Édition 2012-09-01 (PDF document)
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Numéro 73 - septembre - octobre 2012 Les NOUVELLEs ROUMANIE de SOMMAIRE A la Une Coup de force à Bucarest Le récit des évènements Référendum de destitution Les protagonistes Lettre d’information bimestrielle Dans la tourmente 2 à 15 Actualité Vie internationale Moldavie Economie Social 16 à 19 20 et 21 22 Société Evénements Vie quotidienne Enseignement Jeux Olympiques Insolite Photos 23 à 30 31 32 à 35 36 37 Connaissance et découverte Cinéma Musique George Georgescu Mémoire, Histoire Tourisme Traditions Humour Abonnement Coup de coeur 38 39 40 à 43 44 et 45 46 et 47 48 à 53 54 55 56 L a Roumanie a vécu le pire été de sa jeune démocratie, rappelant que la transition de l'après-communisme est loin d'être terminée. A la faveur d'un retournement de majorité, entraînant un changement de gouvernement, un groupe de politiciens arrivistes a tenté de s'emparer brutalement de tous les pouvoirs de l'Etat, selon un plan concerté, pour régner sans partage sur le pays. Mettant à mal ses principales institutions, il est pratiquement parvenu à ses fins. Une seule, la plus emblématique, lui a échappé, qui devait couronner son entreprise: la Présidence de la République. Le référendum de destitution de Traian Basescu, provoqué fin juillet, s'est ainsi transformé en véritable bataille de la Marne pour les défenseurs de l'Etat de Droit qui l'ont finalement emporté, le Président sauvant in extrémis son poste. Invalidé de justesse, faute d'un nombre suffisant de votants, ce scrutin a finalement tourné à la confusion de ses auteurs, lesquels ne renoncent toutefois pas à leur objectif, clamant aujourd'hui encore qu'il ne s'agit que d'une partie remise. Le prochain épisode devrait avoir lieu dès novembre, lors des élections législatives. Traian Basescu, suspendu de ses fonctions par le Parlement pendant près de deux mois - pour la seconde fois de sa carrière - dans l'attente du verdict référendaire, s'est trouvé ainsi propulsé en dernier rempart de la démocratie. Un rôle qu'il ne méritait pas particulièrement au regard de la responsabilité qu'il porte dans le traumatisme que vit la société roumaine. Courant au devant des exigences accablantes formulées par le FMI et l'UE pour aider le pays à sortir de la crise, son gouvernement les a appliquées sans discernement, ni la moindre compassion, aggravant le sort de la population. Du pain béni pour les adversaires du Chef de l'Etat, qui guettaient la première occasion de retrouver un pouvoir qu'ils ont toujours considéré comme un dû. Mais, trop sûrs de leur fait, ils ont sous estimé les talents manœuvriers d'un président madré qui a su retourner une bonne partie de l'opinion publique, laquelle s'est réfugiée dans l'abstention, consternée par le spectacle donné par ces Pieds Nickelés de la gouvernance, jouant aux apprentis putschistes. Heureusement, en Roumanie on est plus proche des comédies à la Caragiale que des drames à la Dostoïevski… Force, cependant, est de constater que Bucarest vient de vivre une nouvelle version des Minériades, institutionnelles celles-ci. Avec en toile de fond, les mêmes acteurs: la nomenklatura à la mode Iliescu, ses héritiers, les survivants de la Securitate, qui ont fait le lit des oligarques et transformé la Roumanie en kleptocratie. Ces mêmes oligarques, menacés depuis peu par la Justice roumaine, et qui ont appelé à leur secours leurs amis nostalgiques d'une autre époque. Par bonheur, les Démocrates roumains, soutenus fermement par l'UE et Washington, ont su mettre le holà. Pour l'instant… Henri Gillet 1 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE l l ORADEA CLUJ l BAIA MARE ARAD IASI SIBIU GALATI l BRASOV PITESTI CRAIOVA l l l l TIMISOARA CHISINAU l BÂRLAD l l l l SUCEAVA TARGU MURES l l l TULCEA n BUCAREST Les résultats par judets 22 2 Taux de participation* : Alba (Alba Iulia) : 37 % Arad : 34,99 % Arges (Pitesti) : 54,18 % Bacau : 44,49 % Bihor (Oradea) : 37,83 % Bistrita-Nasaud : 35,56 % Botosani : 54,85 % Brasov : 35,56 % Braila : 49,98 % Buzau : 51,14 % Caras Severin (Resita) : 50,85 % Calarasi : 54,65 % Cluj : 34,99 % Constanta : 58,23 % Covasna (Sf . Gheorghe) : 20,60 % Dambovita (Târgoviste) : 52,67 % Dolj (Craiova) : 53,82 % Galati : 44,56 % Giurgiu : 60,67 % Harghita (Miercurea Ciuc) : 11,56 % Hunedoara (Deva) : 50,53 % Ialomita (Slobozia) : 50,19 % Iasi : 43,48 % Ilfov (banlieue Bucarest) : 30,14 % Maramures (Baia Mare) : 36,57 % Mehedinti (Turnu Severin) : 70,46 % Mures (Târgu Mures) : 33,96 % Neamt (Piatra Neamt) : 46,46 % Olt (Slatina) : 74,71 % (record) Prahova (Ploiesti) : 48,79 % Satu Mare : 28,23 % Salaj (Zalau) :40,09 % Sibiu : 37,39 % Suceava : 42,55 % Teleorman (Alexandria) : 70,16 % Timis (Timisoara) : 35,06 % Tulcea : 41,55 % Vaslui : 45,97 % Vâlcea (Rimnicu Vâlcea) : 60,44 % Vrancea (Focsani) : 55,48 % Bucarest : 40,04 % En gras, les 16 judets où le taux de participation a dépassé les 50 %. *Les votants ont approuvé à près de 90 % la destitution du Président. Les résultats nationaux du référendum de destitution du Président de la Roumanie du 29 juillet Inscrits : 18 292 464 Votants : 8 459 053 (46,27 %) Quorum de 50 % requis pour la validation du référendum : 9 146 233 Pour la destitution du Président : Oui : 7 403 836 (87,52 %) Non : 943 375 (11,15 %) Le référendum a été invalidé par la Cour Constitutionnelle le 21 août, le quorum de votants n'étant pas atteint. Traian Basescu reste donc Président de la République. Coup de force Le président Basescu reste finalement en place Un référendum qui échoue sur le fil T raian Basescu a eu chaud. Ses adversaires ont échoué de justesse à le faire destituer par le référendum national qu'ils avaient convoqué le dimanche 28 juillet. Victor Ponta, le nouveau Premier ministre, leader du PSD (parti d'Iliescu et Nastase), et son associé Crin Antonescu, chef du PNL (Parti National Libéral), qui visait la place du Président, n'ont finalement pas réussi à convaincre une majorité de leurs compatriotes de se déplacer pour que leur initiative soit validée. Les deux hommes avaient réuni depuis plusieurs mois leurs formations respectives au sein de l'alliance USL (Union Sociale Libérale) laquelle détient depuis fin avril la majorité au Parlement, ce qui leur a permis le 6 juillet de faire voter la suspension du Chef de l'Etat. Cette démarche devait toutefois être approuvée par la majorité des votants et, point fondamental, entérinée par la présence aux urnes de 50 % des électeurs. C'est là que le bât blesse, seulement 46 % d'entre eux s'étant finalement déplacés. L'USL avait pourtant soigneusement préparé son opération, en "euthanasiant" au préalable tous les obstacles qui pouvaient la contrarier, notamment du côté de la Justice, opérant un véritable coup de force institutionnel, s'attirant la réprobation des instances européennes. Si les électeurs l'on suivi dans le sud du pays, fiefs habituels du PSD, y dépassant le quorum requis dans une large bande allant de Tulcea aux portes du Banat, il n'en a pas été de Le vendredi 6 juillet, Crin Antonescu, applaudi même dans le reste du pays. par le Premier ministre Victor Ponta peut jubiler. Il a réalisé son rêve… devenir Président Le taux de participation a de la République, intérimaire pour l'instant. franchi le seuil des 50 % dans 16 judets, atteignant des taux records de 70-75 % en Olténie, d'où sont originaires Iliescu et Ceausescu. Botosani, Buzau et Vrancea l'ont suivie. La Moldavie s'est montrée beaucoup plus réservée (40 - 45 % de participation) et la Transylvanie, fidèle à sa tradition démocratique, choquée par la façon de procéder du tandem Ponta-Antonescu, a exprimé largement ses réticences (30-35 %), seulement 28 % des électeurs se déplaçant même à Satu Mare. Mais c'est surtout en terre magyare que l'initiative a été la moins comprise (11% en Harghita et 20 % en Covasna). Une analyse sociologique a montré que ce sont principalement les classes défavorisées, les plus exposées à la crise et les plus touchées par les mesures très dures prises par le gouvernement Boc, qui sont venus signifier leur colère à l'égard de Traian Basescu. Celui-ci a sauvé sa tête de justesse… mais aura sans-doute pris comme un camouflet le résultat du référendum à Constantsa, son judet d'origine : 58 % des électeurs sont venus voter, 83 % demandant sa destitution. Les NOUVELLES de ROUMANIE Coup de force A la Une Les trois jours qui ont plongé la Roumanie dans le chaos institutionnel Soudain, deux braqueurs tentent leur hold-up sur l'Etat de Droit Arrivé au pouvoir le 7 mai, après le renversement de l'ancienne majorité, le nouveau Premier ministre Victor Ponta, issu des rangs de l'ancienne nomenklatura communiste, et son associé Crin Antonescu, leader du Parti National Libéral, ont mené une offensive brutale et sans précédent pour se débarrasser du Chef de l'Etat, Traian Basescu, excluant d'emblée toute idée de cohabitation. Objectif : s'emparer de la Présidence de la République et concentrer tous les pouvoirs institutionnels entre leurs mains. Récit d'un coup de force aux multiples rebondissements, qui a provisoirement échoué, la Cour Constitutionnelle, après bien des tergiversations, ayant finalement invalidé le référendum de destitution du Président. Rarement la Roumanie d'après la "Révolution", déjà en pleine crise économique, n'avait été aussi près du chaos. D condamné à deux ans de prison ferme pour corruption, vient ès sa nomination en tant que Premier ministre, d'être mis derrière les barreaux, malgré tous les échappatoires Victor Ponta a entrepris une manœuvre politique et une tentative grandguignolesque de se soustraire à sa peine de grande ampleur, ayant pour principal objectif en se suicidant d'une balle ratée dans la gorge... tirée à cinq la destitution de Traian Basescu, dont le second mandat n'arricentimètres ! Pour le faire libérer, il serait bien venu d'obtenir ve à expiration que fin 2014 et qui n'aura plus le droit de se sa grâce… que seul le Président peut accorder. représenter. Il partage alors avec Crin Antonescu la direction Côté Libéraux, on s'inquiète du sort de Dinu Patriciu, l'une de l'USL (Union Sociale Libérale), alliance contre nature entre des plus grosses fortunes roumaines, faite sur le dos du pays et la nomenklatura communiste, dont il est l'héritier, et les libéde ses intérêts pétroliers. L'affairiste est passible de 20 ans de raux. Mais les deux hommes doivent tout d'abord s'assurer de prison pour corruption et doit repasser incessamment en jugela prise de contrôle des principales institutions du pays, afin ment. Il serait aussi opportun d'asseoir le retour de leurs parde lui éviter le sort de Nastase. tisans, écartés des affaires La panique de ces milieux depuis plus de six ans et qui le proches du pouvoir est palpasupportent de plus en plus mal. ble et explique la hâte à invesLes deux compères ne sont tir tous ses rouages: en 2011, la alors pas forcément sur la Direction Nationale Anticormême longueur d'ondes. ruption (DNA), activée par Conseillé par la vieille garde Traian Basescu et fortement du PSD où Ion Iliescu joue un appuyée par l'UE, a mis en rôle toujours actif, Victor Ponta Sous les masques des politiciens de l'USL, nouvellement au pouvoir, examen 1091 personnes, préférerait la prudence avant qui ont tenté le coup de force de début juillet, se cacheraient-ils quelques de s'attaquer au Chef de l'Etat "gros poissons", impliqués dans des affaires douteuses et qui avaient dont un ancien Premier tout intérêt à neutraliser la Justice? On reconnaît Dan Voiculescu, Adrian ministre, un ancien viceet, misant sur son extrême Nastase, Sorin Ovidiu Vântu. Les deux derniers se sont retrouvés derrière les barreaux, fin juin, le premier craignant de subir le même sort. Premier ministre, un certain impopularité, attendre les nombre d'anciens ministres et membres du Parlement, des prélégislatives prévues en fin d'année, aux résultats prévisibles, fets, des maires, des directeurs d'entreprises. La justice donnait pour le priver définitivement de toute légitimité. Au contraire, ainsi un signal fort au personnel politique: les puissants ne Crin Antonescu bout d'impatience: il voudrait tout de suite ce peuvent plus invoquer l'immunité parlementaire. Ces réseaux poste de Président de la République qui fait partie du marché vouent donc une haine tenace au Président en place. passé entre les deux hommes. Les élections locales et régionales de début juin qui se traduisent par un véritable désastre pour le PDL apportent de l'eau à son moulin. L'USL décide Traian Basescu interdit de sommet à Bruxelles finalement de passer à l'action immédiatement et va mener une sorte de "minériade" parlementaire (la montée des mineurs de Les hostilités commencent à la mi-juin, sous forme de la vallée de Jiu à Bucarest à l'appel de Ion Iliescu pour "metbanderilles. Victor Ponta interdit à Traian Basescu, humilié, de tre à la raison" les démocrates et les contestataires qui occureprésenter la Roumanie à l'étranger et l'empêche de participer pent la place de l'Université à Bucarest, en juin 1990), révéau sommet de l'UE qui se tient à Bruxelles, à la fin du mois. Il lant son appétit mais aussi ses méthodes brutales. prend sa place, malgré l'avis contraire de la Cour Constitutionnelle. Le Président de l'Institut Culturel Roumain, Horia Patapievici, est démis de ses fonctions provoquant l'indignaEtat d’urgence chez les “barons” tion des intellectuels et artistes qui subodorent une mise au pas après l'emprisonnement d'Adrian Nastase et un retour aux mœurs de l'époque communiste. Cette instituIl est vrai qu'il y a urgence. Un des principaux barons du tion, une des rares qui fait l'unanimité en Roumanie et à l'éPSD, l'ancien Premier ministre Adrian Nastase, mentor de tranger, passe directement sous le contrôle du gouvernement. Victor Ponta dont il a dirigé la thèse de doctorat, qui a été (à suivre page 4) 22 3 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE (suite de la page 3) l l ORADEA CLUJ l BAIA MARE ARAD IASI CHISINAU l l l SIBIU l l La Justice dans le collimateur l SUCEAVA TARGU MURES l TIMISOARA GALATI l BRASOV PITESTI CRAIOVA l l l l TULCEA n BUCAREST "My name is Paste… Copy Paste" 4 Tout au long de la crise, Victor Ponta a dû se débattre avec une affaire qui lui colle à la peau comme le sparadrap au nez du capitaine Haddock : la centaine de pages de sa thèse de doctorat, dirigée par Adrian Nastase, qu'il est suspecté d'avoir copiées. L'accusation vient de de la prestigieuse revue scientifique internationale Nature. Bien sûr, on peut supposer que l'origine de ses informations n'est pas innocente et qu'elles ont été fournies pas des milieux qui ne voulaient pas précisément du bien au Premier ministre. Victor Ponta dément aussitôt sur un ton indigné et confie à un journal italien qu'il démissionnera s'il est prouvé qu'il a copié. Une commission est toutefois mise en place par l'Université de Bucarest, où la thèse a été soutenue, pour élucider la question. Au fil des jours, les accusations se font de plus en plus précises, alimentées par des universitaires. Pour y couper court, le Premier ministre utilise alors la pratique du coup de force qu'il emploie au niveau gouvernemental. Quelques heures avant de rendre son verdict qui lui était défavorable, la commission est soudain démise de ses fonctions par la ministre de l'Education nationale, Ecaterina Andronescu, remplacée par une autre commission, entièrement à sa dévotion, laquelle conclut... qu'il n'y a pas un chat à fouetter. Mais le Conseil national d'attestation des diplômes universitaires ne l'entend pas de cette oreille et confirme que cette thèse a été largement plagiée. Mal lui en a pris… Il est supprimé sur le champ! (suite page 6) Puis c'est au tour de la télévision et de la radio d'Etat d'être mis sous tutelle par le limogeage de leurs directeurs. D'autres organismes passent sous contrôle, avec le remplacement de leurs cadres dirigeants, dont l'Institut National de la Statistique (INSS)… appelé à jouer un rôle décisif plus tard afin de définir le nombre d'électeurs que compte le pays. Plus grave encore… Le président de la DNA, Daniel Morar, particulièrement apprécié par Bruxelles pour son Victor Ponta rôle dans la lutte contre la corruption, celui de l'ANI (Agence Nationale d'Intégrité), le procureur général de Roumanie, Laura Kovesi, dont les mandats se terminent ou doivent être renouvelés à la fin de l'été, semblent figurer en tête sur la liste des prochainêtes à tomber. Le CNSAS (Conseil National d'Etude des Archives de la Securitate), le CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) sont aussi dans le collimateur. Tous les pans de la Justice sont en train de passer sous le contrôle direct du gouvernement qui dispose ainsi pratiC'est l'heure de l'offensive tous azimuts quement de contre l'Etat de Droit pour Victor Ponta et Crin Antonescu. l'ensemble des pouvoirs exécutifs du pays. Il ne lui en manque plus qu'un seul: la Présidence de la République. Une opération rondement menée L'attaque frontale peut alors commencer. Elle va être menée en trois jours, du 3 au 5 juillet. Fort de sa nouvelle majorité, le gouvernement fait remplacer les présidents de la Chambre des députés et du Sénat, ainsi que ceux des commissions, pour placer ses hommes. Le nouveau président du Sénat n'est autre que le sénateur… Crin Antonescu, qui pourrait devenir Président de la République par intérim, dans l'attente de nouvelles présidentielles où il a bien l'intention de se présenter, si d'aventure Traian Basescu était renversé. Pour se prémunir de mauvaises surprises, Victor Ponta tente de faire invalider deux juges de la Cour Constitutionnelle qui lui sont défavorables. Toute modification doit être en effet approuvée aux deux tiers de ses membres, soit six sur neuf. Et pour plus de sécurité encore, avec la complicité du nouveau président du Sénat, il change les attributions de cette Cour, organe suprême du pays, dont les avis d'obligatoires deviennent seulement consultatifs. Un véritable coup d'état institutionnel! Précaution supplémentaire: l'Avocat du peuple (médiateur de la République), qui pourrait mettre des bâtons dans les roues en contestant les décrets gouvernementaux, est démis de ses fonctions. Le Journal Officiel (Monitorul Oficial) est également mis sous tutelle: les décisions de l'Etat n'entrent en application que si elles y paraissent. Il ne reste plus qu'à entamer le processus de destitution de Traian Basescu. L'époque est propice, juste avant les vacances parlementaires, et l'opération rondement menée. Le vendredi 6 juillet, à l'issue d'un débat houleux, le Président est suspendu par le Parlement réuni en séance commune, par 256 sénateurs et députés sur 432. Les NOUVELLES de ROUMANIE Dans un document de quinze pages, le Chef de l’Etat est accusé d'avoir "sapé la démocratie", "enfreint la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice" et "imposé des mesures d'austérité qui ont appauvri la population". C'est la seconde fois (la première, c'était en 2007), que Traian Basescu se retrouve dans cette situation. Davantage les farces de Caragiale que les drames Shakespeariens A la Une se trame à l'Est, avec le précédent de la Hongrie et de ses dérapages anti-démocratiques. Victor Ponta est convoqué à Bruxelles et en revient tout penaud, avec onze points à respecter, sur lesquels il ne s'étend pas, s'il ne veut pas encourir de sanctions. Il a pourtant juré ses grands dieux, la main sur le cœur et sans rire, devant José-Manuel Barroso qu'il n'est pour rien dans tout çà… que c'est l'affaire du Parlement. Apparemment sans convaincre. Il est sommé de ne pas toucher aux attributions de la Cour Constitutionnelle et de respecter la règle de la majorité d'inscrits pour la validation du référendum. Voilà qui corse l'affaire… car obtenir plus de 9 millions de voix sur 18,2 millions d'électeurs… l'affaire n'est plus dans le sac ! En outre, on ne sait plus combien, il reste de Roumains dans le pays. Un recensement a bien eu lieu 18 mois plus tôt… mais ses résultats n'ont pas encore été entérinés. Les Roumains sont appelés à avaliser cette décision par référendum dans les 30 jours, au terme duquel le Président sera destitué. Il faudra alors recourir à une élection présidentielle dans les 45 jours suivants, repoussant de six mois les législatives de fin d'année qui ne peuvent se tenir légalement en même temps… à moins qu'on ne change la loi, ce qui n'est pas exclus. Le gouvernement a pris le soin faire adopter par décret le nouveau cadre du référendum, fixé au dimanche 29 Crin Antonescu joue au président juillet: désormais, seule une majorité des votants, même si on en compte seulement 10 ou 20 %, Cela change bigrement la et non des électeurs sera requise donne pour Victor Ponta et Crin pour le valider. La période des Antonescu qui doivent décider vacances est sans-doute la mieux la moitié des électeurs à venir appropriée pour faire avaler les voter…. Alors que pour Traian plus grosses couleuvres… mais il Basescu, c'est l'inverse: à moins ne faudrait tout de même pas que de 50 % de votants, il est sauvé, les baigneurs préférant la plage le référendum serait alors invaaux bureaux de vote fassent capolidé. ter l'opération. Après avoir hésité un Victor Ponta et Crin moment sur la stratégie à suivre, Antonescu qui endosse immédiale Président appelle au boycott. tement l'habit de Président intériCe n'est pas glorieux : en 2007, Tu te rends compte, ce jeunot il a encore il s'en était sorti la tête haute, maire, sont toutefois confiants. plus de talent que Nastase… Toutes les chancelleries européennes le considèrent déjà comme un tricheur… près de 75 % des électeurs rejeSeuls les mécontents de Traian Basescu iront voter. Même avec une faible participation, ils tant la première tentative de le destituer… Un camouflet à l’ésont sûrs de l'emporter. Crin Antonescu en est tellement perpoque pour ses adversaires, menés déjà par Dan Voiculescu, suadé qu'il annonce publiquement qu'il mettra fin à sa carrière qui pensaient alors tenir leur homme et, devant cet échec cinpolitique s'il perdait. Trois semaines plus tard, il oubliera sa glant, s'étaient bien juré d'avoir un jour leur revanche. promesse, bien que les médias, cruels, lui aient rappelée. Mais le Président, à nouveau suspendu, n'a pas le choix. Ce coup de force, mêlant des mesures légales à des dispoMadré comme il est, nombre d'observateurs s'accordent à pensitifs anticonstitutionnels, bien qu'éventé par la presse la ser qu'il saura s'en sortir une nouvelle fois. Ses adversaires veille, a pris par surprise tout le monde. Son scénario, en sept vont grandement l'aider… étapes, a été soigneusement mis au point avec l'aide de Dan Pleins de suffisance, ils se comportent déjà en maîtres Voiculescu, autre affairiste milliardaire et dirigeant politique, absolu du pays. Crin Antonescu, la mine gourmande, s'installe menacé aussi par la justice, et qui a mis son empire de presse enfin au palais de Cotroceni. Il joue au Président, alors que le à la disposition des comploteurs. Tout a été pensé, minuté dans côté provisoire de la fonction devrait le conduire à observer le moindre détail… sauf que les exécutants vont vite montrer une certaine réserve: rappel d'ambassadeurs, nomination d'auleur vraie nature. Un amateurisme de “bras cassés”, finaletres, félicitations aux sportifs participant aux JO de Londres, ment rassurant, qui les rend plus proches des Pieds Nickelés causeries télévisées régulières "au coin du feu". Il ne se sent que d'un Vladimir Poutine et fait penser davantage aux farces plus, distribue bons et mauvais points. Bref, il s'amuse avec de Caragiale qu'aux drames Shakespeariens. On est en son hochet. Roumanie, oui ou non ? Gonflé de vanité, Victor Ponta donne conférence de presse sur conférence, fait des promesses, tient des propos contradictoires au gré des circonstances qui l'amènent à se déjuger Convoqué à Bruxelles chaque jour. En outre empêtré dans l'affaire du plagiat de sa Victor Ponta en revient tout penaud thèse de doctorat (voir par ailleurs), il multiplie engagements Une fois la stupeur passée, Traian Basescu va être prompt à faire connaître la vérité, accumulant démentis, mensonges à réagir. Tout comme l'UE qui voit d'un très mauvais œil ce qui vite démasqués. (à suivre page 6) 22 5 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE (suite de la page 5) l l SUCEAVA BAIA MARE l ORADEA ARAD l l CHISINAU l l l INEU TIMISOARA BRASOV l BRAILA PLOIESTI l l CRAIOVA l n CONSTANTA BUCAREST GIURGIU l l (suite de la page 4) Faux diplôme à Catane 6 Basescu à la Lanterne l IASI ROSIA M. L'université de Bucarest décide cependant de se ressaisir du dossier, mais soumise à des pressions - la ministre menace de lui retirer son habilitation à délivrer des diplômes de doctorat - elle décide de repousser sa décision finale à septembre. C'est-àdire après que la Cour Constitutionnelle se soit prononcée sur la validation du référendum de destitution de Traian Basescu. La polémique a fortement écorné le crédit du Premier ministre, pastiché sous la forme de James Bond: "My name is Paste, Copy Paste" ("Mon nom est Copié, Copié Collé"). D'autant plus que, pour son malheur, en fouinant dans son curriculum vitae officiel, des curieux - on peut imaginer là aussi que leurs intentions n'étaient pas innocentes - ont trouvé qu'il s'attribuait un master de droit obtenu à l'université de Catane (Italie). Contacté, son président dément: Victor Ponta y a obtenu simplement un certificat comme quoi il y a suivi une formation de quelques semaines. La mention litigieuses est tout de suite retirée du CV. La compétence du Premier ministre est aussi sérieusement mise en cause. Dans les premiers jours de son gouvernement, il a dû changer deux fois de ministre de l'Education… accusés aussi de plagiat. Ecaterina Andronescu, une fidèle de l'époque Iliescu a été alors appelée à la rescousse, bien qu'elle soit en situation d'incompatibilité, étant sous le coup d'une procédure pour conflit d'intérêt, après avoir favorisé une firme de son mari quand elle était déjà ministre sous Adrian Nastase. Elle est quand même en poste aujourd’hui. Traian Basescu s'est réfugié dans sa permanence électorale et observe un silence tactique, laissant ses proches monter à l'assaut, notamment auprès des chancelleries occidentales et des instances européennes, manière de souligner auprès de ses concitoyens que dans les grandes capitales, c'est bien sur lui qu'on compte. Des économistes lui emboîtent le pas, ne mettant pas longtemps à pointer du doigt les responsables du chaos vers lequel se dirige le pays, déjà mal en point. Les investissements ont chuté ces derniers mois, le leu est en train de plonger, tombant à son plus bas niveau historique, 4,7 lei pour un euro. Mugur Isarescu, le gouverneur de la Banque centrale, l'aurait-il laissé volontairement filer pour que ses compatriotes dont les économies sont souvent libellées en monnaie européenne, sentent le vent du boulet ? Alors, même s'ils n'aiment plus Basescu, des Roumains commencent à se ressaisir. Certes, il n'est pas question de lui donner quitus, mais les nouveaux dirigeants donnent une mauvaise image d'eux-mêmes, étalent au grand jour leur incompétence, se riculisent. Chacune de leur apparition, sur des chaînes de télévision qui leur sont presque toutes acquises, n'est que prétexte à se déchaîner contre le Président suspendu. Ainsi, ils contribuent à le victimiser, les Roumains, consternés, mettant désormais dans le même sac ces politiciens qui, en outre, déconsidèrent le pays et atteignent leur fierté. Le comble du grotesque sera atteint, lorsque Crin Antonescu convoquera en pleine campagne référendaire des journalistes roumains et des correspondants étrangers pour une visite guidée de la Villa Dante, qu'il pilote lui-même (!), dans le quartier chic de Primavara de la capitale. Il aurait découvert cette luxueuse résidence réservée au chef de l'Etat pour accueillir ses hôtes étrangers, en prenant ses fonctions. Elle est le pendant de la résidence de La Lanterne à Versailles, autrefois dévolue au Premier ministre français, mais que Nicolas Sarkozy avait "confisqué" à un François Fillon dépité, au profit de l'Elysée. Le président intérimaire assure que la villa a été rénovée à grands frais pour profiter pleinement à Traian Basescu et à son épouse, en faisant l'exemple même de la corruption de son adversaire. Les intéressés démentent y avoir mis les pieds. Qu'à cela ne tienne, le gouvernement organisera à l'intention des électeurs bucarestois une journée portes ouvertes de la demeure, le jour même du référendum. Vingt deux ans après, le scénario des "robinets en or" des palais de Ceausescu se répète, jetant un éclairage cruel sur la filiation de ces "héritiers" d'Iliescu et de la "Révolution". Cela devient insupportable. La quasi-totalité des journaux respectables (Adevarul, Gândul, Evenimentul Zilei, Romania Libera) ont déjà pris position: il faut mettre un terme à l'équipée sauvage du duo qui mène le pays à la catastrophe et faire échouer le référendum. Un choix auquel de plus en plus de Roumains se conforment, en décidant de ne pas aller voter, écœurés par le spectacle donné. Vote en slips de bain Victor Ponta et Crin Antonescu ont senti le danger. Tout doit être mis en œuvre pour passer la barre des 50 % des Le jour du référendum, les baigneurs font la queue sur la plage, inscrits. Il est envisagé devant des bungalows transformés en bureaux de vote. que le scrutin se tienne sur deux jours. Refus du Conseil Constitutionnel qui accepte cependant qu'il soit prolongé jusqu'à 23 heures, le dimanche 29 juillet. Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une 4-5 jours suivants. Son avis sera ensuite communiqué au Les préfets sont mis à contribution. Pour mettre toutes les Parlement, parti en vacances et à l'origine du référendum. Une chances de son côté, l'USL a multiplié les bureaux de vote. Des formalité... isoloirs fleurissent dans les restaurants, les hôtels, certains Nouveau coup de tonnerre, les neuf juges suprêmes casinos du littoral, mais aussi dans les plus petits hameaux de repoussent leur décision au 12 septembre, considérant qu'ils montagne. On vient voter en slips de bain dans des bungalows n'ont pas tous les éléments en leur possession, suivant la sur les plages. demande de re-vérification des listes électorales, formulée par Pratique que l'on croyait oubliée, datant de l'époque le gouvernement. En effet, l'USL refuse de s'avouer battue et Iliescu-Nastase, les urnes mobiles et le tourisme électoral entame un discours sur refont leur apparition! Il le thème de la légitimité s'agit d'aller récupérer contre la légalité. A ses les bulletins des élecyeux, le quorum électoteurs ne pouvant se ral ne représente rien. déplacer, hors de tout Neuf votants sur 10 contrôle sérieux, ou bien ayant opté pour la destid'emmener de pseudo tution du Président… il touristes voter dans des doit partir ! hôpitaux de province ou Peu importe que le des pénitentiaires, sans gouvernement ait jugé pouvoir vérifier s'ils ne convenables les listes l'ont déjà fait ! Dans des électorales avant le communes du sud du référendum ou pour les pays (Gorj, Dolj, Alba), élections locales de juin on dénombrera jusqu'à qu'il a largement ga800 votants… pour 200 Radu Mazare, le maire de Constantsa, va recruter des filles sur la côte pour les gnées, et qui ont été inscrits. Des cartes d'iemmener voter en maillots de bain. Les malheureuses seront poursuivies en justice. révisées l'année précédentité sont délivrées à dente… Elles ne seraient donc valables que si les sociaux libédes non-inscrits jusqu'au dimanche matin même dans certaines raux l'emportent ? mairies. Il découvre soudain que certains noms de citoyens décéLe scrutin réserve aussi ses moments cocasses. Un citoyen dés n'ont pas été rayés: l'abstention viendrait de cette cohorte soupçonneux alerte la gendarmerie par un appel d'urgence car de morts! Et puis, ces listes ne tiennent pas compte du recenil a repéré un car de faux touristes entre Bucarest et Giurgiu. sement effectué en 2011, dont les résultats n'ont pas encore été Motards et estafettes sont dépêchés pour l'intercepter. Des avalisés, montrant que la population roumaine stabilisée dans vacanciers portugais éberlués en descendent. Ils partaient visile pays a chuté de 2,6 millions de personnes par rapport au ter un monastère. recensement de 2002. A Ineu (Arad), 13 000 habitants, dans la nuit précédant le vote, Calin Abrudan, le maire libéral (PNL), élu 6 semaines auparavant, a fait distribuer dans toutes les boites à lettre de sa Recensement "à la Rus" commune, une missive promettant que les rues des quartiers ayant les plus voter… seront goudronnées en priorité ! Le gouvernement ordonne donc la révision des résultats Le jour du scrutin, le gouvernement s'efforce d'impulser la du référendum… sur des bases établies après qu'il ait eu lieu ! dynamique du vote en communiquant au fil des heures des Il s'agit de montrer que, la population ayant baissé, la barre des sondages où les taux de participation sont gonflés, laissant 50 % d'inscrits validant la destitution de Basescu a été finaleentendre que les Roumains se précipitent vers les urnes.… ment atteinte. Peine et paris perdus. Un mini-recensement express mené en août à travers le Finalement 8 459 053 électeurs se sont présentés pays, en pleine vacances, est décidé. Il doit établir que plus (46,27 %) sur les 18 292 464 inscrits. Il en fallait 9 146 233 d'un million d'électeurs ont disparu. En passant ses consignes pour que Traian Basescu soit destitué. 7 403 836 (87,52 %) se aux préfets pour l'organiser, Ion Rus, le ministre de l'Intérieur, sont prononcés dans ce sens et 943 375 (11,15 %) en sens leur explique, sans rire, que c'est très facile : "Dans les petites contraire, soit 40 % des inscrits. Un camouflet pour le communes, tout le monde se connaît, il suffit de demander : Président qui échappe de peu au sort que lui réservait ses Eh, Nae Vasile (père Basile), tes voisins sont toujours là ?... adversaires… mais une Bérézina pour ces derniers, dépités et l'affaire sera bouclée en trois jours". Il pondère un peu son furieux, qui échouent une seconde fois. propos: "Bien sûr, à Bucarest ou dans les grandes villes, ce sera moins simple… mais on se débrouillera". Coup d'Etat “démographique” Les mairies sont appelées à se mettre au travail toutes affaires cessantes. Les services, déjà en sous effectif en cette Pour pouvoir regagner le palais présidentiel de Cotroceni, période estivale, sont mobilisés, si bien qu'il devient difficile Traian Basescu n'a plus qu'à attendre l'invalidation du scrutin pour les citoyens d'obtenir les papiers ordinaires qu'ils délivpar la Cour Constitutionnelle, laquelle doit intervenir dans les rent habituellement. (à suivre) 7 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE (suite de la page 7) Des fonctionnaires s'arrachent les cheveux SUCEAVA l l SATU MARE l BAIA MARE CHISINAU l IASI l TARGU MURES ORADEA l l l l ARAD SIBIU BRASOV l l VASLUI l TIMISOARA BRAILA l PITESTI CRAIOVA l TÂRGOVISTE l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Des fonctionnaires s'arrachent les cheveux, comme le montrent des sténogrammes dévoilés par la presse, révélant les échanges téléphoniques enregistrés entre le sous-préfet de Dolj (Craiova), dont Victor Ponta est député, et un de ses collègues, incrédule: -Je dois faire disparaître immédiatement 40 000 électeurs des listes en les faisant passer pour des morts… -Bah ! qu'est-ce que tu racontes ?! -Tout çà en un mois. 40 000 morts en un mois ! Tu te rends compte? D'habitude, y'en a moins de 4000 ! (NDLR: le taux de mortalité en Roumanie, établi en juin 2011 était de 11,84 pour 1000 habitants). -C'est fou… et à partir de quand ? -Du 23 juillet… mais alors, attends, c'est même en dix jours ! -Quoi ? Mais t'as combien d'habitants dans ton judet ? -Environ 400 000… -Ah ben dis-donc, à ce rythme là, en novembre t'en as plus un seul! Les Magyars sont-ils des vrais Roumains ? Adrian Nastase: suicide ou mise en scène ? 8 L'arrestation d'Adrian Nastase, le 20 juin dernier a peut-être précipité les évènements à venir. L'ancien Premier ministre d'Ion Iliescu (2000-2004), considéré comme un des politiciens les plus corrompus du pays, était sous le coup d'une première condamnation à deux ans de prison… repoussée sans arrêt par les nombreux subterfuges employés. De quoi qui irriter particulièrement Bruxelles qui demandait depuis longtemps à ce que "des gros poissons" soient mis derrière les barreaux. Il s'agissait donc là d'un coup de semonce envoyé par la Justice à la classe politique. De là, à vouloir la mettre immédiatement au pas… Pour échapper à son sort, Adrian Nastase, 62 ans, a tenté de se suicider quand la police est venue l'appréhender à son domicile, se tirant une balle dans la gorge, ce qui a causé une grande émotion à travers le pays… se transformant en éclat de rire quand "les mauvais esprits" ont appris les circonstances du drame. (suite page 10) La ficelle est vraiment trop grosse. Les juges de la Cour Constitutionnelle sont assaillis de toutes parts. Leurs délibérations sont interminables, entrecoupés de coups de téléphones pour faire pression. Ils redemandent sans arrêt les résultats définitifs du référendum au Bureau Electoral central, qui ne varie pas d'un iota dans ses chiffres : moins de 50 % de votants. Des menaces fusent. Le juge hongrois reconnaît qu'il s'est abstenu, alors que sa voix devait faire basculer la décision dans le sens d'une invalidation du référendum… par crainte que le gouvernement ne se venge sur la communauté magyare. Un poltron? Pas tant que çà… L'USL a commencé à entonner son petit refrain nationaliste, laissant entendre que, finalement, les Hongrois qui ont très peu voté (10-20 % en Harghita-Covasna) ne sont pas autant citoyens roumains que çà. Ce "remake" de l'époque Iliescu et de la vague xénophobe qui s'était abattue sur Târgu Mures, en février 1990, commence à inquiéter à Bruxelles. Même l'indéboulonnable maire allemand de Sibiu, Karl Johannis, pourtant plutôt hostile à Basescu, se montre inquiet. Ne pourrait-on pas aussi lui retirer des électeurs ? Sa communauté d'origine germanique ne compterait plus que 80 000 individus… Toutefois, le gouvernement a une autre corde à son arc pour arriver à ce chiffre des 16,5 millions d'électeurs inscrits qui lui permettrait de valider son entreprise. Il a mis sur le tapis le principe d'une actualisation des listes, baptisées listes permanentes, dont seraient exclus neuf catégories d'électeurs dont les Roumains travaillant à l'étranger, créant ainsi deux catégories de citoyens. Il justifie cette énormité juridique en arguant du fait que ce sont les Roumains de l'intérieur qui doivent supporter les manquements du Président. Argument qui serait acceptable quand il s'agit d'élections locales… mais qui fait se dresser les cheveux sur la tête des expatriés qui se sentent rejetés de leur communauté. Le Président suspendu a dû susciter bien des haines ! Le tandem Ponta-Antonescu est allé trop loin. Il se fait à nouveau taper sur les doigts par Bruxelles et la sourcilleuse commissaire européenne chargée de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, la Luxembourgeoise Viviane Reding. La Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l'Europe qui veille au respect des règles constitutionnelles dans l'UE, rappelle à l'ordre le gouvernement roumain, lui demandant de laisser tranquille la Cour Constitutionnelle. Angela Merkel monte vertement au créneau, José-Manuel Barroso lui emboite le pas, ainsi que Hilary Clinton qui envoie un émissaire spécial à Bucarest… lequel réservera sa première visite à Traian Basescu. On ne peut être plus clair dans le soutien. Il est vrai que certaines voix commencent à s'élever pour suspecter la main discrète de Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une Moscou dans cet imbroglio: Basescu ne s'était-il pas fait l’ades faux. On a ainsi attribué au ministre une note où finalevocat de l'installation des bases américaines et de ses missiles ment il indique ne pas pouvoir garantir l'exactitude des résulsur le territoire roumain ? tats officiels qu'il vient lui-même de transmettre ! Le Premier ministre et le Président intérimaire bombarIon Rus n'en peut plus. Il jette l'éponge et démissionne le dent Bruxelles de déclarations témoignant de leur bonne foi et 6 août, dénonçant des "pressions inacceptables" pour allonger de leur volonté de respecter l'état de droit, assurant que l'UE ou raccourcir les listes électorales après le vote. Il est suivi de est victime de désinformation. En sous-main, leur presse Victor-Paul Dobre. Les deux hommes ont eu un entretien téléJurnalul National appartenant à leur associé Dan Voiculescu phonique où le ministre confie à son adjoint "Je ne veux pas et Cotidianul - dé-nonce à longueur de page la "cinquième terminer mes vieux jours en prison". colonne" qui trahit Car l'étau se resserre. Traian Basescu parait les intérêts du pays, de moins en moins hors jeu, et alors que personest vendue à l'étranne n'aurait misé un kopeck sur lui, début juillet, ger, et s'efforce de certains commencent à comprendre qu'il pourdéconsidérer ses rait bien rester en place. On se méfie de sa réacadversaires. Un peu tion et de son pouvoir de nuisance. Il peut compgrosse à gober, la ter sur son éphémère ancien Premier ministre, le contre-offensive ne sérieux Razvan Ungureanu, bien silencieux et fonctionne pas trop. dont la cote grimpe dans l'opinion publique au Toutefois, elle point d'apparaître comme une alternative. enregistre des rallieSurtout, quelques mois auparavant, ce collaments inattendus, borateur précieux dirigeait les services secrets Traian Basescu a prévenu: quand il aura regagné Cotroceni, roumains, y garde des amitiés, ce qui lui permet dont celui du fils de ceux qui ont failli devront rendre des comptes à la justice. Doina Cornea, mais aujourd'hui d'alimenter la presse en rumeurs et aussi de l'ancien Président, Emil Constantinescu qui a pratiqué informations dévastatrices, ridiculisant ses adversaires… tout pendant 4 ans Traian Basescu comme ministre et doit sansen gardant sous le coude quelques dossiers qui peuvent servir. doute lui réserver "un chien de sa chienne". Traian Basescu a prévenu: quand il aura regagné Cotroceni, Grande figure de la société civile, Marius Oprea, qui n'a de ceux qui ont failli devront rendre des comptes à la justice. cesse de lutter contre l'oubli des crimes des communistes depuis la Débandade en vue "Révolution" fait aussi partie de ces soutiens rares qui préfèrent Çà sent la débandacautionner les atteintes à l'Etat de de dans le gouverneDroit plutôt que d'observer un ment. Un autre ministre silence prudent et révélateur. imite les deux démisPour en arriver à un tel aveuglesionnaires. Victor Ponta ment, synonyme de règlement de essaie de colmater son comptes, le Président suspendu a équipe au plus vite. dû susciter bien des haines ! Mais il continue à accumuler les bévues. Il nomme ministre de la "Je ne veux pas terminer La Cour Constitutionnelle a été au centre de la bataille, la juge Cojocaru (3ème à gauche) faisant pencher la balance en faveur de l’invalidation du Justice une magistrate, mes vieux jours en prison" référendum, permettant à Traian Basescu de rester en place. Mona Pivniceru, qui ne Pendant ce temps, dans l'incertitude, la situation éconopeut exercer immédiatement ses fonctions car elle doit démismique se détériore un peu plus. Pressée de toutes parts, la Cour sionner de son précédent poste. Constitutionnelle se ravise le 3 août et décide d'avancer sa Qu'à cela ne tienne, Victor Ponta se bombarde ministre décision au 31 août. Elle demande au gouvernement de lui intérimaire dans l'attente, cumulant le poste avec sa fonction fournir au plus vite les listes définitives qui ont servi au réféde Premier ministre. Comble de malchance, cette juge "indérendum. Le ministre de l'Intérieur accepte et les transmet auspendante" a été photographiée dans la voiture du fils d'Adrian sitôt. Exit donc le mini-recensement en cours, bien qu'en Nastase - elle est appelée à statuer sur l'éventuelle libération douce, cette opération continuera par la suite. de son père si elle devient ministre - affirmant cependant qu'il Que n'ont fait Ion Rus et son ministre adjoint Victor-Paul s'agit là d'un pur hasard…ne le connaissant ni d'Eve, ni Dobre en validant finalement implicitement le résultat du réféd'Adam. rendum, car les listes qu'ils remettent aux juges sont identiques Autre gaffe: le nouveau et jeune ministre chargé des relaà celles du Bureau Electoral Central et sauvent Basescu ! tions entre le Parlement et le gouvernement, Dan Sova, s'est Non seulement, ils se font copieusement enguirlandés, fait connaître pour des propos antisémites, niant l'Holocauste. mais dès le lendemain matin la Cour Constitutionnelle reçoit Depuis, il doit passer son temps à s'excuser. Victor Ponta voude nouveaux éléments, différents, conformes aux intérêts du lait même un moment l'envoyer faire un stage au Musée de la tandem Ponta-Antonescu et qui se révèleront par la suite être Shoah à Washington. (suite page 10) 9 Les NOUVELLES de ROUMANIE SUCEAVA l l SATU MARE l BAIA MARE CHISINAU l IASI SIBIU BRASOV l VASLUI l TIMISOARA BRAILA l PITESTI CRAIOVA l TÂRGOVISTE l l TULCEA l n CONSTANTA BUCAREST l (suite de la page 8) Un grand maladroit 10 Ce passionné de chasse, abattant jusqu'à 80 sangliers par jour lors des battues organisées par Ion Tiriac, dans son domaine d'Oradea… s'était raté en se tirant une balle à deux centimètres, qui l'avait à peine éraflé, les deux policiers venus l'arrêter affirmant avoir détourné son geste au dernier moment. L'étonnant, c'est que dans l'émotion de mettre fin précipitamment à ses jours, ce droitier s'était tiré une balle de la main gauche et que sa trajectoire ne correspondait pas à ce que devait être la blessure. Transporté à l'hôpital "dans un état semi-comateux nécessitant une opération d'urgence" d'après le médecin qui l'avait pris en charge, le Premier ministre ne sera opéré finalement que douze heures plus tard. D'autres médecins appelés à son chevet révèleront que sa blessure était superficielle, affirmant qu'un simple sparadrap aurait suffi et qu'il n'y avait besoin en rien d'une hospitalisation. Un journal découvrira plus tard qu'une ambulance, déjà prévenue, attendait, tapie dans l'ombre, le bon déroulement du “drame”. Les deux policiers incriminés sont aujourd'hui sous le coup d'une information pour complicité, ainsi que le médecin, déjà condamné pour des faits de corruption. Si ce suicide est bien une mise en scène, comme l'affirment plusieurs journaux, elle aura cependant permis à Adrian Nastase, hospitalisé quand même pendant plusieurs semaines pour une égratignure, d'échapper à la prison… Peut-être dans l'attente de la destitution de Traian Basescu qui était en train de se tramer et d'une grâce à suivre du futur Président? A la Une La "trahison" d'une juge PSD 800 dossiers de fraude à l'étude Le mardi 21 août, sur les coups de midi, la Cour Constitutionnelle rend son verdict. Par 6 voix contre 3, soit la majorité des deux tiers requise, elle invalide le référendum. Traian Basescu reste président. Les 4 juges proches du PDL ont voté en ce sens. Ils ont été rejoints par le juge hongrois, qui a enfin surmonté ses craintes de représailles… et par Aspazia Cojocaru, une des quatre juges qui doit sa nomination au PSD. Ce parti hurle à la trahison, mais cette professeure de droit constitutionnel de 66 ans, qui a fait ses études en partie à Strasbourg à la fin des années 70, première femme à avoir été nommée à la Cour, ne se laisse pas démonter: "Que diraient Un bilan des "cent jours" désastreux mes étudiants ni je ne respectais pas la légalité… moi qui leur enseigne?", rajoutant plus prosaïquement "Je ne tiens pas à Pied de nez de l'histoire… cette grave crise se termine cent aller en prison". jours après que ceux qui l'ont Dans les rangs de l'USL, on déclenchée aient accédé au poune décolère pas. La manœuvre a voir. Sil est rare de voir un bilan échoué! "On prend acte de la aussi désastreux, celui-ci l'est décision mais on ne cohabitera encore plus pour la Roumanie. pas" clame en chœur le tandem Non seulement, le pays a Ponta-Antonescu. Mais que perdu la confiance de Bruxelles, peut-il faire d'autre? Le voilà des autres pays membres de coincé pour encore deux ans. l'UE, des investisseurs étrangers "On fera un autre référendum, qui ne redoutent rien tant que avant Noël" menace Crin l'instabilité, il repasse aussi en Antonescu… qui a oublié son dernière position, derrière la engagement à abandonner la vie Bulgarie, dans le classement politique s'il perdait, se justi“Jos Basescu”... Mais où va la Roumanie, dont les dirigeants des mauvais élèves. se sont déconsidérés aux yeux de l’opinion internationale ? fiant d'un "J'ai gagné moraleLes deux pays, après des ment" et qui appelle les Roumains à descendre dans la rue pour années d'effort pour forcer la porte de l'espace Schengen, s'atforcer Basescu à démissionner! tendaient à ce que leur admission soit de nouveau reportée d'un Malgré cette gifle monumentale, les deux hommes prépaan, en septembre, par l’UE. Ils espéraient, cependant, un geste rent dans l'urgence la suite. Ils ont 48 heures devant eux pour leur permettant de faire entrer leurs aéroports, dans cette faire avaliser la nomination de Mona Pivniceru comme minisEurope sans frontières, avec l’aval de la France et de tre de la Justice, avant que Traian Basescu ne retrouve ses prél'Allemagne, mais Berlin fait part de son "scepticisme". Les rogatives. Mission: proposer au président intérimaire pour Pays-Bas s'y opposent, arguant des rapports négatifs publiés le encore quelques heures, Crin Antonescu, de remplacer le chef 18 juillet. En Norvège, une députée propose qu'Oslo se retire de la DNA, Daniel Morar et la Procureure générale Laura de Schengen,si Sofia et Bucarest y étaient admis... Kövesi par des hauts fonctionnaires plus arrangeants, tenter de La Roumanie doit aussi continuer à vivre avec le faire libérer par une grâce Adrian Nastase qui commence à Mécanisme de Coopération et de Vérification (MCV) imposé, s'impatienter au fond de sa cellule, mais aussi limoger les ainsi qu’à la Bulgarie, lors de l’adhésion des deux pays à l'UE chefs de parquet qui ont entrepris d’enquêter dans tous les en 2007 pour voir s'ils observent leurs engagements. Des sancjudets sur les fraudes électorales de l'USL. tions telles que le blocage des fonds communautaires peuvent Bruxelles s'inquiète de ce qui pourrait encore se tramer et être décidées si l'acquis communautaire n'est pas respecté. Un fait savoir, dès l'après-midi du 21 août, qu'il reste vigilant. rapport annuel fait l'état des lieux. Traian Basescu réclamait l'abrogation de cette clause. Elle Le président intérimaire rend son hochet est maintenue, voire renforcée, un rapport qui n'était pas prévu sera dressé à la fin de l'année, alors qu’au contraire, l'étau se Finalement, après que le Conseil Constitutionnel ait comdesserre pour la Bulgarie. Ironie de l'histoire... S’il a donné à muniqué sa décision au Parlement, Traian Basescu devait contre-coeur la possibilité à l'UE de mettre le nez dans les regagner le palais de Cotroceni, le lundi 27 août*. Le coup de affaires roumaines, en 2007, Traian Basescu, peut aujourd’hui force se terminait piteusement. Crin Antonescu devait rendre remercier ce mécanisme, qui lui a indirectement permis de son hochet... et devrait aussi bientôt être appelé à rendre des contrer le "coup d'État" larvé de ses adversaires. comptes à son parti, le PNL, qu'il a entraîné dans cette aventuRécit réalisé par la rédaction re, comme son compère, Victor Ponta, qui en sort très affaibli. des Nouvelles de Roumanie, actualisé au 26 août 2012 C’est à leur tour d’être humiliés, et pour ne pas boire le (Voir aussi page 37, photos et caricatures sur la crise) * Situation au moment où la revue est en cours d’impression... calice de la défaite jusqu’à la lie, ils partent en week-end pro- l l l ARAD l Les NOUVELLES de ROUMANIE (suite de la page 9) TARGU MURES ORADEA l l A la Une Enfin, pour se débarrasser du ministre des Affaires Etrangères, Andrei Marga, remercié sans un mot d'explication pour son incompétence, et qu'il traîne comme un boulet, Victor Ponta désigne le ministre de la justice Titus Corlateanu, mis en selle politique par Adrian Nastase. Tout ne se présente donc pas pour le mieux pour les comploteurs de juillet. Ils essaient bien de retarder les échéances, s'arrangeant pour ne pas faire paraître au Monitorul Official dont ils ont désormais le contrôle, les décisions qui les contrarient et ne sont donc pas validées. Mais ces manœuv“Tourisme électoral”, urnes mobiles (comme ici)... Le pouvoir a ressorti toute la panoplie des moyens utilisés sous res de retardement n'ont l’ère Iliescu-Nastase pour arriver à des résultats satisfaisants. La Justice est saisie de 800 cas de fraude sur les votes. qu'un temps. La Cour constitutionnelle raccourcit encore le délai qu'elle s'était imposée. Elle annonce que, finalement, elle se prononcerait dès le 21 août, indiquant qu'elle attendait du gouvernement qu'il lui communique le "nombre de personnes inscrites sur les listes électorales permanentes actualisées à la date du 10 juillet 2012", rejetant ainsi toute idée d'utiliser les listes issues d'un mini-recensement, mené à la va-vite. Pour compléter le tableau, la DNA informe que plus de 800 dossiers de fraudes commises lors du référendum sont à l'étude, enquêtés par 180 procureurs. Pourquoi ne pas dissoudre le peuple ? "Ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre?" suggérait jadis Bertolt Brecht. C'est, au fond, la solution choisie par la coalition gouvernementale qui s'efforce maintenant de diminuer le nombre d'habitants du pays, devançant les résultats encore non publiés du recensement de mai 2011 en dévoilant que la Roumanie n'en compterait qu'un peu plus de 19 millions, soit 2,5 millions de moins qu'au précédent recensement de 2002. Quant au nombre réel d'électeurs, le ministère de l'Intérieur fait savoir la veille de la décision définitive de la Cour Constitutionnelle qu'il faut en rayer 35 000, apparemment morts, laissant planer le doute sur le droit de vote de 300 000 autres dont les papiers sont périmés et sur "les 3 millions qui ont un droit de séjour à l'étranger". On ne sait pas trop ce que cela veut dire… Faut-il éliminer ces presque 3,5 millions de Roumains et ramener le corps électoral à 16 millions de personnes… ce qui aurait le mérite de valider le référendum de destitution? Le gouvernement semble le suggérer mais apparemment sans plus trop y croire. Il s'agit plutôt de sauver la face en clamant bien fort que "la volonté du peuple a été trahie". Signe qui ne trompe pas, il semble s'être fait à l'idée de perdre la partie, admettant que si Basescu devait revenir à Cotroceni, ce serait un président "illégitime", comptant pour du beurre. Pour une question de quorum qui les arrangerait, tant pis si ces dirigeants dévaluent le poids et la place de leur pays, le montant des différentes subventions et aides qu'ils sont en droit d'espérer de l'UE ou autres institutions internationales et dont la Roumanie a bigrement besoin. Tant pis également si ces 2-3 millions de Roumains partis à l'étranger, le principal potentiel d'avenir du pays, qui peut l'amener à changer, se sentent exclus et s’éloignent de la “Mère-Patrie”! longé, l’un à Londres, l’autre à Naples, pour ne pas assiter à la réintronisation de celui qui vient de les rouler dans la farine. Paradoxalement, les deux hommes ont fait remonter la cote de confiance pourtant bien basse de Traian Basescu et amoindri les chances de leur camp de remporter haut la main les législatives de l'automne. Leur amateurisme a aussi renforcé l'image de sérieux que l'ancien Premier ministre Ungureanu a su garder tout au long de cette crise, tout en restant proche du Président suspendu. Après avoir habilement créé son propre parti pour se démarquer d'un PDL au creux de la vague, il apparaît aujourd’hui comme l'homme de l'avenir. 11 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Coup de force SUCEAVA l l SATU MARE l BAIA MARE CHISINAU l IASI l TARGU MURES ORADEA l l Les Pieds nickelés à la manœuvre l l ARAD SIBIU BRASOV l l VASLUI l TIMISOARA BRAILA l PITESTI CRAIOVA l TÂRGOVISTE l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Viviane Reding bête noire de la nomenklatura Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, qui n'arrête pas de demander des comptes, est la bête noire de la nomenklatura roumaine. 12 La Luxembourgeoise de 51 ans, divorcée, 3 enfants, ancienne étudiante à la Sorbonne, journaliste pendant 20 ans puis députée, ne s'en laisse pas compter comme ont pu le constater Eric Besson, puis Manuel Valls, obligés de remettre sur le chantier leur projet de loi sur la libre circulation des Roms. Ou bien le gouvernement hongrois sommé de stopper une campagne encourageant les couples à l'adoption plutôt que de recourir à l'avortement. Ou encore les opérateurs téléphoniques contraints de revoir leurs tarifs internationaux prohibitifs. De la même façon, Victor Ponta et Crin Antonescu ont dû piteusement remballer leur projet de renverser en catimini l'ordre constitutionnel. Les deux compères ont trouvé en face d'eux un adversaire implacable, soutenu par le président de la Commission, José Manuel Barroso, n'hésitant pas à qualifier de coup de force leur tentative, leur intimant l'ordre de respecter les règles de l'UE, sous peine de sanctions, et réagissant immédiatement à leurs manœuvres dilatoires ultérieures. Le coup de force de début juillet visant à destituer le président Basescu a été mûrement planifié par ses deux protagonistes, le Premier ministre Victor Ponta, en place depuis le 1er mai, et le président du Sénat Crin Antonescu. Deux politiciens impatients d'accéder au pouvoir et qui ont uni leurs ambitions, forçant la main à leurs partis dont ils s'étaient au préalable emparés de la direction, le PSD (ex communistes) et le PNL (néo libéraux). L 'objectif des deux dirigeants était, en faisant coexister leur deux partis au sein de l'USL (Union sociale libérale), alliance contre nature, de dégager une majorité parlementaire permettant de renverser le gouvernement en place. Mission réussie avec la complicité de quelques députés du camp adverse ayant tourné casaque. Derrière ces deux hommes, tirant les ficelles et apportant sa puissance financière, l'une des plus grosses fortunes du pays, Dan Voiculescu, à la manœuvre depuis son empire de presse. Cet ancien informateur de la Securitate, fondateur d'un parti politique, le PC (Parti conservateur), dont le but principal est de lui assurer une immunité parlementaire, animé de surcroît d'une haine inextinguible à l'égard de Traian Basescu qui l'a fait mettre en examen pour ses affaires douteuses, était d'autant plus motivé que la Justice menaçait à nouveau de le rattraper. Ne faisant pas dans la nuance, un journal a résumé l'entreprise concoctée par le trio sous un titre choc: "Deux piranhas et un crocodile". C'est leur faire un grand honneur. La manière loufoque et calamiteuse dont a été menée l'affaire de la destitution de Basescu, la transformant en farce, ferait plutôt penser aux aventures des Pieds nickelés si le sujet n'était aussi grave, et amène surtout à sérieusement douter des capacités de ses instigateurs à diriger un pays. Un Premier ministre pur produit de la nomenklatura Victor Ponta, 40 ans, natif de Bucarest, docteur en droit, est Premier ministre depuis le 1er mai dernier. Il a été promu chef du département anticorruption en 2001 par le premier ministre de l'époque, Adrian Nastase… considéré comme le politicien le plus corrompu du pays et qui purge actuellement une peine de deux ans de prison et dont il est le protégé. Il entrera en mars 2004 dans son gouvernement en tant que ministre délégué au Financement international et à l'Acquis communautaire. Depuis 2004, il est député de Gorj (Târgu Jiu). En 2010, il ravira la présidence du PSD au président sortant Mircea Geoana, qui avait lui-même évincé son fondateur, Ion Iliescu, lequel savourera cette revanche. Victor Ponta est un pur produit de la nomenklatura post-communiste, manière Iliescu. Après avoir divorcé, il a épousé Daciana Sârbu, europarlementaire PSD et fille d'Ilie Sârbu, ministre de l'Agriculture d'Adrian Nastase, mis en cause dans plusieurs scandales de corruption. Cachotteries entre les deux compères Crin Antonescu et Victor Ponta qui préparent leur coup. En juin dernier, Victor Ponta a été accusé d'avoir plagié mot pour mot (voir par ailleurs) une centaine de pages de travaux de différents spécialistes dans sa thèse doctorale, soutenue en 2003, portant sur le sujet de l'historique et du fonctionnement de la Cour pénale internationale. Il a alors usé de sa fonction de Premier ministre pour faire dissoudre par décret les organismes universitaires ayant validé cette accusation, ce qui lui vaut désormais le sobriquet de "Copiécollé". Sa thèse était dirigée par le Premier ministre de l'époque… Adrian Nastase. A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Crin Antonescu, l'homme pressé Félix “le crocodile” Crin Antonescu, 53 ans, natif de Tulcea, historien de formation est président du Parti National Libéral depuis 2009. Elu député en 1995, il sera ministre de la Jeunesse et des Sports dans les gouvernements de centre-droit du Président Contantinescu de 1997 à 2000, qui l'a emporté sur Ion Iliescu lors des présidentielles de fin 1996. Il sera réélu député en 2000 et 2004, puis passera au Sénat en 2008, en devenant le vice-président. Il sera le candidat du PNL aux présidentielles de fin 2009, éliminé pour le second tour avec 20 % des voix, apportant son soutien au candidat du PSD, Mircea Geoana, battu sur le fil par le président sortant, Traian Basescu. Devenu veuf en 2004, à la suite du suicide de sa femme, en phase terminale du cancer, qui s'est jetée par la fenêtre, après avoir découvert sa liaison avec une collègue de son parti, Adina Valean, devenue députée européenne, Crin Antonescu s'est remarié avec celle-ci en 2009. Il essaiera d'attirer l'attention et la compassion des médias en se montrant en père célibataire modèle, élevant seul sa fillette. Le pacte conclu avec Victor Ponta prévoyait que celui-ci devienne Premier ministre, à la première occasion (mission réussie début mai), préparant l'accession de Crin Antonescu à la présidence de la République, après les élections parlementaires prévues en novembre qui ne devaient être qu'une formalité et un désaveu cinglant pour Traian Basescu, ne lui laissant d'autre possibilité que de démissionner. Après la victoire écrasante de l'USL aux municipales, Crin Antonescu, impatient, a forcé la main de son partenaire pour accélérer le mouvement. Le scénario prévu s'est mis alors en place. Élu président du Sénat le 3 juillet 2012, à la faveur d'un renversement de majorité au profit de l'Union sociale-libérale (USL), Crin Antonescu est devenu, sept jours plus tard, président de Roumanie par intérim après la suspension de Traian Basescu par le Parlement. Le duo Ponta-Antonescu n'aurait sans-doute pas réussi à mener son entreprise sans l'intervention d'un troisième homme, Dan Voiculescu, 66 ans, natif de Bucarest, l'un des hommes plus riches de Roumanie, avec une fortune estimée de 1,5 à 1,6 milliard d'euros. A la tête d'un trust médiatique, le groupe Intact, comprenant quatre des principales chaînes de télévision du pays (Antena 1,2,3,4), des radios, des quotidiens dont l'un des plus lu dans le pays, Jurnalul National, et des magazines, il peut facilement orchestrer des campagnes de dénigrement ou à son profit au niveau national. Dan Voiculescu possède aussi des intérêts dans d'autres domaines, donc celui de l'énergie, se servant des relations qu'il avait nouées sous le communisme en travaillant pour le commerce extérieur roumain. Cette période en a fait aussi un indicateur de la Securitate, travaillant sous le nom de code de Felix comme le révèleront des enquêtes menées après la "Révolution". Mais prudent, Dan Voiculescu a touAncien informateur de la Securitate, jours su protégé ses le magnat de la presse Dan Voiculescu a été l'homme clé de la manœuvre. arrières. Il s'est mis politiquement à l'abri en fondant le Parti Humaniste Roumain, maintenant appelé Parti Conservateur (PUR), dont il est le président, se faisant élire sénateur, devenant même vice-président du Sénat en décembre 2008, ce qui lui permet de se mettre à l'abri grâce à son immunité parlementaire. Dans la même veine, il a scindé ses affaires dès 2001, les confiant à sa fille. Car l'ancien sécuriste se sait dans l'œil de la Justice, poursuivi dans plusieurs dossiers par la Direction Nationale Anticorruption (DNA). Déjà, en 2007, sentant le vent du boulet, à la tête d'une commission parlementaire, il avait réussi à faire suspendre Traian Basescu, une première dans l'histoire post-révolution de la Roumanie. Le référendum populaire qui suivra invalidera cependant cette décision à une majorité écrasante. Apparemment, ce cuisant échec n'a pas découragé "Felix"… Misant sur l'impopularité du président en place, c'est dans son bureau qu'aurait été concocté en février dernier le plan visant à s'en débarrasser une bonne fois pour toutes. Monica Macovei, “l’Eva Joly” roumaine N ommée ministre de la Justice fin 2004, dès l'entrée en fonction de Traian Basescu, puis limogée par le Premier ministre libéral Tariceanu deux ans plus tard car elle ne se montrait pas assez accommodante, Monica Macovei symbolise l'ouverture de la Roumanie à la société civile. A 53 ans, cette Bucarestoise gréco-catholique, devenue eurodéputée, a l'oreille de Bruxelles, étant l'une des rares personnalités roumaines à recueillir la confiance de la Commission européenne. Monica Macovei avait mis en place la loi de lustration pour empêcher les anciens membres de la police politique communiste d'exercer des fonctions publiques et les rendre inéligibles, provoquant un tollé dans les rangs du PSD. (à suivre page 14) 13 A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Coup de force l BAIA MARE l SUCEAVA ORADEA l ARAD l ZALAU l TARGU MURES l IASI CHISINAU l BACAU l l HUNEDOARA BRASOV l l GALATI l TIMISOARA l PITESTI CRAIOVA l l TULCEA l n CONSTANTA BUCAREST l (suite de la page 13) "La cinquième colonne" dénoncée par l'USL 14 C'est donc à cette proche du président suspendu qu'est ainsi revenue cet été la charge de mener la contre-offensive pour bloquer les initiatives du tandem PontaAntonescu. Avec apparemment une certaine réussite, faisant échouer l'opération éclair que les deux hommes voulaient mener, les obligeant à revoir leurs plans et les conduisant à commettre faute sur faute. Juriste de formation, ancienne procureur, sous Ceausescu et après, Monica Macovei a entraîné le duo sur le terrain constitutionnel qu'elle connaît bien, rendant obligatoire le seuil de 50 % des électeurs inscrits pour valider le référendum de destitution, le faisant ainsi échouer. Cet "exploit" lui vaut la colère des partisans de l'USL qui la dénoncent comme une “cinquième colonne” travaillant contre la Roumanie. Depuis la "Révolution", Monica Macovei s'est retrouvée au centre des toutes les initiatives visant à renforcer l'Etat de Droit en Roumanie: présidente de l'Association pour la Défense des Droits de l'Homme, du Comité Helsinki, fondatrice de Transparency International en Roumanie. Cette “Eva Joly” roumaine s'est illustrée également dans la lutte contre la corruption, menant la charge contre Adrian Nastase, épaulant la DNA, les instances et les juges engagés dans ce combat. Dans son rapport annuel de 2007, l'association Reporters sans Frontières saluait l'action de cette "emmerdeuse" patentée. "Popeye" sait tirer des bords T raian Basescu, 61 ans, né près de Constanta est un ancien officier de marine marchande. Il est le fils d'un commissaire politique communiste de l'armée roumaine, Dumitru Basescu, camarade de promotion des généraux Victor Stanculescu et Vasile Milea, qui, en 1989, prendront une part déterminante au renversement de Nicolae Ceausescu. Ministre des Transports, sous Iliescu au sortir de la "Révolution", Traian Basescu passera dans l'opposition dès 1992, suivant le Premier ministre Petre Roman, limogé à la faveur des secondes minériades de 1991 et qui vient de faire scission avec les nostalgiques de l'ancien régime. Ce changement de cap réussira à l'ancien marin, affublé du surnom de "Popeye", à cause de sa ressemblance physique avec le héro de bande dessinée. La défaite d'Iliescu aux présidentielles de 1996, lui permet de retrouver son poste de ministre des Transports dans les différents gouvernements de coalition de la Présidence Constantinescu. Cette fonction lui vaudra d'être inculpé dans le dossier Flota, une affaire de corruption concernant des pots de vin perçus lors de la privatisation de la marine marchande roumaine. Bien que blanchi, cette accusation lui collera toujours à la peau, comme celle de s'être servi de sa couverture de responsable de l'agence NavRom à Anvers, pour se livrer à des activités de renseignement pour le compte de la Securitate. Un grief que l'intéressé reconnaîtra à mi-mot. "Oui, j'ai été communiste, mais moi au moins je l'avoue" Apprécié par la population pour son franc-parler, Traian Basescu devient maire de Bucarest de 2000 à 2004, à la surprise générale. Après avoir évincé Petre Roman de la présidence du Parti Démocrate, dont il prend les commandes, il se fait élire président de Roumanie en 2004, après l’avoir emporté face au Premier ministre de Ion Iliescu, Adrian Nastase. Le débat télévisé opposant les deux candidats est resté dans les annales. Accusé d'être un ancien communiste et d'être corrompu, Traian Basescu réplique à son adversaire, qui en reste bouche bée: "Cite-moi un seul politique, un seul candidat qui n'ait pas été communiste et qui arrive à vivre uniquement de son salaire, et je me désiste tout de suite pour lui. Oui, j'ai été communiste, oui, j'ai fait du business, mais moi au moins je l'avoue". Succès garanti d’un aveu qui lui vaut la victoire. Le nouveau président se distinguera en devenant le premier chef d'État roumain à condamner officiellement les crimes communistes dans un discours au Parlement, en décembre 2006, malgré les sifflets d'une partie des élus, et à vouloir s'attaquer à la corruption autrement que par des mots. Sentant le danger, ses adversaires lui mèneront la vie dure, tentant en vain, une première fois, de le faire destituer. En décembre 2009, Traian Basescu est réélu de justesse face à Mircea Geoana, faisant enrager l'ancienne nomenklatura qui espérait bien récupérer le pouvoir. La chance n'est pas cette fois au rendez-vous pour l'ex-marin. Pris dans la tourmente de la crise et assujetti aux exigences des instances financières internationales, son gouvernement mené par Emil Boc imposera une cure d'austérité insupportable à la population. A son image, Traian Basescu se montrera insensible à ses souffrances, accumulant les décisions malheureuses. Ses adversaires, surfant sur une vague d'impopularité record, en profiteront pour lancer leur seconde offensive de destitution. Il y a urgence, l'UE se montre de plus en plus indisposée par l'impunité dont bénéficient les dirigeants les plus corrompus… L'un d'entre eux, Adrian Nastase, leur ancien chef, vient d'être mis en prison et les menaces se font de plus en plus pressantes pour ses comparses. A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE Coup de force Viktor Orban en Hongrie, Viktor Ianoukovitch en Ukraine... et l’apprenti Victor Ponta en Roumanie Le gène "Victor" est-il incompatible avec l'Etat de droit ? Accusé de vouloir mettre en coupe réglée la culture, le gouvernement roumain a provoqué une levée de boucliers de la part de la communauté artistique locale. Et les comparaisons avec les dérives autoritaires chez les voisins hongrois et ukrainien font florès, comme le souligne Revista 22. Une appréhension renforcée par le coup de force opéré à Bucarest début juillet, par le nouveau gouvernement roumain de Victor Ponta. Y-aurait-il un gène maléfique nommé Victor, incompatible avec la démocratie et l'Etat de droit semble se demander la revue culturelle qui note que les trois dirigeants des pays concernés, tous voisins, portent le même prénom ? V eni, vidi, vici. Enfin arrivés au pouvoir à la suite d'un long et frustrant séjour dans l'opposition, les dirigeants politiques de Budapest, Bucarest et Kiev (respectivement le Premier ministre Viktor Orban, le Premier ministre Victor Ponta et le président Viktor Ianoukovitch), qui portent le même prénom, affichent aussi des choix, des réflexes et des attitudes identiques. Tous trois semblent projeter de se maintenir le plus longtemps possible à la tête de leurs pays, quitte à enfreindre la loi ou la constitution. Et ils ont déclenché des campagnes d'épuration et de règlements de compte pour arriver à leurs fins. En Ukraine, Viktor Ianoukovitch a résolu de manière simple et radicale le problème des prochaines élections législatives (qui se tiennent au mois d'octobre), en emprisonnant d'un coup les leaders de l'opposition, dont L’Ukrainien ViKtor Ianoukovitch a fait jeter en prison Iulia Timochenko. Iulia Timochenko. En Hongrie, Viktor Orban s'est servi de l'écrasante majorité parlementaire de droite pour exercer un contrôle quasi-absolu sur le pays et sur la presse, afin d'étrangler - du moins potentiellement - sa liberté, en modifiant la Constitution de sorte qu'il soit très difficile, à l'avenir, de lui reprendre son jouet. Manœuvre difficilement assimilable à une mesure démocratique. En Roumanie, alors que les forces du centre-droit ont connu une débâcle sans précédent (le Parti démocrate libéral a perdu les élections municipales du 17 juin après avoir été chassé du pouvoir par une motion de censure, début mai), la gauche, qui a remporté les municipales, avance à grandes enjambées non pas vers l'urbanisation des coutumes politiques roumaines (dans le sens d'un rapprochement avec l'Europe), mais plutôt vers une "orbanisation" du pays, procédant à un véritable coup de force début juillet, sous la houlette de son Premier ministre, Victor Le Hongrois Viktor Orban Ponta. est sous surveillance de Bruxelles. Il y a Victor… et Victor Alors, y-a-t-il une malédiction "Victor" pour les pays sortant des dictatures communistes et ayant du mal à mettre en place une véritable démocratie ? Non ! Ce serait oublié que le Victor le plus célèbre de l'Histoire était au contraire l'incarnation même du combat pour la liberté et la dignité de l'Homme! Il s'appelait Victor Hugo, né voici 210 ans et qui, il y a de çà très exactement 150 ans écrivait "Les Misérables"… "Les misérables!" s'exclamerait sans-doute l'illustre écrivain, s'il revenait parmi nous, en voyant ce qu'on a fait de son beau prénom! Petre M. Iancu (Revista 22) et Henri Gillet Les correspondants étrangers boucs émissaires R eporters sans frontières et son organisation partenaire en Roumanie, Active WatchMedia Monitoring Agency (AW-MMA), ont dénoncé le climat d'intimidation qui se développe actuellement à l'encontre des journalistes. "Le retour d'une rhétorique paranoïaque à l'encontre de nombreux représentants de la profession, devenant des boucs émissaires, pointés du doigt comme des 'ennemis du peuple', accusés de ternir l'image du pays et d'agir en 'conspirateurs' à la solde de l'é- tranger, rappelle tristement les pratiques de toutes les dictatures, et en particulier celles du régime communiste en place en Roumanie jusqu'en 1989" s'insurge Reporters sans frontières. Le 8 août dernier, le président intérimaire, Crin Antonescu, avait annoncé son intention de faire appel aux services du renseignement extérieur pour "comprendre le mécanisme par lequel l'image du pays a été démolie en deux semaines, dans le cadre d'une action organisée, coordonnée et financée". Cette déclara- tion est intervenue alors que plusieurs journalistes avaient été pris violemment à partie par des membres du gouvernement et les deux quotidiens du groupe de presse de Dan Voiculescu qui lui sont favorables, Cotidianul et Jurnalul National, qui en ont dressé des portraits haineux et diffamatoires. Parmi les journalistes visés par cette campagne, les correspondants des journaux The Economist et CNN, El Pais, Der Spiegel, Deutsche Welle, ARA, USA Today, Der Standard, ainsi que Mirel Bran, du Monde. 15 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Moldavie L'une est catholique Lituanie et Moldavie: Gilles Ribardière parcourt la Lituanie et la Moldavie chaque année ce qui lui permet des comparaisons intéressantes entre ces deux pays inclus dans l'Union Soviétique à la suite d'une annexion pure et simple. Il a livré ses réflexions au portail francophone de la Moldavie, Moldavie.fr. Intérêt médiatique: la Roumanie de la 16ème place à la 85ème 16 Le comptage du nombre d'articles de presse consacrés à chacun des pays du monde dans la base de presse Dow Jones Factiva permet de suivre leur "cote médiatique internationale". Ainsi, la Roumanie a connu une heure de gloire éphémère au moment de l'hiver 1989-1990 (16e rang mondial), la chute du régime de Ceausescu attirant les projecteurs sur elle et des nuées de journalistes s'y précipitant. Puis elle est rapidement revenue à un niveau de médiatisation moyen (60e à 70e rang mondial), même lorsque des évènements comme les minériades, l'élection du premier président démocrate ou le retour au pays du Roi Michel marquaient l'actualité. Après l'intérêt des journaux pour la Roumanie au moment de son adhésion à l'UE (55e rang mondial en 2007), on assiste de nouveau à une décroissance spectaculaire (85e rang mondial en 2011). Sans-doute remonte-t-il actuellement avec la crise qu'elle affronte. Par comparaison, la Grèce maintient un niveau de médiatisation beaucoup plus élevé sur la longue durée, marqué par les sommets atteints lors du passage à l'euro (2001), par le cumul des Jeux olympiques et de la victoire de l'équipe de football grecque au championnat d'Europe des nations (2004), puis par la médiatisation de la crise de l'euro (2010)… Ce qui amène à penser que les évènements sportifs ont plus d'importance aux yeux des médias que les grands problèmes du monde. L ituanie et Moldavie ont acquis leur indépendance au moment de l'écroulement de l'édifice soviétique, au début des années 90. Mais, première différence, la Lituanie retrouvait une indépendance qu'elle avait obtenue dans la foulée du traité de Versailles, en 1919, tandis que la Moldavie, qui épouse grosso-modo les contours de la Bessarabie, se voyait octroyer une indépendance qu'elle n'avait jamais obtenue: avant guerre, et sans remonter au XIXème siècle elle était une partie, pauvre, de la Roumanie. Mais retenons pour l'heure ce qui les rapproche: leur passé soviétique, une partie de leur population décimée pendant la Seconde Guerre Mondiale, notamment sa composante juive. Sur ce dernier point, on ne peut que constater aujourd'hui l'extrême timidité de la reconnaissance du génoEn Lituanie, dernier Etat christianisé d'Europe, le catholicisme cide, ainsi que du poids s'est mué en creuset de la résistance nationale à Moscou. Il se cherche aujourd'hui un second souffle. démographique et culturel des Juifs avant guerre, même si les pouvoirs publics dans les deux cas commencent à soutenir la communauté juive dans son effort pour s'organiser et avoir une lisibilité dans le pays. Mais on ne peut que regretter le peu de soin apporté dans l'entretien de l'immense cimetière juif de Chisinau ou près de la capitale de la Lituanie, de voir avec quelle incroyable négligence est traité le site de Ponar, site du massacre par balles de 60 000 Juifs par les Allemands. Le chemin est encore long dans ces deux pays pour comprendre que la communauté juive a été une richesse irrémédiablement perdue. Le silence des livres d'histoire Il y a plusieurs explications : d'abord le silence des livres d'histoire dans les écoles, ensuite le prix que la population non juive a payé de ce qui est de plus en plus désigné aujourd'hui comme ayant été l'occupation soviétique, avec ses cohortes de déportations en Sibérie : je n'ai de cesse de rencontrer des personnes qui ont soit eux-mêmes soufferts de tels exils forcés, soit qui peuvent me citer un proche de leur famille ayant subi cette situation. L'autre point commun, c'est le passé partagé dans l'Union Soviétique. Je commencerai par une conséquence positive : la présence de la culture russe. Dans les deux capitales, Vilnius et Chisinau, on trouvera par exemple un théâtre d'expression russe, preuve qu'un public russophone est bien présent. Toutefois il l'est de moins en moins en Lituanie, et manifestement l'apport de populations russes a été largement moindre dans ce pays qu'en Moldavie. Dans les deux cas, en tout état de cause, l'apprentissage par les jeunes de la langue russe se réduit à la portion congrue au profit de l'anglais (même si le français demeure encore vivace en Moldavie, mais absolument pas en Lituanie). Restent des effets négatifs de la longue parenthèse soviétique: la difficulté de la restructuration de l'agriculture, la reconversion de l'industrie, l'état de vétusté de très nombreuses habitations, l'omniprésence de la corruption. Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE et membre de l'UE, l'autre est orthodoxe et laissée à elle-même un chemin de croix commun… un présent bien différent La vision dans ces pays de la campagne est souvent désastreuse. On voit les immeubles d'anciens kolkhozes en piteux états, au milieu maintenant de nulle part, plus ou moins habités par des familles sans occupations bien définies. La Lituanie a toujours eu un niveau de vie supérieur Terminons toutefois sur des notes positives. On se doit de constater que nous avons à faire avec une population dont le La corruption: le pire de l'héritage commun niveau de formation est élevé. Le système scolaire et universitaire dans ces pays était exigeant et de bon niveau. Il l'est On doit s'interroger sur le manque d'efficacité issue sans manifestement toujours. J'ai pu observer de la part des élèves doute d'un passé récent, du mode d'exploitation de terres pourune tenue et un respect qui semble appartenir au passé en tant réputées exceptionnelles en Moldavie... Mais dans ce pays France. Le principe de compétition reste toujours présent, avec surtout, manque un matériel moderne, qui en revanche comses avantages et ses défauts. Mais ces deux Etats suivent à mence à être largement présent en l'heure actuelle des voies diverLituanie: l'adhésion à l'UE, de gentes. Leur origine tient à des même qu'une situation éconoraisons situées dans le passé, mais mique y compris durant l'époque aussi dans le présent. soviétique bien plus favorable Deux éléments du passé mardepuis toujours explique cet écart. quent une différence fondamentaMême remarque pour l'indusle. D'abord la Lituanie a toujours trie. De nombreuses nouvelles eu un niveau de vie supérieur, et entreprises viennent structurer les pas seulement par rapport à la abords des grandes villes lituaMoldavie, mais par rapport à l'enniennes rapidement, tandis que le semble de l'Union Soviétique à processus est long en Moldavie, l'instar des deux autres pays sachant par ailleurs que les usines Baltes, tandis que la Moldavie a sont en grand nombre implantées toujours été d'une grande pauvredans le territoire sécessionniste de té, malgré ses vignobles. Ensuite, Transnistrie. Quant aux villes, la Lituanie est de tradition cathoelles héritent d'un habitat conslique tandis que la Moldavie est truit avec un matériau à l'usure A la différence de la Lituanie, la Moldavie est profondément de tradition orthodoxe: cette égliorthodoxe et l'Eglise y détient toujours une grande influence. se, du moins une part importante précoce (ces blocs de béton qui se détachent...), avec des ascenseurs qui seraient immédiatement de son clergé, ne brille pas par son ouverture vers l'Ouest et réformés en France. Mais on doit admettre qu'il y a des reste très présente dans la sphère politique. On voit ainsi que conceptions d'urbanisme issues de la période d'avant 1990 perle chemin vers un futur plus prospère se dégage plus faciletinentes, telle la présence de magasins d'alimentation qui ne ment pour la Lituanie. De plus, ce pays est soutenu par une sont jamais trop éloignés des logements, et surtout des réseaux très nombreuse et active diaspora. de transports en commun extrêmement denses, même si le Quant à la raison très actuelle des chemins aujourd'hui confort des bus, trolleys ou minibus laisse encore à désirer! divergents, on doit les situer dans le fait que la Moldavie est à Les centres des villes dans les deux cas font l'objet d'une peine dans l'antichambre de l'UE, alors que la Lituanie y est efficace mise en valeur. Mais les infrastructures routières, partie prenante. On doit espérer que les observateurs de la aussi bien dans les espaces urbains qu'en dehors sont parveréalité moldave poseront toutefois un regard bienveillant sur nues aux jeunes républiques dans un état pitoyable. L'effort celle-ci, surtout comparée à celle aussi bien de la Roumanie pour les rendre praticables, donc plus sûres, est gigantesque. que de l'Ukraine, et ce malgré le conflit non réglé de la En Lituanie, le processus avance plutôt bien ... C'est plus difTransnistrie. ficile en Moldavie compte tenu du coût et du manque de Patiemment, pas toujours avec rectitude, reconnaissonsmoyens. Mais peut être le pire de l'héritage soviétique est à le, les Moldaves construisent un Etat de droit, tandis que la voir dans le niveau élevé de corruption. On l'observe dans touRoumanie connaît des soubresauts inquiétants et que l'Ukraine tes les sociétés qui ont subi un joug autoritaire (et même des s'éloigne dangereusement de l'Ouest. Pendant ce temps, maldémocraties traditionnelles ne sont pas à l'abri de cette dérive). gré son héritage aussi cahoteux que celui de ses voisins, malMais la corruption se révèle être un sport national dans ces gré des conditions de développement économique peu favorapays, à l'instar de ce que l'on observe en Russie, en Ukraine, bles, la Moldavie installe une organisation de ses institutions en Roumanie, avec aussi des tendances au népotisme. Lituanie stable. On doit lui souhaiter un avenir comparable à celui de la et Moldavie n'échappent pas à ce travers qui fait l'objet de lutLituanie dans les meilleurs délais. tes courageuses de personnalités, malgré les risques qu'elles Gilles Ribardière encourent. (Moldavie.fr, portail francophone de la Moldavie) 17 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Pays le plus pauvre d'Europe… une image qui rapporte ? Moldavie A Plus de marteau ni faucille 18 Début juillet, le parlement moldave a voté une loi condamnant les crimes du régime communiste, lorsque le pays appartenait à l'URSS, ainsi que l'interdiction des symboles de l'époque, comme le marteau et la faucille. Le projet a été adopté par les 55 députés de la coalition pro-européenne, 7 membres du parti communiste votant contre, deux s'abstenant et 36 quittant l'assemblée en signe de protestation. Rappelant les déportations en masse, les famines organisées, les collectivisations forcées, Mihai Ghimpu, président du Parti Libéral et ancien président de la République a souligné "que c'était un devoir moral de condamner ces crimes, qui ont détruit méthodiquement la vie des citoyens, la culture, les traditions, l'histoire et la langue moldave". Ciel européen ouvert à la Moldavie Bruxelles et Chisinau ont signé fin juin deux importants accords qui rapprochent encore davantage l'UE et la Moldavie dans la marche de celle-ci vers un accord d'association et son accès à la zone de libre échange. Le premier inclut désormais la petite République dans l'espace aérien européen, ce qui permet à toutes les compagnies internationales d'effectuer des vols vers et depuis Chisinau, d'augmenter leurs fréquences, et devrait se révéler tout bénéfice pour les passagers. Le second assure à la Moldavie la protection de ses produits alimentaires et agricoles, en les référençant sous le label européen, ce qui est de première importance pour un pays dépendant beaucoup de son agriculture. chaque retour de Moldavie, je me pose invariablement la même question… qui turlupine tous ses visiteurs. Mais où se cache donc la misère dans ce pays désigné comme étant le plus pauvre du continent européen ? Chisinau est une capitale non seulement coquette mais aussi opulente. Les nombreuses voitures sont de dernière génération, les passants habillés élégamment. Certes un ton au-dessous, les autres grandes villes ne déparent cependant pas. Alors faut-il chercher dans les villages, à la campagne? Le décalage est net et on devine que la vie n'y est pas facile. Mais, si on y rencontre la pauvreté, elle est digne. Personne ne meure de faim. Il y a des écoles, de l'électricité partout, des dispensaires. Sans-doute, la population y souffre-telle de sous équipement et d'installations d'un autre âge. Bien sûr, le niveau des salaires moldaves est très faible, mais à l'évidence, il est décalé par rapport à celui du niveau de vie qui paraît bien supérieur. Alors, les Moldaves disposent-ils d'autres ressources ? Oui, celles que leur envoient chaque mois, justement par la Western Union, leurs parents partis travailler à l'étranger. Un quart de la population ! Et comme les Moldaves aiment bien "le paraître", il affichent tout de suite la réussite venue de leurs proches à l'étranger par l'achat d'une belle voiture ou de vêtement dernier cri… même si leurs ressourChisinau, ville moderne n'a rien à envier aux autres capitales européennes. ces sont très limitées. Mais l'explication est-elle suffisante? Une autre version, entendue sur place et fournie par une Moldave ulcérée de voir son pays désigné sans arrêt comme étant le plus à la traîne de l'Europe, me trouble. Et si cela n'était qu'un mythe, voire un "complot"? Mon interlocutrice m'affirme qu'il n'existe qu'un seul rapport qualifiant la Moldavie, de “pays le plus pauvre d'Europe". Il date de 2005 et émane de la Banque Mondiale. Mais de façon étonnante, il serait impossible de mettre la main dessus. Les institutions internationales et les médias s'en sont emparés, le prenant pour argent comptant, sans chercher à approfondir, le diffusant largement et ancrant cette idée dans les esprits. Et cette Moldave "indignée" de m'expliquer tout l'intérêt de ce "cliché" pourtant dévalorisant : des aides plus abondantes venues de l'étranger qui alimentent les caisses de l'Etat, des projets humanitaires qui fleurissent, entraînant l'apparition d'associations chargées de les gérer. Dans Dans les campagnes c'est une autre Moldavie qui se révèle. un pays qui, pour de bon, est champion en matière de corruption, il est inutile de rajouter que beaucoup de ses fonds n'atteindraient pas leur véritable destination. Elucubration ? Des Français locaux interrogés, hochent la tête, manière d'acquiescer à cette explication… Décidément, la Moldavie est insaisissable. Raison de plus pour venir la visiter et s'en faire une idée… Henri Gillet Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE La libéralisation des visas ne changerait pas grand-chose à l'activité des groupes criminels moldaves Moldavie La libéralisation du régime de visas vers l'UE accordés aux Moldaves n'influencerait pas dans une grande mesure les activités des groupes criminels de ce pays, voire les gênerait, conclut un rapport d'une commission diligentée par la Parlement et le conseil européen. La Moldavie en est actuellement à la phase 2 du processus visant à supprimer cette entrave à la libre circulation. L e rapport s'est notamment appuyé sur les données res d'un passeport biométrique, d'autant plus que Bruxelles se d'Europol qui indique que les groupes criminels montre satisfait des mesures prises par le gouvernement molorganisés moldaves, en liaison avec des groupes dave, notamment en matière de réadmission de ses ressortisrusses, sont déjà à l'œuvre dans au moins neuf des vingt sept sants refoulés ou expulsés. membres de l'UE, mais qu'ils n'y Le rapport note que la ont pas une position influente Roumanie s'est montrée plus exidans la hiérarchie des actes délicgeante ces dernières années dans tueux. Leur domaine d'intervenla délivrance de visas ouvrant le tion se concentre sur le trafic d'êdroit des Moldaves à circuler tres humains (travail forcé et dans l'espace Schengen, le taux de exploitation sexuelle), avec une refus étant passé de 4,45 % des forte propension au recrutement demandes en 2009 à 7,6 % en des victimes, l'immigration illé2011, la Bulgarie se montrant gale, les escroqueries immobilièplus accommodante (de 7,49 % à res, la fraude cybernétique, le tra0,58 %). Les rejets étaient basés fic de cigarettes. La Moldavie est essentiellement sur l'absence de aussi, dans une moindre mesure, justification des déplacements, une terre de transit pour l'immides conditions de séjour, leur gration illégale. véritable motivation, les doutes La suppression des visas ne sur la certitude d'un retour. La douane roumaine est le point de passage changerait pas grand choses pour Les principales destinations obligé pour les Moldaves en partance pour l'Ouest. les groupes organisés, qui se des Moldaves sont la Russie et débrouillent déjà dans ce domaine, mais pourrait faciliter l'acles anciennes républiques soviétiques, l'UE (dans l'ordre: tivité des petites structures. En contrepartie, les Moldaves ne Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Roumanie, République seraient plus obligés d'avoir recours à leurs services. Tchèque et Grèce jusqu'à la crise), la Turquie, les USA, le L'objectif de la Moldavie est d'obtenir la libre circulation Canada et Israël. Selon Eurostat, le nombre des Moldaves de ses citoyens dans l'Espace Schengen pour les séjours de enregistrés dans les différents pays de l'UE est passé de 89 000 moins de trois mois. La mesure pourrait s'appliquer aux titulaien 2006 à 191 000 en 2011 (sur 3,5 millions d'habitants). Chisinau : de l'utilité de la visite de la Chancelière Angela Merkel… L a chancelière allemande, Angela Merkel, a effectué une visite à Chisinau le mercredi 22 août. Pour l'occasion, la capitale moldave a sorti les grands moyens: "Nous sommes en train de réparer à toute vitesse les routes, nous bouchons les trous des canalisations, nous ramassons les ordures qui gisent dans la rue", énumère Ziarul de Garda. La chancelière allemande est venue surtout pour s'informer à la source sur le conflit de Transnistrie, province devenue sécessionniste voici 20 ans avec l'appui de Moscou, mais aussi pour donner aux Russes un signal fort affirmant que l'Allemagne a les yeux rivés sur cette région, aux portes de l'UE,. "Mais, pourquoi diable, se demande le quotidien moldave, Merkel - ou le vice-président américain Joe Biden, en 2011 - devraient voir d'excellentes routes moldaves, quand la réalité est toute autre ? C'est nettement préférable que les étrangers qui s'égarent chez nous ressentent la réalité, afin qu'ils nous aident à nous en sortir". "Mais, propose Ziarul de Garda, vu que le ménage n'est fait qu'en cas de visite officielle et pas quotidiennement, peut-être nous devrions souhaiter que Merkel vienne plus souvent chez nous, et que l'on dirige le convoi officiel par d'autres chemins aussi. Ainsi, dans environs 10 ans tout sera réparé"! 19 Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Economie l SATU MARE BACAU l l l VASLUI ARAD BRAILA l l BRASOV TIMISOARA PITESTI l l CRAIOVA l l TULCEA l TARGOVISTE n BUCAREST GIURGIU l l CONSTANTA FMI : prévision de croissance pour 2012 abaissée à 0,9% 20 a diminué de moitié en moins de 30 ans exploitées jusqu'à épuisement l IASI TARGU MURES l Des terres agricoles l SUCEAVA ORADEA l Le volume d'humus Actualité Les NOUVELLES de ROUMANIE Le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse sa prévision de croissance pour la Roumanie en 2012, à 0,9% contre 1,5% auparavant, du fait de la crise politique qui secoue le pays, des turbulences dans la zone euro et de la sécheresse. A moyen terme, la croissance s'accélèrera pour atteindre 2%, ce qui n'est pas un taux n'est pas très élevé pour un pays émergent. La Roumanie a renoué avec la croissance au deuxième trimestre 2012, avec une progression de son économie de 0,5% par rapport au trois premiers mois de l'année. Elle a respecté l'objectif de déficit public pour la mi-2012, tandis que le taux prévu pour l'ensemble de l'année, soit 2,2% du produit intérieur brut, pourrait être atteint à condition que les dépenses continuent à être maintenues sous contrôle. Dans le cadre des mesures promises par Bucarest, le prix du gaz sera majoré de 5% pour les foyers et de 10% pour les consommateurs industriels à partir de la mi-septembre. Le gouvernement s'est par ailleurs engagé à introduire en Bourse 15% du capital du transporteur de gaz Transgaz et à privatiser le combinat chimique Oltchim avant la réunion du conseil d'administration du FMI prévue en septembre. En proie à la récession, la Roumanie avait, en mai 2009, conclu un accord avec le FMI et l'Union européenne portant sur un prêt de 20 milliards d'euros en échange d'une réduction drastique des dépenses publiques. En mars 2011, le pays a signé un nouvel accord assorti d'un prêt de 5 milliards d'euros qui ne seront utilisés qu'en cas d'urgence. La majorité des terres agricoles roumaines sont exploitées jusqu'à épuisement par de petits propriétaires en manque de moyens et la qualité des sols est en constante dégradation. Ainsi, dans certaines régions, le volume d'humus, la couche la plus précieuse du sol, a diminué de moitié en moins de trente ans. Dans le même temps, les Roumains épandent cinq fois moins d'engrais que les autres pays de l'Union Européenne. Ce n'est pas par choix. E n Roumanie, l'étude agrochimique, obligatoire pour pouvoir acheter des engrais, est coûteuse. Il s'agit essentiellement d'une "feuille de diagnostic" qui recense les éléments nutritifs, les pesticides et les polluants présents dans le sol. En fonction du déficit ou de l'excès de minéraux, elle établit une "ordonnance" pour l'agriculteur, lui recommandant les substances à administrer et dans quelles proportions, ainsi que les plantes à cultiver pour obtenir une productivité maximale. L'Union Européenne a promulgué des lois spéciales qui empêchent les agriculteurs d'acheter de l'engrais chimique sans une étude agrochimique "à jour". On évite de cette façon l'approximation dans l'ajout de produits chimiques dans le sol. La Roumanie menait déjà cette politique avant la "Révolution" de 1989, mais l'analyse du sol était faite systématiquement au niveau des CAP (Coopératives agricoles de production, organismes d'Etat qui mettaient les terres en commun pour gérer les cultures, distribuaient chaque année le travail et fournissaient machines agricoles et engrais contre un pourcentage des cultures), les ingénieurs agronomes étant tenus d'étudier la composition du sol afin de justifier leurs investissements en engrais. Des analyses qui coutent les yeux de la tête pour les petits exploitants Mais la "Révolution" a conduit à la fragmentation des propriétés et, les études agrochimiques étant onéreuses, la plupart des paysans n'ont plus les moyens financiers de les faire faire pour des parcelles d'à peine quelques hectares. En réalité, la situation est absurde: les mêmes analyses coûtent à un petit agriculteur près de quinze fois plus cher qu'à un grand propriétaire terrien. Selon Mihail Dumitru,l’actuel directeur de l'Institut de recherches pour la pédologie et l'agrochimie: "Si nous effectuons une série d'analyses sur une grande exploitation ou au niveau d'un terrain communal d'une superficie de plusieurs milliers d'hectares, l'étude pédologique coûtera 20 lei/ha (5 euro), et l'étude agrochimique 15 lei/ha. Mais, si la surface est faible, les prix à l'hectare augmentent considérablement. Par exemple, pour un petit paysan qui n'a que 10 hectares, le prix se situe aux alentours de 3 000 lei/ha pour les deux études. En fait, même si la commande ne concerne que 10 hectares, nous devons recueillir le même nombre d'échantillons que pour une surface de 50 à 100 ha". En raison de ce prix prohibitif, les petits propriétaires n'ont pas fait ni ne feront dans un avenir proche de telles études. Actuellement, seuls 25 % de la superficie agricole de la Roumanie ont bénéficié d'études agrochimiques. Elles ont été réalisées par de grands propriétaires détenteurs de plusieurs milliers d'hectares de terrain et par des propriétaires étrangers qui ont acquis à ce jour près d'un quart des terres agricoles dans le pays. "Après moi, le déluge" Faute de moyens, que ce soit pour financer des études de sol ou acheter des engrais, la plupart des paysans ont préféré obtenir des productions modestes avec des investissements tout aussi modestes, épuisant ainsi les réserves de nutriments du sol. Selon le principe en usage en Roumanie: "Je prends tout ce que je peux cette année, et après moi le déluge", souligne l'agrochimiste Radu Lacatusi, chef du Laboratoire de prévention et du combat de la pollution des sols et pour la protection de l'environnement dans l'agriculture. A ce rythme, la Roumanie risque de manquer l'opportunité de devenir une grande puissance agricole. Le directeur de l'Institut de pédologie avance quelques chiffres alarmants, conséquence de l'exploitation du sol jusqu'à épuisement : "Sur les 14,7 millions d'hectares de terres agricoles ou les 9,3 millions d'hectares de terres arables, environ 7,5 millions d'hectares enregistrent un déficit d'humus. En outre, la Roumanie présente un niveau faible à très faible de phosphore sur 6,3 millions d'hectares". De nombreux experts estiment que la Roumanie peut se vanter d'avoir un sol propre, contrairement à la plupart des pays occidentaux, qui pratiquent une agriculture intensive et ont utilisé des produits chimiques à l'excès. C'est un faux motif de fierté. On pourrait faire une comparaison caricaturale. Dans l'Europe de l'agriculture intensive, la terre agricole serait comparable à un homme gavé d'additifs alimentaires. Le sol roumain, quant à lui, serait représenté par un crève- la-faim évanoui au bord de la route qui, certes, ne consomme pas d'additifs, mais pour la simple raison qu'il ne mange rien. Le pédologue Mihai Toti a étudié le taux de dégradation de l'humus dans le pays: "Au début du XXe siècle, la teneur en humus des sols du Baragan (dans le sud du pays) était de 5 à 6 %. A la fin du même siècle, elle est tombée aux environs de 3 %. C'est une diminution de quasiment 40 à 50 %". Se remettre à produire du fumier Bien que l'application d'engrais chimiques à doses bien calculées puisse estomper les carences en azote, en phosphore et en potassium, la restauration de l'humus dégradé est plus délicate. Mihail Dumitru explique: "L'humus ne peut se rétablir que si des engrais organiques sont appliqués. En utilisant jusqu'au dernier gramme de fumier en Roumanie, nous pourrions fertiliser, à raison de 13 tonnes par hectare, environ 700 000 hectares. Pour diverses raisons, nous n'en fertilisons même pas la moitié, et depuis soixante ou soixante-dix ans on ne le fait que sur de petites surfaces, dans les zones de montagnes ou de collines où il n'y avait pas de CAP". Ainsi, selon Toti, pour régénérer la couche d'humus, "il serait peut-être bénéfique de se remettre à élever du bétail, qui produirait du fumier et permettrait de faire du compost. Il ne faut pas non plus négliger l'idée d'utiliser les boues des stations d'épuration que l'on peut épandre pour améliorer le rendement des terres pour les grandes cultures". Daniel Befu (Romania Libera) Indicateurs généraux Roumanie-Bulgarie en 2011 ROUMANIE - Superficie - Population - Croissance démographique - PIB - PIB par habitant - Taux de croissance - Taux de chômage - Taux d'inflation - Dettes publiques - Déficit budgétaire - Part de l'agriculture dans le PIB - Salaire mensuel moyen - Fonds UE 2007-2013 disponibles, engagés, absorbés BULGARIE 237 000 km² 19 042 936 - 0,25 % 134,8 milliards € 5 700 € (contre 3 700 € en 2005) 2,5 % 12 % 3,14 % 34,5 % du PIB - 4,35 % 110 911 km² 7 350 000 - 2,8 % 34,1 milliards € 4 475 € (contre 2 800 € en 2005) 1,6 % 12,2 % 2,8 % 15,3 % du PIB - 2,1 % 9,3 % 305 € 10,1 % 180 € 19,7 milliards €, 15 %, 4 % 6,9 milliards €, 19 %, 19 % 21 Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité Social SUCEAVA l ORADEA l BAIA MARE ARAD IASI l l l l SIBIU l l l VISCRI GALATI l BRASOV TIMISOARA PITESTI CRAIOVA l BUZAU l n l La passion de l'héritier de la couronne britannique pour la Transylvanie n'est plus un secret. Amoureux de la région, de ses paysages et de son patrimoine, il y possède plusieurs maisons. Après Sighisoara et Viscri, il a acquis Valea Zalanului, devenue l'une de ses résidences. Et quand Charles n'est pas là, elle se transforme en maison d'hôtes. La revue Regard s'y est invitée. l SLOBOZIA l CONSTANTA Renault investit 250 millions d'euros 22 Une nuit chez le Prince Charles l TULCEA l BUCAREST Renault investira plus de 250 millions d'euros en Roumanie sur l'ensemble de 2012. Ses projets comprennent une nouvelle ligne de production automatisée de haut tonnage, qui doublera la capacité de l'unité de fonderie d'aluminium de Dacia et qui augmentera de 30 % sa capacité de production de boîtes de vitesses. Renault a investi près de 2 milliards d'euros en Roumanie depuis sa prise de contrôle de Dacia il y a 12 ans. Agriculture : bonne année 2011 L'année dernière a été particulièrement bonne pour l'agriculture roumaine qui a généré 76,5 milliards de lei (environ 16,6 milliards d'euros), soit près de 9% de mieux qu'en 2010, selon l'Institut national des statistiques (INS). La structure de la production a également été modifiée en 2011 par rapport à 2010. La part des récoltes a en effet augmenté de 67 à 70%, alors que celle de la production animale a diminué, passant de 32 à 28%. Les cultures de céréales, de pommes de terre et de plantes oléifères ont elles aussi connu une augmentation, représentant plus de la moitié de la production végétale de Roumanie. La production animale reste dominée par le l'élevage de bovins (30%), la volaille et le porc représentant respectivement 20 et 17%. L 'étude "pauvreté, exclusion sociale, et opportunité de travail pour les jeunes des milieux ruraux", financée par le Fonds social européen, montre des chiffres alarmants sur les conditions dans lesquelles vivent les jeunes roumains des milieux ruraux. Alors que les jeunes représentent seulement 28% de la population à la campagne, ils sont également les plus affectés par la pauvreté. En 2011, 42,8% des foyers composés de personnes entre 16 et 35 ans se trouvaient dans une pauvreté relative dans les milieux ruraux, alors que ce taux concernant la population totale rurale est de 37,1%. 20,2% des foyers composés de jeunes ruraux vivraient quant à eux dans une pauvreté absolue. Selon l'étude, les plus exposés au risque de pauvreté sont les foyers avec deux enfants ou plus, les personnes ayant un niveau d'éducation faible (niveau collège), celles restant à domicile, celles sans activité, celles travaillant dans des secteurs informels et les Roms. En effet, 15% des jeunes se trouvant dans cette situation de pauvreté absolue appartiennent à la communauté rom. La majorité de ces jeunes travaillent dans leurs propres foyers, c'est à dire dans le domaine de l'agriculture de subsistance. Ayant peu de revenus, ils cohabitent à plusieurs générations au sein d'un même Le village de Ciuturesti, commune d’Odobesti, près de Bacau foyer, vivant grâce au salaire ou la retraite d'un de leurs parents. Ils se marient et ont des enfants plus jeunes que ceux des milieux urbains. L'étude montre aussi qu'il existe une relation très forte entre la pauvreté et l'exclusion sociale, étant donné la difficulté que ces jeunes rencontrent à gagner leur vie grâce à l'agriculture de subsistance. Ayant aussi un niveau d'éducation faible, il est difficile pour eux de trouver des postes qualifiés avec un salaire correct. L'une des seules alternatives qu'ils auraient est d'immigrer à l'étranger. Julia Beurq (Lepetitjournal.com) Les Roumains travaillent le plus dans l’UE S elon Eurofund (organisation dépendant du Conseil de l'Europe), avec 41,3 heures par semaine, les Roumains sont ceux qui ont la plus longue durée hebdomadaire de travail dans l'UE, dont la moyenne est de 39,7 heures (39,5 heures dans la zone euro). Cette moyenne ne prend en compte que le travail principal et exclut les autres formes de labeur. Ils sont suivis par le Luxembourg (40,7 h), l'Allemagne (40,6 h), l'Estonie et la Grande Bretagne (40,5 h), l'Autriche et la Bulgarie (40,3 h), la République Tchèque et la Pologne (40,2 h). Les Finlandais avec 37,8 h ferment la marche, travaillant 3,5 heures hebdomadaires de moins que les Roumains ou 4,5 semaines annuellement. En prenant en compte les congés, ce sont les Français qui sont les mieux lotis (35,6 h), justifiant leur réputation. Avec 21 jours de congés payés, les Roumain sont à l'avant dernière place, suivis toutefois par un bloc de dix pays, en majorité d'Europe de l'Est: Hongrie, Estonie, Pologne, Lettonie, Lituanie, Slovénie, Bulgarie, Slovaquie, Chypre, Belgique (20 jours). Allemands, Danois et Français sont les plus privilégiés. Les Roumains sont toujours en queue de peloton avec en moyenne 6 jours chômés ne tombant pas un dimanche (Pays Bas, 5 en 2010), les autres pays variant entre 7 et 12 jours (Malte et la Slovaquie), le record appartenant à l'Espagne et ses fêtes religieuses (14 jours). L'héritier de la couronne britannique possède plusieurs maison en Transylvanie Evénements Les chiffres, publiés dans l'étude "pauvreté, exclusion sociale, et opportunité de travail pour les jeunes des milieux ruraux", réalisée dans le cadre d'un projet européen, sont alarmants. Presque la moitié des foyers composés de jeunes roumains vivraient dans une pauvreté relative, dans les milieux ruraux. l TARGU MURES ALBA IULIA Jeunes, pauvres… et ruraux Société Les NOUVELLES de ROUMANIE T rois jours plus tôt, le prince Harry avait emprunté exactement le même chemin, perdu au milieu des collines du département de Covasna. Cette longue route caillouteuse mène à Valea Zalanului ou Zalanpatak comme l'appellent les Hongrois, majoritaires. Un petit village de 120 âmes, coupé de tout, où les ours et les oiseaux sont plus nombreux que les voisins. Les portables ne captent que sous un arbre bien précis, connu des seuls habitants. C'est dans ce bout du monde que le "bad boy" de la famille royale britannique est venu passer le week-end de Pâques, cette année. Plus exactement dans la dernière maison du village. Celle rachetée et rénovée par son père, Charles, en 2008, un amoureux de la Transylvanie. faire le plein d'énergie", confie le Comte Tibor Kalnoky. Proche du Prince Charles (il a notamment été invité au "mariage du siècle", de William et Kate), il s'est chargé de la rénovation de cette demeure, en assure la gestion, et entreprend de conter son histoire… "Ici, il retrouve tout ce qu'il aime" "Ce village a été fondé par mon ancêtre qui est aussi un lointain ancêtre du Prince Charles, et s'est développé autour de la manufacture de verre au 17ème siècle. Cette maison, un peu isolée, plus imposante que les autres, était celle du contremaître ; jusqu'en 2008, elle était habitée par une vieille dame. A sa mort, j'ai convaincu le Prince de la racheter et la rénover", explique le Comte, dans un français parfait. "Ici, il retrouve tout ce qu'il aime en Transylvanie: l'harmonie entre la nature, sauvage, préservée, la culture et le mode de vie traditionnel". "Tout n'est que luxe, calme et volupté…" L'ombre du Prince plane entre ces murs. Sur une poutre, le Comte a fait graver "Cette maison a été rénovée par Tibor Derrière un large portail Kalnoky pour le Prince de de bois, la propriété apparaît Galles". Une photo du prince enfin. Deux maisonnettes héritier trône sur un secrétairénovées de façon traditionre. Dans "sa" chambre, les nelle, l'une abritant les chambsavons sont made in res, dont la "suite royale". Highgrove, la fondation enviL'autre, dont la façade est frapronnementale du Prince. "II pée des armes du Prince de est présent partout, confirme Galles, héberge la cuisine et Tibor Kalnoky. Il s'est forteune grande salle de vie, qui ment impliqué dans les trafait office de salle à manger, vaux, a donné son avis sur salon, salle de lecture ou de tout, des plans à la couleur causerie au coin du feu. Entre des rideaux! Il a lui-même les murs, tout est raffiné, de apporté de nombreuses peinUn prince sans manières avec les paysans du coin. bon goût et une attention tures pour orner les murs". minutieuse est prêtée au moindre détail. Dehors, la nature, Mais pour transformer la maison paysanne délabrée en sauvage et préservée, apaise et suspend le temps. Dormir entre résidence royale, il a fallu trois ans. Les plans ont été dessinés des draps brodés, dans un lit en bois massif. Se balader sur les par l'architecte roumaine Silvia Demeter- Lowe, et les travaux crêtes en observant les orchidées. Guetter les ours au crépusréalisés par l'équipe d'artisans du Comte, qui a déjà restauré cule. Dîner face au feu de bois, en dégustant une palinka au plusieurs demeures rétrocédées à la famille Kalnoky en cumin et une excellente cuisine paysanne. L'invitation au respectant les techniques traditionnelles. Ici, pas de termopan voyage est devenue réalité, "tout n'est que luxe, calme et qui tienne, tout se fait "à l'ancienne", comme le résume un des volupté…". six artisans, occupé à "passer un mur à la chaux". Le mobilier, Zalanpatak n'est pas la première propriété du Prince lui, a été récupéré et acheté dans la région, et restauré par des Charles en Transylvanie. Mais "ici, c'est différent; Zalonpatak artisans locaux. Traditionnel et local, tels sont les deux maîtest vraiment LA maison roumaine du Prince, sa résidence, res mots du projet de développement qui accompagne cette comme le prouve la visite de sa famille. C'est là qu'il vient restauration. (à suivre page 24) 23 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Evénements A Vidin, l BOTOSANI ORADEA l CLUJ l IASI l TARGU MURES l CHISINAU P. NEAMT l l l ARAD BRASOV l l TIMISOARA SIBIU l GALATI BRAILA l l Une deuxième passerelle vers Après plus de vingt ans de péripéties, le deuxième pont sur le Danube reliant la Bulgarie à la Roumanie est sur le point d'être achevé. Côté bulgare, l'espoir est enfin revenu à Vidin, une des villes les plus pauvres d'Europe. l TULCEA CRAIOVA l l CALAFAT n CONSTANTA BUCAREST GIURGIU l l (suite de la page 23) Maison d'hôte quand le Prince n'est pas là 24 "Notre objectif est de montrer comment on peut rénover une maison sans dénaturer son caractère, développer une certaine forme de tourisme pour contribuer à ce que les gens gardent leur style de vie, préservent le patrimoine, tout en ayant un meilleur niveau de vie", détaille le Comte. Ainsi, quand le Prince n'est pas là - 51 semaines sur 52 - Zalanpatak se fait maison d'hôtes et accueille touristes étrangers (essentiellement britanniques) et roumains, et offre balades nature, observation des oiseaux, visite de la région, sous l'égide de Gabor, un jeune Hongrois. M ais il est là, le pont!" Deux hommes aux cheveux gris contemplent, au loin, les méandres du Danube à la sortie de Vidin (nord-ouest de la Bulgarie). Le soleil inonde de lumière les rives du plus grand fleuve d'Europe et, juste après le virage, on aperçoit l'impressionnante structure de ce pont qui déploie sa stature entre Vidin la bulgare et Calafat la roumaine. Cette fois-ci le second pont sur le Danube entre les deux pays est en passe de devenir une réalité (le premier relie, 250 km plus à l'est, la ville de Ruse à celle de Giurgiu et il date de 1954). "Nous l'avons bien mérité ce pont", confie Misho, barbier à Vidin. "Nous l'avons attendu si, si Côté bulgare, on mise sur le pont, en phase d'achèvement, longtemps et, pour développer une des régions les plus pauvres d'Europe. a u j o u rd ' h u i , c'est notre seul espoir", poursuit-il. En 2011, l'office des statistiques Eurostat avait publié des données indiquant que le nord-ouest de la Bulgarie était la région la plus pauvre de l'UE. Ici, le PIB par habitant s'établissait à 2600 euros en 2007 (il était de 96 000 euros par habitant la même année à Londres). Avec un PIB équivalent à 28 % de la moyenne de l’UE, c'est la municipalité de Vidin qui était en queue du classement. Société Les NOUVELLES de ROUMANIE l' Europe sur le Danube, à la frontière bulgaro-roumaine le pont de tous les espoirs Un géant de près de deux kilomètres Ce n'est qu'en 2007 qu'a été choisie l'entreprise de construction, l'espagnol FCC Construcción. Maintenant, tout le monde a les yeux rivés sur novembre 2012: à cette date, dernier carat, le pont sera livré, jure un ingénieur travaillant sur l'immense chantier situé au bord de l'eau. Aujourd'hui, près de 91 % des infrastructures accompagnatrices et 81% du pont à proprement parler sont déjà construits. La longueur de l'ouvrage atteindra, en tout, 1 971 mètres et, outre la double voie destinée aux véhicules, une voie sera réservée aux piétons et aux Chaleur et sécheresse, calamités de l'été D e nombreuses régions n'ayant pas reçu une goutte de pluie pendant trois semaines en juillet, la Roumanie a été confrontée cet été à une des pires sécheresses de son histoire. Il faut ajouter des températures caniculaires, sans discontinuer depuis la mi-juin jusqu'à la mi-août (plus de 40° pendant des semaines consécutives) époque à partir de laquelle une relative fraîcheur (25-30°) s'est installée sur le pays, entrecoupée d'orages ravageurs (notre photo: des grêlons gros comme des œufs à Botosani). Les zones les plus affectées par la sécheresse se trouvent dans l'est (Vaslui, Braila, Vrancea-Focsani), le sud et le sud est (DoljCraiova, Teleorman-Alexandria, Giurgiu, Calarasi, Ialomita-Slobozia), en Transylvanie (Cluj, Alba, Salaj-Zalau, Mures, CovasnaSfântu-Gheorghe), où 80 à 100 % des cultures ont été compromises. Ainsi ont été affectées les récoltes de maïs, pommes de terre et tournesol dans le judet de Salaj, de maïs, blé, orge, tournesol, betterave sucrière et fourrage dans celui de Iasi, de pommes de terre et céréales dans le Covasna, de maïs, melons et pastèques, moutarde et tabac dans le Dolj. Le niveau des rivières est souvent tombé à moins de 20 % de leur débit à cette époque, le Prut a même été effacé sur 20 kilomètres entre Bolesti et Mircesti et la Moldova totalement asséchée sur une grande partie de son parcours. La navigation sur le Danube a été rendue quais impossible à plusieurs endroits. Les paysans pauvres ont été les premiers à souffrir de cette situation, ne pouvant plus nourrir ou abreuver leur bétail, se séparant de leurs vaches, porcs ou chevaux à vil prix. Le jour où la pluie viendra… Traverser le Danube ne prendra plus que dix minutes 23 personnes - toutes du village et de la région -travaillent actuellement entre Zalanpatak et Miklosvar (propriété du Comte, autre maison d'hôtes), et la majorité des produits - nourriture et matériaux pour les travaux de rénovation - sont achetés sur place. Au-delà de ces bénéfices directs, la présence de Charles dans le village, qui possède par ailleurs d'autres maisons dans le Maramures, "est un vrai atout pour la Roumanie", estime le Comte Kalnoky "il contribue à diffuser une image positive du pays". A en croire la rumeur villageoise, le Prince devait revenir dans sa casa du bout du monde une autre fois dans l'année. Marion Guyonvarch (Regard) Le nouveau pont va-t-il pouvoir inverser cette triste réalité ? Le maire de la ville, Guergo Guergov, y croit. "Les conditions fiscales avantageuses attireront bon nombre d'investisseurs étrangers, notamment de Roumanie", espère-t-il. "La communication entre les deux rives du Danube deviendra beaucoup plus dynamique. Avec le nouveau pont, traverser le fleuve ne prendra que dix minutes, alors qu'aujourd'hui on attend des heures pour monter sur une barge. A 80 kilomètres d'ici, en Roumanie, se trouve un important pôle administratif et économique, la ville de Craiova", poursuit l'édile, dont la ville est aussi connue en Bulgarie pour être la plus endettée et la plus touchée par le déclin démographique. Mais là aussi Guergo Guergov est optimiste: il cite l'étude d'un expert allemand selon lequel, dans les cinq prochaines années, la ville de Vidin sera méconnaissable grâce au souffle économique apporté par le pont. Ce pont, quelle histoire tout de même. Cela va faire un siècle que l'on en parle ! Le projet a connu une accélération en 1991, après les premières élections démocratiques en Bulgarie. Depuis, tous les gouvernements qui se sont succédé se sont engagés à la construire - en vain. Il y a douze ans, grâce aux pressions européennes, Bucarest a officiellement donné son accord à la construction d'un deuxième pont sur le Danube. Les habitants de Vidin étaient en liesse. Mais aucun d'entre eux ne pouvait imaginer que cela prendrait encore tant d'années pour en voir le bout: de nombreux ajournements, des scandales à répétition et d'interminables négociations ont ponctué la réalisation du projet. cyclistes; les trains pourront y circuler à la vitesse de 160 km/h. Pour l'instant, le pont est érigé entre les rives du Danube dans une solitude quasi galactique : on n'y trouve aucune trace de stations-service, de restauroutes, de boutiques de souvenirs ou de tout autre commerce qui pourrait profiter de l'afflux de marchandises et de touristes. Peut-être parce qu'il est trop tôt. Ou peut-être parce que les commerçants de Vidin ont encore du mal à croire qu'en novembre prochain un géant de près de 2 kilomètres de béton et de fer reliera leur ville à la Roumanie. Lioudmila Stankova (Troud) M i-juillet, l'Eglise orthodoxe roumaine a appelé dans un communiqué tous ses hiérarques mais aussi les croyants de tout le pays à intensifier leurs prières pour "des pluies calmes et utiles". La Patriarchie, qui cite un verset de l'Evangile selon Saint Marc, estimait qu'il s'agissait de la seule solution pour stopper la sècheresse qui affecte gravement les cultures agricoles. Son incantation s'est toutefois arrêtée là… de peur peut-être de tenter le Diable et provoquer un nouveau Déluge dans la région. Les géologues américains William Ryan et Walter Pitman ont présenté en effet en 1998, à partir d'une campagne de recherche américano-russe en mer Noire de 1993, des données indiquant un passage assez brutal dans les carottes d'un niveau d'eau douce à un niveau d'eau salée qu'ils datent d'il y a 7500 ans; ils pensent tenir là la preuve de la re-connexion de la mer de Marmara avec la Mer Noire qui s'est produite alors par l'entrée de l'eau de mer par le Bosphore. Leur théorie est fondée sur une série d'allers-retours dans l'évolution du niveau marin au moment de la fin des glaciations. Ovide, qui fut exilé à Constantsa, évoque en ces termes dans les Métamorphoses, ce déluge de la Mer Noire, de façon peut-être un peu anachronique et parfois excessive (le LSD était inconnu à l'époque), mais très saisissante: "Débordés, les fleuves s'élancent à travers les plaines découvertes; avec les récoltes, ils emportent les arbres, les troupeaux, les hommes, les maisons, les autels domestiques et leurs objets sacrés. Si une maison est restée debout et a pu résister à un tel désastre sans s'écrouler, son faite disparait englouti par les eaux et leur assaut fait chanceler les tours dans l'abime… /.../ l'immense débordement des eaux avait recouvert les collines ; des flots jusqu'alors inconnus battaient le sommet des montagnes". Selon Apollodore, "tous les hommes furent anéantis, à l'exception de quelques-uns qui s'étaient réfugiés sur le sommet des montagnes proches". Est-ce en mémoire de ce cataclysme que les Grecs ont d'abord baptisé la Mer Noire "Axine" c'est-à-dire "la mer inamicale", avant qu'elle ne devienne plus tard Euxine (ou PontEuxin) c'est-à-dire "la mer amicale" ? 25 Les NOUVELLES de ROUMANIE Société Evénements l ORADEA SATU MARE l l SIMLEU ARAD SUCEAVA TARGU MURES l IASI BACAU l l l TIMISOARA GALATI HUNEDOARA BRAILA l l C. DE ARGES TULCEA l l CRAIOVA l l n BUCAREST GIURGIU l SLOBOZIA l CALARASI Chambre à gaz d'Auschwitz reconstituée à Simleu 26 Logan, Sandero, Duster occupent désormais le haut du pavé sur le marché de l'automobile en France Mais qui sont ces gens qui achètent des Dacia, voitures low cost ? l l l Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Le musée de l'Holocauste de Transylvanie, à Simleu Silvaniei (jud Zalau), va bientôt proposer à ses visiteurs la reconstitution fidèle d'une chambre à gaz du camp de concentration nazi d'Auschwitz (Pologne). Ce projet fait partie d'un vaste plan de réhabilitation du musée qui se situe dans l'ancienne synagogue de la ville. Par ailleurs, selon le directeur du musée, Daniel Stejeran, un centre pour l'étude de l'Holocauste verra également le jour dans cette petite ville. Les travaux devraient être finalisés d'ici la fin de l'année. Trois modèles Dacia achetés en six ans. Michel Esteban, la soixantaine, est un ambassadeur tranquille de la marque low cost roumaine du groupe Renault. Pas flambeur, insensible aux regards que ses voisins pourraient poser sur sa Logan dont l'élégance n'a rien à envier à un bunker soviétique. Philippe Vion-Dury, étudiant, est allé l'interviewer pour Rue 89 et tente de dresser le profil de ces automobilistes qui se moquent bien du "Qu'en dira-t-on". J e suis passé de la Renault Scénic à la Dacia Logan il y a six ans. Et puis, quand la garantie de trois ans a expiré, j'ai acheté une Sandero. Là, je viens de commander un 4x4 Duster mais celle-là, je la garderai pour ma retraite." Michel Esteban n'est pas le seul en France. Depuis son rachat par Renault en 1999, la gamme Dacia s'impose comme la plus spectaculaire réussite sur le marché hexagonal en avoisinant l'année dernière les 5% de part de marché, soit 100 000 unités vendues. Dacia a doublé en juillet le nombre de ses immatriculations alors que le marché automobile français repartait en nette baisse (moins 7%) et que PSA annonçait la suppression de 8000 suppressions d'emplois en France et la fermeture du site d'Aulnaysous-Bois. Un phénomène de société. Certains heureux propriétaires poussent même la fierté de leur nouvelle acquisition jusqu'à se rassembler par milliers pour les désormais célèbres "grands piqueniques Dacia". "Mes motivations étaient essentiellement pratiques parce que je n'attache aucun intérêt à ce genre d'objets, donc ce qui importait, c'était le faible coût et le fait que ce soit un GPL". Cliché ? "En fait, je ne suis pas un militant antisnob! Mais c'est vrai que pour acheter une Dacia de type Logan ou Sandero, il faut renoncer à l'image sociale que peut procurer la possession de tel ou tel autre véhicule". La marque low cost peut donc remercier son bébé à quatre roues motrices. "Ce qui est marrant, c'est qu'avec les modèles 4x4, les publicistes ont réussi à "déringardiser" cette marque, qui peut maintenant mordre sur un public plus bourgeois ou bobo". L'antibagnole devient à la mode Mais alors, qu'est-ce qui est ringard ? Avoir une Dacia ou prendre de haut leurs propriétaires ? Les premiers, enthousiastes, vous vendront leur choix mieux qu'un commercial ne le ferait, et les seconds éluderont soigneusement la question, en se contentant de répondre par un laconique "C'est du low cost, il en faut bien". Une réponse qui résonne étrangement avec le désormais célèbre "on va quand même pas débourser si peu" de la pub pour le Duster. On ne sait si ce bon coup de pub - déjà expérimenté par Le ministre de la Culture met fin à des fouilles archéologiques dérangeant son idéologie Ni complexe, ni panne Sucre: trafic de TVA 256 perquisitions ont eu lieu fin juillet dans tout le pays en vue de démanteler un réseau organisé spécialisé dans l'évasion fiscale et dans lequel serait impliqué le sénateur Cezar Magureanu, a indiqué le Parquet anti-terrorisme (DIICOT). Ce groupe de malfaiteurs aurait notamment mis en place un circuit complexe d'import et d'export de sucre par lequel ils récupéraient illégalement auprès de l'Etat roumain la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Entre 2010 et 2012, le préjudice causé aux caisses publiques aurait été de plus de 40 millions d'euros par an. Plusieurs hauts fonctionnaires du Fisc seraient impliqués. Ainsi, Michel, qui voit passer des voitures toute la journée au parking Vinci où il travaille, fait donc partie de cette génération de "Daciaphiles" décomplexés que d'autres appelleraient des "ringards" (à prononcer en plissant le nez). "Je ne me suis jamais senti mal à l'aise à être vu au volant d'une Dacia. On trouve de tous les profils. D'ailleurs, beaucoup de femmes conduisent des Duster et ça se comprend, cette voiture est sensationnelle". Jean-François Larato, commercial chez un concessionnaire Renault à Echirolles en Isère, confirme la tendance: "Quand la Logan est sortie il y a six ans, elle visait un nouveau marché: plutôt qu'acheter une voiture d'occasion, autant en acheter une neuve mais low cost. La clientèle était surtout composée de personnes âgées puis de jeunes qui avaient besoin d'une petite voiture, pas très sexy mais au prix vraiment attractif. Puis, avec le temps, une nouvelle clientèle est apparue, surtout attirée par la simplicité et la fiabilité technique plutôt que par le prix". Selon une étude de Que Choisir, 93% des propriétaires n'ont pas eu de panne depuis leur achat. La marque se classe ainsi devant BMW sur l'échelle de fiabilité. "Contrairement à ma Scénic qui me coûtait très cher au garage, je n'ai eu aucune panne en six ans avec mes Dacia", confirme Michel. "A l'entretien de contrôle technique, ils m'ont même demandé de freiner un peu plus pour qu'ils puissent me changer les plaquettes", continue-t-il amusé. "Je ne suis pas un militant antisnob !" "J'ai une Dacia parce que je déteste les voitures", résume un autre Michel, officier de police. Nouveau propriétaire d'une Sandero GPL, ses priorités et critères en matière d'achat automobile ne s'embarrassent pas de considérations esthétiques. Renault pour sa Clio: "Pas assez cher, mon fils!" - est le seul responsable du raz-de-marée du modèle Duster en France qui, à lui seul, s'arroge presque 2,5% de parts de marché. De fait, c'est l'antibagnole, l'antivéhicule destiné à valoriser l'ego social et phallique, la vraie voiture branchée, celle appelée de ses vœux par un riverain de Rue89. Sans tableau de bord électronique qui fait croire au conducteur qu'il pilote un Boeing. Raphaëlle, vétérinaire parisienne de 35 ans, propriétaire d'une Sandero, raconte: "Mon père avait une Lada, il y a trente ans. Ses potes se moquaient de lui, il était chirurgien. "Tu sais pourquoi les conducteurs de Lada se font des appels de phares ? - Parce qu'ils se sont croisés le matin chez le garagiste". Il m'a donné le goût des voitures rustiques et, aujourd'hui, ceux qui se retrouvent plus souvent qu'à leur tour chez les garagistes, ce sont tous ceux qui ont des voitures dont même le clignotant fonctionne par ordinateur." Pour le "made in France", il faudra passer par un autre modèle de Renault, ou même une Toyota fabriquée sur le site de Valenciennes. Les Dacia, produites en Roumanie, sont seulement "made in Europe". Philippe Vion-Dury, Etudiant (Rue 89) Origines princières et pratiques obscurantistes U n projet de fouilles archéologiques vise à déterminer par le biais de prélèvements ADN les origines des princes qui constituèrent la Roumanie médiévale. Mais le ministère de la Culture a immédiatement mis fin aux recherches, reprenant des pratiques obscurantistes d'une autre époque. Jeudi 28 juin, dans l'église princière (Biserica Domneasca) de Curtea de Arges (sud), un groupe de chercheurs ouvre le tombeau du prince roumain Vlaicu Voda. Près de 700 ans après sa mort, les archéologues roumains découvrent alors un squelette jauni par le temps, sur lequel ils prélèvent une phalange de la main gauche, une molaire et un métatarse. Le but de cette opération est de déterminer les origines de ce prince roumain qui domina la Valachie entre 1364 et 1377. "Certains chercheurs lui attribuent depuis peu des possibles origines coumanes, un peuple originaire d'Asie", note Alexandru Simion, l'un des archéologues participant aux fouilles. L'exhumation du prince Vlaicu Voda n'est que la première étape d'un vaste projet - au départ initié par le ministère de la Culture - et visant à déterminer l'origine de la première dynastie féodale de Roumanie: la famille Basarab qui donna à la Roumanie médiévale la majorité de ses princes. Des prélèvements ADN doivent mettre fin aux interrogations et permettre aux Roumains de savoir quels ont été les personnages historiques qui ont permis la constitution de leur Etat. "L'histoire restera telle qu'elle est" Mais remuer l'histoire peut parfois déranger quelques susceptibilités. Fraîchement nommé, le ministre de la Culture Puiu Hasotti (notre photo) a mis fin aux aspirations des chercheurs roumains "par respect pour ce qu'ont représentaient les princes de Valachie (…). L'important est qu'ils se sont sentis roumains. Les prélèvements ADN, qui présupposent l'exhumation de ces voïvodes, n'est que peu significative face à l'empreinte qu'ils ont eue sur le peuple roumain et son histoire", a-t-il déclaré. Dans un entretien datant de 2007, l'historien Neagu Djuvara parlait déjà des possibles origines coumanes de la lignée des Basarab. "Le peuple roumain a pu, comme le fameux melting pot américain, romaniser très rapidement toutes les populations païennes qui sont passées chez nous et y sont restées", note l'historien. Et Alexandru Simion de conclure : "L'arrangement du passé (...) existe depuis le 19ème siècle, les communistes ont d'ailleurs repris ces pratiques et les ont poussées à l'extrême". Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) 27 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Evénements Le plus célèbre palace de la Côte d'Azur Le Negresco SUCEAVA BAIA MARE l l ORADEA ARAD SIBIU l l l TIMISOARA TG. JIU l T. SEVERIN l IASI l TARGU MURES l FOCSANI l l PLOIESTI GALATI l l l BUZAU l CRAIOVA l n BUCAREST porte le nom de son créateur: le fils prodigue d'un aubergiste tsigane de Bucarest fête son centenaire CHISINAU l BRASOV Société Les NOUVELLES de ROUMANIE CONSTANTA l Peu de clients du Negresco savent que le célèbre palace de la promenade des Anglais à Nice porte le nom de celui qui l'a fait construire et en fut le premier propriétaire: un Roumain de génie, d'origine tsigane, qui avait fait une prodigieuse carrière dans l'hôtellerie européenne avant de doter la côte d'Azur de son plus prestigieux joyau… et de s'y ruiner. Cela se passait voici exactement cent ans, en 1912. point par Charles Mewès en 1898 et qui consiste à adapter les styles classiques du XVIIIe siècle aux exigences de la clientèle et aux possibilités nouvelles ouvertes par les innovations techniques du début du XXe siècle. Faste, luxe, prodigalité: la devise de Negresco L'architecte des Folies bergères 28 Pour construire son palace de la Promenade des Anglais, Negresco avait choisi l'architecte le plus célèbre de la Belle Epoque, le Français Édouard-Jean Niermans (1859-1928) d'origine néerlandaise, ami de Renoir et de Van Gogh. Par goût pour la culture française, le jeune homme s'était 'installé à Paris où il pensait acquérir une certaine notoriété, ce qui fut le cas en tant que dessinateur de mobilier, ornemaniste et architecte d'intérieur décorateur. Choisi grâce à son appartenance à la communauté néerlandaise de Paris pour bâtir le pavillon néerlandais de l'Exposition universelle de Paris de 1889, il fut décoré de la Légion d'honneur pour cette prestation remarquée. Niermans revint définitivement à l'architecture en 1891 en s'intéressant au décor et à la construction de brasseries et théâtres dont la brasserie Mollard, la taverne Pousset, le Casino de Paris, les Folies Bergère, le Moulin Rouge à Paris y édifiant au total 32 salles de spectacle (Le Casino de Paris, Les Capucines, l'Elysée Montmartre, le théâtre Marigny, Mogador), ainsi que d'hôtels comme le Palace Hôtel à Ostende en Belgique et la reconstruction de l'hôtel du Palais (villa Eugénie) à Biarritz. Installé sur la Côte d'Azur en 1909, il fera les plans du Palace Hôtel de Madrid, agrandira le casino de Châtel-Guyon en Auvergne, etc. Il mourra en 1928 dans sa propriété viticole du château de Montlaur dans l'Aude pour laquelle il s'est passionné les dernières années de sa vie. Le domaine de Montlaur est aujourd'hui la propriété de ses petits enfants. H enri Negresco (de son vrai nom Negrescu… une terminaison sonnant mal en français et qui conduira de nombreux Roumains établis en France à en changer au cours du XXème siècle: Elvire Pospeco, Eugen Ionesco, etc…) naît en 1868, à Bucarest en Roumanie. Son père, Tsigane, tient une auberge de campagne dans les environs de cette ville et l'initiera à la pratique hôtelière. Mais dès l'âge de quinze ans, le garçon décide de parcourir l'Europe. Il exerce un réel talent de violoniste dans plusieurs capitales. Au cours de ces voyages, le jeune Roumain acquiert la parfaite maîtrise d'une demi-douzaine de langues, faisant carrière dans l'hôtellerie, successivement, commis, garçon, chef de rang, maître d'hôtel. Il vient en France en 1893 et travaille d'abord à Monte-Carlo. Engagé ensuite à Londres comme maître d'hôtel, il devient directeur de l'établissement: suprême promotion. On le voit en Belgique, en Autriche et en Allemagne. Au début des années 1900, Henri Negresco, que l'on décrit comme "un homme élégant, d'une beauté grecque, affable et intelligent, aux yeux de velours noir aussi conquérants que sa moustache, qui sait aussi jouer de sa voix chaude teintée d'un léger accent", décide de s'établir sur la Côte d'Azur. Il s'installe d'abord à Monaco où il arrive précédé de sa réputation de l'homme le plus habile à conserver une clientèle huppée qui, à cette époque, visite la France: grands ducs russes, barons allemands et orientaux. Une clientèle fabuleusement riche Henri Negresco exerce d'abord ses talents comme maître d'hôtel au restaurant du "Helder" où il sait se rendre irremplaçable auprès des clients richissimes qui deviendront plus tard des habitués de son palace: les Rockfeller, les Vanderbilt, les Singer ou Basil Zaharoff, le célèbre trafiquant d'armes. Le maître d'hôtel dont il ne saurait être question de se passer lorsqu'il s'agit de composer un menu, de choisir un vin ou une liqueur, ne tarde pas à devenir le directeur du restaurant. C'est alors qu'un commerçant niçois, Charles Lefranc, le met en rapport avec Edouard Baudoin, le nouveau concessionnaire du Casino municipal de Nice. Il le persuade de prendre la direction du restaurant de son établissement dont Edouard Niermans, un des plus célèbres architectes de l'époque, achève le réaménagement. A cette même époque, Henri Negresco achète le restaurant du casino d'Enghien et s'y rend tous les étés. Il s'agit là d'une consécration. Toutefois, Henri Negresco reste insatisfait et caresse l'ambition d'ouvrir son propre hôtel de grand luxe. C'est à Enghien, en 1909, que Negresco rencontre Pierre Alexandre Darracq, riche rentier, co-fondateur d'une entreprise de moteurs d'aéroplanes et de la firme automobile "Darracq-Talbot". L'entreprenant Roumain sait intéresser l'industriel à son projet qui accepte d'en être le principal financier et il est décidé qu'Edouard Niermans en sera l'architecte. Les deux hommes se connaissent et s'apprécient depuis plusieurs années. La construction du Negresco marquera l'apogée de la carrière d'Edouard Niermans et l'aboutissement français d'un genre architectural rarement égalé dans la période de l'Entre deux-guerres. Le palace s'inscrira dans un style architectural communément appelé "style Ritz" mis au Fixée initialement au 1er novembre 1912, la date d'ouverture de l'hôtel a du être repoussée au mois de janvier 1913. Un client américain, M. Guerney, avait cependant décidé d'y passer Noël: "Il exigea qu'on aménageât pour lui seul, un appartement au milieu des plâtras. Ce qui fut fait". L'hôtel ouvre ses portes le 4 janvier 1913 à l'exception encore des troisième, quatrième et cinquième étages. Son inauguration est l'événement mondain de l'année et rassemble sept souverains européens le jour de l'ouverture. Tous s'émerveillent devant tant de luxe. Sur le plan artistique, les chroniqueurs apprécient le grand hall de forme elliptique et style Louis XVI, dont la rotonde développe ses 460 mètres carrés sous un plafond lumineux. On vante aussi bien les statues de bronze de Tarnowski (supprimées pendant la deuxième guerre mondiale) que le "bar américain", les deux fresques de Paul Gervais et d'Hippolyte Lucas, le tapis géant tissé d'une seule pièce qui coûta 300 000 francs en 1911 ou l'ameublement, signé Paul Dumas, qui pour les seules chambres de maîtres totalise un million cent mille francs. Mais on souligne aussi le progrès technique des nouvelles installations : dans chaque pièce, les lampes qui s'allument par la simple pression d'un bouton et les téléphones particuliers; et encore le chauffage, auquel pourvoient cinq chaudières à vapeur installées sous le niveau de la mer, ainsi que la stérilisation des eaux par rayons ultraviolets. Le plus étonnant reste peut être ce "nettoyage par le vide" réalisé par Negresco à l'aide d'une turbine centrifuge aspirant milles cubes d'air à l'heure, reliée à toutes les parties de l'hôtel par le moyen de soixante dix sept raccords. En effet, "les visiteurs de l'époque s'extasièrent devant les nouveautés techniques "révolutionnaires": les commutateurs électriques à portée de la main, le nettoyage par aspiration d'air, l'autoclave à vapeur et l'installation à un service pneumatique de distribution du courrier par tube dans les appartements". Ruiné par la première guerre mondiale Les bouleversements causés par la guerre nécessitent la remise en état des installations et vont priver d'une partie de son ancienne clientèle l'ensemble de l'hôtellerie niçoise. Une vingtaine d'hôtels sont transformés en hôpitaux en 1914 et 1915, la plupart comme le Negresco étaient de grands établis- Henri Negresco, attablé dans son restaurant, en costume clair. sements dont les installations eurent à souffrir d'un usage auquel elles n'étaient pas destinées. Le personnel de l'hôpital du Negresco regroupe une soixantaine de personnes dirigé par le médecin-chef Massier, médecin aide major de première classe et secondé par les médecins Faraut et Jays, médecins volontaires. Mobilisé sur place, Henri Negresco est nommé administrateur-économe, sa fille tient le poste de bibliothécaire. Le Negresco rouvrira ses portes pour la saison 1916-1917 mais les deux premières saisons de guerre se sont révélées de cuisants échecs. La situation est critique pour tous les hôteliers au sortir de la guerre. Henri Negresco n'échappe pas à la règle et doit renouveler le matériel et le mobilier. Les investissements nécessaires à leur remise en état deviennent très onéreux du fait de l'augmentation du coût de la vie, l'hôtellerie étant tributaire de toutes les autres industries et subissant le contrecoup des hausses dans tous les domaines. Les grandes fortunes disparaissent, l'aristocratie s'appauvrit si bien que le Negresco ne peut plus compter sur un nombre aussi peu important pour boucler une saison et faire de substantiels bénéfices. Une page est tournée, l'âge d'or est bel et bien fini. Henri Negresco est ruiné et est obligé de se séparer du palace de ses rêves. En 1920, Gérard Marquet à la tête d'une société belge rachète le bail de l'hôtel. Epuisé, désabusé, Negresco meurt la même année à Paris, miné par un cancer à l'âge de 52 ans, loin des fastes et des lumières du palace qui porte désormais son nom sur les bords de la Méditerranée et a été classé monument historique en 1975. Mais pendant de longues décennies le Negresco, délaissé, sera ravalé à un simple hôtel de première classe avant que Paul Augier ne le rachète en 1957 et qu'avec sa fille Jeanne, il ne lui redonne tout son éclat le transformant en ambassade de la culture française pour ses clients et visiteurs. Gilles Roberto 29 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Vie quotidienne Pénurie de places dans les cimetières et prix qui flambent l ORADEA ARAD SIBIU l l l TIMISOARA TG. JIU l T. SEVERIN l TARGU MURES l BRASOV FOCSANI l l GALATI PITESTI l l BUZAU l l CRAIOVA l n BUCAREST CONSTANTA Vivre coûte cher, mais il est des fois où mourir peut également devenir un luxe. C'est ce qui est en train d'arriver en Roumanie, et particulièrement à Bucarest où le prix des tombes dans les cimetières flambe... l Crise pour les pastèques 30 En Roumanie, mourir est un luxe l CHISINAU A cause de la chaleur et de la sécheresse, les récoltes de pastèques ont été maigres cette année. De plus, les pastèques de Dabuleni (Olténie), le "centre" de la pastèque en Roumanie, ont été concurrencées par celles provenant de Turquie, de Grèce et d'Espagne, vendues dans les hypermarchés à des prix beaucoup plus bas que ceux proposés par les producteurs roumains, et ces derniers en ont pâti. Même si les autorités locales ont essayé de faire le nécessaire pour limiter ces importations, Nicolae Dragoi, maire de Dabuleni, soutient que l'Etat n'offre plus aucune aide aux agriculteurs, et qu'il est pratiquement impossible de vendre les récoltes. Selon certains d'entre eux, l'année dernière se vendaient 100 tonnes de pastèques par jour, alors que cette année, les ventes n'atteignent pas 50 tonnes. Gratar, oui ordures… non Près de 45 % des Roumains qui vivent en milieu urbain disent être allés pique-niquer au moins une dizaine de fois l'année dernière, selon une étude. Pour eux, l'expression gratar signifie non seulement les traditionnelles grillades mais aussi jeux pour les enfants, sieste, bavardage entre amis et promenades. Les ordures jetées en pleine nature dérangent toutefois 97,3 % des sondés ainsi que le manque d'équipements, d'espaces aménagés (68,5 %) et de places de parkings (63 %). Permis Un tiers des Roumains, soit 6,5 millions possèdent le permis de conduire, dont 2 millions de femmes (30 % du total). Parmi eux, 300 000 ont plus de 70 ans et 200 000 moins de 21 ans. L iste d'attente, prix à trois zéro et vente sur Internet : le marché funéraire en Roumanie n'a jamais été aussi florissant. Cryptes, tombeaux souterrains, petits caveaux ou tombes en rangées… l'offre et la demande de ces biens de "dernière nécessité" vivent une période critique. D'un côté, il y a les cimetières publics qui affichent complet, non seulement à Bucarest mais aussi à Botosani ou à Cluj, et de l'autre, il y a l'apparition de lieux de sépulture privés hors de prix. Il reste bien les petits cimetières paroissiaux de province, plus économiques, mais qui deviennent de plus en chers à mesure que les grandes villes englobent les périphéries. Tout est complet Dans les quinze cimetières publics de Bucarest, il ne reste plus une place de libre. Celles qui sont déjà prises sont souvent revendues à prix d'or par les propriétaires qui embellissent leurs annonces avec des photos et des descriptions de rêve, tout juste comme pour la vente d'une maison avec jardin et vue imprenable. On peut trouver des propositions de toutes sortes: 6000 € pour deux places dans un caveau du cimetière de Sfânta Vineri, 4500 € pour une place dans la chapelle Aleea scritorilor. Il y en a pour tous les goûts. L'unique solution est de se tourner vers des structures privées qui cherchent à attirer le client avec des prix de "dernière minute" et des sites internet attractifs, tout à fait semblable aux sites des agences immobilières: "Profitez de notre offre exceptionnelle: jusqu'à la fin du mois, une tombe de seconde classe pour seulement 3000 €". À Botosani, dans le nouveau cimetière privé, les prix commencent à 1000 € la tombe ou 2000 € pour le caveau deux places. Le projet, à peine lancé, a déjà prix une valeur de 1,5 million d'euros. Baccalauréat: la mauvaise surprise de 2011 confirmée L e coup de tonnerre de 2011 provoqué par le succès d'a peine 46 % des candidats à la session de juin au bac, à la suite de l'introduction des caméras de surveillance dans les salles d'examen et d'une notation plus sérieuse s'est répété et même amplifié cette année. Seulement 80 466 élèves ont été admis, soit 43,03 % au lieu de 90 765 l'année précédente. La différence résulte du passage de certains judets qui s'étaient encore montré laxistes en 1991 dans le contrôle des épreuves (Harghita, Botosani, Constanta, Covasna, Olt, Ilfov, Salaj, Suceava, Teleorman, Valcea) à une rigueur accrue. Le judet d'Ilfov, (ceinture de Bucarest) est ainsi passé de 25 % à moins de 15 % d'admis, les autres judets obtenant les moins bons résultats se trouvant en Olténie ou dans le sud du pays - Gorj-Craiova (25 %), Caras Severin-Resitsa (25 %), Olt-Târgu Jiu (30 %)Oradea (32 %) -mais aussi, de façon surprenante, dans des villes universitaires. A l'autre extrémité, détonant par rapport à la moyenne nationale et faisant douter du sérieux de la surveillance se retrouvent deux judets de Moldavie, Braila (60 %) et Iasi (56 %). Au tableau d'honneur plus convainquant - entre 50 et 54 % d'admis - figurent Cluj, Bihor-Oradea, Sibiu et Buzau. Ces résultats semblent vouloir démontrer la volonté des autorités de redonner une certaine crédibilité au baccalauréat et de remettre un peu Les taux de réussite au baccalauréat par judet, en 2012. d'ordre dans l'enseignement. Mais le taux important d'échec n'est cependant pas une bonne nouvelle: il traduit la déliquescence d'un secteur sinistrée et le peu d'importance que les jeunes accordent à cet examen qui ne leur assure pas d'avenir. On aurait pu penser qu'échaudés par la mauvaise surprise de 2011, ils auraient préparé plus sérieusement l'échéance 2012. Le taux de réussite au bac, ces neuf dernières années, était le suivant pour la session de juin: 2004: 84,61%, 2005: 84,66%, 2006: 80,48%, 2007: 82,08%, 2008: 78,26%, 2009: 81,47%, 2010: 69,30%, 2011: 45,72%, 2012: 43,03 %. Davantage de jeunes profs reçus A lors qu'au cours des années passées, les prétendants à un poste d'enseignant étaient admis dans une proportion dépassant les 90 % lors de l'examen de sélection se déroulant en juillet, cette fois-ci, 62,23 % des 5464 candidats ont été reçus, ayant obtenu une note supérieure à 7. En 2011, avec l'introduction des caméras de surveillance lors des épreuves, instituée par le ministre d'alors, Daniel Funeriu qui avait déclaré qu'aucun enseignant de serait recruté s'il n'avait pas le niveau, ils n'avaient été que 54,6 % à décroché la moyenne de 5 sur 10. Cette année, 25 postulants ont obtenu la note maximum de 10, contre seulement 2 l'an passé. Belles affaires en perspective pour l'immobilier À ces prix exorbitants s'ajoutent les dépense pour les funérailles et la sépulture, l'Église, les fleurs: les prix peuvent passer de 2000 à 10 000 €, selon qu'il s'agit du service funéraire de l'État ou de celui d'une agence privée. L'ACCU, l'organisme d'État responsable de ce domaine, cherche activement une solution. Pour améliorer les délais bureaucratiques, pour faciliter la collecte d'information sur les places libres dans les cimetières de Bucarest et pour tenter de résoudre la crise des tombes, l'administration d'État a décidé, en plus d'instaurer un système informatique de gestion, d'augmenter la capacité des tombes. Dans chaque tombe, on pourra désormais déposer deux cercueils: plus précisément, explique le service des cimetières, le premier cercueil sera installé au fond de la tombe et couvert d'une dalle de béton. Si une autre personne de la même famille meurt avant les sept années obligatoires pour la réutilisation de la tombe, le second cercueil pourra être placé au niveau supérieur, sur la dalle de béton. La crise, oui. Mais rien à voir avec des projets à l'étude dans d'autres pays, comme en Inde, où pour répondre à la demande, de véritables gratte-ciels funéraires sont en train de voir le jour. Autre danger qui guette: le manque de tombes peut aussi devenir une belle opportunité de faire des affaires pour le secteur immobilier qui, avec la récession des dernières années, a vécu des moments difficiles. Daniela Mogavero (Osservatorio Balcani e Caucaso) Tout juste 43 % des candidats admis à la session de juin Enseignement l BAIA BOTOSANI MARE IASI l Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Ecoles internationales de Bucarest: de 3000 à 19 000 € par an E n Roumanie, 102 lycées privés accueillent 25 000 élèves (soit 7 % du total) alors que les 1400 lycées d'état en comptent 320 000. Classes modernes, terrains de foot, courts de tennis, salles de danse, encadrement personnalisé, accent mis sur le développement du sens artistique, du corps par la pratique sportive, font la différence. Mais ce luxe se paie avec des frais d'inscription annuels au minimum de 3500 €, jusqu'à près de 20 000 €. Les 700 élèves du Lycée américain international de Bucarest proviennent de 50 nationalités différentes, 40 % seulement étant Roumains. Les professeurs sont étrangers pour un quart. L'enseignement se fait le plus souvent en anglais. Les élèves ne participent pas aux olympiades nationales mais se confrontent avec ceux d'autres lycées du même genre, répartis dans le monde entier. D'ailleurs, ils ne se préparent pas pour un cursus universitaire en Roumanie mais pour les plus grandes universités ou écoles européennes ou américaines. Voici la fourchette des tarifs annuels pratiqués par les principaux établisse- ments à Bucarest, qui affichent complet: American International School of Bucharest (AISB): 13 700 - 19 400 €, British School of Bucharest (BSB): 16 000 - 18 250 € International School for Primary Education (INS): 2310 12 650 €, Mark Twain International School (MTIS): 3500 - 8000 €, Scoala Europeana Bucuresti: 7000€, Scoala Lauder-Reut: 5000 - 6500 €, Little London: 3250 - 6400 €. Les frais d'inscription au lycée français Anna de Noailles de Bucarest vont de 4000 € en maternelle à 6200 € en terminale. 31 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE JO Londres l l l IASI ORADEA l VASLUI BACAU SF. GHEORGHE l l l l TIMISOARA BRASOV GALATI BRAILA l l l TULCEA CRAIOVA l n CONSTANTA BUCAREST l Les neuf médailles obtenues à Londres Or (2) Gymnastique: Sandra Izbasa (saut, F) Tir: Alin Moldoveanu (10 mètres à air comprimé, H) Argent (5) Gymnastique: Catalina Ponor (sol, F) Judo: Alina Dumitru (48 kg, F), Corina Caprioriu (57 kg, F) Escrime: Tiberiu Dolniceanu, Rares Dumitrescu, Florin Zalomir, Alexandru Siriteanu (sabre par équipe, H) Haltérophilie: Roxana Cocos (69 kg) 32 Société leurs plus mauvais résultats depuis 60 ans crève cœur olympique l TARGU MURES ARAD l Londres SUCEAVA SATU MARE l Les sportifs roumains ont enregistré Les NOUVELLES de ROUMANIE Bronze (2) Gymnastique: Sandra Izbasa, Catalina Ponor, Diana Bulinar, Diana Chelaru, Larisa Iordache (par équipe, F) Haltérophilie: Razvin Martin (69 kg) Moldavie: Bronze (2) Haltérophilie: Cristina Lovu (55 kg, F), Anatolie Ciricu (94 kg, H) La Roumanie termine au 27ème rang au classement général. UE : 1er Royaume Uni (3ème au classement général), 2ème Allemagne (6ème), 3ème France (7ème), 4ème Italie (8ème), 5ème Hongrie (9ème), 6ème Pays bas (12ème), 7ème République Tchèque (19ème), 8ème Espagne (21ème), 9ème Roumanie (27ème)… 10ème Pologne (31ème). Pays de l'Est : 1er Hongrie (9ème, 17 médailles, 8 en or), 2ème République Tchèque (19ème, 10 médailles, 4 en or), 3ème Roumanie (27ème, 9 médailles, 2 en or), 4ème Pologne (31ème, 10 médailles, 2 en or), Bulgarie (65ème, 2 médailles), Moldavie (75ème, 2 médailles). La délégation olympique roumaine est revenue de Londres avec neuf médailles, dont deux d'or, prenant la 27ème place, son classement le plus médiocre depuis les JO d'Helsinki, en 1952, auxquels la République Socialiste de Roumanie participait pour la première fois. Un véritable crève-cœur après l'apothéose de Sydney en 2000, qui confirme le déclin du sport roumain. La Moldavie, quant à elle, a obtenu deux médailles de bronze, en haltérophilie. L a Roumanie et la République de Moldavie ont envoyé respectivement 104 et 22 athlètes à Londres. Mais les comités olympiques des deux pays ne se faisaient aucune illusion quant à leurs chances de bien figurer. Les objectifs fixés aux athlètes des deux délégations restaient très modestes. Le Comité olympique roumain espérait décrocher entre 8 et 12 médailles dont trois en or. Finalement, elle n'est pas trop loin du compte… sauf que la barre était placée vraiment bas. Des ambitions en deçà des performances de la Roumanie aux JO de Pékin, déjà modestes: 17e avec 8 médailles dont quatre titres. De son côté, le Comité olympique moldave n'osait Vainqueur du marathon à Pékin, en 2008, Constantina parier que sur une Dita-Tomescu, 42 ans, a eu l'honneur de partir en tête de celui de Londres (au centre de la photo).Elle a terminé à la 86ème place. seule médaille, en athlétisme, en judo, en boxe ou en haltérophilie. Le pays aurait signé ainsi le même résultat que lors des derniers JO où il était arrivé 80e, dernier des pays médaillés, avec une seule médaille, celle en bronze du boxeur Veaceslav Gojan. Pour stimuler ses athlètes, le gouvernement moldave avait promis 100 000 euros pour ceux qui ramèneraient de l'or, 90 000 pour de l'argent et 80 000 euros pour du bronze, ainsi qu'un appartement de deux pièces pour chaque médaillé. Finalement, les Moldaves ont fait mieux qu'à Pékin, avec deux médailles de bronze, terminant 75ème sur les 202 pays engagés, 85 étant médaillés. Naufrage de toutes les disciplines où les Roumains brillaient Comme à chaque fois, les chances de métal des Roumains reposaient sur les gymnastes mais aussi sur les escrimeurs et les avironistes. La déception a été quasiment totale dans tous ces domaines, les gymnastes sauvant toutefois l'honneur grâce à deux revenantes, Sandra Izbasa (or au saut) et Catelina Ponor (sol), championnes olympiques à Pékin ou Athènes. Nadia Comaneci pouvait regretter que son pays natal n'ait pas su préparer l'avenir, présentant une équipe de fillettes face à des gymnastes confirmées. Le classement des pays francophones : 1er France (7ème), 2ème Roumanie 27ème, 3ème Suisse (33ème), 4ème Canada (36ème), 5ème Géorgie (39ème), 6ème Tunisie (44ème), 7ème Algérie (53ème), 8ème Arménie (61ème), 9ème Belgique (62ème), 10ème Bulgarie (65è) 11ème Moldavie(75ème), 12ème Maroc (85ème et dernier des pays ayant obtenu au moins une médaille sur 186 nations représentées). L'époque où la Roumanie était la première nation mondiaceptible immédiatement, le sport roumain est confronté à une le en aviron grâce à ses rameurs du Delta, où la France se véritable crise. Faute de financement, des terrains et salles de méfiait de ses escrimeurs (Mihai Covaliu, or au sabre en 2000 sports, des piscines, des stades, des centres d'entraînement ne à Sydney) qui l'avaient privé de plusieurs titres, où ses nageurs sont plus entretenus, laissés à l'abandon… quant ils n'ont pas créaient la surprise (Camelia Potec, or sur 200 mètres dos à été rachetés pour une bouchée de pain, tombant dans les mains Athènes en 2004), et ses athlètes la sensation (Gabriela Szabo, de spéculateurs immobiliers. Des clubs sportifs ont disparu. or sur 5000 m à Sydney, Constantina Dita-Tomescu, or au Mal payés, les entraîneurs ont changé de métier ou sont partis marathon de Pékin en 2008) est bien révolue. C'était même la à l'étranger. première fois dans l'histoire olympique que la Roumanie n'aliLes conditions pour s'entraîner sont devenues de plus en gnait aucun finaliste dans les épreuves d'athlétisme! plus précaires et la motivation fait défaut. La piste d'athlétisAprès l'apothéose des JO de Sydney où elle avait terminé me de la base sportive des jeunes de la capitale où la médaillée 11ème avec 26 d'or du 5000 médailles dont 11 mètres à Sydney, d'or, et première Gabriela Szabo, nation de l'Est, la se préparait, est Roumanie a ineimpraticable. xorablement Les rameurs entamé son dés'entraînent entre clin: 14ème rang les barques à à Athènes, avec moteurs du lac 19 médailles dont Snagov, dans la 8 d'or, rejointe banlieue chic de par la Hongrie, Bucarest, et les Même si elle a sauvé l'honneur en remportant un titre olympique, 17ème à Pékin, l'équipe féminine de gymnastique, encadrée ici par ses deux entraîneurs, pontons privés Octavian Bellu et Maria Bitang, était loin d'atteindre le niveau de ses devancières. avec 8 médailles de la nomenkladont 4 en or, conservant toutefois sa prééminence à l'Est, qu'eltura, sans qu'aucun couloir ne leur soit réservé. le vient de perdre à Londres, dépassée par une extraordinaire "Pour réussir, les sportifs de haut niveau doivent quitter le Hongrie, 9ème (17 médailles dont 8 d'or) et la république pays ", concède Mariana Bitang, qui entraîne avec son mari, Tchèque (19ème , 10 médailles dont 4 en or). Octavian Bellu, l'équipe olympique de gymnastique. Les neuf médaillés roumains ne se plaindront cependant pas… le gouvernement, qui avait sans-doute prévu une enveRetour à la formation loppe financière plus conséquente, a décidé de doubler le mondes graines de champions dès l'école ? tant de leurs primes. Pour leurs médailles d'or, Sandra Izbasa et le tireur Alin Moldoveanu empocheront chacun 105 000 Le Comité Olympique, constatant les efforts financiers euros, 84 000 euros revenant aux cinq médailles d'argent et énormes consentis par les pays partenaires de l'UE, souhaite63 000 euros aux deux médailles de bronze. En outre, Renault rait que les sponsors, très peu nombreux jusqu'ici, soient a décidé d'offrir une voiture à chaque médaillé. davantage encouragés à investir dans le sport par le biais de déductions fiscales ou qu'ils bénéficient de promotions gratuiConditions précaires et absence de motivation tes dans les médias, lesquels ne sont pas d'accord. Son président regrette que nombre d'enseignants remplacent les heures Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer ce résuld'éducation physique dans les classes primaires par des cours tat catastrophique. Le Comité olympique roumain aurait misé de maths ou d'autres matières. "Un sportif doit apprendre à sur les jeunes en vue des JO de 2016 et nombre de valeurs sauter ou à courir dès l'âge de sept ans" soutient-il. sûres avaient pris leur retraite. Les moyens financiers manIl est rejoint par Gabriela Szabo, laquelle redoute que les quaient, les participants n'arrivant à Londres que peu avant les médailles d'aujourd'hui ne soient les dernières et estime aussi compétitions, ce qui ne leur permettait pas de se familiariser que le sport doit devenir prioritaire à l'école et dans les avec les lieux des épreuves; les cadres faisaient défaut, comme familles. Sans-doute dans cette période difficile qu'ils affronpar exemple un psychologue pour les escrimeurs et les gymtent aujourd'hui les Roumains ont d'autres chats à fouetter que nastes, disciplines où le mental joue un très grand rôle. de remporter des médailles. Vivre au jour le jour, survivre parFinalement, Londres 2012 concrétise un déclin entamé fois, s'adapter aux changements profonds de la société, prépabien avant… Et il n'y a pas une ligne à ajouter au commentairer l'avenir des enfants sont des défis autrement importants. re paru dans Les Nouvelles de Roumanie, en 2008, au lendePlus tard, quand les choses se seront mises en place, ils pourmain de Pékin. ront repenser aux médailles...”. Malheureusement, quatre ans "Depuis la "Révolution", même si son effet n'a pas été perplus tard, la situation ne s'est pas améliorée, loin de là. 33 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE JO Londres SIGHET l IASI BISTRITA BRASOV l l TIMISOARA L FOCSANI l DEVA SIBIU l GALATI l l l BRAILA CRAIOVA l n BUCAREST l l T. MAGURELE CONSTANTA Alin Moldoveanu tireur d’élite 34 JO Londres Double championne olympique, Sandra Izbasa a appris à serrer les dents l TG. MURES ARAD l l l l l SUCEAVA BAIAMARE l ORADEA "Quand nous chanterons le temps des médailles !" Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Alin Moldoveanu a donné son premier titre olympique à la Roumanie en remportant le tir à 10 mètres à air comprimé. Etudiant en Psychologie et Droit, pratiquant une discipline peu médiatisée, le Moldave, 29 ans, né à Focsani, est sociétaire du Dinamo Bucarest et peut pratiquer sa discipline grâce à une bourse de l'Etat qui lui permet de vivre avec le salaire moyen roumain (300-350 €). Adolescent, Alin Moldoveanu a découvert le tir par hasard, à 13 ans, en 1996, le club de Focsani organisant une sélection. Ce sport lui a plu et il n'a pas eu le choix quand à la spécialisation: on n'y pratiquait que le tir à 10 mètres à air comprimé. Le Roumain s'entraine depuis 4-5 heures par jour, entretenant notamment sa condition physique mais confiant cependant que les deux conditions pour réussir sont l'équilibre et la détermination, dans cette discipline éminemment psychologique. Alin Moldoveanu convient que le tir est un sport coûteux, mais qu'il dispose de bonne conditions d'entraînement en Roumanie et n'en aurait sans-doute pas de meilleures ailleurs. Sa victoire à Londres n'est pas une surprise, bien qu'il estime qu'une vingtaine de concurrents pouvaient prétendre au titre. Classé numéro deux mondial, il avait toutefois déjà terminé 4ème aux JO de Pékin (2008), second au championnat du monde de Zagreb en 2006 et lors de la coupe du Monde à Rio de Janeiro (2008). a Roumanie a décroché 9 médailles à Londres, occupant le 27ème rang, très loin de sa performance de 1984 à Los Angeles (53 médailles dont 20 en or) qui lui avait valu la 2ème place, le meilleur classement jamais obtenu (la France avait terminé 12ème avec 28 médailles). Il est vrai que cette année là, le bloc communiste avait boycotté les JO, exception faite de la Roumanie et de la Chine, en représailles au même boycott exercé quatre ans plus tôt par les pays occidentaux, lors des JO de Moscou, pour dénoncer l'invasion soviétique en Afghanistan. A Moscou, la Roumanie, forte d'une délégation de 239 athlètes (ils étaient seulement 104 à Londres) avait également brillé avec 25 médailles dont 6 en or et une 7ème place, tout comme en 1976 aux JO précédents de Montréal (27 médailles, 4 en or, 9ème place) qui allaient révéler Nadia Comaneci. Mais jusqu'à ses dernières contreperformances, la Roumanie avait conservé un rang enviable dans des JO: à Séoul, en 1988, elle termina 8ème (24 médailles dont 7 en or), 14ème à Barcelone en 1992 (18 médailles, 4 en or), encore 14ème à Atlanta en 1996 (20 médailles dont 4 en or), 11ème à Sydney en 2000 (26 médailles dont 11 en or, meilleure performance depuis la "Révolution"), 14ème à Athènes (19 médailles, 8 en or). Il faut remonter à Helsinki en 1952, à l'occasion de la première participation d'après-guerre aux JO de la Roumanie pour trouver un classement aussi mauvais qu'à Londres, 23ème avec seulement 4 médailles dont une en or (Iosif Sârbu au tir). Depuis, la Roumanie n'était descendue en dessous des dix médailles qu'à Pékin. Les Olympiades d'après guerre Alin Moldoveanu est particulièrement ravi de pratiquer le tir: "Tant qu'on a la santé, il n'y a pas de limite d'âge… et je compte bien le pratiquer jusqu'à 70 ans!". Helsinki 1952 : 4 médailles (1 or, 1 argent, 2 bronze) Melbourne 1956 : 13 (5 or, 3 argent, 5 bronze) Rome 1960 : 10 (3 or, 1 argent, 6 bronze) Tokyo 1964 : 12 (2 or, 4 argent, 6 bronze) Mexico 1968 : 15 (4 or, 6 argent, 5 bronze) Munich 1972 : 16 (3 or, 6 argent, 7 bronze) Montréal 1976 : 27 (4 or, 9 argent, 14 bronze) Moscou 1980 : 25 (6 or, 6 argent, 13 bronze) Los Angeles 1984 : 53 (20 or, 16 argent, 17 bronze) Séoul 1988 : 24 (7 or, 11 argent, 6 bronze) Barcelone 1992 : 18 (4 or, 6 argent, 8 bronze) Atlanta 1996 : 20 (4 or, 7 argent, 9 bronze) Sydney 2000 : 26 (11 or, 6 argent, 9 bronze) Athènes 2004 : 19 (8 or, 5 argent, 6 bronze) Pékin 2008 : 8 (4 or, 1 argent, 3 bronze) Londres 2012 : 9 (2 or, 5 argent, 2 bronze) 301 médailles depuis la première participation Au terme des JO de Londres et depuis sa première participation aux olympiades, à Paris en 1924 (une médaille de bronze), la Roumanie a remporté 301 médailles, dont 88 d'or - décrochant la première à Helsinki - 94 d'argent et 119 de bronze. Hommes (148 médailles) et femmes (153) se partagent les lauriers à égalité, mais un déséquilibre très net et de plus en plus prononcé s'est installé depuis Los Angeles, en 1984, les filles ayant décroché 113 médailles au cours des huit dernières olympiades, contre 64 pour les garçons. Dans ce tableau global, la gymnastique se taille la part du lion avec 72 médailles, enregistrant toujours une nette prédominance féminine. Au total, la Roumanie a participé à 20 JO sur 27. Elle était absente aux JO d'Athènes (1896), Paris (1900), Saint Louis (1904), Londres (1908), Stockholm (1912), Anvers (1920) et Londres (1948). Elle a participé aux JO pour la première fois à Paris, en 1924. S andra Izbasa a apporté son seul titre olympique en gymnastique à la Roumanie, une discipline où, jalousée par les autres nations, ce pays trusDeuxième titre olympique pour la gymnaste Sandra Izbasa que l'on voit tait les médailles. La tomber dans les bras de son entraîneur. Bucarestoise de 22 ans n'est pas une inconnue: avant de remporter l'or au saut à Londres, elle l'avait déjà empoché aux exercices au sol à Pékin, en 2008. Deux médailles de bronze par équipe, des médailles d'argent aux championnats du monde, des titres européens complètent sa panoplie. La jeune Roumaine se consacre à la gymnastique depuis l'âge de 4 ans. Elle garde un regard lucide sur ses trophées: "Deux entraînements chaque jour, même ceux de mes anniversaires, peu de moments de liberté, des années passées dans les salles de gym, de Bucarest à Onesti, de Deva à Iznavori, loin de mes parents que je ne voyais qu'une fois par semaine, des blessures, des souffrances, des larmes… l'or a un prix dur à payer" confie la championne qui, très crâne, ajoute: "Je n'ai jamais eu de modèle, je voulais en être un moi-même". Son premier titre, Sandra Izbasa l'avait remporté lors des championnats d'Europe de Volos en Grèce, en 2006, à 16 ans. Déjà au saut. Elle portait alors un appareil dentaire qui déstabilisait cette mignonne poupée, passant des heures à se maquiller. Devenue jeune femme, elle n'en a pas perdu l'habitude, éblouissant le public de Londres par sa beauté et son port altier. Ses entraîneur se moquent d'elle et de ses trousses de maquillage: "Fais attention au poids de tes bagage!". Mais Sandra la blonde - brune autrefois - n'en a cure: elle trouve sérénité et concentration devant son miroir avant d'entrer en compétition. La gymnastique n'a pas été un long fleuve tranquille pour la championne. Un atterrissage raté lui a valu une rupture du tendon d'Achille, lors d'un championnat d'Europe en 2009. Elle a refusé toute aide, serrant les dents, cachant ensuite son plâtre. Une championne olympique doit rester… sur son Olympe pour ses admirateurs ! La convalescence a été douloureuse, pénible, nécessitant deux opérations. Cet accident lui a fait rater les championnats du monde de 2011, un hématome réapparaissant. A Londres, tout n'était pas encore rentré dans l'ordre, mais ses 18 ans de galère sur les tapis et aux agrès faisaient obligation à la fière Roumaine de tenir son rang. Athlètes, entraîneurs… ou dentiste: des Roumains dans les autres équipes L es Roumains étaient présents à Londres en dehors de leur équipe nationale olympique. Plusieurs d'entre eux concourraient sous le drapeau des pays où ils ont émigré ou bien entraînaient leurs équipes. La nageuse Californienne Rebecca Soni (25 ans), médaille d'or sur 200 mètres brasse, médaille d'argent du 100 mètre brasse, déjà médaille d'or à Pékin en 2008, détentrice de plusieurs record mondiaux, désignée meilleure nageuse du monde de l'année en 2010 et 2011, est d'origine roumaine, bien que née dans le New Jersey. Natifs de Cluj, ses parents, de filiation hongroise, avaient émigré aux USA. Andrei Gheorghe (24 ans) représentait au pentathlon le Guatemala, où sa famille s'est installée. Son père avait concouru dans cette discipline pour la Roumanie aux JO de Barcelone de 1992, alors que sa mère était escrimeuse. Né voici 59 ans à Timisoara, Mihai Breystan est devenu entraîneur de l'équipe américaine de gymnastique. Il a découvert et encadré l'Américaine Aly Raisman qui a décroché l'or au sol et le bronze au cheval à Londres. Dans cette dernière épreuve, il a fait perdre cette médaille à sa compatriote Catalina Ponor, qu'il avait jugé surnotée, obtenant gain de cause auprès du jury. "N'empêche, je resterai toujours Roumain de cœur" a déclaré le Timisorean qui a conservé sa nationalité, a quitté son pays natal en 1985 pour Israël où il a séjourné dix ans avant de rejoindre les USA en 1996. Aujourd'hui, il possède une salle de gymnastique dans le Massachussetts et a obtenu un titre de championne du monde au saut avec sa protégée Alicia Sacramone. A noter que l'équipe féminine américaine de gymnastique, championne olympique et du monde en titre est dirigée par une Roumaine, Martha Karoly, l'épouse de Bela Karoly, l'ancien entraîneur de Nadia Comaneci. Valentin Silaghi (54 ans), ancien, boxeur ayant rapporté plusieurs médailles à la Roumanie, s'est réfugié en Allemagne de l'Ouest en 1982, dont il est devenu entraîneur national en 1990, dirigeant son équipe olympique à Londres. Etaient également présents dans des délégations étrangères aux JO 2012, les pongistes Mihai Bobocica (26 ans) de Craiova, concourant pour l'Italie, Kalinikos Kreanga (Calin Creanga, 40 ans) de Bistritsa, pour la Grèce, Ilyes Ferenc, capitaine de l'équipe hongroise de handball, Dan Telearca, entraîneur de l'équipe de judo de Zambie, Ghorghe Simionov, entraîneur de l'équipe mexicaine de canoë-Kayak, Adrian Stan, directeur technique de l'équipe britannique de gymnastique et Corina Morosanu, sa chorégraphe, ainsi que Zita Funkenhauser… dentiste de la délégation olympique allemande. 35 Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Gonflée ! Insolite U ne Roumaine de 31 ans et son mari, d'ethnie rom, ont été arrêtés à la sortie du centre commercial Elkjop d'Oslo, alors que le couple s'apprêtait à monter dans un bus et à disparaître. Un vendeur avait remarqué la difficulté avec laquelle cette cliente peu ordinaire, se déplaçait. Elle cachait tout simplement sous une ample robe tsigane colorée un écran de télévision de 107 cm de diagonale d'une valeur de 3800 euros qu'elle venait de dérober, et avan- Société Les NOUVELLES de ROUMANIE Mieux vaut en rire qu’en pleurer! çait tant bien que mal en le gardant coincé entre les cuisses. La police a eu du mal à croire que c'était possible. Les larcins habituels se limitent d'habitude à des pantalons ou pulls volés. Pour en avoir le cœur net, le commissaire à procéder à une reconstitution, demandant à des femmes policières de tenter l'exploit… Aucune n'a réussi ! La presse s'est emparée de ce fait divers qui a fait le délice des Norvégiens. Trafiquants d'ail C 36 Dites le avec des choux inq Roumains ont été arrêtés sur une autoroute dans l'est de l'Autriche, fin juin, alors qu'ils conduisaient trois camionnettes débordant d'un stock de 9,5 tonnes d'ail. Les cinq hommes, âgés de 25 à 37 ans, n'ont pu préciser l'origine de leur chargement, ni prouvé qu'il leur appartenait. En apercevant à proximité de la frontière hongroise ces véhicules visiblement surchargés - il aurait fallu neuf camionnettes pour ce transport - les policiers autrichiens se sont doutés qu'il y avait quelque chose d'anormal. La marchandise, qui se vend très cher depuis quelques années, en provenance sans doute d'Espagne, a été estimée à 30 000 euros (soit 3 euros le kilo) à la production. En plus du transport de marchandise volée, les trafiquants ont été arrêtés pour surcharge de 80 % de leur véhicule. Leur avocat pourra toujours plaider, qu'originaires du pays de Dracula, ils voulaient fournir à leurs compatriotes un médicament de première nécessité pour chasser les vampires… Crise: caricatures, photos montages... les journaux s’en sont donné à coeur joie. Inspiré par les mineurs de la vallée de Jiu, Victor Ponta mène sa propre “minériade”, cette fois contre la constitution... alors que Ion Iliescu se tient dans l’ombre de la “bande des trois” qui tente son coup de force. Pour l’hebdomadaire satirique “Academia Catavencu”, la Roumanie vit de sombres moments. Victor Ponta et Crin Antonescu “braquent” l’Etat de Droit à la manière de Bonny and Clyde... alors que les affairistes Vântu, Voiculescu, Patriciu, menacés de prison, dorlottent le nouveau Premier ministre. 37 A lexandru Regem est furieux. Le sexagénaire a appris par la bande que l'autoroute Timisoara -Lugoj, dont les travaux doivent commencer prochainement, passerait dans son jardin. Aucune administration ne l'a prévenu, aucune procédure d'expropriation et d'indemnisation n'a été entamée. Du coup, il a demandé à un géomètre de mesurer la surface qui lui sera retirée et d'en délimiter le tracé équivalent sur la portion d'autoroute qui passera devant sa porte. Le brave homme a l'intention d'y planter ses choux et salades. Toutefois, il se montre de bonne composition: "Je ne démolirai pas les plaques de bitume. Je ferais mes plantations sur la bande de séparation et sur les bas côtés. Peut-être même que je mettrais des tournesols pur faire joli" ! Pas de privilège de l'âge M ariana Pisu, 50 ans, de Brasov, est considérée comme la plus vieille prostituée en exercice de Roumanie, mais le privilège de l'âge n'a pas pour autant attendri les autorités locales qui lui réclament 35 000 € d'arriérés de contraventions non payées pour racolage sur la voie publique, au cours de ces vingt dernières années. Elle a en outre été condamnée à 120 heures de travaux d'intérêt général qu'elle devra employer à planter des fleurs sur les espaces publics de la ville. La contrevenante profite cependant de l'exécution de sa peine au vu et au su de tout le monde pour continuer son métier. En 2011, elle avait été verbalisée à 90 reprises. Mariana, qui est mariée et a un fils a cependant des principes bien ancrés : elle ne travaille pas le jour du Seigneur, lors des fêtes religieuses ou quant il pleut, n'accepte que 2 ou 3 clients par jour, et n'exerce qu'entre 9 et 17 h, rentrant ensuite chez elle pour s'occuper de sa famille. Elle prévoit de prendre sa retraite l'an prochain. Drôle de mayonnaise P osté à l'angle d'un carrefour de la capitale, le policier Vasile Ciobotea avait une manière bien à lui de sanctionner les automobilistes ne respectant pas le feu rouge ou ne s'arrêtant pas pour laisser passer les piétons, comme l'a expérimenté un livreur de sandwichs venant de commettre cette dernière infraction. Après l'avoir fait garé et demandé ses papiers, l'agent ne lui a pas dressé procès-verbal… mais a réclamé un de ses casse-croutes en insistant pour qu'il soit bien garni. Il ne risquait pas de se mettre de la mayonnaise sur les doigts… la tranche de jambon étant entourée de trois billets de cents lei (70 euros), qu'il a mis discrètement dans sa poche. Malheureusement le livreur était de mèche avec la "police des polices" qui avait ainsi tendu un piège au "ripou" qu'on lui avait déjà signalé et qui a été immédiatement appréhendé. Angela Merkel élève un nouveau mur de Berlin devant la “pieuvre mafieuse” de la corruption... tandis que Bruxelles réserve un accueil plutôt frais au Premier ministre Victor Ponta. Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Cinéma Congolais transformés en chauffeur de taxi à Bucarest SUCEAVA l l l l BAIA MARE l IASI ORADEA l TARGU MURES ARAD l TIMISOARA SINAIA PITESTI l l l l CRAIOVA BACAU M. CIUC BRASOV GALATI l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Disparition à 33 ans de la pianiste Mihaela Ursuleasa 38 Le réalisateur Rufin Mbou raconte l'odyssée de 34 de ses compatriotes La pianiste roumaine Mihaela Ursuleasa, qui avait pris la nationalité autrichienne, est décédée à 33 ans à Vienne d'une hémorragie cérébrale le 1er août. Née en 1978 à Brasov, dans le centre de la Roumanie, la musicienne prodige a commencé à jouer du piano dès l'âge de 5 ans. Elevée par deux parents musiciens, elle se mit au clavier sous la supervision de son père dès l'âge de 5 ans et ne tarda pas à se produire en public alors que ses pieds n'atteignaient pas encore les pédales. Chaperonnée par sa mère (elle perdit son père alors qu'elle est encore enfant) et par un professeur inflexible, elle dût travailler sans relâche: "J'étais au clavier de mon piano de 8 h du matin à 20 h", confiera-t-elle plus tard. Mihaela Ursuleasa avait obtenu une bourse d'étude à l'âge de 13 ans auprès du chef d'orchestre italien Claudio Abbado qui l'avait prise en affection et intégrée au Conservatoire de Vienne. En 1995, à 17 ans, elle remportait le prestigieux concours international de piano Clara Haskill, décerné tous les deux ans en Suisse. Cette distinction lui avait les portes des plus grandes salles de concert du monde. L'artiste avait prévu 16 concerts jusqu'à la fin de l'année en Europe et en Amérique latine, mais en avait récemment annulé deux à Bucarest pour des raisons de santé non précisées. Le réalisateur congolais Rufin Mbou signe Tsofa (chauffeur, en lingala), un film réalisé entre la Roumanie et le Congo qui devait être présenté le 11 septembre à l'Institut français de Brazzaville puis ensuite diffusé sur TV-Rennes en France et par les télévisions africaines. Autant dire, peu de chances de le voir ! Mais l'histoire véridique qu'il raconte mérite d'être rapportée. Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Musique L'histoire d'un couple suisse mythique qui révéla la richesse de la musique populaire de l'Est au public occidental Balkan Melodie, roadmovie sur les Cellier Il y a plus de 50 ans, les Suisses Marcel et Catherine Cellier franchissaient pour la première fois le rideau de fer. C'était alors le début d'une aventure qui allait durer jusqu'à aujourd'hui. Au cours de leurs nombreux voyages, le couple a passionnément et méticuleusement enregistré les musiques de l'Europe de l'Est, révélant une richesse et une diversité sonore jusqu'alors inconnue des Occidentaux. Un film, Balkan Melodie, sorti en début d'année en Suisse retrace leur aventure. P sofa rapporte l'aventure invraisemblable arrivée à trente-quatre Congolais de la RDC recrutés à Kinshasa en 2008 par une société roumaine afin d'aller travailler comme chauffeurs de taxi à Bucarest, capitale de la Roumanie. "Cette société leur avait fait des promesses alléchantes qui ont poussé certains à abandonner travail, femme et enfants pour tenter leur chance dans ce pays qui venait d'entrer dans l'Union Européenne, explique Rufin Mbou. Sur place, ce qui s'était présenté comme un rêve de bonheur s'est vite transformé en cauchemar. Ils ont tout d'abord été exploités. Lorsqu'ils réclamaient leurs droits, leur employeur les menaçait d'expulsion, ce qui est arrivé à une grande partie d'entre eux". ar le biais d'innombrables émissions radiophoniques et de millions de disques vendus, Marcel Cellier, âgé aujourd'hui de 87 ans, a contribué à asseoir la réputation mondiale de Gheorghe Zamfir, virtuose roumain de la Flûte de Pan, et celle des légendaires chœurs de femmes "Le Mystère des Voix Bulgares". Le film Balkan Melodie suit les traces du couple Cellier en Europe de l'Est, lui, organiste zurichois, elle, photographe romande, retrouvant les protagonistes de l'époque et découvrant de nouveaux trésors musicaux. Prenant la musique comme point focal, le réalisateur Stefan Schwietert propose un éclairage nouveau sur la rencontre entre l'Est et l'Ouest. En filigrane, on perçoit le passage du temps, les souvenirs teintés de nostalgie, mais surtout le caractère intemporel et envoûtant de ces musiques qui réchauffent le cœur. "T'es footballeur ou étudiant en médecine ?" Découvreurs de Zamfir Cette histoire poignante a inspiré le réalisateur en 2008, alors qu'il travaillait en Roumanie pour la Francophonie. "Je voulais faire ce film, car il y a quelques Noirs en Roumanie aujourd'hui, mais la plupart sont étudiants en médecine ou footballeurs. Chaque fois que des Roumains m'abordaient dans la rue, ils me demandaient si j'étais footballeur ou étudiant. Mais un jour dans la presse, j'ai appris l'arrivée de trente autres Noirs, qui n'étaient ni footballeurs, ni étudiants, et qui de surcroît venaient du Congo. Il s'agissait de la RDC, mais cela a nourri ma curiosité. Je voulais savoir pourquoi ils étaient là et comment ils vivaient leur intégration, pour faire une comparaison avec ma propre intégration. Quand j'ai découvert ce qui leur était arrivé, j'ai refusé de me taire, j'ai tenu à porter leur voix". Pour Rufin Mbou, 32 ans, natif de Komono, en République du Congo, l'immigration est très souvent perçue comme un acte de survie. "Des hommes et des femmes prennent des pirogues à la recherche d'une vie meilleure, des étudiants choisissent le froid hivernal pour terminer leur cursus universitaire... Ces choix sont souvent lourds de conséquences. Pour mon film, il s'agit de la fameuse immigration choisie. Je dirai même immigration proposée. Je trouvais ça assez inédit qu'un pays comme la Roumanie, l'un des plus pauvres d'Europe, vienne proposer à des Africains d'immigrer pour aller travailler comme chauffeurs de taxi chez eux". Le tournage de ce documentaire de 52 minutes, sur la musique du musicien congolais Freddy Massamba, s'est fait en plusieurs temps. Il a été tourné en 2010 en Roumanie: "En décembre 2011, je n'ai pu trouver qu'un seul Congolais du groupe. Les autres avaient été envoyés hors de la capitale, et leur situation changeait assez rapidement. Certains avaient été expulsés, et d'autres avaient changé de statut". Le film comporte aussi des images filmées à Brazzaville en janvier et juin 2012 avec Yves, l'un des personnages principaux du film qui a beaucoup souffert de son expérience en Roumanie. Son témoignage dans le film est très émouvant. Après le tournage en Roumanie et au Congo, le film a été monté, étalonné et mixé à Bordeaux. "J'aimerais inviter tout le monde à venir voir ce film, qui porte un regard singulier sur les questions d'immigration et de territoire" conclut Rufin Mbou. Désirée-Hermione Ngoma Les pays de l'Est ont été, à plus de 50 reprises, la destination de Marcel Cellier. Il y est parti avec un enregistreur et a rapporté des musiques, alors inconnues en Europe de l'Ouest, qu'il diffusa entre les années 1960 et 1990 à la Radio Suisse Romande, avec son émission De la Mer Noire à la Baltique. L'ORTF, Radio France, la Radio belge RTBF, la BBC, Bayerischer Rundfunk ainsi que Westdeutscher Rundfunk lui ont aussi régulièrement ouvert leurs ondes. Grâce à ses voyages, Marcel Cellier a rencontré et fait découvrir le virtuose roumain de la flûte de Pan Gheorghe Zamfir, qu'il va accompagner à l'orgue lors de concerts qu'ils donneront jusqu'en Australie. Ils enregistreront plusieurs disques Flûte de Pan et Orgue. T Le musée de l'Aviation retrouve son berceau L e musée Henri Coanda, du nom du grand ingénieur aéronautique et inventeur franco-roumain, va renaître dans sa maison familiale du boulevard Lascar Catargiu de Bucarest, donné par sa famille à l'Académie Roumaine en 1969, peu de temps après sa mort. Le musée de l'Aviation y fonctionna jusqu'en 1977, année du tremblement de terre qui détruisit plusieurs quartiers de la capitale, date à laquelle l'édifice fut récupéré par le Parti communiste roumain. Depuis 1989, il faisait partie des bâtiments du protocole de l'Etat. Début juillet, le gouvernement a décidé qu'il passerait sous l'administration du ministère de la Culture et retrouverait son ancienne vocation de musée. Parallèlement, il tombera sous le charme des voix féminines si particulières des chœurs bulgares qui chantent du folklore parfois arrangé par différents compositeurs contemporains. Il décida de partager cette passion en réalisant, dès 1972, une série d'émissions radiophoniques qu'il intitula "Le Mystère des voix bulgares", titre qu'il donnera ensuite à un premier disque sorti en 1975. L'enregistrement du deuxième album lui a valu un Grammy Award en 1989. Cette appellation Le Mystère des Voix Bulgares a été adoptée par le Chœur de Radio Sofia qui devint ensuite le chœur officiel de la Télévision Nationale Bulgare et qui sera mondialement connu sous ce nom. La qualité de ses enregistrements sonores a notamment été récompensée par le Grand Prix du Disque Académie Charles Cros (1969, 1970, 1971), Preis der Deutschen Schallplattenkritik, le Grand Prix Audiovisuel d'Europe (1984) et la Médaille du Siècle d'Or du Ministère de la Culture de Bulgarie (2010). Marcel Cellier a donné de nombreuses conférences notamment "Sur les traces de Béla Bartok" illustrées par les photographies de sa femme Marcel et Catherine Cellier Catherine Cellier. Le Film Balkan Melodie de Stefan Schwietert est un documentaire qui suit les traces des nombreux voyages en Roumanie et en Bulgarie réalisés par le couple Cellier de 1953 à 2010. Il est aussi bien un voyage dans le temps qu'un roadmovie. L'imbroglio de souvenirs, d'histoires, d'interviews, d'images et d'enregistrements d'hier et aujourd'hui, compose le puzzle du destin extraordinaire que a lié les Cellier aux musiques de l'Est. Mais Balkan Melodie est avant tout un prodigieux film musical qui allie le son et l'image avec une rare sensibilité. La France invitée d'honneur à Bookfest L a 7ème édition du salon du livre international de Bucarest -Bookfest- s'est tenue fin mai -début juin, accueillant 90 000 visiteurs en cinq jours, soir une progression de 12 % par rapport à l'année précédente. La France occupait une place de choix en tant qu'invitée d'honneur. Les interventions de Michel Houellebecq et Bernard Pivot ont été particulièrement appréciées. Eva, Roumaine francophone, a offert, non sans émotion, un bouquet de fleurs à ce dernier, confiant qu'elle avait vu des cassettes enregistrées de son émission "Apostrophes" à l'Institut culturel français de Bucarest, lui devant en grande partie sa passion pour la langue française. La France rendra l'invitation dès l'année prochaine puisque la Roumanie sera, à son tour, l'invitée d'honneur du Salon du Livre de Paris, prévu en mars prochain. 39 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Musique Le destin hors du l l l l BAIA MARE ORADEA BOTOSANI IASI BACAU l l BRASOV l l TIMISOARA GALATI BRAILA PLOIESTI CRAIOVA l l l l SULINA l l TULCEA n BUCAREST CONSTANTA l Un violon dans sa corbeille de nouveau-né 40 des plus grands dirigeants d'orchestre du XXème siècle commun d'un chef roumain et européen l TARGU MURES ARAD George Georgescu l'un Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE C'est dans le port cosmopolite de Sulina que naît George Georgescu, en 1887. Leonte, son père, est le chef de la douane, époux de la belle Elena, fille du capitaine du port. Rien ne semble disposer le petit George à s'intéresser à la musique… sauf le premier prix d'un tirage au sort auquel Leonte a inscrit le nouveau-né: un beau violon de lautar, dans son étui. La jeunesse de George se déroule au rythme des affectations de son père, dans plusieurs ports du Danube et jusqu'à Bucarest. Le garçon écoute avec intérêt les fanfares qui égaient chaque dimanche les promenades des adultes. L'on y joue un répertoire populaire inspiré de Vienne, mais aussi la déjà célèbre valse Flots du Danube, Valurile Dunarii, de son compatriote Iosif Ivanovici. Est-ce là que George est saisi du démon de la musique? Seul à la maison, il réunit bocaux et autres ustensiles sonores et improvise sur ce xylophone de fortune pendant des heures. Il retrouve même au-dessus d'une armoire son violon, et parvient bientôt à en jouer en le tenant, coincé entre ses cuisses, à la manière d'un violoncelle. Scolarisé à Giurgiu, le jeune homme compose une valse qui impressionne son professeur de musique. Celui-ci lui confie la direction du chœur du lycée et lui permet même d'enseigner à sa place. C'est ainsi que George Georgescu débute officiellement sa carrière vouée à la musique. Il n'achève pas ses études scolaires. Qu'importe ! Il apprend à jouer du violoncelle, fuit la maison paternelle et rejoint la capitale pour parfaire sa formation. Le chef d'orchestre roumain George Georgescu (1887 - 1964) était, de son vivant, considéré comme l'un des plus authentiques héritiers de la grande tradition de la musique d'Europe Centrale. Cet infatigable défenseur de la musique roumaine, acteur majeur de sa renaissance dans son pays au XXème siècle est aujourd'hui tombé dans un relatif oubli. Le musicologue Alain Chotil-Fani évoque cette grande figure, dont le destin est profondément lié à celui de son pays, faisant par là même un portrait non seulement de la musique roumaine contemporaine et de ses interprètes mais, à travers eux, de l'histoire de la Roumanie dans les deux premiers tiers du XXème siècle. A près une enfance passée au rythme des affectations de son père, douanier, George Georgescu, né à Sulina, porte du delta du Danube sur la mer Noire, a montré très tôt des dispositions exceptionnelles pour la musique et s'est inscrit en 1906 au Conservatoire de Bucarest. C'est alors un jeune homme de dix-neuf années, aux cheveux longs et confiant en sa bonne étoile. Il est trop âgé pour rejoindre la classe de violoncelle mais suivra les cours de contrebasse. Le garçon surprend ses professeurs, par son talent de mélodiste qui parvient à faire chanter l'instrument d'une manière inouïe. Et surtout il ne laisse pas passer l'occasion de remplacer au pied levé le chef titulaire de l'orchestre du Théâtre National. Le succès est si manifeste qu'il est confirmé à ce nouveau poste. "Gogu", comme on l'appelle familièrement, sait imposer son mode de travail, sa très grande exigence envers les interprètes, et cela, même dans le répertoire léger de l'opérette. Il demande aux chanteurs de connaître leur partition et non plus de chanter "d'après l'oreille" comme cela était l'habitude. Pour être bien jouée, la musique - fût-elle réputée "facile" réclame la plus grande précision. Mais Georgescu reste avant tout un violoncelliste. A 23 ans, il est en mesure de jouer le grand répertoire concertos de Dvorak, de SaintSaëns... - en public. Il lui faut cependant rechercher à l'étranger la reconGeorgescu (à gauche) et Enescu naissance. En janvier 1911, le jeune réunis sur la pochette d’un microsillon. homme diplômé du Conservatoire de Bucarest prend le train à la Gare du Nord pour la capitale prussienne. A Berlin, admis dans le "Saint des Saints" A Berlin, Georgescu fait le siège de la demeure d'Hugo Becker, l'un des plus grands violoncellistes en activité. Le maître, assailli de prétendants venus des quatre coins du monde rechercher son enseignement, refuse un grand nombre de visites. Mais le jeune Roumain n'est pas du genre à se décourager et parvient enfin à s'introduire dans la demeure du virtuose, muni de son instrument. Devant Becker attentif, il joue le solo d'un concerto de Camille Saint-Saëns. Le professeur n'est pas sans réserve à l'égard du jeu de Georgescu, bien au contraire. La technique laisse à désirer, toutes les bases sont à revoir. Il faudra travailler beaucoup, privilégier la cantilène, mettre la technique au service de la musique, et non l'inverse. Et par ailleurs renoncer aux cheveux longs, car ils "nuisent au son du violoncelle" ! Mais l'essentiel est là : Becker discerne en Georgescu un artiste hors du commun. Non seulement le jeune homme est passionné, mais il possède toutes les capacités pour servir sa passion. Et voilà le jeune roumain admis dans le cercle très fermé des disciples du violoncelliste berlinois ! Bien des années plus tard, Georgescu confiera: "Tout ce que je sais, je l'ai appris grâce à Hugo Becker". La réputation du jeune musicien croît rapidement. Il se lie d'amitié avec le jeune George Szell, futur immense directeur d'orchestre comme lui, rencontre Errico Caruso et le célèbre compositeur Richard Strauss. La musique au-delà des nationalismes eut l'occasion d'en juger par lui-même au cours de confrontations entre jeunes espoirs de la direction: Georgescu est son "meisterschüller". C'est donc naturellement qu'il confie à son "élève-maître", pour ses débuts, rien moins que la prestigieuse Philharmonie de Berlin, l'un des meilleurs orchestres qui soient. Et c'est ainsi qu'en 1918, année si symbolique pour la nation roumaine qui récupère la Transylvanie, un jeune musicien pratiquement inconnu dans son propre pays obtient un immense succès à la tête des Berliner Philharmoniker. L'affiche propose des oeuvres du Norvégien Grieg, du Russe Tchaïkovski et de l'Allemand Richard Strauss. Ces deux derniers compositeurs reviendront très souvent et toujours avec le même bonheur au répertoire de Georgescu. Quelques mois plus tard, il accompagne un jeune pianiste né au Chili, Claudio Arrau, dont c'est la première apparition en public. Hugo Becker ne cache pas son admiration pour son protégé, à tel point qu'il le propose comme son remplaçant au sein du Quatuor Marteau, cette formation musicale fondée par Henri Marteau, violoniste né à Reims de père français et de mère allemande, lequel, chose remarquable pour une époque volontiers nationaliste et revancharde, est très ouvert sur les musiques de tous les horizons. Au poste de violoncelle du quatuor formé par Henri Marteau et ses amis étrangers, Georgescu réalise ses premières tournées internationales. Mission du roi Ferdinand Henri Marteau invite son nouveau collaborateur dans sa villa musicale Le 4 janvier 1920, George de Lichtenberg, où il s'est installé Georgescu est revenu dans son pays Dans les années 20, George Georgescu était déjà pour mieux rayonner à travers le une relation recherchée dans la haute société natal. Il s'apprête à diriger la de Bucarest. Ici, au centre de la photo. Philharmonie de Bucarest. Personne continent européen. Georgescu y rencontre le Bulgare Pancho Vladigherov, qui rendra hommage n'imagine alors que c'est le début d'une liaison passionnée de plusieurs fois dans ses compositions aux musiques roumaines. plusieurs décennies. La philharmonie est déjà un ensemble Mais le déclenchement de la guerre interrompt net les activiassez ancien. Wachman puis Dinicu se sont tour à tour efforcés tés du quatuor. Georgescu reprend son activité de violoncelle de donner à la Roumanie le grand ensemble symphonique solo. Les critiques apprécient l'art d'un virtuose que l'on comqu'elle mérite. Mais si le pays a d'excellents musiciens et des pare parfois à Pablo Casals. chorales de grande qualité, il manque encore d'expérience dans le domaine de la musique instrumentale "savante". De nombEspion aux yeux des Allemands reux talents ont vu une carrière prometteuse compromise en restant au pays. C'est en partant de ce fait qu'Eduard Caudella, L'année 1916 bouleverse pour toujours la carrière de constatant l'extraordinaire intelligence artistique du jeune Georgescu. Alors qu'il prend un train pour rejoindre un récital, Enescu, avait conseillé à ses parents de l'éloigner de la la porte de la voiture lui glisse sur la main. La douleur n'est pas Roumanie pour l'envoyer étudier à Vienne. très vive mais l'oblige dans l'immédiat à annuler tous ses engaLa famille royale est présente au premier concert dirigé gements. Les médecins ne sont pas très rassurants: il est possipar Georgescu. Le roi Ferdinand et la reine Maria sont des ble qu'il soit incapable de rejouer du violoncelle. Par ailleurs esthètes et voient d'emblée dans le jeune chef l'autorité qui l'entrée en guerre de la Roumanie fait de lui un espion aux saura enfin construire une formation symphonique d'élite, yeux des autorités allemandes et Georgescu est incarcéré un digne ambassadrice de la culture musicale roumaine à l'étranbref laps de temps! Les milieux artistiques berlinois intervienger. Le roi Ferdinand choisit de donner sa confiance à nent rapidement et font libérer le musicien, qui doit tout de Georgescu. Il lui confie la mission de recruter à l'étranger des même se présenter deux fois par jour à la police. Mais sa main interprètes prestigieux qui pourront l'aider à faire de la philharle fait toujours souffrir. Comment peut-il désormais exercer monie bucarestoise une formation d'envergure internationale. son art ? Georgescu se rend à Vienne pour les auditions. Son but n'est pas seulement de juger la qualité artistique de ses futurs A 31 ans à la tête du Berliner Philharmoniker collaborateurs, mais de prendre en compte leur aptitude à s'intégrer aux exigences du jeu en orchestre. Parmi les instrumenLa mésaventure de Georgescu est arrivée aux oreilles du tistes qu'il repère et persuade de rejoindre la formation bucagrand chef austro-hongrois Arthur Nikisch. Pour Nikish, restoise se trouve un hôte de choix, Iosif Prunner. Celui-ci est Georgescu a toutes les qualités pour devenir un directeur d'orle premier contrebassiste des Concerts Colonne, l'un des chestre hors du commun. Il en a parlé avec Richard Strauss, et meilleurs orchestres français. (suite page 44) 41 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE (suite de la page 41) Grâce à lui, Bucarest reconnue par les plus grands chefs l l l ORADEA l ARAD IASI CHISINAU CLUJ l l TIMISOARA SIBIU l l l l TARGU MURES l l BOTOSANI BAIA MARE BACAU BRASOV GALATI BRAILA l l l TULCEA CRAIOVA l n BUCAREST CONSTANTA l Naissance d'une élite musicale roumaine 42 Bientôt la philharmonie roumaine compte une centaine de musiciens. Année après année, concert après concert, Georgescu construit patiemment, avec abnégation, son orchestre. Il se préoccupe de tous les pupitres, s'astreint à les améliorer individuellement, attache une très grande importance aux répétitions. Il se souvient des conseils de ses maîtres et du fameux pianissimo d'Arthur Nikish qu'il s'efforce de faire maîtriser par ses musiciens. Le niveau de qualité atteint par l'orchestre lui permet d'inviter des chefs étrangers. Les Allemands Richard Strauss et Bruno Walter, l'Autrichien Felix Weingartner, le Tchécoslovaque Oskar Nedbal, les Français Gabriel Pierné et Vincent d'Indy viennent diriger la philharmonie. Tous se déclarent impressionnés par l'excellence des musiciens de Bucarest. Georgescu ne limitera pas son art à la musique symphonique. Dès 1921, on connaissait ses affinités par la Symphonie avec Chœurs de Beethoven, qu'il monte avec la société chorale Carmen. L'année suivante, il prend la direction La presse parisienne crie au génie de l'Opéra et se révèle un chef lyrique d'exception. Il dirige à la fois les clasL'étranger n'ignore rien de la réputation de Georgescu. La France l'accueille en siques - ceux de Wagner lui sont chers 1921 pour une série de concerts encensés par la presse parisienne qui crie au génie. - et les partitions du XXème siècle Il y reviendra en 1926, ce qui lui donnera l'occasion de rencontrer Igor Stravinsky, comme Salomé de Richard Strauss. puis en 1929, où il remplacera au pied levé l'illustre Willem Mengelberg. A Vienne, Georgescu reste à la tête de l'Opéra Georgescu dirige Richard Strauss, suscitant de nouvelles critiques dithyrambiques de de Bucarest de 1922 à la part du féroce chroniqueur Julius Korngold. Pablo 1926 puis pendant Casals l'invite à son tour à Barcelone, où le chef routoute la décennie des main est honoré par l'Union Musicale Espagnole de années 1930. la capitale catalane. La renaissance Dès 1922, la Philharmonie de Bucarest et son musicale des années chef attitré sont prêts à se mesurer aux publics étran1920 est favorisée par gers. Pour la première tournée, les musiciens iront à l'action de George Constantinople puis à Athènes. Une véritable expédiEnescu et du concours tion sur un navire au long cours, au départ de portant son nom, Constantsa ! Pour de nombreux musiciens c'est leur récompensant les jeupremier voyage d'importance. Au-delà de l'aspect nes compositeurs. artistique et du très bon accueil des mélomanes Toute une école natioDiplômes et lycées roumains portent le nom étrangers, le chef a conscience qu'une telle tournée a du célèbre chef, comme ici à Tulcea, nale voit le jour penprès de sa commune natale de Sulina. pour but de former un peu plus le groupe de ses dant cette période. musiciens, d'accroître la complicité des instrumentisGeorgescu dirigera à d'innombrables tes et de favoriser l'émergence d'une culture commune. Tous se souviendront très reprises la musique roumaine contemlongtemps encore de cette première tournée en Méditerranée orientale. poraine, celle de C. C. Nottara, Filip Lazar, Mihail Jora, Mihai Andricu et tant Embarqué par la reine Maria pour l'Amérique d'autres compositeurs malheureusement si méconnus de ce côté-ci de Année 1926. Georges Georgescu a sollicité un repos après plusieurs saisons l'Europe. Il s'investit pleinement dans éprouvantes avec la Philharmonie et l'Opéra. Il s'installe à Paris, rue de Miromesnil, son rôle pédagogique, offrant des séanapparaît à l'occasion à la tête de l'orchestre Colonne. Il apprend que la reine Maria ces gratuites pour les étudiants, fréde Roumanie, en route pour les Etats-Unis, passe par la capitale française. Georgescu quente assidûment les milieux artisdécide de lui rendre ses hommages à la gare. La souveraine apprécie le geste. "Mais tiques bucarestois. pourquoi ne viendriez-vous pas avec nous en Amérique ?" demande-t-elle soudain au Avec ses amis du cercle "tambalagii" musicien. Ce dernier, pris au dépourvu, hésite: il n'a pas les moyens, il n'a rien prévu, (joueurs de cymbalum), Georgescu se et que ferait-il là-bas ? La souveraine insiste. On ne refuse rien à la reine Maria Voilà réunit dans la maison de Constantin Georgescu pour la première fois embarqué sur un transatlantique à destination de Braiolu, l'infatigable collecteur de folkloNew-York. Là-bas, il n'a aucun engagement, aucun contact artistique. Mais le sort lui re, pour des soirées mémorables qui ne sera une nouvelle fois favorable. s'achèvent qu'au petit matin. Pendant une représentation au Carnegie Hall, il fait connaissance avec son Les NOUVELLES de ROUMANIE voisin de loge. Cet homme n'est autre qu'Arthur Judson, l'agent artistique d'Arturo Toscanini, reconnu comme étant le plus grand chef en activité dans le monde. Lorsque, quelques jours plus tard, Toscanini éprouve une douleur au bras et renonce à diriger la fin de la saison 1926 à New York, Judson pense aussitôt à Georgescu. Mais auparavant il demande conseil à Richard Strauss: ce Roumain inconnu aux USA a-til les épaules pour remplacer l'étoile des chefs d'orchestres ? l'Allemand répond sans hésiter. Oui, Georges Georgescu saura relever le défi, le compositeur n'a pas de doute à ce sujet. L'intéressé, lui, hésite beaucoup. Il y a de quoi! Les Américains sont connaisseurs, la concurrence est âpre et de très haut niveau: des chefs comme Pierre Monteux, Furtwangler, Mengelberg ou Leopold Stokovski jouissent d'une immense estime. La partie est loin d'être gagnée. Remplaçant et intime de Toscanini Connaissance et découverte interprétations de Beethoven, de Brahms, de R. Strauss, très rigoureuses et pourtant toujours si naturelles. On retrouve son nom au programme de nombreux orchestres européens. Mais il n'oublie pas son pays. Les dix années de "sa" Philharmonie sont fêtées par un concert de mille exécutants ! Un concert mémorable avec Pablo Casals au violoncelle et Enesco au violon En 1933, Georgescu épouse la jeune et très jolie Tutu. En dépit d'une différence d'age importante, le couple restera uni à travers les épreuves et Tutu Georgescu veillera toujours à ranimer le souvenir de l'immense artiste que fut son époux. Deux de ses livres sont consacrés à ses mémoires musicales, parsemées d'anecdotes précieuses et volontiers spirituelles. Georgescu poursuit son action pédagogique, en organisant des festivals thématiques consacrés à des écoles nationales, tout en organisant une nouvelle tournée en Méditerranée orientale. L'orchestre et son chef sont devenus une référence. Pablo Casals, le "plus grand des violoncellistes" selon les dires de Georgescu en personne, rejoint la capitale roumaine pour plusieurs récitals mémorables, dont un au côté d'Enesco au violon pour le Double Concerto de Brahms. Mais Georgescu est l'homme de la situation. Il finit par accepter et on le retrouve dès décembre 1926 à la direction du New York Philharmonic. Au programme, Smetana, Schubert et Richard Strauss à qui il doit tant. La presse ne fait pas de détail: voici un nouveau chef européen qui dorénavant comptera pour tous les mélomanes du Nouveau Monde! Et aussi, pouvons-nous ajouter, pour ses musiciens, puisque parmi Avant la catastrophe les membres de l'orchestre amériGeorge Georgescu pose ici avec Enescu (à gauche) cain se trouve un artiste originaire Un séjour de Georgescu en et le violoniste Jacques Thibaud (au centre). de Hongrie, nommé Jenö Blau. Italie revêt une importance partiBientôt remarqué à son tour par Judson pour pallier une nouculière. A Rome, il dirige la partition originale de l'extraordivelle défection de Toscanini, Blau - désormais connu sous le naire opéra de Moussorgski, Boris Godounov, récemment nom d'Eugene Ormandy - prendra la tête de l'Orchestre de redécouverte. Le chef roumain dirige aussi un poème symphoPhiladelphie. En 1958, Ormandy et son orchestre seront l'hôte nique intitulé Juventus de Victor de Sabata. On pourrait s'inde la capitale roumaine. terroger aujourd'hui sur la signification de diriger une telle Le séjour américain de Georgescu dure plusieurs mois et oeuvre dans l'Italie de Mussolini, si l'on ignorait que cette se révèle être un succès sans tâche, même quand il reprend la même pièce symphonique, apologie de la jeunesse exaltée, fut direction d'une scène lyrique pour la Bohême de Puccini. Le aussi âprement défendue par un Arturo Toscanini. défi est gagné. A la fin de la décennie 1930, Georgescu découvre en son Georgescu prend le navire qui le ramène sur le vieux compatriote Constantin Silvestri l'un des grands espoirs de la continent en compagnie de Toscanini et de sa fille Vanda. Le direction d'orchestre. L'avenir lui donnera raison, mais vieux chef italien, lui aussi ancien violoncelliste de talent, l'a l'Europe est au bord du gouffre. La Philharmonie de Varsovie accepté dans le cercle restreint des artistes qu'il tolère à ses propose à Georgescu un poste de chef titulaire. Les musiciens côtés. Un geste très significatif de la part d'une personnalité polonais ne se doutaient pas que quelques mois plus tard, leur sans concession. Toscanini, s'il ne dirigea pratiquement pas de gouvernement en exil, pourchassé par les Nazis, trouverait musique roumaine - une Rhapsodie d'Enesco, enregistrée en refuge dans la capitale roumaine. 1940 et menée à un train d'enfer, fait encore aujourd'hui couAlain Chotil-Fany rir les collectionneurs - rendra néanmoins hommage à un autre (à suivre dans le prochain numéro) immense chef compatriote de Georgescu, Ionel Perlea. Consulter également le remarquable site d'Alain ChotilAuréolé de sa gloire américaine, il ne fait pas de doute que Fany consacré à la musique roumaine et des pays de l'Est Georgescu fait partie des plus grands chefs. On admire ses www.souvenirs des Carpates. 43 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Etat du monde SUCEAVA l l l l BAIA MARE l CHISINAU IASI ORADEA ARAD BARLAD l E l l TIMISOARA GALATI PITESTI CRAIOVA l BUZAU l l l n BUCAREST CONSTANTA l Quand les courants chauds terrassent la Guerre froide... 44 A Ciurea, la troisième catastrophe ferroviaire de tous les temps l BRASOV l Mémoire Connaissance et découverte l TARGU MURES SALONTA 1992 : l'opposition roumaine commence à s'organiser Les NOUVELLES de ROUMANIE Les perles des candidats au bac font le délice des examinateurs, aussi bien en France qu'en Roumanie. Certains sont pleines d'humour, de philosophie, de réflexion, comme le montre l'échantillon ci-dessous: "L'ONU est une institution qui permet aux pays riches de contrôler les pays pauvres tout en douceur. Cela évite des guerres et des morts, ce qui est plutôt positif", écrit une jeune Roumaine. Un sujet posant la question de l'utilité du travail a encore plus inspiré un candidat français en philosophie qui, semble-t-il, n'a pas l'intention de trop se fouler dans la vie: "La preuve que le travail n'est pas utile, c'est que Jésus-Christ n'a jamais travaillé. Il n'a fait que voyager de pays en pays pour répandre l'amour mais n'a jamais travaillé, ce qui ne l'empêche pas d'être très connu, même s'il a mal fini". Passe encore pour cette interprétation libre, mais la palme de la fantaisie revient à cette candidate commentant la fin du communisme dans les pays de l'Est dont on aimerait que l'interprétation poétique soit plus souvent présente aux grands rendezvous de l'Histoire: "Suite à la chute du mur de Berlin, la circulation des vents a pu être rétablie dans toute l'Europe. Avec le réchauffement climatique et l'arrivée des courants chauds, on assiste alors à la fin de la guerre froide"… n 1992, la Roumanie a émergé progressivement de son anomie politique: les élections locales de février ont opéré une redistribution des cartes au niveau des maires comme des conseillers municipaux. Même s'il est resté la principale formation politique avec 33% des suffrages exprimés, le Front de salut national (FSN) s'est vu ravir la direction des principales villes par la Convention démocratique (CD) qui l’a remporté à Bucarest, Brasov, Constanta, Ploiesti, Timisoara... Seule Cluj a échappé à cette dernière, tombant aux mains du Parti national pour l'unité roumaine dont le programme, axé sur la valorisation de l'identité nationale, a attiré les voix de ceux qui considèrent que les droits des minorités, à commencer par ceux de l'importante communauté magyare, doivent être très circonscrits... au grand dam de l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), dont les parlementaires ont refusé en décembre 1991 de voter la nouvelle Constitution. Selon eux, le texte - adopté après avoir obtenu, lors du référendum de décembre 1991, l'approbation de 77% des votants - ne leur accorde pas suffisamment de garanties. Le Roi Michel chaleureusement accueilli Mais cette ébauche de bipolarisation du champ politique semblait, à la mi-1992, avoir de fortes chances de se modifier encore très sensiblement à l'issue des élections législatives et présidentielle de septembre auxquelles l'audience croissante du roi Michel - chaleureusement accueilli lors de sa courte visite à Bucarest le 26 avril et la brûlante question de la Moldavie risquaient de donner une tournure passionnelle. Le FSN comme la CD ne constituent pas des forces politiques homogènes: le FSN a pour principal leader l'ancien Premier ministre Petre Roman, "démissionné" en septembre 1991 lorsque les mineurs de Jiu sont venus à Bucarest faire pression sur un président - Iliescu -qui ne s'est nullement empressé de retenir celui qui passe, au sein du FSN, pour son principal rival. Ion Iliescu, qui a postulé à un second mandat présidentiel face au candidat "surprise" de la CD, Emil Constantinescu, a d'ailleurs organisé une scission pour créer une formation concurrente,"le FSN -22 décembre". La CD, pour sa part, a rassemblé quatorze formations, avec pour principaux chefs de file l'Alliance civique, le Parti national-paysan, l'UDMR et, jusqu'en avril 1992, le PNL dont la participation au gouvernement à partir d'avril 1991 a prouvé toute l'ambiguïté de la ligne politique. Les programmes économiques n'ont guère brillé par leur spécificité. Il est vrai que la situation a été à ce point difficile que personne n'a songé à attaquer de front le gouvernement de Theodor Stolojan - en qui beaucoup ont semblé voir le successeur d'Iliescu - sur sa gestion, hormis les syndicats alertés par les risques de forte augmentation du chômage (550 000 chômeurs officiellement déclarés en juin 1992) et les hausses de prix successives. La catastrophe ferroviaire de Ciurea, survenue le 13 janvier 1917, à sept kilomètres de Iasi, pendant la Première Guerre mondiale, demeure la plus importante qu'ait jamais connue la Roumanie avec un millier de victimes. Elle figure toujours au troisième rang mondial. Pourtant, elle est aujourd'hui oubliée. M ême à l'époque, La catastrophe ferroviaire de Ceux qui ne purent être identifiés, furent enfouis dans une Ciurea ne fut pas beaucoup médiatisée, pour ne fosse commune, à 500 m de la gare. Aujourd'hui encore, on pas aggraver davantage le moral en berne de la peut s'y recueillir. Comble de malchance pour la petite gare population, alors que le pays accumulait les défaites faces aux moldave… une autre catastrophe, similaire, s'y déroulera huit armées austro-allemandes, Bucarest et la majorité du territoire ans plus tard, entre deux convois de marchandises, mais sans étant tombés entre leurs mains, et qu'un million de Roumains commune mesure quant aux nombres de victimes. sur les six millions que comptait alors le Royaume s'étaient réfugiés en Moldavie. Derrière le tsunami de 2004 Justement, il s'agissait du train de la dernière chance pour le millier de passagers venant de Galati, fuyant l'avance des La tragédie de Ciurea prend donc place au 3ème rang des troupes ennemies, et qui s'étaient entassés dans 26 wagons. A plus grandes catastrophe ferroviaires de la planète. La premiècourt de bois et de charbon, le convoi avait été obligé de s'arre est toute récente et a finalement peu à voir avec le chemin rêter plusieurs fois entre de fer. Au Sri Lanka, le Bârlad et Iasi pour se 24 décembre 2004, coinr é a p p r o v i s i o n n e r. cé par une vague du tsuInquiets devant sa surnami créé par le tremcharge, les mécaniciens blement de terre de l'oavaient procédé, avec céan Indien, le train bapsuccès, à plusieurs essais tisé la Reine de la mer a de freinage sur le parété pris dans la montée cours. des eaux. Estimant qu'ils A l'approche de la seraient à l'abri, des cengare de Ciurea, le train taines d'habitants étaient avait péniblement gravi montés à bord. une pente d'environ 6%, Malheureusement, mais, dans la descente, ils ont été incapables soudains les freins d'ouvrir les portes des lâchèrent. Les mécaniwagons et se sont noyés. ciens tentèrent alors La catastrophe ferroviaire de Ciurea, aux portes de Iasi, fera un millier de victimes. On a compté 1700 victid'actionner les freins mes. En Inde, le 6 Juin manuels mais ne purent les atteindre à temps, gênés par la 1981, un train de passagers a déraillé sur un pont et plongé bousculade des voyageurs. Manque de chance, les freins de dans la rivière Bagmati. Plus de 1000 personnes se sont contrepression ne fonctionnaient pas non plus, des passagers noyées. Seuls 200 corps ont été récupérés. des premiers wagons ayant sans doute coupé par inadvertance l'alimentation en air comprimé. En France, la catastrophe similaire de Modane Un train lancé à vitesse folle Retard à l'allumage pour les privatisations Bien qu'il se soit efforcé, non sans volontarisme, de donner à une communauté financière internationale toujours réticente de nouvelles preuves de sa détermination à mener énergiquement la transition, le gouvernement a rencontré un certain nombre de difficultés à mobiliser l'aide financière promise en décembre 1991 par les Occidentaux dans le cadre du "groupe des 24" (soit un milliard de dollars). Tandis que la réforme agraire a été la source d'une alarmante désorganisation, quelques dizaines d'entreprises devaient commencer à être privatisées (loi d'août 1991); mais les investisseurs étrangers, aux premiers rangs desquels la France et l'Allemagne, n'avaient pas encore, à la mi-1992, conclu de contrats de grande envergure, à quelques exceptions près. Subissant une chute dramatique de ses exportations et une criante pénurie de devises, la Roumanie espérait, à la mi-1992, signer le plus rapidement possible un accord d'association avec la CEE. Édith Lhomel, L'état du monde 1992 Le train entra à une vitesse folle dans la gare se dirigeant vers le quai n° 1, alors qu'y stationnait un convoi de carburant destiné à l'armée roumaine, qui n'aurait pas dû s'y trouver. Dans une tentative désespérée, un cheminot se précipita vers l'aiguillage, déviant le train fou sur le quai n°2, mais seuls la locomotive et le premier wagon s'y engagèrent, les autres se couchant sur la voie, venant catapulter les citernes, déclenchant une énorme explosion et un incendie gigantesque. Les passagers qui n'avaient pas été tués dans la collision furent la proie de flammes. On retira des centaines de corps calcinés, méconnaissables, des wagons tordus et déformés sous l'effet de la chaleur. En France, onze mois après la catastrophe de Ciurea, un drame similaire s'est déroulé près de Modane, le 12 Décembre 1917. Un train surchargé transportant 800 à 1000 soldats français qui rentraient de l'Italie du Nord-Est, au cours de la Première Guerre mondiale, a subi aussi une défaillance des freins et s'est écrasé en dévalant une vallée. On estime à plus de 600 le nombre de victimes. À la suite de l'incendie qui s'était déclaré, seulement 425 corps ont pu être identifiés. Il faut se rappeler également la catastrophe de Guadalajara, survenue le 22 janvier 1915, en pleine révolution mexicaine. Un convoi transportant les familles des troupes du président constitutionnaliste Carranza a perdu ses freins dans une descente abrupte, déraillant et plongeant dans un canyon. 600 voyageurs périrent, 300 survécurent. 45 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Tourisme Baile Herculane va SUCEAVA l l l CHISINAU IASI ORADEA ARAD l l BAIA MARE BACAU l l BRASOV l SIBIU GALATI l l HERCULANE l l l PITESTI CRAIOVA l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Perles made in USA 46 Connaissance et découverte thermale déclinait depuis plus de dix ans renaître de ses cendres l TARGU MURES TIMISOARA Victime de la corruption, la célèbre station Les NOUVELLES de ROUMANIE Certes la Roumanie est loin de l'Amérique, ce qui n'empêche pas certains tour-opérators américains de s'y intéresser et de formuler auprès des agences de tourisme roumaines des demandes parfois surprenantes. Exemples : "Nous voulons participer au festival Unesco de Bucarest en septembre"… Après des recherches vaines, le mystère a été éclairci: il s'agissait du Festival Enescu. Pour éviter de répéter les mêmes noms dans sa réponse, une secrétaire avait écrit "Idem", le tour opérator lui a immédiatement demandé : Where is Idem? I don't find it on the map... (Où se trouve Idem ? Je ne le trouve pas sur la carte). Et enfin, d'une agence d'Australie: "Nous avons une femme seule qui vient de perdre son mari, elle voudrait faire le tour de la Roumanie en septembre prochain avec Dracula” (the Romanian Tour With Dracula)… Le vampire ne se suffirait-il plus du sang de ses victimes, mais voudraitil aussi leurs larmes ? Ion British Attablé à la terrasse d'un café, avec Maria, Ion lit le Times. Maria l'interrompt : -Oh, Ion, il commence à pleuvoir, finis-vite ton journal. Ion ne réagit pas et continue sa lecture. -Ion, il pleut de plus en plus ! Ion continue imperturbablement. -Mais enfin Ion, s'énerve Maria, tu veux qu'on soit trempé ! Ion pose tranquillement le Times sur la table et fixant lentement Maria: -So, Darling, you have an obsession ! A 180 kilomètres au sud de Timisoara, dans la vallée du Cerna, celle qui fût la plus belle station climatique de Roumanie, certainement la plus importante, la plus célèbre en tout cas, se remémore sa gloire passée et doute de son avenir. Triste et humiliée, Baile Herculane dépérit dans les restes de sa splendeur austro-hongroise. Pourtant, l'espoir d'une renaissance est là. Certains y travaillent avec détermination. Q uand on arrive, Baile Herculane donne l'impression d'une ville fantôme: hôtels délabrés en majorité fermés, bâtiments dégradés aux portes cadenassées. Des immeubles, monuments historiques inscrits au patrimoine national, s'écroulent morceau par morceau. La pluie et la neige parachèvent la besogne par les toitures crevées. Les anciennes résidences impériales fixent de leurs orbites ternes jadis garnies de fenêtres dorées la statue d'Hercule sur la place centrale. Les marches des escaliers que foulaient autrefois l'impératrice Sissi ou le roi Carol 1er de Roumanie sont disjointes et fendues. Le crépi des façades recouvert d'affiches électorales est rongé par l'humidité et la moisissure. Des tas de gravats sont là pour témoigner des ravages de la négligence et de l'oubli, de l'incurie des autorités, des accommodements entre copains et des compromissions. La vision est poignante et affligeante. Pourtant, tout est là pour rappeler le passé glorieux de la station. On devine que Baile Herculane a connu le faste et la magnificence au point qu'elle fut surnommée la "perle de l'empire". Le monde entier venait prendre les eaux dans ses thermes. Ses hôtels ont hébergé des personnalités marquantes de tous pays et de toutes époques. Il fallait être pistonné pour y décrocher un séjour Vingt siècles sont passés sur Herculane. Une pièce archéologique atteste déjà de la présence des Romains en 153 après J.-C.. L'aristocratie romaine antique la fréquentait. Le lieu avait été dédié à Hercule, d'où son nom. Puis, sont venus les Ottomans, les Austro-Hongrois, les guerres, les incendies et les tremblements de terre. Herculane a résisté héroïquement. Elle a été refaite, reconstruite, enrichie, agrandie, sans cesse développée. Dans les années 70, l'activité battait encore son plein. Les grands hôtels accueillaient à longueur d'année des groupes de touristes étrangers qui, pour certains, venaient de Finlande ou d'Israël. Jusque dans les années 90 - comme partout d'ailleurs - il fallait être pistonné ou faire jouer ses relations pour décrocher un séjour. Chaque saison, 6 000 chambres d'hôtel et places d'hébergement ont assuré la prospérité de la station. Même les communistes, ont exploité les ressources d'Herculane au maximum. Ils en ont aussi profité: Mihail Sadoveanu et Gheorghe Gheorghiu-Dej (1) sont venus ici régulièrement de 1948 à 1957. L'histoire d'un succès s'est donc écrite ici tout au long des décennies qui ont précédé la "révolution". Baile Herculane était devenue une marque internationale. Un drôle de citoyen… même d'honneur En 2001, Dan Matei Agathon, ministre du tourisme PSD, a cédé pour 1,3 millions de dollars, dans le cadre d'un processus de privatisation discutable - dont les termes sont restés confidentiels - la quasi totalité de la station. C'est-à-dire le complexe d'hôtels, les thermes et les immeubles du centre historique. L'opération a consisté à vendre les actions de la société d'Etat "Hercules SA" à une autre société, "Argirom International", contrôlée par Iosif Armas, député PSD (ex communistes) et affairiste. Selon les termes de la transaction, il s'était engagé à réaliser un vaste programme d'investissement. Deux ans, après, la société "Argirom International" était en cessation de paiement. C'est là l'illustration d'une action engagée par une autorité incompétente au service d'un capitalisme sauvage accommodé à la sauce roumaine, nourri au lait de lois incohérentes votées au bénéfice de personnages douteux, guidés par des intérêts obscurs. Le désastre a emporté Herculane, devenue méconnaissable pour les gens du pays et les touristes qui l'avaient connu naguère. Aujourd'hui, c'est un choc pour qui la découvre la première fois. Bien entendu, il n'y eut pas l'ombre d'un leu déboursé et les premiers signes d'inquiétude apparurent rapidement. Devant cette situation, l'actuel maire de Baile Herculane, Nicusor Vasilescu prit, pour commencer, une mesure toute symbolique. Il retira les titres de "citoyen d'honneur" remis en 2002 à Dan Matei Agathon, alors qu'il était encore ministre du tourisme et à Iosif Armas, son comparse, en raison de "l'extrême gravité des conséquences engendrées par la privatisation". C'était bien la moindre des choses. Heureusement, rien n'est perdu. Le sort de la station n'est pas encore scellé. Le potentiel de développement est là. Un projet a été initié par le ministère du développement régional et du tourisme en coopération avec les programmes du développement des Nations-Unis et de l'Organisation Mondiale du Tourisme. Partenariat en vue avec la station autrichienne d'Hallstadt En 2013, Baile Herculane fêtera ses 1860 années d'existence. Dorin Balteanu, un ingénieur auteur de deux études sur le sujet, fait partie de l'équipe d'experts en charge du projet de réhabilitation du site. "C'est pour elle un moment crucial. D'ailleurs, notre projet a un slogan "La station renaît"", explique-t-il. Il concerne aussi deux autres localités roumaines, Borsec et Sulina, dans le Delta du Danube, et vise à établir entre elles trois une synergie économique et sociale. "Notre projet mobilise tous les acteurs locaux pour un développement participatif, poursuit Dorin Balteanu. Je suis optimiste". (Photo ci-dessus: hôtel à vendre) Les travaux ont déjà commencé et la réhabilitation de plusieurs monuments est prévue. Et bien que le centre historique appartienne aujourd'hui au domaine privé, les travaux de la villa Elisabeta ont bénéficié de subventions du ministère de la culture. Ils sont en cours et devraient être achevés cette année. Le casino est aussi concerné ainsi que les hôtels Traian et Decebal. Les célèbres bains impériaux sont en passe d'être cédés à la municipalité qui a dans ses cartons un important projet de réhabilitation des installations en centre de cure ultramoderne intégrant la balnéothérapie, l'hydrothérapie et la fameuse thérapie gériatrique du Dr Ana Aslan (2). Il existe aussi un projet de partenariat avec la station d'Hallstadt en Autriche qui devrait apporter à la partie roumaine le bénéfice d'une longue et riche expérience… "Ad vitam aeternam" (pour la vie éternelle), auraient dit les Romains. Yves Lelong 1/ Mihail Sadoveanu (1880 - 1961): écrivain, romancier et homme politique roumain. Après 1947, il met sa prose au service du parti et de l'idéologie communiste arrivés au pouvoir en Roumanie. Il devient président de la Grande Assemble Nationale et fut élu en 1949, président de l'union des écrivains. Gheorghe Gheorghiu-Dej (1901 - 1965): le pire dictateur communiste roumain, fervent stalinien, nommé secrétaire du parti communiste roumain en 1945. Il accède au pouvoir en 1952 en évinçant Ana Pauker, première dirigeante de la République Populaire de Roumanie. Il restera président jusqu'à sa mort, en 1965. Nicolae Ceausescu lui succédera. 2/ Dr Ana Aslan (1897 - 1988): médecin roumain, gérontologue, qui a mis au point un célèbre traitement gériatrique connu sous le nom de Gerovital et de Aslavital. 47 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Traditions l l l l l l IASI ORADEA l TARGU MURES ARAD TIMISOARA SIBIU PITESTI CRAIOVA l l CHISINAU BACAU l l Entre les tentations du Diable SUCEAVA SIGHET BAIA MARE l l BRASOV GALATI BRAILA l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Iapa… Mecque de la prune 48 La tournée des alambics dans Iapa est considéré comme "La Mecque" de la palinca en Roumanie. La comparaison n'est pas trop osée car la religion dans ce quartier nord de Sighetu Marmatiei, où flotte ses effluves … c'est la prune ! Son alcool coule presque dans les caniveaux de ses deux rues principales qui se perdent dans les collines couvertes d'arbres fruitiers, pruniers, pommiers, noyers… et même dans les veines de ses 3000 habitants rajoutent les mauvaises langues. Ici, on n'aime pas les visiteurs, car on redoute les contrôles de l'administration et les portes ne s'ouvrent pas facilement. Difficile d'apercevoir un alambic… pourtant ils sont nombreux, dissimulés derrière les murs. Le curieux est regardé comme un suspect et gare à celui qui voudrait prendre une photo: il pourrait vite lui en coûter cher. Iapa, pittoresque enclave vit en marge, dans ses trafics de bois volés, ses commerces occultes. Déjà sous Ceausescu, le quartier fournissait en palinca, sous le coude, les meilleurs établissements de Bucarest, Timisoara, Cluj ou Contantsa et la "Révolution" n'a rien changé aux habitudes. Le quartier possède les plus beaux vergers du Maramures et ses habitants sont considérés comme les meilleurs spécialistes en greffes d'arbres. On estime qu'ils sont les plus riches de la région mais n'en sont pas moins brocardés pour leur avarice légendaire. Voici peu encore, ils étaient regardés comme une plaie par les chauffeurs de bus de la ville, se plaignant sans arrêt de ne pas avoir d'argent et payant leur ticket avec une ou deux pommes ou une poignée de noix. A l'automne, et encore plus au printemps, une odeur de fruits pourris plane sur les vallées du Maramures. Des charrettes chargées d'impressionnants tonneaux en bois remplis à ras bord de prunes ou pommes ramassées à la fin de l'été, et macérant dans leur jus depuis, se suivent. Toutes prennent la même direction: le cazan du village… c'est-à-dire l'alambic. A moins qu'elles n'en reviennent, ayant troqué leur chargement contre des bonbonnes d'où s'exhalent vite, si on les libère, des émanations dont l'origine ne trompe pas. En véritable alchimiste, le maître des lieux a transformé le vieux fruit altéré en or blanc du Maramures… la tsuica, appelée ici palinca, car plus noble encore et plus forte, après avoir été distillée deux fois. D écidément, chaque saison donne une bonne raison de visiter le Maramures… Noël, ses colinde, ses traditions paysannes avec notamment la Saint Ignat et le cochon qu'on tue, Pâques, la Pentecôte, l'Assomption et leurs somptueuses fêtes religieuses, les villages transportés par la ferveur de leurs habitants revêtus de leurs plus beaux atours, laissant ensuite libre cours à leur allégresse. Ici, on vit intensément et chaque évènement prend une dimension que l'on ne rencontre guère ailleurs. Pourtant, il existe un Maramures moins connu, sans-doute parce qu'il faut le chercher, plus ordinaire mais peut-être plus révélateur de cette terre secrète. Un Maramures entre les tentations du Diable et l'absolution du Bon Dieu… entre les alambics, fonctionnant nuit et jour, d'où coule la palinca, au débit surveillé par les villageois et les vieilles églises en bois où se pressent les paysannes, avec leurs jupes courtes brodées. Pour le découvrir, il faut parcourir ses vallées au moment de la distillation, au début de l'hiver ou, surtout, au printemps, pour une tournée des alambics qui promet. Torrent et moulin à eau refroidissent le cazan, font tourner lavoir et batteuse à blé A Sârbi, Lorint veille sur le cazan que sa famille conserve depuis des générations. C'est l'un des plus vieux de la région et il fonctionne toujours. Le septuagénaire en a fait un véritable musée vivant et unique, car il est alimenté par un moulin à eau. Le torrent sert à le refroidir alors que la force de son courant alimente un lavoir à eau et fait tourner une batteuse pour le blé. Lorint le fait marcher depuis un demi-siècle, aidé par quelques amis qui partagent sa passion, y consacrant toute son énergie… et aussi ses économies. Les autorités s'en désintéressent et n'ont jamais fait le moindre geste, ne serait-ce que de reconnaissance pour le remercier d'avoir conservé ce joyau de leur patrimoine. Le paysan s'en remet à la générosité des touristes de passage qui lui achètent quelques litres de sa production. A quelques kilomètres, la "palincie", littéralement "maison de la la palinca", de Budesti abrite le plus grand alambic artisanal du Maramures. Les NOUVELLES de ROUMANIE Connaissance et découverte les vallées du Maramures et l'absolution du Bon Dieu Très ancien, il produit 600 litres d'une palinca réputée dans la région, flanqué de deux nouveaux d'une capacité totale de 850 litres. A Calinesti, le cazan de "Chez Fonta", situé dans une prairie au bord d'un lac permet de faire une halte pour pique-niquer. Mais il ne faut surtout pas manquer de s'arrêter dans cette commune, pour admirer le plus vieil alambic de la région, qui avait été enterré à l'époque de la "prohibition" communiste et a été redécouvert ensuite. Situé dans un cadre champêtre idyllique, au bord d'une rivière, près d'une vieille maison en bois, poules et mouton s'ébattant dans le pré, il dispose aussi d'un lavoir où s'engouffre le torrent dont la force centrifugeuse, réglée par des vannes permet de laver les tapis en moins de dix minutes. Pas besoin de les dépoussiérer tant le courant et les tourbillons sont violents. Les villageois viennent y rincer aussi leurs couvertures, parfois une quinzaine, et gros vêtements, acquittant une modeste taxe. Fabriquer sa propre palinca Toujours dans la même commune, Petre fait volontiers fonctionner ses deux vieux alambics et goûter la palinca qui en est fraîchement sortie, vous emmenant dans sa maison admirer broderies et rideaux qui tapissent l'intérieur. Tandis que sa femme sert des confitures aux invités, il sort précautionneusement son violon de son écrin et interprète des airs du riche folklore local. A sa porte, un forgeron bat le métal, activant sa soufflerie, s'apprêtent à ferrer un cheval. Un arrêt au "cazan" officiel de Sat Sugatag où, théoriquement, les villageois sont censés venir faire distiller leur alcool, la confiant à des employés contrôlant leur production, permet de mesurer combien il est difficile pour les autorités de combler le gouffre entre réglementation et pratiques traditionnelles. Fabriquer sa palinca, c'est aussi se retrouver entre parents, voisins, amis, chacun donnant un coup de main, surveillant le feu, un œil sur l'alambic, bavarder longuement, partager une tranche de lard en regardant goutter sans fin le précieux liquide, chacun donnant son avis. Parfois un alambic toutes les quinze maisons Si à Sârbi et Budesti, on dénombre 6-7 alambics familiaux, des communes comme Breb, les villages de la vallée du Mara, près de Sighet, et de Cosau, en comptent une cinquantaine, soit un pour quinze maisons. Presque tous sont dissimulés aux regards, par peur des contrôles mais chacun connaît leur adresse et on effectue parfois jusqu’à 20-30 kilomètres pour y apporter sa cargaison de fruits fermentés. Le cazan et la palinca font ainsi partie intégralement du patrimoine de la région… Entre vieilles maisons et fermes, rivières, torrents et moulins à eau, églises en bois, vallées verdoyantes, moutons et vaches paissant dans les prés, chevaux gambadant librement sur les hauteurs, paysannes cheminant en costume, la tournée des alambics à la saison de la distillation offre un moment incomparable pour saisir l'âme du Maramures. Ce reportage a été réalisé avec le concours de Teo Ivanciuc 49 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Traditions Rien ne se perd dans les campagnes du Maramures. Quant les fruits n'ont pas été transformés en compote ou confiture, ou bien qu'ils aient été rendus impropres à la consommation après avoir gelé, ils sont stockés dans des barriques où ils fermentent pendant des mois. Assez longtemps, pour que l'alcool se forme… mais pas trop car il ne faut pas le laisser s'échapper. SUCEAVA l l BAIA MARE IASI TARGU MURES ARAD l l l MEDIAS l l ORADEA TIMISOARA l M. CIUC l TÂRGOVISTE PITESTI CRAIOVA l l BRASOV l GALATI BRAILA l l l c'est celle qui ne donne pas mal à la tête ! Pas étonnant donc, en pleine saison de distillation, de voir des flammes déchirer l'obscurité qui a envahi les campagnes du Maramures : les alambics marchent jour et nuit. La palinca jaune, rare et chère TULCEA l n CONSTANTA BUCAREST l SOS Alambic 50 La meilleure tsuica… Les Tsiganes sont les maîtres d'œuvre de la fabrication des alambics. On s'en remet à leurs talents de ferblantier pour les construire ou les réparer. A l'automne on les voit sillonner le Maramures, proposant leurs services. Deux clans, spécialistes réputés du cuivre, venus des judets de Salaj (Zalau) ou du Mures (Targu Mures), se partagent la tâche. Ils viennent avec leurs charriots, transportant leur matériel et les tentes qui leur serviront d'abri pour la nuit, et repartent au début de l'hiver. Pendant la saison de la distillation, si un problème survient, les villageois font appel à des Tsiganes qui on l'avantage d'habiter à Vadu Izei, aux portes de SighetuMarmatiei, mais sont moins qualifiés. En quelque sorte… "SOS alambic". P our réussir une bonne tsuica ou palinca, tout est affaire de réglage et même le choix du moment de la distillation influera sur sa qualité, en avril-mai généralement pour les pommes et les poires, en novembre-décembre pour les prunes, qui pourrissent plus vite. Bien d'autres facteurs sont à prendre en considération. Ne serait-ce que le récipient qui contient les fruits. Rien ne vaut une vieille barrique en bois, une "ton", mais même si elle est neuve, aujourd'hui cela coûte les yeux de la tête et beaucoup de paysans se rabattent sur des containers en plastique, quatre fois moins cher. Le bois est essentiel dans le processus de fabrication… même le bois de chauffe, car c'est lui qui assurera la constance de la chaleur fournie à l'alambic quand on fait bouillir les fruits. Il faut donc un bois sec, en quantité suffisante pour que le feu ne s'éteigne pas ou baisse dangereusement. Le villageois l'apporte lui-même, comme ses barriques, dans une charrette ou un tracteur. C'est dans les vieux pôts qu'on fait la meilleure soupe On a l'habitude de dire que c'est dans les vieux pôts qu'on fait la meilleure soupe… La règle est tout autant valable pour la palinca. Jusque dans les années 70, les alambics étaient fabriqués en cuivre ancien, bien meilleur d'après les connaisseurs. L'électrolyse Pour sa peine, le distilleur recevra 45 lei (10 €) pour cent litres produits… mais aussi emportera 4,5 litres de sa fabrication. Il pourra se frotter les mains si sa palinca est bien claire et fait des bulles quand on la secoue, ce qui indique qu'elle titre au moins 50°… tout en veillant à ne pas dépasser les 56-57°, seuil considéré comme mauvais pour la santé même pour un usage modéré. Autre test de qualité possible: se laver les mains en s'en versant deux ou trois gouttes et en se frottant les paumes. En s'évaporant, l'alcool doit libérer l'odeur du fruit… mais ce n'est pas garanti. Bien sûr, il y a la palinca jaune, dont la couleur or ouvre bien des envies. Mais attention aux contrefaçons! Pour obtenir cette coloration, certains n'hésitent pas à deux-trois mois, des noyaux dans la bouteille ou à y glisser une branchette de prunier ou pommier. Le mordoré naturel ne s'obtient qu'après au moins vingt ans de maturation. Rare et chère, cette palinca peut atteindre 150 à 200 lei le litre (45 euros)… contre 15 lei (3-4 euros) celle de pomme ordinaire chez le producteur, 20 lei celle de prune et 35 lei celle de l'année. De toutes manières, même blanche et faite par le voisin, cette palinca ou tsuica est assurée d'être bien meilleure que celles vendues en magasin ou exportées, produites industriellement. Aucun hôtel ou restaurant digne de ce nom ne les font d'ailleurs figurer sur leur carte.. le client étant bien inspiré de demander au garçon de lui en servir une de la confection de son grand-père, qu'il tient toujours dissimulé sous le comptoir! Et ne jamais oublier ce double prinLe plus vieil alambic du Maramures. cipe: une bonne tsuica c'est une affaire de confiance en celui qui la fabrique et rajouter, l'espace de surtout c'est celle qui ne donne pas mal à la tête! Contrebande et monnaie d'échange 51 Interdite sous le communisme Sous le communisme, le régime avait tenté en vain de réglementer la production de palinca, allant jusqu'à l'interdire, ce dont se moquait la population. Les contrevenants risquaient jusqu'à cinq ans de prison ce qui ne les empêchaient pas de procéder à des distillations clandestines, souvent en bordure de torrents pour laver le matériel et dissimuler les odeurs, n'hésitant pas à faire une dizaine de kilomètres. Les alambics étaient cachés sous des meules de foin ou enterrés. Ceausescu avait cependant desserré l'étreinte, en autorisant une quinzaine dans la région du Maramures afin d'utiliser les résidus de fruits des kolkhozes…mais aussi approvisionner la nomenklatura de Bucarest. Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Départ pour le cazan, avec les tonneaux remplis de fruits qui ont macéré pendant plusieurs mois. Il faut aussi penser à emmener suffisamment de bois pour entretenir le feu sous l’alambic. ayant fait son apparition dans sa fabrication, dès que la température de chauffe dépasse les 300 degrés la concentration d'acide sulfurique s'élève dans le précieux liquide recueilli, à la suite de fuites. Si bien qu'aujourd'hui, les nouveaux alambics sont réservés à la première distillation, d'une durée de deux-trois heures, la seconde, une heure ou deux, s'effectuant impérativement dans les vieux. Faire sa palinca n'est donc pas une sinécure et il faut compter sur le coup de main de sa famille ou de ses voisins pour mener à bien toute l'opération… qui peut prendre jusqu'à deux-trois jours. De nombreux alambics n'ont qu'une capacité de 300 kilos de fruits, or des villageois viennent avec des tonneaux de plus d'une tonne. A moins de dénicher une distillerie en possédant plusieurs, il faudra donc procéder à trois ou quatre tournées… et à chaque fois laver consciencieusement le matériel utilisé. D epuis 2006, les Roumains doivent obligatoirement faire distiller leur tsuica à l'alambic "officiel" de leur village ou de leur secteur. Mais leur nombre étant très insuffisant, leur utilisation, compliquée et couteuse, ils s'en remettent aux quelques 60 000 alambics familiaux ou de voisinage que compterait le pays, si bien qu'on estime qu’environ 90 % de la production nationale de tsuica et palinca, évaluéeau total à 130 millions de litres par an, s'effectue clandestinement. En réglementant le secteur, l'Etat ne pensait pas avant tout à préserver la santé des citoyens… mais à récupérer les taxes qui lui échappaient du fait de la contrebande de l'alcool et de l'évasion fiscale. Les propriétaires de vergers sont aujourd'hui autorisés à produire 50 litres annuellement, moyennant une taxe de deux euros par litre, doublée ensuite. Les contrevenants s'exposent à la saisie de leur matériel et à une amende de 4000 à 25 000 €. Autant dire que le "téléphone arabe" fonctionne rapidement dans les vallées du Maramures dès qu'on détecte la présence des contrôleurs du fisc dans les parages, qui se laissent guider dans leurs investigations… par leur nez. Le seuil de 50 litres est vite atteint si on prend une famille où seul le mari consomme un petit verre (10 cl) par jour soir 36,5 litres par an, auxquels il faut rajouter une quinzaine de litres pour les visiteurs, hôtes, invités, les fêtes (mariages, baptêmes, Ignatul et abattage du cochon, Pâques, etc), les cadeaux, notamment aux parents qui habitent en ville et n'ont pas de vergers… sans oublier que la tsuica sert aussi à payer le médecin, le pope et autres services, circulant ensuite comme monnaie d'échange. Dégâts sur l'environnement La production de tsuica ne va pas sans poser de sérieux problèmes environnementaux. Après la distillation, les détritus des fruits sont censés être stockés dans des dépôts où la putréfaction les dégrade définitivement. Mais nombre de producteurs ne s'embarrassent pas de cette contrainte et jettent leurs résidus dans les rivières. Fortement acides, ils causent des dégâts très importants parmi la faune et la flore. D'autres préfèrent les enterrer, abimant aussi la qualité des terrains. Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Traditions Boire un p'tit coup SUCEAVA l l l BAIA MARE l UNGHENI IASI ORADEA TARGU MURES l l BRASOV l l TIMISOARA GALATI BRAILA PITESTI CRAIOVA l l l l TULCEA l n BUCAREST CONSTANTA l Triplement distillée à 85° 52 Connaissance et découverte à 50 litres par famille de paysans de moins en moins facile l BACAU l ARAD Sa production a été limitée Les NOUVELLES de ROUMANIE Si la tsuica n'est distillée qu'un fois (30 ou 40°), ce qui se pratique surtout dans le sud de la Rouma-nie, elle l'est deux fois en Transylvanie (5055°) prenant le nom de palinca. Cette pratique est due aux Juifs qui avaient coutume de le faire au XVIIème siècle, à l'occasion de leurs fêtes religieuses, la population l'adoptant par la suite. A la fin du XIXème siècle, la communauté juive procédait même à une triple distillation donnant de la palinca sortant de l'alambic à près de 85°… un poison mortel qui a disparu en même temps que les Juifs ont quitté le pays ou ont été éliminés. Echanges Servie chaude dès le matin, dans un petit verre pour souhaiter la bienvenue ou avant un repas de fête, la tsuica est sans conteste la boisson nationale roumaine, porteuse des traditions du monde rural. Mais cette production artisanale est soumise à des règles de plus en plus strictes. Reportage dans une petite distillerie familiale au cœur du pays. V ous tournez à droite, vous verrez, c'est la dernière maison au bout de la route...". Pour trouver George Rozor; rien de plus simple. Il suffit de prononcer le mot tsuica et aussitôt les bras se lèvent pour indiquer la direction de sa distillerie. Dans le petit village de Botorca, à une vingtaine de kilomètres de Médias (entre Sibiu et Târgu Mures), il est le maître du cazan, où chacun vient produire son eau de vie. A bientôt 30 ans, après dix années passées entre Sibiu et Bucarest, George a repris depuis quelques mois la tête de l'affaire fondée par son père en 1993. Après un café et de nombreuses cigarettes, il débute la visite de son "royaume", installé à côté de la maison familiale. Tout sourire, le jeune homme passe la porte et pénètre dans la petite cahute grise. Dans les vapeurs d'alcool, quatre alambics tournent à plein régime et extraient de kilos de prunes, poires, pommes ou griottes la substantifique moelle: la tsuica, distillée à deux reprises. Rencontres OVR à Mayenne, fin octobre Première distillation à 50 degrés, seconde à 80 degrés Les prochaines Rencontres nationales d'Opération Villages Roumains solidarités (OVRS) se dérouleront à Mayenne, dans l'Ouest de la France, les samedi et dimanche 27 et 28 octobre 2012. Cultures, éducation et formation en seront les thèmes principaux à partir des situations en France, Belgique, Roumanie et Moldavie. Quelles sont les forces et faiblesses de ces différents pays dans un contexte de crise économique et morale, comment OVRS peut aborder ces problèmes dans ses actions seront les questions au centre des débats. Un point sera également fait sur l'état d'avancement du projet culturel sur les contes et légendes dans ces quatre pays et sur les ateliers du raid cycliste Delta 2013. Le dimanche matin sera consacré à l'assemblée générale statutaire. En ce premier jour d'automne, le carnet de commandes est rempli. La production a commencé à la fin de l'été et va durer jusqu'aux premiers jours de l'hiver Au total, pas loin de mille clients, venus des villages et villes alentours, vont se succéder. Ce matin, c'est le tour de Vasile, ouvrier sylvicole originaire de Botorca. Concentré, le pull taché de fruits, il tourne la manivelle de l'un des alambics mordorés, pour aider à la distillation de ses 800 kilos de poires, qui fermentent depuis trois semaines. "Je fais ma propre tsuica depuis dix ans", explique-t-il, avant de se lancer dans une savante explication du processus de fabrication. George sourit et simplifie. "On fait bouillir les fruits fermentés, la vapeur d'alcool est ensuite refroidie et transformée en liquide. A l'issue de la première distillation, la teneur en alcool est de 50 degrés, puis tombe rapidement à 15 ou 20. Et après la deuxième distillation, la tsuica sort de l'alambic à 80 °, avant de retomber à 50 °. C'est de l'alchimie!". Chaque jour; près d'une tonne de fruits sont ainsi transformés en eau de vie. "Le rendement varie, explique George, il est de 10% pour la prune, de 5% voire moins pour les autres fruits, tout dépend de la teneur en sucre". Vasile, lui, devrait repartir avec "40 ou 50 litres de poire, la meilleure", précise-t-il tout sourire. "Mais je ne la vends pas, c'est pour ma consommation personnelle. J'ai des poires sur mes terres, ce serait dommage de ne pas en profiter ! Ici, c'est une tradition de faire de l'eau de vie avec les fruits, c'est comme ça qu'on a grandi et qu'on a été élevé". Dans les campagnes roumaines, la cérémonie du fiert (distillation) est en effet un rituel automnal incontournable. "Pour eux, c'est une fête de venir faire sa tsuica", confie Maria Rozor; la mère de George. "Ils restent ici, donnent un coup de main, certains débarquent avec une caisse de bières et font un gratar, c'est une ambiance agréable, tout le monde se détend, passe du bon temps", raconte son fils, amusé. Egayé par les vapeurs d'alcool,Vasile confirme. "J'aime ce moment, j'aime venir ici, ça ne fait pas de moi un alcoolique, mais la tsuica fait partie de la vie quotidienne. On la boit lors des grandes occasions, avant, pendant et après le repas...". Taxes et normes européennes Emblématique de la vie rurale, la tuica est pourtant menacée par une législation de plus en plus stricte et une fiscalité de plus en plus lourde. "Depuis 2006, l'Etat a introduit de nouvelles taxes (accize en roumain, ndlr): désormais, il faut verser 8 lei pour chaque litre d'alcool à 50 degrés produit et 6,5 lei pour chaque litre d'alcool à 40 degrés", explique Maria Rozor. "Résultat, le nombre de clients a baissé, il y a beaucoup de petits paysans qui ne peuvent plus se permettre de venir chez nous". Pour Maria et son fils aussi, les contraintes se sont multipliées. "C'était plus simple il y a quelques années, à l'époque de mon mari. Aujourd'hui, entre les taxes, les frais de fonctionnement, d'entretien, les réparations, on s'en sort tout juste; car nous percevons 20% de ce qui est produit, c'est tout", déplore cette dynamique quinquagénaire. En plus des taxes, il leur a fallu se mettre aux normes européennes - 3500 euros pour obtenir le certificat ISO en 2004 - et s'adapter aux évolutions législatives roumaines qui tendent à réduire la production. "L'activité est de plus en plus contrôlée", note Maria. "En août, avant de démarrer la production, nous devons appeler les douanes, pour qu'ils viennent desceller le cazan. Ils font une estimation très précise de la capacité de production et savent ainsi le montant des taxes qui seront versées à l'Etat. Ils parlent même d'installer un compteur pour renforcer le contrôle". L'étau se resserre aussi autour des consommateurs. Voici encore peu, un particulier était autorisé à produire 200 litres pour la consommation familiale. Mais afin d'éviter qu'une grande partie de cette tsuica maison se retrouve mise en vente sur le bord des routes dans les fameuses bouteilles en plastique, l'Etat a adopté un projet de loi limitant à 50 litres la production familiale. Sous Ceausescu, une odeur persistante dans les cages d'escalier "Tout cela tue les petites distilleries", soupire George. Il ne reste plus que deux distilleries dans les environs, contre vingt cazan il y a quelques années. "L'objectif est sans doute de concentrer la production dans les grandes distilleries. Mais, honnêtement, je ne crois pas que ces mesures empêchent les gens de faire leur tsuica. Ils la font à la maison, c'est tout! C'était pareil à l'époque de Ceausescu, dans les blocs, je me souviens qu'il y avait une odeur persistante d'alcool dans les cages d'escalier d'août à décembre…". Pour résiste, George veut grandir; c'est selon lui la seule porte de sortie. "Le projet est simple: produire et commercialiser ma propre marque de tsuica, plutôt de haute qualité, et sans doute à l'export". Mais pour cela, il lui faut créer un verger; bâtir un hangar pour faire vieillir sa tsuica, un laboratoire, un atelier de mise en bouteilles. "Cela nécessite un important investissement, et c'est d'autant plus compliqué qu'on ne peut pas prétendre aux fonds européens quand on produit de l'alcool". II espère conclure un partenariat avec une distillerie plus importante, tout en gardant son indépendance. "Cela va me prendre du temps, dix ou quinze ans sans doute", lance-t-il, les yeux pétillants. En attendant que sa tsuica parte à la conquête de l'Europe, George s'en retourne vers son cazan pour aider Vasile à terminer sa cuvée. Comme tous les ans, ce cru sera ensuite précieusement conservé dans des bouteilles en plastique et servi à chaque grande ou petite occasion. Marion Guyonvarch (Regard) 53 Connaissance et découverte Les NOUVELLES de ROUMANIE Blagues Humour Problème de logique 54 Un étudiant, furieux d'avoir été recalé à son examen de mathématiques, va demander des comptes à l'examinateur : -Monsieur le Professeur, si je vous pose une question de logique à laquelle vous ne pouvez pas répondre, est-ce que je suis reçu ? -Oui, çà marche… je t'écoute… -Monsieur le Professeur, pouvezvous me dire ce qui peut-être légal mais illogique, illégal mais logique, illogique et illégal… le tout à la fois ? -L'examinateur réfléchit longuement, fait des schémas sur une feuille, pour finalement avouer qu'il tire la langue. Beau joueur, il tient sa promesse, augmente la note du candidat mais, piqué par la curiosité lui demande la réponse: -Eh bien, Monsieur le Professeur, le fait que vous ayez 69 ans et que vous soyez marié avec une jeunette de 22 ans, est légal mais illogique… qu'elle vous trompe avec un jeune de son âge est illégal mais logique. Et pour finir, que vous permettiez à son amant de réussir son examen sans raison est à la fois illégal et illogique ! casser la gueule ?!!! -Non… parce que je suis un garçon calme et sage, j'attends… -Mais t'attends quoi ??? -Qu'elle sorte avec un moins baraqué. Déjà macho Ion rassemble sa progéniture - Les enfants, cette année, nous avons décidé de partir en vacances en pension complète! - C'est quoi la pension complète? demande Bula - La pension complète c'est le top! Nous allons dormir dans un hôtel ou une dame viendra le matin refaire nos lits, faire le ménage, remettre des serviettes propres; au restaurant de l'hôtel, on pourra aller prendre un copieux petit déjeuner, des cuisiniers nous prépareront notre déjeuner et notre dîner pendant que nous nous promènerons. C'est super, non? - Oui, oui répond Bula sur un air dubitatif - Quelque chose ne vas pas? s'inquiète Ion - Non, non, mais je me demande pourquoi on emmène maman, alors? Mystère Mal élevé Maria rencontre une copine dans la rue et toute rouge d'émotion, lui confie -Je sors de chez le docteur et il m'a dit que j'étais enceinte. -Bravo, c'est super! Et qui est le père? -Ah ben çà, il ne me l'a pas dit… Prudence Bula vient d'apprendre que sa copine sort avec un autre gars. Son copain s'indigne: -Comment çà… tu ne lui pas encore Un citoyen se présente au poste de la milice et demande à voir le chef de poste pour lui faire une déclaration de la plus haute importance. Devant son insistance, on l'introduit devant cet important personnage à qui il déclare : -Camarade, je viens déclarer que mon perroquet s'est échappé. -Comment ! C'est pour ça que tu me déranges ? -Pas seulement pour ça camarade. Je voudrais aussi qu'on enregistre une déclaration. -Quelle déclaration ? -Je tiens à affirmer avec force et solennité que je n'ai pas les mêmes opinions politiques que mon perroquet. Récompense Un journal de Craiova lance un concours d'histoires drôles sur Ceausescu. Premier prix: vingt ans, ferme. Charitables Deux popes cheminent de concert. Sur leur chemin, ils trouvent au beau milieu de la chaussée le cadavre d'un âne. Unissant leurs efforts, ils le poussent péniblement dans le fossé et s'en vont prévenir la milice. Le commandant, à peine ont-ils terminé leur histoire, se met à les railler : -Très intéressant, vraiment, vous pensez qu'il faut un enterrement civil ou religieux ? -C'est votre affaire, répond le plus vieux des popes, nous, nous voulions seulement avertir les proches du défunt. Promesse d'ivrogne Ion rentre à la maison… un sérieux coup dans le nez : -Maria, ouvre-moi ! -Non, tu n'es qu'un ivrogne ! -Peut-être… mais j't'en supplie ouvre moi ! -Non et non…va cuver ton vin ailleurs, pochard ! -Maria, je t'ai apporté un magnifique bouquet pour la plus belle femme du monde… Maria se laisse convaincre et descend ouvrir. -Mais où est le bouquet ? -…Mais où est la plus belle femme du monde ? Les Nouvelles de Roumanie sur Internet ! Les Nouvelles de Roumanie disposent désormais d'un site internet www.lesnouvellesderoumanie.eu sur lequel vous pouvez consulter sans exception tous les numéros parus depuis le premier (septembre 2000), sauf ceux datant de moins d'un an, réservés aux abonnés, dont les internautes peuvent cependant retrouver la présentation. Les articles parus dans nos colonnes peuvent être repris librement, sous réserve d'être ni dénaturés, ni utilisés dans un sens partisan ou à des fins commerciales, et en précisant bien leur source. Nous voulons ainsi répondre aux sollicitations de lecteurs, d'associations, de comités de jumelage, de chercheurs, d'étudiants, etc., qui souhaitent se servir de cette base de données pour leurs travaux, leurs bulletins, etc, et que nous mettons volontiers à leur disposition. Infos pratiques Les NOUVELLES de ROUMANIE ABONNEMENT CHANGE* (en nouveaux lei, RON**) Euro Franc suisse Dollar Forint hongrois = 4,49 RON (1 RON = 0,22 €) = 3,74 RON = 3,57 RON = 0,02 RON (1 € = 275 forints) *Au 27/08/2012 ** 1 RON = 10 000 anciens lei Les NOUVELLES de ROUMANIE Numéro 73, septembre-octobre 2012 Lettre d'information bimestrielle sur abonnement éditée par ADICA (Association pour le Développement International, la Culture et l’Amitié) association loi 1901 Siège social, rédaction : 8 Chemin de la Sécherie 44 300 Nantes, France Tel. : 02 40 49 79 94 E-mail : [email protected] www.les nouvellesderoumanie.eu Directeur de la publication Henri Gillet Rédactrice en chef Dolores Sîrbu-Ghiran Ont participé à ce numéro : Laurent Couderc, Jonas Mercier, Marion Guyonvarch, Mirel Bran, Yves Lelong, Julia Beurcq, Terente Gilles Ribardière, Daniel Befu Lioudmila Stankova, Gilles Roberto Désirée-Hermione Ngoma Alain Chotil-Fany, Mihaela Ionitsa Edith Lhomel, Teofil Ivanciuc Daniela Mogavero, Philippe Vion-Dury Autres sources: agences de presse et presse roumaines, françaises, lepetitjournal.com, télévisions roumaines, sites internet. Impression: Helio Graphic 2 rue Gutenberg ZAC du Moulin des Landes 44 981 Sainte-Luce sur Loire Cedex Numéro de Commission paritaire: 1112 G 80172; ISSN 1624-4699 Dépôt légal: à parution Prochain numéro: nov. 2012 Abonnement aux Nouvelles de Roumanie, lettre d'information bimestrielle, pour un an / 6 numéros, port compris Entreprises, administrations : 100 € TTC / an Associations et particuliers : 80 € TTC / an Multi-abonnement Abonnez vos amis et gagnez ensemble jusqu'à 50 % sur le prix de l'abonnement. Le système en est simple: vous vous abonnez, devenez ainsi "abonné principal", et un de vos proches reçoit également à son domicile "Les Nouvelles". Vous bénéficiez tous les deux de 25 % de réduction, l'abonnement passant ainsi de 80 € à 61 € par personne (Multi-abonnement Formule 2, 122 €). Si vous êtes trois, (Multi-Abonnement Formule 3, 150 €), la réduction est de 40 % (tarif de l'abonnement par personne: 50 €). Et si vous êtes quatre, (Multi-abonnement Formule 4, 170 €) elle passe à 50 % (tarif de l'abonnement par personne: 42,5 €). Ce tarif est valable dans la limite de quatre personnes et ne peut être souscrit par les associations que dans un cadre strictement interne (Vous ne pouvez pas abonner un membre d'une autre association, même dans le cadre d'une fédération). Seule règle à respecter: le règlement global est effectué par une seule personne, l'abonné principal, avec un chèque ou virement unique, en mentionnant les coordonnées (adresse, téléphone, fax et e-mail) des autres abonnés. Abonnez vos amis roumains de Roumanie pour 30 € Chaque abonné (abonnement simple ou collectif) peut abonner un ou plusieurs amis roumains, demeurant en Roumanie. La revue leur sera expédiée directement. 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Coupon à retourner avec les coordonnées de tous les abonnés à: Les Nouvelles de Roumanie - ADICA, 8 chemin de la Sécherie 44 300 NANTES - France. 55 Les NOUVELLES de ROUMANIE Le bifteck-frites de Marcelle et Radu U n bifteck-frites ! Voilà ce qu'on s'est offert pour notre mariage". En ce jour de 1951 - le jour même de ses 21 ans et de sa majorité - Marcelle devenait Mme Menga, épousant enfin son Radu (notre photo). Le jeune couple n'avait pas un sou et donc pas les moyens de faire venir à Paris la famille de Bretagne. En guise de jaquette, Radu, réfugié de la région de Suceava atterri en France, portait un manteau donné par la Croix Rouge. Tant pis ! Les mariés, déjeuneront en tête à tête, bienheureux d'avoir trouvé une église acceptant de les unir, étant de religion différente. Les jeunes gens avaient fait connaissance dans un restaurant universitaire de la capitale. Marcelle, venue de sa Bretagne natale et qui ne connaissait rien de la Roumanie… était toute heureuse d'y avoir trouvé un emploi: professeur de bonnes manières pour la ville de Paris. Elle apprenait aux jeunes filles la broderie, l'art de mettre la table et de bien se tenir. L'école fermera ses portes deux ans plus tard. La Bretonne s'inscrira tout de suite au cours de kinésithérapie, laquelle faisait ses tous premiers pas en France… et deviendra l'une des cinq premières kinés françaises ! A "l'école du diable" dans une Bretagne dominée par les curés 56 Née en 1930 dans une famille très modeste de Guémené-Penfao, dans la Loire inférieure de l'époque, Marcelle a vite appris de la vie, voyant son père, sabotier, trimer dur chaque jour pour nourrir ses onze enfants. L'exemple de sa mère la marquera profondément. Bien que dépourvue de diplômes, celle-ci s'instituera écrivain public de la commune, rédigeant aussi bien les requêtes administratives que les lettres d'amour. Avec ses frères et sœurs, Marcelle, comme les enfants des familles démunies, sera envoyée à "l'école du diable" dans cette Bretagne pas encore sortie du XIXème siècle, où les curés et leurs bonnes âmes régnaient en maîtres, montrant du doigt les "petits vauriens" qui la fréquentaient. L'école de la République aura sa revanche. Marcelle, qui a sauté deux classes, obtient à quatorze ans son brevet d'instituteur et, grâce aux bourses obtenues dans des concours, continue ses études à Nantes jusqu'au bac. Sa sœur aînée, Michelle, décrochera de son côté les premiers prix de maths et de dessin du concours général, au plan national. Radu, lui, était né en 1924 dans une famille bourgeoise de Solca, bourgade de Bucovine où se sont installés de nombreux Polonais, venus travailler dans les mines de sel des environs. La ville a été autrefois une station thermale, où les curistes aimaient se reposer et prendre les eaux, tout en profitant de l'air et du paysage vallonné avoisinant. Son père, qui a refusé de suivre la tradition familiale destinant tous les garçons à devenir prêtre orthodoxe, est le percepteur de la commune. La quiétude des lieux est brutalement brisée le 21 juin 1940, quand l'Armée Rouge envahit la région. Le père de Radu est tué dans les jours suivants, dans des circonstances mystérieuses. Le jeune garçon réussit à s'enfuir et, à 16 ans, traverse toute l'Europe pour aboutir à Paris, obtenant le statut de réfugié politique. Sa connaissance de l'Allemand conduiront les autorités française à l'envoyer travailler dans les mines de charbon de la Sarre. Fâcheuse destination car il y perdra la santé, son état s'aggravant par la suite avec son emploi jusqu'à la retraite dans l'industrie des matières plastiques, naissantes alors. L'exilé roumain ne reverra jamais sa terre natale Le Roumains exilé avait été ému par l'accueil de sa belle-famille bretonne. Il passera 46 ans auprès de Marcelle, dans la région parisienne près de Saint Germain en Laye, jusqu'à son décès en 1997, à 73 ans, dans leur maison de Chambourcy. Radu ne reverra jamais son pays, trop malade pour y retourner après la "Révolution" et restera apatride: il voulait retrouver sa nationalité, perdue malgré lui, avant de devenir Français. Tout au long de leur vie commune, le tempérament de sa "petite Bretonne" ne manquera pas de le surprendre. Institutrice puis directrice d'école maternelle, pendant la petite enfance de leurs trois garçons, Marcelle s'occupera des familles de harkis au moment de l'indépendance de l'Algérie, à la demande de son inspecteur d'académie. Puis, se prenant de passion pour la philosophie à la quarantaine bien sonnée, elle achèvera sa carrière d'enseignante comme prof de philo… entamant à la retraite un doctorat dans cette discipline à l'Institut des Hautes Etudes, sous la direction de Serge Moscovici, fondateur de la psychologie sociale européenne, père du ministre Pierre Moscovici, natif de Braila et réfugié comme Radu. Marcelle n'est allée que deux fois en Roumanie. La première en 2002. Une sorte de pèlerinage organisé par son fils aîné qui avait acheté une voiture neuve pour l'occasion et embarqué toute la famille. Aujourd'hui, à 82 ans, elle est émue de constater que ses enfants n'oublient pas le pays de leur père et relève avec fierté que, grâce aux échanges de professeurs et élèves animés par sa belle-fille Martine, enseignante au lycée de Saint-Germain, le français est redevenu la première langue enseignée à Solca !