lundi !”, raconte Mme Postigo. C’est nouveau. Il faut dire que la conjoncture socialeestlourde,etcertainesfamillestra- Internats du premier degré : pour les enfants défavorisés Les internats du primaire sont peu nombreux en France. Neuf « écoles régionales du premier degré » (ERPD), auxquelles il faut ajouter une centaine d’internats privés. Créées dans les années 1950, les ERPD étaient initialement destinées aux enfants de familles non sédentaires, bateliers, mariniers, forains. Avec le déclin de ces métiers, elles se sont ouvertes aux enfants de familles socialement défavorisées. Les neuf ERPD affichent complet, et certaines voient la demande s’accroître. Mais la mission de ces internats est parfois mal comprise par les parents, les services sociaux ou l’institution scolaire. A celui de Strasbourg, les trois quarts des enfants ont été placés par les services sociaux, et quelquesuns relèveraient même d’un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). L’ERPD de Lille a lancé toute une campagne d’information pour que son internat ne soit pas perçu comme un établissement de placement social ou judiciaire. Dans ces structures, les enfants retrouvent un cadre, des repères. Entourés par des enseignants éducateurs, ils prennent goût à l’école. Education fondée sur le pacifisme et la non violence, l’internationalisation, l’ouverture sur le monde et son devenir De la quatrième à la terminale : bacs L, S, ES, STG • Internat permanent de 180 élèves (garçons et filles) • 30 nationalités • Campus de 15 ha au milieu de la nature • Nombreuses activités sport et culture • • Collège Cévenol Lycée International • Chemin de Luquet 43400 Le Chambon-sur-Lignon • Tél. : 04 71 59 72 52 • Fax. : 04 71 59 72 52 [email protected] • www.lecevenol.org versent de grosses crises. Les enfants sont aux premières loges… Un jour, une jeune fille m’a dit : “Le weekend, je prends les problèmes de ma mère en pleine tête…” Il ne faut pas généraliser, mais c’est vrai que, pour certains élèves, l’internat peut apparaître comme un havre de calme et de protection. » PatrickRabiller,directeurdel’ensemble scolaire Saint-Gabriel, à Saint-Laurent-sur-Sèvre, au cœur du bocage vendéen, voit lui aussi arriver de nouveaux publics dans un contexte général d’augmentation de la demande. « Les familles monoparentales sont plus nombreuses qu’avant», ajoute-t-il. Dépassées par les événements, désemparées par leur progéniture, accablées par les problèmes de toutes sortes, certaines familles ontelles davantage recours à l’internat ? La difficulté d’éduquer des ré deg ond Sec 800 220 nes r inte adolescents, « cela a toujours existé », tempère M. Rabiller. En revanche, le directeur de Saint-Gabriel reconnaît que « l’expression d’un mal-être est plus fréquente qu’avant chez les jeunes ». « Les chahuts collectifs sont moins nombreuxqu’il ya quaranteans, constate-t-il. Mais il y a plus d’explosions individuelles. » La violence est un sujet qui préoccupe le Père Boca. « Aujourd’hui, les jeunes utilisent la violence beaucoup plus vite, comme rite d’intégration autant que comme gestion des conflits. Pour certains d’entre eux, c’est un jeu… », regrette-t-il. « C’est un fait de société », qui, là encore, se répercute dans l’internat. A tel point que Saint-Joseph a dû modifier l’organisation de ses « équipes », spécificité des établis- sements jésuites depuis les années 1940. Les 400 lycéens de Saint-Joseph sont répartis en 28 équipes. Chacune dispose d’une salle et se caractérise par une activité dominante : théâtre, bois, modélisme, sports, photo, électronique, arts culinaires,architecture,stylisme, communication, etc. Les équipes structurentainsila viedu lycée.Laquinzaine de jeunes de 2de, 1re et terminale qui composent chacune d’entre elles mangent, font leurs travaux scolaires et s’adonnent à leurs activités ensemble… Pourtant, depuis quatre ans, ils ne partagent plus la même chambre. Carc’estdanscetespaceques’exprimait parfois la violence que déplorelepèreBoca.«Dans leséquipes, il y a un chef, explique-t-il. Et si un élève ne respecte pas son chef, ça peut cogner. Ils font ce qu’ils appellent “une brouffe”. » Pour la nuit, les élèves sont donc désormais répartis par niveaux, et non plus par équipes. A cela s’ajoute l’inconvénient des chambrées… Les dortoirs étaient organisés pour que les deux surveillants, dont le lit était installé aux angles, puissent avoir une vision d’ensemble des lieux, d’un seul coup d’œil. Difficile, en revanche, de savoir ce qui se passe derrièrelesmursdeschambres,certesplus confortables, maisplus isolées. Toutes sont organisées à huit ou neuf lits et disposent d’une petite salle de bains attenante, dotée de deux douches et de lavabos. Làaussis’exprime le«collectivisme» que le Père Boca invoque avec une gourmande ironie. Dans les internats catholiques, on met en avant l’apprentissage du vivre ensemble, le « sens du service » et l’entraide. «Pour les élèves en situation scolaire fragile, on multiplie les réponses pédagogiques, explique Mme Postigo. L’internat peut être l’une d’entre elles, articulé avec ce qui se fait dans la journée. Le soir, les élèves s’entraident, mais des enseignants sont présents pour du soutien. Ne jamais désespérer d’un enfant, quoi qu’il fasse, c’est ça être catholique aujourd’hui.» p Benoît Floc’h A Portbail, la réinsertion est dans le pré A l’ERS, les journées des jeunes pensionnaires sont rythmées par un planning quasi militaire Reportage Portbail (Manche) Envoyée spéciale A llez chercher vos baskets, les gars! On va aller courir pour vous défouler.» Ne faisant ni une ni deux, les trois adolescents accueillis par l’établissement de réinsertion scolaire (ERS) de Portbail, dans la Manche, foncent dans une bruyante excitation. Il est tout juste 11 heures ce mardi matin. Après deux longues heures de cours, leur concentration s’est évaporée. Agés de 14 ans, tous trois sont des élèves dits « perturbateurs ». Insolences envers les professeurs, bavardages incessants ou absentéisme leur auront valu plusieurs exclusions en Seine-Saint-Denis, et une place à Portbail. « Ils sont sur le fil. Si on ne s’occupe pas d’eux, ils risquentdebasculerdansladélinquance », explique Thomas Demules, directeur adjoint et coordonnateur de l’ERS. La plage, déserte à cette saison, leur sert de défouloir. Du bâtiment qui les accueille, pas d’autre vue que celle de la mer. Aux alentours, des maisons, quelques fermes et la campagne normande tranchent avec le béton de leurs cités. « C’est un véritable choc pour eux », commente Thomas Demules. L’ERS, dotée d’une équipe de onze personnes (un coordonnateur, deux professeurs des écoles, quatre assistants d’éducation, trois volontairesdu service civiqueet un A 14 ans, leur insolence envers lesprofesseurs, leurs bavardages incessants ou leurabsentéisme lesa conduits àPortbail éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse), a ouvert ses portesle8 novembre2010.Neufautres ont vu le jour en France depuis le début de l’année scolaire. Leur objectif: réapprendre à ces jeunes à travailler et à vivre en société. Retour de footing, c’est l’heure du repas. A Portbail, les journées sont rythmées selon un planning plutôt spartiate. Chaque activité, chaque moment est l’occasion de rappeler aux pensionnaires des règles de vie élémentaires : ne pas couper la parole, débarrasser sa table, ranger ses affaires, etc. « Ça sembleun peu militaire, maisilsont besoin qu’onleur montre oùsont les limites », justifie Olivier Kampenaers, assistant d’éducation. Elèves et équipe éducative mangent ensemble dans le réfectoire. L’occasion d’échanger, d’apprendre. « Il a vachement morflé», lance un des adolescents en racontant son week-end. «Les autres, donnezmoi un synonyme de morfler », rebondit Olivier K. « En baver », «souffrir », « endurer » sortent vite duchapeau.«Toutestprétexteàfaire de l’éducatif, nous ne devons pas leur laisser de temps mort car ils risquent de laisser exploser leur colère», explique M. Demules. Après la matinée de cours, les trois élèves prennent le chemin de la ferme équestre. Deux après-midi par semaine, «ils apprennent à apprivoiserles chevaux,etàleurfaire confiance, un premier pas dans le respect de l’autre », précise A la nt ssai Tou 0 1 20 RS 10 E t o s n rts ouve M.Demules. Plus tard, ils pratiqueront aussi le char à voile et la pêche à pied. Le reste du temps, l’équipe organise des ateliers djembé, vélo, slam, arts plastiques… Quant aux soirées, elles sont consacrées à des jeux de cartes ou à des visionnages de films. Le week-end, les trois pensionnairesprennentletrainpourrejoindre leurs familles en Seine-SaintDenis.Commeeux,dixautrescollégiens du département sont scolarisés dans les ERS de Craon (Mayenne) et de Vaujours (Seine-SaintDenis). A terme, ils devront en accompagner cinquante. Mais après le renvoi de huit jeunes de Portbail en novembre 2010, pour des violences à l’égard des enseignants, l’inspection d’académie a décidé de revoir sa copie. « L’idée est de consolider d’abord les groupes, puis de monter progressivement en envoyant par exemple un élève toutes les deux semaines », détaille Marc Bablet, inspecteur d’académie adjoint de Seine-Saint-Denis. Les trois élèves sont arrivés entre novembre2010 et janvier. Un quatrième devrait les rejoindre dans les prochaines semaines. Tous resteront ici jusqu’à l’été, avant de réintégrer leur établissement d’origine. p Chloé Bossa