Édition 2012-09-01 (PDF document)

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Édition 2012-09-01 (PDF document)
Numéro 73 - septembre - octobre 2012
Les
NOUVELLEs
ROUMANIE
de
SOMMAIRE
A la Une
Coup de force à Bucarest
Le récit des évènements
Référendum de destitution
Les protagonistes
Lettre d’information bimestrielle
Dans la tourmente
2 à 15
Actualité
Vie internationale
Moldavie
Economie
Social
16 à 19
20 et 21
22
Société
Evénements
Vie quotidienne
Enseignement
Jeux Olympiques
Insolite
Photos
23 à 30
31
32 à 35
36
37
Connaissance
et découverte
Cinéma
Musique
George Georgescu
Mémoire, Histoire
Tourisme
Traditions
Humour
Abonnement
Coup de coeur
38
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40 à 43
44 et 45
46 et 47
48 à 53
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56
L
a Roumanie a vécu le pire été de sa jeune démocratie, rappelant que la
transition de l'après-communisme est loin d'être terminée. A la faveur d'un
retournement de majorité, entraînant un changement de gouvernement, un
groupe de politiciens arrivistes a tenté de s'emparer brutalement de tous les pouvoirs
de l'Etat, selon un plan concerté, pour régner sans partage sur le pays. Mettant à mal
ses principales institutions, il est pratiquement parvenu à ses fins. Une seule, la plus
emblématique, lui a échappé, qui devait couronner son entreprise: la Présidence de la
République. Le référendum de destitution de Traian Basescu, provoqué fin juillet, s'est
ainsi transformé en véritable bataille de la Marne pour les défenseurs de l'Etat de Droit
qui l'ont finalement emporté, le Président sauvant in extrémis son poste.
Invalidé de justesse, faute d'un nombre suffisant de votants, ce scrutin a finalement tourné à la confusion de ses auteurs, lesquels ne renoncent toutefois pas à leur
objectif, clamant aujourd'hui encore qu'il ne s'agit que d'une partie remise. Le prochain épisode devrait avoir lieu dès novembre, lors des élections législatives.
Traian Basescu, suspendu de ses fonctions par le Parlement pendant près de deux
mois - pour la seconde fois de sa carrière - dans l'attente du verdict référendaire, s'est
trouvé ainsi propulsé en dernier rempart de la démocratie. Un rôle qu'il ne méritait pas
particulièrement au regard de la responsabilité qu'il porte dans le traumatisme que vit
la société roumaine. Courant au devant des exigences accablantes formulées par le
FMI et l'UE pour aider le pays à sortir de la crise, son gouvernement les a appliquées
sans discernement, ni la moindre compassion, aggravant le sort de la population. Du
pain béni pour les adversaires du Chef de l'Etat, qui guettaient la première occasion
de retrouver un pouvoir qu'ils ont toujours considéré comme un dû.
Mais, trop sûrs de leur fait, ils ont sous estimé les talents manœuvriers d'un président madré qui a su retourner une bonne partie de l'opinion publique, laquelle s'est
réfugiée dans l'abstention, consternée par le spectacle donné par ces Pieds Nickelés de
la gouvernance, jouant aux apprentis putschistes. Heureusement, en Roumanie on est
plus proche des comédies à la Caragiale que des drames à la Dostoïevski…
Force, cependant, est de constater que Bucarest vient de vivre une nouvelle version des Minériades, institutionnelles celles-ci. Avec en toile de fond, les mêmes
acteurs: la nomenklatura à la mode Iliescu, ses héritiers, les survivants de la
Securitate, qui ont fait le lit des oligarques et transformé la Roumanie en kleptocratie.
Ces mêmes oligarques, menacés depuis peu par la Justice roumaine, et qui ont appelé à leur secours leurs amis nostalgiques d'une autre époque. Par bonheur, les
Démocrates roumains, soutenus fermement par l'UE et Washington, ont su mettre le
holà. Pour l'instant…
Henri Gillet
1
A la Une
Les NOUVELLES de ROUMANIE
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TULCEA
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BUCAREST
Les résultats par judets
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2
Taux de participation* :
Alba (Alba Iulia) : 37 %
Arad : 34,99 %
Arges (Pitesti) : 54,18 %
Bacau : 44,49 %
Bihor (Oradea) : 37,83 %
Bistrita-Nasaud : 35,56 %
Botosani : 54,85 %
Brasov : 35,56 %
Braila : 49,98 %
Buzau : 51,14 %
Caras Severin (Resita) : 50,85 %
Calarasi : 54,65 %
Cluj : 34,99 %
Constanta : 58,23 %
Covasna (Sf . Gheorghe) : 20,60 %
Dambovita (Târgoviste) : 52,67 %
Dolj (Craiova) : 53,82 %
Galati : 44,56 %
Giurgiu : 60,67 %
Harghita (Miercurea Ciuc) : 11,56 %
Hunedoara (Deva) : 50,53 %
Ialomita (Slobozia) : 50,19 %
Iasi : 43,48 %
Ilfov (banlieue Bucarest) : 30,14 %
Maramures (Baia Mare) : 36,57 %
Mehedinti (Turnu Severin) : 70,46 %
Mures (Târgu Mures) : 33,96 %
Neamt (Piatra Neamt) : 46,46 %
Olt (Slatina) : 74,71 % (record)
Prahova (Ploiesti) : 48,79 %
Satu Mare : 28,23 %
Salaj (Zalau) :40,09 %
Sibiu : 37,39 %
Suceava : 42,55 %
Teleorman (Alexandria) : 70,16 %
Timis (Timisoara) : 35,06 %
Tulcea : 41,55 %
Vaslui : 45,97 %
Vâlcea (Rimnicu Vâlcea) : 60,44 %
Vrancea (Focsani) : 55,48 %
Bucarest : 40,04 %
En gras, les 16 judets où le taux de
participation a dépassé les 50 %.
*Les votants ont approuvé à près de
90 % la destitution du Président.
Les résultats nationaux du référendum de
destitution du Président de la Roumanie du 29 juillet
Inscrits : 18 292 464
Votants : 8 459 053 (46,27 %)
Quorum de 50 % requis pour la validation du référendum : 9 146 233
Pour la destitution du Président :
Oui : 7 403 836 (87,52 %)
Non : 943 375 (11,15 %)
Le référendum a été invalidé par la Cour Constitutionnelle le 21 août, le quorum de
votants n'étant pas atteint. Traian Basescu reste donc Président de la République.
Coup de force
Le président Basescu
reste finalement en place
Un référendum qui échoue sur le fil
T
raian Basescu a eu chaud. Ses adversaires ont échoué de justesse à le faire
destituer par le référendum national qu'ils avaient convoqué le dimanche 28
juillet. Victor Ponta, le nouveau Premier ministre, leader du PSD (parti
d'Iliescu et Nastase), et son associé Crin Antonescu, chef du PNL (Parti National
Libéral), qui visait la place du Président, n'ont finalement pas réussi à convaincre une
majorité de leurs compatriotes de se déplacer pour que leur initiative soit validée.
Les deux hommes avaient réuni depuis plusieurs mois leurs formations respectives
au sein de l'alliance USL (Union Sociale Libérale) laquelle détient depuis fin avril la
majorité au Parlement, ce qui leur a permis le 6 juillet de faire voter la suspension du
Chef de l'Etat. Cette démarche devait toutefois être approuvée par la majorité des
votants et, point fondamental, entérinée par la présence aux urnes de 50 % des électeurs.
C'est là que le bât blesse, seulement 46 % d'entre eux s'étant finalement déplacés.
L'USL avait pourtant soigneusement préparé son opération, en "euthanasiant" au
préalable tous les obstacles qui
pouvaient la contrarier, notamment du côté de la Justice, opérant un véritable coup de force
institutionnel, s'attirant la réprobation des instances européennes. Si les électeurs l'on suivi
dans le sud du pays, fiefs habituels du PSD, y dépassant le
quorum requis dans une large
bande allant de Tulcea aux portes
du Banat, il n'en a pas été de
Le vendredi 6 juillet, Crin Antonescu, applaudi même dans le reste du pays.
par le Premier ministre Victor Ponta peut jubiler.
Il a réalisé son rêve… devenir Président
Le taux de participation a
de la République, intérimaire pour l'instant.
franchi le seuil des 50 % dans 16
judets, atteignant des taux records de 70-75 % en Olténie, d'où sont originaires Iliescu
et Ceausescu. Botosani, Buzau et Vrancea l'ont suivie. La Moldavie s'est montrée beaucoup plus réservée (40 - 45 % de participation) et la Transylvanie, fidèle à sa tradition
démocratique, choquée par la façon de procéder du tandem Ponta-Antonescu, a exprimé largement ses réticences (30-35 %), seulement 28 % des électeurs se déplaçant
même à Satu Mare. Mais c'est surtout en terre magyare que l'initiative a été la moins
comprise (11% en Harghita et 20 % en Covasna).
Une analyse sociologique a montré que ce sont principalement les classes défavorisées, les plus exposées à la crise et les plus touchées par les mesures très dures prises
par le gouvernement Boc, qui sont venus signifier leur colère à l'égard de Traian
Basescu. Celui-ci a sauvé sa tête de justesse… mais aura sans-doute pris comme un
camouflet le résultat du référendum à Constantsa, son judet d'origine : 58 % des électeurs sont venus voter, 83 % demandant sa destitution.
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Coup de force
A la Une
Les trois jours qui ont plongé la Roumanie dans le chaos institutionnel
Soudain, deux braqueurs tentent
leur hold-up sur l'Etat de Droit
Arrivé au pouvoir le 7 mai, après le renversement de l'ancienne majorité, le nouveau Premier ministre Victor Ponta,
issu des rangs de l'ancienne nomenklatura communiste, et son associé Crin Antonescu, leader du Parti National Libéral,
ont mené une offensive brutale et sans précédent pour se débarrasser du Chef de l'Etat, Traian Basescu, excluant d'emblée toute idée de cohabitation. Objectif : s'emparer de la Présidence de la République et concentrer tous les pouvoirs institutionnels entre leurs mains. Récit d'un coup de force aux multiples rebondissements, qui a provisoirement échoué, la Cour
Constitutionnelle, après bien des tergiversations, ayant finalement invalidé le référendum de destitution du Président.
Rarement la Roumanie d'après la "Révolution", déjà en pleine crise économique, n'avait été aussi près du chaos.
D
condamné à deux ans de prison ferme pour corruption, vient
ès sa nomination en tant que Premier ministre,
d'être mis derrière les barreaux, malgré tous les échappatoires
Victor Ponta a entrepris une manœuvre politique
et une tentative grandguignolesque de se soustraire à sa peine
de grande ampleur, ayant pour principal objectif
en se suicidant d'une balle ratée dans la gorge... tirée à cinq
la destitution de Traian Basescu, dont le second mandat n'arricentimètres ! Pour le faire libérer, il serait bien venu d'obtenir
ve à expiration que fin 2014 et qui n'aura plus le droit de se
sa grâce… que seul le Président peut accorder.
représenter. Il partage alors avec Crin Antonescu la direction
Côté Libéraux, on s'inquiète du sort de Dinu Patriciu, l'une
de l'USL (Union Sociale Libérale), alliance contre nature entre
des
plus
grosses fortunes roumaines, faite sur le dos du pays et
la nomenklatura communiste, dont il est l'héritier, et les libéde
ses
intérêts
pétroliers. L'affairiste est passible de 20 ans de
raux. Mais les deux hommes doivent tout d'abord s'assurer de
prison
pour
corruption
et doit repasser incessamment en jugela prise de contrôle des principales institutions du pays, afin
ment. Il serait aussi opportun
d'asseoir le retour de leurs parde lui éviter le sort de Nastase.
tisans, écartés des affaires
La panique de ces milieux
depuis plus de six ans et qui le
proches
du pouvoir est palpasupportent de plus en plus mal.
ble
et
explique
la hâte à invesLes deux compères ne sont
tir
tous
ses
rouages:
en 2011, la
alors pas forcément sur la
Direction
Nationale
Anticormême longueur d'ondes.
ruption
(DNA),
activée
par
Conseillé par la vieille garde
Traian
Basescu
et
fortement
du PSD où Ion Iliescu joue un
appuyée par l'UE, a mis en
rôle toujours actif, Victor Ponta
Sous
les
masques
des
politiciens
de
l'USL,
nouvellement
au
pouvoir,
examen 1091 personnes,
préférerait la prudence avant
qui ont tenté le coup de force de début juillet, se cacheraient-ils quelques
de s'attaquer au Chef de l'Etat
"gros poissons", impliqués dans des affaires douteuses et qui avaient dont un ancien Premier
tout
intérêt à neutraliser la Justice? On reconnaît Dan Voiculescu, Adrian ministre, un ancien viceet, misant sur son extrême Nastase,
Sorin Ovidiu Vântu. Les deux derniers se sont retrouvés derrière les barreaux, fin juin, le premier craignant de subir le même sort. Premier ministre, un certain
impopularité, attendre les
nombre d'anciens ministres et membres du Parlement, des prélégislatives prévues en fin d'année, aux résultats prévisibles,
fets, des maires, des directeurs d'entreprises. La justice donnait
pour le priver définitivement de toute légitimité. Au contraire,
ainsi un signal fort au personnel politique: les puissants ne
Crin Antonescu bout d'impatience: il voudrait tout de suite ce
peuvent plus invoquer l'immunité parlementaire. Ces réseaux
poste de Président de la République qui fait partie du marché
vouent donc une haine tenace au Président en place.
passé entre les deux hommes. Les élections locales et régionales de début juin qui se traduisent par un véritable désastre
pour le PDL apportent de l'eau à son moulin. L'USL décide
Traian Basescu interdit de sommet à Bruxelles
finalement de passer à l'action immédiatement et va mener une
sorte de "minériade" parlementaire (la montée des mineurs de
Les hostilités commencent à la mi-juin, sous forme de
la vallée de Jiu à Bucarest à l'appel de Ion Iliescu pour "metbanderilles. Victor Ponta interdit à Traian Basescu, humilié, de
tre à la raison" les démocrates et les contestataires qui occureprésenter la Roumanie à l'étranger et l'empêche de participer
pent la place de l'Université à Bucarest, en juin 1990), révéau sommet de l'UE qui se tient à Bruxelles, à la fin du mois. Il
lant son appétit mais aussi ses méthodes brutales.
prend sa place, malgré l'avis contraire de la Cour Constitutionnelle. Le Président de l'Institut Culturel Roumain, Horia
Patapievici, est démis de ses fonctions provoquant l'indignaEtat d’urgence chez les “barons”
tion des intellectuels et artistes qui subodorent une mise au pas
après l'emprisonnement d'Adrian Nastase
et un retour aux mœurs de l'époque communiste. Cette instituIl est vrai qu'il y a urgence. Un des principaux barons du
tion, une des rares qui fait l'unanimité en Roumanie et à l'éPSD, l'ancien Premier ministre Adrian Nastase, mentor de
tranger, passe directement sous le contrôle du gouvernement.
Victor Ponta dont il a dirigé la thèse de doctorat, qui a été
(à suivre page 4)
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A la Une
Les NOUVELLES de ROUMANIE
(suite de la page 3)
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La Justice dans le collimateur
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"My name is Paste…
Copy Paste"
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Tout au long de la crise, Victor
Ponta a dû se débattre avec une
affaire qui lui colle à la peau comme
le sparadrap au nez du capitaine
Haddock : la centaine de pages de sa
thèse de doctorat, dirigée par Adrian
Nastase, qu'il est suspecté d'avoir
copiées. L'accusation vient de de la
prestigieuse revue scientifique internationale Nature. Bien sûr, on peut
supposer que l'origine de ses informations n'est pas innocente et qu'elles ont été fournies pas des milieux
qui ne voulaient pas précisément du
bien au Premier ministre.
Victor Ponta dément aussitôt sur
un ton indigné et confie à un journal
italien qu'il démissionnera s'il est
prouvé qu'il a copié. Une commission
est toutefois mise en place par
l'Université de Bucarest, où la thèse a
été soutenue, pour élucider la question. Au fil des jours, les accusations
se font de plus en plus précises, alimentées par des universitaires.
Pour y couper court, le Premier
ministre utilise alors la pratique du
coup de force qu'il emploie au niveau
gouvernemental. Quelques heures
avant de rendre son verdict qui lui
était défavorable, la commission est
soudain démise de ses fonctions par
la ministre de l'Education nationale,
Ecaterina Andronescu, remplacée par
une autre commission, entièrement à
sa dévotion, laquelle conclut... qu'il
n'y a pas un chat à fouetter.
Mais le Conseil national d'attestation des diplômes universitaires ne
l'entend pas de cette oreille et confirme que cette thèse a été largement
plagiée. Mal lui en a pris… Il est supprimé sur le champ!
(suite page 6)
Puis c'est au tour de la télévision et de la radio d'Etat
d'être mis sous tutelle par le limogeage de leurs directeurs.
D'autres organismes passent sous contrôle, avec le remplacement de leurs cadres dirigeants, dont l'Institut National
de la Statistique (INSS)… appelé à jouer un rôle décisif
plus tard afin de définir le nombre d'électeurs que compte
le pays.
Plus grave encore… Le président de la DNA, Daniel
Morar, particulièrement apprécié par Bruxelles pour son
Victor Ponta
rôle dans la lutte contre la corruption, celui de l'ANI
(Agence Nationale d'Intégrité), le procureur général de Roumanie, Laura Kovesi, dont
les mandats se terminent ou doivent être renouvelés à la fin de l'été, semblent figurer en
tête sur la liste des prochainêtes à tomber. Le CNSAS (Conseil National d'Etude des
Archives de la Securitate), le CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) sont aussi
dans le collimateur.
Tous les
pans de la
Justice sont
en train de
passer sous le
contrôle
direct du gouvernement
qui dispose
ainsi pratiC'est l'heure de l'offensive tous azimuts quement de
contre l'Etat de Droit pour Victor Ponta et Crin Antonescu.
l'ensemble
des pouvoirs exécutifs du pays. Il ne lui en manque plus qu'un seul: la Présidence de la
République.
Une opération rondement menée
L'attaque frontale peut alors commencer. Elle va être menée en trois jours, du 3 au
5 juillet. Fort de sa nouvelle majorité, le gouvernement fait remplacer les présidents de
la Chambre des députés et du Sénat, ainsi que ceux des commissions, pour placer ses
hommes. Le nouveau président du Sénat n'est autre que le sénateur… Crin Antonescu,
qui pourrait devenir Président de la République par intérim, dans l'attente de nouvelles
présidentielles où il a bien l'intention de se présenter, si d'aventure Traian Basescu était
renversé.
Pour se prémunir de mauvaises surprises, Victor Ponta tente de faire invalider deux
juges de la Cour Constitutionnelle qui lui sont défavorables. Toute modification doit
être en effet approuvée aux deux tiers de ses membres, soit six sur neuf. Et pour plus de
sécurité encore, avec la complicité du nouveau président du Sénat, il change les attributions de cette Cour, organe suprême du pays, dont les avis d'obligatoires deviennent seulement consultatifs. Un véritable coup d'état institutionnel! Précaution supplémentaire:
l'Avocat du peuple (médiateur de la République), qui pourrait mettre des bâtons dans les
roues en contestant les décrets gouvernementaux, est démis de ses fonctions. Le Journal
Officiel (Monitorul Oficial) est également mis sous tutelle: les décisions de l'Etat n'entrent en application que si elles y paraissent.
Il ne reste plus qu'à entamer le processus de destitution de Traian Basescu. L'époque
est propice, juste avant les vacances parlementaires, et l'opération rondement menée. Le
vendredi 6 juillet, à l'issue d'un débat houleux, le Président est suspendu par le
Parlement réuni en séance commune, par 256 sénateurs et députés sur 432.
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Dans un document de quinze pages, le Chef de l’Etat est
accusé d'avoir "sapé la démocratie", "enfreint la séparation
des pouvoirs et l'indépendance de la justice" et "imposé des
mesures d'austérité qui ont appauvri la population". C'est la
seconde fois (la première, c'était en 2007), que Traian Basescu
se retrouve dans cette situation.
Davantage les farces de Caragiale
que les drames Shakespeariens
A la Une
se trame à l'Est, avec le précédent de la Hongrie et de ses dérapages anti-démocratiques. Victor Ponta est convoqué à
Bruxelles et en revient tout penaud, avec onze points à respecter, sur lesquels il ne s'étend pas, s'il ne veut pas encourir de
sanctions. Il a pourtant juré ses grands dieux, la main sur le
cœur et sans rire, devant José-Manuel Barroso qu'il n'est pour
rien dans tout çà… que c'est l'affaire du Parlement.
Apparemment sans convaincre.
Il est sommé de ne pas toucher aux attributions de la Cour
Constitutionnelle et de respecter la règle de la majorité d'inscrits pour la validation du référendum. Voilà qui corse l'affaire… car obtenir plus de 9 millions de voix sur 18,2 millions
d'électeurs… l'affaire n'est plus dans le sac ! En outre, on ne
sait plus combien, il reste de Roumains dans le pays. Un recensement a bien eu lieu 18 mois plus tôt… mais ses résultats
n'ont pas encore été entérinés.
Les Roumains sont appelés à avaliser cette décision par
référendum dans les 30 jours, au terme duquel le Président
sera destitué. Il faudra alors recourir à une élection présidentielle dans les 45 jours suivants, repoussant de six mois les
législatives de fin d'année qui ne peuvent se tenir légalement
en même temps… à moins qu'on ne change la loi, ce qui n'est
pas exclus. Le gouvernement a pris le soin faire adopter par
décret le nouveau cadre du référendum, fixé au dimanche 29
Crin Antonescu joue au président
juillet: désormais, seule une majorité des votants, même si on
en compte seulement 10 ou 20 %,
Cela change bigrement la
et non des électeurs sera requise
donne pour Victor Ponta et Crin
pour le valider. La période des
Antonescu qui doivent décider
vacances est sans-doute la mieux
la moitié des électeurs à venir
appropriée pour faire avaler les
voter…. Alors que pour Traian
plus grosses couleuvres… mais il
Basescu, c'est l'inverse: à moins
ne faudrait tout de même pas que
de 50 % de votants, il est sauvé,
les baigneurs préférant la plage
le référendum serait alors invaaux bureaux de vote fassent capolidé.
ter l'opération.
Après avoir hésité un
Victor Ponta et Crin
moment sur la stratégie à suivre,
Antonescu qui endosse immédiale Président appelle au boycott.
tement l'habit de Président intériCe n'est pas glorieux : en 2007,
Tu te rends compte, ce jeunot il a encore il s'en était sorti la tête haute,
maire, sont toutefois confiants.
plus de talent que Nastase… Toutes les chancelleries
européennes le considèrent déjà comme un tricheur… près de 75 % des électeurs rejeSeuls les mécontents de Traian
Basescu iront voter. Même avec une faible participation, ils
tant la première tentative de le destituer… Un camouflet à l’ésont sûrs de l'emporter. Crin Antonescu en est tellement perpoque pour ses adversaires, menés déjà par Dan Voiculescu,
suadé qu'il annonce publiquement qu'il mettra fin à sa carrière
qui pensaient alors tenir leur homme et, devant cet échec cinpolitique s'il perdait. Trois semaines plus tard, il oubliera sa
glant, s'étaient bien juré d'avoir un jour leur revanche.
promesse, bien que les médias, cruels, lui aient rappelée.
Mais le Président, à nouveau suspendu, n'a pas le choix.
Ce coup de force, mêlant des mesures légales à des dispoMadré comme il est, nombre d'observateurs s'accordent à pensitifs anticonstitutionnels, bien qu'éventé par la presse la
ser qu'il saura s'en sortir une nouvelle fois. Ses adversaires
veille, a pris par surprise tout le monde. Son scénario, en sept
vont grandement l'aider…
étapes, a été soigneusement mis au point avec l'aide de Dan
Pleins de suffisance, ils se comportent déjà en maîtres
Voiculescu, autre affairiste milliardaire et dirigeant politique,
absolu du pays. Crin Antonescu, la mine gourmande, s'installe
menacé aussi par la justice, et qui a mis son empire de presse
enfin au palais de Cotroceni. Il joue au Président, alors que le
à la disposition des comploteurs. Tout a été pensé, minuté dans
côté provisoire de la fonction devrait le conduire à observer
le moindre détail… sauf que les exécutants vont vite montrer
une certaine réserve: rappel d'ambassadeurs, nomination d'auleur vraie nature. Un amateurisme de “bras cassés”, finaletres, félicitations aux sportifs participant aux JO de Londres,
ment rassurant, qui les rend plus proches des Pieds Nickelés
causeries télévisées régulières "au coin du feu". Il ne se sent
que d'un Vladimir Poutine et fait penser davantage aux farces
plus, distribue bons et mauvais points. Bref, il s'amuse avec
de Caragiale qu'aux drames Shakespeariens. On est en
son hochet.
Roumanie, oui ou non ?
Gonflé de vanité, Victor Ponta donne conférence de presse sur conférence, fait des promesses, tient des propos contradictoires au gré des circonstances qui l'amènent à se déjuger
Convoqué à Bruxelles
chaque jour. En outre empêtré dans l'affaire du plagiat de sa
Victor Ponta en revient tout penaud
thèse de doctorat (voir par ailleurs), il multiplie engagements
Une fois la stupeur passée, Traian Basescu va être prompt
à faire connaître la vérité, accumulant démentis, mensonges
à réagir. Tout comme l'UE qui voit d'un très mauvais œil ce qui
vite démasqués.
(à suivre page 6)
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A la Une
Les NOUVELLES de ROUMANIE
(suite de la page 5)
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GIURGIU
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(suite de la page 4)
Faux diplôme à Catane
6
Basescu à la Lanterne
l
IASI
ROSIA M.
L'université de Bucarest décide
cependant de se ressaisir du dossier,
mais soumise à des pressions - la
ministre menace de lui retirer son
habilitation à délivrer des diplômes de
doctorat - elle décide de repousser sa
décision finale à septembre. C'est-àdire après que la Cour Constitutionnelle se soit prononcée sur la validation du référendum de destitution de
Traian Basescu.
La polémique a fortement écorné
le crédit du Premier ministre, pastiché
sous la forme de James Bond: "My
name is Paste, Copy Paste" ("Mon
nom est Copié, Copié Collé").
D'autant plus que, pour son malheur,
en fouinant dans son curriculum vitae
officiel, des curieux - on peut imaginer là aussi que leurs intentions n'étaient pas innocentes - ont trouvé
qu'il s'attribuait un master de droit
obtenu à l'université de Catane
(Italie). Contacté, son président
dément: Victor Ponta y a obtenu simplement un certificat comme quoi il y
a suivi une formation de quelques
semaines. La mention litigieuses est
tout de suite retirée du CV.
La compétence du Premier ministre est aussi sérieusement mise en
cause. Dans les premiers jours de
son gouvernement, il a dû changer
deux fois de ministre de l'Education…
accusés aussi de plagiat. Ecaterina
Andronescu, une fidèle de l'époque
Iliescu a été alors appelée à la rescousse, bien qu'elle soit en situation
d'incompatibilité, étant sous le coup
d'une procédure pour conflit d'intérêt,
après avoir favorisé une firme de son
mari quand elle était déjà ministre
sous Adrian Nastase. Elle est quand
même en poste aujourd’hui.
Traian Basescu s'est réfugié dans sa permanence électorale et observe un silence tactique, laissant ses proches monter à l'assaut, notamment auprès des chancelleries occidentales et des instances européennes, manière de souligner auprès de ses concitoyens
que dans les grandes capitales, c'est bien sur lui qu'on compte.
Des économistes lui emboîtent le pas, ne mettant pas longtemps à pointer du doigt
les responsables du chaos vers lequel se dirige le pays, déjà mal en point. Les investissements ont chuté ces derniers mois, le leu est en train de plonger, tombant à son plus
bas niveau historique, 4,7 lei pour un euro. Mugur Isarescu, le gouverneur de la Banque
centrale, l'aurait-il laissé volontairement filer pour que ses compatriotes dont les économies sont souvent libellées en monnaie européenne, sentent le vent du boulet ?
Alors, même s'ils n'aiment plus Basescu, des Roumains commencent à se ressaisir.
Certes, il n'est pas question de lui donner quitus, mais les nouveaux dirigeants donnent
une mauvaise image d'eux-mêmes, étalent au grand jour leur incompétence, se riculisent.
Chacune de leur apparition, sur des chaînes de télévision qui leur sont presque toutes
acquises, n'est que prétexte à se déchaîner contre le Président suspendu. Ainsi, ils contribuent à le victimiser, les Roumains, consternés, mettant désormais dans le même sac ces
politiciens qui, en outre, déconsidèrent le pays et atteignent leur fierté.
Le comble du grotesque sera atteint, lorsque Crin Antonescu convoquera en pleine
campagne référendaire des journalistes roumains et des correspondants étrangers pour
une visite guidée de la Villa Dante, qu'il pilote lui-même (!), dans le quartier chic de
Primavara de la capitale. Il aurait découvert cette luxueuse résidence réservée au chef
de l'Etat pour accueillir ses hôtes étrangers, en prenant ses fonctions. Elle est le pendant
de la résidence de La Lanterne à Versailles, autrefois dévolue au Premier ministre français, mais que Nicolas Sarkozy avait "confisqué" à un François Fillon dépité, au profit
de l'Elysée.
Le président intérimaire assure que la villa a été rénovée à grands frais pour profiter pleinement à Traian Basescu et à son épouse, en faisant l'exemple même de la corruption de son adversaire. Les intéressés démentent y avoir mis les pieds. Qu'à cela ne
tienne, le gouvernement organisera à l'intention des électeurs bucarestois une journée
portes ouvertes de la demeure, le jour même du référendum.
Vingt deux ans après, le scénario des "robinets en or" des palais de Ceausescu se
répète, jetant un éclairage cruel sur la filiation de ces "héritiers" d'Iliescu et de la
"Révolution". Cela devient insupportable. La quasi-totalité des journaux respectables
(Adevarul, Gândul, Evenimentul Zilei, Romania Libera) ont déjà pris position: il faut
mettre un terme à l'équipée sauvage du duo qui mène le pays à la catastrophe et faire
échouer le référendum.
Un choix auquel de plus
en plus de Roumains se
conforment, en décidant
de ne pas aller voter,
écœurés par le spectacle
donné.
Vote en slips de bain
Victor Ponta et Crin
Antonescu ont senti le
danger. Tout doit être mis
en œuvre pour passer la
barre des 50 % des
Le jour du référendum, les baigneurs font la queue sur la plage,
inscrits. Il est envisagé
devant des bungalows transformés en bureaux de vote.
que le scrutin se tienne sur
deux jours. Refus du Conseil Constitutionnel qui accepte cependant qu'il soit prolongé
jusqu'à 23 heures, le dimanche 29 juillet.
Les NOUVELLES de ROUMANIE
A la Une
4-5 jours suivants. Son avis sera ensuite communiqué au
Les préfets sont mis à contribution. Pour mettre toutes les
Parlement, parti en vacances et à l'origine du référendum. Une
chances de son côté, l'USL a multiplié les bureaux de vote. Des
formalité...
isoloirs fleurissent dans les restaurants, les hôtels, certains
Nouveau coup de tonnerre, les neuf juges suprêmes
casinos du littoral, mais aussi dans les plus petits hameaux de
repoussent leur décision au 12 septembre, considérant qu'ils
montagne. On vient voter en slips de bain dans des bungalows
n'ont pas tous les éléments en leur possession, suivant la
sur les plages.
demande de re-vérification des listes électorales, formulée par
Pratique que l'on croyait oubliée, datant de l'époque
le gouvernement. En effet, l'USL refuse de s'avouer battue et
Iliescu-Nastase, les urnes mobiles et le tourisme électoral
entame un discours sur
refont leur apparition! Il
le thème de la légitimité
s'agit d'aller récupérer
contre la légalité. A ses
les bulletins des élecyeux, le quorum électoteurs ne pouvant se
ral ne représente rien.
déplacer, hors de tout
Neuf votants sur 10
contrôle sérieux, ou bien
ayant opté pour la destid'emmener de pseudo
tution du Président… il
touristes voter dans des
doit partir !
hôpitaux de province ou
Peu importe que le
des pénitentiaires, sans
gouvernement ait jugé
pouvoir vérifier s'ils ne
convenables les listes
l'ont déjà fait ! Dans des
électorales avant le
communes du sud du
référendum ou pour les
pays (Gorj, Dolj, Alba),
élections locales de juin
on dénombrera jusqu'à
qu'il a largement ga800 votants… pour 200
Radu
Mazare,
le
maire
de
Constantsa,
va
recruter
des
filles
sur
la
côte
pour
les
gnées,
et qui ont été
inscrits. Des cartes d'iemmener voter en maillots de bain. Les malheureuses seront poursuivies en justice.
révisées
l'année précédentité sont délivrées à
dente…
Elles
ne
seraient
donc
valables
que
si
les
sociaux libédes non-inscrits jusqu'au dimanche matin même dans certaines
raux
l'emportent
?
mairies.
Il découvre soudain que certains noms de citoyens décéLe scrutin réserve aussi ses moments cocasses. Un citoyen
dés
n'ont
pas été rayés: l'abstention viendrait de cette cohorte
soupçonneux alerte la gendarmerie par un appel d'urgence car
de
morts!
Et puis, ces listes ne tiennent pas compte du recenil a repéré un car de faux touristes entre Bucarest et Giurgiu.
sement
effectué
en 2011, dont les résultats n'ont pas encore été
Motards et estafettes sont dépêchés pour l'intercepter. Des
avalisés,
montrant
que la population roumaine stabilisée dans
vacanciers portugais éberlués en descendent. Ils partaient visile
pays
a
chuté
de
2,6 millions de personnes par rapport au
ter un monastère.
recensement
de
2002.
A Ineu (Arad), 13 000 habitants, dans la nuit précédant le
vote, Calin Abrudan, le maire libéral (PNL), élu 6 semaines
auparavant, a fait distribuer dans toutes les boites à lettre de sa
Recensement "à la Rus"
commune, une missive promettant que les rues des quartiers
ayant les plus voter… seront goudronnées en priorité !
Le gouvernement ordonne donc la révision des résultats
Le jour du scrutin, le gouvernement s'efforce d'impulser la
du référendum… sur des bases établies après qu'il ait eu lieu !
dynamique du vote en communiquant au fil des heures des
Il s'agit de montrer que, la population ayant baissé, la barre des
sondages où les taux de participation sont gonflés, laissant
50 % d'inscrits validant la destitution de Basescu a été finaleentendre que les Roumains se précipitent vers les urnes.…
ment atteinte.
Peine et paris perdus.
Un mini-recensement express mené en août à travers le
Finalement 8 459 053 électeurs se sont présentés
pays, en pleine vacances, est décidé. Il doit établir que plus
(46,27 %) sur les 18 292 464 inscrits. Il en fallait 9 146 233
d'un million d'électeurs ont disparu. En passant ses consignes
pour que Traian Basescu soit destitué. 7 403 836 (87,52 %) se
aux préfets pour l'organiser, Ion Rus, le ministre de l'Intérieur,
sont prononcés dans ce sens et 943 375 (11,15 %) en sens
leur explique, sans rire, que c'est très facile : "Dans les petites
contraire, soit 40 % des inscrits. Un camouflet pour le
communes, tout le monde se connaît, il suffit de demander :
Président qui échappe de peu au sort que lui réservait ses
Eh, Nae Vasile (père Basile), tes voisins sont toujours là ?...
adversaires… mais une Bérézina pour ces derniers, dépités et
l'affaire sera bouclée en trois jours". Il pondère un peu son
furieux, qui échouent une seconde fois.
propos: "Bien sûr, à Bucarest ou dans les grandes villes, ce
sera moins simple… mais on se débrouillera".
Coup d'Etat “démographique”
Les mairies sont appelées à se mettre au travail toutes
affaires cessantes. Les services, déjà en sous effectif en cette
Pour pouvoir regagner le palais présidentiel de Cotroceni,
période estivale, sont mobilisés, si bien qu'il devient difficile
Traian Basescu n'a plus qu'à attendre l'invalidation du scrutin
pour les citoyens d'obtenir les papiers ordinaires qu'ils délivpar la Cour Constitutionnelle, laquelle doit intervenir dans les
rent habituellement.
(à suivre)
7
A la Une
Les NOUVELLES de ROUMANIE
(suite de la page 7)
Des fonctionnaires s'arrachent les cheveux
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BAIA MARE
CHISINAU
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IASI
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TARGU MURES
ORADEA
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SIBIU BRASOV
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VASLUI
l
TIMISOARA
BRAILA
l
PITESTI
CRAIOVA
l
TÂRGOVISTE
l
l
TULCEA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
l
Des fonctionnaires s'arrachent les cheveux, comme le montrent des sténogrammes
dévoilés par la presse, révélant les échanges téléphoniques enregistrés entre le sous-préfet
de Dolj (Craiova), dont Victor Ponta est député, et un de ses collègues, incrédule:
-Je dois faire disparaître immédiatement 40 000 électeurs des listes en les faisant passer pour des morts…
-Bah ! qu'est-ce que tu racontes ?!
-Tout çà en un mois. 40 000 morts en un mois ! Tu te rends compte? D'habitude, y'en a moins de 4000 ! (NDLR: le taux de mortalité en
Roumanie, établi en juin 2011 était de 11,84 pour 1000 habitants).
-C'est fou… et à partir de quand ?
-Du 23 juillet… mais alors, attends, c'est même en dix jours !
-Quoi ? Mais t'as combien d'habitants dans ton judet ?
-Environ 400 000…
-Ah ben dis-donc, à ce rythme là, en novembre t'en as plus un seul!
Les Magyars sont-ils des vrais Roumains ?
Adrian Nastase:
suicide ou
mise en scène ?
8
L'arrestation d'Adrian Nastase,
le 20 juin dernier a peut-être précipité les évènements à venir.
L'ancien Premier ministre d'Ion
Iliescu (2000-2004), considéré
comme un des politiciens les plus
corrompus du pays, était sous le
coup d'une première condamnation à deux ans de prison…
repoussée sans arrêt par les nombreux subterfuges employés. De
quoi qui irriter particulièrement
Bruxelles qui demandait depuis
longtemps à ce que "des gros
poissons" soient mis derrière les
barreaux. Il s'agissait donc là d'un
coup de semonce envoyé par la
Justice à la classe politique. De là,
à vouloir la mettre immédiatement
au pas…
Pour échapper à son sort,
Adrian Nastase, 62 ans, a tenté de
se suicider quand la police est
venue l'appréhender à son domicile, se tirant une balle dans la
gorge, ce qui a causé une grande
émotion à travers le pays… se
transformant en éclat de rire
quand "les mauvais esprits" ont
appris les circonstances du drame.
(suite page 10)
La ficelle est vraiment trop grosse. Les juges de la Cour
Constitutionnelle sont assaillis de toutes parts. Leurs délibérations sont interminables,
entrecoupés de coups de téléphones pour faire pression. Ils redemandent sans arrêt les
résultats définitifs du référendum au Bureau Electoral central, qui ne varie pas d'un iota
dans ses chiffres : moins de 50 % de votants.
Des menaces fusent. Le juge hongrois reconnaît qu'il s'est abstenu, alors que sa voix
devait faire basculer la décision dans le sens d'une invalidation du référendum… par crainte que le gouvernement ne se venge sur la communauté magyare. Un poltron? Pas tant que
çà… L'USL a commencé à entonner son petit refrain nationaliste, laissant entendre que,
finalement, les Hongrois qui ont très peu voté (10-20 % en Harghita-Covasna) ne sont pas
autant citoyens roumains que çà.
Ce "remake" de l'époque Iliescu et de la vague xénophobe qui s'était abattue sur Târgu
Mures, en février 1990, commence à inquiéter à Bruxelles. Même l'indéboulonnable maire
allemand de Sibiu, Karl Johannis, pourtant plutôt hostile à Basescu, se montre inquiet. Ne
pourrait-on pas aussi lui retirer des électeurs ? Sa communauté d'origine germanique ne
compterait plus que 80 000 individus…
Toutefois, le gouvernement a une autre corde à son arc pour arriver à ce chiffre des
16,5 millions d'électeurs inscrits qui lui permettrait de valider son entreprise. Il a mis sur
le tapis le principe d'une actualisation des listes, baptisées listes permanentes, dont seraient
exclus neuf catégories d'électeurs dont les Roumains travaillant à l'étranger, créant ainsi
deux catégories de citoyens. Il justifie cette énormité juridique en arguant du fait que ce
sont les Roumains de l'intérieur qui doivent supporter les manquements du Président.
Argument qui serait acceptable quand il s'agit d'élections locales… mais qui fait se dresser les cheveux sur la tête des expatriés qui se sentent rejetés de leur communauté.
Le Président suspendu a dû susciter bien des haines !
Le tandem Ponta-Antonescu est allé trop loin. Il se fait à nouveau taper sur les doigts
par Bruxelles et la sourcilleuse commissaire européenne chargée de la Justice, des Droits
fondamentaux et de la Citoyenneté, la Luxembourgeoise Viviane Reding. La Commission
de Venise, organe consultatif du Conseil de l'Europe qui veille au respect des règles constitutionnelles dans l'UE, rappelle à l'ordre le gouvernement roumain, lui demandant de laisser tranquille la Cour Constitutionnelle.
Angela Merkel monte vertement au créneau, José-Manuel Barroso lui emboite le pas,
ainsi que Hilary Clinton qui envoie un émissaire spécial à Bucarest… lequel réservera sa
première visite à Traian Basescu. On ne peut être plus clair dans le soutien.
Il est vrai que certaines voix commencent à s'élever pour suspecter la main discrète de
Les NOUVELLES de ROUMANIE
A la Une
Moscou dans cet imbroglio: Basescu ne s'était-il pas fait l’ades faux. On a ainsi attribué au ministre une note où finalevocat de l'installation des bases américaines et de ses missiles
ment il indique ne pas pouvoir garantir l'exactitude des résulsur le territoire roumain ?
tats officiels qu'il vient lui-même de transmettre !
Le Premier ministre et le Président intérimaire bombarIon Rus n'en peut plus. Il jette l'éponge et démissionne le
dent Bruxelles de déclarations témoignant de leur bonne foi et
6 août, dénonçant des "pressions inacceptables" pour allonger
de leur volonté de respecter l'état de droit, assurant que l'UE
ou raccourcir les listes électorales après le vote. Il est suivi de
est victime de désinformation. En sous-main, leur presse Victor-Paul Dobre. Les deux hommes ont eu un entretien téléJurnalul National appartenant à leur associé Dan Voiculescu
phonique où le ministre confie à son adjoint "Je ne veux pas
et Cotidianul - dé-nonce à longueur de page la "cinquième
terminer mes vieux jours en prison".
colonne" qui trahit
Car l'étau se resserre. Traian Basescu parait
les intérêts du pays,
de moins en moins hors jeu, et alors que personest vendue à l'étranne n'aurait misé un kopeck sur lui, début juillet,
ger, et s'efforce de
certains commencent à comprendre qu'il pourdéconsidérer
ses
rait bien rester en place. On se méfie de sa réacadversaires. Un peu
tion et de son pouvoir de nuisance. Il peut compgrosse à gober, la
ter sur son éphémère ancien Premier ministre, le
contre-offensive ne
sérieux Razvan Ungureanu, bien silencieux et
fonctionne pas trop.
dont la cote grimpe dans l'opinion publique au
Toutefois, elle
point d'apparaître comme une alternative.
enregistre des rallieSurtout, quelques mois auparavant, ce collaments inattendus,
borateur précieux dirigeait les services secrets
Traian Basescu a prévenu: quand il aura regagné Cotroceni, roumains, y garde des amitiés, ce qui lui permet
dont celui du fils de
ceux qui ont failli devront rendre des comptes à la justice.
Doina Cornea, mais
aujourd'hui d'alimenter la presse en rumeurs et
aussi de l'ancien Président, Emil Constantinescu qui a pratiqué
informations dévastatrices, ridiculisant ses adversaires… tout
pendant 4 ans Traian Basescu comme ministre et doit sansen gardant sous le coude quelques dossiers qui peuvent servir.
doute lui réserver "un chien de sa chienne".
Traian Basescu a prévenu: quand il aura regagné Cotroceni,
Grande figure de la société civile, Marius Oprea, qui n'a de
ceux qui ont failli devront rendre des comptes à la justice.
cesse de lutter contre l'oubli des
crimes des communistes depuis la
Débandade en vue
"Révolution" fait aussi partie de
ces soutiens rares qui préfèrent
Çà sent la débandacautionner les atteintes à l'Etat de
de dans le gouverneDroit plutôt que d'observer un
ment. Un autre ministre
silence prudent et révélateur.
imite les deux démisPour en arriver à un tel aveuglesionnaires. Victor Ponta
ment, synonyme de règlement de
essaie de colmater son
comptes, le Président suspendu a
équipe au plus vite.
dû susciter bien des haines !
Mais il continue à accumuler les bévues. Il
nomme ministre de la
"Je ne veux pas terminer
La Cour Constitutionnelle a été au centre de la bataille, la juge Cojocaru
(3ème à gauche) faisant pencher la balance en faveur de l’invalidation du Justice une magistrate,
mes vieux jours en prison"
référendum, permettant à Traian Basescu de rester en place.
Mona Pivniceru, qui ne
Pendant ce temps, dans l'incertitude, la situation éconopeut exercer immédiatement ses fonctions car elle doit démismique se détériore un peu plus. Pressée de toutes parts, la Cour
sionner de son précédent poste.
Constitutionnelle se ravise le 3 août et décide d'avancer sa
Qu'à cela ne tienne, Victor Ponta se bombarde ministre
décision au 31 août. Elle demande au gouvernement de lui
intérimaire dans l'attente, cumulant le poste avec sa fonction
fournir au plus vite les listes définitives qui ont servi au réféde Premier ministre. Comble de malchance, cette juge "indérendum. Le ministre de l'Intérieur accepte et les transmet auspendante" a été photographiée dans la voiture du fils d'Adrian
sitôt. Exit donc le mini-recensement en cours, bien qu'en
Nastase - elle est appelée à statuer sur l'éventuelle libération
douce, cette opération continuera par la suite.
de son père si elle devient ministre - affirmant cependant qu'il
Que n'ont fait Ion Rus et son ministre adjoint Victor-Paul
s'agit là d'un pur hasard…ne le connaissant ni d'Eve, ni
Dobre en validant finalement implicitement le résultat du réféd'Adam.
rendum, car les listes qu'ils remettent aux juges sont identiques
Autre gaffe: le nouveau et jeune ministre chargé des relaà celles du Bureau Electoral Central et sauvent Basescu !
tions entre le Parlement et le gouvernement, Dan Sova, s'est
Non seulement, ils se font copieusement enguirlandés,
fait connaître pour des propos antisémites, niant l'Holocauste.
mais dès le lendemain matin la Cour Constitutionnelle reçoit
Depuis, il doit passer son temps à s'excuser. Victor Ponta voude nouveaux éléments, différents, conformes aux intérêts du
lait même un moment l'envoyer faire un stage au Musée de la
tandem Ponta-Antonescu et qui se révèleront par la suite être
Shoah à Washington.
(suite page 10)
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Les NOUVELLES de ROUMANIE
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(suite de la page 8)
Un grand maladroit
10
Ce passionné de chasse, abattant
jusqu'à 80 sangliers par jour lors des
battues organisées par Ion Tiriac,
dans son domaine d'Oradea… s'était
raté en se tirant une balle à deux centimètres, qui l'avait à peine éraflé, les
deux policiers venus l'arrêter affirmant
avoir détourné son geste au dernier
moment. L'étonnant, c'est que dans
l'émotion de mettre fin précipitamment
à ses jours, ce droitier s'était tiré une
balle de la main gauche et que sa trajectoire ne correspondait pas à ce que
devait être la blessure.
Transporté à l'hôpital "dans un état
semi-comateux nécessitant une opération d'urgence" d'après le médecin qui
l'avait pris en charge, le Premier
ministre ne sera opéré finalement que
douze heures plus tard.
D'autres médecins appelés à son
chevet révèleront que sa blessure était
superficielle, affirmant qu'un simple
sparadrap aurait suffi et qu'il n'y avait
besoin en rien d'une hospitalisation.
Un journal découvrira plus tard qu'une
ambulance, déjà prévenue, attendait,
tapie dans l'ombre, le bon déroulement du “drame”.
Les deux policiers incriminés sont
aujourd'hui sous le coup d'une information pour complicité, ainsi que le
médecin, déjà condamné pour des
faits de corruption.
Si ce suicide est bien une mise en
scène, comme l'affirment plusieurs
journaux, elle aura cependant permis
à Adrian Nastase, hospitalisé quand
même pendant plusieurs semaines
pour une égratignure, d'échapper à la
prison… Peut-être dans l'attente de la
destitution de Traian Basescu qui était
en train de se tramer et d'une grâce à
suivre du futur Président?
A la Une
La "trahison" d'une juge PSD
800 dossiers de fraude à l'étude
Le mardi 21 août, sur les coups de midi, la Cour
Constitutionnelle rend son verdict. Par 6 voix contre 3, soit la
majorité des deux tiers requise, elle invalide le référendum.
Traian Basescu reste président. Les 4 juges proches du PDL
ont voté en ce sens. Ils ont été rejoints par le juge hongrois, qui
a enfin surmonté ses craintes de représailles… et par Aspazia
Cojocaru, une des quatre juges qui doit sa nomination au PSD.
Ce parti hurle à la trahison, mais cette professeure de droit
constitutionnel de 66 ans, qui a fait ses études en partie à
Strasbourg à la fin des années 70, première femme à avoir été
nommée à la Cour, ne se laisse pas démonter: "Que diraient
Un bilan des "cent jours" désastreux
mes étudiants ni je ne respectais pas la légalité… moi qui leur
enseigne?", rajoutant plus prosaïquement "Je ne tiens pas à
Pied de nez de l'histoire… cette grave crise se termine cent
aller en prison".
jours après que ceux qui l'ont
Dans les rangs de l'USL, on
déclenchée aient accédé au poune décolère pas. La manœuvre a
voir. Sil est rare de voir un bilan
échoué! "On prend acte de la
aussi désastreux, celui-ci l'est
décision mais on ne cohabitera
encore plus pour la Roumanie.
pas" clame en chœur le tandem
Non seulement, le pays a
Ponta-Antonescu. Mais que
perdu la confiance de Bruxelles,
peut-il faire d'autre? Le voilà
des autres pays membres de
coincé pour encore deux ans.
l'UE, des investisseurs étrangers
"On fera un autre référendum,
qui ne redoutent rien tant que
avant Noël" menace Crin
l'instabilité, il repasse aussi en
Antonescu… qui a oublié son
dernière position, derrière la
engagement à abandonner la vie
Bulgarie, dans le classement
politique s'il perdait, se justi“Jos Basescu”... Mais où va la Roumanie, dont les dirigeants des mauvais élèves.
se sont déconsidérés aux yeux de l’opinion internationale ?
fiant d'un "J'ai gagné moraleLes deux pays, après des
ment" et qui appelle les Roumains à descendre dans la rue pour
années d'effort pour forcer la porte de l'espace Schengen, s'atforcer Basescu à démissionner!
tendaient à ce que leur admission soit de nouveau reportée d'un
Malgré cette gifle monumentale, les deux hommes prépaan, en septembre, par l’UE. Ils espéraient, cependant, un geste
rent dans l'urgence la suite. Ils ont 48 heures devant eux pour
leur permettant de faire entrer leurs aéroports, dans cette
faire avaliser la nomination de Mona Pivniceru comme minisEurope sans frontières, avec l’aval de la France et de
tre de la Justice, avant que Traian Basescu ne retrouve ses prél'Allemagne, mais Berlin fait part de son "scepticisme". Les
rogatives. Mission: proposer au président intérimaire pour
Pays-Bas s'y opposent, arguant des rapports négatifs publiés le
encore quelques heures, Crin Antonescu, de remplacer le chef
18 juillet. En Norvège, une députée propose qu'Oslo se retire
de la DNA, Daniel Morar et la Procureure générale Laura
de Schengen,si Sofia et Bucarest y étaient admis...
Kövesi par des hauts fonctionnaires plus arrangeants, tenter de
La Roumanie doit aussi continuer à vivre avec le
faire libérer par une grâce Adrian Nastase qui commence à
Mécanisme de Coopération et de Vérification (MCV) imposé,
s'impatienter au fond de sa cellule, mais aussi limoger les
ainsi qu’à la Bulgarie, lors de l’adhésion des deux pays à l'UE
chefs de parquet qui ont entrepris d’enquêter dans tous les
en 2007 pour voir s'ils observent leurs engagements. Des sancjudets sur les fraudes électorales de l'USL.
tions telles que le blocage des fonds communautaires peuvent
Bruxelles s'inquiète de ce qui pourrait encore se tramer et
être décidées si l'acquis communautaire n'est pas respecté. Un
fait savoir, dès l'après-midi du 21 août, qu'il reste vigilant.
rapport annuel fait l'état des lieux.
Traian Basescu réclamait l'abrogation de cette clause. Elle
Le président intérimaire rend son hochet
est maintenue, voire renforcée, un rapport qui n'était pas prévu
sera dressé à la fin de l'année, alors qu’au contraire, l'étau se
Finalement, après que le Conseil Constitutionnel ait comdesserre pour la Bulgarie. Ironie de l'histoire... S’il a donné à
muniqué sa décision au Parlement, Traian Basescu devait
contre-coeur la possibilité à l'UE de mettre le nez dans les
regagner le palais de Cotroceni, le lundi 27 août*. Le coup de
affaires roumaines, en 2007, Traian Basescu, peut aujourd’hui
force se terminait piteusement. Crin Antonescu devait rendre
remercier ce mécanisme, qui lui a indirectement permis de
son hochet... et devrait aussi bientôt être appelé à rendre des
contrer le "coup d'État" larvé de ses adversaires.
comptes à son parti, le PNL, qu'il a entraîné dans cette aventuRécit réalisé par la rédaction
re, comme son compère, Victor Ponta, qui en sort très affaibli.
des Nouvelles de Roumanie, actualisé au 26 août 2012
C’est à leur tour d’être humiliés, et pour ne pas boire le
(Voir aussi page 37, photos et caricatures sur la crise)
* Situation au moment où la revue est en cours d’impression...
calice de la défaite jusqu’à la lie, ils partent en week-end pro-
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ARAD
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Les NOUVELLES de ROUMANIE
(suite de la page 9)
TARGU MURES
ORADEA
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A la Une
Enfin, pour se débarrasser du ministre des Affaires Etrangères, Andrei Marga,
remercié sans un mot d'explication pour son incompétence, et qu'il traîne comme un
boulet, Victor Ponta désigne le ministre de la justice Titus Corlateanu, mis en selle
politique par Adrian
Nastase. Tout ne se présente donc pas pour le
mieux pour les comploteurs de juillet. Ils
essaient bien de retarder
les échéances, s'arrangeant pour ne pas faire
paraître au Monitorul
Official dont ils ont désormais le contrôle, les
décisions qui les contrarient et ne sont donc pas
validées.
Mais ces manœuv“Tourisme électoral”, urnes mobiles (comme ici)...
Le pouvoir a ressorti toute la panoplie des moyens utilisés sous
res de retardement n'ont
l’ère Iliescu-Nastase pour arriver à des résultats satisfaisants.
La Justice est saisie de 800 cas de fraude sur les votes.
qu'un temps. La Cour
constitutionnelle raccourcit encore le délai qu'elle s'était imposée. Elle annonce que,
finalement, elle se prononcerait dès le 21 août, indiquant qu'elle attendait du gouvernement qu'il lui communique le "nombre de personnes inscrites sur les listes électorales permanentes actualisées à la date du 10 juillet 2012", rejetant ainsi toute idée
d'utiliser les listes issues d'un mini-recensement, mené à la va-vite.
Pour compléter le tableau, la DNA informe que plus de 800 dossiers de fraudes
commises lors du référendum sont à l'étude, enquêtés par 180 procureurs.
Pourquoi ne pas dissoudre le peuple ?
"Ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en
élire un autre?" suggérait jadis Bertolt Brecht. C'est, au fond, la solution choisie par
la coalition gouvernementale qui s'efforce maintenant de diminuer le nombre d'habitants du pays, devançant les résultats encore non publiés du recensement de mai 2011
en dévoilant que la Roumanie n'en compterait qu'un peu plus de 19 millions, soit 2,5
millions de moins qu'au précédent recensement de 2002.
Quant au nombre réel d'électeurs, le ministère de l'Intérieur fait savoir la veille de
la décision définitive de la Cour Constitutionnelle qu'il faut en rayer 35 000, apparemment morts, laissant planer le doute sur le droit de vote de 300 000 autres dont les
papiers sont périmés et sur "les 3 millions qui ont un droit de séjour à l'étranger". On
ne sait pas trop ce que cela veut dire… Faut-il éliminer ces presque 3,5 millions de
Roumains et ramener le corps électoral à 16 millions de personnes… ce qui aurait le
mérite de valider le référendum de destitution?
Le gouvernement semble le suggérer mais apparemment sans plus trop y croire.
Il s'agit plutôt de sauver la face en clamant bien fort que "la volonté du peuple a été
trahie". Signe qui ne trompe pas, il semble s'être fait à l'idée de perdre la partie,
admettant que si Basescu devait revenir à Cotroceni, ce serait un président "illégitime", comptant pour du beurre.
Pour une question de quorum qui les arrangerait, tant pis si ces dirigeants dévaluent le poids et la place de leur pays, le montant des différentes subventions et aides
qu'ils sont en droit d'espérer de l'UE ou autres institutions internationales et dont la
Roumanie a bigrement besoin. Tant pis également si ces 2-3 millions de Roumains
partis à l'étranger, le principal potentiel d'avenir du pays, qui peut l'amener à changer,
se sentent exclus et s’éloignent de la “Mère-Patrie”!
longé, l’un à Londres, l’autre à Naples, pour ne pas assiter à la
réintronisation de celui qui vient de les rouler dans la farine.
Paradoxalement, les deux hommes ont fait remonter la
cote de confiance pourtant bien basse de Traian Basescu et
amoindri les chances de leur camp de remporter haut la main
les législatives de l'automne. Leur amateurisme a aussi renforcé l'image de sérieux que l'ancien Premier ministre Ungureanu
a su garder tout au long de cette crise, tout en restant proche du
Président suspendu. Après avoir habilement créé son propre
parti pour se démarquer d'un PDL au creux de la vague, il
apparaît aujourd’hui comme l'homme de l'avenir.
11
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Les NOUVELLES de ROUMANIE
Coup de force
SUCEAVA
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SATU MARE
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BAIA MARE
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TARGU MURES
ORADEA
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Les Pieds nickelés
à la manœuvre
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ARAD
SIBIU BRASOV
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VASLUI
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TIMISOARA
BRAILA
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PITESTI
CRAIOVA
l
TÂRGOVISTE
l
l
TULCEA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
l
Viviane Reding
bête noire
de la nomenklatura
Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la Justice, des
Droits fondamentaux et de la
Citoyenneté, qui n'arrête pas de
demander des comptes, est la bête
noire de la nomenklatura roumaine.
12
La Luxembourgeoise de 51 ans,
divorcée, 3 enfants, ancienne étudiante à la Sorbonne, journaliste pendant
20 ans puis députée, ne s'en laisse
pas compter comme ont pu le constater Eric Besson, puis Manuel Valls,
obligés de remettre sur le chantier
leur projet de loi sur la libre circulation
des Roms. Ou bien le gouvernement
hongrois sommé de stopper une campagne encourageant les couples à l'adoption plutôt que de recourir à l'avortement. Ou encore les opérateurs
téléphoniques contraints de revoir
leurs tarifs internationaux prohibitifs.
De la même façon, Victor Ponta et
Crin Antonescu ont dû piteusement
remballer leur projet de renverser en
catimini l'ordre constitutionnel. Les
deux compères ont trouvé en face
d'eux un adversaire implacable, soutenu par le président de la
Commission, José Manuel Barroso,
n'hésitant pas à qualifier de coup de
force leur tentative, leur intimant l'ordre de respecter les règles de l'UE,
sous peine de sanctions, et réagissant
immédiatement à leurs manœuvres
dilatoires ultérieures.
Le coup de force de début juillet visant à destituer le président Basescu a été
mûrement planifié par ses deux protagonistes, le Premier ministre Victor Ponta, en
place depuis le 1er mai, et le président du Sénat Crin Antonescu. Deux politiciens
impatients d'accéder au pouvoir et qui ont uni leurs ambitions, forçant la main à
leurs partis dont ils s'étaient au préalable emparés de la direction, le PSD (ex communistes) et le PNL (néo libéraux).
L
'objectif des deux dirigeants était, en faisant coexister leur deux partis au sein
de l'USL (Union sociale libérale), alliance contre nature, de dégager une
majorité parlementaire permettant de renverser le gouvernement en place.
Mission réussie avec la complicité de quelques députés du camp adverse ayant tourné
casaque. Derrière ces deux hommes, tirant les ficelles et apportant sa puissance financière, l'une des plus grosses fortunes du pays, Dan Voiculescu, à la manœuvre depuis
son empire de presse. Cet ancien informateur de la Securitate, fondateur d'un parti politique, le PC (Parti conservateur), dont le but principal est de lui assurer une immunité
parlementaire, animé de surcroît d'une haine inextinguible à l'égard de Traian Basescu
qui l'a fait mettre en examen pour ses affaires douteuses, était d'autant plus motivé que
la Justice menaçait à nouveau de le rattraper.
Ne faisant pas dans la nuance, un journal a résumé l'entreprise concoctée par le trio
sous un titre choc: "Deux piranhas et un crocodile". C'est leur faire un grand honneur.
La manière loufoque et calamiteuse dont a été menée l'affaire de la destitution de
Basescu, la transformant en farce, ferait plutôt penser aux aventures des Pieds nickelés
si le sujet n'était aussi grave, et amène surtout à sérieusement douter des capacités de ses
instigateurs à diriger un pays.
Un Premier ministre pur produit de la nomenklatura
Victor Ponta, 40 ans, natif de Bucarest, docteur en droit, est Premier ministre depuis
le 1er mai dernier. Il a été promu chef du département anticorruption en 2001 par le premier ministre de l'époque, Adrian Nastase… considéré comme le politicien le plus corrompu du pays et qui purge actuellement une peine de deux ans de prison et dont il est
le protégé. Il entrera en mars 2004 dans son gouvernement en tant que ministre délégué
au Financement international et à l'Acquis communautaire. Depuis 2004, il est député
de Gorj (Târgu Jiu). En 2010, il
ravira la présidence du PSD au président sortant Mircea Geoana, qui
avait lui-même évincé son fondateur, Ion Iliescu, lequel savourera
cette revanche.
Victor Ponta est un pur produit
de la nomenklatura post-communiste, manière Iliescu. Après avoir
divorcé, il a épousé Daciana Sârbu,
europarlementaire PSD et fille d'Ilie
Sârbu, ministre de l'Agriculture
d'Adrian Nastase, mis en cause dans
plusieurs scandales de corruption.
Cachotteries entre les deux compères Crin Antonescu
et Victor Ponta qui préparent leur coup.
En juin dernier, Victor Ponta a été
accusé d'avoir plagié mot pour mot (voir par ailleurs) une centaine de pages de travaux
de différents spécialistes dans sa thèse doctorale, soutenue en 2003, portant sur le sujet
de l'historique et du fonctionnement de la Cour pénale internationale. Il a alors usé de
sa fonction de Premier ministre pour faire dissoudre par décret les organismes universitaires ayant validé cette accusation, ce qui lui vaut désormais le sobriquet de "Copiécollé". Sa thèse était dirigée par le Premier ministre de l'époque… Adrian Nastase.
A la Une
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Crin Antonescu, l'homme pressé
Félix “le crocodile”
Crin Antonescu, 53 ans, natif de Tulcea, historien de formation est président du Parti National Libéral depuis 2009. Elu
député en 1995, il
sera ministre de la
Jeunesse et des
Sports dans les gouvernements de centre-droit du Président
Contantinescu de
1997 à 2000, qui l'a
emporté sur Ion
Iliescu lors des présidentielles de fin
1996. Il sera réélu
député en 2000 et
2004, puis passera
au Sénat en 2008, en devenant le vice-président. Il sera le candidat du PNL aux présidentielles de fin 2009, éliminé pour le
second tour avec 20 % des voix, apportant son soutien au candidat du PSD, Mircea Geoana, battu sur le fil par le président
sortant, Traian Basescu.
Devenu veuf en 2004, à la suite du suicide de sa femme,
en phase terminale du cancer, qui s'est jetée par la fenêtre,
après avoir découvert sa liaison avec une collègue de son parti,
Adina Valean, devenue députée européenne, Crin Antonescu
s'est remarié avec celle-ci en 2009. Il essaiera d'attirer l'attention et la compassion des médias en se montrant en père célibataire modèle, élevant seul sa fillette.
Le pacte conclu avec Victor Ponta prévoyait que celui-ci
devienne Premier ministre, à la première occasion (mission
réussie début mai), préparant l'accession de Crin Antonescu à
la présidence de la République, après les élections parlementaires prévues en novembre qui ne devaient être qu'une formalité et un désaveu cinglant pour Traian Basescu, ne lui laissant
d'autre possibilité que de démissionner.
Après la victoire écrasante de l'USL aux municipales, Crin
Antonescu, impatient, a forcé la main de son partenaire pour
accélérer le mouvement. Le scénario prévu s'est mis alors en
place. Élu président du Sénat le 3 juillet 2012, à la faveur d'un
renversement de majorité au profit de l'Union sociale-libérale
(USL), Crin Antonescu est devenu, sept jours plus tard, président de Roumanie par intérim après la suspension de Traian
Basescu par le Parlement.
Le duo Ponta-Antonescu n'aurait sans-doute pas réussi à
mener son entreprise sans l'intervention d'un troisième
homme, Dan Voiculescu, 66 ans, natif de Bucarest, l'un des
hommes plus riches de Roumanie, avec une fortune estimée de
1,5 à 1,6 milliard d'euros. A la tête d'un trust médiatique, le
groupe Intact, comprenant quatre des principales chaînes de
télévision du pays (Antena 1,2,3,4), des radios, des quotidiens
dont l'un des plus lu dans le pays, Jurnalul National, et des
magazines, il peut facilement orchestrer des campagnes de
dénigrement ou à son profit au niveau national.
Dan Voiculescu possède aussi des intérêts dans d'autres
domaines, donc celui de l'énergie, se servant des relations qu'il
avait nouées sous le communisme en travaillant pour le commerce extérieur roumain. Cette période
en a fait aussi un indicateur de la Securitate, travaillant sous le
nom de code de Felix
comme le révèleront
des enquêtes menées
après la "Révolution".
Mais
prudent,
Dan Voiculescu a touAncien informateur de la Securitate,
jours su protégé ses
le magnat de la presse Dan Voiculescu
a été l'homme clé de la manœuvre.
arrières. Il s'est mis
politiquement à l'abri en fondant le Parti Humaniste Roumain,
maintenant appelé Parti Conservateur (PUR), dont il est le président, se faisant élire sénateur, devenant même vice-président
du Sénat en décembre 2008, ce qui lui permet de se mettre à
l'abri grâce à son immunité parlementaire. Dans la même
veine, il a scindé ses affaires dès 2001, les confiant à sa fille.
Car l'ancien sécuriste se sait dans l'œil de la Justice, poursuivi
dans plusieurs dossiers par la Direction Nationale
Anticorruption (DNA). Déjà, en 2007, sentant le vent du boulet, à la tête d'une commission parlementaire, il avait réussi à
faire suspendre Traian Basescu, une première dans l'histoire
post-révolution de la Roumanie. Le référendum populaire qui
suivra invalidera cependant cette décision à une majorité écrasante. Apparemment, ce cuisant échec n'a pas découragé
"Felix"… Misant sur l'impopularité du président en place, c'est
dans son bureau qu'aurait été concocté en février dernier le
plan visant à s'en débarrasser une bonne fois pour toutes.
Monica Macovei, “l’Eva Joly” roumaine
N
ommée ministre de la Justice fin 2004, dès l'entrée en fonction de
Traian Basescu, puis limogée par le Premier ministre libéral
Tariceanu deux ans plus tard car elle ne se montrait pas assez
accommodante, Monica Macovei symbolise l'ouverture de la Roumanie à la
société civile. A 53 ans, cette Bucarestoise gréco-catholique, devenue eurodéputée, a l'oreille de Bruxelles, étant l'une des rares personnalités roumaines à
recueillir la confiance de la Commission européenne. Monica Macovei avait
mis en place la loi de lustration pour empêcher les anciens membres de la police politique communiste d'exercer des fonctions publiques et les rendre inéligibles, provoquant un tollé dans les rangs du PSD.
(à suivre page 14)
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Coup de force
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BAIA MARE
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GALATI
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TULCEA
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n
CONSTANTA
BUCAREST
l
(suite de la page 13)
"La cinquième
colonne"
dénoncée par l'USL
14
C'est donc à cette proche du président suspendu qu'est ainsi revenue cet été la charge de mener la
contre-offensive pour bloquer les
initiatives du tandem PontaAntonescu. Avec apparemment une
certaine réussite, faisant échouer
l'opération éclair que les deux hommes voulaient mener, les obligeant
à revoir leurs plans et les conduisant à commettre faute sur faute.
Juriste de formation, ancienne
procureur, sous Ceausescu et
après, Monica Macovei a entraîné le
duo sur le terrain constitutionnel
qu'elle connaît bien, rendant obligatoire le seuil de 50 % des électeurs
inscrits pour valider le référendum
de destitution, le faisant ainsi
échouer. Cet "exploit" lui vaut la
colère des partisans de l'USL qui la
dénoncent comme une “cinquième
colonne” travaillant contre la
Roumanie.
Depuis la "Révolution", Monica
Macovei s'est retrouvée au centre
des toutes les initiatives visant à
renforcer l'Etat de Droit en Roumanie: présidente de l'Association pour
la Défense des Droits de l'Homme,
du Comité Helsinki, fondatrice de
Transparency International en
Roumanie. Cette “Eva Joly” roumaine s'est illustrée également dans la
lutte contre la corruption, menant la
charge contre Adrian Nastase,
épaulant la DNA, les instances et
les juges engagés dans ce combat.
Dans son rapport annuel de 2007,
l'association Reporters sans
Frontières saluait l'action de cette
"emmerdeuse" patentée.
"Popeye" sait tirer des bords
T
raian Basescu, 61 ans, né près de Constanta est un ancien officier de marine
marchande. Il est le fils d'un commissaire politique communiste de l'armée
roumaine, Dumitru Basescu, camarade de promotion des généraux Victor
Stanculescu et Vasile Milea, qui, en 1989, prendront une part déterminante au renversement de Nicolae Ceausescu.
Ministre des Transports,
sous Iliescu au sortir de la
"Révolution", Traian Basescu
passera dans l'opposition dès
1992, suivant le Premier ministre
Petre Roman, limogé à la faveur
des secondes minériades de 1991
et qui vient de faire scission avec
les nostalgiques de l'ancien régime. Ce changement de cap réussira à l'ancien marin, affublé du
surnom de "Popeye", à cause de
sa ressemblance physique avec
le héro de bande dessinée. La
défaite d'Iliescu aux présidentielles de 1996, lui permet de retrouver son poste de ministre des Transports dans les différents gouvernements de coalition de la Présidence Constantinescu. Cette fonction lui vaudra d'être inculpé dans le dossier Flota, une affaire de corruption concernant des pots de
vin perçus lors de la privatisation de la marine marchande roumaine. Bien que blanchi,
cette accusation lui collera toujours à la peau, comme celle de s'être servi de sa couverture de responsable de l'agence NavRom à Anvers, pour se livrer à des activités de renseignement pour le compte de la Securitate. Un grief que l'intéressé reconnaîtra à mi-mot.
"Oui, j'ai été communiste, mais moi au moins je l'avoue"
Apprécié par la population pour son franc-parler, Traian Basescu devient maire de
Bucarest de 2000 à 2004, à la surprise générale. Après avoir évincé Petre Roman de la
présidence du Parti Démocrate, dont il prend les commandes, il se fait élire président de
Roumanie en 2004, après l’avoir emporté face au Premier ministre de Ion Iliescu, Adrian
Nastase. Le débat télévisé opposant les deux candidats est resté dans les annales.
Accusé d'être un ancien communiste et d'être corrompu, Traian Basescu réplique à
son adversaire, qui en reste bouche bée: "Cite-moi un seul politique, un seul candidat qui
n'ait pas été communiste et qui arrive à vivre uniquement de son salaire, et je me désiste
tout de suite pour lui. Oui, j'ai été communiste, oui, j'ai fait du business, mais moi au
moins je l'avoue". Succès garanti d’un aveu qui lui vaut la victoire.
Le nouveau président se distinguera en devenant le premier chef d'État roumain à
condamner officiellement les crimes communistes dans un discours au Parlement, en
décembre 2006, malgré les sifflets d'une partie des élus, et à vouloir s'attaquer à la corruption autrement que par des mots. Sentant le danger, ses adversaires lui mèneront la vie
dure, tentant en vain, une première fois, de le faire destituer.
En décembre 2009, Traian Basescu est réélu de justesse face à Mircea Geoana, faisant enrager l'ancienne nomenklatura qui espérait bien récupérer le pouvoir. La chance
n'est pas cette fois au rendez-vous pour l'ex-marin. Pris dans la tourmente de la crise et
assujetti aux exigences des instances financières internationales, son gouvernement mené
par Emil Boc imposera une cure d'austérité insupportable à la population.
A son image, Traian Basescu se montrera insensible à ses souffrances, accumulant
les décisions malheureuses. Ses adversaires, surfant sur une vague d'impopularité record,
en profiteront pour lancer leur seconde offensive de destitution. Il y a urgence, l'UE se
montre de plus en plus indisposée par l'impunité dont bénéficient les dirigeants les plus
corrompus… L'un d'entre eux, Adrian Nastase, leur ancien chef, vient d'être mis en prison et les menaces se font de plus en plus pressantes pour ses comparses.
A la Une
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Coup de force
Viktor Orban en Hongrie, Viktor Ianoukovitch en Ukraine...
et l’apprenti Victor Ponta en Roumanie
Le gène "Victor" est-il incompatible avec l'Etat de droit ?
Accusé de vouloir mettre en coupe réglée la culture, le gouvernement roumain a provoqué une levée de boucliers de la
part de la communauté artistique locale. Et les comparaisons avec les dérives autoritaires chez les voisins hongrois et
ukrainien font florès, comme le souligne Revista 22. Une appréhension renforcée par le coup de force opéré à Bucarest
début juillet, par le nouveau gouvernement roumain de Victor Ponta. Y-aurait-il un gène maléfique nommé Victor, incompatible avec la démocratie et l'Etat de droit semble se demander la revue culturelle qui note que les trois dirigeants des
pays concernés, tous voisins, portent le même prénom ?
V
eni, vidi, vici. Enfin arrivés au pouvoir à la suite
d'un long et frustrant séjour dans l'opposition, les
dirigeants politiques de Budapest, Bucarest et
Kiev (respectivement le Premier ministre Viktor Orban, le
Premier ministre Victor Ponta et le président Viktor
Ianoukovitch), qui portent le même prénom, affichent aussi
des choix, des réflexes et des attitudes identiques. Tous trois
semblent projeter de se maintenir le plus longtemps possible à
la tête de leurs pays, quitte à
enfreindre la loi ou la constitution. Et ils ont déclenché des
campagnes d'épuration et de
règlements de compte pour
arriver à leurs fins.
En
Ukraine,
Viktor
Ianoukovitch a résolu de
manière simple et radicale le
problème des prochaines élections législatives (qui se tiennent au mois d'octobre), en
emprisonnant d'un coup les
leaders de l'opposition, dont
L’Ukrainien ViKtor Ianoukovitch
a fait jeter en prison Iulia Timochenko.
Iulia Timochenko.
En Hongrie, Viktor Orban
s'est servi de l'écrasante majorité parlementaire de droite pour
exercer un contrôle quasi-absolu sur le pays et sur la presse,
afin d'étrangler - du moins potentiellement - sa liberté, en
modifiant la Constitution de sorte qu'il soit très difficile, à l'avenir, de lui reprendre son jouet. Manœuvre difficilement assimilable à une mesure démocratique.
En Roumanie, alors que les forces du centre-droit ont
connu une débâcle sans précédent (le Parti démocrate libéral a
perdu les élections municipales du 17 juin après avoir été
chassé du pouvoir par une motion de censure, début mai), la
gauche, qui a remporté les
municipales, avance à grandes enjambées non pas vers
l'urbanisation des coutumes
politiques roumaines (dans
le sens d'un rapprochement
avec l'Europe), mais plutôt
vers une "orbanisation" du
pays, procédant à un véritable coup de force début
juillet, sous la houlette de
son Premier ministre, Victor
Le Hongrois Viktor Orban
Ponta.
est sous surveillance de Bruxelles.
Il y a Victor… et Victor
Alors, y-a-t-il une malédiction "Victor" pour les pays sortant des dictatures communistes et ayant du mal à mettre en
place une véritable démocratie ? Non ! Ce serait oublié que le
Victor le plus célèbre de l'Histoire était au contraire l'incarnation même du combat pour la liberté et la dignité de l'Homme!
Il s'appelait Victor Hugo, né voici 210 ans et qui, il y a de çà
très exactement 150 ans écrivait "Les Misérables"… "Les misérables!" s'exclamerait sans-doute l'illustre écrivain, s'il revenait parmi nous, en voyant ce qu'on a fait de son beau prénom!
Petre M. Iancu (Revista 22) et Henri Gillet
Les correspondants étrangers boucs émissaires
R
eporters sans frontières et son
organisation partenaire en
Roumanie, Active WatchMedia Monitoring Agency (AW-MMA),
ont dénoncé le climat d'intimidation qui
se développe actuellement à l'encontre
des journalistes. "Le retour d'une rhétorique paranoïaque à l'encontre de nombreux représentants de la profession, devenant des boucs émissaires, pointés du
doigt comme des 'ennemis du peuple',
accusés de ternir l'image du pays et d'agir en 'conspirateurs' à la solde de l'é-
tranger, rappelle tristement les pratiques
de toutes les dictatures, et en particulier
celles du régime communiste en place en
Roumanie jusqu'en 1989" s'insurge
Reporters sans frontières.
Le 8 août dernier, le président intérimaire, Crin Antonescu, avait annoncé son
intention de faire appel aux services du
renseignement extérieur pour "comprendre le mécanisme par lequel l'image du
pays a été démolie en deux semaines,
dans le cadre d'une action organisée,
coordonnée et financée". Cette déclara-
tion est intervenue alors que plusieurs
journalistes avaient été pris violemment à
partie par des membres du gouvernement
et les deux quotidiens du groupe de presse de Dan Voiculescu qui lui sont favorables, Cotidianul et Jurnalul National,
qui en ont dressé des portraits haineux et
diffamatoires. Parmi les journalistes visés
par cette campagne, les correspondants
des journaux The Economist et CNN, El
Pais, Der Spiegel, Deutsche Welle, ARA,
USA Today, Der Standard, ainsi que
Mirel Bran, du Monde.
15
Actualité
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Moldavie
L'une est catholique
Lituanie et Moldavie:
Gilles Ribardière parcourt la Lituanie et la Moldavie chaque année ce qui lui
permet des comparaisons intéressantes entre ces deux pays inclus dans l'Union
Soviétique à la suite d'une annexion pure et simple. Il a livré ses réflexions au portail francophone de la Moldavie, Moldavie.fr.
Intérêt médiatique:
la Roumanie
de la 16ème place
à la 85ème
16
Le comptage du nombre d'articles
de presse consacrés à chacun des
pays du monde dans la base de
presse Dow Jones Factiva permet de
suivre leur "cote médiatique internationale". Ainsi, la Roumanie a connu
une heure de gloire éphémère au
moment de l'hiver 1989-1990 (16e
rang mondial), la chute du régime de
Ceausescu attirant les projecteurs
sur elle et des nuées de journalistes
s'y précipitant. Puis elle est rapidement revenue à un niveau de médiatisation moyen (60e à 70e rang mondial), même lorsque des évènements
comme les minériades, l'élection du
premier président démocrate ou le
retour au pays du Roi Michel marquaient l'actualité. Après l'intérêt des
journaux pour la Roumanie au
moment de son adhésion à l'UE (55e
rang mondial en 2007), on assiste de
nouveau à une décroissance spectaculaire (85e rang mondial en 2011).
Sans-doute remonte-t-il actuellement
avec la crise qu'elle affronte.
Par comparaison, la Grèce maintient un niveau de médiatisation
beaucoup plus élevé sur la longue
durée, marqué par les sommets
atteints lors du passage à l'euro
(2001), par le cumul des Jeux olympiques et de la victoire de l'équipe de
football grecque au championnat
d'Europe des nations (2004), puis par
la médiatisation de la crise de l'euro
(2010)… Ce qui amène à penser que
les évènements sportifs ont plus
d'importance aux yeux des médias
que les grands problèmes du monde.
L
ituanie et Moldavie ont acquis leur indépendance au moment de l'écroulement de l'édifice soviétique, au début des années 90. Mais, première différence, la Lituanie retrouvait une indépendance qu'elle avait obtenue dans la
foulée du traité de Versailles, en 1919, tandis que la Moldavie, qui épouse grosso-modo
les contours de la Bessarabie, se voyait octroyer une indépendance qu'elle n'avait
jamais obtenue: avant guerre, et sans remonter au XIXème siècle elle était une partie,
pauvre, de la Roumanie.
Mais retenons pour
l'heure ce qui les rapproche: leur passé soviétique, une partie de leur
population décimée pendant la Seconde Guerre
Mondiale, notamment sa
composante juive. Sur ce
dernier point, on ne peut
que constater aujourd'hui
l'extrême timidité de la
reconnaissance du génoEn Lituanie, dernier Etat christianisé d'Europe, le catholicisme cide, ainsi que du poids
s'est mué en creuset de la résistance nationale à Moscou.
Il se cherche aujourd'hui un second souffle. démographique et culturel des Juifs avant guerre, même si les pouvoirs publics dans les deux cas commencent
à soutenir la communauté juive dans son effort pour s'organiser et avoir une lisibilité
dans le pays. Mais on ne peut que regretter le peu de soin apporté dans l'entretien de
l'immense cimetière juif de Chisinau ou près de la capitale de la Lituanie, de voir avec
quelle incroyable négligence est traité le site de Ponar, site du massacre par balles de
60 000 Juifs par les Allemands.
Le chemin est encore long dans ces deux pays pour comprendre que la communauté juive a été une richesse irrémédiablement perdue.
Le silence des livres d'histoire
Il y a plusieurs explications : d'abord le silence des livres d'histoire dans les écoles, ensuite le prix que la population non juive a payé de ce qui est de plus en plus désigné aujourd'hui comme ayant été l'occupation soviétique, avec ses cohortes de déportations en Sibérie : je n'ai de cesse de rencontrer des personnes qui ont soit eux-mêmes
soufferts de tels exils forcés, soit qui peuvent me citer un proche de leur famille ayant
subi cette situation.
L'autre point commun, c'est le passé partagé dans l'Union Soviétique. Je commencerai par une conséquence positive : la présence de la culture russe. Dans les deux capitales, Vilnius et Chisinau, on trouvera par exemple un théâtre d'expression russe, preuve qu'un public russophone est bien présent. Toutefois il l'est de moins en moins en
Lituanie, et manifestement l'apport de populations russes a été largement moindre dans
ce pays qu'en Moldavie. Dans les deux cas, en tout état de cause, l'apprentissage par les
jeunes de la langue russe se réduit à la portion congrue au profit de l'anglais (même si
le français demeure encore vivace en Moldavie, mais absolument pas en Lituanie).
Restent des effets négatifs de la longue parenthèse soviétique: la difficulté de la restructuration de l'agriculture, la reconversion de l'industrie, l'état de vétusté de très nombreuses habitations, l'omniprésence de la corruption.
Actualité
Les NOUVELLES de ROUMANIE
et membre de l'UE, l'autre est orthodoxe et laissée à elle-même
un chemin de croix commun… un présent bien différent
La vision dans ces pays de la campagne est souvent désastreuse. On voit les immeubles d'anciens kolkhozes en piteux
états, au milieu maintenant de nulle part, plus ou moins habités par des familles sans occupations bien définies.
La Lituanie a toujours eu
un niveau de vie supérieur
Terminons toutefois sur des notes positives. On se doit de
constater que nous avons à faire avec une population dont le
La corruption: le pire de l'héritage commun
niveau de formation est élevé. Le système scolaire et universitaire dans ces pays était exigeant et de bon niveau. Il l'est
On doit s'interroger sur le manque d'efficacité issue sans
manifestement toujours. J'ai pu observer de la part des élèves
doute d'un passé récent, du mode d'exploitation de terres pourune tenue et un respect qui semble appartenir au passé en
tant réputées exceptionnelles en Moldavie... Mais dans ce pays
France. Le principe de compétition reste toujours présent, avec
surtout, manque un matériel moderne, qui en revanche comses avantages et ses défauts. Mais ces deux Etats suivent à
mence à être largement présent en
l'heure actuelle des voies diverLituanie: l'adhésion à l'UE, de
gentes. Leur origine tient à des
même qu'une situation éconoraisons situées dans le passé, mais
mique y compris durant l'époque
aussi dans le présent.
soviétique bien plus favorable
Deux éléments du passé mardepuis toujours explique cet écart.
quent une différence fondamentaMême remarque pour l'indusle. D'abord la Lituanie a toujours
trie. De nombreuses nouvelles
eu un niveau de vie supérieur, et
entreprises viennent structurer les
pas seulement par rapport à la
abords des grandes villes lituaMoldavie, mais par rapport à l'enniennes rapidement, tandis que le
semble de l'Union Soviétique à
processus est long en Moldavie,
l'instar des deux autres pays
sachant par ailleurs que les usines
Baltes, tandis que la Moldavie a
sont en grand nombre implantées
toujours été d'une grande pauvredans le territoire sécessionniste de
té, malgré ses vignobles. Ensuite,
Transnistrie. Quant aux villes,
la Lituanie est de tradition cathoelles héritent d'un habitat conslique tandis que la Moldavie est
truit avec un matériau à l'usure
A la différence de la Lituanie, la Moldavie est profondément de tradition orthodoxe: cette égliorthodoxe et l'Eglise y détient toujours une grande influence. se, du moins une part importante
précoce (ces blocs de béton qui se
détachent...), avec des ascenseurs qui seraient immédiatement
de son clergé, ne brille pas par son ouverture vers l'Ouest et
réformés en France. Mais on doit admettre qu'il y a des
reste très présente dans la sphère politique. On voit ainsi que
conceptions d'urbanisme issues de la période d'avant 1990 perle chemin vers un futur plus prospère se dégage plus faciletinentes, telle la présence de magasins d'alimentation qui ne
ment pour la Lituanie. De plus, ce pays est soutenu par une
sont jamais trop éloignés des logements, et surtout des réseaux
très nombreuse et active diaspora.
de transports en commun extrêmement denses, même si le
Quant à la raison très actuelle des chemins aujourd'hui
confort des bus, trolleys ou minibus laisse encore à désirer!
divergents, on doit les situer dans le fait que la Moldavie est à
Les centres des villes dans les deux cas font l'objet d'une
peine dans l'antichambre de l'UE, alors que la Lituanie y est
efficace mise en valeur. Mais les infrastructures routières,
partie prenante. On doit espérer que les observateurs de la
aussi bien dans les espaces urbains qu'en dehors sont parveréalité moldave poseront toutefois un regard bienveillant sur
nues aux jeunes républiques dans un état pitoyable. L'effort
celle-ci, surtout comparée à celle aussi bien de la Roumanie
pour les rendre praticables, donc plus sûres, est gigantesque.
que de l'Ukraine, et ce malgré le conflit non réglé de la
En Lituanie, le processus avance plutôt bien ... C'est plus difTransnistrie.
ficile en Moldavie compte tenu du coût et du manque de
Patiemment, pas toujours avec rectitude, reconnaissonsmoyens. Mais peut être le pire de l'héritage soviétique est à
le, les Moldaves construisent un Etat de droit, tandis que la
voir dans le niveau élevé de corruption. On l'observe dans touRoumanie connaît des soubresauts inquiétants et que l'Ukraine
tes les sociétés qui ont subi un joug autoritaire (et même des
s'éloigne dangereusement de l'Ouest. Pendant ce temps, maldémocraties traditionnelles ne sont pas à l'abri de cette dérive).
gré son héritage aussi cahoteux que celui de ses voisins, malMais la corruption se révèle être un sport national dans ces
gré des conditions de développement économique peu favorapays, à l'instar de ce que l'on observe en Russie, en Ukraine,
bles, la Moldavie installe une organisation de ses institutions
en Roumanie, avec aussi des tendances au népotisme. Lituanie
stable. On doit lui souhaiter un avenir comparable à celui de la
et Moldavie n'échappent pas à ce travers qui fait l'objet de lutLituanie dans les meilleurs délais.
tes courageuses de personnalités, malgré les risques qu'elles
Gilles Ribardière
encourent.
(Moldavie.fr, portail francophone de la Moldavie)
17
Actualité
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Pays le plus pauvre
d'Europe… une image qui rapporte ?
Moldavie
A
Plus de marteau
ni faucille
18
Début juillet, le parlement moldave
a voté une loi condamnant les crimes
du régime communiste, lorsque le
pays appartenait à l'URSS, ainsi que
l'interdiction des symboles de l'époque, comme le marteau et la faucille. Le projet a été adopté par les 55
députés de la coalition pro-européenne, 7 membres du parti communiste
votant contre, deux s'abstenant et 36
quittant l'assemblée en signe de protestation. Rappelant les déportations
en masse, les famines organisées, les
collectivisations forcées, Mihai
Ghimpu, président du Parti Libéral et
ancien président de la République a
souligné "que c'était un devoir moral
de condamner ces crimes, qui ont
détruit méthodiquement la vie des
citoyens, la culture, les traditions,
l'histoire et la langue moldave".
Ciel européen
ouvert à la Moldavie
Bruxelles et Chisinau ont signé fin
juin deux importants accords qui rapprochent encore davantage l'UE et la
Moldavie dans la marche de celle-ci
vers un accord d'association et son
accès à la zone de libre échange. Le
premier inclut désormais la petite
République dans l'espace aérien européen, ce qui permet à toutes les compagnies internationales d'effectuer des
vols vers et depuis Chisinau, d'augmenter leurs fréquences, et devrait se
révéler tout bénéfice pour les passagers. Le second assure à la Moldavie
la protection de ses produits alimentaires et agricoles, en les référençant
sous le label européen, ce qui est de
première importance pour un pays dépendant beaucoup de son agriculture.
chaque retour de Moldavie, je me pose invariablement la même question…
qui turlupine tous ses visiteurs. Mais où se cache donc la misère dans ce
pays désigné comme étant le plus pauvre du continent européen ? Chisinau
est une capitale non seulement coquette mais aussi opulente. Les nombreuses voitures
sont de dernière génération, les passants habillés élégamment. Certes un ton au-dessous, les autres grandes villes ne déparent cependant pas. Alors faut-il chercher dans les
villages, à la campagne? Le décalage est net et on devine que la vie n'y est pas facile.
Mais, si on y rencontre la pauvreté, elle est digne. Personne ne meure de faim. Il y a des
écoles, de l'électricité partout, des dispensaires. Sans-doute, la population y souffre-telle de sous équipement et d'installations d'un autre âge. Bien sûr, le niveau des salaires moldaves est très faible, mais à l'évidence, il est décalé par rapport à celui du niveau
de vie qui paraît bien supérieur. Alors, les Moldaves disposent-ils d'autres ressources ?
Oui, celles que leur
envoient chaque mois,
justement par la Western
Union, leurs parents partis travailler à l'étranger.
Un quart de la population ! Et comme les
Moldaves aiment bien
"le paraître", il affichent
tout de suite la réussite
venue de leurs proches à
l'étranger par l'achat
d'une belle voiture ou de
vêtement dernier cri…
même si leurs ressourChisinau, ville moderne n'a rien à envier
aux autres capitales européennes.
ces sont très limitées.
Mais l'explication est-elle suffisante? Une autre version, entendue sur place et fournie par une Moldave ulcérée de voir son pays désigné sans arrêt comme étant le plus à
la traîne de l'Europe, me trouble. Et si cela n'était qu'un mythe, voire un "complot"?
Mon interlocutrice m'affirme qu'il n'existe qu'un seul rapport qualifiant la Moldavie, de
“pays le plus pauvre d'Europe". Il date de 2005 et émane de la Banque Mondiale. Mais
de façon étonnante, il serait impossible de mettre la main dessus. Les
institutions internationales et les
médias s'en sont emparés, le prenant
pour argent comptant, sans chercher
à approfondir, le diffusant largement
et ancrant cette idée dans les esprits.
Et cette Moldave "indignée" de
m'expliquer tout l'intérêt de ce "cliché" pourtant dévalorisant : des aides
plus abondantes venues de l'étranger
qui alimentent les caisses de l'Etat,
des projets humanitaires qui fleurissent, entraînant l'apparition d'associations chargées de les gérer. Dans
Dans les campagnes
c'est une autre Moldavie qui se révèle. un pays qui, pour de bon, est champion en matière de corruption, il est inutile de rajouter que beaucoup de ses fonds n'atteindraient pas leur véritable destination. Elucubration ? Des Français locaux interrogés, hochent la tête, manière d'acquiescer à cette explication…
Décidément, la Moldavie est insaisissable. Raison de plus pour venir la visiter et
s'en faire une idée…
Henri Gillet
Actualité
Les NOUVELLES de ROUMANIE
La libéralisation des visas ne changerait
pas grand-chose à l'activité des groupes criminels moldaves
Moldavie
La libéralisation du régime de visas vers l'UE accordés aux Moldaves n'influencerait pas dans une grande mesure les
activités des groupes criminels de ce pays, voire les gênerait, conclut un rapport d'une commission diligentée par la
Parlement et le conseil européen. La Moldavie en est actuellement à la phase 2 du processus visant à supprimer cette entrave à la libre circulation.
L
e rapport s'est notamment appuyé sur les données
res d'un passeport biométrique, d'autant plus que Bruxelles se
d'Europol qui indique que les groupes criminels
montre satisfait des mesures prises par le gouvernement molorganisés moldaves, en liaison avec des groupes
dave, notamment en matière de réadmission de ses ressortisrusses, sont déjà à l'œuvre dans au moins neuf des vingt sept
sants refoulés ou expulsés.
membres de l'UE, mais qu'ils n'y
Le rapport note que la
ont pas une position influente
Roumanie s'est montrée plus exidans la hiérarchie des actes délicgeante ces dernières années dans
tueux. Leur domaine d'intervenla délivrance de visas ouvrant le
tion se concentre sur le trafic d'êdroit des Moldaves à circuler
tres humains (travail forcé et
dans l'espace Schengen, le taux de
exploitation sexuelle), avec une
refus étant passé de 4,45 % des
forte propension au recrutement
demandes en 2009 à 7,6 % en
des victimes, l'immigration illé2011, la Bulgarie se montrant
gale, les escroqueries immobilièplus accommodante (de 7,49 % à
res, la fraude cybernétique, le tra0,58 %). Les rejets étaient basés
fic de cigarettes. La Moldavie est
essentiellement sur l'absence de
aussi, dans une moindre mesure,
justification des déplacements,
une terre de transit pour l'immides conditions de séjour, leur
gration illégale.
véritable motivation, les doutes
La suppression des visas ne
sur la certitude d'un retour.
La douane roumaine est le point de passage
changerait pas grand choses pour
Les principales destinations
obligé pour les Moldaves en partance pour l'Ouest.
les groupes organisés, qui se
des Moldaves sont la Russie et
débrouillent déjà dans ce domaine, mais pourrait faciliter l'acles anciennes républiques soviétiques, l'UE (dans l'ordre:
tivité des petites structures. En contrepartie, les Moldaves ne
Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Roumanie, République
seraient plus obligés d'avoir recours à leurs services.
Tchèque et Grèce jusqu'à la crise), la Turquie, les USA, le
L'objectif de la Moldavie est d'obtenir la libre circulation
Canada et Israël. Selon Eurostat, le nombre des Moldaves
de ses citoyens dans l'Espace Schengen pour les séjours de
enregistrés dans les différents pays de l'UE est passé de 89 000
moins de trois mois. La mesure pourrait s'appliquer aux titulaien 2006 à 191 000 en 2011 (sur 3,5 millions d'habitants).
Chisinau : de l'utilité de la visite de la Chancelière Angela Merkel…
L
a chancelière allemande, Angela Merkel, a
effectué une visite à
Chisinau le mercredi 22 août.
Pour l'occasion, la capitale moldave a sorti les grands moyens:
"Nous sommes en train de réparer à toute vitesse les routes, nous
bouchons les trous des canalisations, nous ramassons les ordures
qui gisent dans la rue", énumère
Ziarul de Garda. La chancelière
allemande est venue surtout pour
s'informer à la source sur le
conflit de Transnistrie, province
devenue sécessionniste voici 20 ans avec
l'appui de Moscou, mais aussi pour donner aux Russes un signal fort affirmant
que l'Allemagne a les yeux rivés sur cette
région, aux portes de l'UE,.
"Mais, pourquoi diable, se demande
le quotidien moldave, Merkel - ou
le vice-président américain Joe
Biden, en 2011 - devraient voir
d'excellentes routes moldaves,
quand la réalité est toute autre ?
C'est nettement préférable que les
étrangers qui s'égarent chez nous
ressentent la réalité, afin qu'ils
nous aident à nous en sortir".
"Mais, propose Ziarul de Garda, vu
que le ménage n'est fait qu'en cas
de visite officielle et pas quotidiennement, peut-être nous devrions
souhaiter que Merkel vienne plus
souvent chez nous, et que l'on dirige le convoi officiel par d'autres chemins
aussi. Ainsi, dans environs 10 ans tout
sera réparé"!
19
Actualité
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Economie
l
SATU MARE
BACAU
l
l
l
VASLUI
ARAD
BRAILA
l
l
BRASOV
TIMISOARA
PITESTI
l
l
CRAIOVA
l
l
TULCEA
l
TARGOVISTE
n
BUCAREST
GIURGIU
l
l
CONSTANTA
FMI : prévision de
croissance pour 2012
abaissée à 0,9%
20
a diminué de moitié en moins de 30 ans
exploitées jusqu'à épuisement
l
IASI
TARGU
MURES
l
Des terres agricoles
l
SUCEAVA
ORADEA
l
Le volume d'humus
Actualité
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Le Fonds monétaire international
(FMI) a revu à la baisse sa prévision
de croissance pour la Roumanie en
2012, à 0,9% contre 1,5% auparavant, du fait de la crise politique qui
secoue le pays, des turbulences dans
la zone euro et de la sécheresse. A
moyen terme, la croissance s'accélèrera pour atteindre 2%, ce qui n'est
pas un taux n'est pas très élevé pour
un pays émergent. La Roumanie a
renoué avec la croissance au deuxième trimestre 2012, avec une progression de son économie de 0,5% par
rapport au trois premiers mois de l'année. Elle a respecté l'objectif de déficit public pour la mi-2012, tandis que
le taux prévu pour l'ensemble de l'année, soit 2,2% du produit intérieur
brut, pourrait être atteint à condition
que les dépenses continuent à être
maintenues sous contrôle.
Dans le cadre des mesures promises par Bucarest, le prix du gaz sera
majoré de 5% pour les foyers et de
10% pour les consommateurs industriels à partir de la mi-septembre. Le
gouvernement s'est par ailleurs engagé à introduire en Bourse 15% du
capital du transporteur de gaz Transgaz et à privatiser le combinat chimique Oltchim avant la réunion du
conseil d'administration du FMI prévue en septembre. En proie à la récession, la Roumanie avait, en mai
2009, conclu un accord avec le FMI
et l'Union européenne portant sur un
prêt de 20 milliards d'euros en échange d'une réduction drastique des dépenses publiques. En mars 2011, le
pays a signé un nouvel accord assorti
d'un prêt de 5 milliards d'euros qui ne
seront utilisés qu'en cas d'urgence.
La majorité des terres agricoles roumaines sont exploitées jusqu'à épuisement
par de petits propriétaires en manque de moyens et la qualité des sols est en constante dégradation. Ainsi, dans certaines régions, le volume d'humus, la couche la
plus précieuse du sol, a diminué de moitié en moins de trente ans. Dans le même
temps, les Roumains épandent cinq fois moins d'engrais que les autres pays de
l'Union Européenne. Ce n'est pas par choix.
E
n Roumanie, l'étude agrochimique, obligatoire pour pouvoir acheter des
engrais, est coûteuse. Il s'agit essentiellement d'une "feuille de diagnostic"
qui recense les éléments nutritifs, les pesticides et les polluants présents dans
le sol. En fonction du déficit ou de l'excès de minéraux, elle établit une "ordonnance"
pour l'agriculteur, lui recommandant les substances à administrer et dans quelles proportions, ainsi que les plantes à cultiver pour obtenir une productivité maximale.
L'Union Européenne a promulgué des lois spéciales qui empêchent les agriculteurs
d'acheter de l'engrais chimique sans une étude agrochimique "à jour". On évite de cette
façon l'approximation dans l'ajout de produits chimiques dans le sol. La Roumanie
menait déjà cette politique avant la "Révolution" de 1989, mais l'analyse du sol était faite
systématiquement au niveau des CAP (Coopératives agricoles de production, organismes d'Etat qui mettaient les terres en commun pour gérer les cultures, distribuaient
chaque année le travail et fournissaient machines agricoles et engrais contre un pourcentage des cultures), les ingénieurs agronomes étant tenus d'étudier la composition du sol
afin de justifier leurs investissements en engrais.
Des analyses qui coutent les yeux de la tête pour les petits exploitants
Mais la "Révolution" a conduit à la fragmentation des propriétés et, les études agrochimiques étant onéreuses, la plupart des paysans n'ont plus les moyens financiers de les
faire faire pour des parcelles d'à peine quelques hectares. En réalité, la situation est
absurde: les
mêmes analyses coûtent
à un petit
agriculteur
près de quinze fois plus
cher qu'à un
grand propriétaire terrien.
Selon
Mihail Dumitru,l’actuel directeur
de l'Institut
de recherches pour la pédologie et l'agrochimie: "Si nous effectuons une série d'analyses sur une grande exploitation ou au niveau d'un terrain communal d'une superficie de
plusieurs milliers d'hectares, l'étude pédologique coûtera 20 lei/ha (5 euro), et l'étude
agrochimique 15 lei/ha. Mais, si la surface est faible, les prix à l'hectare augmentent
considérablement. Par exemple, pour un petit paysan qui n'a que 10 hectares, le prix se
situe aux alentours de 3 000 lei/ha pour les deux études. En fait, même si la commande
ne concerne que 10 hectares, nous devons recueillir le même nombre d'échantillons que
pour une surface de 50 à 100 ha".
En raison de ce prix prohibitif, les petits propriétaires n'ont pas fait ni ne feront dans
un avenir proche de telles études.
Actuellement, seuls 25 % de la superficie agricole de la
Roumanie ont bénéficié d'études agrochimiques. Elles ont été
réalisées par de grands propriétaires détenteurs de plusieurs
milliers d'hectares de terrain et par des propriétaires étrangers
qui ont acquis à ce jour près d'un quart des terres agricoles
dans le pays.
"Après moi, le déluge"
Faute de moyens, que ce soit pour financer des études de
sol ou acheter des engrais, la plupart des paysans ont préféré
obtenir des productions modestes avec des investissements
tout aussi modestes, épuisant ainsi les réserves de nutriments
du sol. Selon le principe en usage en Roumanie: "Je prends
tout ce que je peux cette année, et après moi le déluge", souligne l'agrochimiste Radu Lacatusi, chef du Laboratoire de
prévention et du combat de la pollution des sols et pour la protection de l'environnement dans l'agriculture. A ce rythme, la
Roumanie risque de manquer l'opportunité de devenir une
grande puissance agricole. Le directeur de l'Institut de pédologie avance quelques chiffres alarmants, conséquence de l'exploitation du sol jusqu'à épuisement : "Sur les 14,7 millions
d'hectares de terres agricoles ou les 9,3 millions d'hectares de
terres arables, environ 7,5 millions d'hectares enregistrent un
déficit d'humus. En outre, la Roumanie présente un niveau faible à très faible de phosphore sur 6,3 millions d'hectares".
De nombreux experts estiment que la Roumanie peut se
vanter d'avoir un sol propre, contrairement à la plupart des
pays occidentaux, qui pratiquent une agriculture intensive et
ont utilisé des produits chimiques à l'excès. C'est un faux
motif de fierté. On pourrait faire une comparaison caricaturale. Dans l'Europe de l'agriculture intensive, la terre agricole
serait comparable à un homme gavé d'additifs alimentaires.
Le sol roumain, quant à lui, serait représenté par un crève-
la-faim évanoui
au bord de la
route qui, certes,
ne consomme pas
d'additifs, mais
pour la simple
raison qu'il ne
mange rien.
Le pédologue Mihai Toti a étudié le taux de dégradation
de l'humus dans le pays: "Au début du XXe siècle, la teneur en
humus des sols du Baragan (dans le sud du pays) était de 5 à
6 %. A la fin du même siècle, elle est tombée aux environs de
3 %. C'est une diminution de quasiment 40 à 50 %".
Se remettre à produire du fumier
Bien que l'application d'engrais chimiques à doses bien
calculées puisse estomper les carences en azote, en phosphore
et en potassium, la restauration de l'humus dégradé est plus
délicate. Mihail Dumitru explique: "L'humus ne peut se rétablir que si des engrais organiques sont appliqués. En utilisant
jusqu'au dernier gramme de fumier en Roumanie, nous pourrions fertiliser, à raison de 13 tonnes par hectare, environ
700 000 hectares. Pour diverses raisons, nous n'en fertilisons
même pas la moitié, et depuis soixante ou soixante-dix ans on
ne le fait que sur de petites surfaces, dans les zones de montagnes ou de collines où il n'y avait pas de CAP".
Ainsi, selon Toti, pour régénérer la couche d'humus, "il
serait peut-être bénéfique de se remettre à élever du bétail, qui
produirait du fumier et permettrait de faire du compost. Il ne
faut pas non plus négliger l'idée d'utiliser les boues des stations d'épuration que l'on peut épandre pour améliorer le rendement des terres pour les grandes cultures".
Daniel Befu (Romania Libera)
Indicateurs généraux Roumanie-Bulgarie en 2011
ROUMANIE
- Superficie
- Population
- Croissance démographique
- PIB
- PIB par habitant
- Taux de croissance
- Taux de chômage
- Taux d'inflation
- Dettes publiques
- Déficit budgétaire
- Part de l'agriculture
dans le PIB
- Salaire mensuel moyen
- Fonds UE 2007-2013
disponibles, engagés, absorbés
BULGARIE
237 000 km²
19 042 936
- 0,25 %
134,8 milliards €
5 700 € (contre 3 700 € en 2005)
2,5 %
12 %
3,14 %
34,5 % du PIB
- 4,35 %
110 911 km²
7 350 000
- 2,8 %
34,1 milliards €
4 475 € (contre 2 800 € en 2005)
1,6 %
12,2 %
2,8 %
15,3 % du PIB
- 2,1 %
9,3 %
305 €
10,1 %
180 €
19,7 milliards €, 15 %, 4 %
6,9 milliards €, 19 %, 19 %
21
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Actualité
Social
SUCEAVA
l
ORADEA
l
BAIA
MARE
ARAD
IASI
l
l
l
l
SIBIU
l
l
l
VISCRI
GALATI
l
BRASOV
TIMISOARA
PITESTI
CRAIOVA
l
BUZAU
l
n
l
La passion de l'héritier de la couronne britannique pour la
Transylvanie n'est plus un secret. Amoureux de la région, de ses
paysages et de son patrimoine, il y possède plusieurs maisons.
Après Sighisoara et Viscri, il a acquis Valea Zalanului, devenue
l'une de ses résidences. Et quand Charles n'est pas là, elle se
transforme en maison d'hôtes. La revue Regard s'y est invitée.
l
SLOBOZIA
l
CONSTANTA
Renault investit
250 millions d'euros
22
Une nuit chez le Prince Charles
l
TULCEA
l
BUCAREST
Renault investira plus de 250
millions d'euros en Roumanie sur
l'ensemble de 2012.
Ses projets comprennent une
nouvelle ligne de production automatisée de haut tonnage, qui doublera la capacité de l'unité de fonderie d'aluminium de Dacia et qui
augmentera de 30 % sa capacité
de production de boîtes de vitesses.
Renault a investi près de 2
milliards d'euros en Roumanie
depuis sa prise de contrôle de
Dacia il y a 12 ans.
Agriculture :
bonne année 2011
L'année dernière a été particulièrement bonne pour l'agriculture
roumaine qui a généré 76,5
milliards de lei (environ 16,6
milliards d'euros), soit près de 9%
de mieux qu'en 2010, selon
l'Institut national des statistiques
(INS).
La structure de la production a
également été modifiée en 2011
par rapport à 2010. La part des
récoltes a en effet augmenté de 67
à 70%, alors que celle de la production animale a diminué, passant de 32 à 28%. Les cultures de
céréales, de pommes de terre et
de plantes oléifères ont elles aussi
connu une augmentation, représentant plus de la moitié de la production végétale de Roumanie. La
production animale reste dominée
par le l'élevage de bovins (30%),
la volaille et le porc représentant
respectivement 20 et 17%.
L
'étude "pauvreté, exclusion sociale, et opportunité de travail pour les jeunes des
milieux ruraux", financée par le Fonds social européen, montre des chiffres alarmants sur les conditions dans lesquelles vivent les jeunes roumains des milieux
ruraux. Alors que les jeunes représentent seulement 28% de la population à la campagne,
ils sont également les plus affectés par la pauvreté. En 2011, 42,8% des foyers composés
de personnes entre 16 et 35 ans se trouvaient dans une pauvreté relative dans les milieux
ruraux, alors que ce taux concernant la population totale rurale est de 37,1%. 20,2% des
foyers composés de jeunes ruraux vivraient quant à eux dans une pauvreté absolue. Selon
l'étude, les plus exposés au risque de pauvreté sont les foyers avec deux enfants ou plus,
les personnes ayant un niveau d'éducation faible (niveau collège), celles restant à domicile, celles sans activité, celles
travaillant dans des secteurs
informels et les Roms. En effet,
15% des jeunes se trouvant dans
cette situation de pauvreté absolue appartiennent à la communauté rom.
La majorité de ces jeunes
travaillent dans leurs propres
foyers, c'est à dire dans le
domaine de l'agriculture de subsistance. Ayant peu de revenus,
ils cohabitent à plusieurs générations au sein d'un même Le village de Ciuturesti, commune d’Odobesti, près de Bacau
foyer, vivant grâce au salaire ou la retraite d'un de leurs parents. Ils se marient et ont des
enfants plus jeunes que ceux des milieux urbains. L'étude montre aussi qu'il existe une relation très forte entre la pauvreté et l'exclusion sociale, étant donné la difficulté que ces jeunes rencontrent à gagner leur vie grâce à l'agriculture de subsistance. Ayant aussi un niveau
d'éducation faible, il est difficile pour eux de trouver des postes qualifiés avec un salaire
correct. L'une des seules alternatives qu'ils auraient est d'immigrer à l'étranger.
Julia Beurq (Lepetitjournal.com)
Les Roumains travaillent le plus dans l’UE
S
elon Eurofund (organisation
dépendant du Conseil de
l'Europe), avec 41,3 heures par
semaine, les Roumains sont ceux qui ont la
plus longue durée hebdomadaire de travail
dans l'UE, dont la moyenne est de 39,7 heures (39,5 heures dans la zone euro).
Cette moyenne ne prend en compte que
le travail principal et exclut les autres formes de labeur. Ils sont suivis par le
Luxembourg (40,7 h), l'Allemagne (40,6
h), l'Estonie et la Grande Bretagne (40,5 h),
l'Autriche et la Bulgarie (40,3 h), la
République Tchèque et la Pologne (40,2 h).
Les Finlandais avec 37,8 h ferment la marche, travaillant 3,5 heures hebdomadaires
de moins que les Roumains ou 4,5 semaines annuellement.
En prenant en compte les congés, ce
sont les Français qui sont les mieux lotis
(35,6 h), justifiant leur réputation. Avec 21
jours de congés payés, les Roumain sont à
l'avant dernière place, suivis toutefois par
un bloc de dix pays, en majorité d'Europe
de l'Est: Hongrie, Estonie, Pologne,
Lettonie, Lituanie, Slovénie, Bulgarie,
Slovaquie, Chypre, Belgique (20 jours).
Allemands, Danois et Français sont les plus
privilégiés.
Les Roumains sont toujours en queue
de peloton avec en moyenne 6 jours chômés ne tombant pas un dimanche (Pays
Bas, 5 en 2010), les autres pays variant
entre 7 et 12 jours (Malte et la Slovaquie),
le record appartenant à l'Espagne et ses
fêtes religieuses (14 jours).
L'héritier de la couronne britannique
possède plusieurs maison en Transylvanie
Evénements
Les chiffres, publiés dans l'étude "pauvreté, exclusion sociale, et opportunité de
travail pour les jeunes des milieux ruraux", réalisée dans le cadre d'un projet européen, sont alarmants. Presque la moitié des foyers composés de jeunes roumains
vivraient dans une pauvreté relative, dans les milieux ruraux.
l
TARGU
MURES
ALBA IULIA
Jeunes, pauvres… et ruraux
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
T
rois jours plus tôt, le prince Harry avait emprunté
exactement le même chemin, perdu au milieu des
collines du département de Covasna. Cette longue
route caillouteuse mène à Valea Zalanului ou Zalanpatak
comme l'appellent les Hongrois, majoritaires. Un petit village
de 120 âmes, coupé de tout, où les ours et les oiseaux sont plus
nombreux que les voisins. Les portables ne captent que sous
un arbre bien précis, connu des seuls habitants. C'est dans ce
bout du monde que le "bad boy" de la famille royale britannique est venu passer le week-end de Pâques, cette année. Plus
exactement dans la dernière maison du village. Celle rachetée
et rénovée par son père, Charles, en 2008, un amoureux de la
Transylvanie.
faire le plein d'énergie", confie le Comte Tibor Kalnoky.
Proche du Prince Charles (il a notamment été invité au
"mariage du siècle", de William et Kate), il s'est chargé de la
rénovation de cette demeure, en assure la gestion, et entreprend de conter son histoire…
"Ici, il retrouve tout ce qu'il aime"
"Ce village a été fondé par mon ancêtre qui est aussi un
lointain ancêtre du Prince Charles, et s'est développé autour de
la manufacture de verre au 17ème siècle. Cette maison, un peu
isolée, plus imposante que les autres, était celle du contremaître ; jusqu'en 2008, elle était habitée par une vieille dame. A sa
mort, j'ai convaincu le Prince de la racheter et la rénover",
explique le Comte, dans un français parfait. "Ici, il retrouve
tout ce qu'il aime en Transylvanie: l'harmonie entre la nature,
sauvage, préservée, la culture et le mode de vie traditionnel".
"Tout n'est que luxe, calme et volupté…"
L'ombre du Prince plane entre ces murs. Sur une poutre,
le Comte a fait graver "Cette maison a été rénovée par Tibor
Derrière un large portail
Kalnoky pour le Prince de
de bois, la propriété apparaît
Galles". Une photo du prince
enfin. Deux maisonnettes
héritier trône sur un secrétairénovées de façon traditionre. Dans "sa" chambre, les
nelle, l'une abritant les chambsavons sont made in
res, dont la "suite royale".
Highgrove, la fondation enviL'autre, dont la façade est frapronnementale du Prince. "II
pée des armes du Prince de
est présent partout, confirme
Galles, héberge la cuisine et
Tibor Kalnoky. Il s'est forteune grande salle de vie, qui
ment impliqué dans les trafait office de salle à manger,
vaux, a donné son avis sur
salon, salle de lecture ou de
tout, des plans à la couleur
causerie au coin du feu. Entre
des rideaux! Il a lui-même
les murs, tout est raffiné, de
apporté de nombreuses peinUn prince sans manières avec les paysans du coin.
bon goût et une attention
tures pour orner les murs".
minutieuse est prêtée au moindre détail. Dehors, la nature,
Mais pour transformer la maison paysanne délabrée en
sauvage et préservée, apaise et suspend le temps. Dormir entre
résidence royale, il a fallu trois ans. Les plans ont été dessinés
des draps brodés, dans un lit en bois massif. Se balader sur les
par l'architecte roumaine Silvia Demeter- Lowe, et les travaux
crêtes en observant les orchidées. Guetter les ours au crépusréalisés par l'équipe d'artisans du Comte, qui a déjà restauré
cule. Dîner face au feu de bois, en dégustant une palinka au
plusieurs demeures rétrocédées à la famille Kalnoky en
cumin et une excellente cuisine paysanne. L'invitation au
respectant les techniques traditionnelles. Ici, pas de termopan
voyage est devenue réalité, "tout n'est que luxe, calme et
qui tienne, tout se fait "à l'ancienne", comme le résume un des
volupté…".
six artisans, occupé à "passer un mur à la chaux". Le mobilier,
Zalanpatak n'est pas la première propriété du Prince
lui, a été récupéré et acheté dans la région, et restauré par des
Charles en Transylvanie. Mais "ici, c'est différent; Zalonpatak
artisans locaux. Traditionnel et local, tels sont les deux maîtest vraiment LA maison roumaine du Prince, sa résidence,
res mots du projet de développement qui accompagne cette
comme le prouve la visite de sa famille. C'est là qu'il vient
restauration.
(à suivre page 24)
23
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Evénements
A Vidin,
l
BOTOSANI
ORADEA
l
CLUJ
l
IASI
l
TARGU
MURES
l
CHISINAU
P. NEAMT
l
l
l
ARAD
BRASOV
l
l
TIMISOARA
SIBIU
l
GALATI
BRAILA
l
l
Une deuxième passerelle vers
Après plus de vingt ans de péripéties, le deuxième pont sur le Danube reliant
la Bulgarie à la Roumanie est sur le point d'être achevé. Côté bulgare, l'espoir est
enfin revenu à Vidin, une des villes les plus pauvres d'Europe.
l
TULCEA
CRAIOVA
l
l
CALAFAT
n
CONSTANTA
BUCAREST
GIURGIU
l
l
(suite de la page 23)
Maison d'hôte quand
le Prince n'est pas là
24
"Notre objectif est de montrer comment on peut rénover une maison
sans dénaturer son caractère, développer une certaine forme de tourisme
pour contribuer à ce que les gens gardent leur style de vie, préservent le
patrimoine, tout en ayant un meilleur
niveau de vie", détaille le Comte.
Ainsi, quand le Prince n'est pas là - 51
semaines sur 52 - Zalanpatak se fait
maison d'hôtes et accueille touristes
étrangers (essentiellement britanniques) et roumains, et offre balades
nature, observation des oiseaux, visite
de la région, sous l'égide de Gabor, un
jeune Hongrois.
M
ais il est là, le pont!" Deux hommes aux cheveux gris contemplent, au
loin, les méandres du Danube à la sortie de Vidin (nord-ouest de la
Bulgarie). Le soleil inonde de lumière les rives du plus grand fleuve
d'Europe et, juste après le virage, on aperçoit l'impressionnante structure de ce pont qui
déploie sa stature entre Vidin la bulgare et Calafat la roumaine. Cette fois-ci le second
pont sur le Danube entre les deux pays est en passe de devenir une réalité (le premier
relie, 250 km
plus à l'est, la
ville de Ruse
à celle de
Giurgiu et il
date de 1954).
"Nous l'avons
bien mérité ce
pont", confie
Misho, barbier à Vidin.
"Nous l'avons
attendu si, si
Côté bulgare, on mise sur le pont, en phase d'achèvement, longtemps et,
pour développer une des régions les plus pauvres d'Europe.
a u j o u rd ' h u i ,
c'est notre seul espoir", poursuit-il. En 2011, l'office des statistiques Eurostat avait
publié des données indiquant que le nord-ouest de la Bulgarie était la région la plus
pauvre de l'UE. Ici, le PIB par habitant s'établissait à 2600 euros en 2007 (il était de
96 000 euros par habitant la même année à Londres). Avec un PIB équivalent à 28 %
de la moyenne de l’UE, c'est la municipalité de Vidin qui était en queue du classement.
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
l' Europe sur le Danube, à la frontière bulgaro-roumaine
le pont de tous les espoirs
Un géant de près de deux kilomètres
Ce n'est qu'en 2007 qu'a été choisie l'entreprise de construction, l'espagnol FCC Construcción. Maintenant, tout le
monde a les yeux rivés sur novembre 2012: à cette date, dernier carat, le pont sera livré, jure un ingénieur travaillant sur
l'immense chantier situé au bord de l'eau. Aujourd'hui, près de
91 % des infrastructures accompagnatrices et 81% du pont à
proprement parler sont déjà construits. La longueur de l'ouvrage atteindra, en tout, 1 971 mètres et, outre la double voie destinée aux véhicules, une voie sera réservée aux piétons et aux
Chaleur et sécheresse, calamités de l'été
D
e nombreuses régions n'ayant pas reçu une goutte de pluie pendant trois
semaines en juillet, la Roumanie a été confrontée cet été à une des pires sécheresses de son histoire. Il faut ajouter des températures caniculaires, sans discontinuer depuis la mi-juin jusqu'à la mi-août (plus de 40° pendant des semaines consécutives) époque à partir de laquelle une relative fraîcheur (25-30°) s'est installée sur le pays,
entrecoupée d'orages ravageurs (notre photo: des grêlons gros comme des œufs à
Botosani).
Les zones les plus affectées par la sécheresse se trouvent dans l'est (Vaslui, Braila, Vrancea-Focsani), le sud et le sud est (DoljCraiova, Teleorman-Alexandria, Giurgiu, Calarasi, Ialomita-Slobozia), en Transylvanie (Cluj, Alba, Salaj-Zalau, Mures, CovasnaSfântu-Gheorghe), où 80 à 100 % des cultures ont été compromises. Ainsi ont été affectées les récoltes de maïs, pommes de terre
et tournesol dans le judet de Salaj, de maïs, blé, orge, tournesol, betterave sucrière et fourrage dans celui de Iasi, de pommes de
terre et céréales dans le Covasna, de maïs, melons et pastèques, moutarde et tabac dans le Dolj. Le niveau des rivières est souvent
tombé à moins de 20 % de leur débit à cette époque, le Prut a même été effacé sur 20 kilomètres entre Bolesti et Mircesti et la
Moldova totalement asséchée sur une grande partie de son parcours. La navigation sur le Danube a été rendue quais impossible à
plusieurs endroits. Les paysans pauvres ont été les premiers à souffrir de cette situation, ne pouvant plus nourrir ou abreuver leur
bétail, se séparant de leurs vaches, porcs ou chevaux à vil prix.
Le jour où la pluie viendra…
Traverser le Danube ne prendra plus que dix minutes
23 personnes - toutes du village et
de la région -travaillent actuellement
entre Zalanpatak et Miklosvar (propriété du Comte, autre maison d'hôtes), et
la majorité des produits - nourriture et
matériaux pour les travaux de rénovation - sont achetés sur place. Au-delà
de ces bénéfices directs, la présence
de Charles dans le village, qui possède par ailleurs d'autres maisons dans
le Maramures, "est un vrai atout pour
la Roumanie", estime le Comte
Kalnoky "il contribue à diffuser une
image positive du pays". A en croire la
rumeur villageoise, le Prince devait
revenir dans sa casa du bout du
monde une autre fois dans l'année.
Marion Guyonvarch (Regard)
Le nouveau pont va-t-il pouvoir inverser cette triste réalité ? Le maire de la ville,
Guergo Guergov, y croit. "Les conditions fiscales avantageuses attireront bon nombre
d'investisseurs étrangers, notamment de Roumanie", espère-t-il. "La communication
entre les deux rives du Danube deviendra beaucoup plus dynamique. Avec le nouveau
pont, traverser le fleuve ne prendra que dix minutes, alors qu'aujourd'hui on attend des
heures pour monter sur une barge. A 80 kilomètres d'ici, en Roumanie, se trouve un
important pôle administratif et économique, la ville de Craiova", poursuit l'édile, dont
la ville est aussi connue en Bulgarie pour être la plus endettée et la plus touchée par le
déclin démographique.
Mais là aussi Guergo Guergov est optimiste: il cite l'étude d'un expert allemand
selon lequel, dans les cinq prochaines années, la ville de Vidin sera méconnaissable
grâce au souffle économique apporté par le pont.
Ce pont, quelle histoire tout de même. Cela va faire un siècle que l'on en parle ! Le
projet a connu une accélération en 1991, après les premières élections démocratiques
en Bulgarie. Depuis, tous les gouvernements qui se sont succédé se sont engagés à la
construire - en vain. Il y a douze ans, grâce aux pressions européennes, Bucarest a officiellement donné son accord à la construction d'un deuxième pont sur le Danube.
Les habitants de Vidin étaient en liesse. Mais aucun d'entre eux ne pouvait imaginer que cela prendrait encore tant d'années pour en voir le bout: de nombreux ajournements, des scandales à répétition et d'interminables négociations ont ponctué la réalisation du projet.
cyclistes; les trains pourront y circuler à la vitesse de 160
km/h.
Pour l'instant, le pont est érigé entre les rives du Danube
dans une solitude quasi galactique : on n'y trouve aucune trace
de stations-service, de restauroutes, de boutiques de souvenirs
ou de tout autre commerce qui pourrait profiter de l'afflux de
marchandises et de touristes. Peut-être parce qu'il est trop tôt.
Ou peut-être parce que les commerçants de Vidin ont encore
du mal à croire qu'en novembre prochain un géant de près de
2 kilomètres de béton et de fer reliera leur ville à la Roumanie.
Lioudmila Stankova (Troud)
M
i-juillet,
l'Eglise
orthodoxe
roumaine a appelé dans
un communiqué tous ses
hiérarques mais aussi les
croyants de tout le pays
à intensifier leurs prières pour "des pluies calmes et utiles". La
Patriarchie, qui cite un verset de l'Evangile selon Saint Marc,
estimait qu'il s'agissait de la seule solution pour stopper la
sècheresse qui affecte gravement les cultures agricoles. Son
incantation s'est toutefois arrêtée là… de peur peut-être de tenter le Diable et provoquer un nouveau Déluge dans la région.
Les géologues américains William Ryan et Walter Pitman
ont présenté en effet en 1998, à partir d'une campagne de
recherche américano-russe en mer Noire de 1993, des données
indiquant un passage assez brutal dans les carottes d'un niveau
d'eau douce à un niveau d'eau salée qu'ils datent d'il y a 7500
ans; ils pensent tenir là la preuve de la re-connexion de la mer
de Marmara avec la Mer Noire qui s'est produite alors par l'entrée de l'eau de mer par le Bosphore. Leur théorie est fondée
sur une série d'allers-retours dans l'évolution du niveau marin
au moment de la fin des glaciations.
Ovide, qui fut exilé à Constantsa, évoque en ces termes
dans les Métamorphoses, ce déluge de la Mer Noire, de façon
peut-être un peu anachronique et parfois excessive (le LSD
était inconnu à l'époque), mais très saisissante: "Débordés, les
fleuves s'élancent à travers les plaines découvertes; avec les
récoltes, ils emportent les arbres, les troupeaux, les hommes,
les maisons, les autels domestiques et leurs objets sacrés. Si
une maison est restée debout et a pu résister à un tel désastre
sans s'écrouler, son faite disparait englouti par les eaux et leur
assaut fait chanceler les tours dans l'abime… /.../ l'immense
débordement des eaux avait recouvert les collines ; des flots
jusqu'alors inconnus battaient le sommet des montagnes".
Selon Apollodore, "tous les hommes furent anéantis, à l'exception de quelques-uns qui s'étaient réfugiés sur le sommet des
montagnes proches".
Est-ce en mémoire de ce cataclysme que les Grecs ont d'abord baptisé la Mer Noire "Axine" c'est-à-dire "la mer inamicale", avant qu'elle ne devienne plus tard Euxine (ou PontEuxin) c'est-à-dire "la mer amicale" ?
25
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Société
Evénements
l
ORADEA
SATU
MARE
l
l
SIMLEU
ARAD
SUCEAVA
TARGU
MURES
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IASI
BACAU
l
l
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TIMISOARA
GALATI
HUNEDOARA
BRAILA
l
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C. DE ARGES
TULCEA
l
l
CRAIOVA
l
l
n
BUCAREST
GIURGIU
l
SLOBOZIA
l
CALARASI
Chambre à gaz
d'Auschwitz
reconstituée à Simleu
26
Logan, Sandero, Duster occupent
désormais le haut du pavé sur le marché de l'automobile en France
Mais qui sont ces gens
qui achètent des Dacia, voitures low cost ?
l
l
l
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Le musée de l'Holocauste de
Transylvanie, à Simleu Silvaniei (jud
Zalau), va bientôt proposer à ses visiteurs la reconstitution fidèle d'une
chambre à gaz du camp de concentration nazi d'Auschwitz (Pologne). Ce
projet fait partie d'un vaste plan de
réhabilitation du musée qui se situe
dans l'ancienne synagogue de la ville.
Par ailleurs, selon le directeur du
musée, Daniel Stejeran, un centre
pour l'étude de l'Holocauste verra également le jour dans cette petite ville.
Les travaux devraient être finalisés
d'ici la fin de l'année.
Trois modèles Dacia achetés en six ans. Michel Esteban, la soixantaine, est un
ambassadeur tranquille de la marque low cost roumaine du groupe Renault. Pas
flambeur, insensible aux regards que ses voisins pourraient poser sur sa Logan
dont l'élégance n'a rien à envier à un bunker soviétique. Philippe Vion-Dury, étudiant, est allé l'interviewer pour Rue 89 et tente de dresser le profil de ces automobilistes qui se moquent bien du "Qu'en dira-t-on".
J
e suis passé de la Renault Scénic à la Dacia Logan il y a six ans. Et puis,
quand la garantie de trois ans a expiré, j'ai acheté une Sandero. Là, je viens
de commander un 4x4 Duster mais celle-là, je la garderai pour ma retraite."
Michel Esteban n'est pas le seul en France. Depuis son rachat par Renault en 1999, la
gamme Dacia s'impose comme la plus spectaculaire réussite sur le marché hexagonal
en avoisinant l'année dernière les 5% de part de marché, soit 100 000 unités vendues.
Dacia a doublé en juillet le nombre de ses immatriculations alors que le marché
automobile français repartait en nette baisse (moins 7%) et que PSA annonçait la suppression de 8000 suppressions d'emplois en France et
la fermeture du site d'Aulnaysous-Bois. Un phénomène de
société. Certains heureux propriétaires poussent même la
fierté de leur nouvelle acquisition jusqu'à se rassembler
par milliers pour les désormais célèbres "grands piqueniques Dacia".
"Mes motivations étaient essentiellement pratiques parce
que je n'attache aucun intérêt à ce genre d'objets, donc ce qui
importait, c'était le faible coût et le fait que ce soit un GPL".
Cliché ? "En fait, je ne suis pas un militant antisnob! Mais
c'est vrai que pour acheter une Dacia de type Logan ou
Sandero, il faut renoncer à l'image sociale que peut procurer
la possession de tel ou tel autre véhicule".
La marque low cost peut donc remercier son bébé à quatre roues motrices. "Ce qui est marrant, c'est qu'avec les modèles 4x4, les publicistes ont réussi à "déringardiser" cette
marque, qui peut maintenant mordre sur un public plus bourgeois ou bobo".
L'antibagnole devient à la mode
Mais alors, qu'est-ce qui est ringard ? Avoir une Dacia ou
prendre de haut leurs propriétaires ? Les premiers, enthousiastes, vous vendront leur choix mieux qu'un commercial ne le
ferait, et les seconds éluderont soigneusement la question, en
se contentant de répondre par un laconique "C'est du low cost,
il en faut bien". Une réponse qui résonne étrangement avec le
désormais célèbre "on va quand même pas débourser si peu"
de la pub pour le Duster.
On ne sait si ce bon coup de pub - déjà expérimenté par
Le ministre de la Culture met fin à des fouilles
archéologiques dérangeant son idéologie
Ni complexe, ni panne
Sucre: trafic de TVA
256 perquisitions ont eu lieu fin
juillet dans tout le pays en vue de
démanteler un réseau organisé spécialisé dans l'évasion fiscale et dans
lequel serait impliqué le sénateur
Cezar Magureanu, a indiqué le
Parquet anti-terrorisme (DIICOT). Ce
groupe de malfaiteurs aurait notamment mis en place un circuit complexe
d'import et d'export de sucre par
lequel ils récupéraient illégalement
auprès de l'Etat roumain la taxe sur la
valeur ajoutée (TVA). Entre 2010 et
2012, le préjudice causé aux caisses
publiques aurait été de plus de 40
millions d'euros par an. Plusieurs
hauts fonctionnaires du Fisc seraient
impliqués.
Ainsi, Michel, qui voit
passer des voitures toute la journée au parking Vinci où il travaille, fait donc partie de
cette génération de "Daciaphiles" décomplexés que d'autres appelleraient des "ringards" (à prononcer en plissant le nez). "Je ne me suis jamais senti mal à l'aise à être
vu au volant d'une Dacia. On trouve de tous les profils. D'ailleurs, beaucoup de femmes conduisent des Duster et ça se comprend, cette voiture est sensationnelle".
Jean-François Larato, commercial chez un concessionnaire Renault à Echirolles
en Isère, confirme la tendance: "Quand la Logan est sortie il y a six ans, elle visait un
nouveau marché: plutôt qu'acheter une voiture d'occasion, autant en acheter une
neuve mais low cost. La clientèle était surtout composée de personnes âgées puis de
jeunes qui avaient besoin d'une petite voiture, pas très sexy mais au prix vraiment
attractif. Puis, avec le temps, une nouvelle clientèle est apparue, surtout attirée par la
simplicité et la fiabilité technique plutôt que par le prix".
Selon une étude de Que Choisir, 93% des propriétaires n'ont pas eu de panne
depuis leur achat. La marque se classe ainsi devant BMW sur l'échelle de fiabilité.
"Contrairement à ma Scénic qui me coûtait très cher au garage, je n'ai eu aucune
panne en six ans avec mes Dacia", confirme Michel. "A l'entretien de contrôle technique, ils m'ont même demandé de freiner un peu plus pour qu'ils puissent me changer
les plaquettes", continue-t-il amusé.
"Je ne suis pas un militant antisnob !"
"J'ai une Dacia parce que je déteste les voitures", résume un autre Michel, officier de police. Nouveau propriétaire d'une Sandero GPL, ses priorités et critères en
matière d'achat automobile ne s'embarrassent pas de considérations esthétiques.
Renault pour sa Clio: "Pas assez cher, mon fils!" - est le seul
responsable du raz-de-marée du modèle Duster en France qui,
à lui seul, s'arroge presque 2,5% de parts de marché.
De fait, c'est l'antibagnole, l'antivéhicule destiné à valoriser l'ego social et phallique, la vraie voiture branchée, celle
appelée de ses vœux par un riverain de Rue89. Sans tableau de
bord électronique qui fait croire au conducteur qu'il pilote un
Boeing.
Raphaëlle, vétérinaire parisienne de 35 ans, propriétaire
d'une Sandero, raconte:
"Mon père avait une Lada, il y a trente ans. Ses potes se
moquaient de lui, il était chirurgien.
"Tu sais pourquoi les conducteurs de Lada se font des
appels de phares ?
- Parce qu'ils se sont croisés le matin chez le garagiste".
Il m'a donné le goût des voitures rustiques et, aujourd'hui,
ceux qui se retrouvent plus souvent qu'à leur tour chez les
garagistes, ce sont tous ceux qui ont des voitures dont même
le clignotant fonctionne par ordinateur."
Pour le "made in France", il faudra passer par un autre
modèle de Renault, ou même une Toyota fabriquée sur le site
de Valenciennes. Les Dacia, produites en Roumanie, sont seulement "made in Europe".
Philippe Vion-Dury, Etudiant (Rue 89)
Origines princières et pratiques obscurantistes
U
n projet de fouilles archéologiques vise à déterminer par
le biais de prélèvements
ADN les origines des princes qui constituèrent la Roumanie médiévale. Mais le
ministère de la Culture a immédiatement
mis fin aux recherches, reprenant des pratiques obscurantistes d'une autre époque.
Jeudi 28 juin, dans l'église princière
(Biserica Domneasca) de Curtea de Arges
(sud), un groupe de chercheurs ouvre le
tombeau du prince roumain Vlaicu Voda.
Près de 700 ans après sa mort, les archéologues roumains découvrent alors un
squelette jauni par le temps, sur lequel ils
prélèvent une phalange de la main gauche, une molaire et un métatarse.
Le but de cette opération est de déterminer les origines de ce prince roumain
qui domina la Valachie entre 1364 et
1377. "Certains chercheurs lui attribuent
depuis peu des possibles origines coumanes, un peuple originaire d'Asie", note
Alexandru Simion, l'un des archéologues
participant aux fouilles.
L'exhumation du prince Vlaicu Voda
n'est que la première étape d'un vaste projet - au départ initié par le ministère de la
Culture - et visant à déterminer l'origine
de la première dynastie féodale de
Roumanie: la famille Basarab qui donna
à la Roumanie médiévale la majorité de
ses princes. Des prélèvements ADN doivent mettre fin aux interrogations et permettre aux Roumains de savoir quels ont
été les personnages historiques qui ont
permis la constitution de leur Etat.
"L'histoire restera
telle qu'elle est"
Mais remuer l'histoire peut parfois
déranger
quelques
susceptibilités.
Fraîchement nommé, le ministre de la
Culture Puiu Hasotti (notre photo) a mis
fin aux aspirations des chercheurs roumains "par respect pour ce qu'ont représentaient les princes de Valachie (…).
L'important est qu'ils se sont sentis roumains. Les prélèvements ADN, qui présupposent l'exhumation de ces voïvodes,
n'est que peu significative face à l'empreinte qu'ils ont eue sur le peuple roumain et son histoire", a-t-il déclaré.
Dans un entretien datant de 2007,
l'historien Neagu Djuvara parlait déjà des
possibles origines coumanes de la lignée
des Basarab. "Le peuple roumain a pu,
comme le fameux melting pot américain,
romaniser très rapidement toutes les
populations païennes qui sont passées
chez nous et y sont restées", note l'historien. Et Alexandru Simion de conclure :
"L'arrangement du passé (...) existe
depuis le 19ème siècle, les communistes
ont d'ailleurs repris ces pratiques et les
ont poussées à l'extrême".
Jonas Mercier
(www.lepetitjournal.com/Bucarest)
27
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Evénements
Le plus célèbre palace de la Côte d'Azur
Le Negresco
SUCEAVA
BAIA
MARE
l
l
ORADEA
ARAD
SIBIU
l
l
l
TIMISOARA
TG. JIU
l
T. SEVERIN
l
IASI
l
TARGU
MURES
l
FOCSANI
l
l
PLOIESTI
GALATI
l
l
l
BUZAU
l
CRAIOVA
l
n
BUCAREST
porte le nom de son créateur: le fils prodigue d'un aubergiste tsigane de Bucarest
fête son centenaire
CHISINAU
l
BRASOV
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
CONSTANTA
l
Peu de clients du Negresco savent que le célèbre palace de la promenade des
Anglais à Nice porte le nom de celui qui l'a fait construire et en fut le premier propriétaire: un Roumain de génie, d'origine tsigane, qui avait fait une prodigieuse
carrière dans l'hôtellerie européenne avant de doter la côte d'Azur de son plus prestigieux joyau… et de s'y ruiner. Cela se passait voici exactement cent ans, en 1912.
point par Charles Mewès en 1898 et qui consiste à adapter les
styles classiques du XVIIIe siècle aux exigences de la clientèle et aux possibilités nouvelles ouvertes par les innovations
techniques du début du XXe siècle.
Faste, luxe, prodigalité: la devise de Negresco
L'architecte
des Folies bergères
28
Pour construire son palace de la
Promenade des Anglais, Negresco
avait choisi l'architecte le plus célèbre de la Belle Epoque, le Français
Édouard-Jean Niermans (1859-1928)
d'origine néerlandaise, ami de Renoir
et de Van Gogh.
Par goût pour la culture française,
le jeune homme s'était 'installé à
Paris où il pensait acquérir une certaine notoriété, ce qui fut le cas en
tant que dessinateur de mobilier,
ornemaniste et architecte d'intérieur
décorateur. Choisi grâce à son
appartenance à la communauté néerlandaise de Paris pour bâtir le
pavillon néerlandais de l'Exposition
universelle de Paris de 1889, il fut
décoré de la Légion d'honneur pour
cette prestation remarquée.
Niermans revint définitivement à
l'architecture en 1891 en s'intéressant au décor et à la construction de
brasseries et théâtres dont la brasserie Mollard, la taverne Pousset, le
Casino de Paris, les Folies Bergère,
le Moulin Rouge à Paris y édifiant au
total 32 salles de spectacle (Le
Casino de Paris, Les Capucines,
l'Elysée Montmartre, le théâtre Marigny, Mogador), ainsi que d'hôtels
comme le Palace Hôtel à Ostende en
Belgique et la reconstruction de l'hôtel du Palais (villa Eugénie) à Biarritz.
Installé sur la Côte d'Azur en 1909, il
fera les plans du Palace Hôtel de
Madrid, agrandira le casino de
Châtel-Guyon en Auvergne, etc. Il
mourra en 1928 dans sa propriété
viticole du château de Montlaur dans
l'Aude pour laquelle il s'est passionné
les dernières années de sa vie. Le
domaine de Montlaur est aujourd'hui
la propriété de ses petits enfants.
H
enri Negresco (de son vrai nom Negrescu… une terminaison sonnant mal en
français et qui conduira de nombreux Roumains établis en France à en changer au cours du XXème siècle: Elvire Pospeco, Eugen Ionesco, etc…) naît
en 1868, à Bucarest en Roumanie. Son père, Tsigane, tient une auberge de campagne
dans les environs de cette ville et l'initiera à la pratique hôtelière. Mais dès l'âge de quinze ans, le garçon décide de parcourir l'Europe. Il exerce un réel talent de violoniste dans
plusieurs capitales.
Au cours de ces voyages, le jeune Roumain
acquiert la parfaite maîtrise d'une demi-douzaine
de langues, faisant carrière dans l'hôtellerie, successivement, commis, garçon, chef de rang, maître d'hôtel. Il vient en France en 1893 et travaille
d'abord à Monte-Carlo. Engagé ensuite à
Londres comme maître d'hôtel, il devient directeur de l'établissement: suprême promotion. On
le voit en Belgique, en Autriche et en Allemagne.
Au début des années 1900, Henri Negresco,
que l'on décrit comme "un homme élégant, d'une
beauté grecque, affable et intelligent, aux yeux
de velours noir aussi conquérants que sa moustache, qui sait aussi jouer de sa voix chaude teintée d'un léger accent", décide de s'établir sur la Côte d'Azur. Il s'installe d'abord à Monaco où il arrive précédé de sa réputation de l'homme le plus habile à conserver une clientèle huppée qui, à cette époque, visite la France: grands ducs russes, barons allemands et orientaux.
Une clientèle fabuleusement riche
Henri Negresco exerce d'abord ses talents comme maître d'hôtel au restaurant du
"Helder" où il sait se rendre irremplaçable auprès des clients richissimes qui deviendront
plus tard des habitués de son palace: les Rockfeller, les Vanderbilt, les Singer ou Basil
Zaharoff, le célèbre trafiquant d'armes. Le maître d'hôtel dont il ne saurait être question
de se passer lorsqu'il s'agit de composer un menu, de choisir un vin ou une liqueur, ne
tarde pas à devenir le directeur du restaurant. C'est alors qu'un commerçant niçois,
Charles Lefranc, le met en rapport avec Edouard Baudoin, le nouveau concessionnaire
du Casino municipal de Nice. Il le persuade de prendre la direction du restaurant de son
établissement dont Edouard Niermans, un des plus célèbres architectes de l'époque, achève le réaménagement.
A cette même époque, Henri Negresco achète le restaurant du casino d'Enghien et s'y
rend tous les étés. Il s'agit là d'une consécration. Toutefois, Henri Negresco reste insatisfait et caresse l'ambition d'ouvrir son propre hôtel de grand luxe. C'est à Enghien, en
1909, que Negresco rencontre Pierre Alexandre Darracq, riche rentier, co-fondateur
d'une entreprise de moteurs d'aéroplanes et de la firme automobile "Darracq-Talbot".
L'entreprenant Roumain sait intéresser l'industriel à son projet qui accepte d'en être
le principal financier et il est décidé qu'Edouard Niermans en sera l'architecte. Les deux
hommes se connaissent et s'apprécient depuis plusieurs années. La construction du
Negresco marquera l'apogée de la carrière d'Edouard Niermans et l'aboutissement français d'un genre architectural rarement égalé dans la période de l'Entre deux-guerres.
Le palace s'inscrira dans un style architectural communément appelé "style Ritz" mis au
Fixée initialement au 1er novembre 1912, la date d'ouverture de l'hôtel a du être repoussée au mois de janvier 1913. Un
client américain, M. Guerney, avait cependant décidé d'y passer Noël: "Il exigea qu'on aménageât pour lui seul, un appartement au milieu des plâtras. Ce qui fut fait".
L'hôtel ouvre ses portes le 4 janvier 1913 à l'exception
encore des troisième, quatrième et cinquième étages. Son inauguration est l'événement mondain de l'année et rassemble sept
souverains européens le jour de l'ouverture. Tous s'émerveillent devant tant de luxe. Sur le plan artistique, les chroniqueurs apprécient le grand hall de forme elliptique et style
Louis XVI, dont la rotonde développe ses 460 mètres carrés
sous un plafond lumineux. On vante aussi bien les statues de
bronze de Tarnowski (supprimées pendant la deuxième guerre
mondiale) que le "bar américain", les deux fresques de Paul
Gervais et d'Hippolyte Lucas, le tapis géant tissé d'une seule
pièce qui coûta 300 000 francs en 1911 ou l'ameublement,
signé Paul Dumas, qui pour les seules chambres de maîtres
totalise un million cent mille francs.
Mais on souligne aussi le progrès technique des nouvelles
installations : dans chaque pièce, les lampes qui s'allument par
la simple pression d'un bouton et les téléphones particuliers; et
encore le chauffage, auquel pourvoient cinq chaudières à
vapeur installées sous le niveau de la mer, ainsi que la stérilisation des eaux par rayons ultraviolets.
Le plus étonnant reste peut être ce
"nettoyage par le vide" réalisé par
Negresco à l'aide d'une turbine centrifuge aspirant milles cubes d'air à l'heure, reliée à toutes les parties de l'hôtel
par le moyen de soixante dix sept raccords. En effet, "les visiteurs de l'époque s'extasièrent devant les nouveautés techniques "révolutionnaires": les commutateurs électriques à
portée de la main, le nettoyage par
aspiration d'air, l'autoclave à vapeur
et l'installation à un service pneumatique de distribution du
courrier par tube dans les appartements".
Ruiné par la première guerre mondiale
Les bouleversements causés par la guerre nécessitent la
remise en état des installations et vont priver d'une partie de
son ancienne clientèle l'ensemble de l'hôtellerie niçoise. Une
vingtaine d'hôtels sont transformés en hôpitaux en 1914 et
1915, la plupart comme le Negresco étaient de grands établis-
Henri Negresco,
attablé dans son
restaurant,
en costume clair.
sements dont les installations eurent à souffrir d'un usage
auquel elles n'étaient pas destinées.
Le personnel de l'hôpital du Negresco regroupe une
soixantaine de personnes dirigé par le médecin-chef Massier,
médecin aide major de première classe et secondé par les
médecins Faraut et Jays, médecins volontaires. Mobilisé sur
place, Henri Negresco est nommé administrateur-économe, sa
fille tient le poste de bibliothécaire.
Le Negresco rouvrira ses portes pour la saison 1916-1917
mais les deux premières saisons de guerre se sont révélées de
cuisants échecs. La situation est critique pour tous les hôteliers
au sortir de la guerre. Henri Negresco n'échappe pas à la règle
et doit renouveler le matériel et le mobilier. Les investissements nécessaires à leur remise en état deviennent très onéreux
du fait de l'augmentation du coût de la vie, l'hôtellerie étant tributaire de toutes les autres industries
et subissant le contrecoup des hausses
dans tous les domaines. Les grandes
fortunes disparaissent, l'aristocratie
s'appauvrit si bien que le Negresco ne
peut plus compter sur un nombre aussi
peu important pour boucler une saison
et faire de substantiels bénéfices. Une
page est tournée, l'âge d'or est bel et
bien fini.
Henri Negresco est ruiné et est
obligé de se séparer du palace de ses
rêves. En 1920, Gérard Marquet à la
tête d'une société belge rachète le bail de l'hôtel. Epuisé, désabusé, Negresco meurt la même année à Paris, miné par un
cancer à l'âge de 52 ans, loin des fastes et des lumières du palace qui porte désormais son nom sur les bords de la
Méditerranée et a été classé monument historique en 1975.
Mais pendant de longues décennies le Negresco, délaissé, sera
ravalé à un simple hôtel de première classe avant que Paul
Augier ne le rachète en 1957 et qu'avec sa fille Jeanne, il ne lui
redonne tout son éclat le transformant en ambassade de la culture française pour ses clients et visiteurs.
Gilles Roberto
29
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Vie quotidienne
Pénurie de places dans
les cimetières et prix qui flambent
l
ORADEA
ARAD
SIBIU
l
l
l
TIMISOARA
TG. JIU
l
T. SEVERIN
l
TARGU
MURES
l
BRASOV
FOCSANI
l
l
GALATI
PITESTI
l
l
BUZAU
l
l
CRAIOVA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
Vivre coûte cher, mais il est des fois où mourir peut également devenir un
luxe. C'est ce qui est en train d'arriver en Roumanie, et particulièrement à
Bucarest où le prix des tombes dans les cimetières flambe...
l
Crise pour les pastèques
30
En Roumanie, mourir est un luxe
l
CHISINAU
A cause de la chaleur et de la
sécheresse, les récoltes de pastèques
ont été maigres cette année. De plus,
les pastèques de Dabuleni (Olténie), le
"centre" de la pastèque en Roumanie,
ont été concurrencées par celles provenant de Turquie, de Grèce et
d'Espagne, vendues dans les hypermarchés à des prix beaucoup plus bas
que ceux proposés par les producteurs
roumains, et ces derniers en ont pâti.
Même si les autorités locales ont
essayé de faire le nécessaire pour limiter ces importations, Nicolae Dragoi,
maire de Dabuleni, soutient que l'Etat
n'offre plus aucune aide aux agriculteurs, et qu'il est pratiquement impossible de vendre les récoltes. Selon certains d'entre eux, l'année dernière se
vendaient 100 tonnes de pastèques par
jour, alors que cette année, les ventes
n'atteignent pas 50 tonnes.
Gratar, oui
ordures… non
Près de 45 % des Roumains qui
vivent en milieu urbain disent être allés
pique-niquer au moins une dizaine de
fois l'année dernière, selon une étude.
Pour eux, l'expression gratar signifie
non seulement les traditionnelles grillades mais aussi jeux pour les enfants,
sieste, bavardage entre amis et promenades. Les ordures jetées en pleine
nature dérangent toutefois 97,3 % des
sondés ainsi que le manque d'équipements, d'espaces aménagés (68,5 %)
et de places de parkings (63 %).
Permis
Un tiers des Roumains, soit 6,5
millions possèdent le permis de conduire, dont 2 millions de femmes (30 % du
total). Parmi eux, 300 000 ont plus de
70 ans et 200 000 moins de 21 ans.
L
iste d'attente, prix à trois zéro et vente sur Internet : le marché funéraire en
Roumanie n'a jamais été aussi florissant. Cryptes, tombeaux souterrains,
petits caveaux ou tombes en rangées… l'offre et la demande de ces biens
de "dernière nécessité" vivent une période critique. D'un côté, il y a les cimetières
publics qui affichent complet, non seulement à Bucarest mais aussi à Botosani ou à
Cluj, et de l'autre, il y a l'apparition de lieux de sépulture privés hors de prix. Il reste
bien les petits cimetières paroissiaux de province, plus économiques, mais qui
deviennent de plus en chers à mesure que les grandes villes englobent les périphéries.
Tout est complet
Dans les quinze cimetières publics de Bucarest, il
ne reste plus une place de libre. Celles qui sont déjà prises sont souvent revendues à prix d'or par les propriétaires qui embellissent leurs annonces avec des photos
et des descriptions de rêve, tout juste comme pour la
vente d'une maison avec jardin et vue imprenable.
On peut trouver des propositions de toutes sortes:
6000 € pour deux places dans un caveau du cimetière
de Sfânta Vineri, 4500 € pour une place dans la chapelle Aleea scritorilor. Il y en a pour tous les goûts. L'unique solution est de se tourner
vers des structures privées qui cherchent à attirer le client avec des prix de "dernière
minute" et des sites internet attractifs, tout à fait semblable aux sites des agences
immobilières: "Profitez de notre offre exceptionnelle: jusqu'à la fin du mois, une
tombe de seconde classe pour seulement 3000 €". À Botosani, dans le nouveau cimetière privé, les prix commencent à 1000 € la tombe ou 2000 € pour le caveau deux
places. Le projet, à peine lancé, a déjà prix une valeur de 1,5 million d'euros.
Baccalauréat: la mauvaise surprise de 2011 confirmée
L
e coup de tonnerre de 2011 provoqué par le
succès d'a peine 46 % des candidats à la session de juin au bac, à la suite de l'introduction des caméras de surveillance dans les salles d'examen et d'une notation plus sérieuse s'est répété et même
amplifié cette année. Seulement 80 466 élèves ont été
admis, soit 43,03 % au lieu de 90 765 l'année précédente. La différence résulte du passage de certains judets
qui s'étaient encore montré laxistes en 1991 dans le
contrôle des épreuves (Harghita, Botosani, Constanta,
Covasna, Olt, Ilfov, Salaj, Suceava, Teleorman, Valcea)
à une rigueur accrue.
Le judet d'Ilfov, (ceinture de Bucarest) est ainsi
passé de 25 % à moins de 15 % d'admis, les autres
judets obtenant les moins bons résultats se trouvant en
Olténie ou dans le sud du pays - Gorj-Craiova (25 %),
Caras Severin-Resitsa (25 %), Olt-Târgu Jiu (30 %)Oradea (32 %) -mais aussi, de façon surprenante, dans
des villes universitaires.
A l'autre extrémité, détonant par rapport à la moyenne
nationale et faisant douter du sérieux de la surveillance se
retrouvent deux judets de Moldavie, Braila (60 %) et Iasi
(56 %). Au tableau d'honneur plus convainquant - entre 50 et
54 % d'admis - figurent Cluj, Bihor-Oradea, Sibiu et Buzau.
Ces résultats semblent vouloir démontrer la volonté des
autorités de redonner une
certaine crédibilité au baccalauréat et de remettre un peu
Les taux de réussite au baccalauréat par judet, en 2012.
d'ordre dans l'enseignement. Mais le taux important d'échec
n'est cependant pas une bonne nouvelle: il traduit la déliquescence d'un secteur sinistrée et le peu d'importance que les jeunes accordent à cet examen qui ne leur assure pas d'avenir. On
aurait pu penser qu'échaudés par la mauvaise surprise de 2011,
ils auraient préparé plus sérieusement l'échéance 2012.
Le taux de réussite au bac, ces neuf dernières années, était
le suivant pour la session de juin: 2004: 84,61%, 2005:
84,66%, 2006: 80,48%, 2007: 82,08%, 2008: 78,26%, 2009:
81,47%, 2010: 69,30%, 2011: 45,72%, 2012: 43,03 %.
Davantage de jeunes profs reçus
A
lors qu'au cours des années passées, les prétendants à un poste d'enseignant étaient
admis dans une proportion dépassant les 90 % lors de l'examen de sélection se déroulant en juillet, cette fois-ci, 62,23 % des 5464 candidats ont été reçus, ayant obtenu
une note supérieure à 7. En 2011, avec l'introduction des caméras de surveillance lors des épreuves, instituée par le ministre d'alors, Daniel Funeriu qui avait déclaré qu'aucun enseignant de
serait recruté s'il n'avait pas le niveau, ils n'avaient été que 54,6 % à décroché la moyenne de 5 sur
10. Cette année, 25 postulants ont obtenu la note maximum de 10, contre seulement 2 l'an passé.
Belles affaires en perspective pour l'immobilier
À ces prix exorbitants s'ajoutent les dépense pour les funérailles et la sépulture,
l'Église, les fleurs: les prix peuvent passer de 2000 à 10 000 €, selon qu'il s'agit du
service funéraire de l'État ou de celui d'une agence privée.
L'ACCU, l'organisme d'État responsable de ce domaine, cherche activement une
solution. Pour améliorer les délais bureaucratiques, pour faciliter la collecte d'information sur les places libres dans les cimetières de Bucarest et pour tenter de résoudre la crise des tombes, l'administration d'État a décidé, en plus d'instaurer un système
informatique de gestion, d'augmenter la capacité des tombes.
Dans chaque tombe, on pourra désormais déposer deux cercueils: plus précisément, explique le service des cimetières, le premier cercueil sera installé au fond de
la tombe et couvert d'une dalle de béton. Si une autre personne de la même famille
meurt avant les sept années obligatoires pour la réutilisation de la tombe, le second
cercueil pourra être placé au niveau supérieur, sur la dalle de béton.
La crise, oui. Mais rien à voir avec des projets à l'étude dans d'autres pays,
comme en Inde, où pour répondre à la demande, de véritables gratte-ciels funéraires
sont en train de voir le jour. Autre danger qui guette: le manque de tombes peut aussi
devenir une belle opportunité de faire des affaires pour le secteur immobilier qui,
avec la récession des dernières années, a vécu des moments difficiles.
Daniela Mogavero (Osservatorio Balcani e Caucaso)
Tout juste 43 % des candidats admis à la session de juin
Enseignement
l
BAIA BOTOSANI
MARE
IASI
l
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Ecoles internationales de Bucarest: de 3000 à 19 000 € par an
E
n Roumanie, 102 lycées privés accueillent 25 000 élèves
(soit 7 % du total) alors que
les 1400 lycées d'état en comptent 320
000. Classes modernes, terrains de foot,
courts de tennis, salles de danse, encadrement personnalisé, accent mis sur le
développement du sens artistique, du
corps par la pratique sportive, font la différence. Mais ce luxe se paie avec des
frais d'inscription annuels au minimum
de 3500 €, jusqu'à près de 20 000 €.
Les 700 élèves du Lycée américain
international de Bucarest proviennent de
50 nationalités différentes, 40 % seulement étant Roumains. Les professeurs
sont étrangers pour un quart.
L'enseignement se fait le plus souvent en
anglais. Les élèves ne participent pas aux
olympiades nationales mais se confrontent avec ceux d'autres lycées du même
genre, répartis dans le monde entier.
D'ailleurs, ils ne se préparent pas pour un
cursus universitaire en Roumanie mais
pour les plus grandes universités ou écoles européennes ou américaines.
Voici la fourchette des tarifs annuels
pratiqués par les principaux établisse-
ments à Bucarest, qui affichent complet:
American International School of
Bucharest (AISB): 13 700 - 19 400 €,
British School of Bucharest (BSB):
16 000 - 18 250 € International School
for Primary Education (INS): 2310 12 650 €, Mark Twain International
School (MTIS): 3500 - 8000 €, Scoala
Europeana Bucuresti: 7000€, Scoala
Lauder-Reut: 5000 - 6500 €, Little
London: 3250 - 6400 €. Les frais d'inscription au lycée français Anna de
Noailles de Bucarest vont de 4000 € en
maternelle à 6200 € en terminale.
31
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
JO Londres
l
l
l
IASI
ORADEA
l
VASLUI
BACAU
SF. GHEORGHE
l
l
l
l
TIMISOARA
BRASOV
GALATI
BRAILA
l
l
l
TULCEA
CRAIOVA
l
n
CONSTANTA
BUCAREST
l
Les neuf médailles
obtenues à Londres
Or (2)
Gymnastique: Sandra Izbasa (saut, F)
Tir: Alin Moldoveanu (10 mètres à air
comprimé, H)
Argent (5)
Gymnastique: Catalina Ponor (sol, F)
Judo: Alina Dumitru (48 kg, F), Corina
Caprioriu (57 kg, F)
Escrime: Tiberiu Dolniceanu, Rares
Dumitrescu, Florin Zalomir, Alexandru
Siriteanu (sabre par équipe, H)
Haltérophilie: Roxana Cocos (69 kg)
32
Société
leurs plus mauvais résultats depuis 60 ans
crève cœur olympique
l
TARGU
MURES
ARAD
l
Londres
SUCEAVA
SATU
MARE
l
Les sportifs roumains ont enregistré
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Bronze (2)
Gymnastique: Sandra Izbasa,
Catalina Ponor, Diana Bulinar, Diana
Chelaru, Larisa Iordache (par équipe, F)
Haltérophilie: Razvin Martin (69 kg)
Moldavie:
Bronze (2)
Haltérophilie: Cristina Lovu (55 kg, F),
Anatolie Ciricu (94 kg, H)
La Roumanie termine au 27ème
rang au classement général.
UE : 1er Royaume Uni (3ème au classement général), 2ème Allemagne
(6ème), 3ème France (7ème), 4ème Italie
(8ème), 5ème Hongrie (9ème), 6ème
Pays bas (12ème), 7ème République
Tchèque (19ème), 8ème Espagne
(21ème), 9ème Roumanie (27ème)…
10ème Pologne (31ème).
Pays de l'Est : 1er Hongrie (9ème, 17
médailles, 8 en or), 2ème République
Tchèque (19ème, 10 médailles, 4 en or),
3ème Roumanie (27ème, 9 médailles, 2
en or), 4ème Pologne (31ème, 10 médailles, 2 en or), Bulgarie (65ème, 2 médailles), Moldavie (75ème, 2 médailles).
La délégation olympique roumaine est revenue de Londres avec neuf
médailles, dont deux d'or, prenant la 27ème place, son classement le plus
médiocre depuis les JO d'Helsinki, en 1952, auxquels la République Socialiste
de Roumanie participait pour la première fois. Un véritable crève-cœur après
l'apothéose de Sydney en 2000, qui confirme le déclin du sport roumain. La
Moldavie, quant à elle, a obtenu deux médailles de bronze, en haltérophilie.
L
a Roumanie et la République de Moldavie ont envoyé respectivement
104 et 22 athlètes à Londres. Mais les comités olympiques des deux
pays ne se faisaient aucune illusion quant à leurs chances de bien figurer. Les objectifs fixés aux athlètes des deux délégations restaient très modestes. Le
Comité olympique roumain espérait décrocher entre 8 et 12 médailles dont trois en
or. Finalement, elle
n'est pas trop loin du
compte… sauf que
la barre était placée
vraiment bas. Des
ambitions en deçà
des performances de
la Roumanie aux JO
de Pékin, déjà
modestes: 17e avec
8 médailles dont
quatre titres.
De son côté, le
Comité olympique
moldave
n'osait
Vainqueur du marathon à Pékin, en 2008, Constantina parier que sur une
Dita-Tomescu, 42 ans, a eu l'honneur de partir en tête de celui de
Londres (au centre de la photo).Elle a terminé à la 86ème place. seule médaille, en
athlétisme, en judo, en boxe ou en haltérophilie. Le pays aurait signé ainsi le même
résultat que lors des derniers JO où il était arrivé 80e, dernier des pays médaillés,
avec une seule médaille, celle en bronze du boxeur Veaceslav Gojan. Pour stimuler
ses athlètes, le gouvernement moldave avait promis 100 000 euros pour ceux qui
ramèneraient de l'or, 90 000 pour de l'argent et 80 000 euros pour du bronze, ainsi
qu'un appartement de deux pièces pour chaque médaillé. Finalement, les Moldaves
ont fait mieux qu'à Pékin, avec deux médailles de bronze, terminant 75ème sur les
202 pays engagés, 85 étant médaillés.
Naufrage de toutes les disciplines où les Roumains brillaient
Comme à chaque fois, les chances de métal des Roumains reposaient sur les
gymnastes mais aussi sur les escrimeurs et les avironistes. La déception a été quasiment totale dans tous ces domaines, les gymnastes sauvant toutefois l'honneur
grâce à deux revenantes, Sandra Izbasa (or au saut) et Catelina Ponor (sol), championnes olympiques à Pékin ou Athènes. Nadia Comaneci pouvait regretter que son
pays natal n'ait pas su préparer l'avenir, présentant une équipe de fillettes face à des
gymnastes confirmées.
Le classement des
pays francophones :
1er France (7ème),
2ème Roumanie 27ème,
3ème Suisse (33ème),
4ème Canada (36ème),
5ème Géorgie (39ème),
6ème Tunisie (44ème),
7ème Algérie (53ème),
8ème Arménie (61ème),
9ème Belgique (62ème),
10ème Bulgarie (65è)
11ème Moldavie(75ème),
12ème Maroc (85ème et
dernier des pays ayant
obtenu au moins une
médaille sur 186 nations
représentées).
L'époque où la Roumanie était la première nation mondiaceptible immédiatement, le sport roumain est confronté à une
le en aviron grâce à ses rameurs du Delta, où la France se
véritable crise. Faute de financement, des terrains et salles de
méfiait de ses escrimeurs (Mihai Covaliu, or au sabre en 2000
sports, des piscines, des stades, des centres d'entraînement ne
à Sydney) qui l'avaient privé de plusieurs titres, où ses nageurs
sont plus entretenus, laissés à l'abandon… quant ils n'ont pas
créaient la surprise (Camelia Potec, or sur 200 mètres dos à
été rachetés pour une bouchée de pain, tombant dans les mains
Athènes en 2004), et ses athlètes la sensation (Gabriela Szabo,
de spéculateurs immobiliers. Des clubs sportifs ont disparu.
or sur 5000 m à Sydney, Constantina Dita-Tomescu, or au
Mal payés, les entraîneurs ont changé de métier ou sont partis
marathon de Pékin en 2008) est bien révolue. C'était même la
à l'étranger.
première fois dans l'histoire olympique que la Roumanie n'aliLes conditions pour s'entraîner sont devenues de plus en
gnait aucun finaliste dans les épreuves d'athlétisme!
plus précaires et la motivation fait défaut. La piste d'athlétisAprès l'apothéose des JO de Sydney où elle avait terminé
me de la base sportive des jeunes de la capitale où la médaillée
11ème avec 26
d'or du 5000
médailles dont 11
mètres à Sydney,
d'or, et première
Gabriela Szabo,
nation de l'Est, la
se préparait, est
Roumanie a ineimpraticable.
xorablement
Les
rameurs
entamé son dés'entraînent entre
clin: 14ème rang
les barques à
à Athènes, avec
moteurs du lac
19 médailles dont
Snagov, dans la
8 d'or, rejointe
banlieue chic de
par la Hongrie,
Bucarest, et les
Même si elle a sauvé l'honneur en remportant un titre olympique,
17ème à Pékin,
l'équipe féminine de gymnastique, encadrée ici par ses deux entraîneurs, pontons privés
Octavian Bellu et Maria Bitang, était loin d'atteindre le niveau de ses devancières.
avec 8 médailles
de la nomenkladont 4 en or, conservant toutefois sa prééminence à l'Est, qu'eltura, sans qu'aucun couloir ne leur soit réservé.
le vient de perdre à Londres, dépassée par une extraordinaire
"Pour réussir, les sportifs de haut niveau doivent quitter le
Hongrie, 9ème (17 médailles dont 8 d'or) et la république
pays ", concède Mariana Bitang, qui entraîne avec son mari,
Tchèque (19ème , 10 médailles dont 4 en or).
Octavian Bellu, l'équipe olympique de gymnastique.
Les neuf médaillés roumains ne se plaindront cependant
pas… le gouvernement, qui avait sans-doute prévu une enveRetour à la formation
loppe financière plus conséquente, a décidé de doubler le mondes graines de champions dès l'école ?
tant de leurs primes. Pour leurs médailles d'or, Sandra Izbasa
et le tireur Alin Moldoveanu empocheront chacun 105 000
Le Comité Olympique, constatant les efforts financiers
euros, 84 000 euros revenant aux cinq médailles d'argent et
énormes consentis par les pays partenaires de l'UE, souhaite63 000 euros aux deux médailles de bronze. En outre, Renault
rait que les sponsors, très peu nombreux jusqu'ici, soient
a décidé d'offrir une voiture à chaque médaillé.
davantage encouragés à investir dans le sport par le biais de
déductions fiscales ou qu'ils bénéficient de promotions gratuiConditions précaires et absence de motivation
tes dans les médias, lesquels ne sont pas d'accord. Son président regrette que nombre d'enseignants remplacent les heures
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer ce résuld'éducation physique dans les classes primaires par des cours
tat catastrophique. Le Comité olympique roumain aurait misé
de maths ou d'autres matières. "Un sportif doit apprendre à
sur les jeunes en vue des JO de 2016 et nombre de valeurs
sauter ou à courir dès l'âge de sept ans" soutient-il.
sûres avaient pris leur retraite. Les moyens financiers manIl est rejoint par Gabriela Szabo, laquelle redoute que les
quaient, les participants n'arrivant à Londres que peu avant les
médailles d'aujourd'hui ne soient les dernières et estime aussi
compétitions, ce qui ne leur permettait pas de se familiariser
que le sport doit devenir prioritaire à l'école et dans les
avec les lieux des épreuves; les cadres faisaient défaut, comme
familles. Sans-doute dans cette période difficile qu'ils affronpar exemple un psychologue pour les escrimeurs et les gymtent aujourd'hui les Roumains ont d'autres chats à fouetter que
nastes, disciplines où le mental joue un très grand rôle.
de remporter des médailles. Vivre au jour le jour, survivre parFinalement, Londres 2012 concrétise un déclin entamé
fois, s'adapter aux changements profonds de la société, prépabien avant… Et il n'y a pas une ligne à ajouter au commentairer l'avenir des enfants sont des défis autrement importants.
re paru dans Les Nouvelles de Roumanie, en 2008, au lendePlus tard, quand les choses se seront mises en place, ils pourmain de Pékin.
ront repenser aux médailles...”. Malheureusement, quatre ans
"Depuis la "Révolution", même si son effet n'a pas été perplus tard, la situation ne s'est pas améliorée, loin de là.
33
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
JO Londres
SIGHET
l
IASI
BISTRITA
BRASOV
l
l
TIMISOARA
L
FOCSANI
l
DEVA
SIBIU
l
GALATI
l
l
l
BRAILA
CRAIOVA
l
n
BUCAREST
l
l
T. MAGURELE CONSTANTA
Alin Moldoveanu
tireur d’élite
34
JO Londres
Double championne olympique, Sandra
Izbasa a appris à serrer les dents
l
TG. MURES
ARAD
l
l
l
l
l
SUCEAVA
BAIAMARE
l
ORADEA
"Quand nous chanterons
le temps des médailles !"
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Alin Moldoveanu a donné son premier titre olympique à la Roumanie en
remportant le tir à 10 mètres à air
comprimé. Etudiant en Psychologie et
Droit, pratiquant une discipline peu
médiatisée, le Moldave, 29 ans, né à
Focsani, est sociétaire du Dinamo
Bucarest et peut pratiquer sa discipline grâce à une bourse de l'Etat qui lui
permet de vivre avec le salaire moyen
roumain (300-350 €).
Adolescent, Alin
Moldoveanu a découvert le tir par hasard, à
13 ans, en 1996, le
club de Focsani organisant une sélection.
Ce sport lui a plu et il
n'a pas eu le choix
quand à la spécialisation: on n'y pratiquait
que le tir à 10 mètres à
air comprimé. Le Roumain s'entraine depuis 4-5 heures par
jour, entretenant notamment sa condition physique mais confiant cependant
que les deux conditions pour réussir
sont l'équilibre et la détermination,
dans cette discipline éminemment
psychologique.
Alin Moldoveanu convient que le tir
est un sport coûteux, mais qu'il dispose de bonne conditions d'entraînement en Roumanie et n'en aurait
sans-doute pas de meilleures ailleurs.
Sa victoire à Londres n'est pas une
surprise, bien qu'il estime qu'une vingtaine de concurrents pouvaient prétendre au titre. Classé numéro deux
mondial, il avait toutefois déjà terminé
4ème aux JO de Pékin (2008),
second au championnat du monde de
Zagreb en 2006 et lors de la coupe du
Monde à Rio de Janeiro (2008).
a Roumanie a décroché 9 médailles à Londres, occupant le 27ème rang,
très loin de sa performance de 1984 à Los Angeles (53 médailles dont 20
en or) qui lui avait valu la 2ème place, le meilleur classement jamais obtenu (la France avait terminé 12ème avec 28 médailles). Il est vrai que cette année là,
le bloc communiste avait boycotté les JO, exception faite de la Roumanie et de la
Chine, en représailles au même boycott exercé quatre ans plus tôt par les pays occidentaux, lors des JO de Moscou, pour dénoncer l'invasion soviétique en Afghanistan.
A Moscou, la Roumanie, forte d'une délégation de 239 athlètes (ils étaient seulement 104 à Londres) avait également brillé avec 25 médailles dont 6 en or et une 7ème
place, tout comme en 1976 aux JO précédents de Montréal (27 médailles, 4 en or,
9ème place) qui allaient révéler Nadia Comaneci. Mais jusqu'à ses dernières contreperformances, la Roumanie avait conservé un rang enviable dans des JO: à Séoul, en
1988, elle termina 8ème (24 médailles dont 7 en or), 14ème à Barcelone en 1992 (18
médailles, 4 en or), encore 14ème à Atlanta en 1996 (20 médailles dont 4 en or),
11ème à Sydney en 2000 (26 médailles dont 11 en or, meilleure performance depuis
la "Révolution"), 14ème à Athènes (19 médailles, 8 en or).
Il faut remonter à Helsinki en 1952, à l'occasion de la première participation d'après-guerre aux JO de la Roumanie pour trouver un classement aussi mauvais qu'à
Londres, 23ème avec seulement 4 médailles dont une en or (Iosif Sârbu au tir).
Depuis, la Roumanie n'était descendue en dessous des dix médailles qu'à Pékin.
Les Olympiades d'après guerre
Alin Moldoveanu
est particulièrement ravi
de pratiquer le tir:
"Tant qu'on a la santé,
il n'y a pas de limite d'âge…
et je compte bien le
pratiquer jusqu'à 70 ans!".
Helsinki 1952 : 4 médailles (1 or, 1 argent, 2 bronze)
Melbourne 1956 : 13 (5 or, 3 argent, 5 bronze)
Rome 1960 : 10 (3 or, 1 argent, 6 bronze)
Tokyo 1964 : 12 (2 or, 4 argent, 6 bronze)
Mexico 1968 : 15 (4 or, 6 argent, 5 bronze)
Munich 1972 : 16 (3 or, 6 argent, 7 bronze)
Montréal 1976 : 27 (4 or, 9 argent, 14 bronze)
Moscou 1980 : 25 (6 or, 6 argent, 13 bronze)
Los Angeles 1984 : 53 (20 or, 16 argent, 17 bronze)
Séoul 1988 : 24 (7 or, 11 argent, 6 bronze)
Barcelone 1992 : 18 (4 or, 6 argent, 8 bronze)
Atlanta 1996 : 20 (4 or, 7 argent, 9 bronze)
Sydney 2000 : 26 (11 or, 6 argent, 9 bronze)
Athènes 2004 : 19 (8 or, 5 argent, 6 bronze)
Pékin 2008 : 8 (4 or, 1 argent, 3 bronze)
Londres 2012 : 9 (2 or, 5 argent, 2 bronze)
301 médailles depuis la première participation
Au terme des JO de Londres et depuis sa première participation aux olympiades,
à Paris en 1924 (une médaille de bronze), la Roumanie a remporté 301 médailles, dont
88 d'or - décrochant la première à Helsinki - 94 d'argent et 119 de bronze. Hommes
(148 médailles) et femmes (153) se partagent les lauriers à égalité, mais un déséquilibre très net et de plus en plus prononcé s'est installé depuis Los Angeles, en 1984,
les filles ayant décroché 113 médailles au cours des huit dernières olympiades, contre 64 pour les garçons. Dans ce tableau global, la gymnastique se taille la part du lion
avec 72 médailles, enregistrant toujours une nette prédominance féminine.
Au total, la Roumanie a participé à 20 JO sur 27. Elle était absente aux JO
d'Athènes (1896), Paris (1900), Saint Louis (1904), Londres (1908), Stockholm
(1912), Anvers (1920) et Londres (1948). Elle a participé aux JO pour la première fois
à Paris, en 1924.
S
andra Izbasa
a
apporté
son seul titre
olympique en gymnastique à la Roumanie,
une discipline où,
jalousée par les autres
nations, ce pays trusDeuxième titre olympique pour la
gymnaste Sandra Izbasa que l'on voit tait les médailles. La
tomber dans les bras de son entraîneur.
Bucarestoise de 22 ans
n'est pas une inconnue: avant de remporter l'or au saut à
Londres, elle l'avait déjà empoché aux exercices au sol à
Pékin, en 2008. Deux médailles de bronze par équipe, des
médailles d'argent aux championnats du monde, des titres
européens complètent sa panoplie.
La jeune Roumaine se consacre à la gymnastique depuis
l'âge de 4 ans. Elle garde un regard lucide sur ses trophées:
"Deux entraînements chaque jour, même ceux de mes anniversaires, peu de moments de liberté, des années passées dans les
salles de gym, de Bucarest à Onesti, de Deva à Iznavori, loin
de mes parents que je ne voyais qu'une fois par semaine, des
blessures, des souffrances, des larmes… l'or a un prix dur à
payer" confie la championne qui, très crâne, ajoute: "Je n'ai
jamais eu de modèle, je voulais en être un moi-même".
Son premier titre, Sandra Izbasa l'avait remporté lors des
championnats d'Europe de Volos en Grèce, en 2006, à 16 ans.
Déjà au saut. Elle portait alors un appareil dentaire qui déstabilisait cette mignonne poupée, passant des heures à se
maquiller. Devenue jeune femme, elle n'en a pas perdu l'habitude, éblouissant le public de Londres par sa beauté et son port
altier. Ses entraîneur se moquent d'elle et de ses trousses de
maquillage: "Fais attention au poids de tes bagage!". Mais
Sandra la blonde - brune autrefois - n'en a cure: elle trouve
sérénité et concentration devant son miroir avant d'entrer en
compétition.
La gymnastique n'a pas été un long fleuve tranquille pour
la championne. Un atterrissage raté lui a valu une rupture du
tendon d'Achille, lors d'un championnat d'Europe en 2009.
Elle a refusé toute aide, serrant les dents, cachant ensuite son
plâtre. Une championne olympique doit rester… sur son
Olympe pour ses admirateurs ! La convalescence a été douloureuse, pénible, nécessitant deux opérations. Cet accident lui a
fait rater les championnats du monde de 2011, un hématome
réapparaissant. A Londres, tout n'était pas encore rentré dans
l'ordre, mais ses 18 ans de galère sur les tapis et aux agrès faisaient obligation à la fière Roumaine de tenir son rang.
Athlètes, entraîneurs… ou dentiste: des Roumains dans les autres équipes
L
es Roumains étaient présents à
Londres en dehors de leur
équipe nationale olympique.
Plusieurs d'entre eux concourraient sous
le drapeau des pays où ils ont émigré ou
bien entraînaient leurs équipes.
La nageuse
Californienne
Rebecca Soni (25
ans), médaille d'or
sur 200 mètres
brasse, médaille
d'argent du 100
mètre brasse, déjà
médaille d'or à
Pékin en 2008,
détentrice de plusieurs record mondiaux,
désignée meilleure nageuse du monde de
l'année en 2010 et 2011, est d'origine roumaine, bien que née dans le New Jersey.
Natifs de Cluj, ses parents, de filiation
hongroise, avaient émigré aux USA.
Andrei Gheorghe (24 ans) représentait au pentathlon le Guatemala, où sa
famille s'est installée. Son père avait
concouru dans cette discipline pour la
Roumanie aux JO de Barcelone de 1992,
alors que sa mère était escrimeuse.
Né voici 59 ans à Timisoara, Mihai
Breystan est devenu entraîneur de l'équipe américaine de gymnastique. Il a
découvert et encadré l'Américaine Aly
Raisman qui a décroché l'or au sol et le
bronze au cheval à Londres. Dans cette
dernière épreuve, il a fait perdre cette
médaille à sa compatriote Catalina Ponor,
qu'il avait jugé surnotée, obtenant gain de
cause auprès du jury. "N'empêche, je resterai toujours Roumain de cœur" a déclaré le Timisorean qui a conservé sa nationalité, a quitté son pays natal en 1985
pour Israël où il a séjourné
dix ans avant de rejoindre
les
USA en
1996.
Aujourd'hui, il possède une
salle de gymnastique dans
le Massachussetts et a obtenu un titre de championne
du monde au saut avec sa
protégée Alicia Sacramone.
A noter que l'équipe féminine américaine de gymnastique, championne olympique et du monde en titre est
dirigée par une Roumaine, Martha
Karoly, l'épouse de Bela Karoly, l'ancien
entraîneur de Nadia Comaneci.
Valentin Silaghi
(54 ans), ancien,
boxeur ayant rapporté plusieurs médailles
à la Roumanie, s'est
réfugié en Allemagne
de l'Ouest en 1982,
dont il est devenu
entraîneur national en 1990, dirigeant son
équipe olympique à Londres.
Etaient également présents dans des
délégations étrangères aux JO 2012, les
pongistes Mihai Bobocica (26 ans) de
Craiova, concourant pour
l'Italie, Kalinikos Kreanga
(Calin Creanga, 40 ans) de
Bistritsa, pour la Grèce, Ilyes
Ferenc, capitaine de l'équipe
hongroise de handball, Dan
Telearca, entraîneur de l'équipe
de judo de Zambie, Ghorghe
Simionov, entraîneur de l'équipe mexicaine de canoë-Kayak,
Adrian Stan, directeur technique de l'équipe britannique de gymnastique et
Corina Morosanu, sa chorégraphe, ainsi
que Zita Funkenhauser… dentiste de la
délégation olympique allemande.
35
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Gonflée !
Insolite
U
ne Roumaine de 31 ans et son mari, d'ethnie rom,
ont été arrêtés à la sortie du centre commercial
Elkjop d'Oslo, alors que le couple s'apprêtait à
monter dans un bus et à disparaître. Un vendeur avait remarqué la difficulté avec laquelle cette cliente peu ordinaire, se
déplaçait. Elle cachait tout simplement sous une ample robe
tsigane colorée un écran de télévision de 107 cm de diagonale
d'une valeur de 3800 euros qu'elle venait de dérober, et avan-
Société
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Mieux vaut en rire qu’en pleurer!
çait tant bien que mal en le gardant coincé entre les cuisses.
La police a eu du mal à croire que c'était possible. Les larcins habituels se limitent d'habitude à des pantalons ou pulls
volés. Pour en avoir le cœur net, le commissaire à procéder à
une reconstitution, demandant à des femmes policières de tenter l'exploit… Aucune n'a réussi !
La presse s'est emparée de ce fait divers qui a fait le délice des Norvégiens.
Trafiquants d'ail
C
36
Dites le avec des choux
inq Roumains ont été arrêtés sur une autoroute dans l'est de l'Autriche, fin juin, alors
qu'ils conduisaient trois camionnettes débordant d'un stock de 9,5 tonnes d'ail. Les cinq hommes,
âgés de 25 à 37 ans, n'ont pu préciser l'origine de leur
chargement, ni prouvé qu'il leur appartenait. En apercevant à proximité de la frontière hongroise ces véhicules
visiblement surchargés - il aurait fallu neuf camionnettes pour ce transport - les policiers autrichiens se sont
doutés qu'il y avait quelque chose d'anormal. La marchandise, qui se vend très cher depuis quelques années,
en provenance sans doute d'Espagne, a été estimée à
30 000 euros (soit 3 euros le kilo) à la production.
En plus du transport de marchandise volée, les trafiquants ont été arrêtés pour surcharge de 80 % de leur
véhicule. Leur avocat pourra toujours plaider, qu'originaires du pays de Dracula, ils voulaient fournir à leurs
compatriotes un médicament de première nécessité pour
chasser les vampires…
Crise: caricatures,
photos montages...
les journaux
s’en sont donné
à coeur joie.
Inspiré par les mineurs de la vallée de Jiu, Victor Ponta mène
sa propre “minériade”, cette fois contre la constitution... alors
que Ion Iliescu se tient dans l’ombre de la “bande des trois”
qui tente son coup de force. Pour l’hebdomadaire satirique
“Academia Catavencu”, la Roumanie vit de sombres moments.
Victor Ponta et Crin
Antonescu “braquent” l’Etat
de Droit à la manière de
Bonny and Clyde...
alors que les affairistes
Vântu, Voiculescu, Patriciu,
menacés de prison,
dorlottent le nouveau
Premier ministre.
37
A
lexandru Regem est furieux. Le sexagénaire a appris par la bande que l'autoroute Timisoara -Lugoj, dont les travaux
doivent commencer prochainement, passerait dans son jardin. Aucune administration ne l'a prévenu, aucune procédure d'expropriation et d'indemnisation n'a été entamée. Du coup, il a demandé à un géomètre de mesurer la surface qui
lui sera retirée et d'en délimiter le tracé équivalent sur la portion d'autoroute qui passera devant sa porte. Le brave homme a l'intention d'y planter ses choux et salades. Toutefois, il se montre de bonne composition: "Je ne démolirai pas les plaques de bitume. Je ferais mes plantations sur la bande de séparation et sur les bas côtés. Peut-être même que je mettrais des tournesols pur
faire joli" !
Pas de privilège de l'âge
M
ariana Pisu, 50 ans, de Brasov, est considérée comme
la plus vieille prostituée en exercice de Roumanie,
mais le privilège de l'âge n'a pas pour autant attendri
les autorités locales qui lui réclament 35 000 € d'arriérés de contraventions non payées pour racolage sur la voie publique, au cours de
ces vingt dernières années. Elle a en outre été condamnée à 120 heures de travaux d'intérêt général qu'elle devra employer à planter des
fleurs sur les espaces publics de la ville. La contrevenante profite
cependant de l'exécution de sa peine au vu et au su de tout le monde
pour continuer son métier. En 2011, elle avait été verbalisée à 90
reprises.
Mariana, qui est mariée et a un fils a cependant des principes
bien ancrés : elle ne travaille pas le jour du Seigneur, lors des fêtes
religieuses ou quant il pleut, n'accepte que 2 ou 3 clients par jour, et
n'exerce qu'entre 9 et 17 h, rentrant ensuite chez elle pour s'occuper
de sa famille. Elle prévoit de prendre sa retraite l'an prochain.
Drôle de mayonnaise
P
osté à l'angle d'un carrefour de la capitale, le
policier Vasile Ciobotea avait une manière
bien à lui de sanctionner les automobilistes ne
respectant pas le feu rouge ou ne s'arrêtant pas pour laisser passer les piétons, comme l'a expérimenté un livreur
de sandwichs venant de commettre cette dernière infraction. Après l'avoir fait garé et demandé ses papiers, l'agent ne lui a pas dressé procès-verbal… mais a réclamé
un de ses casse-croutes en insistant pour qu'il soit bien
garni. Il ne risquait pas de se mettre de la mayonnaise sur
les doigts… la tranche de jambon étant entourée de trois
billets de cents lei (70 euros), qu'il a mis discrètement
dans sa poche. Malheureusement le livreur était de
mèche avec la "police des polices" qui avait ainsi tendu
un piège au "ripou" qu'on lui avait déjà signalé et qui a
été immédiatement appréhendé.
Angela
Merkel
élève
un nouveau
mur de
Berlin
devant
la “pieuvre
mafieuse”
de la
corruption...
tandis que
Bruxelles
réserve un
accueil
plutôt frais
au Premier
ministre
Victor Ponta.
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Cinéma
Congolais transformés
en chauffeur de taxi à Bucarest
SUCEAVA
l
l
l
l
BAIA
MARE
l
IASI
ORADEA
l
TARGU
MURES
ARAD
l
TIMISOARA
SINAIA
PITESTI
l
l
l
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CRAIOVA
BACAU
M. CIUC
BRASOV
GALATI
l
l
l
TULCEA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
l
Disparition à 33 ans
de la pianiste
Mihaela Ursuleasa
38
Le réalisateur Rufin Mbou raconte
l'odyssée de 34 de ses compatriotes
La pianiste roumaine Mihaela
Ursuleasa, qui avait pris la nationalité autrichienne, est décédée à 33
ans à Vienne d'une hémorragie cérébrale le 1er août. Née en 1978 à
Brasov, dans
le centre de
la Roumanie,
la musicienne
prodige a
commencé à
jouer du
piano dès
l'âge de 5
ans. Elevée par deux parents musiciens, elle se mit au clavier sous la
supervision de son père dès l'âge de
5 ans et ne tarda pas à se produire
en public alors que ses pieds n'atteignaient pas encore les pédales.
Chaperonnée par sa mère (elle perdit son père alors qu'elle est encore
enfant) et par un professeur inflexible, elle dût travailler sans relâche:
"J'étais au clavier de mon piano de
8 h du matin à 20 h", confiera-t-elle
plus tard. Mihaela Ursuleasa avait
obtenu une bourse d'étude à l'âge de
13 ans auprès du chef d'orchestre
italien Claudio Abbado qui l'avait
prise en affection et intégrée au
Conservatoire de Vienne. En 1995, à
17 ans, elle remportait le prestigieux
concours international de piano Clara
Haskill, décerné tous les deux ans
en Suisse. Cette distinction lui avait
les portes des plus grandes salles de
concert du monde. L'artiste avait
prévu 16 concerts jusqu'à la fin de
l'année en Europe et en Amérique
latine, mais en avait récemment
annulé deux à Bucarest pour des raisons de santé non précisées.
Le réalisateur congolais Rufin Mbou signe Tsofa (chauffeur, en lingala), un film
réalisé entre la Roumanie et le Congo qui devait être présenté le 11 septembre à
l'Institut français de Brazzaville puis ensuite diffusé sur TV-Rennes en France et
par les télévisions africaines. Autant dire, peu de chances de le voir ! Mais l'histoire véridique qu'il raconte mérite d'être rapportée.
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Musique
L'histoire d'un couple suisse mythique qui révéla
la richesse de la musique populaire de l'Est au public occidental
Balkan Melodie, roadmovie sur les Cellier
Il y a plus de 50 ans, les Suisses Marcel et Catherine Cellier franchissaient pour la première fois le rideau de fer. C'était
alors le début d'une aventure qui allait durer jusqu'à aujourd'hui. Au cours de leurs nombreux voyages, le couple a passionnément et méticuleusement enregistré les musiques de l'Europe de l'Est, révélant une richesse et une diversité sonore
jusqu'alors inconnue des Occidentaux. Un film, Balkan Melodie, sorti en début d'année en Suisse retrace leur aventure.
P
sofa rapporte l'aventure invraisemblable
arrivée à trente-quatre Congolais de la
RDC recrutés à Kinshasa en 2008 par une
société roumaine afin d'aller travailler comme chauffeurs de taxi à Bucarest, capitale de la Roumanie.
"Cette société leur avait fait des promesses alléchantes qui ont poussé certains à abandonner travail,
femme et enfants pour tenter leur chance dans ce
pays qui venait d'entrer dans l'Union Européenne,
explique Rufin Mbou. Sur place, ce qui s'était présenté comme un rêve de bonheur s'est vite transformé en
cauchemar. Ils ont tout d'abord été exploités. Lorsqu'ils réclamaient leurs droits, leur
employeur les menaçait d'expulsion, ce qui est arrivé à une grande partie d'entre eux".
ar le biais d'innombrables émissions radiophoniques
et de millions de disques vendus, Marcel Cellier,
âgé aujourd'hui de 87 ans, a contribué à asseoir la
réputation mondiale de Gheorghe Zamfir, virtuose roumain de
la Flûte de Pan, et celle des légendaires chœurs de femmes "Le
Mystère des Voix Bulgares". Le film Balkan Melodie suit les
traces du couple Cellier en Europe de l'Est, lui, organiste zurichois, elle, photographe romande, retrouvant les protagonistes
de l'époque et découvrant de nouveaux trésors musicaux.
Prenant la musique comme point focal, le réalisateur Stefan
Schwietert propose un éclairage nouveau sur la rencontre entre
l'Est et l'Ouest. En filigrane, on perçoit le passage du temps, les
souvenirs teintés de nostalgie, mais surtout le caractère intemporel et envoûtant de ces musiques qui
réchauffent le cœur.
"T'es footballeur ou étudiant en médecine ?"
Découvreurs de Zamfir
Cette histoire poignante a inspiré le réalisateur en 2008, alors qu'il travaillait en
Roumanie pour la Francophonie. "Je voulais faire ce film, car il y a quelques Noirs en
Roumanie aujourd'hui, mais la plupart sont étudiants en médecine ou footballeurs.
Chaque fois que des Roumains m'abordaient dans la rue, ils me demandaient si j'étais
footballeur ou étudiant. Mais un jour dans la presse, j'ai appris l'arrivée de trente autres Noirs, qui n'étaient ni footballeurs, ni étudiants, et qui de surcroît venaient du Congo.
Il s'agissait de la RDC, mais cela a nourri ma curiosité. Je voulais savoir pourquoi ils
étaient là et comment ils vivaient leur intégration, pour faire une comparaison avec ma
propre intégration. Quand j'ai découvert ce qui leur était arrivé, j'ai refusé de me taire,
j'ai tenu à porter leur voix".
Pour Rufin Mbou, 32 ans, natif de Komono, en République du Congo, l'immigration
est très souvent perçue comme un acte de survie. "Des hommes et des femmes prennent
des pirogues à la recherche d'une vie meilleure, des étudiants choisissent le froid hivernal pour terminer leur cursus universitaire... Ces choix sont souvent lourds de conséquences. Pour mon film, il s'agit de la fameuse immigration choisie. Je dirai même immigration proposée. Je trouvais ça assez inédit qu'un pays comme la Roumanie, l'un des
plus pauvres d'Europe, vienne proposer à des Africains d'immigrer pour aller travailler
comme chauffeurs de taxi chez eux".
Le tournage de ce documentaire de 52 minutes, sur la musique du musicien congolais Freddy Massamba, s'est fait en plusieurs temps. Il a été tourné en 2010 en Roumanie:
"En décembre 2011, je n'ai pu trouver qu'un seul Congolais du groupe. Les autres
avaient été envoyés hors de la capitale, et leur situation changeait assez rapidement.
Certains avaient été expulsés, et d'autres avaient changé de statut". Le film comporte
aussi des images filmées à Brazzaville en janvier et juin 2012 avec Yves, l'un des personnages principaux du film qui a beaucoup souffert de son expérience en Roumanie.
Son témoignage dans le film est très émouvant.
Après le tournage en Roumanie et au Congo, le film a été monté, étalonné et mixé
à Bordeaux. "J'aimerais inviter tout le monde à venir voir ce film, qui porte un regard
singulier sur les questions d'immigration et de territoire" conclut Rufin Mbou.
Désirée-Hermione Ngoma
Les pays de l'Est ont été, à plus de
50 reprises, la destination de Marcel
Cellier. Il y est parti avec un enregistreur et a rapporté des musiques, alors
inconnues en Europe de l'Ouest, qu'il diffusa entre les années 1960 et 1990 à la Radio Suisse Romande,
avec son émission De la Mer Noire à la Baltique. L'ORTF,
Radio France, la Radio belge RTBF, la BBC, Bayerischer
Rundfunk ainsi que Westdeutscher Rundfunk lui ont aussi
régulièrement ouvert leurs ondes. Grâce à ses voyages, Marcel
Cellier a rencontré et fait découvrir le virtuose roumain de la
flûte de Pan Gheorghe Zamfir, qu'il va accompagner à l'orgue
lors de concerts qu'ils donneront jusqu'en Australie. Ils enregistreront plusieurs disques Flûte de Pan et Orgue.
T
Le musée de l'Aviation
retrouve son berceau
L
e musée Henri Coanda, du nom du grand ingénieur aéronautique et inventeur franco-roumain,
va renaître dans sa maison familiale du boulevard
Lascar Catargiu de Bucarest, donné par sa famille à
l'Académie Roumaine en 1969, peu de temps après sa mort.
Le musée de l'Aviation y fonctionna jusqu'en 1977, année du
tremblement de terre qui détruisit plusieurs quartiers de la
capitale, date à laquelle l'édifice fut récupéré par le Parti
communiste roumain. Depuis 1989, il faisait partie des bâtiments du protocole de l'Etat. Début juillet, le gouvernement
a décidé qu'il passerait sous l'administration du ministère de
la Culture et retrouverait son ancienne vocation de musée.
Parallèlement, il tombera sous le charme des voix féminines si
particulières des chœurs bulgares qui chantent du folklore parfois arrangé par différents compositeurs contemporains. Il
décida de partager cette passion en réalisant, dès 1972, une
série d'émissions radiophoniques qu'il intitula "Le Mystère des
voix bulgares", titre qu'il donnera ensuite à un premier disque
sorti en 1975. L'enregistrement du deuxième album lui a valu
un Grammy Award en 1989. Cette appellation Le Mystère des
Voix Bulgares a été adoptée par le Chœur de Radio Sofia qui
devint ensuite le chœur officiel de la Télévision Nationale
Bulgare et qui sera mondialement connu sous ce nom.
La qualité de ses enregistrements sonores a notamment été
récompensée par le Grand Prix du Disque Académie Charles
Cros (1969, 1970, 1971), Preis der
Deutschen Schallplattenkritik, le Grand
Prix Audiovisuel d'Europe (1984) et la
Médaille du Siècle d'Or du Ministère de
la Culture de Bulgarie (2010).
Marcel Cellier a donné de nombreuses conférences notamment "Sur
les traces de Béla Bartok" illustrées par
les photographies de sa femme
Marcel et Catherine Cellier Catherine Cellier. Le Film Balkan
Melodie de Stefan Schwietert est un documentaire qui suit les
traces des nombreux voyages en Roumanie et en Bulgarie
réalisés par le couple Cellier de 1953 à 2010. Il est aussi bien
un voyage dans le temps qu'un roadmovie. L'imbroglio de souvenirs, d'histoires, d'interviews, d'images et d'enregistrements
d'hier et aujourd'hui, compose le puzzle du destin extraordinaire que a lié les Cellier aux musiques de l'Est. Mais Balkan
Melodie est avant tout un prodigieux film musical qui allie le
son et l'image avec une rare sensibilité.
La France invitée d'honneur à Bookfest
L
a 7ème édition du salon du livre international de
Bucarest -Bookfest- s'est tenue fin mai -début juin,
accueillant 90 000 visiteurs en cinq jours, soir une progression de 12 % par rapport à l'année précédente. La France occupait une place de choix en tant qu'invitée d'honneur. Les interventions de Michel Houellebecq et Bernard Pivot ont été particulièrement appréciées. Eva, Roumaine francophone, a offert, non sans
émotion, un bouquet de fleurs à ce dernier, confiant qu'elle avait vu
des cassettes enregistrées de son émission "Apostrophes" à
l'Institut culturel français de Bucarest, lui devant en grande partie
sa passion pour la langue française. La France rendra l'invitation
dès l'année prochaine puisque la Roumanie sera, à son tour, l'invitée d'honneur du Salon du Livre de Paris, prévu en mars prochain.
39
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Musique
Le destin hors du
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SULINA
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Un violon
dans sa corbeille
de nouveau-né
40
des plus grands dirigeants d'orchestre du XXème siècle
commun d'un chef roumain et européen
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MURES
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George Georgescu l'un
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
C'est dans le port cosmopolite de
Sulina que naît George Georgescu,
en 1887. Leonte, son père, est le chef
de la douane, époux de la belle
Elena, fille du capitaine du port. Rien
ne semble disposer le petit George à
s'intéresser à la musique… sauf le
premier prix d'un tirage au sort auquel
Leonte a inscrit le nouveau-né: un
beau violon de lautar, dans son étui.
La jeunesse de George se déroule
au rythme des affectations de son
père, dans plusieurs ports du Danube
et jusqu'à Bucarest. Le garçon écoute
avec intérêt les fanfares qui égaient
chaque dimanche les promenades
des adultes. L'on y joue un répertoire
populaire inspiré de Vienne, mais
aussi la déjà célèbre valse Flots du
Danube, Valurile Dunarii, de son compatriote Iosif Ivanovici. Est-ce là que
George est saisi du démon de la
musique? Seul à la maison, il réunit
bocaux et autres ustensiles sonores
et improvise sur ce xylophone de fortune pendant des heures. Il retrouve
même au-dessus d'une armoire son
violon, et parvient bientôt à en jouer
en le tenant, coincé entre ses cuisses, à la manière d'un violoncelle.
Scolarisé à Giurgiu, le jeune
homme compose une valse qui
impressionne son professeur de
musique. Celui-ci lui confie la direction du chœur du lycée et lui permet
même d'enseigner à sa place. C'est
ainsi que George Georgescu débute
officiellement sa carrière vouée à la
musique. Il n'achève pas ses études
scolaires. Qu'importe ! Il apprend à
jouer du violoncelle, fuit la maison
paternelle et rejoint la capitale pour
parfaire sa formation.
Le chef d'orchestre roumain George Georgescu (1887 - 1964) était, de son
vivant, considéré comme l'un des plus authentiques héritiers de la grande tradition de la musique d'Europe Centrale. Cet infatigable défenseur de la musique
roumaine, acteur majeur de sa renaissance dans son pays au XXème siècle est
aujourd'hui tombé dans un relatif oubli. Le musicologue Alain Chotil-Fani évoque
cette grande figure, dont le destin est profondément lié à celui de son pays, faisant
par là même un portrait non seulement de la musique roumaine contemporaine et
de ses interprètes mais, à travers eux, de l'histoire de la Roumanie dans les deux
premiers tiers du XXème siècle.
A
près une enfance passée au rythme des affectations de son père, douanier,
George Georgescu, né à Sulina, porte du delta du Danube sur la mer Noire,
a montré très tôt des dispositions exceptionnelles pour la musique et s'est
inscrit en 1906 au Conservatoire de Bucarest. C'est alors un jeune homme de dix-neuf
années, aux cheveux longs et confiant en sa bonne étoile. Il est trop âgé pour rejoindre
la classe de violoncelle mais suivra les cours de contrebasse.
Le garçon surprend ses professeurs, par son talent de mélodiste qui parvient à faire
chanter l'instrument d'une manière inouïe. Et surtout il ne laisse pas passer l'occasion
de remplacer au pied levé le chef titulaire de l'orchestre du Théâtre National. Le succès
est si manifeste qu'il est confirmé à ce nouveau poste.
"Gogu", comme on l'appelle familièrement, sait imposer son mode de travail, sa
très grande exigence envers les interprètes, et cela, même dans le répertoire léger de l'opérette. Il demande aux chanteurs de connaître leur partition et non plus de chanter
"d'après l'oreille" comme cela était
l'habitude. Pour être bien jouée, la
musique - fût-elle réputée "facile" réclame la plus grande précision.
Mais Georgescu reste avant tout
un violoncelliste. A 23 ans, il est en
mesure de jouer le grand répertoire concertos de Dvorak, de SaintSaëns... - en public. Il lui faut cependant rechercher à l'étranger la reconGeorgescu (à gauche) et Enescu naissance. En janvier 1911, le jeune
réunis sur la pochette d’un microsillon. homme diplômé du Conservatoire
de Bucarest prend le train à la Gare du Nord pour la capitale prussienne.
A Berlin, admis dans le "Saint des Saints"
A Berlin, Georgescu fait le siège de la demeure d'Hugo Becker, l'un des plus grands
violoncellistes en activité. Le maître, assailli de prétendants venus des quatre coins du
monde rechercher son enseignement, refuse un grand nombre de visites. Mais le jeune
Roumain n'est pas du genre à se décourager et parvient enfin à s'introduire dans la
demeure du virtuose, muni de son instrument.
Devant Becker attentif, il joue le solo d'un concerto de Camille Saint-Saëns. Le
professeur n'est pas sans réserve à l'égard du jeu de Georgescu, bien au contraire. La
technique laisse à désirer, toutes les bases sont à revoir. Il faudra travailler beaucoup,
privilégier la cantilène, mettre la technique au service de la musique, et non l'inverse.
Et par ailleurs renoncer aux cheveux longs, car ils "nuisent au son du violoncelle" !
Mais l'essentiel est là : Becker discerne en Georgescu un artiste hors du commun.
Non seulement le jeune homme est passionné, mais il possède toutes les capacités pour
servir sa passion. Et voilà le jeune roumain admis dans le cercle très fermé des disciples du violoncelliste berlinois ! Bien des années plus tard, Georgescu confiera: "Tout
ce que je sais, je l'ai appris grâce à Hugo Becker".
La réputation du jeune musicien croît rapidement. Il se lie
d'amitié avec le jeune George Szell, futur immense directeur
d'orchestre comme lui, rencontre Errico Caruso et le célèbre
compositeur Richard Strauss.
La musique au-delà des nationalismes
eut l'occasion d'en juger par lui-même au cours de confrontations entre jeunes espoirs de la direction: Georgescu est son
"meisterschüller". C'est donc naturellement qu'il confie à son
"élève-maître", pour ses débuts, rien moins que la prestigieuse
Philharmonie de Berlin, l'un des meilleurs orchestres qui
soient. Et c'est ainsi qu'en 1918, année si symbolique pour la
nation roumaine qui récupère la Transylvanie, un jeune musicien pratiquement inconnu dans son propre pays obtient un
immense succès à la tête des Berliner Philharmoniker.
L'affiche propose des oeuvres du Norvégien Grieg, du
Russe Tchaïkovski et de l'Allemand Richard Strauss. Ces deux
derniers compositeurs reviendront
très souvent et toujours avec le même
bonheur au répertoire de Georgescu.
Quelques mois plus tard, il accompagne un jeune pianiste né au Chili,
Claudio Arrau, dont c'est la première
apparition en public.
Hugo Becker ne cache pas son admiration pour son protégé, à tel point qu'il le propose comme son remplaçant au sein
du Quatuor Marteau, cette formation musicale fondée par
Henri Marteau, violoniste né à Reims de père français et de
mère allemande, lequel, chose remarquable pour une époque volontiers
nationaliste et revancharde, est très
ouvert sur les musiques de tous les
horizons.
Au poste de violoncelle du quatuor formé par Henri Marteau et ses
amis étrangers, Georgescu réalise ses
premières tournées internationales.
Mission du roi Ferdinand
Henri Marteau invite son nouveau
collaborateur dans sa villa musicale
Le 4 janvier 1920, George
de Lichtenberg, où il s'est installé
Georgescu est revenu dans son pays
Dans les années 20, George Georgescu était déjà
pour mieux rayonner à travers le
une relation recherchée dans la haute société natal. Il s'apprête à diriger la
de Bucarest. Ici, au centre de la photo. Philharmonie de Bucarest. Personne
continent européen. Georgescu y rencontre le Bulgare Pancho Vladigherov, qui rendra hommage
n'imagine alors que c'est le début d'une liaison passionnée de
plusieurs fois dans ses compositions aux musiques roumaines.
plusieurs décennies. La philharmonie est déjà un ensemble
Mais le déclenchement de la guerre interrompt net les activiassez ancien. Wachman puis Dinicu se sont tour à tour efforcés
tés du quatuor. Georgescu reprend son activité de violoncelle
de donner à la Roumanie le grand ensemble symphonique
solo. Les critiques apprécient l'art d'un virtuose que l'on comqu'elle mérite. Mais si le pays a d'excellents musiciens et des
pare parfois à Pablo Casals.
chorales de grande qualité, il manque encore d'expérience dans
le domaine de la musique instrumentale "savante". De nombEspion aux yeux des Allemands
reux talents ont vu une carrière prometteuse compromise en
restant au pays. C'est en partant de ce fait qu'Eduard Caudella,
L'année 1916 bouleverse pour toujours la carrière de
constatant l'extraordinaire intelligence artistique du jeune
Georgescu. Alors qu'il prend un train pour rejoindre un récital,
Enescu, avait conseillé à ses parents de l'éloigner de la
la porte de la voiture lui glisse sur la main. La douleur n'est pas
Roumanie pour l'envoyer étudier à Vienne.
très vive mais l'oblige dans l'immédiat à annuler tous ses engaLa famille royale est présente au premier concert dirigé
gements. Les médecins ne sont pas très rassurants: il est possipar Georgescu. Le roi Ferdinand et la reine Maria sont des
ble qu'il soit incapable de rejouer du violoncelle. Par ailleurs
esthètes et voient d'emblée dans le jeune chef l'autorité qui
l'entrée en guerre de la Roumanie fait de lui un espion aux
saura enfin construire une formation symphonique d'élite,
yeux des autorités allemandes et Georgescu est incarcéré un
digne ambassadrice de la culture musicale roumaine à l'étranbref laps de temps! Les milieux artistiques berlinois intervienger. Le roi Ferdinand choisit de donner sa confiance à
nent rapidement et font libérer le musicien, qui doit tout de
Georgescu. Il lui confie la mission de recruter à l'étranger des
même se présenter deux fois par jour à la police. Mais sa main
interprètes prestigieux qui pourront l'aider à faire de la philharle fait toujours souffrir. Comment peut-il désormais exercer
monie bucarestoise une formation d'envergure internationale.
son art ?
Georgescu se rend à Vienne pour les auditions. Son but
n'est pas seulement de juger la qualité artistique de ses futurs
A 31 ans à la tête du Berliner Philharmoniker
collaborateurs, mais de prendre en compte leur aptitude à s'intégrer aux exigences du jeu en orchestre. Parmi les instrumenLa mésaventure de Georgescu est arrivée aux oreilles du
tistes qu'il repère et persuade de rejoindre la formation bucagrand chef austro-hongrois Arthur Nikisch. Pour Nikish,
restoise se trouve un hôte de choix, Iosif Prunner. Celui-ci est
Georgescu a toutes les qualités pour devenir un directeur d'orle premier contrebassiste des Concerts Colonne, l'un des
chestre hors du commun. Il en a parlé avec Richard Strauss, et
meilleurs orchestres français.
(suite page 44)
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Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
(suite de la page 41)
Grâce à lui, Bucarest reconnue par les plus grands chefs
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Naissance d'une élite
musicale roumaine
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Bientôt la philharmonie roumaine compte une
centaine de musiciens. Année après année, concert
après concert, Georgescu construit patiemment, avec
abnégation, son orchestre. Il se préoccupe de tous les
pupitres, s'astreint à les améliorer individuellement,
attache une très grande importance aux répétitions. Il
se souvient des conseils de ses maîtres et du fameux
pianissimo d'Arthur Nikish qu'il s'efforce de faire
maîtriser par ses musiciens.
Le niveau de qualité atteint par l'orchestre lui permet d'inviter des chefs étrangers. Les Allemands Richard Strauss et Bruno Walter,
l'Autrichien Felix Weingartner, le Tchécoslovaque Oskar Nedbal, les Français
Gabriel Pierné et Vincent d'Indy viennent diriger la philharmonie. Tous se déclarent
impressionnés par l'excellence des musiciens de Bucarest.
Georgescu ne limitera pas son art à
la musique symphonique. Dès 1921, on
connaissait ses affinités par la Symphonie avec Chœurs de Beethoven, qu'il
monte avec la société chorale Carmen.
L'année suivante, il prend la direction
La presse parisienne crie au génie
de l'Opéra et se révèle un chef lyrique
d'exception. Il dirige à la fois les clasL'étranger n'ignore rien de la réputation de Georgescu. La France l'accueille en
siques - ceux de Wagner lui sont chers
1921 pour une série de concerts encensés par la presse parisienne qui crie au génie.
- et les partitions du XXème siècle
Il y reviendra en 1926, ce qui lui donnera l'occasion de rencontrer Igor Stravinsky,
comme Salomé de Richard Strauss.
puis en 1929, où il remplacera au pied levé l'illustre Willem Mengelberg. A Vienne,
Georgescu reste à la tête de l'Opéra
Georgescu dirige Richard Strauss, suscitant de nouvelles critiques dithyrambiques de
de Bucarest de 1922 à
la part du féroce chroniqueur Julius Korngold. Pablo
1926 puis pendant
Casals l'invite à son tour à Barcelone, où le chef routoute la décennie des
main est honoré par l'Union Musicale Espagnole de
années 1930.
la capitale catalane.
La renaissance
Dès 1922, la Philharmonie de Bucarest et son
musicale des années
chef attitré sont prêts à se mesurer aux publics étran1920 est favorisée par
gers. Pour la première tournée, les musiciens iront à
l'action de George
Constantinople puis à Athènes. Une véritable expédiEnescu et du concours
tion sur un navire au long cours, au départ de
portant son nom,
Constantsa ! Pour de nombreux musiciens c'est leur
récompensant les jeupremier voyage d'importance. Au-delà de l'aspect
nes compositeurs.
artistique et du très bon accueil des mélomanes
Toute une école natioDiplômes et lycées roumains portent le nom étrangers, le chef a conscience qu'une telle tournée a
du célèbre chef, comme ici à Tulcea,
nale voit le jour penprès de sa commune natale de Sulina. pour but de former un peu plus le groupe de ses
dant cette période.
musiciens, d'accroître la complicité des instrumentisGeorgescu dirigera à d'innombrables
tes et de favoriser l'émergence d'une culture commune. Tous se souviendront très
reprises la musique roumaine contemlongtemps encore de cette première tournée en Méditerranée orientale.
poraine, celle de C. C. Nottara, Filip
Lazar, Mihail Jora, Mihai Andricu et tant
Embarqué par la reine Maria pour l'Amérique
d'autres compositeurs malheureusement si méconnus de ce côté-ci de
Année 1926. Georges Georgescu a sollicité un repos après plusieurs saisons
l'Europe. Il s'investit pleinement dans
éprouvantes avec la Philharmonie et l'Opéra. Il s'installe à Paris, rue de Miromesnil,
son rôle pédagogique, offrant des séanapparaît à l'occasion à la tête de l'orchestre Colonne. Il apprend que la reine Maria
ces gratuites pour les étudiants, fréde Roumanie, en route pour les Etats-Unis, passe par la capitale française. Georgescu
quente assidûment les milieux artisdécide de lui rendre ses hommages à la gare. La souveraine apprécie le geste. "Mais
tiques bucarestois.
pourquoi ne viendriez-vous pas avec nous en Amérique ?" demande-t-elle soudain au
Avec ses amis du cercle "tambalagii"
musicien. Ce dernier, pris au dépourvu, hésite: il n'a pas les moyens, il n'a rien prévu,
(joueurs de cymbalum), Georgescu se
et que ferait-il là-bas ? La souveraine insiste. On ne refuse rien à la reine Maria Voilà
réunit dans la maison de Constantin
Georgescu pour la première fois embarqué sur un transatlantique à destination de
Braiolu, l'infatigable collecteur de folkloNew-York. Là-bas, il n'a aucun engagement, aucun contact artistique. Mais le sort lui
re, pour des soirées mémorables qui ne
sera une nouvelle fois favorable.
s'achèvent qu'au petit matin.
Pendant une représentation au Carnegie Hall, il fait connaissance avec son
Les NOUVELLES de ROUMANIE
voisin de loge. Cet homme n'est autre qu'Arthur Judson, l'agent artistique d'Arturo Toscanini, reconnu comme étant le
plus grand chef en activité dans le monde. Lorsque, quelques
jours plus tard, Toscanini éprouve une douleur au bras et
renonce à diriger la fin de la saison 1926 à New York, Judson
pense aussitôt à Georgescu. Mais auparavant il demande
conseil à Richard Strauss: ce Roumain inconnu aux USA a-til les épaules pour remplacer l'étoile des chefs d'orchestres ?
l'Allemand répond sans hésiter. Oui, Georges Georgescu saura
relever le défi, le compositeur n'a pas de doute à ce sujet.
L'intéressé, lui, hésite beaucoup. Il y a de quoi! Les
Américains sont connaisseurs, la concurrence est âpre et de
très haut niveau: des chefs comme Pierre Monteux,
Furtwangler, Mengelberg ou
Leopold Stokovski jouissent d'une
immense estime. La partie est loin
d'être gagnée.
Remplaçant et
intime de Toscanini
Connaissance et découverte
interprétations de Beethoven, de Brahms, de R. Strauss, très
rigoureuses et pourtant toujours si naturelles. On retrouve son
nom au programme de nombreux orchestres européens. Mais
il n'oublie pas son pays. Les dix années de "sa" Philharmonie
sont fêtées par un concert de mille exécutants !
Un concert mémorable avec Pablo Casals
au violoncelle et Enesco au violon
En 1933, Georgescu épouse la jeune et très jolie Tutu. En
dépit d'une différence d'age importante, le couple restera uni à
travers les épreuves et Tutu Georgescu veillera toujours à ranimer le souvenir de l'immense artiste que fut son époux. Deux
de ses livres sont consacrés à ses
mémoires musicales, parsemées
d'anecdotes précieuses et volontiers spirituelles.
Georgescu poursuit son action
pédagogique, en organisant des
festivals thématiques consacrés à
des écoles nationales, tout en organisant une nouvelle tournée en
Méditerranée orientale.
L'orchestre et son chef sont
devenus une référence. Pablo
Casals, le "plus grand des violoncellistes" selon les dires de
Georgescu en personne, rejoint la
capitale roumaine pour plusieurs
récitals mémorables, dont un au
côté d'Enesco au violon pour le
Double Concerto de Brahms.
Mais Georgescu est l'homme
de la situation. Il finit par accepter
et on le retrouve dès décembre
1926 à la direction du New York
Philharmonic. Au programme,
Smetana, Schubert et Richard
Strauss à qui il doit tant. La presse ne fait pas de détail: voici un
nouveau chef européen qui dorénavant comptera pour tous les
mélomanes du Nouveau Monde!
Et aussi, pouvons-nous ajouter,
pour ses musiciens, puisque parmi
Avant la catastrophe
les membres de l'orchestre amériGeorge Georgescu pose ici avec Enescu (à gauche)
cain se trouve un artiste originaire
Un séjour de Georgescu en
et le violoniste Jacques Thibaud (au centre).
de Hongrie, nommé Jenö Blau.
Italie revêt une importance partiBientôt remarqué à son tour par Judson pour pallier une nouculière. A Rome, il dirige la partition originale de l'extraordivelle défection de Toscanini, Blau - désormais connu sous le
naire opéra de Moussorgski, Boris Godounov, récemment
nom d'Eugene Ormandy - prendra la tête de l'Orchestre de
redécouverte. Le chef roumain dirige aussi un poème symphoPhiladelphie. En 1958, Ormandy et son orchestre seront l'hôte
nique intitulé Juventus de Victor de Sabata. On pourrait s'inde la capitale roumaine.
terroger aujourd'hui sur la signification de diriger une telle
Le séjour américain de Georgescu dure plusieurs mois et
oeuvre dans l'Italie de Mussolini, si l'on ignorait que cette
se révèle être un succès sans tâche, même quand il reprend la
même pièce symphonique, apologie de la jeunesse exaltée, fut
direction d'une scène lyrique pour la Bohême de Puccini. Le
aussi âprement défendue par un Arturo Toscanini.
défi est gagné.
A la fin de la décennie 1930, Georgescu découvre en son
Georgescu prend le navire qui le ramène sur le vieux
compatriote Constantin Silvestri l'un des grands espoirs de la
continent en compagnie de Toscanini et de sa fille Vanda. Le
direction d'orchestre. L'avenir lui donnera raison, mais
vieux chef italien, lui aussi ancien violoncelliste de talent, l'a
l'Europe est au bord du gouffre. La Philharmonie de Varsovie
accepté dans le cercle restreint des artistes qu'il tolère à ses
propose à Georgescu un poste de chef titulaire. Les musiciens
côtés. Un geste très significatif de la part d'une personnalité
polonais ne se doutaient pas que quelques mois plus tard, leur
sans concession. Toscanini, s'il ne dirigea pratiquement pas de
gouvernement en exil, pourchassé par les Nazis, trouverait
musique roumaine - une Rhapsodie d'Enesco, enregistrée en
refuge dans la capitale roumaine.
1940 et menée à un train d'enfer, fait encore aujourd'hui couAlain Chotil-Fany
rir les collectionneurs - rendra néanmoins hommage à un autre
(à suivre dans le prochain numéro)
immense chef compatriote de Georgescu, Ionel Perlea.
Consulter également le remarquable site d'Alain ChotilAuréolé de sa gloire américaine, il ne fait pas de doute que
Fany consacré à la musique roumaine et des pays de l'Est
Georgescu fait partie des plus grands chefs. On admire ses
www.souvenirs des Carpates.
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Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Etat du monde
SUCEAVA
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Quand les courants
chauds terrassent
la Guerre froide...
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A Ciurea, la troisième catastrophe
ferroviaire de tous les temps
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Mémoire
Connaissance et découverte
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SALONTA
1992 : l'opposition roumaine
commence à s'organiser
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Les perles des candidats au
bac font le délice des examinateurs, aussi bien en France
qu'en Roumanie. Certains sont
pleines d'humour, de philosophie, de réflexion, comme le
montre l'échantillon ci-dessous:
"L'ONU est une institution qui
permet aux pays riches de
contrôler les pays pauvres tout
en douceur. Cela évite des guerres et des morts, ce qui est plutôt positif", écrit une jeune
Roumaine.
Un sujet posant la question
de l'utilité du travail a encore
plus inspiré un candidat français
en philosophie qui, semble-t-il,
n'a pas l'intention de trop se fouler dans la vie: "La preuve que
le travail n'est pas utile, c'est que
Jésus-Christ n'a jamais travaillé.
Il n'a fait que voyager de pays en
pays pour répandre l'amour mais
n'a jamais travaillé, ce qui ne
l'empêche pas d'être très connu,
même s'il a mal fini".
Passe encore pour cette interprétation libre, mais la palme de
la fantaisie revient à cette candidate commentant la fin du communisme dans les pays de l'Est
dont on aimerait que l'interprétation poétique soit plus souvent
présente aux grands rendezvous de l'Histoire: "Suite à la
chute du mur de Berlin, la circulation des vents a pu être rétablie dans toute l'Europe. Avec le
réchauffement climatique et l'arrivée des courants chauds, on
assiste alors à la fin de la guerre
froide"…
n 1992, la Roumanie a émergé progressivement de son anomie politique: les élections locales de février ont opéré une redistribution des cartes au niveau des maires comme des conseillers municipaux. Même s'il est resté la principale formation
politique avec 33% des suffrages exprimés, le Front de salut national (FSN) s'est vu ravir la
direction des principales villes par la Convention démocratique (CD) qui l’a remporté à
Bucarest, Brasov, Constanta, Ploiesti, Timisoara... Seule Cluj a échappé à cette dernière, tombant aux mains du Parti national pour l'unité roumaine dont le programme, axé sur la valorisation de l'identité nationale, a attiré les voix de ceux qui considèrent que les droits des minorités, à commencer par ceux de l'importante communauté magyare, doivent être très circonscrits... au grand dam de l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), dont les
parlementaires ont refusé en décembre 1991 de voter la nouvelle Constitution. Selon eux, le
texte - adopté après avoir obtenu, lors du référendum de décembre 1991, l'approbation de
77% des votants - ne leur accorde pas suffisamment de garanties.
Le Roi Michel chaleureusement accueilli
Mais cette ébauche de bipolarisation du
champ politique semblait, à la mi-1992, avoir de
fortes chances de se modifier encore très sensiblement à l'issue des élections législatives et présidentielle de septembre auxquelles l'audience
croissante du roi Michel - chaleureusement
accueilli lors de sa courte visite à Bucarest le 26
avril et la brûlante question de la Moldavie risquaient de donner une tournure passionnelle.
Le FSN comme la CD ne constituent pas des
forces politiques homogènes: le FSN a pour principal leader l'ancien Premier ministre Petre
Roman, "démissionné" en septembre 1991 lorsque les mineurs de Jiu sont venus à Bucarest
faire pression sur un président - Iliescu -qui ne s'est nullement empressé de retenir celui qui
passe, au sein du FSN, pour son principal rival. Ion Iliescu, qui a postulé à un second mandat présidentiel face au candidat "surprise" de la CD, Emil Constantinescu, a d'ailleurs organisé une scission pour créer une formation concurrente,"le FSN -22 décembre".
La CD, pour sa part, a rassemblé quatorze formations, avec pour principaux chefs de file
l'Alliance civique, le Parti national-paysan, l'UDMR et, jusqu'en avril 1992, le PNL dont la
participation au gouvernement à partir d'avril 1991 a prouvé toute l'ambiguïté de la ligne
politique. Les programmes économiques n'ont guère brillé par leur spécificité. Il est vrai que
la situation a été à ce point difficile que personne n'a songé à attaquer de front le gouvernement de Theodor Stolojan - en qui beaucoup ont semblé voir le successeur d'Iliescu - sur sa
gestion, hormis les syndicats alertés par les risques de forte augmentation du chômage
(550 000 chômeurs officiellement déclarés en juin 1992) et les hausses de prix successives.
La catastrophe ferroviaire de Ciurea, survenue le 13 janvier 1917, à sept kilomètres de Iasi, pendant la Première
Guerre mondiale, demeure la plus importante qu'ait jamais connue la Roumanie avec un millier de victimes. Elle figure
toujours au troisième rang mondial. Pourtant, elle est aujourd'hui oubliée.
M
ême à l'époque, La catastrophe ferroviaire de
Ceux qui ne purent être identifiés, furent enfouis dans une
Ciurea ne fut pas beaucoup médiatisée, pour ne
fosse commune, à 500 m de la gare. Aujourd'hui encore, on
pas aggraver davantage le moral en berne de la
peut s'y recueillir. Comble de malchance pour la petite gare
population, alors que le pays accumulait les défaites faces aux
moldave… une autre catastrophe, similaire, s'y déroulera huit
armées austro-allemandes, Bucarest et la majorité du territoire
ans plus tard, entre deux convois de marchandises, mais sans
étant tombés entre leurs mains, et qu'un million de Roumains
commune mesure quant aux nombres de victimes.
sur les six millions que comptait alors le Royaume s'étaient
réfugiés en Moldavie.
Derrière le tsunami de 2004
Justement, il s'agissait du train de la dernière chance pour
le millier de passagers venant de Galati, fuyant l'avance des
La tragédie de Ciurea prend donc place au 3ème rang des
troupes ennemies, et qui s'étaient entassés dans 26 wagons. A
plus grandes catastrophe ferroviaires de la planète. La premiècourt de bois et de charbon, le convoi avait été obligé de s'arre est toute récente et a finalement peu à voir avec le chemin
rêter plusieurs fois entre
de fer. Au Sri Lanka, le
Bârlad et Iasi pour se
24 décembre 2004, coinr é a p p r o v i s i o n n e r.
cé par une vague du tsuInquiets devant sa surnami créé par le tremcharge, les mécaniciens
blement de terre de l'oavaient procédé, avec
céan Indien, le train bapsuccès, à plusieurs essais
tisé la Reine de la mer a
de freinage sur le parété pris dans la montée
cours.
des eaux. Estimant qu'ils
A l'approche de la
seraient à l'abri, des cengare de Ciurea, le train
taines d'habitants étaient
avait péniblement gravi
montés à bord.
une pente d'environ 6%,
Malheureusement,
mais, dans la descente,
ils ont été incapables
soudains les freins
d'ouvrir les portes des
lâchèrent. Les mécaniwagons et se sont noyés.
ciens tentèrent alors
La catastrophe ferroviaire de Ciurea, aux portes de Iasi, fera un millier de victimes. On a compté 1700 victid'actionner les freins
mes. En Inde, le 6 Juin
manuels mais ne purent les atteindre à temps, gênés par la
1981, un train de passagers a déraillé sur un pont et plongé
bousculade des voyageurs. Manque de chance, les freins de
dans la rivière Bagmati. Plus de 1000 personnes se sont
contrepression ne fonctionnaient pas non plus, des passagers
noyées. Seuls 200 corps ont été récupérés.
des premiers wagons ayant sans doute coupé par inadvertance
l'alimentation en air comprimé.
En France, la catastrophe similaire de Modane
Un train lancé à vitesse folle
Retard à l'allumage pour les privatisations
Bien qu'il se soit efforcé, non sans volontarisme, de donner à une communauté financière internationale toujours réticente de nouvelles preuves de sa détermination à mener énergiquement la transition, le gouvernement a rencontré un certain nombre de difficultés à mobiliser l'aide financière promise en décembre 1991 par les Occidentaux dans le cadre du "groupe des 24" (soit un milliard de dollars). Tandis que la réforme agraire a été la source d'une
alarmante désorganisation, quelques dizaines d'entreprises devaient commencer à être privatisées (loi d'août 1991); mais les investisseurs étrangers, aux premiers rangs desquels la
France et l'Allemagne, n'avaient pas encore, à la mi-1992, conclu de contrats de grande
envergure, à quelques exceptions près. Subissant une chute dramatique de ses exportations et
une criante pénurie de devises, la Roumanie espérait, à la mi-1992, signer le plus rapidement
possible un accord d'association avec la CEE.
Édith Lhomel, L'état du monde 1992
Le train entra à une vitesse folle dans la gare se dirigeant
vers le quai n° 1, alors qu'y stationnait un convoi de carburant
destiné à l'armée roumaine, qui n'aurait pas dû s'y trouver.
Dans une tentative désespérée, un cheminot se précipita vers
l'aiguillage, déviant le train fou sur le quai n°2, mais seuls la
locomotive et le premier wagon s'y engagèrent, les autres se
couchant sur la voie, venant catapulter les citernes, déclenchant une énorme explosion et un incendie gigantesque. Les
passagers qui n'avaient pas été tués dans la collision furent la
proie de flammes.
On retira des centaines de corps calcinés, méconnaissables, des wagons tordus et déformés sous l'effet de la chaleur.
En France, onze mois après la catastrophe de Ciurea, un
drame similaire s'est déroulé près de Modane, le 12 Décembre
1917. Un train surchargé transportant 800 à 1000 soldats français qui rentraient de l'Italie du Nord-Est, au cours de la
Première Guerre mondiale, a subi aussi une défaillance des
freins et s'est écrasé en dévalant une vallée. On estime à plus
de 600 le nombre de victimes. À la suite de l'incendie qui s'était déclaré, seulement 425 corps ont pu être identifiés.
Il faut se rappeler également la catastrophe de
Guadalajara, survenue le 22 janvier 1915, en pleine révolution
mexicaine. Un convoi transportant les familles des troupes du
président constitutionnaliste Carranza a perdu ses freins dans
une descente abrupte, déraillant et plongeant dans un canyon.
600 voyageurs périrent, 300 survécurent.
45
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Tourisme
Baile Herculane va
SUCEAVA
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CHISINAU
IASI
ORADEA
ARAD
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BAIA
MARE
BACAU
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BRASOV
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SIBIU
GALATI
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l
HERCULANE
l
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l
PITESTI
CRAIOVA
l
TULCEA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
l
Perles made in USA
46
Connaissance et découverte
thermale déclinait depuis plus de dix ans
renaître de ses cendres
l
TARGU
MURES
TIMISOARA
Victime de la corruption, la célèbre station
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Certes la Roumanie est loin de
l'Amérique, ce qui n'empêche pas
certains tour-opérators américains
de s'y intéresser et de formuler
auprès des agences de tourisme
roumaines des demandes parfois
surprenantes. Exemples :
"Nous voulons participer au festival Unesco de Bucarest en septembre"… Après des recherches vaines,
le mystère a été éclairci: il s'agissait du Festival Enescu.
Pour éviter de répéter les mêmes
noms dans sa réponse, une secrétaire avait écrit "Idem", le tour opérator lui a immédiatement demandé :
Where is Idem? I don't find it on the
map... (Où se trouve Idem ? Je ne le
trouve pas sur la carte).
Et enfin, d'une agence d'Australie:
"Nous avons une femme seule qui
vient de perdre son mari, elle voudrait faire le tour de la Roumanie en
septembre prochain avec Dracula”
(the Romanian Tour With Dracula)…
Le vampire ne se suffirait-il plus du
sang de ses victimes, mais voudraitil aussi leurs larmes ?
Ion British
Attablé à la terrasse d'un café,
avec Maria, Ion lit le Times. Maria
l'interrompt :
-Oh, Ion, il commence à pleuvoir,
finis-vite ton journal.
Ion ne réagit pas et continue sa
lecture.
-Ion, il pleut de plus en plus !
Ion continue imperturbablement.
-Mais enfin Ion, s'énerve Maria, tu
veux qu'on soit trempé !
Ion pose tranquillement le Times
sur la table et fixant lentement Maria:
-So, Darling, you have an obsession !
A 180 kilomètres au sud de Timisoara, dans la vallée du Cerna, celle qui fût la
plus belle station climatique de Roumanie, certainement la plus importante, la
plus célèbre en tout cas, se remémore sa gloire passée et doute de son avenir. Triste
et humiliée, Baile Herculane dépérit dans les restes de sa splendeur austro-hongroise. Pourtant, l'espoir d'une renaissance est là. Certains y travaillent avec
détermination.
Q
uand on arrive, Baile Herculane donne l'impression d'une ville fantôme:
hôtels délabrés en majorité fermés, bâtiments dégradés aux portes cadenassées. Des immeubles, monuments historiques inscrits au patrimoine national, s'écroulent morceau par morceau. La pluie et la neige parachèvent la besogne par
les toitures crevées. Les anciennes résidences impériales fixent de leurs orbites ternes
jadis garnies de fenêtres dorées la statue d'Hercule sur la place centrale. Les marches
des escaliers que foulaient autrefois l'impératrice Sissi ou le roi Carol 1er de Roumanie
sont disjointes et fendues. Le crépi des façades recouvert d'affiches électorales est
rongé par l'humidité et la moisissure.
Des tas de gravats sont là pour témoigner des ravages de la négligence et de l'oubli, de l'incurie des autorités, des accommodements entre copains et des compromissions. La vision est poignante et affligeante.
Pourtant, tout est là pour rappeler le passé glorieux de la station. On devine que
Baile Herculane a connu le faste et la magnificence au point qu'elle fut surnommée la
"perle de l'empire". Le monde entier venait prendre les eaux dans ses thermes. Ses
hôtels ont hébergé des personnalités marquantes de tous pays et de toutes époques.
Il fallait être pistonné pour y décrocher un séjour
Vingt siècles sont passés sur Herculane. Une pièce archéologique atteste déjà de la
présence des Romains en 153 après J.-C.. L'aristocratie romaine antique la fréquentait.
Le lieu avait été dédié à Hercule, d'où son nom. Puis, sont venus les Ottomans, les
Austro-Hongrois, les guerres, les incendies et les tremblements de terre. Herculane a
résisté héroïquement. Elle a été refaite, reconstruite, enrichie, agrandie, sans cesse
développée. Dans les années 70, l'activité battait encore son plein. Les grands hôtels
accueillaient à longueur d'année des groupes de touristes étrangers qui, pour certains,
venaient de Finlande ou d'Israël. Jusque dans les années 90 - comme partout d'ailleurs
- il fallait être pistonné ou faire jouer ses relations pour décrocher un séjour.
Chaque saison, 6 000 chambres d'hôtel et places d'hébergement ont assuré la prospérité de la station. Même les
communistes, ont exploité les ressources d'Herculane au
maximum. Ils en ont aussi profité: Mihail Sadoveanu et
Gheorghe Gheorghiu-Dej (1) sont venus ici régulièrement
de 1948 à 1957. L'histoire d'un succès s'est donc écrite ici
tout au long des décennies qui ont précédé la "révolution".
Baile Herculane était devenue une marque internationale.
Un drôle de citoyen… même d'honneur
En 2001, Dan Matei Agathon, ministre du tourisme
PSD, a cédé pour 1,3 millions de dollars, dans le cadre
d'un processus de privatisation discutable - dont les termes sont restés confidentiels - la quasi totalité de la station. C'est-à-dire le complexe d'hôtels, les thermes et les
immeubles du centre historique.
L'opération a consisté à vendre les actions de la société
d'Etat "Hercules SA" à une autre société, "Argirom
International", contrôlée par Iosif Armas, député PSD (ex
communistes) et affairiste. Selon les termes de la transaction,
il s'était engagé à réaliser un vaste programme d'investissement. Deux ans, après, la société "Argirom International" était
en cessation de paiement.
C'est là l'illustration d'une action engagée par une autorité
incompétente au service d'un capitalisme sauvage accommodé
à la sauce roumaine, nourri au lait de lois incohérentes votées
au bénéfice de personnages douteux, guidés par des intérêts
obscurs. Le désastre a emporté Herculane, devenue méconnaissable pour les gens du pays et les touristes qui l'avaient
connu naguère. Aujourd'hui, c'est un choc pour qui la découvre la première fois.
Bien entendu, il n'y eut pas l'ombre d'un leu déboursé et
les premiers signes d'inquiétude apparurent rapidement.
Devant cette situation, l'actuel maire de Baile Herculane,
Nicusor Vasilescu prit, pour commencer, une mesure toute
symbolique. Il retira les titres de "citoyen d'honneur" remis en
2002 à Dan Matei Agathon, alors qu'il était encore ministre du
tourisme et à Iosif Armas, son comparse, en raison de "l'extrême gravité des conséquences engendrées par la privatisation".
C'était bien la moindre des choses.
Heureusement, rien n'est perdu. Le sort de la station n'est
pas encore scellé. Le potentiel de développement est là. Un
projet a été initié par le ministère du développement régional
et du tourisme en coopération avec les programmes du développement des Nations-Unis et de l'Organisation Mondiale du
Tourisme.
Partenariat en vue avec
la station autrichienne d'Hallstadt
En 2013, Baile Herculane fêtera ses 1860 années d'existence. Dorin Balteanu, un ingénieur auteur de deux études sur
le sujet, fait partie de l'équipe d'experts en charge du projet de
réhabilitation du site. "C'est pour elle un moment crucial.
D'ailleurs, notre projet a un slogan "La station renaît"",
explique-t-il. Il concerne aussi deux autres localités roumaines, Borsec et Sulina, dans le Delta du Danube, et vise à établir entre elles trois une synergie économique et sociale.
"Notre projet mobilise tous les acteurs locaux pour un développement participatif, poursuit Dorin Balteanu. Je suis optimiste". (Photo ci-dessus: hôtel à vendre)
Les travaux ont déjà commencé et la réhabilitation de plusieurs monuments est prévue. Et bien que le centre historique
appartienne aujourd'hui au domaine privé, les travaux de la
villa Elisabeta ont bénéficié de subventions du ministère de la
culture. Ils sont en cours et devraient être achevés cette année.
Le casino est aussi concerné ainsi que les hôtels Traian et
Decebal. Les célèbres bains impériaux sont en passe d'être
cédés à la municipalité qui a dans ses cartons un important
projet de réhabilitation des installations en centre de cure
ultramoderne intégrant la balnéothérapie, l'hydrothérapie et la
fameuse thérapie gériatrique du Dr Ana Aslan (2).
Il existe aussi un projet de partenariat avec la station
d'Hallstadt en Autriche qui devrait apporter à la partie roumaine le bénéfice d'une longue et riche expérience… "Ad vitam
aeternam" (pour la vie éternelle), auraient dit les Romains.
Yves Lelong
1/ Mihail Sadoveanu (1880 - 1961): écrivain, romancier
et homme politique roumain. Après 1947, il met sa prose au
service du parti et de l'idéologie communiste arrivés au pouvoir en Roumanie. Il devient président de la Grande Assemble
Nationale et fut élu en 1949, président de l'union des écrivains.
Gheorghe Gheorghiu-Dej (1901 - 1965): le pire dictateur communiste roumain, fervent stalinien, nommé secrétaire
du parti communiste roumain en 1945. Il accède au pouvoir en
1952 en évinçant Ana Pauker, première dirigeante de la
République Populaire de Roumanie. Il restera président jusqu'à sa mort, en 1965. Nicolae Ceausescu lui succédera.
2/ Dr Ana Aslan (1897 - 1988): médecin roumain, gérontologue, qui a mis au point un célèbre traitement gériatrique
connu sous le nom de Gerovital et de Aslavital.
47
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Traditions
l
l
l
l
l
l
IASI
ORADEA
l
TARGU
MURES
ARAD
TIMISOARA
SIBIU
PITESTI
CRAIOVA
l
l
CHISINAU
BACAU
l
l
Entre les tentations du Diable
SUCEAVA
SIGHET
BAIA MARE
l
l
BRASOV
GALATI
BRAILA
l
l
l
TULCEA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
l
Iapa…
Mecque de la prune
48
La tournée des alambics dans
Iapa est considéré comme "La
Mecque" de la palinca en Roumanie.
La comparaison n'est pas trop osée
car la religion dans ce quartier nord de
Sighetu Marmatiei, où flotte ses effluves … c'est la prune ! Son alcool
coule presque dans les caniveaux de
ses deux rues principales qui se perdent dans les collines couvertes d'arbres fruitiers, pruniers, pommiers,
noyers… et même dans les veines de
ses 3000 habitants rajoutent les mauvaises langues. Ici, on n'aime pas les
visiteurs, car on redoute les contrôles
de l'administration et les portes ne
s'ouvrent pas facilement. Difficile d'apercevoir un alambic… pourtant ils
sont nombreux, dissimulés derrière les
murs. Le curieux est regardé comme
un suspect et gare à celui qui voudrait
prendre une photo: il pourrait vite lui
en coûter cher.
Iapa, pittoresque enclave vit en
marge, dans ses trafics de bois volés,
ses commerces occultes. Déjà sous
Ceausescu, le quartier fournissait en
palinca, sous le coude, les meilleurs
établissements de Bucarest,
Timisoara, Cluj ou Contantsa et la
"Révolution" n'a rien changé aux habitudes. Le quartier possède les plus
beaux vergers du Maramures et ses
habitants sont considérés comme les
meilleurs spécialistes en greffes d'arbres. On estime qu'ils sont les plus
riches de la région mais n'en sont pas
moins brocardés pour leur avarice
légendaire.
Voici peu encore, ils étaient regardés comme une plaie par les chauffeurs de bus de la ville, se plaignant
sans arrêt de ne pas avoir d'argent et
payant leur ticket avec une ou deux
pommes ou une poignée de noix.
A l'automne, et encore plus au printemps, une odeur de fruits pourris plane
sur les vallées du Maramures. Des charrettes chargées d'impressionnants tonneaux en bois remplis à ras bord de prunes ou pommes ramassées à la fin de l'été,
et macérant dans leur jus depuis, se suivent. Toutes prennent la même direction:
le cazan du village… c'est-à-dire l'alambic. A moins qu'elles n'en reviennent, ayant
troqué leur chargement contre des bonbonnes d'où s'exhalent vite, si on les libère,
des émanations dont l'origine ne trompe pas. En véritable alchimiste, le maître des
lieux a transformé le vieux fruit altéré en or blanc du Maramures… la tsuica,
appelée ici palinca, car plus noble encore et plus forte, après avoir été distillée deux
fois.
D
écidément, chaque saison donne une bonne raison de visiter le
Maramures… Noël, ses colinde, ses traditions paysannes avec notamment
la Saint Ignat et le cochon qu'on tue, Pâques, la Pentecôte, l'Assomption et
leurs somptueuses fêtes religieuses, les villages transportés par la ferveur de leurs habitants revêtus de
leurs plus beaux
atours, laissant
ensuite libre cours
à leur allégresse.
Ici, on vit
intensément et
chaque
évènement prend une
dimension que
l'on ne rencontre
guère ailleurs.
Pourtant, il
existe un Maramures
moins
connu, sans-doute
parce qu'il faut le
chercher, plus ordinaire mais peut-être plus révélateur de cette terre secrète. Un
Maramures entre les tentations du Diable et l'absolution du Bon Dieu… entre les alambics, fonctionnant nuit et jour, d'où coule la palinca, au débit surveillé par les villageois
et les vieilles églises en bois où se pressent les paysannes, avec leurs jupes courtes brodées. Pour le découvrir, il faut parcourir ses vallées au moment de la distillation, au
début de l'hiver ou, surtout, au printemps, pour une tournée des alambics qui promet.
Torrent et moulin à eau refroidissent
le cazan, font tourner lavoir et batteuse à blé
A Sârbi, Lorint veille sur le cazan que sa famille conserve depuis des générations.
C'est l'un des plus vieux de la région et il fonctionne toujours. Le septuagénaire en a fait
un véritable musée vivant et unique, car il est alimenté par un moulin à eau. Le torrent
sert à le refroidir alors que la force de son courant alimente un lavoir à eau et fait tourner une batteuse pour le blé. Lorint le fait marcher depuis un demi-siècle, aidé par
quelques amis qui partagent sa passion, y consacrant toute son énergie… et aussi ses
économies. Les autorités s'en désintéressent et n'ont jamais fait le moindre geste, ne
serait-ce que de reconnaissance pour le remercier d'avoir conservé ce joyau de leur
patrimoine. Le paysan s'en remet à la générosité des touristes de passage qui lui achètent quelques litres de sa production. A quelques kilomètres, la "palincie", littéralement
"maison de la la palinca", de Budesti abrite le plus grand alambic artisanal du
Maramures.
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Connaissance et découverte
les vallées du Maramures
et l'absolution du Bon Dieu
Très ancien, il produit 600 litres d'une palinca réputée
dans la région, flanqué de deux nouveaux d'une capacité
totale de 850 litres.
A Calinesti, le cazan de "Chez Fonta", situé dans une
prairie au bord d'un lac permet de faire une halte pour
pique-niquer. Mais il ne faut surtout pas manquer de s'arrêter dans cette commune, pour admirer le plus vieil alambic
de la région, qui avait été enterré à l'époque de la "prohibition" communiste et a été redécouvert ensuite.
Situé dans un cadre champêtre idyllique, au bord d'une
rivière, près d'une vieille maison en bois, poules et mouton
s'ébattant dans le pré, il dispose aussi d'un lavoir où s'engouffre le torrent dont la force centrifugeuse, réglée par des
vannes permet de laver les tapis en moins de dix minutes. Pas
besoin de les dépoussiérer tant le courant et les tourbillons sont
violents. Les villageois viennent y rincer aussi leurs couvertures, parfois une quinzaine, et gros vêtements, acquittant une
modeste taxe.
Fabriquer sa propre palinca
Toujours dans la même commune, Petre
fait volontiers fonctionner ses deux vieux
alambics et goûter la palinca qui en est fraîchement sortie, vous emmenant dans sa maison admirer broderies et rideaux qui tapissent
l'intérieur. Tandis que sa femme sert des confitures aux invités, il sort précautionneusement
son violon de son écrin et interprète des airs du
riche folklore local. A sa porte, un forgeron bat
le métal, activant sa soufflerie, s'apprêtent à
ferrer un cheval.
Un arrêt au "cazan" officiel de Sat Sugatag où, théoriquement, les villageois sont censés venir faire distiller leur alcool,
la confiant à des employés contrôlant leur production, permet
de mesurer combien il est difficile pour les autorités de combler le gouffre entre réglementation et pratiques traditionnelles. Fabriquer sa palinca, c'est aussi se retrouver entre parents,
voisins, amis, chacun donnant un coup de main, surveillant le
feu, un œil sur l'alambic, bavarder longuement, partager une
tranche de lard en regardant goutter sans fin le précieux liquide, chacun donnant son avis.
Parfois un alambic toutes les quinze maisons
Si à Sârbi et Budesti, on dénombre 6-7
alambics familiaux, des communes comme
Breb, les villages de la vallée du Mara, près
de Sighet, et de Cosau, en comptent une cinquantaine, soit un pour quinze maisons.
Presque tous sont dissimulés aux regards, par
peur des contrôles mais chacun connaît leur
adresse et on effectue parfois jusqu’à 20-30
kilomètres pour y apporter sa cargaison de
fruits fermentés.
Le cazan et la palinca font ainsi partie
intégralement du patrimoine de la région…
Entre vieilles maisons et fermes, rivières, torrents et moulins à eau, églises en bois, vallées verdoyantes,
moutons et vaches paissant dans les prés, chevaux gambadant
librement sur les hauteurs, paysannes cheminant en costume,
la tournée des alambics à la saison de la distillation offre un
moment incomparable pour saisir l'âme du Maramures.
Ce reportage a été réalisé
avec le concours de Teo Ivanciuc
49
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Traditions
Rien ne se perd dans les campagnes du Maramures. Quant les fruits n'ont pas
été transformés en compote ou confiture, ou bien qu'ils aient été rendus impropres
à la consommation après avoir gelé, ils sont stockés dans des barriques où ils fermentent pendant des mois. Assez longtemps, pour que l'alcool se forme… mais pas
trop car il ne faut pas le laisser s'échapper.
SUCEAVA
l
l
BAIA
MARE
IASI
TARGU
MURES
ARAD
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l
l
MEDIAS
l
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ORADEA
TIMISOARA
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M. CIUC
l
TÂRGOVISTE
PITESTI
CRAIOVA
l
l
BRASOV
l
GALATI
BRAILA
l
l
l
c'est celle qui ne donne pas mal à la tête !
Pas étonnant donc, en pleine saison de distillation, de voir
des flammes déchirer l'obscurité qui a envahi les campagnes
du Maramures : les alambics marchent jour et nuit.
La palinca jaune, rare et chère
TULCEA
l
n
CONSTANTA
BUCAREST
l
SOS Alambic
50
La meilleure tsuica…
Les Tsiganes sont les maîtres
d'œuvre de la fabrication des alambics. On s'en remet à leurs talents
de ferblantier pour les construire ou
les réparer. A l'automne on les voit
sillonner le Maramures, proposant
leurs services. Deux clans, spécialistes réputés du cuivre, venus des
judets de Salaj (Zalau) ou du Mures
(Targu Mures), se partagent la tâche.
Ils viennent avec leurs charriots,
transportant leur matériel et les tentes qui leur serviront d'abri pour la
nuit, et repartent au début de l'hiver.
Pendant la saison de la distillation, si un problème survient, les
villageois font appel à des Tsiganes
qui on l'avantage d'habiter à Vadu
Izei, aux portes de SighetuMarmatiei, mais sont moins qualifiés.
En quelque sorte… "SOS alambic".
P
our réussir une bonne tsuica ou palinca, tout est affaire de réglage et même le
choix du moment de la distillation influera sur sa qualité, en avril-mai généralement pour les pommes et les poires, en novembre-décembre pour les prunes, qui pourrissent plus vite. Bien d'autres facteurs sont à prendre en considération. Ne
serait-ce que le récipient qui contient les fruits. Rien ne vaut une vieille barrique en bois,
une "ton", mais même si elle est neuve, aujourd'hui cela coûte les yeux de la tête et
beaucoup de paysans se rabattent sur des containers en plastique, quatre fois moins cher.
Le bois est essentiel dans le processus de fabrication… même le bois de chauffe, car
c'est lui qui assurera la constance de la chaleur fournie à l'alambic quand on fait bouillir
les fruits. Il faut donc un bois sec, en quantité suffisante pour que le feu ne s'éteigne pas
ou baisse dangereusement. Le villageois l'apporte lui-même, comme ses barriques, dans
une charrette ou un tracteur.
C'est dans les vieux pôts qu'on fait la meilleure soupe
On a l'habitude de dire que c'est dans les vieux pôts qu'on fait la meilleure soupe…
La règle est tout autant valable pour la palinca. Jusque dans les années 70, les alambics
étaient fabriqués en cuivre ancien, bien meilleur d'après les connaisseurs. L'électrolyse
Pour sa peine, le distilleur recevra
45 lei (10 €) pour cent litres produits…
mais aussi emportera 4,5 litres de sa
fabrication. Il pourra se frotter les mains
si sa palinca est bien claire et fait des
bulles quand on la secoue, ce qui
indique qu'elle titre au moins 50°… tout
en veillant à ne pas dépasser les 56-57°,
seuil considéré comme mauvais pour la
santé même pour un usage modéré.
Autre test de qualité possible: se
laver les mains en s'en versant deux ou
trois gouttes et en se frottant les paumes.
En s'évaporant, l'alcool doit libérer l'odeur du fruit… mais ce n'est pas garanti.
Bien sûr, il y a la palinca jaune, dont
la couleur or ouvre bien des envies. Mais
attention aux contrefaçons! Pour obtenir
cette coloration, certains n'hésitent pas à
deux-trois mois, des noyaux dans la bouteille ou à y glisser une
branchette de prunier ou pommier. Le mordoré naturel ne s'obtient qu'après au moins vingt ans de maturation.
Rare et chère, cette palinca peut
atteindre 150 à 200 lei le litre (45
euros)… contre 15 lei (3-4 euros) celle
de pomme ordinaire chez le producteur,
20 lei celle de prune et 35 lei celle de
l'année.
De toutes manières, même blanche
et faite par le voisin, cette palinca ou
tsuica est assurée d'être bien meilleure
que celles vendues en magasin ou
exportées, produites industriellement.
Aucun hôtel ou restaurant digne de ce
nom ne les font d'ailleurs figurer sur
leur carte.. le client étant bien inspiré de
demander au garçon de lui en servir une
de la confection de son grand-père, qu'il
tient toujours dissimulé sous le comptoir!
Et ne jamais oublier ce double prinLe plus vieil alambic du Maramures. cipe: une bonne tsuica c'est une affaire
de confiance en celui qui la fabrique et
rajouter, l'espace de
surtout c'est celle qui ne donne pas mal à la tête!
Contrebande et monnaie d'échange 51
Interdite sous le communisme
Sous le communisme, le régime
avait tenté en vain de réglementer la
production de palinca, allant jusqu'à
l'interdire, ce dont se moquait la
population. Les contrevenants risquaient jusqu'à cinq ans de prison ce
qui ne les empêchaient pas de procéder à des distillations clandestines, souvent en bordure de torrents
pour laver le matériel et dissimuler
les odeurs, n'hésitant pas à faire une
dizaine de kilomètres. Les alambics
étaient cachés sous des meules de
foin ou enterrés.
Ceausescu avait cependant desserré l'étreinte, en autorisant une
quinzaine dans la région du
Maramures afin d'utiliser les résidus
de fruits des kolkhozes…mais aussi
approvisionner la nomenklatura de
Bucarest.
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Départ pour le cazan, avec les tonneaux remplis de fruits qui ont macéré pendant plusieurs mois.
Il faut aussi penser à emmener suffisamment de bois pour entretenir le feu sous l’alambic.
ayant fait son apparition dans sa fabrication, dès que la température de chauffe dépasse
les 300 degrés la concentration d'acide sulfurique s'élève dans le précieux liquide
recueilli, à la suite de fuites. Si bien qu'aujourd'hui, les nouveaux alambics sont réservés à la première distillation, d'une durée de deux-trois heures, la seconde, une heure ou
deux, s'effectuant impérativement dans les vieux.
Faire sa palinca n'est donc pas une sinécure et il faut compter sur le coup de main
de sa famille ou de ses voisins pour mener à bien toute l'opération… qui peut prendre
jusqu'à deux-trois jours. De nombreux alambics n'ont qu'une capacité de 300 kilos de
fruits, or des villageois viennent avec des tonneaux de plus d'une tonne. A moins de
dénicher une distillerie en possédant plusieurs, il faudra donc procéder à trois ou quatre tournées… et à chaque fois laver consciencieusement le matériel utilisé.
D
epuis 2006, les Roumains
doivent obligatoirement faire
distiller leur tsuica à l'alambic "officiel" de leur village ou de leur
secteur. Mais leur nombre étant très
insuffisant, leur utilisation, compliquée et
couteuse, ils s'en remettent aux quelques
60 000 alambics familiaux ou de voisinage que compterait le pays, si bien qu'on
estime qu’environ 90 % de la production
nationale de tsuica et
palinca,
évaluéeau
total à 130 millions de
litres par an, s'effectue
clandestinement.
En réglementant
le secteur, l'Etat ne
pensait pas avant tout
à préserver la santé
des citoyens… mais à
récupérer les taxes qui
lui échappaient du fait
de la contrebande de
l'alcool et de l'évasion
fiscale.
Les propriétaires
de vergers sont aujourd'hui autorisés à produire 50 litres annuellement, moyennant une taxe de deux
euros par litre, doublée ensuite. Les
contrevenants s'exposent à la saisie de
leur matériel et à une amende de 4000 à
25 000 €. Autant dire que le "téléphone
arabe" fonctionne rapidement dans les
vallées du Maramures dès qu'on détecte
la présence des contrôleurs du fisc dans
les parages, qui se laissent guider dans
leurs investigations… par leur nez.
Le seuil de 50 litres est vite atteint si
on prend une famille où seul le mari
consomme un petit verre (10 cl) par jour
soir 36,5 litres par an, auxquels il faut
rajouter une quinzaine de litres pour les
visiteurs, hôtes, invités, les fêtes (mariages, baptêmes, Ignatul et abattage du
cochon, Pâques, etc), les cadeaux, notamment aux parents qui habitent en ville et
n'ont pas de vergers… sans oublier que la
tsuica sert aussi à payer le médecin, le
pope et autres services, circulant ensuite
comme monnaie d'échange.
Dégâts sur l'environnement
La production de tsuica ne va pas
sans poser de sérieux problèmes environnementaux. Après la distillation, les
détritus des fruits sont censés être stockés
dans des dépôts où la putréfaction les
dégrade définitivement. Mais nombre de
producteurs ne s'embarrassent pas de
cette contrainte et jettent leurs résidus
dans les rivières.
Fortement acides, ils causent des
dégâts très importants parmi la faune et la
flore. D'autres préfèrent les enterrer, abimant aussi la qualité des terrains.
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Traditions
Boire un p'tit coup
SUCEAVA
l
l
l
BAIA
MARE
l
UNGHENI
IASI
ORADEA
TARGU
MURES
l
l
BRASOV
l
l
TIMISOARA
GALATI
BRAILA
PITESTI
CRAIOVA
l
l
l
l
TULCEA
l
n
BUCAREST
CONSTANTA
l
Triplement distillée à 85°
52
Connaissance et découverte
à 50 litres par famille de paysans
de moins en moins facile
l
BACAU
l
ARAD
Sa production a été limitée
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Si la tsuica n'est distillée qu'un fois
(30 ou 40°), ce qui se pratique surtout
dans le sud de la Rouma-nie, elle
l'est deux fois en Transylvanie (5055°) prenant le nom de palinca.
Cette pratique est due aux Juifs
qui avaient coutume de le faire au
XVIIème siècle, à l'occasion de
leurs fêtes religieuses, la population l'adoptant par la suite. A la fin
du XIXème siècle, la communauté
juive procédait même à une triple
distillation donnant de la palinca
sortant de l'alambic à près de
85°… un poison mortel qui a
disparu en même temps que les
Juifs ont quitté le pays ou ont été
éliminés.
Echanges
Servie chaude dès le matin, dans un petit verre pour souhaiter la bienvenue
ou avant un repas de fête, la tsuica est sans conteste la boisson nationale roumaine, porteuse des traditions du monde rural. Mais cette production artisanale est
soumise à des règles de plus en plus strictes. Reportage dans une petite distillerie
familiale au cœur du pays.
V
ous tournez à droite, vous verrez, c'est la dernière maison au bout de la
route...". Pour trouver George Rozor; rien de plus simple. Il suffit de prononcer le mot tsuica et aussitôt les bras se lèvent pour indiquer la direction de sa distillerie. Dans le petit village de Botorca, à une vingtaine de kilomètres de
Médias (entre Sibiu et Târgu Mures), il est le maître du cazan, où chacun vient produire son eau de vie.
A bientôt 30 ans,
après dix années passées entre Sibiu et
Bucarest, George a
repris
depuis
quelques mois la tête
de l'affaire fondée
par son père en 1993.
Après un café et
de nombreuses cigarettes, il débute la
visite de son "royaume", installé à côté
de la maison familiale. Tout sourire, le
jeune homme passe la porte et pénètre dans la petite cahute grise. Dans les vapeurs
d'alcool, quatre alambics tournent à plein régime et extraient de kilos de prunes, poires, pommes ou griottes la substantifique moelle: la tsuica, distillée à deux reprises.
Rencontres OVR
à Mayenne, fin octobre
Première distillation à 50 degrés, seconde à 80 degrés
Les prochaines Rencontres nationales d'Opération Villages Roumains solidarités (OVRS) se dérouleront à
Mayenne, dans l'Ouest de la France,
les samedi et dimanche 27 et 28 octobre 2012. Cultures, éducation et formation en seront les thèmes principaux
à partir des situations en France,
Belgique, Roumanie et Moldavie.
Quelles sont les forces et faiblesses de
ces différents pays dans un contexte
de crise économique et morale, comment OVRS peut aborder ces problèmes dans ses actions seront les questions au centre des débats. Un point
sera également fait sur l'état d'avancement du projet culturel sur les contes
et légendes dans ces quatre pays et
sur les ateliers du raid cycliste Delta
2013. Le dimanche matin sera consacré à l'assemblée générale statutaire.
En ce premier jour d'automne, le carnet de commandes est rempli. La production
a commencé à la fin de l'été et va durer jusqu'aux premiers jours de l'hiver Au total,
pas loin de mille clients, venus des villages et villes alentours, vont se succéder. Ce
matin, c'est le tour de Vasile, ouvrier sylvicole originaire de Botorca. Concentré, le
pull taché de fruits, il tourne la manivelle de l'un des alambics mordorés, pour aider à
la distillation de ses 800 kilos de poires, qui fermentent depuis trois semaines. "Je fais
ma propre tsuica depuis dix ans", explique-t-il, avant de se lancer dans une savante
explication du processus de fabrication. George sourit et simplifie.
"On fait bouillir les fruits fermentés, la vapeur d'alcool est ensuite refroidie et
transformée en liquide. A l'issue de la première distillation, la teneur en alcool est de
50 degrés, puis tombe rapidement à 15 ou 20. Et après la deuxième distillation, la
tsuica sort de l'alambic à 80 °, avant de retomber à 50 °. C'est de l'alchimie!".
Chaque jour; près d'une tonne de fruits sont ainsi transformés en eau de vie. "Le
rendement varie, explique George, il est de 10% pour la prune, de 5% voire moins
pour les autres fruits, tout dépend de la teneur en sucre". Vasile, lui, devrait repartir
avec "40 ou 50 litres de poire, la meilleure", précise-t-il tout sourire. "Mais je ne la
vends pas, c'est pour ma consommation personnelle. J'ai des poires sur mes terres, ce
serait dommage de ne pas en profiter ! Ici, c'est une tradition de faire de l'eau de vie
avec les fruits, c'est comme ça qu'on a grandi et qu'on a été élevé".
Dans les campagnes roumaines, la cérémonie du fiert (distillation) est en effet un
rituel automnal incontournable.
"Pour eux, c'est une fête de venir faire sa tsuica", confie
Maria Rozor; la mère de George. "Ils restent ici, donnent un
coup de main, certains débarquent avec une caisse de bières
et font un gratar, c'est une ambiance agréable, tout le monde
se détend, passe du bon temps", raconte son fils, amusé.
Egayé par les vapeurs d'alcool,Vasile confirme. "J'aime ce
moment, j'aime venir ici, ça ne fait pas de moi un alcoolique,
mais la tsuica fait partie de la vie quotidienne. On la boit
lors des grandes occasions, avant, pendant et après le
repas...".
Taxes et normes européennes
Emblématique de la vie rurale, la tuica est pourtant menacée par une législation de plus en plus stricte et une fiscalité de
plus en plus lourde. "Depuis 2006, l'Etat a introduit de nouvelles taxes (accize en roumain, ndlr): désormais, il faut verser 8
lei pour chaque litre d'alcool à 50 degrés produit et 6,5 lei
pour chaque litre d'alcool à 40 degrés", explique Maria Rozor.
"Résultat, le nombre de clients a baissé, il y a beaucoup de
petits paysans qui ne peuvent plus se permettre de venir chez
nous". Pour Maria et son fils aussi, les contraintes se sont multipliées. "C'était plus simple il y a quelques années, à l'époque
de mon mari. Aujourd'hui, entre les taxes, les frais de fonctionnement, d'entretien, les réparations, on s'en sort tout juste; car
nous percevons 20% de ce qui est produit, c'est tout", déplore
cette dynamique quinquagénaire.
En plus des taxes, il leur a
fallu se mettre aux normes européennes - 3500 euros pour obtenir
le certificat ISO en 2004 - et s'adapter aux évolutions législatives
roumaines qui tendent à réduire la
production.
"L'activité est de plus en plus
contrôlée", note Maria. "En août,
avant de démarrer la production,
nous devons appeler les douanes,
pour qu'ils viennent desceller le
cazan. Ils font une estimation très
précise de la capacité de production et savent ainsi le montant des
taxes qui seront versées à l'Etat.
Ils parlent même d'installer un
compteur pour renforcer le
contrôle". L'étau se resserre aussi
autour des consommateurs. Voici
encore peu, un particulier était
autorisé à produire 200 litres pour
la consommation familiale. Mais
afin d'éviter qu'une grande partie de cette tsuica maison se
retrouve mise en vente sur le bord des routes dans les fameuses bouteilles en plastique, l'Etat a adopté un projet de loi limitant à 50 litres la production familiale.
Sous Ceausescu, une odeur
persistante dans les cages d'escalier
"Tout cela tue les petites distilleries", soupire George. Il
ne reste plus que deux distilleries dans les environs, contre
vingt cazan il y a quelques années. "L'objectif est sans doute
de concentrer la production dans les grandes distilleries.
Mais, honnêtement, je ne crois pas que ces mesures empêchent
les gens de faire leur tsuica. Ils la font à la maison, c'est tout!
C'était pareil à l'époque de Ceausescu, dans les blocs, je me
souviens qu'il y avait une odeur persistante d'alcool dans les
cages d'escalier d'août à décembre…".
Pour résiste, George veut grandir; c'est selon lui la seule
porte de sortie. "Le projet est simple: produire et commercialiser
ma propre marque de tsuica, plutôt de haute qualité, et sans doute
à l'export". Mais pour cela, il lui
faut créer un verger; bâtir un hangar pour faire vieillir sa tsuica, un
laboratoire, un atelier de mise en
bouteilles.
"Cela nécessite un important
investissement, et c'est d'autant
plus compliqué qu'on ne peut pas
prétendre aux fonds européens
quand on produit de l'alcool". II
espère conclure un partenariat
avec une distillerie plus importante, tout en gardant son indépendance. "Cela va me prendre du
temps, dix ou quinze ans sans
doute", lance-t-il, les yeux
pétillants.
En attendant que sa tsuica
parte à la conquête de l'Europe,
George s'en retourne vers son
cazan pour aider Vasile à terminer sa cuvée. Comme tous les
ans, ce cru sera ensuite précieusement conservé dans des bouteilles en plastique et servi à chaque grande ou petite occasion.
Marion Guyonvarch (Regard)
53
Connaissance et découverte
Les NOUVELLES de ROUMANIE
Blagues
Humour
Problème de logique
54
Un étudiant, furieux d'avoir été recalé à son examen de mathématiques, va
demander des comptes à l'examinateur :
-Monsieur le Professeur, si je vous
pose une question de logique à laquelle
vous ne pouvez pas répondre, est-ce que
je suis reçu ?
-Oui, çà marche… je t'écoute…
-Monsieur le Professeur, pouvezvous me dire ce qui peut-être légal mais
illogique, illégal mais logique, illogique
et illégal… le tout à la fois ?
-L'examinateur réfléchit longuement,
fait des schémas sur une feuille, pour
finalement avouer qu'il tire la langue.
Beau joueur, il tient sa promesse, augmente la note du candidat mais, piqué
par la curiosité lui demande la réponse:
-Eh bien, Monsieur le Professeur, le
fait que vous ayez 69 ans et que vous
soyez marié avec une jeunette de 22 ans,
est légal mais illogique… qu'elle vous
trompe avec un jeune de son âge est illégal mais logique. Et pour finir, que vous
permettiez à son amant de réussir son
examen sans raison est à la fois illégal et
illogique !
casser la gueule ?!!!
-Non… parce que je suis un garçon
calme et sage, j'attends…
-Mais t'attends quoi ???
-Qu'elle sorte avec un moins baraqué.
Déjà macho
Ion rassemble sa progéniture
- Les enfants, cette année, nous
avons décidé de partir en vacances en
pension complète!
- C'est quoi la pension complète?
demande Bula
- La pension complète c'est le top!
Nous allons dormir dans un hôtel ou une
dame viendra le matin refaire nos lits,
faire le ménage, remettre des serviettes
propres; au restaurant de l'hôtel, on pourra aller prendre un copieux petit déjeuner,
des cuisiniers nous prépareront notre
déjeuner et notre dîner pendant que nous
nous promènerons. C'est super, non?
- Oui, oui répond Bula sur un air
dubitatif
- Quelque chose ne vas pas? s'inquiète Ion
- Non, non, mais je me demande
pourquoi on emmène maman, alors?
Mystère
Mal élevé
Maria rencontre une copine dans la
rue et toute rouge d'émotion, lui confie
-Je sors de chez le docteur et il m'a
dit que j'étais enceinte.
-Bravo, c'est super! Et qui est le
père?
-Ah ben çà, il ne me l'a pas dit…
Prudence
Bula vient d'apprendre que sa copine
sort avec un autre gars. Son copain s'indigne:
-Comment çà… tu ne lui pas encore
Un citoyen se présente au poste de la
milice et demande à voir le chef de poste
pour lui faire une déclaration de la plus
haute importance. Devant son insistance,
on l'introduit devant cet important personnage à qui il déclare :
-Camarade, je viens déclarer que
mon perroquet s'est échappé.
-Comment ! C'est pour ça que tu me
déranges ?
-Pas seulement pour ça camarade. Je
voudrais aussi qu'on enregistre une déclaration.
-Quelle déclaration ?
-Je tiens à affirmer avec force et
solennité que je n'ai pas les mêmes opinions politiques que mon perroquet.
Récompense
Un journal de Craiova lance un
concours d'histoires drôles sur Ceausescu. Premier prix: vingt ans, ferme.
Charitables
Deux popes cheminent de concert.
Sur leur chemin, ils trouvent au beau
milieu de la chaussée le cadavre d'un âne.
Unissant leurs efforts, ils le poussent
péniblement dans le fossé et s'en vont
prévenir la milice. Le commandant, à
peine ont-ils terminé leur histoire, se met
à les railler :
-Très intéressant, vraiment, vous
pensez qu'il faut un enterrement civil ou
religieux ?
-C'est votre affaire, répond le plus
vieux des popes, nous, nous voulions seulement avertir les proches du défunt.
Promesse d'ivrogne
Ion rentre à la maison… un sérieux
coup dans le nez :
-Maria, ouvre-moi !
-Non, tu n'es qu'un ivrogne !
-Peut-être… mais j't'en supplie ouvre
moi !
-Non et non…va cuver ton vin
ailleurs, pochard !
-Maria, je t'ai apporté un magnifique
bouquet pour la plus belle femme du
monde…
Maria se laisse convaincre et descend
ouvrir.
-Mais où est le bouquet ?
-…Mais où est la plus belle femme
du monde ?
Les Nouvelles de Roumanie sur Internet !
Les Nouvelles de Roumanie disposent désormais d'un site internet www.lesnouvellesderoumanie.eu sur lequel vous pouvez consulter sans exception tous les numéros parus depuis le premier (septembre 2000), sauf ceux datant de moins d'un an,
réservés aux abonnés, dont les internautes peuvent cependant retrouver la présentation.
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Les NOUVELLES
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Numéro 73, septembre-octobre 2012
Lettre d'information bimestrielle sur
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(Association pour le Développement
International, la Culture et l’Amitié)
association loi 1901
Siège social, rédaction :
8 Chemin de la Sécherie
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Tel. : 02 40 49 79 94
E-mail : [email protected]
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Directeur de la publication
Henri Gillet
Rédactrice en chef
Dolores Sîrbu-Ghiran
Ont participé à ce numéro :
Laurent Couderc, Jonas Mercier,
Marion Guyonvarch, Mirel Bran,
Yves Lelong, Julia Beurcq, Terente
Gilles Ribardière, Daniel Befu
Lioudmila Stankova, Gilles Roberto
Désirée-Hermione Ngoma
Alain Chotil-Fany, Mihaela Ionitsa
Edith Lhomel, Teofil Ivanciuc
Daniela Mogavero,
Philippe Vion-Dury
Autres sources: agences de presse
et presse roumaines, françaises,
lepetitjournal.com, télévisions
roumaines, sites internet.
Impression: Helio Graphic
2 rue Gutenberg
ZAC du Moulin des Landes
44 981 Sainte-Luce sur Loire Cedex
Numéro de Commission paritaire:
1112 G 80172; ISSN 1624-4699
Dépôt légal: à parution
Prochain numéro: nov. 2012
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Les NOUVELLES de ROUMANIE
Le bifteck-frites
de Marcelle et Radu
U
n bifteck-frites ! Voilà ce qu'on s'est offert pour notre mariage". En ce jour de
1951 - le jour même de ses 21 ans et de sa majorité - Marcelle devenait Mme
Menga, épousant enfin son Radu (notre photo). Le jeune couple n'avait pas un sou
et donc pas les moyens de faire venir à Paris la famille de Bretagne. En guise de jaquette,
Radu, réfugié de la région de Suceava atterri en France, portait un manteau donné par la Croix
Rouge. Tant pis ! Les mariés, déjeuneront en tête à tête, bienheureux d'avoir trouvé une église acceptant de les unir, étant de religion différente. Les jeunes gens avaient fait connaissance dans un restaurant universitaire de la capitale. Marcelle, venue de sa
Bretagne natale et qui ne connaissait rien de la Roumanie… était toute heureuse d'y avoir trouvé un emploi: professeur de bonnes
manières pour la ville de Paris. Elle apprenait aux jeunes filles la broderie, l'art de mettre la table et de bien se tenir. L'école fermera ses portes deux ans plus tard. La Bretonne s'inscrira tout de suite au cours de kinésithérapie, laquelle faisait ses tous premiers
pas en France… et deviendra l'une des cinq premières kinés françaises !
A "l'école du diable" dans une Bretagne dominée par les curés
56
Née en 1930 dans une famille très modeste de Guémené-Penfao, dans la
Loire inférieure de l'époque, Marcelle a vite appris de la vie, voyant son père,
sabotier, trimer dur chaque jour pour nourrir ses onze enfants. L'exemple de sa
mère la marquera profondément. Bien que dépourvue de diplômes, celle-ci
s'instituera écrivain public de la commune, rédigeant aussi bien les requêtes
administratives que les lettres d'amour. Avec ses frères et sœurs, Marcelle,
comme les enfants des familles démunies, sera envoyée à "l'école du diable"
dans cette Bretagne pas encore sortie du XIXème siècle, où les curés et leurs
bonnes âmes régnaient en maîtres, montrant du doigt les "petits vauriens" qui
la fréquentaient.
L'école de la République aura sa revanche. Marcelle, qui a sauté deux classes, obtient à quatorze ans son brevet d'instituteur et, grâce aux bourses obtenues dans des concours, continue ses études à Nantes jusqu'au bac. Sa sœur
aînée, Michelle, décrochera de son côté les premiers prix de maths et de dessin du concours général, au plan national.
Radu, lui, était né en 1924 dans une famille bourgeoise de Solca, bourgade de Bucovine où se sont installés de nombreux
Polonais, venus travailler dans les mines de sel des environs. La ville a été autrefois une station thermale, où les curistes aimaient
se reposer et prendre les eaux, tout en profitant de l'air et du paysage vallonné avoisinant. Son père, qui a refusé de suivre la tradition familiale destinant tous les garçons à devenir prêtre orthodoxe, est le percepteur de la commune. La quiétude des lieux est brutalement brisée le 21 juin 1940, quand l'Armée Rouge envahit la région. Le père de Radu est tué dans les jours suivants, dans des
circonstances mystérieuses. Le jeune garçon réussit à s'enfuir et, à 16 ans, traverse toute l'Europe pour aboutir à Paris, obtenant le
statut de réfugié politique. Sa connaissance de l'Allemand conduiront les autorités française à l'envoyer travailler dans les mines
de charbon de la Sarre. Fâcheuse destination car il y perdra la santé, son état s'aggravant par la suite avec son emploi jusqu'à la
retraite dans l'industrie des matières plastiques, naissantes alors.
L'exilé roumain ne reverra jamais sa terre natale
Le Roumains exilé avait été ému par l'accueil de sa belle-famille bretonne. Il passera 46 ans auprès de Marcelle, dans la région
parisienne près de Saint Germain en Laye, jusqu'à son décès en 1997, à 73 ans, dans leur maison de Chambourcy. Radu ne reverra jamais son pays, trop malade pour y retourner après la "Révolution" et restera apatride: il voulait retrouver sa nationalité, perdue
malgré lui, avant de devenir Français.
Tout au long de leur vie commune, le tempérament de sa "petite Bretonne" ne manquera pas de le surprendre. Institutrice puis
directrice d'école maternelle, pendant la petite enfance de leurs trois garçons, Marcelle s'occupera des familles de harkis au moment
de l'indépendance de l'Algérie, à la demande de son inspecteur d'académie. Puis, se prenant de passion pour la philosophie à la quarantaine bien sonnée, elle achèvera sa carrière d'enseignante comme prof de philo… entamant à la retraite un doctorat dans cette
discipline à l'Institut des Hautes Etudes, sous la direction de Serge Moscovici, fondateur de la psychologie sociale européenne, père
du ministre Pierre Moscovici, natif de Braila et réfugié comme Radu.
Marcelle n'est allée que deux fois en Roumanie. La première en 2002. Une sorte de pèlerinage organisé par son fils aîné qui
avait acheté une voiture neuve pour l'occasion et embarqué toute la famille. Aujourd'hui, à 82 ans, elle est émue de constater que
ses enfants n'oublient pas le pays de leur père et relève avec fierté que, grâce aux échanges de professeurs et élèves animés par sa
belle-fille Martine, enseignante au lycée de Saint-Germain, le français est redevenu la première langue enseignée à Solca !